logique intuitionniste et clinique psychanalytique Pierre Malengreau Les references de Lacan a la logique intuitionniste sont multiples. Certaines sont explicites. La plupart sont implicites. Elles denotent la constance des rapports de Lacan avec les savoirs de son temps. Elles rappellent aussi a quel point son enseignement s'est nourri de philosophie, de mathematique et de logique. Interroger le pas philosophique de Lacan doit partir de la. Il doit partir de ce que Lacan en extrait et des usages qu'il en fait. Ces references de Lacan s'inscrivent dans le fil d'une invitation qu'il adresse aux psychanalystes, d'etre eux-memes un peu plus logiciens. L'inconscient fonctionne selon une logique qui n'est pas celle du conscient. Il fonctionne selon une logique plus souple, voire « plus faible . Cette logique n'est pas moins interessante dans la mesu-re ou la presence ou l'absence de certaines correlations la rend plus difficile a tenir. Une logique faible est une logique qui s'appuie sur un autre abord de la relation entre le vrai et le faux que celui qui prevaut dans la logique classique. Comme le montre par exemple le debat autour des travaux de Brouwer, cette logique suppose de la part de celui qui la soutient un certain engagement, et meme un engagement certain qu'il convient de preciser. Cette logique convo-que les psychanalystes. La charge leur revient de dire en quoi ils se laissent enseigner par elle. Mon propos est d'interroger chez Lacan ce que l'intuitionnisme apporte au traitement d'une question qui traverse la derniere partie de son enseignement. Y a-t-il un usage du signifiant maitre dans l'experience analytique qui soit con-forme au style de signifiant maitre que cette experience produit ? Le sens precis que le terme de signifiant maitre regoit dans l'enseignement de Lacan lui vient de la linguistique structuraliste. Ce qui definit le signifiant maitre est la place qu'il occupe dans la paire signifiante Sj-Sj, ou un premier signifiant ne prend 1 J. Lacan, « Place, origine et fin de mon enseignement », Mon enseignement, Seuil, Paris 2005, p. 45-46. sens et signification qu'a partir du deuxieme. Cette definition formalise ce qui se passe concretement quand nous parlons : un phoneme, une lettre ou un mot ne regoit son sens qu'a partir de celui ou de celle qui le suit logiquement. Que ce premier signifiant soit qualifie de maitre lui vient de la place dominante qu'il occupe dans le discours du maitre. Le discours du maitre est un des quatre discours que Lacan isole dans son seminaire L'envers de la psychanalyse. Qu'est-ce qu'un discours ? « C'est un lien social determine par une pratique » que J.-A. Miller qualifie de « traitement de la jouissance »2. Un discours se definit a partir du lien particulier qu'il etablit entre ce qui concerne la prise du sujet dans le langage et une part de sa jouissance. Chaque discours regoit sa specificite de la maniere dont il traite, agence, articule au langage la jouissance propre a chacun. Que ce soit un lien social veut dire concretement que ceux qui font partie du meme discours peuvent se reconnaitre entre eux. Un discours est donc un lien social qui identifie. C'est le plus patent pour le discours universitaire. Rien de plus semblable d'un universitaire, qu'un autre universitaire. Ils se reconnaissent aisement entre eux par ceci, qu'ils mettent en position dominante un savoir constitue. Ce qui reunit dans une meme communaute les sujets hysteriques, ce n'est pas for-cement leur rapport au maitre, mais le fait que chacun se considere comme une exception. Que les analystes fassent communaute au nom du discours qui les identifie, est particulierement reperable dans la maniere dont ils se regroupent et se separent au nom meme de ce qui les reunit. C'est sans doute et curieuse-ment dans le discours du maitre qu'il est moins evident de reperer en quoi ceux qui en font partie se reconnaissent. Les maitres ont plutot quelque difficulte a se reconnaitre entre eux, du moins de leur vivant. Qu'est-ce qui distinguent ces discours ? Ils se distinguent a partir de ce qui les rend lisibles. Les discours sont des appareils qui traitent la jouissance et qui peuvent se lire chacun a partir du signifiant maitre et a partir de la place qu'il occupe dans chacun d'eux. Le signifiant maitre definit l'angle de lecture par laquelle nous abordons le moindre discours. Il definit sa « lisibilite »3. Tour a tour moteur, clef de lecture ou repere d'identification, le signifiant maitre polarise l'agencement des elements qui font la trame d'un discours et qui deter-minent sa signification. Dans le discours du maitre, le S^ est un prealable. Il est comme tel indiscu-table. C'est de la dont nous partons. Nous l'acceptons ou nous le contestons, mais nous n'y pouvons rien. Comme prealable, le signifiant maitre a une do- 2 J.-A. Miller, « L'orientation lacanienne », cours du 12/03/03. 