Gaston BACHELARD Agrégé de Philosophie Licencié ès Sciences Mathématiques Docteur è6 Lettres La Valeur inductive de la Relativité c PARIS LIBRAIRIE PHILOSOPHIQUE J. VRIN 6, Place de la Sorbonkb (Ve) 1929 404967 w, W/ / (3WWÏ-) /mw La Valeur inductive de la Relativité ] DU MÊME AUTEUR Essai sur la connaissance approchée. Étude sur l'évolution d'un problème de Physi- ue : la propagation thermique dans les solides. J. Vrin, éditeur. La Valeur inductive de la Relativité INTRODUCTION La nouveauté des doctrines relativistes. I Un des caractères extérieurs les plus évidents des doctrines relativistes, c'est leur nouveauté. Elle étonne le philosophe lui-même, devenu subi- tement, en face d'une construction aussi extraor- dinaire, le champion du sens commun et de la simplicité. Cette nouveauté est ainsi une objec- tion, elle est un problème. N'est-ce pas d'abord une preuve que le système n'est pas contenu tout entier dans ses postulats, prêt à l'explication, apte à la déduction, mais qu'au contraire la pensée qui l'anime se place résolument devant une tâche constructive où elle cherche les compléments, les adjonctions, toute 6 la. valeur inductive la diversité que fait naître le souci de la préci- sion ? Autrement dit, la nouveauté relativiste n'est pas d'essence statique ; ce ne sont pas les choses qui viennent nous surprendre, mais c'est l'esprit qui construit sa propre surprise et se prend au jeu de ses questions. La Relativité, c'est plus qu'un renouvellement définitif dans- la façon de penser le phénomène physique, c'est une méthode de découverte progressive. Historiquement parlant, l'apparition des théo- ries relativistes est également surprenante. S'il est, en effet, une doctrine que des antécédents historiques n'expliquent pas, c'est celle de la Relativité. On peut dire que le premier doute relativiste a été apporté par Mach. Mais ce n'est alors qu'un doute sceptique; ce n'est aucunement un doute méthodique susceptible de préparer un système. M. von Laue ne s'y est pas trompé. « La conception de Mach, dit-il (1), n'était jus- qu'à fort peu de temps qu'une objection de scep- tique à la conception dominante ». En somme, la Relativité n'a de rapport avec l'histoire que sur le rythme d'une dialectique. Elle se pose en s'opposant. Elle exploite le terme jusqu'alors négligé d'une alternative initiale. On s'explique donc qu'elle rompe avec un enseignement et des habitudes particulièrement solides et qu'elle (1) Von Laue, La théorie de la Relativité. Trad. Létang, 1924, t. I, p. 12; Cf. Hans Reichenbach, Philosophie der Raam-Zeit-Lehre, 1927, p. 252. de|?la relativité 7 apparaisse comme proprement extraordinaire. La Relativité est-elle plus assurée et plus régu- lière dans sa filiation expérimentale ? Il ne le semble pas au premier abord. Elle est née, comme on le sait, d'une expérience manquée. Elle pré- sente par conséquent une rupture avec un corps d'expériences qui avait fourni sur sa valeur une longue série de preuves. Dans l'esprit de beau- coup de ses critiques, la Relativité porte la peine de cette négation originelle et plus que toute autre doctrine elle doit convaincre de sa richesse expérimentale en apportant des phénomènes nouveaux. Le Relativiste a d'ailleurs l'ardeur militante du novateur. Avant tout, il affirme sa foi réaliste, il se proclame physicien d'abord, il en appelle, du bon sens offusqué par les préjugés, au bon sens averti par une critique préliminaire — de l'expe- rience commune, à l'expérience raffinée. Il nous retourne l'épithète de métaphysicien : Nous étions pressés de choisir, pressés de conclure; nous avons pris le chemin facile et commun, la route de la plaine, nous n'avons pas vu le sentier ascen- dant qui mène aux larges horizons, à ces centres d'observation où la vraie figure du pays apparaît enfin dans sa totalité et dans sa nouveauté. C'est en effet à la fois à un élargissement inces- sant de la pensée et à une totalisation métho- dique des phénomènes intuitivement divers que tend la Relativité et l'on devra reconnaître une 8 la. valeur inductive double source à la force inductive qui l'anime. Cette force inductive s'appuie tour à tour sur des raisons expérimentales et sur des raisons d'ordre mathématique. Mais la convergence des résultats est si nette qu'on doit pouvoir montrer, dans la Relativité mieux qu'ailleurs, d'où pro- cède l'unité de la pensée mathématique et dr l'expérience. C'est cette unité qui doit relever le Relativiste de l'accusation de théoricien uto pique. «En général, dit Bossuet, tout novateur- est artificieux ». Cette critique ne saurait porter contre le système de M. Einstein, car la force d'expansion de l'idée relativiste coule d'un même centre et on peut la suivre jusqu'à ce qu'elle affleure dans l'expérience. On peut dire qu'en examinant le phénomène sur un plan théorique tout nouveau, la Relativité invente vraiment l'expérience, qu'elle crée son expérience. En fait la sensibilité du phénomène relativiste est telle qu'on ne voit guère quel sens on donnerait aux phénomènes nouvellement découverts en dehors des conceptions relativistes. Une si grande unité dans l'invention nous a paru mériter un examen particulier. Malheureusement, cette marche de l'invention, nous n'avons pu la revivre que du dehors et d'une manière sans doute bien fragmentaire. Il n'appartiendrait qu'à ceux qui ont fait avancer la doctrine de nous livrer le dynamisme de leur découverte et d'abord les toutes premières sug- de|?la relativité 9 gestions par lesquelles l'analogie, la généralité, la dialectique, la fantaisie même ont éveillé l'invention. L'épistémologue ne dispose pas de ces confidences. Il ne peut étudier que les oeuvres. Nous serions cependant payé de nos peines si nous pouvions engager les théoriciens à relier plus étroitement les preuves scientifiques et les preuves psychologiques, à nous donner enfin la préparation épistémologique complète de leurs découvertes. Us auraient peut-être plus d'action en nous montrant leur pensée dans ses tâtonne- ments, dans ses défaites, dans ses erreurs, dans ses espérances que dans le brillant éclat d'une construction logique fermée sur elle-même, por- tant partout la marque de son achèvement. Cette construction, en effet, nous en comprenons le plan quand nous y avons enfin accédé, mais reste toujours inexpliquée la nécessité de cons- truire. Pourquoi la pensée a-t-elle besoin de mul- tiplier ses schémas ? Où trouve-t-elle la première impulsion épistémologique ? Où réside le principe des rectifications incessantes ? Le réel est-il vrai- ment suggestif ? La pensée, par sa marche même, ne pose-t-elle pas le problème d'une véritable auto-suggestion logique ? Autant de questions que le philosophe devrait sans cesse poser au physicien et au mathématicien. Nous voudrions donc avoir réussi à fixer l'atten- tion sur quelques-uns des instants décisifs* où la pensée s'enrichit et s'éclaire. Tel fut du moins 10 la. valeur inductive notre but unique. Nous nous sommes efforcé de nous maintenir sur ce problème épistémologique particulier. II C'est de ce point de vue que nous avons étudié, en premier lieu, le lien des approximations new- toniennes et einsteiniennes. La précision des expériences réclamées par la théorie de M. Eins- tein est en effet d'un tel ordre qu'il faut d'abord rendre compte de sa nécessité. C'est en somme l'introduction indispensable qui doit répondre aux objections préalables du physicien livré au pragmatisme de la mesure. Cette introduction doit également servir d'argument pour lutter contre l'indifférence excessive de ces théoriciens qui ne voient dans un système scientifique qu'un moyen plus ou moins commode de résumer l'expé- rience. D'ailleurs, comme nous essaierons de le montrer, l'allure des approximations succes- sives suit de très près les voies d'une induction. Dans un deuxième chapitre, nous avons essayé de pénétrer au cœur même de l'induction mathé- matique et de montrer comment la pensée du mathématicien, en visant la généralisation systé- matique et maxima, entraîne finalement l'expé- rience hors de son domaine de premier examen. de|?la relativité 11 La valeur objective des doctrines relativistes nous a alors paru subordonnée à la valeur induc- tive de la pensée qui les anime. Dans un troisième chapitre, nous avons entre- pris de suivre, sous le nom de Relativation, le progrès, dans des voies multiples, de l'idée même de la Relativité. Nous avons réuni dans une deuxième partie une suite de chapitres qui devraient éclairer, si nous avions pu seulement leur donner plus d'extension et de profondeur, tout ce qui con- fère de l'unité, de la continuité, de la coordina- tion, de la nécessité à la pensée relativiste. i Enfin, nous avons rejeté dans une troisième partie des opinions plus philosophiques et plus personnelles que le lecteur pourra par conséquent examiner avec moins d'attention. Ces opinions sont relatives à la valeur objective des doctrines relativistes. Elles tendent à présenter la réalité elle-même comme le résultat d'une espèce d'in- duction ; elles correspondraient donc à une réalité qu'on trouve au sommet et non à la base d'un mouvement de pensée. Si nous avions raison jusque dans ces conséquences philosophiques du pro- blème étudié, la Réalité devrait apparaître comme une conquête de l'Esprit, la conquête décisive et dernière de la pensée discursive. mm < Livre premier CHAPITRE PREMIER Les doctrines de la Relativité et l'approximation newtonienne. I On a coutume de dire que le système de Newton représente la première approximation de notre connaissance mécanique des phénomènes de la gravitation alors que le système d'Einstein réalise une connaissance plus poussée, plus fine, plus complète, qui retrouve d'ailleurs les résultats newtoniens par le jeu normal de simplifications numériques. En elle-même, cette relation d'approximation des deux systèmes mérite l'examen. D'abord d'une façon générale, la simple re- 14 la. valeur inductive cherche de la précision pose toujours le problème de l'élargissement d'une doctrine. Elle est con- duite sur un rythme dialectique qui prend pré- texte de l'observation aberrante pour susciter la réforme de l'expérience. De cette manière, l'effort de précision se place juste à la jonction de l'observation et de l'expérimentation : d'une part, si l'on accepte d'être imprécis, l'observa- tion se suffit à soi-même, elle n'a nullement besoin de détacher le fait de la loi ; d'autre part, si l'on veut préciser une observation, on devra trouver une méthode pour en sérier les éléments, pour déceler la sensibilité plus ou moins grande de ses conditions. On s'explique ainsi que des rectifica- tions même faibles peuvent réclamer un remanie- ment des cadres fondamentaux de la théorie et appeler des expériences de vérification toutes nouvelles. Bref, la série des approximations suc- cessives se présente comme la filiation normale de l'expérience physique car c'est cette série qui traduit vraiment l'enrichissement de la pensée expérimentale. C'est d'ailleurs sur le terrain des corrections fines qu'on aura le plus de chance de saisir le jeu des schémas nouveaux proposés par la pensée pour saisir les perturbations d'un réel déjà retenu dans ses grandes lignes. Si une force d'induction soutient et dirige la pensée expérimentale, c'est dans le passage entre les deux approximations que cette force doit être à la fois la plus manifeste et la plus certaine. de|?la relativité 17 C'est donc, croyons-nous, en se plaçant de prime abord et franchement .sur le terrain expérimental qu'il faut entreprendre de juger la Relativité si l'on veut la caractériser dans son progrès épisté- mologique décisif. Là, pas plus qu'ailleurs, on ne doit séparer le problème de l'élaboration de la doctrine, des conditions de son application. Le problème de l'approximation est déjà un problème théorique. Ce n'est sûrement pas un simple hasard qui a placé toutes les expériences cruciales de la Rela- tivité à un niveau de précision inconnu jusqu'ici. Il y a une homogénéité surprenante dans l'ordre d'approximation des trois ou quatre expériences relativistes et cette homogénéité rend plus néces- saire d'expliquer comment un enjeu aussi faible a pu soulever un Si grand débat dans des domaines aussi différents que l'électro-magnétisme et la gravitation. D'abord, si l'on prétend en juger simplement sur les résultats, on se rend compte rapidement que les deux ordres de l'approximation sont sépa- rés par un véritable abîme numérique. Cette séparation dans la précision peut sembler défini- tive à certains physiciens de laboratoire et elle peut justifier leur indifférence pour une doctrine qui "prétend rectifier le phénomène au delà de la limite de l'erreur expérimentale. C'est une des raisons pour lesquelles M. Bouasse pose « la ques- tion préalable contre la théorie d'Einstein ». 16 la. valeur inductive Que peuvent les « trois phénomènes en 10-" » des vérifications einsteiniennes contre les deux mille pages d'expériences fresnéliennes qui con- duisent à cette conclusion : « A l'approximation d'un dix-millième au moins, tout se passe comme s'il existait un milieu élastique indéfini, immobile, qui vibre transversalement comme un solide et transmet les ébranlements lumineux ou hert- ziens » (1). De sorte qu'en posant le problème sur le terrain du nombre, les conclusions des deux adversaires pourraient se placer l'une en face de l'autre, prudemment à l'abri d'un jugement d'approximation, et schématisées sous les -deux formes suivantes : pour l'expérimentateur des gros phénomènes comme ceux que manie M. Bouasse, l'éther existe, à l'approximation de 10-4. Mais pour les Einsteiniens, à l'approximation de 10-8, l'éther perd son existence physique pour ne devenir qu'une expression purement mathéma- tique. Il est d'ailleurs curieux d'observer qu'à cette même approximation de 10-8, bien d'autres sécu- rités viennent à faillir. M. Borel a donné plusieurs raisons qui fixent précisément à ce niveau la limite de certitude de notre géométrie. D'abord, les solides ne peuvent être définis sans tenir compte de toutes les causes qui en perturbent la figure, la grandeur, la stabilité. Ensuite, la (1) Bouasse, La question préalable contre la théorie d'Eins- tein, 1923, p. 10. de|?la relativité 17 nécessité d'étudier un solide à des instants qui peuvent sans doute être très rapprochés, mais qui n'en sont pas moins différents, nous interdit de postuler l'identité. Dans l'intervalle de nos examens les propriétés géométriques ont néces- sairement varié et « ici encore, nous trouvons la limite de la géométrie vers la huitième déci- male » (1). Ainsi on ne peut saisir l'espace phy- siquement sans une interférence de deux incer- titudes qui viennent l'une de nos instruments et de nos lentes méthodes, l'autre du réel même, qui sans cesse fléchit et tremble. Mais ce qui est frappant c'est que l'épaisseur de cette zone où jouent nos indéterminations, comparée à la valeur de ces déterminations elles-mêmes, se compte par quelques milliardièmes. Voilà donc l'existence de l'éther et l'existence dés solides géométriques toutes deux comp- tables du même taux d'erreur. La sécurité condi- tionnelle que postule leur usage a juste la même étendue. C'est peut-être un hasard. Mais c'est un fait et ce fait doit retentir sur le principe de la vérification. Cette vérification peut-elle être unilatérale ? Peut-elle, au gré du physicien, por- ter sur les caractères optiques ou sur les carac- tères géométriques ? Avons-nous bien, par exemple, des critères nets et distingués de la vérification spécifiquement et uniquement géométrique ? Il ne (1) Borel, L'espace et le temps, 1923, p. 17. 18 la. valeur inductive le semble pas puisque toute mesure implique des conditions temporelles et par ce détour au moins des conditions relatives à la vitesse des signaux dans l'éther. La vérification physique, dès qu'elle prétend être fine, nous apparaît donc comme essentiellement ambiguë. Cette ambiguïté pro- vient, croyons-nous, de la similitude dans l'ordre de grandeur des erreurs interférentes. Rien ne relie cependant nos exigences métriques, aussi notre sévérité peut fort bien se détendre dans un domaine déterminé sans faiblir dans un autre. Cette soudaine indulgence est, par exemple, extrêmement remarquable à l'égard des éléments dynamiques de la Mécanique clas- sique. On n'a jamais vérifié avec la même rigueur, d'une part, les forces non équilibrées, les impul- sions et, d'autre part, le cadre géométrique, par- ticulièrement rigoureux, où ces forces dévelop- pent leur action. La primauté de la géométrie euclidienne n'a peut-être pas d'autres causes que l'extrême finesse de la frange d'aberration qui entoure les déterminations dont sont susceptibles les solides. Comme les autres propriétés sont en général plus floues, ce sont les propriétés géo- métriques qui jouent le rôle de cadres. Autrement dit, les déterminations géométriques sont prises comme les axes des déterminations physiques, car elles apparaissent douées d'une stabilité rela- tive manifeste. Il peut donc sembler que la sécurité géome- de la. relativité 19 trique soit inattaquable physiquement parlant, et qu'un physicien pur, comme M. Bouasse, soit fondé à refuser l'examen d'erreurs plus fines que celles retenues par le laboratoire euclidien. Si l'on prétend cantonner la physique dans l'exac- titude au dix-millième, la géométrie euclidienne doit être postulée comme parfaite, le temps comme absolu. Jamais la Relativité ne pourra s'introduire dans l'expérience de laboratoire ou du moins son action ne saura être qu'indirecte et même lointaine. Elle ne pourra valoir que comme hypothèse théorique de coordination et non pas comme organisation métrique. Cette hypothèse sera même obérée d'un lourd inconvénient puis- qu'elle échappera aux règles de la vérification usuelle. Elle ne pourra guère valoir que par l'étendue ou la clarté de la synthèse spirituelle. Libre alors au physicien pragmatiste de vivre avec des synthèses inachevées, de rejeter l'auda- cieuse union de la gravitation, de la géométrie, du champ électrique. Travaillant sur un terrain particulier, il sera en droit d'admettre, comme une théorie fermée, le corps des principes newto- niens, homogènes à leur vérification. 20 la. valeur inductive II On peut d'ailleurs se demander si l'on a bien le droit de perfectionner numériquement les résul- tats newtoniens par des calculs appuyés sur les hypothèses relativistes. Ce problème de la jonc- tion numérique de deux doctrines si diverses, M. Esclangon n'hésite pas à affirmer qu'il se trouve posé d'une manière incorrecte par la Relativité. Considérons, par exemple, le déplacement du périhélie de Mercure. En réalité, cette planète est soumise à d'importantes perturbations qui font aussi varier le plan de son orbite. Il ne suffit pas d'obliger la Relativité à rendre compte du déplacement du périhélie dans ce plan, abstrac- tion faite de la mobilité du plan expliquée par des perturbations qui seraient examinées du point de vue de Newton. Voici en détail l'objec- tion de M. Esclangon (1) « Comptée à partir d'un point fixe de l'écliptique, la longitude du péri- hélie, sur l'orbite à plan variable (incliné de 7° sur l'écliptique) de la planète, varie de près de 600" par siècle. Sur une orbite dont le plan est ainsi variable, la définition du déplacement du (1) Esclangon, Les preuves astronomiques de la Relativité, p. 11. de la. relativité 23 périhélie est nécessairement conventionnelle, en un sens arbitraire, puisqu'il est impossible de con- sidérer une direction fixe, à partir du soleil, s'appuyant sur l'orbite. « Or on peut résumer ainsi qu'il suit le principe de la vérification relativiste : « Appliquons d'abord, la mécanique newtonienne pour calculer le mouvement oomplet de Mercure avec toutes ses importantes complications pro- venant des perturbations. « Nous constatons que le calcul ne cadre pas avec les observations. En particulier le déplace- ment du périhélie, qui est considérable, accuse sur les 600" observées un léger manque de 43" par siècle. « Résolvons d'autre part, au moyen de la théorie de la relativité le problème du mouvement de Mercure supposé seul en présence du Soleil. Nous constatons, sur l'orbite plane ainsi définie, un petit déplacement du périhélie égal précisément à ces 43" qui nous manquent dans la théorie de Newton. « Cette méthode de démonstration est défec- tueuse. Dans une première partie on applique la mécanique newtonienne, dans la deuxième, la mécanique relativiste. « Si la mécanique newtonienne est en défaut, elle l'est aussi dans la première partie. La méthode correcte consisterait à pouvoir dire : « 1° La mécanique newtonienne accuse des 22 la. valeur inductivE écarts indiscutés et inexplicable» entre le calcul et l'observation. « 2° La mécanique relativiste, au contraire, appliquée exclusivement (et non pas en supplé- ment à la théorie newtonienne) au calcul complet du mouvement de Mercure, en tenant compte de la présence des autres planètes rend parfaitement compte des observations ». En d'autres termes, si l'on veut garder la pureté théorique jusqu'aux applications, on n'a sans doute pas le droit de faire de la Relativité une théorie de deuxième examen qui viendrait achever la théorie plus ou moins grossière de Newton. En fait, l'ordre de l'utilisation des systèmes relativistes et newtoniens est encore plus para- doxal. On commence par traiter en suivant les principes relativistes le mouvement d'une pla- nète isolée et unique en présence du soleil. Et l'on garde, pour le calcul des perturbations appor- tées par la présence des autres planètes, les hypo- thèses newtoniennes. C'est cette fois l'attraction newtonienne qui passe au rang de théorie de deuxième examen. On corrige ainsi, pour par- ler comme M. Gonseth, l'incertain par l'inexact. La Relativité devrait reprendre la synthèse à sa base et la pousser jusqu'aux perturbations. Même numériquement parlant, il est nécessaire qu'un système unique nous donne à la fois la partie entière et la partie décimale de toutes les de la relativité 2& déterminations qualitatives. L'application numé- rique ne doit pas effacer complètement les voies qui la préparent. C'est à cette condition d'ailleurs qu'on pourra être certain que la rectification est un problème d'ensemble, qu'elle ne va ni au delà ni en deçà du problème proposé et qu'en particu- lier elle joue juste dans les limites des autres inégalités planétaires qui touchent d'autres élé- ments que le périhélie. D'un autre côté, en examinant dans une pensée dynamique les rapports d'approximation du new- tonien à l'einsteinien, on voudrait que le carac- tère de la première approximation puisse servir de base à la deuxième. Il faudrait, par exemple, qu'on puisse inférer des doctrines newtoniennes aux théories relativistes. Si discontinus que soient les ordres de la précision, il faut qu'on puisse les classer l'un par rapport à l'autre, en conservant trace de leur origine théorique. C'est à cette seule condition que l'effort de rectification se rattache correctement au premier essai de détermination. Enfin l'organisation numérique einsteinienne apporte une telle finesse à l'examen astronomique, qu'on peut être pris de la crainte soudaine de manquer de sécurité dans des données fournies de toute évidence par une observation qu'on peut qualifier de newtonienne. C'est là un scrupule qui vient également à l'esprit de M. Esclangon (1). (1) Esclangon, loc. cit., p. 10. 24 la. valeur inductive En oe qui concerne le déplacement séculaire du périhélie de Mercure « s'il est vrai que le principe de relativité généralisé fournisse exactement ce nombre de 43", il est m,oins sûr que ce soit rigou- reusement cette quantité qui échappe à la méca- nique newtonienne ». Toutes les déterminations newtoniennes sont solidaires. « Tel autre astro- nome qui se proposerait de reprendre une nou- velle détermination de l'ensemble des constantes astronomiques, amené à les discuter dans leur ensemble, pourrait être conduit à leur donner, à chacune individuellement, des valeurs diffé- rentes de Newcomb ; car il y a nécessairement en ce problème compliqué une part inévitable laissée à l'interprétation du calculateur ». M. N. R. Campbell présente incidemment une objection qui résume les deux critiques de M. Esclangon (1). « La valeur 43" n'est pas ce qui a été directement observé ; c'est seulement ce qui reste après que d'autres corrections ont été retranchées et pour cette raison il est possible qu'elle soit affectée d'une erreur considérable ; en fait l'erreur pro- bable est environ la moitié de sa valeur ». Ainsi, dans sa valeur même, comme dans sa provenance, le nombre 43" manque de certitude du côté newtonien. Ce n'est sûrement pas la valeur exacte et directe de l'aberration qui pose- rait un problème non résolu mais bien déterminé (1) Campbell, Théorie quantique des spectres. La Relativité Trad. Corvisy, 1924, p. 216. de la. relativité 25 aux investigations d'une théorie plus fine. Ce n'est donc pas une preuve péremptoire du pouvoir de la rectification einsteinienne que de combler exactement un intervalle si mal fixé. Comme le dit M. Esclangon, l'explication du déplacement du périhélie de Mercure est dans les doctrines relativistes, plutôt trop remarquable, trop par- faite. M. Jean Chazy met en garde contre la séduction d'une réussite aussi grande. « Dans un phéno- mène physique d'une telle complexité, une mesure 1 1 entachée d'une erreur relative de — ou de — serait encore excellente... En toute impartialité, dans l'état actuel de la science, l'argument tiré en faveur de la théorie de la Relativité de la valeur de l'avance du périhélie de Mercure n'a pas, ne peut avoir le caractère absolu que croient certains » (1). En résumé, examinés du simple point de vue du nombre — principe si apte pourtant à effacer des différences — les deux systèmes newtonien et eisteinien paraissent sans ressemblance, sans lien, sans parenté inductive. Le système ancien n'est pas naturellement continué par le système moderne. (1) Chazy, La théorie de la Relativité et la Mécanique céleste 1928, t. I, p. 180. 26 la. valeur inductive III A bien des points de vue d'ailleurs, le système newtonien devait paraître fermé sur lui-même, achevé dans son principe comme dans son appli- cation : Il portait les traces intuitives de sa per- fection ; l'algèbre où il se développait était d'une simplicité manifeste ; son application enfin se révélait susceptible d'être poursuivie sans arrêt et d'atteindre ainsi une précision indéfinie. Trois raisons de solidité, trois garanties d'achèvement que nous allons caractériser rapidement. Du côté intuitif, le fait que l'attraction se répand dans toutes les directions, de sphères en sphères concentriques, semble exiger la loi new- tonienne de décroissance. C'est si vrai qu'un des obstacles, qui ont empêché Képler de choisir l'attraction en raison inverse du carré de la distance, est la croyance où il était qu'on devait expliquer, par le principe même de la loi d'attrac- tion, le fait que toutes les planètes se déplacent à peu près dans le plan de l'écliptique. Cela l'inci- tait à chercher une attraction qui ne décroîtrait que comme le rayon des orbites puisque cette de la. relativité 29 attraction ne se propageait que dans un plan, de cercles en cercles concentriques. Tant il est vrai comme nous en aurons bien des exemples, qu'il est difficile de fixer l'appareil théorique d'un problème posé en termes expérimentaux et d'apprécier les justes limites d'une théorie et de son application. Le progrès intuitif de Képler à Newton a con- sisté précisément en un reclassement relatif des faits et de la théorie. Dans la science des Newton et des Laplace, que les planètes se déplacent en restant au voisinage d'un plan commun, ce n'est plus qu'un fait ; on en rendra compte en détermi- nant un fait antécédent qu'on cherchera dans l'histoire de la nébuleuse ; au contraire, que les planètes décrivent des ellipses dans ce même plan, c'est la trace d'une loi. La simplicité d'expression mathématique de la loi devait aussi confirmer cette valeur intui- tive. L'idéal de simplicité fut souvent invoqué dans un véritable esprit finaliste. Précisément, Paul Janet rappelle le débat entre Clairaut et Bufïon (1). « Clairaut, dit Laplace, soutenait que la loi de Newton, réciproque au carré des distances, n'est sensible qu'aux grandes distances, mais que (1) Paul Janet, Les causes finales, p. 282. 