3 J. Lacan, Le Seminaire de Jacques Lacan, Livre XVII, L'envers de la psychanalyse, Seuil, Paris 1991, p. 218. uble fonction que J.-A. Miller nomme son « double pouvoir »4. Le Sj dans le discours du maitre est d'abord le maitre du sujet. Le Sj est un signifiant pour l'identification. Il arrime le sujet a un savoir, et il lui permet d'avoir une place dans l'ordre du monde. Il renvoie aussi au minimum qu'on puisse demander a un analysant. Le minimum qu'on puisse lui demander est qu'il s'interesse au Sj qui lui est propre5. C'est meme une question que le psychanalyste se pose chaque fois lors des entretiens preliminaires. Le sujet qui vient le trouver est-il pret a chercher ce qui l'arrime dans le monde et a interroger a partir de la ce qui le rend etranger a lui-meme ? Ceci designe un aspect du signifiant maitre. Le Sj n'est cependant pas seulement le maitre du sujet. Il est aussi ce qui intro-duit un point d'arret dans le glissement indefini du signifiant et du signifie. Le signifiant maitre n'arrime pas seulement le sujet. Il arrime aussi l'ensemble des signifiants qui font la trame du savoir dans lequel il s'insere. Dans le discours de l'analyste, « le signifiant maitre est un produit et non pas un prealable »6. Le Sj n'y est pas presuppose. Il est a produire. Le psychanalyste invite l'analysant a dire tout ce qui lui vient pour que du Sj puisse etre produit. Il invite l'analysant a trainer a travers ses particularites pour que quelque chose de sa singularite puisse etre produite. Il s'agit dans une psychanalyse de produire a partir de l'efflorescence des signifiants, un signifiant tout seul, un signifiant a part. Ce qui fait sa difference, ce n'est pas le fait qu'il serait eventuellement exceptionnel par rapport a d'autres signifiants. Ce qui fait sa difference, c'est le fait qu'il soit cheville au corps. La specificite de ce signifiant lui vient de sa rencontre avec le corps. Il renvoie aux dits et aux non dits parentaux qui ont touche la sensibilite pulsionnelle de leur enfant. Il renvoie a ces mots ou ces silences qui font mal ou qui font vibrer. Le signifiant maitre que peut produire une psychanalyse se presente comme l'indice, la trace ou la marque de la rencontre toujours contingente entre le langage et le corps. Il faut que quelque chose du langage ait touche le corps et que le corps y ait ete pulsionnellement sensible. Que l'analysant puisse produire dans sa cure un nouveau signifiant maitre implique evidemment un certain parcours. Il faut notamment qu'il ait repere le ou les signifiants qui jalonnent son histoire et qui bruissent dans sa langue. Il arrive alors qu'une analyse menee a son terme produise un signifiant nouveau, un signifiant maitre non programme. Il arrive qu'elle produise l'un ou l'autre trait symptomatique auquel le sujet peut desormais accrocher son existence d'une maniere nouvelle, voire inedite. 4 J.-A. Miller, « Un effort de poesie », cours du 5/03/03. 5 J.-A. Miller, « Le desenchantement de la psychanalyse », cours du 5/06/02. 6 J.-A. Miller, « Religion, psychanalyse », La Cause freudienne 55, p. 20. Une question actuelle La question qui se pose alors est de savoir si le style de signifiant maitre produit par I'experience analytique peut nous aider a penser son usage non seulement dans la cure, mais aussi dans les pratiques qui s'en inspirent. C'est une question actuelle. Elle s'impose a partir des difficultes qui se rencontrent aujourd'hui dans un monde ou les problemes cliniques relatifs a la psychanalyse appliquee a la therapeutique prennent souvent le pas sur la psychanalyse dite pure ou didactique. La psychanalyse ne se pratique plus aujourd'hui com-me il y a trente ans. Nous avons connu une premiere epoque du mouvement lacanien. La pratique de l'analyse etait marquee par l'importance que Lacan donne au symbolique dans la direction de la cure. Nous avons connu ensuite une autre epoque. Nous sommes passes d'une epoque dominee par l'Autre et ses lois, a une epoque ou la pratique de l'analyse etait orientee par l'importance que Lacan donne a la jouissance. C'etait une epoque ou le discours de l'analyste avait encore comme envers le discours du maitre et ses vertus. Cela donnait une psychanalyse plus orientee par le sujet de la jouissance que par le sujet du signifiant. C'est encore notre epoque a ceci pres que les choses se sont aggravees de-puis lors. La version actuelle du discours du maitre est differente de celle qui prevalait il y a 35 ans. Lacan considerait en 1970 que le discours du maitre etait l'envers du discours analytique. Cette reversion des discours est plus difficile a concevoir dans un monde domine par la recherche standardisee de satisfactions immediates. Le discours du maitre n'est plus aujourd'hui l'envers du discours analytique. Il est, disait recemment J.