28 la. valeur inductive l'attraction croît dans un plus grand rapport quand la distance diminue. Buffon attaquait cette conséquence en se fondant sur ce que les lois de la Nature doivent être simples, qu'elles ne peuvent dépendre que d'un seul module, et que leur expression ne peut renfermer qu'un seul terme. Or Clairaut reconnut qu'en poussant plus loin le calcul, la loi exprimait rigoureusement le résultat des observations » et Paul Janet con- clut avec Laplace : « Ce fut le métaphysicien qui eut cette fois raison contre le géomètre ». La fécondité de la déduction qui doit retrouver des lois aussi simples que les lois de Képler est de toute évidence liée au caractère très simple de l'hypothèse de l'attraction en raison exacte- ment inverse du carré des distances. C'est un fait d'une grande portée mathématique et d'une grande profondeur que la fonction primitive de 1 1 . — soit--puisque nous sommes redevables à r r cette relation de toute la théorie simple et ma- niable du potentiel newtonien. Les relations de 1 la fonction — avec le logarithme sont l'occasion d'une nouvelle richesse de déductions pour les applications qui utilisent les hypothèses de l'attrac- tion newtonienne. Avec Newton, à la naissance même de la Physique mathématique, on voit donc se cons- tituer intuitivement les cadres a priori d'une de la. relativité 29 véritable mathématisation du réel. Si l'on exa- mine d'ailleurs le problème de l'application des hypothèses newtoniennes à des cas moins précis que les mouvements planétaires — par exemple au cas des expériences faites sur l'électricité sta- tique et surtout sur le magnétisme — on ne peut manquer d'être frappé du souci de maintenir dans sa simplicité l'expression algébrique de l'attraction newtonienne. Comme le dit M. Wil- bois, la loi de Coulomb qui fixe une attraction électrique en raison inverse du carré de la dis- tance est, plutôt qu'une loi, un désir de loi. Elle est, sous le signe d'une pensée algébrique, posée a priori. Du côté de l'application numérique, le système newtonien devait à bien des égards paraître garanti dans son intégrité. Etant données les perturbations planétaires, Newton s'était déjà demandé si l'on devait modifier la loi et il exa- mina quelle était la sensibilité d'une correction vis-à-vis de l'exposant 2 qui caractérise son hypothèse. Pour cela il démontra que si l'on augmentait de ~ seulement le coefficient deux d6 la loi il en résulterait par denli-révolution, du périhélie à l'aphélie de la Terre, une avance de lo,30', ce qui était absolument incompatible 32 la. valeur inductive avec les observations (1). Newton vivait en un temps où le domaine de la précision paraissait dune profondeur limitée et il pouvait trouver dans l'extrême sensibilité mathématique de sa loi une raison suffisante de sa rigueur. Enfin, l'applieation unique de l'hypothèse new- tonienne paraît de prime abord suffisante pour soutenir tout le processus d'approximation et 1 approximation présente dans cette hypothèse une espèce d'homogénéité qualitative très remar- quable. En effet, alors que, dans les doctrines rela- tivistes, l'approximation plus poussée suscite des qualités entièrement nouvelles - en réclamant par exemple qu'on substitue des cadres rieman- mens aux cadres euclidiens - dans le système , Newton> c'est toujours la même hypothèse qu on pose simplement à différents niveaux En fait dans l'esprit de la science newtonienne, les problèmes de l'application de la loi paraissent être sépares d'une manière absolument infranchis- sable du problème de la détermination de la loi Autrement dit, dans les applications les plus compliquées, les principes et les formes algé- briques de l'attraction newtonienne doivent gar- der leur pureté parfaite. Si, en les appliquant, ij se revèle quelques flottements, on s'interdira de (1) Voir Cours d'astronomie de Fanp t tt i -),- cation attraction n'est pas susceptible de modiS- de la relativité 31 porter jusqu'au principe initial Veffort de rectifi- cation. Dans les perturbations planétaires, par exemple, on procédera à une application en quel- que sorte redoublée des mêmes formes, en faisant entrer progressivement en ligne de compte l'action des corps en présence, en ordonnant en séries des attractions entièrement newtoniennes et en se bornant à les frapper de coefficients convenables qui permettront finalement de plier les séries jus- qu'à ce qu'elles touchent les faits. Mais, dans la généralité des cas, le formalisme fondamental restera de toute évidence sans exception, sans correction. Ce caractère d'auto-rectification a été remarqué par M. Léon Bloch (1) «C'est un des caractères originaux de la loi de gravitation universelle que ce perfectionnement successif dont elle est susceptible. Avant Newton, on ne connais- sait pas de loi qui pût de la sorte se compléter elle-même. Les théorèmes de Descartes sur les mouvements célestes étaient nécessairement faux ou nécessairement vrais. Ils ne pouvaient être admis comme approximation première sauf à expliquer les inégalités d'observation par une application des mêmes théorèmes. » (1) Léon Bloch, La philosophie de Newton, p. 303, 1908 32 la. valeur inductive IV Une telle force de pénétration des approxima- tions newtoniennes rend finalement plus éton- nantes les résistances soudaines de certains faits. L'avance du périhélie de Mercure peut servir de symbole à ce scandale de la raison. Le Verrier déclare justement au seuil de son livre (1). « Nulle planète n'a demandé aux Astronomes plus de soins et de peines que Mercure, et ne leur a donné en récompense tant d'inquiétudes, tant de contrariétés. En les comparant à celles dont le mercure terrestre était la source pour les alchi- mistes, Riccioli n'a fait qu'émettre l'opinion des Astronomes de son temps, et celle de ses prédéces- seurs. Si je connaissais quelqu'un, dit Mcestlinus, qui s'occupât de Mercure, je me croirais obligé de lui écrire pour lui conseiller charitablement de mieux employer son temps. Les Astronomes qui, depuis Mœstlinus et Riccioli ont eu le malheur de s'attacher à la théorie de Mercure, Lalande en particulier, ont dû plus d'une fois se ranger à leur avis. » Aujourd'hui encore l'ère des difficul- tés n'est pas close et il paraît plus difficile que jamais d'apporter à l'ensemble, du monde solaire (1) Le Verrier, Théorie du mouvement de Mercure, 1845, p. 4. de la relativité 33 un plan général de corrections newtoniennes. Examinons donc, à propos du mouvement de Mercure, les difficultés épistémologiques que sou- lève l'énorme problème des perturbations astro- nomiques. Aussi bien, nous ne pourrons com- prendre la portée de la rectification relativiste que si nous nous sommes d'abord rendus compte des essais de rectification newtonienne. Indépendamment de la Relativité, on a tenté de trouver l'explication de ces perturbations dans deux voies très différentes : Ou bien, on tente de rectifier la loi de Newton elle-même ; Ou bien, on ne modifie que les conditions de son application. Sans prétendre être complet, essayons de carac- tériser ces deux procédés de rectification qui ont vis-à-vis du dynamisme épistémologique des sens si divergents. * * * Puisqu'en toute rigueur les planètes ne se meuvent pas sur des ellipses fixes et fermées ne faut-il pas mettre la cause perturbante au même rang que la cause générale et abandonner la forme algébrique simple de la loi d'attraction ? C'est ce qu'entreprit un astronome profondément attaché à la précision des observations. Asaph Hall, prenant les observations pour base, détermine (1895) la valeur empirique du coefficient qui 3 34 la. valeur inductive devrait remplacer l'exposant 2 de l'attraction new- tonienne. Il trouve 2,0000001612 (nombre rectifié nar Newcomb). Cette correction qui dépasse à peine le 10-' est bien éloignee du — qui avait assuré le dogmatisme théorique de Newton. Elle rentre, à peu de chose près, dans cette zone de précision accentuée où bien des théories modernes prennent soudain, comme nous en avons fait la remarque, une figure nouvelle. On démontre que cette nouvelle loi n'introduit pas d'inégalités séculaires sensibles sur les autres caractéristiques des orbites, elle ne touche que les périhélies qui se trouvent avancés à peu près d'accord avec les observations, qu'il s'agisse, en particulier, de Mercure ou de Mars. Newcomb croyait même trouver dans la loi de Hall une explication de l'avance du périgée de la Lune. Mais à la suite des recherches modernes, une nouvelle théorie de la Lune a été proposée, on a reconnu qu'on ne pouvait appliquer la loi de Hall au mouvement de la Lune qu'en modifiant la constante univer- selle de l'attraction entre la Terre et son satellite. On est donc de toute évidence sur la pente de l'empirisme absolu. Chaque cas réclame une correction spéciale. Non seulement la correc- tion est complexe, mais elle n'est pas absolu- ment déterminée, puisqu'il est des cas ^où deux incertitudes empiriques interfèrent. C'est ce qui justifie pleinement la conclusion de de la. relativité 35 M. Jean Chazy (1). Les Analystes éprouveraient une véritable répugnance « à détruire la belle simplicité de la loi de Newton pour introduire dans la loi d'attraction un exposant de la distance complexe et indéterminée ». A vrai dire, la rectification de l'exposant n'est pas la seule concevable et l'on pourrait se deman- der si l'idéal de simplicité newtonien correspond bien, mathématiquement parlant, à une raison suffisante. Ainsi un des plus importants théo- rèmes sur l'attraction est peut-être celui où New- ton démontre qu'une mince couche sphérique n'exerce aucune action sur une particule placée dans son intérieur, à la seule condition qu'on ait affaire à une attraction ou à une répulsion inver- sement proportionnelle au carré de la distance. Cavendish a fort bien résumé les conséquences de ce théorème. « Il suit de cette démonstration, dit-il, que si la répulsion varie inversement sui- vant une plus grande puissance de la distance que le carré, la particule sera repoussée vers le centre ; et si la répulsion varie inversement sui- vant une puissance de la distance plus petite que le carré, cette particule sera repoussée vers la péri- phérie ». Todhunter, auquel nous empruntons cette citation de Cavendish, ajoute avec fi- nesse (2) : « Si l'on impose à la loi de l'attraction (1) Chazy, toc. cit., p. 223. (2) Todhunter, A historg of the mathematical theories of attraction and the figure of the earth,ll873, t. I,jp. 449. 36 la. valeur inductiVe ou de la répulsion d'être celle d'une puissance simple de la distance, il suit qu'une particule ne sera pas au repos quand elle sera placée en un point quelconque à l'intérieur de la couche sphé- rique, à moins que la loi soit celle de l'inverse du carré. Mais cette conclusion ne s'applique pas si la loi est supposée simplement être exprimée par une certaine fonction de la distance, comme par exemple hr™ + kr» où r indique la distance, et les autres lettres des constantes. » En réalité, en se cantonnant dans le problème précédent, on peut remarquer que Laplace a établi des lois de force du type en question où m = 1 et n = — 2, tel par conséquence que : Ar + ~ C'est en imposant laconditionquel'action r* s'annule à l'infini que Laplace conclut que A = 0 et retrouve ainsi la loi de Newton (1). Mais cette condition supplémentaire ne peut pas tou- jours valoir dans toutes les applications et nous nous trouvons ici en présence d'un principe épis- témologique sur lequel nous reviendrons à plu- sieurs reprises : il faut, croyons-nous, replacer les conditions de l'application de l'hypothèse au rang des conditions de formation de l'hypothèse. A séparer l'épistémologie en deux temps : un temps théorique et un temps d'application pra- tique, on risque de prendre un accord pragma- (1) Voir Œuvres de Laplace, t. I, pp. 159 et saï de la. relativité 37 tique et isolé pour un accord réel et général. Sur le problème présent, si l'on transporte assez faci- lement l'hypothèse newtonienne simple au cas où l'on considère des corps éloignés les uns des autres, si un théorème permet de substituer, à un astre sphérique, son centre pourvu d'une masse égale à la masse entière, il n'en va pas de même quand les corps en présence ont des formes diffé- rentes et sont très rapprochés. Ainsi un des plus difficiles problèmes a été de fixer les caractères de l'attraction d'un ellipsoïde. Un siècle à peine a suffi à le résoudre. D'autre part, au sein d'une nébuleuse, les conditions de l'application appa- raissent nettement susceptibles de réagir sur l'hypothèse elle-même. Précisément Faye a été amené à imaginer une évolution de la loi d'attrac- tion qui suit l'évolution physique de la nébuleuse. Au début, l'attraction à l'intérieur de la nébu- leuse serait donnée par la loi Ar, puis finalement dans l'état de résolution similaire au système D solaire par la loi —' II y aurait alors une période r! intermédiaire où la loi serait indiquée par la formule de Laplace ar + -p- (1). On a cherché enfin à rectifier la loi de Newton en s'écartant de la gravitation pure, en ratta- (1) Voir Poincaré, Leçons sur les hypothèses cosmogo- niques, p. 71. 38 la valeur inductive chant par exemple les lois de l'attraction à des théories électrodynamiques, au magnétisme... Mais ces lois sont toutes d'une construction plus ou moins arbitraire. Elles impliquent un véritable finalisme de l'explication, elles visent avant tout à rendre compte d'un thème empirique. Elles ne sortent pas par des voies inductives ou logiques d'une pensée newtonienne et, de toute manière, elles laissent inexpliqué le succès pour le moins provisoire de la loi fondamentale de Newton. Enfin par leur nombre même, toutes ces lois prouvent que les corrections qui apportent des variations à la loi de Newton ne satisfont ni la pensée, ni l'observation. C'est donc à un tout autre point de vue qu il faudra se placer pour expliquer la coordination du monde en retrouvant et en informant l'immense réserve des observations. Nous voulons donc maintenant examiner la deuxième catégorie des essais pour utiliser sans modification la loi de Newton en reportant aux seules conditions de son application la tâche d'expliquer les perturbations. Pour rendre compte de l'avance du périhélie de Mercure, Le Verrier propose d'abord l'existence d'une planète inconnue, suivant en cela l'inspi- ration qui, dans un cas semblable, l'avait amené de la. relativité 39 à la découverte de Neptune. Mais cette planète ne se présente dans aucune observation. Etant donnée la précision avec laquelle le calcul des perturbations permet de fixer les éléments de son orbite, il est hautement improbable qu'elle échappe à l'attention des astronomes. Il faut rejeter cette hypothèse, Il en va de même de l'hypothèse d'un satellite de Mercure. On a tenté encore d'attribuer la perturbation de Mercure à l'action d'une matière diffuse qui paraît occuper le centre du système solaire et être la cause de la lumière zodiacale. Mais il ne semble pas que cette matière puisse avoir une masse suffisante pour rendre compte des phénomènes. On voit d'ailleurs que toutes ces suppositions relèvent d'une même méthode. Elles tendent à transformer une description cinématique des mouvements célestes en une description dyna- mique. Mais, de l'une à l'autre, quel déclin dans la précision! Gomment d'ailleurs aller, en gar- dant la précision, de la cinématique d'un astre réel à la cinématique d'un astre supposé si l'on passe par l'intermédiaire de diverses masses si mal connues qu'elles sont presque arbitraires ? On ne saurait prendre à ce sujet un exemple plus topique que celui de Mercure. « Pour donner une idée de l'ignorance où l'on se trouvait (en 1845) au sujet de la valeur de la masse de Mer- cure, dit M. Jean Chazy (1), indiquons que (1) Chazy, loc. cit., p. 147. 40 la. valeuR inductive Le Verrier donne la justification suivante de la valeur provisoire 1 : 3000000 (la masse du soleil étant prise pour unité, celle de Mercure serait trois millions de fois plus petite). Laplace avait remarqué que les densités de la Terre, de Jupiter et de Saturne sont sensiblement en raison in- verse de leurs distances au Soleil, et, étendant à Mars et à Mercure la même loi, qui n'est valable ni pour Vénus, ni pour Uranus, avait déduit des diamètres apparents une valeur voisine de 1 : 2000000 pour la masse de Mercure. Le Verrier abaisse cette valeur à 1: 3000000 en considéra- tion des perturbations que Mercure a fait subir à la comète d'Encke au moment du passage de cette comète au périhélie en 1838. Aussi Le Verrier dit-il à plusieurs reprises dans ses Mémoires que la masse de Mercure est à peu près arbitraire ». On est donc nette nent engagé dans des correc- tions uniquement empiriques. Le fait qu'on réserve la loi de Newton intacte ne doit pas faire illusion. Même dans le cadre de cette loi, il reste place pour l'arbitraire et on détermine la cause à la juste mesure de l'effet sans prendre réelle- ment contact avec cette cause. Les résultats d'une telle méthode, s'ils ne sont pas reliés immé- diatement par des recoupements nombreux et divers, restent formels. Ce caractère d'explication empirique est encore plus évident dans une hypothèse par laquelle nous voulons conclure cet examen des essais de de la. relativité 41 corrections newtoniennes. Newcomb a proposé d'expliquer l'avance du périhélie de Mercure par un léger aplatissement du globe solaire. On dé- montre en effet que l'attraction d'un sphéroïde aplati décroit plus rapidement que ne l'indique la loi de l'inverse exact du carré. Nous retrouvons donc les résultats obtenus par la correction d'Asaph Hall. Ainsi, qu'on suppose simplement un apla- tissement du globe solaire, et voilà la loi de New- ton corrigée, non pas dans son principe, mais dans son application. Elle reste absolument vraie de points matériels à points matériels. C'est seulement le groupement des points dans une forme non totalement sphérique qui porte la charge de la perturbation. L'explication garde donc ses simples schémas, elle touche le fait sans s'obscurcir, elle abandonne au fait toutes les raisons de complexité. Mais cette conquête d'une épistémologie claire est-elle vraiment so- lide ? De toute évidence il reste, en sens inverse, à calculer l'aplatissement du Soleil en fonction de l'avance du périhélie et à se référer aux obser- vations. C'est à cette seule condition que l'expli- cation numérique achèvera le cycle commencé par l'explication théorique. Newcomb a alors déduit un aplatissement qui ne dépasserait guère la quatre-millième partie du diamètre. Mais l'observation (pourtant très fine) ne confirme nullement cet aplatissement. La réussite numé- rique est donc loin d'être réciproque. Elle devrait 42 la valbur inductive d'ailleurs se répéter et permettre de fixer des avances analogues pour les périhélies des autres planètes. Sans doute ces derniers périhélies sont difficiles à fixer par l'observation en raison du peu d'excentricité des orbites et l'on se rend compte que tout le long de la déduction on perd peu à peu tout contrôle précis. La correction de Newcomb, comme les autres, tombe ainsi sous l'objection d'invoquer une quantité occulte. Il y a, là encore, un finalisme numérique qui doit sembler artificiel. Ainsi, à quelque moment qu'on entreprenne la rectification, que ce soit dès le principe fondamen- tal de la gravitation ou seulement dans le pro- blème de son application, il faut toujours en venir à introduire l'empirisme dans la construc- tion newtonienne. Cette construction n'acheve donc pas son élan théorique. Newton n'a-t-il pas pensé que Dieu lui-même se heurtait à cet em- pirisme envahissant ? « Il croyait, dit Arago (1), qu'une main puissante devait intervenir de temps en temps pour réparer le désordre». Ce désordre c'est finalement, au sens de M. Bergson, un ordre mal compris. On a égalé la généralité à une theo- rie des phénomènes d'ensemble ; on n a pas vu qu'elle avait d'abord sa place dans le phénomène de détail. Le problème des perturbations doit (1) Arago, Notices scientifiques, t. XII, p. 475. de la. relativité 43 être associé au problème initial des trajectoires ; ces deux problèmes sont aussi instructifs, aussi indicatifs l'un que l'autre. Il faut saisir leurs liens réciproques. Ce ne sera pas un des carac- tères les moins merveilleux de la Relativité que d'avoir apporté un système susceptible à la fois d'une extrême généralité et d'une application assez fine, assez complexe pour retenir dans ses cadres généraux les phénomènes aberrants. V Examinons donc ce qui nous paraît vraiment nouveau dans le problème de l'application des théories relativistes. En se plaçant au point de vue des approxima- tions — point de vue auquel on est bien forcé d'arriver pour juger d'une théorie physique on ne voit rien dans le système de Newton qui puisse faire prévoir le système d'Einstein et réduire ainsi la nouveauté vraiment transcen- dante du système moderne. Aucune voie d'infé- rence ne permet d'avancer du premier au second. Si maintenant l'on songe que, sur le terrain des applications, les traits de la première approxi- mation demeurent d'habitude visibles sous la deuxièmej comme les axes de cette rectification, 44 la. valeur inductive on ne se reconnaîtra sans doute plus le droit de parler d'une relation d'approximation entre les systèmes de Newton et d'Einstein. D'ailleurs nous avons vu à quel point les déterminations newtoniennes peuvent, tout compte fait, etre parfaites numériquement. Si le système d Einstein ne visait qu'à perfectionner la réussite numé- rique, ce ne serait peut-être pas la peine de bou- leverser les habitudes de notre pensée pour aug- menter la précision atteinte dans le système de Newton. Mais nous allons montrer que la rupture entre les deux méthodes est vraiment irrévocable, et qu'elles suivent, jusque dans leur essai de préci- sion, deux ordres de pensée entièrement hétéro- gènes. En effet, non seulement nous n'avons pu établir aucune méthode pour nous exhausser de Newton à Einstein, mais encore la relation inverse qui retrouverait le système de Newton en vertu d'une approximation effectuée a partir du système d'Einstein nous semble très mal de- nommée par le mot approximation. De l'un à l'autre système, il ne s'agit pas en effet de négliger des décimales, de porter la sim- plification au sein d'une espèce de matière numé- rique, qui se présenterait avec homogénéité, comme une quantité pure. On a affaire au con- traire à une simplification d'ordre qualitatif. Le n'est pas une partie d'une chose que le systeme newtonien néglige, ce système néglige une autre DE LA. RELATIVITÉ 45 chose. Et ce qui est négligé est susceptible de défi- gurer le problème. En faisant abstraction d'une courbure, le système méconnaît un caractère essentiel. On objectera peut-être qu'entre la loi de Van der Vaals et celle de Mariotte qui donnent toutes deux, à des approximations différentes, la loi de la compressibilité des gaz, il y a également des caractères comme le co-volume que la loi simple laisse de côté. Mais du moins le rôle de ce carac- tère reste entièrement correctif, il est précisé- ment postulé pour rendre compte de l'aberration de la loi fine autour de la loi simple. Ce moyen d'explication complémentaire ne pénètre pas jusqu'au principe de l'explication fondamentale : en diminuant le volume laissé disponible aux molécules, la considération du co-volume ne change en rien le rôle du volume tel qu'il apparaît déjà dans la loi primitive. Il en va tout autrement en ce qui concerne le système d'Einstein. En effet la deuxième approxi- mation n'y jouera pas simplement un rôle correc- teur mais elle portera ses transformations jusque dans l'intimité du système. Il y a là un caractère très spécial sur lequel nous voudrions attirer l'attention du philosophe. En fait, on peut dire que c'est par l'osculation fine que la Relativité explique tout. Non seule- ment le différentiel y prime l'intégral, mais ce n'est qu'en deuxième approximation que les 46 la. valeur ihouctive faits phvsiques manifestent leur présence, la pre- xnière approximation n'étant qu'une organisa- Tn subjective de cadres. Autrement dit, out k sy Se, en tant qu'il appréhende les fait* los sur la dérogation à l'information newto- nienne ou galUéenne ou encore, autre expression, oCt par l'écart avec les caractères gahléens que le svstème conquiert la Réalité. Un exemple de- jr croyons-nous, éclairer cette portum paradoxale de l'épistémologie relativiste Nous l'emprunterons à une application partie trè simple de la formule de Schwarzschild. Si 1 on con Se o tte formule dans le cas du champ de gratta on d'un centre matériel isolé on trouve pou" le terme d'espace de l'élément d'intervalle . dl = f_dr r étant la coordonnée radiale d'un système de éférence polaire, coordonnée qui seule figurera f ous eXeprenons de mesurer l'ej^Jj direction môme de la particule matér el. Ce£ 1«> terme y qui contient la constante de la gravi tatioiTnewtonienne et il la contient, de^pa- nière que ce terme se confond avec 1 un te si cette "niante newtonienne peut être -ghgéej précisément ce qui arrive loin ^toute mat ere dans une région où les caractères euclidiens reprennent toute leur pureté. D'ailleurs quand y X pas égal à l'unité, il est extrêmement peu de la. relativité 47 différent de l'unité. Pourtant, ajoute M. Becque- rel (1) «c'est ce faible écart qui détermine tous les phénomènes de la gravitation ». Ainsi, du point de vue algébrique, le système d'Einstein ne trouve la gravitation que par une légère aberration aux formes en quelque manière a priori de l'espace- temps euclidien. Mais le paradoxe n'est pas encore achevé. Il prend même un tout autre caractère quand on veut retrouver, à partir de la mécanique relati- viste, le point de vue newtonien. La mécanique newtonienne réclame en effet un espace absolu- ment euclidien. Et cependant en partant du sys- tème d'Einstein, si nous nous plaçons dans un espace-temps euclidien, il n'y a plus de champ de gravitation, par conséquent plus d'attraction newtonienne. Le passage à la limite, sur le terrain même des approximations est donc vicieux et la loi de Newton ne peut être qu'un arrêt tout à fait factice de l'approximation einsteinienne. Vu du centre panoramique einsteinien, le système de Newton apparaît dans une véritable incorrec- tion qualitative malgré sa correction quantita- tive très grande. C'est là un fait analogue à l'adultération d'une équation différentielle par l'intervention d'un terme très petit et même évanouissant. Nous (1) Jean Becquerel, Le principe de la Relativité et la théorie de la gravitation, 1922,fp. 229. 48 LA. VALEUR INDUCTIVE avons montré ailleurs (1) que ce terme, insigni- fiant numériquement, peut changer, du tout au tout, la nature analytique do la solution. Preuve que l'ordre d'importance numérique ne permet pas de préjuger de l'importance théorique et que la quantité elle-même a ses détails qui sont susceptibles de l'individualiser profondément. Dans des complexes de diverses quantités, une réaction est possible qui va du petit au grand, même numé- riquement parlant. Dès lors les voies d'une approxi- mation doivent primer les résultats de cette approximation. Il faut surtout voir comment la réussite numérique s'organise. Sous ce jour, il est maintenant impossible qu'on ne soit pas séduit par la longue et lumineuse construction einstei- nienne. Replacée alors en face ou mieux au centre de la synthèse einsteinienne, la construction de Newton ne représente plus qu'un état de l'évalua- tion numérique. Par contre-coup, prise séparé- ment, cette construction perd sa valeur réalis- tique pour ne garder qu'une valeur pragmatique. Détachée du système général, il semble que les liens qui la réunissent se desserrent, ou du moins on n'en voit plus le sens, on n'en éprouve plus la force. La correspondance du réel au mathéma- tique devient un fait et presque un fait sans rai- son ; cette correspondance est simplement affir- (1) Voir Essai sur la connaissance approchée, p. 133. de la relativité 49 mée dans le « comme si » qui cette fois s'obscurcit en quittant la position centrale de la doctrine, puisqu'il faut des mutilations extrêmement nom- breuses pour dégager la simple force newtonienne par l'analyse des symboles de Christoffel qui sont seuls susceptibles de constituer la réalité dans sa totalité et par conséquent dans sa vérité. Cette obscurité d'une approximation qui ne vaut plus que par son pragmatisme se propage dans tout le système subitement privé de la clarté que donne la totalité des références réciproques. Et c'est le système d'Einstein, si difficile qu'en paraisse d'abord l'expression mathématique, qui, en réflé- chissant en tous sens sa lumière, finit par guider clairement l'analyse et par présenter à sa vraie place, sous son véritable aspect, dans sa fonction de simple approximation, le système newtonien. Le caractère fermé, la pauvreté d'induction que nous avons dû reconnaître à ce dernier sys- tème provient peut-être en partie de la rapidité avec laquelle la théorie s'y résoud en données numériques. Ce n'est peut-être pas simple hasard que l'hypothèse newtonienne ait conduit, dans le problème des perturbations, à des séries diver- gentes dont les premiers termes suivaient cepen- dant d'abord l'allure de la convergence. Le prag- matisme de la mesure peut sans doute accepter de s'appuyer sur les termes initiaux de telles séries. Mais la véritable individualité d'un déve- loppement en série réside à l'autre extrémité, 4 50 LA. VALEUR INDUCTIVE dans le reste infini des termes évanouissants. C'est là que les lois du développement sont ins- crites. D'une même façon, le nombre trop tôt utilisé peut troubler et bloquer le jeu de diverses quantités. Un des principaux avantages des doc- trines de la Physique contemporaine, c'est qu'elles réservent le plus longtemps et le plus complè- tement possible la qualité étouffée numérique- ment. Elles préparent ainsi des occasions de fructueuses inférences. Elles préviennent égale- ment de graves erreurs, car une variable étouffée peut tout à coup manifester sa présence par un caractère spécifique et grâce au jeu d'une simple transformation cette variable peut reprendre un rôle clair et important. C'est dans une telle atmosphère de généralité qu'on pourra établir des méthodes inductives si nécessaires au déve- loppement de la Physique mathématique. s CHAPITRE II L'induction mathématique dans les doctrines de la Relativité. I Nous avons essayé de montrer que le système newtonien constituait un corps d'explication fermé sur lui-même, animé de l'idéal déductif d'une géométrie achevée. Au contraire, la richesse d'inférence de la discipline einsteinienne ne peut manquer de frapper l'attention dès qu'on en suit le détail et le développement. Cela est évident dans les extensions successives de la doctrine, mais cela est déjà visible et plus caractéristique dans le mouvement intime, de proche en proche, de la systématisation. D'ailleurs il ne s'agit pas seulement d'une richesse dans l'occasion, d'une extension qui essaierait d'encadrer la prodigalité d'une expérience affinée. La source est plus pro- fonde, elle anime un courant plus constant. C'est 52 la. valeur INDUCTIVE au point qu'on peut dire, croyons-nous, que la valeur d'inférence est un des caractères les plus profonds, les plus curieux aussi, de la pensée einsteinienne. L'induction, c'est ici plus qu'ailleurs, le mouve- ment même du système, c'est l'invention qui passe au rang d'une méthode. On ne voit que parce qu'on prévoit. L'instruction que peut don- ner le réel est ainsi, en Relativité, essentiellement indirecte. En premier lieu on doit d'abord cher- cher le général par les voies inductives. On prouve alors la réalité par la généralité ; autrement dit, on étudie les caractères intimes de l'être en déga- geant leur véritable extension. On peut présenter cette conquête inductive de la Réalité sous forme d'un principe d'une grande portée philosophique qu'on énoncerait ainsi : ce qui peut être généralisé, c'est ce qui doit être généralisé, c'est cela même qui achèvera notre connaissance de la Réalité. Autrement dit, les voies de la généralisation nous livreront des éléments du réel qui échapperaient à une étude approfondie du cas particulier, toujours affecté de relativité. La méfiance du relatif est toute proche de la méfiance du particulier, C'est la même erreur qui nous