-A. Miller7, son aboutissement. Le discours du maitre s'est empare de ce qui etait dominant dans le discours de l'analyste. L'objet plus-de-jouir est ce qui le mobilise. Il en fait sa boussole. Ce qui oriente alors le discours du maitre, ce n'est plus le savoir ou les ideaux du maitre, mais la quete de jouissance. Cette situation laisse peu d'issues aux sujets contemporains. Elle ne leur laisse souvent pas d'autre choix que de se refugier dans un mal etre qui sera d'autant plus informe, que la dite jouissance sera presente. Nombres de sujets qui s'adressent au psychanalyste semblent ne plus avoir a leur disposition les moyens necessaires pour une mise en forme minimale de l'enveloppe formelle du symptome. Certains sujets confrontent le psychanalyste a des modes de jouir instrumentes par des actions repetees. Les comportements d'addiction tel l'alcoolisme, la toxicomanie, la boulimie ou l'anorexie sont souvent de cet ordre. Ce qui domi- 7 J.-A. Miller, « Une fantaisie », Mental n° 16, p. 13. ne dans ce cas, c'est un mode de jouir qui ne fait pas enigme. D'autres au contraire presentent au psychanalyste une chaine de substitutions incessantes du chiffrage de l'inconscient. Les plaintes depressives alternent ici avec un degout, une honte, voire une haine de soi. Ce qui se domine ici, c'est plutot un mode de jouir qui ne cesse pas de faire enigme. Ces sujets confrontent alors le psycha-nalyste a un discours que nous pouvons faire equivaloir a ce que produisaient certains auteurs du nouveau roman dans les annees soixante, a savoir des textes sans ponctuation aucune. Cette clinique dominee par des problemes de jouissance rend problema-tique le rapport a l'Autre, et partant l'usage que nous pouvons en faire. La premiere clinique de Lacan nous avait appris qu'il y a maldonne a penser qu'il s'agit dans une psychanalyse de comprendre. Comprendre, c'est etre transparent a soi-meme. Ce n'est pas ce qui est vise. Un psychanalyste ne vise pas a rendre au sujet l'unite que la moindre rencontre avec le reel lui fait perdre. Le moins qu'un psychanalyste puisse lui apprendre est precisement qu'il n'est pas Un mais divise. Divise par un inconscient qui le rend etranger a lui-meme. Divise aussi par une jouissance qui echappe chaque fois qu'il croit la saisir. La deuxieme clinique de Lacan qui est encore la notre, nous apprend qu'il y a aussi maldonne a penser qu'il s'agit dans une psychanalyse de nommer la jouissance. Il y a maldonne d'abord parce que la jouissance comme telle ne peut etre nommee. Par definition, la jouissance est innommable. Une part seu-lement peut en etre elaboree. C'est ce que Lacan nomme l'objet plus-de-jouir, ou encore l'objet petit a. Il y a maldonne aussi parce qu'une jouissance peut toujours en cacher une autre souvent moins recommandable. Il y a maldonne enfin parce que nommer une jouissance peut etre une jouissance plus secrete encore, une jouissance du coup plus propice a echapper a toute mise en forme dans un symptome. C'est une difficulte pour la psychanalyse. Faire usage du signifiant maitre d'une maniere qui ne demente pas d'emblee la psychanalyse prend quelque fois pour un psychanalyste la forme d'un defi qui tient moins aux aleas de sa formation qu'aux questions qui lui sont adressees. Un sujet peut etre tente de se fixer a la part de jouissance qui oriente son existence et qu'une cure analytique lui aura eventuellement permis de cerner. Ca donne un sujet identifie par une jouissance, un sujet unifie dans une position que Lacan qualifie volontiers de cynique. La preeminence des problemes de jouissance laisse peu de place a la psychanalyse. Est-ce que cela signifie pour autant que nous ne puissions rien y faire ? Ce n'est pas la position de Lacan. Une part de la jouissance peut etre nommee et meme instrumentee d'une maniere viable, mais cela suppose un usage specifique du signifiant maitre. Cela suppose un style de signifiant maitre inedit, un style de Sj susceptible de modeler des symptomes praticables, des symptomes pour le desir. C'est a cela qu'interroger les formes pertinentes de la mise en fonction du signifiant maitre dans un monde domine par des questions de jouissance peut nous servir. Cela peut nous servir a repondre plus justement dans le champ de la psychanalyse appliquee a la therapeutique, en etant assure que la pratique analytique elle-meme pourrait s'en trouver plus juste. « D'un autre style » a « ce qui secourt» C'etait ce que Lacan annongait d'une maniere quasi prophetique dans le seminaire XVII sur L'envers de la psychanalyse : « Peut-etre est-ce du discours de l'analyste que peut surgir un autre style de signifiant-maitre »8. Il conviendrait, ajoute-t-il, de le « rapporter a ce qui est en jeu dans la position de l'analyste », lorsqu'il « se met en position d'etre l'agent, la cause du desir »9. Cette indication est precieuse. Elle peut nous servir de guide et de principe d'orientation. Lacan articule ce qu'il nomme un autre style de signifi-ant maitre a la position du psychanalyste, et meme plus precisement, a la position du