fait prendre d'une part le particulier pour le général et d'autre part le relatif pour l'absolu. Si l'on réfléchit maintenant que toute connais- sance intuitive tend à poser d'abord son objet DE LA. RELATIVITÉ 53 comme particulier et absolu, on comprendra que la Relativité découle d'une pensée seconde, d'une réflexion et que cette réflexion cherche à la fois à faire le départ entre l'absolu et le relatif, entre le particulier et le général. Si la pensée relativiste naît d'une réflexion, ce n'est plus seulement la matière de la connais- sance qui pousse à l'induction, mais l'essor même de la forme qu'on applique à cette matière. C'est sur cette induction formelle que nous devons maintenant attirer l'attention. II Les formes mathématiques ne sont pas d'abord suffisamment coordonnées en ce sens qu'elles n'apportent pas toujours la nécessité de leur emploi. La première tâche est alors de fondre ces formes diverses dans une nécessité continue et de les amener dans un état de parfaite liaison. Autrement dit, il y a des facteurs contingents dans les mathématiques elles-mêmes ; ces fac- teurs nuisent à l'extension des cadres mathéma- tiques et par conséquent à l'objectivité de ces cadres ; il faut donc d'abord retrancher cette contingence pour avoir chance de toucher la mathématique du réel. 54 LA. VALEUR INDUCTIVE Il semble d'ailleurs que la séparation du parti- culier et du général soit, en mathématiques, diffi- cile entre toutes. En effet, l'objet particulier est, en tant qu'objet abstrait, d'une application générale parfaite. Qualitativement parlant, il n'y a qu'un cercle, qu'une sphère, qu'un plan. La multiplicité des êtres un peu plus complexes cache à peine leurs caractères généraux. Si, par exemple, le genre des ellipsoïdes à trois axes iné- gaux paraît susceptible de recevoir des variétés triplement infinies, on se rend compte qu'on peut détacher entièrement le quantitatif du qualitatif et garder toutes les propriétés spécifiques liées à une qualité quasi unique qu'on retrouve par le principe des déformations continues. Dans la qualité, dans le caractère topologique — qui est le caractère primordial — la généralité apparaît uniforme et solidement assurée. Il faudra donc un grand effort pour déterminer des classes dans cette généralité ! Une deuxième objection contre la distinction du particulier et du général dans les domaines mathématiques, c'est que cette distinction est solidaire du point de vue choisi plus ou moins arbitrairement. Ainsi on peut aussi bien ranger l'hyperboloïde à une nappe dans le genre des surfaces réglées que dans celui des quadnques. Tout dépend du but poursuivi. Si maintenant on veut réserver la même liberté de choix entre l'ellipsoïde pris comme une surface réglée imagi- DE LA. RELATIVITÉ 55 naire et l'ellipsoïde pris comme quadrique, il semble qu'on obéisse à un principe de classement factice, qui n'engage que des procédés de calcul mécaniques et obscurs. Il est donc bien difficile de dresser une hiérar- chie qui vaille dans l'absolu. A plusieurs égards, la généralisation mathématique peut être taxée de relativité essentielle. En fait, si l'on se reporte à certains moments de l'histoire scientifique, on s'aperçoit que des généralisations mathématiques que nous pre- nons pour entièrement légitimes, comme allant de soi, ont d'abord semblé complètement arti- ficielles. Prenons, par exemple, l'incorporation dans un même genre des courbes suivantes : cercle, ellipse, hyperbole, système de deux droites sécantes. Cette réunion est pour nous entière- ment naturelle et cela à deux points de vue : d'abord ces diverses courbes se présentent toutes comme les sections planes du cône ; ensuite, par leur traduction algébrique, elles se révèlent émi- nemment semblables puisqu'elles sont toutes des courbes du second degré. Le premier caractère, qu'on connaissait depuis longtemps, était loin ce- pendant de légitimer un rapprochement entre des courbes qui, prises individuellement, appa- raissaient si diverses. Qu'elles soient tracées sur une même surface, cela ne devait pas d'abord es solidariser plus que des courbes contenues 56 LA. VALEUR INDUCTIVE dans un même plan. Le fait qu'on peut placer une hyperbole sur un cône ne pouvait guère d'abord jouer qu'un rôle singulier. Tous les autres carac- tères qu'on avait l'habitude d'étudier en se li- mitantau plan de l'hyperbole n'avaient, semblait-il, aucun rapport avec cette possibilité de reposer sans déformation sur une surface courbe. Il fallut que Desargues, guidé par des théorèmes entièrement nouveaux sur la perspective, mit en correspon- dance les propriétés planes des courbes du second degré et leur plaoe sur un même cône, pour qu'on comprît le principe de leur parenté. Elles en- traient en somme, sous le rapport de la perspec- tive, dans un même genre. Il ne faudrait pas croire que ce rapprochement fut aussitôt accepté comme une découverte décisive. Si les Pascal, les Fermât en comprirent la grande portée, si Descartes, devant une telle richesse de généralisa- tion, exalte ce qu'il a « coutume de nommer méta- physique de la Géométrie», les détracteurs ne manquèrent pas. Il faut bien reconnaître qu'on pouvait craindre de s'éloigner des caractères essentiels en quittant la contemplation d'une conique déterminée, pour atteindre une classifi- cation en quelque sorte externe des diverses coniques. Etre clair, c'était prendre les êtres géométriques dans leur état de distinction, en eux-mêmes, en acceptant les différences immé- diates. Les objections qu'on présente parfois dans Pépistémologie moderne contre la notion DE LA. RELATIVITÉ 57 de courbure d'un espace à quatre dimensions où certains veulent voir une image réelle tandis que d'autres ne retiennent qu'un simple raccourci verbal, on pouvait les faire contre une corres- pondance en quelque manière forcée, qui n'était peut-être qu'un simple principe de traduction, que le simple dictionnaire en deux langues pour passer des propriétés de l'ellipse à des propriétés parallèles, mais combien différentes, de l'hy- perbole. On ne peut manquer de penser au ton d'une certaine critique contre les extensions de sens dés définitions relativistes en lisant l'opi- nion de Fermât sur les travaux de Desargues. Dans une lettre au P.- Mersenne, Fermât écri- vait (1) : « J'estime beaucoup M. Desargues, et d'autant plus qu'il est lui seul inventeur de ses coniques. Son livret qui passe, dites-vous, pour jargon, m'a paru très intelligible et très ingé- nieux. » Le succès de la géométrie analytique fut moins discuté. Il n'empêche qu'on vante bien souvent le besoin de solutions géométriques directes. On redoute que, par l'incorporation dans des formes algébriques, la quantité triomphe de la qualité, que la traduction algébrique efface le caractère géométrique essentiel. On en revient toujours à l'intuition immédiate qui prétend retrancher les êtres mathématiques du mouvement tout externe (1) Œuvres de Fermât, p. 173. 58 LA. VALEUR INDUCTIVE de la classification, qui les replace dans leur soli- tude, tout entiers en eux-mêmes et par consé- quent sans rapport l'un avec l'autre, pas plus à l'égard de la généralité que d'un autre principe. Ainsi, sur cet exemple très simple des coniques, on sent que la généralisation créatrice n'est ni claire, ni immédiate. Elle ne s'impose à la con- viction d'un temps que par l'effort du génie. III Cette difficulté est peut-être une des raisons de la parcimonie des indications méthodolo- giques concernant la généralisation mathéma- tique. On trouvera cependant dans le livre de Chasles les éléments de la généralisation appli- quée, en tant que méthode, à quelques cas simples. Comme cette méthode nous paraît fort propre a préparer les généralisations mathématiques de la Relativité, nous en indiquerons brièvement les principes. La méthode de généralisation de Chasles repose sur la distinction des propriétés contingentes et des propriétés principales des êtres géomé- triques (1). «Nous entendons par propriétés (1) Chasles, Aperçu historique sur l'origine el le dévelop- pement des méthodes en géométrie..., 1875, p. wa. DE LA. RELATIVITÉ 59 intrinsèques et permanentes celles qui serviraient, dans tous les cas, à la définition et à la construc- tion des parties de la figure que nous avons appelées intégrantes ou principales ; tandis que les propriétés secondaires et contingentes sont celles qui peuvent disparaître et devenir imagi- naires, dans certaines circonstances de construc- tion de la figure. La théorie des cercles tracés sur un plan nous offre un exemple de cette distinc- tion que nous faisons entre les propriétés acciden- telles et les propriétés permanentes d'une figure. Le système de deux cercles comporte toujours l'existence d'une certaine droite, dont la considé- ration est fort utile dans toute cette théorie des cercles. Il faut donc définir cette droite et la construire par quelqu'une de ses autres pro- priétés, qui ait lieu dans tous les cas de construc- tion générale de la figure, ou du système des deux cercles. Ce sera une de ses propriétés permanentes- C'est par ces considérations que M. Gaultier, au lieu d'appeler cette droite la corde commune des deux cercles, l'a appelée axe radical ; expres- sion puisée dans une propriété permanente de cette droite, qui consiste en ce que les tangentes aux deux cercles, menées par l'un quelconque de ses points, sont égales entre elles, de sorte que chaque point de cette droite est le centre d'un cercle qui coupe orthogonalement les deux cercles proposés ». On voit donc que des propriétés liées ne sont 60 LA. VALEUR INDUCTIVE pas nécessairement solidaires. Une droite qu'on ne sait plus tracer en s'appuyant sur le caractère commun des deux cercles conserve sa significa- tion à l'égard des tangentes parties de ses diffé- rents points. En fait, du point de vue pédago- gique, c'est à la notion dé corde commune qu'il sera plus expédient de se référer; pour tracer effectivement l'axe radical, ce sera aussi à des combinaisons de cercles sécants qu'on aura re- cours. Mais l'ordre de la généralité renversera l'ordre de la construction : deux cercles isolés, sans point commun seront mis en rapport étroit et profond quand on considérera une notion comme l'axe radical dans son extension maxima, dans sa fonction la plus générale. Dans le même ordre d'idées, Chasles a étudié la notion d'imaginaire en Géométrie. Il passe du réel à l'imaginaire par une extension métho- dique dont la Relativité nous donnera maints et maints exemples. Chasles s'exprime ainsi (1). «On ne peut regarder l'expression d'imaginaire que comme indiquant seulement un état d'une figure dans lequel certaines parties, qui seraient réelles dans un autre état de la figure, ont cessé d'exister. Car on ne peut se faire l'idée d'un objet imaginaire qu'en se représentant en même temps un objet de l'espèce, dans un état d'existence réelle; de sorte que l'idée d'imaginaire serait (1) Chasles, foc. cit., p. 368. de la relativité 61 vide de sens, si elle n'était toujours accompagnée de l'idée actuelle d'une existence réelle du même objet auquel on l'applique. Ce sont donc les rela- tions et propriétés que nous avons appelées con- tingentest, qui donnent la clef des imaginaires en Géométrie ». Cette pensée est d'une simplicité trompeuse. Elle apparaît, lorsqu'on la médite, lourde de sens et de conseil. Elle renferme ce qu'on pourrait appeler le principe pédagogique de l'imaginaire mathématique. Ce principe nous paraît marqué au coin d'une induction si audacieusement exten- sive qu'elle peut dérouter un esprit peu habitué aux libertés mathématiques. La difficulté dans le maniement de l'imaginaire — comme d'ail- leurs dans le maniement de la quatrième dimension — c'est de maintenir dans l'esprit l'exemple réel — comme aussi l'objet à trois dimensions — puis de penser en même temps l'extension des propriétés considérées, que cette extension aborde un monde imaginaire ou bien une dimension supplémentaire. Jeu difficile et délicieux qui saisit dans le réel le prétexte du général. Il utilise l'exemple pour déborder l'exemple, il demande à l'expérience elle-même, cette compagne de l'habi- tude, une leçon de disponibilité d'esprit. Ainsi l'imaginaire dépasse l'imagination, il fait en quelque sorte violence aux enseignements du réel, il substitue au permanent de fait le perma- nent de droit. Il permet d'adjoindre le possible 62 la. valeur inductive à la réalité, sans risquer d'être dupe de l'extension donnée aux concepts, puisqu'il désigne toujours d'un signe distinctif le motif de l'adjonction. En résumé, l'imaginaire est un véritable opérateur de généralisation. On trouverait facilement bien d'autres exemples de l'extension naturelle des propriétés mathéma- tiques. Mais notre objet n'est pas d'indiquer tous les antécédents de la généralisation. Nous allons la voir à l'œuvre dans la Relativité. Il convenait cependant, croyons-nous, de montrer qu'encore que cet idéal de généralité soit un des sommets des doctrines einsteiniennes, il avait depuis longtemps attiré et vivifié la pensée mathé- matique. IV On s'aperçoit dès le premier coup d'œil que les disciplines de la Relativité n'hésitent pas à abor- der les phénomènes avec une mathématique ini- tialement et comme volontairement compliquée. Gela pourrait à première vue servir d'argument à une thèse déductive puisqu'on sent l'intérêt de s'accorder un grand domaine de suppositions pour une déduction féconde. Mais en réalité, ce domaine, avant d'être exploité, doit être conquis et c'est dans cette conquête qu'on met de la relativité 63 en jeu des intuitions inductives, des généralisa- tions, des analogies d'ordre spécifiquement mathé- matique, autant d'occasions d'induction que nous voudrions maintenant mettre en évidence. D'abord, le calcul tensoriel, qui joue le rôle primordial en Relativité, poursuit systématique- ment la plus grande richesse possible en variables. Par le jeu de ses indices multiples, il est prêt à faire face à toutes les occasions de variation. D'ailleurs les divers indices tensoriels se plient et se déplient à volonté, en un mouvement alter- natif de généralisation et d'application. Le géné- ral y reste toujours présent, toujours aussi clair que l'exemple. Autrement dit, par ses formules condensées, le calcul tensoriel arrive à inscrire la généralité sous le signe persuasif du particu- lier. Le calcul tensoriel nous paraît donc, en son essence, éminemment apte à donner les cadres d'une généralisation. Qu'on lui livre une des variables du problème, il saura lui associer toutes les autres ; il les apprêtera comme des formes vides, comme des possibilités éveillées par une espèce d'instinct de la symétrie fonctionnelle, par un génie de la généralité. Puis, grâce au simple mouvement d'une transformation de coordon- nées. on s'apercevra que la matière expérimen- tale vient couler dans ces moules formels, mettre la vie dans ces fantômes, équilibrer toutes les variations, expliciter enfin le rôle du général. 64 la. valeur inductive On peut saisir cet étonnant procédé de géné- ralisation à la racine même du calcul tensoriel. On en trouverait, par exemple, des traces dans certains développements sur l'élasticité, doctrine qui fut, comme on le sait, le berceau du calcul tensoriel. Ainsi Barré de Saint-Venant (1) montre le rôle des notations « que plusieurs auteurs anglais appellent Sylvestrian umbrae, parce que M. Sylvestre qui les a employées avec succès, appelle ombres de quantités (shadows of quanti- fies) ces sortes de notations dont se sont servis précédemment, au reste, Cauchy et d'autres analystes ». La quantité fantôme a encore pour ainsi dire moins de substance quo la quantité imaginaire. En effet, un nombre imaginaire schématise encore un type d'organisation de deux nombres réels, il symbolise une suite réelle d'opérations bien déterminées qui agissent sur des quantités qu'on peut mesurer, qui ont une existence en quelque sorte palpable. La quantité fantôme n'existe ni numériquement, ni même formellement. Elle est tout d'abord un pur néant. Et c'est naturellement pour cela qu'on peut l'adjoindre à une quantité numérique. Rien ne peut interdire d'additionner zéro à un nombre. C'est là un vieux procédé sou- (1) Barré de Saint-Venant, Mémoire sur la distribution des élasticités autour de chaque point d'un solide ou d'un milieu de contexture quelconque, particulièrement lorsqu'il est amorphe sans être isotrope.(Apud Journal de math, de Liouville, vol. VIII, 1863, pp. 257-295 et 353-430). de la relativité 65 vent employé par les algébristes. Dans la simple résolution de l'équation du second degré par exemple, on ajoute une quantité qu'on retranche immédiatement, ce qui, numériquement, revient à additionner zéro à une quantité. On fait appa- raître ainsi le carré d'une somme et l'on efface le terme du premier degré. Une extraction de racine conduit alors au résultat. Mais de tels pro- cédés restaient, dans l'algèbre ancienne, de simples artifices. Le calcul tensoriel en a fait une méthode. Nous allons essayer de mettre en lumière l'esprit de cette méthode. Etudions, par exemple, l'induction si caracté- ristique qui nous permet de substituer, dans certains cas, la dérivée tensorielle à la dérivée ordinaire. On sait que la notion de dérivée tenso- rielle s'est imposée quand on a voulu trouver une expression possédant les caractères d'un ten- seur et qui puisse remplacer, dans tous ses rôles, la dérivée ordinaire. On avait en effet reconnu que la simple dérivée d'un vecteur ne garde pas sa forme dans les changements quelconques de coordonnées ; autrement dit, il apparaissait que la dérivée ordinaire d'un vecteur n'a pas le carac- tère tensoriel. Pour répondre à l'esprit général des méthodes tensorielles, il fallait donc adjoindre à la dérivée ordinaire des termes susceptibles de compenser automatiquement les changements que cette dérivée éprouvait dans une transformation d'axes. On y parvint facilement en ajoutant des a 66 la valeur inductive fonctions linéaires des symboles de Christofîel. Or il est des cas simples où ces symboles sont identiquement nuls ; c'est ce qui arrive pour des coordonnées galiléennes. Gela revient donc à dire qu'en coordonnées galiléennes, les dérivées cova- riantes des tenseurs se réduisent aux dérivées ordinaires. Voici alors où l'induction va trouver place. Elle apparaît nettement dans ce passage emprunté à M. J. Becquerel (1). « Lorsqu'une loi physique est exprimée en coordonnées galiléennes par une relation où figurent des expressions qui sont visiblement des formes dégénérées de tenseurs et (de) leurs dérivées ordinaires, nous pouvons, toujours en coordonnées galiléennes, remplacer les formes dégénérées par les tenseurs eux-mêmes et les dérivées ordinaires par les dérivées cova- riantes; en coordonnées galiléennes, rien n'est changé et en même temps la loi est mise sous une forme tensorielle générale. Cette forme est celle exigée par le principe de relativité, car elle est indépendante du système de coordonnées : c'est certainement l'expression générale de la loi en coordonnées arbitraires dans un univers euclidien et c'est presque toujours l'expression de la loi dans un univers non euclidien, dans l'Univers réel où règne un champ de gravitation ». Comment ne pas voir que ces quelques lignes (1) Becquerel, loc. cit., p. 194. de la relativité 67 contiennent l'essence d'une méthode extrêmement nouvelle, qui appuie toute sa justification dans une liaison généralisante, tout son mouvement sur un élan inductif ! Il y a trois moments dans cette méthode : " 1° Des adjonctions purement formelles qui n'ap- portent absolument rien dansl'ordre delà quantité ; 2° Un jeu algébrique qui permet de passer d'un cas particulier au cas général ; 3° Puis, la généralité une fois conquise, une affirmation que l'invariance ne travaille pas un monde de fantômes, mais que presque toujours, par la consistance et la permanence de sa forme, cette invariance implique une matière. D'ailleurs on trouvera plus tard dans le principe d'équivalence d'Einstein de quoi assurer cette induction aventureuse qui prétend, par une forme, conquérir une matière. On saisira peut-être mieux le sens et la portée de cette induction algébrique en en suivant l'appli- cation à un exemple précis. Supposons que nous voulions déterminer l'équation la plus générale qui règle la propagation d'un potentiel quel- conque cp (1). En choisissant convenablement les unités, un développement classique conduit à une équation différentielle du second ordre : J? <13

c'est la question inverse qu'il faut résoudre : « dans quelles conditions le géométrique peut-il devenir un réel ? » C'est alors que le point de vue de M. Eddington apparaît dans toute sa valeur. « La matière, dit-il, n'est pas une cause mais un indice ». Cette for- mule nous paraît devoir marquer une date dans l'épistémologie. Elle intervient en effet pour modifier encore une fois nos idées sur les rela- tions de l'a priori et de l'expérimental. Elle est donc susceptible de déterminer toute une philo- sophie nouvelle. Dans ce domaine, Kant n'avait fait qu'une révolution copernicienne ; M. Edding- 230 LA. va.leur inductive ton a préparé la révolution einsteinienne de l'idéa- Au'fond, l'explication de M. Eddington reprend une idée célèbre de Poincaré qui aimait a dire que les postulats étaient des définitions deguisees. Mais Poincaré examinait alors les bases de la géométrie, il était dans un domaine manifeste- ment abstrait et pouvait se livrer au caracter conventionnel de la construction théorique La pensée de M. Eddington va autrement loin puisque ce sont les caractères physiques eux-mêmes qu vont se trouver mathématiquement définis Cette définition des caractères du réel est d'ailleur bien éloignée d'être une description empirique pour laquelle les mathématiques iraient un simple langage. Elle est imphquee en effet dans une atmosphère de conditions a priori. Autre- ment dit, cette description du réel est non seule- ment rationnelle, c'est-à-dire attachée à un sysUm cohérent de repères, mais elle nous parait meme touchée par la lumière d'une axiomatique M. Ed- dington le dit en propres termes (1) : «^ pro- priétés de configuration (géométriques) de 1Uni- vers sont indiscernables de ses propriétés d exten- sion. Par suite, la manière dont se comporte la matière à l'égard de l'espace et du temps est implicitement décrite dans les axiomes de la géométrie de l'espace-temps ». (1) Eddington, Espace, temps et gravitation. Trad. partie théorique, p. 14. de la relativité 231 On arrive en quelque partie à effacer l'irratio- nalité d'un phénomène complexe en acceptant un phénomène simple comme élément de l'expli- cation. Cela revient, comme nous l'avons deja rappelé, à incorporer des faits dans le corps d'explication, exactement de la même manière qu'on incorpore un nombre irrationnel dans un domaine de rationalité. Un irrationnel en soi n'a pas de sens. Quand on parle d'irrationnel, il ne peut s'agir que d'un irrationnel par rapport à des nombres dont on admet la rationalité. Les faits pris comme bases n'ont pas davantage besoin de support. C'est dans la construction qu'ils prendront leur véritable sens en raison de leur valeur de systématisation. Houssay dit très bien (1) « que chaque fait n'a point de réalité, mais que leur ensemble en a »». Il faut de toute évidence rendre la matière entièrement correlative de son phénomène. «Nous n'avons pas besoin, dit encore M. Eddington (2), de considérer la matière comme une entité étrangère, cause de perturbations dans le champ de gravitation; la perturbation, c'est la matière elle-même. De même, nous n'avons pas à regarder la lumière comme une intruse dans le champ électromagné- tique, contraignant le vecteur électromagnétique à osciller sur son parcours, car ce sont ces oscilla- tions mêmes qui constituent la lumière. Non plus (1) Houssay, Force et cause, p. 56. (2) Eddington, loc. cit., p. m. 232 la. va.leur inductive que la chaleur n'est un fluide produisant l'agita- tion des molécules d'un corps ; l'agitation molécu- laire, c'est la chaleur elle-même. » Ces dernières expressions se retrouveraient sous la plume de bien d'autres partisans d'un phéno- ménisme pur, mais le commentaire va moins loin que le texte. Ce qui est nouveau, c'est qu'un phy- sicien ait pu proposer le phénoménisme au ni- veau même des qualités premières et qu'il ait tenté d'attaquer et de dissoudre les caractères matériels par des voies et moyens entièrement mathématiques. En effet, si l'on essaie de saisir à son instant décisif la force de liaison philosophique de la construction relativiste, on voit qu'elle réside dans une espèce d'équilibre mathématique entre les caractères différents du phénomène. On a d'abord aggloméré en un même tenseur les gran- deurs d'ordre plus purement géométrique. On a formé ensuite un deuxième groupement tensoriel avec des qualités d'ordre mécanique ou électrique. Notre connaissance du réel est alors apparue comme contemporaine de la réunion de ces deux tenseurs. Mais où les doctrines divergent, c'est sur la portée de l'équivalence des tenseurs formés dans des voies si diverses. Le Relativiste réaliste accepte que le tenseur géométrique soit un ten- seur de référence, organisé pour la commodité de notre étude et il réserve pour le tenseur maté- riel des caractères empruntés à une réalité. Ce de la relativité 233 sera donc une équation aux termes nettement distingués qui donnera une espèce de mesure tensorielle des caractères du réel. Le Relativiste eddingtonien attaque cette thèse de deux côtés à la fois : il constate qu'on forme le tenseur d'ordre géométrique à partir de véritables expériences sur la règle et l'horloge et qu*on rend ainsi à ce tenseur des caractères matériels, — il constate ensuite que les tenseurs mécaniques ou électriques sont impliqués dans un système de schémas et d'axiomes et par conséquent, en quelque manière, géométrisés. Un pas de plus et l'on pose non pas l'égalité mais l'identité des tenseurs physiques fondamentaux et des tenseurs de la géométrie de l'espace riemannien. Voilà le phénoménisme équilibré. Si l'illusion réaliste persiste, on en accusera l'ordre choisi pour la construction. C'est parce que «la correspondance de l'analyse mathématique avec les objets de l'expérience est établie ordi- nairement non pas en déterminant ce qu'est la matière, mais en se fondant sur les effets de cer- taines de ses combinaisons » (1) qu'on a été amené à donner une primauté aux combinaisons retenues. Mais à vrai dire, les deux résumés, géométriques ou matériels, sont issus de la même source, la même nécessité les commande. C'est encore une nécessité unique qui doit les assem- (1) Eddington, loc. cit., p. 234. 234 la valeur inductive bler. On n'a pas affaire à une loi nouvelle qui découvrirait des qualités géométriques de la matière, non plus qu'à une méthode qui irait à la recherche d'une réalité lointaine. Il ne s'agit que de fixer une définition de la matière en fonc- tion d'une expérience plus familière postulée comme élémentaire et par conséquent comme réfractaire à une analyse. Ainsi que le dit très bien M. Becquerel (1) « on ne peut pas prétendre que la Nature force l'Univers à se courber dans les régions où il y a de la matière, et force la matière à suivre les lois de la dynamique, car c'est nous qui définissons la matière de façon que ces lois soient satisfaites... Notre loi de conserva- tion, ainsi que notre loi de gravitation ne sont, en somme, que des identités». Il s'agira finalement de se demander si nous avons bien placé notre examen dans la liberté axiomatique maxima. Peut-être la résistance de la substance du réel à l'assimilation géométrique provient-elle simplement de l'appareil géomé- trique trop rigide. C'est à une semblable conclu- sion qu'aboutissent les suggestions si captivantes de MM. Coppel, Fournier et Yovanovitch (2). «A l'univers archimédien la Physique impose la notion extra-logique de substance, tandis que dans les cadres d'une géométrie non-archimé- (1) Becquerel, loc. cit., p. 334. (2) Th. Coppel, Georges Fournier, D. K. Yovanovitch, Quelques suggestions concernant la Matière et le Rayonnement, 1928, p. 23. de la relativité 235 dienne la substance elle-même est réduite aux notions logiques fondamentales d'espace et de temps ». Quel est en somme le caractère d'une géométrie non-archimédienne ? C'est de présenter des zones où la « mesure » ne peut pénétrer. Quelle est la conséquence des postulats quantiques ? C'est également de figurer des éléments sans géométrie interne, à l'intérieur desquels aucune expérience ne peut pénétrer. Le rapprochement va de soi. Ce qui limite l'expérience physique, c'est ce qui limite l'expérience géométrique. Mais cette limitation de l'expérience géométrique n'est pas proprement physique, elle doit être portée dans la zone conceptuelle, sur le terrain même de l'axiomatique. V De même qu'on ne peut pas prouver que la matière apporte dans l'espace-temps une réalité substantielle, on ne peut pas davantage concevoir qu'on ajoute du dehors des qualités à cette ma- tière, par simple souci de corriger nos abstrac- tions premières. Ces qualités ont le même droit d'être considérées comme essentielles que la ma- tière elle-même. Il faut donc ramener systéma- tiquement toutes les propriétés de la matière dans le cadre général de la théorie complète, les 236 la valeur inductive replacer à leur rang de caractères primordiaux, au même niveau que les caractères mécaniques ou géométriques. C'est ainsi qu'une matière chargée électriquement ne peut pas correctement être analysée par la division de ses caractères mécaniques et électriques. L'implication des pro- priétés est plus profonde puisqu'elle touche à l'ordre mathématique. C'est précisément en cela que consiste la cohérence — toute nouvelle —■ des définitions relativistes, la Relativité étant à certains égards un «corps de définitions». Dès lors, si l'on veut examiner le caractère électrique dans sa raison première, il faudra remonter à la combinaison des champs gravita- tionnels et électriques et poser le problème en termes d'équivalences et de correspondances ten- sorielles. On saisit nettement la formation du complexe électricité-matière quand on passe de la géométrie riemannienne réclamant dix coeffi- cients potentiels, telle qu'elle est utilisée en gra- vitation, à la géométrie à quatorze coefficients potentiels employée pour le champ électrique. Mais ce serait une erreur de croire que, mathé- matiquement parlant, les quatre nouveaux coeffi- cients s'ajoutent purement et simplement aux dix coefficients anciens, comme les porteurs de la qualité adjointe. La soudure est complète, elle est étroite entre toutes par cela même qu'elle se place sur le terrain de l'axiomatique. C'est en effet dans l'axiomatique même que M. Weyl de la relativité 237 a découvert la trace des potentiels électriques, en supprimant des restrictions implicites, en proposant la non-intégrabilité de la longueur exactement de la même manière qu'on avait proposé la non-intégrabilité de la direction pour expliquer la courbure de l'espace-temps. Les deux suppositions, celle qui concerne l'électricité comme celle qui concerne la matière, se révèlent donc aussi essentielles l'une que l'autre. L'une achève l'autre. Elles procèdent toutes deux d'une même pensée et c'est à cette pensée qu'il faut se référer pour comprendre le plan et le but de la construction des propriétés matérielles et électriques. Vu dans la lumière mathématique, un classe- ment de réalités sous-jacentes n'aurait d'ailleurs pas de sens puisque le phénomène, qu'il soit d'ordre gravifique ou électrique, ne transcende pas les relations des potentiels. Les quatorze potentiels sont ainsi associés dans le même phéno- ménisme. Comme le dit M. Eddington (1), «c'est une hypothèse entièrement gratuite de supposer qu'il existe quelque chose dans l'Uni- vers qui se conforme aux relations des quatorze potentiels et qui ne soit pas identique à ces rela- tions ». (1) Eddington, loc. cit., p. 234. 