psychanalyste quand celui-ci se met effectivement en position d'agent dans le discours analytique. C'est ce qu'indique le terme de « style »10. Quand Lacan utilise ce terme, il le refere non seulement a ce qu'un sujet a de plus singulier, mais aussi et sur-tout a son implication effective dans ce qu'il produit. Quand il est question de style, il est d'abord question de jouissance. Le mode de jouissance qui s'isole et se detache dans l'experience analytique est « ce qui repond a la question du style »11. Le style de chacun est la marque que sa jouissance laisse dans son mode de parler, voire meme dans sa fagon d'etre. Mais il y a plus dans cette reference au style. Un style « ne se traduit pas, hors l'histoire d'ou je parle »12. Ce qui revient a dire qu'un style est indissociable de l'acte qui le soutient dans une histoire singuliere. Il est donc tout aussi bien indissociable des elements contingents qui sont susceptibles de le modifier. Le style devient dans ce cas synonyme de ce qu'il y a de vivant dans une langue singuliere. Lacan nous invite a inventer, a soutenir un autre style de signifiant maitre en la rapportant a l'implication du psychanalyste dans l'experience analytique. 8 J. Lacan, L'envers de la psychanalyse, p. 205. 9 Ibid. 10 H. Freda et J. Attie, « Autour de la question du style », Lettre mensuelle de l'ECF, n° 202, p. 12-17. 11 J. Lacan, « Ouverture », Ecrits, p. 10. 12 J. Lacan, « Avis au lecteur japonais », Autres ecrits, p. 499. Il nous invite a extraire du discours de l'analyste un style de signifiant maitre qui prenne en compte la place qu'il occupe reellement dans ce discours. Aborder l'experience a partir de cette perspective « nous introduit a ce qui peut etre une demarche feconde, non pas de la pensee, mais de l'acte »13. Soutenir un nouveau style de S1 inaugure un nouvel usage du signifiant maitre, un usage qui engage le sujet du cote de l'acte. Mais « ce n'est pas demain la veille du jour ou l'on saura ce qu'il est ». Cette phrase annonce une des täches que Lacan se donne pour la suite de son enseignement. Et c'est donc tout naturellement que nous trouvons quelques annees plus tard une formule que nous pouvons considerer comme venant dire ce que serait cet autre style de signifiant-maitre. « Qu'est-ce qui secourt », se demande Lacan dans le seminaire L'unsu que sait de l'une-bevue s'aile a mourre. « Est-ce le dire ou est-ce le dit ? Dans l'hypothese analytique, c'est le dire, c'est-a-dire l'enonciation de ce que j'appelle la verite »14. D'un cote donc l'annonce d'un autre style de signifiant maitre, de l'autre, l'accent mis sur l'efficacite du dire. Pour commenter leur articulation, il faut considerer ce qui vient entre les deux. Ce qui vient entre les deux, c'est l'usage que fait Lacan de la logique intuitionniste. Cette logique fait partie des points d'appui qu'il se donne pour elaborer ce qu'il entend par cet autre style de signifiant maitre que peut produi-re le discours analytique. Il ne s'agit pas ici de presenter dans le detail les references de Lacan a la logique intuitionniste, mais seulement d'en extraire ce qu'elles apportent pour cerner cet autre style de signifiant maitre. Ces references peuvent servir a de-finir un style de signifiant maitre qui soit consequent avec ce que le discours analytique nous apprend. Elles peuvent servir a definir un style de Sj qui prenne sa valeur de verite, non pas de l'Autre, mais de l'usage que nous faisons. La logique intuitionniste Ce qu'on appelle la logique intuitionniste est une forme de la logique modale a laquelle Lacan se refere dans les annees soixante-dix. Comme l'a remarqua-blement montre E. Laurent15, c'est meme une des references majeures du dernier enseignement de Lacan. Cette reference s'incrit dans un debat autour d'une question qui divisent les philosophes et les mathematiciens depuis l'antiquite, 13 J. Lacan, L'envers de lapsychanalyse, p. 205. 14 J. Lacan, L'Unsu que sait de l'Une-Bevue s'aile a mourre, seance du 11/01/77. 15 E. Laurent et C. Even, « Lacan et la logique intuitionniste », Cahier - ACF Val de Loire n° 7, p. 45-77. et qui a fait l'objet de vives controverses dans les annees 20 entre D. Hilbert et L.E.J. Brouwer (1881-1966)16. Brouwer etait un personnage anticonformiste. Refractaire aux doctrines qui faisaient autorite, il aimait la controverse. Ses articles font souvent appel a la sagesse et au detachement, mais sa vie etait toute autre. Brouwer etait un etre d'intransigeance et de passion. Les liens d'amitie et d'estime qu'il avait avec Hilbert n'ont pas resiste a leurs desaccords. « Le quasi-fanatisme de Brouwer dans ses grands desseins de reformateur et l'autoritarisme mandarinal de Hilbert transformerent en affrontement de personnes ce qui au-rait du rester dans le cadre d'une courtoise controverse scientifique »17. Ces controverses denotent une difference d'esprit qui a traverse tout le XXeme siecle. Elles ont aussi