238 la valeur inductive VI Mais le phénoménisme de M. Eddington est peut-être plus frappant encore dans la proposition qu'il fait de définir le vide par des voies mathé- matiques. Rien n'empêche de concevoir en effet que le vide ait des caractères tensoriels quand on a bien compris que la Relativité est une science de rapports sans supports et que nécessairement le vide doit être relatif à une détection déterminée. Naturellement, ce n'est pas d'une expérience du vide qu'on peut partir et l'on ne peut prendre le vide comme une sorte de réalité négative, simple symbole d'une expérience manquée. Pas plus que la matière, il n'est une donnée. Pour qu'il prenne son rôle mathématique, il faut le placer à son juste rang dans la construction mathématique. Gomme l'explique M. Eddington (1), le géomètre a commencé par former un tenseur en considérant des points-événements et des intervalles qui sont postulés comme indéfinissables. Ce tenseur, ce n'est qu'après coup qu'on en viendra à lui don- ner un sens. Pour cela, on l'expérimentera comme une espèce d'hypothèse physique. En effet l'attri- bution d'une signification « se fait d'abord à titre f (1) Eddington, loc. cit., p. 240 note. de la relativité 239 d'essai, puis elle passe au définitif quand on a trouvé qu'elle était compatible avec l'expérience ». Mais cette référence à l'expérience n'ajoute rien au concept, elle n'en est qu'une garantie externe ; toute la valeur du concept proposé comme con- cept du vide réside dans les relations antécé- dentes à l'expérience, elle est d'ordre mathéma- tique. Voici précisément où le concept prend naissance : quand, au point de vue de la gravita- tion, nous ne percevons rien dans l'espace tétra- dimensionnel des points-événements, nous nous rendons compte qu'on peut annuler le tenseur de Riemann contracté ; nous poserons donc qu'à défaut d'une autre interprétation l'égalité à zéro de ce dernier tenseur « signifie que là où elle est valable, il y a vide » (1). L'équation ainsi cons- truite n'est donc qu'une simple définition tenso- rielle du vide. Finalement, le vide apparaît bien à un instant particulier de la construction de la loi de gravitation. C'est une notion tardive qui possède en quelque sorte une réalité mathématique bien avant de recevoir, d'une manière plus ou moins conventionnelle, une réalité expérimen- tale. Une fois de plus, et sur ce qui pourrait sembler de plus nettement immédiat, comme la matière ou le vide, de plus spécifiquement expérimental, comme l'électricité, nous voyons les fonctions (1) Eddington, loc. cit., p. 234. 240 la Valeur inductive théoriques primer la fonction réaliste. Et même, pour mieux dire, la fonction qui spécifie le réel, dès qu'on la considère à sa juste place dans le corps de la doctrine, se présente comme une fonc- tion théorique. En effet, cette fonction réaliste vient à son heure, au centre, non au début de l'explication, quand la théorie a pris assez de cohérence pour donner à certaines notions la consistance du concret. C'est pour renforcer et résumer la permanence de ces notions qu'on pro- pose une réalité. Mais toutes les fonctions de cette réalité sont déjà trouvées quand on en vient à affirmer sa présence avec son nom. Sa solidité est faite de la solidarité de ses propriétés, et cette solidarité est d'autant plus forte et évidente qu'elle est d'origine résolument mathématique. Nous comprenons le réel dans la mesure même où la nécessité l'organise. C'est pourquoi l'étude du lien des propriétés objectives ressortit à la theorie des fonctions mathématiques. Quand on a bien vu en général, que les mathématiques ont pour tâche directe l'étude de l'ordre, de la correspon- dance, de la fonctionnalité, et que la quantité n'y intervient qu'à travers ces cadres primitifs, on se rend compte que le donné - dès l'instant où il est ordre et forme — passe sous le joug de la nécessité mathématique. Le saisir, c'est le placer dans une perspective théorique ; un donné n'est jamais primitif. Demander quel est le premier donné, c'est une question aussi vaine que demander de la relativité 241 quel fut le premier homme. Un son ne commence pas avec la première vibration, car la première vibration n'a aucune qualité sonore. Quand un son commence, il a déjà duré. Quand un donné est reçu, il est déjà compris. Par cela même, le lien intrinsèque des propriétés d'une notion objec- tive doit être recherché en remontant à ce qu'on pourrait appeler le passé théorique de la notion. Les garanties de réalité sont finalement d'ordre mathématique et le philosophe pourrait dire : « Donnez-moi des conditions mathématiques inva- riantes, et je vous ferai une réalité ». Tout le long de la construction relativiste, nous avons vu ainsi se déposer des réalités tardi- vement définies, qui se présentaient comme l'achè- vement d'une pensée. La direction de notre effort vers le réel est d'une netteté inflexible. C'est une conquête, non une trouvaille. Notre pensée va au réel, elle n'en part pas. A aucun moment nous n'avons trouvé une réalité qu'on connaîtrait par abstraction progressive ; toujours nous avons eu affaire à une réalité qu'on formait en amassant des relations. C'est cette agglomération sanc- tionnée par la fonction réaliste que nous devons maintenant considérer pour en dégager la portée philosophique. CHAPITRE VIII La conquête de l'objectif. Si nous essayons maintenant de recenser et de juger les garanties réalistes des doctrine» de la Relativité, nous ne pouvons nous défendre de cette impression qu'elles sont bien tardives et qu'elles reposent sur des phénomènes peu nom- breux et d'une finesse déconcertante. Les Réali- sateurs se détournent de ces doctrines, car pour eux la réalité n'attend pas ; il faut la prendre immédiatement, dans son premier phénomene et il faut l'éprouver dans l'ordre de grandeur de l'expérience primitive. L'expérience est ainsi pres- sante et péremptoire. Au contraire, les Relativistes prétendent faire un système de leur liberté spirituelle et organiser leur prudence : d'abord, ils ne prendront de l'expérience que des caractères entièrement assi- milables par leur méthode de référence, avouant ainsi ne pas s'attacher à toute la réalité ; ensuite ils mettront tout leur soin à lier les phénomènes par raison suffisante, faisant prévaloir l'objectiva- tion sur l'objectivité. de la relativité 24 3 C'est à tort en effet qu'on veut voir dans le réel la raison déterminante de l'objectivité alors qu'on ne peut jamais apporter que la preuve d'une objectivation correcte. « La présence du mot réel, dit très bien M. Campbell (1), est toujours le signe d'un danger de confusion de pensée ». Si l'on veut rester dans la clarté, il faut en venir à poser le problème systématiquement en termes d'objectivation plutôt que d'objectivité. Détermi- ner un caractère objectif, ce n'est pas mettre la main sur un absolu, c'est prouver qu'on applique correctement une méthode. On objectera toujours que c'est parce que le caractère décelé appartient à l'objet qu'il est objectif, alors que l'on ne four- nira jamais que la preuve de son objectivité par rapport à une méthode d'objectivation. La raison avancée est gratuite, la preuve, au contraire, est positive. Nous croyons donc qu'il vaut mieux ne pas parler d'une objectivation du réel, mais plutôt de l'objectivation d'une pensée, en quête du réel. La première expression ressortit à une métaphysique. La deuxième est plus susceptible de suivre l'effort scientifique d'une pensée. Préci- sément la Relativité, nous voulons maintenant y insister, nous paraît un des plus méthodiques efforts de la pensée vers l'objectivité. Cette modification dans la direction du processus, d'objectivation revient à dire que le problème de (1) Campbell, loc. cit., p. 149. 244 LA. VA.LEUR INDUCTIVE la vérité d'une doctrine n'est pas dérivé du pro- blème de sa réalité, mais qu'au contraire le juge- ment de réalité doit être posé en fonction d'une organisation de pensée qui a déjà donné les preuves de sa valeur logique. M. Campbell a indiqué cet ordre philosophique dans des, termes particulièrement clairs. En se plaçant au point de vue même du physicien, il se demande si la Relativité a pour but de découvrir la vraie na- ture du monde réel. C'est là une question, dit-il, à laquelle il faut répondre par des questions. Voici alors les questions primordiales : (1). « Est-ce que les physiciens (je ne dis rien des mathé- maticiens ou des philosophes) croient à la réalité d'une certaine chose pour une autre raison que le fait que cette chose résulte d'une conception d'une loi vraie ou d'une théorie vraie ? Avons- nous quelque raison d'affirmer que les molécules sont réelles, si ce n'est le fait que la théorie molé- culaire est vraie — vraie dans le sens de prédire exactement et d'interpréter les prédictions en termes d'idées acceptables ? Quelle raison avons- nous jamais eue pour dire que le tonnerre et l'éclair ont lieu réellement au même temps, si ce n'est que la conception de la simultanéité, qui est telle que cette affirmation est vraie, rend possible la mesure des intervalles de temps ? Quand on aura répondu à ces questions, il sera (1) Campbell, Theory and experiment in Relativity apud (Nature, 17 févr. 1921). DE LA RELATIVITÉ 245 temps de discuter si la Relativité nous dit quelque chose sur le temps réel et sur l'espace réel ». C'est bien, comme on le voit, soulevé par un physicien, le problème philosophique des rap- ports du vrai et du réel. Nous proposons de le formuler de la manière suivante : comment le vrai peut-il préparer le réel, ou même, dans un certain sens, comment le vrai peut-il devenir le réel ? C'est én effet sous cette forme que ce problème nous semble le plus susceptible d'ac- cueillir l'importante contribution apportée par la Relativité. De toute évidence, la doctrine rela- tiviste apparaît comme vraie avant d'apparaître comme réelle. Elle se réfère longtemps à elle-même pour être d'abord certaine d'elle-même. Elle est une manière de doute provisoire plus méthodique encore et surtout plus actif que le doute cartésien, car il prépare et fonde une véritable dialectique mathématique. On ne voit guère d'ailleurs ce que la preuve expérimentale pourrait faire contre ce doute essentiellement constructif, érigé en un système d'une telle cohérence mathématique. Une fois engagé dans la Relativité, on se rend compte qu'on doit placer, dans le cours de la construction, l'assertorique bien après l'apodic- tique. Il faut avant tout prendre conscience de la nécessité constructive et se faire une loi de rejeter, comme le dit Sir Lodge (l),tout ce qui ne semble (1) Sir Lodge, toc. cit., p. 796. 246 la valeur inductive pas nécessaire. Plus encore que la nécessité, la construction du réel a besoin de la preuve de cette nécessité : ce n'est pas seulement à une nécessite qui viendrait d'une réalité que la construction du réel peut se confier, il faut que la pensée cons- tructive reconnaisse sa propre nécessité. Par contre-coup, l'assurance de la construction par une référence à une réalité-toute faite ne peut et ne doit être que surérogatoi're. D'ailleurs, on ne peut guère prétendre s'assurer également de deux côtés à la fois : du côté de la logique et du côté d'un réel immédiat. La preuve par le réel ne peut être qu'indirecte quand on part du domaine logique. Il faut toujours que l'expérience soit préparée pour être nette, stable ; il faut aussi qu'elle soit en quelque manière coor- donnée à ce qui est déjà compris pour qu'on puisse trouver le moyen de la poser et même de l'exprimer, ne serait-ce qu'en tant que problème. Du logique à l'expérimental, il y a donc une sorte d'hétérogénéité de la preuve. Cela est plus vrai de la Relativité que de toute autre doctrine. Or, il est indéniable que la Relativité s'engage de prime abord dans des voies logiques, c'est donc du côté logique qu'elle peut trouver le principe de son évidence. C'est ce qu'indique avec force M. E. Cunningham (1) : « Einstein a la logique de son côté, car les définitions de l'éther et du (1) 'Cunningham, Relativity. The growth of an idea. apud (Nature, 17 févr. 1921, p. 785). DE LA RELATIVITÉ 247 temps sont des définitions quid nominis, non quid rei ». Cet aspect nominaliste des bases de la Relativité paraîtra moins extraordinaire quand on aura saisi le caractère double de la géométrie tradi- tionnelle. Cette dualité a été affirmée bien des fois, mais rarement avec autant de pertinence que dans l'article consacré à la Relativité par Miss Dorothy Wrinchet le Dr Harold Jefîreys(l) Comme l'expliquent ces auteurs, il y a une géo- métrie abstraite et une géométrie concrète dont les véritables objets sont en somme entièrement différents. Mais la similitude formelle de leurs propositions est si complète qu'elle masque tota- lement la disparité des deux sciences. Or cette disparité est essentielle puisqu'elle touche à la méthode. En effet, la géométrie abstraite est une construction qui est inspirée par une pensée axiomatique. Elle aboutit, comme l'épistémologie contemporaine l'a montré, à une certitude condi- tionnelle, mais tout de même parfaite en ce sens que les relations avec les hypothèses initiales sont explicites et réglées. Au contraire, la géomé- trie concrète, jusque dans ses théorèmes les plus simples, implique le principe de l'induction expé- rimentale. Transporter un triangle sur un autre pour vérifier leur égalité est une véritable expé- (1) Jeffreys et Wrintch, The relation between Geomelrg and Einstein's Theory of gravitation apud (Nature, 17 févr. 1921, p. 806). 