l'avantage de nous apprendre que nul n'a « le pouvoir d'effacer la dualite de nos instruments de pensee »18, meme si le credit accorde a la logique deductive a plus facilement la cote dans un monde domine par la productivite. Hilbert l'a emporte jusque dans les annees 60 ou l'intuitionnisme brouweri-en refait surface, notamment avec les travaux de G. Kreisler et de A. Troelstra du cote de l'ecole hollandaise, et avec les travaux de D. Prawitz du cote de l'ecole suedoise. C'est a partir de cette epoque que nous trouvons chez Lacan les traces de son interet pour les travaux de Brouwer qu'il considere comme un « personnage considerable dans le developpement moderne des mathematiques »19. La controverse tournait autour d'une question essentielle en logique : a quelles conditions un objet mathematique doit-il repondre pour que nous puis-sions soutenir qu'il est vrai qu'il existe ? Deux positions s'affrontent. Les defen-seurs de l'orientation formaliste, dont Hilbert, soutiennent que la demonstration de la verite d'un enonce ou d'un objet mathematique depend uniquement d'un enchainement de propositions formelles. Les defenseurs de l'orientation intuitionniste, dont Brouwer, s'opposent a cette position de principe. Ils soutiennent qu'une demonstration passe necessairement par l'acte du mathematici-en, et partant par l'usage de ses instruments. Le terme d' « intuitionnisme » est un neologisme qui date de la fin du XlXeme siecle. Il prone une theorie de la connaissance qui s'appuie sur l'apprehension immediate et effective de la realite. C'est ce que Brouwer enonce de la maniere suivante : « il n'est point de verite qui n'ait ete objet d'une experience »20. Et c'est ce que Lacan resume dans le seminaire Encore en disant : pour poser un « il existe » a partir d'un ensemble infini, « il faut aussi pouvo- 16 W.P. van Stigt, Brouwer'sIntuitionism, North-Holland, Amsterdam, 1990. 17 J. Largeault, Intuitionnisme et theorie de la demonstration, recueil de textes, p. 534. 18 J. Largeault, Intuition et intuitionnisme, p. 16. 19 J. Lacan, « L'objet de la psychanalyse », seance du 15/12/65. 20 L. Brouwer, « Conscience, philosophie et mathematique », in J.Largeault, Intuitionnisme et theorie de la demonstration, p. 433. ir le construire »21. Parler de logique a propos de l'intuitionnisme n'est sans doute pas le plus exacte. Il serait plus correct de parler de mathematique intuitionniste22. La logique articule des enonces au regard de la verite. Elle utilise pour cela des objets mathematiques susceptibles d'etre ramene a un pur jeu de symboles. C'etait la position d'Hilbert. L'intuitionnisme soutient que tout ne passe pas par le formalisme logique, et qu'il faut aussi en passer par des objets mathematiques concrets. C'est seulement par extension des debats que le terme de logique intuitionnisme s'est impose. La logique intuitionniste prend son appui sur deux actes fondateurs23. Le premier acte de l'intuitionnisme est un acte negatif. L'intuitionnisme s'appuie au point de depart sur le refus du principe du tiers exclu. Ce principe est au fondement de toute la logique classique. Il pose « que toute hypothese est vraie ou non-vraie, mathematiquement »24, et qu'il n'y a donc pas de tiers entre le vrai et le faux. La logique intuitionniste conteste ce principe et admet l'existence de valeurs de verite tierces entre « vrai » et « faux ». Cela ne signifie pas que le vrai et le faux cessent d'etre contradictoires. Le faux reste toujours ce qui est prouve faux. La suspension du tiers exclu permet seulement l'admission d'objets mathematiques inacheves, comme c'est le cas quand nous avons a faire au con-tinu ou a des systemes infinis. La logique intuitionniste « ecarte les objets sta-tiques, au profit des objets qui se realisent progressivement dans le temps »25. Elle admet les objets en devenir, ou encore les objets que nous pouvons qualifier par exemple d'un « peut-etre », ou d'un « pas encore ». Un des exemples le plus souvent evoque est celui du jeu de des. Un de n'ayant que six faces, comment calculer la probabilite que tel chiffre apparaisse plutot que tel autre apres avoir jete les des un certain nombre de fois ? Le second acte de l'intuitionnisme est un acte d'affirmation. La mathematique intuitionniste introduit les principes d'analyse necessaires pour soutenir ces objets mathematiques inacheves. Elle se donne les moyens pour resoudre certaines oppositions, telle l'opposition entre le fini et l'infini, entre le point et le continu. Le terme de construction devient de ce fait tout a fait central. Deux traits en determinent l'usage. 21 J. Lacan, Le Seminaire de Jacques Lacan, Livre XX, Encore, Seuil, Paris 1975, p. 94. 22 E. Laurent, « La perception du Un et la reson du zero », in Le reel en mathematique, p. 163. 23 L. Brouwer, « Base historique, principes et methodes de l'intuitionnisme », in J. Lar-geault, Intuitionnisme et theorie de la demonstration, p. 446-458. 