248 LA VALEUR INDUCTIVE rience de physique. Le fait que cette expérience est rapide et simple et qu'on en voit clairement les conditions d'approximation indéfinie ne peut nous donner le droit d'attribuer à cette opération une rigueur absolue et de conclure du général à l'universel. On ne peut, dans cette voie, conquérir la certitude logique. C'est ce qu'affirment nette- ment Miss Wrinch et le Dr Jefîreys (1) : « Quel que soit le nombre de fois qu'une proposition ait été vérifiée pour des paires de triangles parti- culiers, il ne sera jamais possible de prouver que cette proposition est vraie pour une autre paire de triangles, sans supposer par la suite quelque principe de généralisation empirique qui n'est pas inclus parmi les postulats ». Sans doute il y a un théorème de géométrie abstraite prêt à résumer une expérience de congruence de deux triangles empiriquement identiques, mais c'est à condition que cette géométrie abstraite ait d'abord inscrit la légitimité du transport des figures dans l'axio- matique de base. En somme de l'une à l'autre géométrie, il y a toute la différence qui sépare la vérification d'une loi de l'application d'une règle. Encore que le théorème de l'égalité des triangles s?énonce de la même façon en géométrie expérimentale et en géométrie axiomatique, la démonstration dans les deux cas ne donne pas le même rôle aux éléments qu'elle combine : (1) Jefîreys et Wrinch, loc. cit., p. 807. DE LA RELATIVITÉ 249 d'un côté il s'agit d'une opération plus ou moins libre, d'une expérience plus ou moins réussie, de l'autre il s'agit de l'usage d'un « opérateur » au sens mathématique du terme. Affirmer l'iden- tité d'un objet dans un déplacement, c'est géné- raliser une expérience. C'est donc une affirma- tion a posteriori. L'expérience seule peut nous assurer que l'espace n'a pas d'action spécifique. Cette indifférence à ce que l'espace contient a un tout autre sens dans la géométrie abstraite. Là, tout est objet de définition préalable, non seule- ment le point, la droite, le plan, mais l'espace même (1). Dès lors, cet espace ne saurait avoir d'autres fonctions que celles qui relèvent de sa définition préliminaire ; pas d'autres rapports avec les éléments géométriques quelles rapports susceptibles d'être construits sur la base des définitions a priori. Il n'est nullement antérieur à ce qu'il contient. Peut-on concevoir maintenant un moyen de passer de cet espace entièrement abstrait, posé par une définition préalable, à un espace phy- sique capable de solidariser les phénomènes, de porter, d'un objet à l'autre, des effets, de main- tenir des champs ? Qu'on réduise encore le pro- blème autant qu'on le voudra, qu'on examine par exemple la relation d'un espace défini comme possibilité non différenciée et d'un espace qu'on (1) Voir par exemple : Mac Leod, Introduction à la géo- métrie non-euclidienne, p. 12. 250 LA. VA.LEUR INDUCTIVE expérimente comme isotrope, on n'en sera pas moins devant une difficulté philosophique inso- luble puisqu'on devrait expliquer la coïncidence du logique et de l'expérimental. Cependant à poser le problème sous cette forme réduite, on gagnera peut-être la faculté de suivre la «réa- lisation » de l'espace et de prendre une espèce de mesure du trajet métaphysique qu'il faut par- courir pour aller du cadre formel à la matière informée. Mais ce serait encore trop audacieux de se placer ainsi sur le terrain ontologique et de pré- tendre, en une induction illégitime, apporter d'un seul coup une réalité achevée. On ne peut espérer travailler utilement au problème philosophique du réel qu'en examinant le réel dans son rôle vis- à-vis de l'esprit, ou bien, si ce programme est encore trop vaste et imprécis, dans une de ses fonctions épistémologiques. Aussi, au point où nous en sommes, nous croyons que le plus avantageux et le plus pru- dent, c'est de postuler le concret en se guidant sur le principe de raison suffisante. De cette ma- nière, on accepte sans doute le réel avec la passi- vité inéluctable, on l'accepte tel qu'il est, mais du moins on le critique a priori et l'on rejette a priori ce qu'il ne peut pas être. Nous avons vu la Relativité s'efforcer de codifier les raisons de telles exclusions; de les dresser en un système fortement coordonné. Certes, on ne peut trouver DE LA RELATIVITÉ 251 aucune garantie rationnelle nous assurant qu'on postule correctement le concret dans sa partie positive, puisqu'il n'y a de garantie rationnelle que sous le signe de la nécessité et qu'on dérogé à la nécessité en acceptant l'expérimental. Mais cette dérogation est réduite au minimum parce qu'on rationalise au moins les conditions néga- tives du concret en utilisant le principe de rai- son suffisante. La force inductive de la raison suffisante se trouve singulièrement augmentée quand on peut faire la preuve qu'elle coordonne une véritable construction. Elle correspond en définitive à cette construction vécue par le dedans. Lest précisément à cette géométrie vivante que M. Brunschvicg fait appel pour éviter les anti- nomies. Gomment en effet la pensée, dans son essor réel, dans son acte marqué d'unité, pour- rait-elle se briser et se contredire puisque la contradiction, c'est l'impossible ? On doit donc trouver une garantie d'objectivité dans la pensée géométrique elle-même, simplement en s effor- çant de prendre conscience des actes qui la cons- tituent (1). «La philosophie du jugement échappe aux antinomies ou, plus exactement, les antinomies lui échappent, parce qu'au lieu de considérer l'espace géométrique comme un tout donné que l'analyse résoudrait en ses elé- (1) Brunschvicg, loc. cit., p. 479. 252 LA. VA.LEUR INDUCTIVE ments, elle se place à l'origine de l'action qui engendre cet espace ». On se tromperait, croyons- nous, si l'on voyait dans la thèse de M. Brunsch- vicg une simple traduction, sur un plan métaphy- sique, des théories génétiques traditionnelles de l'espace. La distinction qu'il propose est autre- ment profonde. Une géométrie génétique s'ins- truit en face d'un réel donné, c'est encore une géométrie trouvée. La géométrie brunschvicgienne se définira au contraire «comme l'activité cons- titutive d'un espace vrai ». Elle sera une géomé- trie voulue, une organisation d'actes, elle aura la cohérence et l'a priori de l'action et c'est ainsi qu'elle sera vraie. Il faut faire le vrai pour com- prendre le vrai. « L'action de l'homme dans la constitution de l'espace géométrique, dit encore M. Brunschvicg, est une action de vérité ». Vue sous ce jour, la vérité géométrique ne résulte pas davantage d'une référence à une notion abstraite que d'une référenoe à un espace donné. Elle est contemporaine de la construction, elle l'anime. Elle concilie l'invention et la nécessité ou, pour mieux dire, elle est la nécessité de l'invention. La construction géométrique peut ainsi rece- voir un sens éminemment actif. Si l'on songe maintenant que l'armature de l'objectivation est essentiellement géométrique, ou autrement dit que la pensée géométrique sert d'axe à la pensée objectivante, il faudra conclure que cette objecti- vation n'est pas d'une nature statique mais bien DE LA RELATIVITÉ 253 plutôt dynamique en ce sens qu'elle aussi trouve sa garantie dans la force et la continuité d'un essor, dans une pensée en marche. La théorie de M. Brunschvicg nous fortifie dans notre hypo- thèse que la racine de l'objectivité, ce n'est pas l'objet. Prise au centre de sa force, dans son caractère spatial, cette objectivité ne commence pas par un contact avec l'objet, mais elle se confond d'abord avec le plan géométrique de notre action, avec un schéma moteur ou encore, en déformant légèrement une expression de M. Brunschvicg, avec un tracé-image. Plus que la' conscience d'une généralité, l'objectivation est une méthode de généralisation consciente. Il serait bien insuffisant de constater la généralité, il faut lui trouver une raison dans le plan même de l'action. Effectivement, l'esprit pose le géné- ral dès qu'il n'aperçoit pas de raison suffisante pour corriger le programme suivant lequel il dépense son activité. C'est la netteté de l'activité géométrique qui décide de sa valeur pour l'objec- tivation ; autrement dit, les éléments géomé- triques sont parmi les plus objectifs car en les combinant la volonté est vraiment entière, nette et franche. Si le sentiment de la grâce est fait d'une volonté qui s'infléchit et qui, en contredisant ainsi à son essor, perd la conscience de son action et s'abandonne à la douceur de la passivité et de l'obéissance, le sentiment géométrique est la conscience d'une volonté qui reconnaît ses aretes, 54 LA. VA.LEUR INDUCTIVE ses angles, ses oarrefours, bref ses libertés énumé- rées et ordonnées. L'expérience n'a plus pour rôle que de mesurer nos actes déployés, et les divergences qu'elle peut déceler ne sauraient enta- mer le cristal de nos gestes, pur et coordonné, livré a priori par notre volonté. INDEX DES AUTEURS CITÉS D'Alembert, 131. Appell, 131, 160, 161, 162. Arago, 42. Barré de Saint Venant, 64. Becquerel (Jean), 47, 66, 67, 71, 73, 74, 76 79, 108, 109, 115, 118, 127, 129, 130, 132, 135, 156, 159, 212, 220, 234. Bergson, 42, 110. Bialobrzeski, 173. Bloch (Léon), 31, 168. Bohr, 88, 92. Borel, 16, 17. Born, 97, 100, 152, 153. Bossuet, 8. Bouasse, 15, 16, 19. De Broglie (Louis), 137. Brunschvicg, 228, 229, 251, 252, 253. Buffon, 27, 28. Campbell, 24, 26, 140-144, 178, 243, 244. Carr, 195. Cassirer, 215. Cauchy, 64. Cavendish, 35. Chasles, 58, 60. Chazy, 25, 35, 39. Christofïel, 49, 66, 69, 159. Clairaut, 27&28. Coppel, 234. Coulomb, 29. Cunningham, 246. Desargues, 56, 57. Descartes, 31, 56, 105, 106. Eddington, 134, 149, 150, 151, 179, 198, 199, 219, 222, 223, 227, 229, 230, 231, 233, 237, 238, 239. Einstein, 8, 10, 13, 15, 43, 44, 45, 47, 49, 67, 122, 129, 131, 155, 170, 180, 190, 212, 217, 219, 220, 221, 246. Eotvôs, 127, 132. Esclangon, 20, 23, 24, 25. Faye, 30, 37. Fermât, 56, 57. Fitzgerald, 108. Fourier, 119. Fournier (Georges), ?34. Gaultier, 59. Gauss, 172. Gonseth, 22. Hall, 33, 34, 41. Hamilton, 171, 172. Hertz, 184. 256 INDEX DES A Hilbert, 169, 170,171, 172, 173. Hôffding, 182. Houssay, 231. Janet (Paul), 27, 28. Jeffreys, 247, 248. Kant, 229. Képler, 26, 27, 86, 88, 90. Klein, 178. Lalande, 32. Lalande (André), 196, 204. Lamé, 95. Laplace, 27, 28, 36, 37, 40, Von Laue, 6, 183, 184. 185. 187, 192, 193. Leibniz, 106, 197. Leod, 249. Le Verrier, 32, 38, 40. Lodge, 189, 245. Loreiltz, 108, 135, 143, 145, 151, 171, 184, 190, 193. Mach, 6. Mariotte, 45. Maxwell, 94, 190, 191. Mersenne, 57. Meyersort, 182, 196, 201, 202, 207, 218. Michelson, 142, 148, 150, 175, 184. Mie, 170. Minkowski, 152, 153, 225. Mœstlinus, 82. Newcomb, 24, 34, 41, 42. rEURS CITÉS Newton, 13, 20, 21, 22, 27-44, 47, 48, 106, 141. Pacotte, 216. Painlevé, 180. Pascal, 56. Picard (Emile), 221. Poincaré, 37, 154, 165, 166, 167, 168, 178, 230. Poisson, 119. Reichenbach, 6, 188. Rey, 205. Riccioli, 32. Riemann, 159, 239. Schlick, 225. Schopenhauer, 194, 197, 198, 224. Schwarzschild, 46. De Sitter, 180. Solovifte, 100. Sommerfeld, 85, 86, 88, 91, 92, 94, 95i Sylvestre, 64. Todhunter, 35. Van der Vaals, 45. Villey, 157, 158. Villiers de l'Isle-Adam, 178. Weyl, 136, 137, 175, 176, 207, 236. Wilbois, 29. Wrinch, 247, 248. Yovanovitch, 234. Zaremba, 155,173,175,176. TABLE DES MATIÈRES Introduction. - La nouveauté des doctrines relativistes .............................. LIVRE PREMIER Chapitre premier. - Les doctrines de la Relati- vité et l'approximation newtonienne........ Chapitre II. — L'induction mathématique dans les doctrines de la Relativité .............. Chapitre III. - Le progrès de la relativation.... 97 LIVRE II Chapitre IV. - Le caractère formel des prin- ^ cipes relativistes.......................... Chapitre V. - Les garanties d'unité de la doc- ^ trine.................................... Chapitre VI. - Simplicité et Raison suffisante.. 182 LIVRE III Chapitre VII. - Relativité et Réalité.......... 201 Chapitre VIII. - La conquête de l'objectif.. .. 242 Index des auteurs cités .................... 17 Imp. Jouve et Cie, 15, rue Racine, Paris. - 2-1S39 mm 000004 00000473570 MOUY (P.). — Les lois du choo des corps d'après Malebranche. In-8° de 95 pages..................................... 10 fr. MUNK. — Mélanges de philosophie Juive et arabe. In-8° de 600 pages........................................... 60 fr. RODIER ((>.). — Etudes de philosophie grecque. In-8' de 376 pages.......................................... 36 fr- SIRVEN (J.). — Les années d'apprentissage de Descartes (1596- 1628). In-8» de 500 pages.............................. 50 fr. ANTHONY (R.). — Réflexions d'un biologiste sur l'objet, les méthodes et les limites de la Psychologie. Un vol. in-12 de 69 pages......................................... 6 fr. BACHELARD (G.). — Essai sur la connaissance approchée. Un vol. in-8" de 310 pages (prix Gegner).................... 30 fr. BACHELARD (G.). — Etude sur l'Evolution d'un problème de physique. La propagation thermique dans les solides. Un vol. in-8° de 182 pages................................... 20 fr. DURAND-D0AT. — Le Sens de la Métaphysique. Un vol. in-12 de 132 pages........................................ 12 fr. DURAND-DO AT. — Essai sur l'Etendue. Un vol. in-8" de I 168 pages........................................... 18 fr. r GIRAUI) (V.). — Hlppolyte Taine. — Etudes et Documents. Un ! vol. in-i2 de 298 pages............................... 16 fr. J0VY (E.). — Etudes Pascaliennes. — I. Pascal et Saint-Ange. In-12 de 220 pages.............................. 12 fr. — II. Pascal et Silhon. In-12 de 118 pages........... 8 ir. — III. Dlscursions autour de Pascal. In-12 de 19fi p. 12 fr. — IV. Investigations Pêripascaiiennes. Un vol. in i : do 188 pages.... ................................. 12 r . — V. Explorations Circumpascalienr.es. Un vol. r l ri 192 pages...................................... 12 fr. — La Vie inédite de Pascal, par Dora Clémencnt. Un vol. in 12 de 86 p&xes............................. 8 fr LA FONTAINE (A.-P.). — La Philosophie de Berg on Un vol. iD-12 de 80 pages....................... 4 50 — La philosophie d'Emile Boutroux Un vol. in-!2 rie 90 pages..................................... 4 50 — La philosophie d'E. Durkheim, T. I, Sociologie générale, 1. vol. in-12 de 198 pages....................... 15 fr. RUSSELL (B.). — Méthode Scientifique en Philosophie. Traduit de l'Anglais par Ph. Devaux. Un vol. in-8°de 196 pages. 25 fr. EN ^ A LA MÊM LES CAHIERS DE PHILOSOPHIE DE LA NATURE publiés par Rémy COLLIN et Rolland DALB1EZ /. - Le Transformisme Eue GAGNEBIN. — Le transformisme et la paléonto- logie . Louis VIALLETON. — Morphologie et transformisme. W. R. THOMPSON. — Le parasitisme et la doctrine transformiste. Lucien CUÉNOT. — Le transformisme et l'inscription patrimoniale des caractères acquis d'abord par le soma. Roland DALBIEZ. — Le transformisme et la philo- sophie . Un vol. in-8° de 220 pages........... 18 fr. II. - Mélanges Série) Pierre TERMIER. — La méditerranée. Hans ANDRÉ. — La typologie des Plantes. Rémy COLLIN. — Cultures de tissus et biologie géné- rale. jacques MARITAIN. — Philosophie et science expé- rimentale. Narodna in univerzitetna knjiznica v Ljubljani 404967 Un vol. in-8° de 2/2 pages 20 fr.