24 L. Brouwer, « Qu'on ne peut pas se fier aux principes logiques », in J. Largeault, Intuitionnisme et theorie de la demonstration, p. 21. 25 J. Largeault, Intuition et intuitionnisme, p. 176. Une construction est d'une part toujours relative aux moyens prescrits ou utilises. C'est ce qui se passe par exemple en geometrie ou une construction exige l'usage d'une regle et d'un compas. Une construction ne se fait pas n'importe comment. « Se reclamer de l'intuitionnisme ne signifie pas tolerer le vague et l'arbitraire »26. Il y a toujours des contraintes, des possibilites et des impossibilites a respecter. Une construction renvoie d'autre part toujours a une activite qui consiste a realiser ou a prolonger une figure ou un concept donne. Un exemple classique de problemes lies au continu est celui que pose la quadrature du cercle, a savoir la construction d'un carre a partir d'une aire donnee par un cercle. Ce probleme est insoluble en logique formelle. La solution que propose Lacan a partir de l'orientation intuitionniste est fort simple. Il suffit de prendre une pompe ou un marteau. « Un carre, c'est topologiquement la meme chose que ce cercle, car vous n'avez qu'a souffler a l'interieur du carre, il se gonflera en cercle. Et inversement, vous donnez des coups de marteaux sur le cercle et il fera un carre »27. C'est un bel exemple de solution intuitionniste d'un probleme insoluble de maniere classique. Un des moyens essentiels que la mathematique intuitionniste se donne pour soutenir ces constructions sont ce qu'elle appelle les series sans contrainte (lawless sequence), les series avec contrainte {lawlike sequence) et les series qui passent de l'une a l'autre (free choise sequence). J.-A. Miller en a fait un usage precis a plusieurs reprises pour rendre compte de la seance analytique et de ce qu'elle doit a la logique du pas-tout28. Une serie sans contrainte est par exemple celle que nous obtenons quand nous disons n'importe quels chiffres qui nous passent par la tete. Une serie avec contrainte est par exemple la serie que nous obtenons quand nous nommons une succession de chiffres pairs. Nous passons d'une serie a l'autre quand nous introduisons par exemple un calcul de proba-bilite dans une serie sans contrainte. L'usage de cet outil mathematique propre a la logique intuitionniste im-plique a la fois l'acte du mathematicien et son implication dans le temps. C'est a cet egard que la logique intuitionniste interesse la psychanalyse. Elle lui permet de preciser ce que Lacan nomme un autre style de signifiant maitre. Elle lui permet de cerner cet autre style de signifiant maitre par le biais de son usage. Trois references majeures chez Lacan balisent les appuis qu'il trouve dans la logique intuitionniste. 26 J. Largeault, Intuition et intuitionnisme, p. 15. 27 J. Lacan, « L'objet de la psychanalyse », seance du 15/12/65. 28 J.-A. Miller, « Algorithmes de la psychanalyse », Ornicar ?n° 16 ; « Pour une coordination psy », La Nouvel Ane n° 1 ; « Seance et serie », La Quotidienne n° 14. Cf. P. Malengreau, « La logique de la seance analytique », Lettre mensuelle de l'ECF, n° 228, pp. 11-16. Logique intuitionniste et verite La premiere reference est celle que Lacan utilise pour revisiter le paradoxe du menteur dans son seminaire D'un discours qui ne serait pas du semblant"2^. Il s'appuie sur la maniere dont un mathematicien nomme Paul Lorenzen explicite ce paradoxe dans les annees soixante. Lacan met en scene un dialogue entre la verite et nous. Si la verite comme partenaire nous dit : « je dis vrai », et si elle nous dit ensuite pour nous embarrasser « je mens », elle nous confronte a un paradoxe. Ce paradoxe est identique a celui auquel l'inconscient nous confronte. « Que l'inconscient dise toujours la verite et qu'il mente, c'est parfa-itement soutenable. Qu'est-ce que cela vous apprend ? Que la verite, vous n'en savez quelque chose que quand elle se dechaine, quand elle a brise votre chaine. Elle vous dit les deux choses (dont) la conjonction n'etait pas soutena-ble ». Supposons maintenant le contraire. Supposons que nous disions a la veri-te qui parle : « ou tu dis vrai ou tu mens », et qu'elle repond : « d'accord, je m'enchaine a ce que tu me dis : ou je dis vrai, ou je mens ». Dans ce cas la nous sommes perdants a tous les coups. C'est de cela dont il s'agit dans l'experience analytique. « C'est qu'elle se refuse, la verite, alors cela me sert a quelque chose. C'est a cela que nous avons a faire tout le temps dans l'analyse ». Qu'elle soit sans contrainte ou qu'elle contraigne par le choix que je lui propose, elle se refuse, et du coup « j'y perds mon latin et ga me laisse a desirer ». Ce texte contient un usage tres particulier de la verite. Le traitement intuitionniste que Lacan fait subir au paradoxe du menteur deplace l'accent de notre rapport a la verite. Il y a une situation intermediaire entre le « je mens » et le « je dis vrai » de la verite. Qu'elle soit sans chaine ou qu'elle soit enchainee, dans tous les cas la verite se refuse, et c'est quand elle se refuse qu'elle me sert. Dans tous les cas elle me fait perdre mon latin, et c'est alors qu'elle me fait desirer. La position de Lacan est ici resolument intuitionniste : tout comme les objets mathematiques, la verite ne peut etre posee sans etre construite. Le refus de la verite, note E. Laurent dans un remarquable commentaire de ce passage, est son veritable usage30. C'est parce qu'elle se refuse, c'est parce qu'elle n'est pas dans un « c'est ecrit d'avance », que je peux avancer dans la construction de mes assertions. Un court fragment d'analyse permet de preciser ce point. Un sujet obses-sionnel etait venu a l'analyse pour traiter son peu d'envie de vivre et pour se debarrasser des idees obsedantes qui tournaient autour de l'impression d'etre 29 J. Lacan, « D'un discours qui ne serait pas du semblant », seance du 17/1/71. 30 E. Laurent et C. Even, « Lacan et la logique intuitionniste », op. cit., p. 48-52. a une place qui n'etait pas la sienne. Il avait pris l'habitude d'attribuer son mal etre au fait qu'il avait ete place dans une famille d'accueil des sa naissance, et il en avait tire comme conclusion qu'il etait un enfant non desire. « C'est normal, dit-il un jour avec une hesitation dans la voix. Je suis un rescape de l'avortement ». La coupure de la seance sur cet enonce eut pour effet de le rendre equivoque. Etait-il le rescape d'un avortement manque ou le fruit d'une mere qui avait choisi de ne pas avorter ? L'idee qu'il avait d'etre un enfant non desire s'est trouvee en un eclair detronee au profit d'une interrogation sur son propre desir : pourquoi donc s'etait-il accroche a cette idee pendant toutes ces annees ? Qu'est-ce qui frappe ici ? Ce qui frappe, c'est l'achoppement, c'est l'hesitation a dire ce qui lui vient. L'achoppement annonce une formation de l'inconscient. « Dans une phrase prononcee, ecrite, quelque chose vient a tre-bucher La, quelque chose d'autre demande a se realiser ? »3J. Par ce tre-buchement, l'analysant avertit son analyste qu'une formation de l'inconscient n'est pas loin. Il montre que son inconscient travaille, et qu'il travaille la meme ou le sujet tente de maitriser les signifiants qui lui viennent. Le surgissement de l'enonce « je suis un rescape de l'avortement » equiva-ut au surgissement d'un SJ. Au moment ou le sujet dit cet enonce, la coupure de la seance lui fait entendre un un nouveau, un un tout seul en attente d'un S2 qui n'est encore qu'une absence. Ce un tout seul, c'est le un du trait de l'ouverture. Ce qui est indique par-la, c'est que cet un porteur d'absence peut etre ouvert ou ferme. Ce n'est pas joue d'avance. La suite depend de ce que le sujet en fait. Cette sequence eclairee par la presente reference de Lacan a la logique intuitionniste permet d'isoler deux usages de la verite. Soit nous faisons du faux une reference, et dans ce cas la nous traquons la verite la ou elle nous en-chaine sur le versant de l'exactitude. Cet usage de la verite ouvre la porte aux identifications et a ses impasses. Soit nous la dechainons. « L'interpretation n'est pas mise a l'epreuve d'une verite qui se trancherait par un oui ou un non, elle dechaine la verite comme telle, elle n'est vraie qu'en tant que vraiment suivie »32. Dans ce cas la nous rendons le sujet sensible a l'equivoque. Le rendre sensible a l'equivoque, ce n'est pas seulement faire apparaitre le fait qu'un enonce puisse etre vrai ou faux. C'est aussi engager le sujet a se laisser entrainer par le dechainement que l'interpretation aura opere. L'ordre de verite que la praxis analytique engendre a quelque chose a voir avec l'effet d'induction que cette praxis produit. « J'y perds mon latin et ga me fait desirer ». 31 J. Lacan, Le Seminaire de Jacques Lacqn, Livre XI, Les quatre concepts fondamentaux, Seuil, Paris 1973, p. 27. 32 J. Lacan, « D'un discours qui ne serait pas du semblant », seance du 13/1/71. Logique intuitionniste et« intension/extension » La deuxieme reference de Lacan a cette logique si enseignante pour les psychanalystes se trouve dans le seminaire Encore. Lacan utilise explicitement la logique intuitionniste pour construire la partie gauche de son schema de la sexuation, partie qu'il qualifie de feminine. La position feminine au regard du phallus classiquement situe du cote de l'homme n'est pas d'exclure le phallus. Ce qui distingue la position d'une femme, c'est d'etre pas-toute prise dans sa reference au phallus. La question qui se pose est de savoir s'il est possible de donner quelque existence a ce qui se reclamerait du pas-tout. « On sait par l'extension de la logique mathematique, celle qui se qualifie precisement d'intuitionniste, que pour poser un il existe, il faut aussi pouvoir le construire, c'est-a-dire savoir trouver ou est cette existence »33. Lacan s'appuie ici explicitement sur l'axiome brouwerien pour definir a quelle condition nous pouvons poser qu'il existe quelque chose ou quelqu'un du cote feminin. Nous pouvons poser que quelque chose existe de ce cote la pour autant que cette existence soit « excentrique a la verite ». Excentrique a la verite veut dire qu'il manque un enonce ou un predicat qui pourrait la qualifier vraie ou fausse. Les signifiants sont la, mais rien ne vient garantir leur sens, ni prediquer leur usage. La Femme prise dans un sens generique n'existe pas, mais il y a des femmes. Il manque cependant un enonce pour dire si c'est vrai ou pas. Il manque un enonce pour les dire autrement que une par une. Il y a dans cette page du seminaire Encore un aspect de la demonstration de Lacan qui est souvent inapergu. C'est un aspect pourtant susceptible d'enrichir notre abord d'un autre style de signifiant maitre. Ca concerne l'usage que Lacan fait du terme d'extension. Lacan commence par dire que ce n'est pas « du cote de l'extension que nous devons prendre le pas-toute ». Il se corrige lui-meme un peu plus loin en soutenant qu'il est quand meme possible de trouver de quoi poser une existence correlative au pas-toute, du cote de l'extension de la logique intuitionniste. Un ajustement s'impose. Les termes d'extension et d'intension nous viennent de la logique ou ils ont une signification precise34. Frege pensait « qu'a un predicat f(x), on pouvait toujours associer une entite {x, f(x)} ». On peut toujours associer une entite a ce qui est defini en intension. L'extension definit la classe des elements qui verifient le predicat pose en intension. Si nous considerons par exemple que la valeur predicative d'une girafe est definie par un certain nombre de caracteri-stiques comme « c'est un animal avec un long cou et une peau tachee », on dira 33 J. Lacan, Encore, p. 94. 34 E. Laurent et C. Evens, « Lacan et la logique intuitionniste », op. cit., p. 64. que l'animal girafe, celui que nous pouvons observer, verifie par extension la definition qui a ete posee. L'intension donne une valeur predicative, l'extension verifie son existence. L'intuitionnisme considere que l'extension est essentielle. Dire qu'il n'y de « il existe » que construit, revient a dire que l'extension fait partie de la realite de ce que nous avangons. Nous en avons le pendant dans la cure analytique. Un reve aussi riche soit-il en image et en signification n'a d'interet dans une psychanalyse que si l'analysant en fait quelque chose. Les termes d'extension et d'intension sont souvent utilises dans le milieu lacanien depuis que Lacan les a repris, tout en leur donnant un sens quelque peu different de celui qu'en donne la logique. La reference majeure en est la Proposition d'octobre. « Je m'appuierai sur les deux moments du raccord de ce que j'appellerai respectivement la psychanalyse en extension, soit tout ce que resume la fonction de notre Ecole en tant qu'elle presentifie la psychanalyse au monde, et la psychanalyse en intension, soit la didactique, en tant qu'elle ne fait pas que d'y preparer des operateurs »35. D'un cote donc l'extension, c'est-a-dire ce qui presentifie la psychanalyse au monde, et d'un autre cote l'intension, ce qu'il appelle la didactique. C'est autour de ce point que la langue de bois joue des tours a l'occasion a ceux qui s'y laissent prendre. Elle joue des tours si nous ne prenons pas en compte ce que la logique intuitionniste nous apprend. Lacan precise a la fin de ce texte la maniere dont il reprend ce binome. « Conformement a la topolo-gie du plan projectif, c'est a l'horizon meme de la psychanalyse en extension, que se noue le cercle interieur que nous tragons comme beance de la psychanalyse en intension »36. Lacan utilise la topologie pour mettre en continuite la psychanalyse en extension et la psychanalyse en intension. Le plan projectif est une figure topologique qui consiste a introduire une boucle interieure sur le trace d'un cercle. Le grand cercle est ici identifie en termes de psychanalyse en extension, et le cercle interieur est identifie en termes de psychanalyse en intension. Loin d'opposer intension et extension, Lacan s'interesse plutot a l'incidence sur la psychanalyse en extension, de quelque chose qu'il situe du cote de l'intension. Ce qu'il situe du cote de l'intension, c'est une beance. E. Laurent37 montre d'une maniere eclairant qu'il s'agit la d'un postulat dont l'importance se mesure a ses consequences. Dire qu'il y a une beance du cote de l'intension veut dire qu'il n'y a pas de definition predicative du psychanalyste. On ne peut pas dire Le psychanalyste. J. Lacan, « Proposition du 9 octobre 1967 », Autres ecrits, Seuil, Paris 2001, p. 246. 35 36 Ibid., p. 256. 37 E. Laurent et C. Evens, « Lacan et la logique intuitionniste », op. cit., p. 64. Ce qui se construit du cote de l'extension a du coup une fonction essentielle. Il a pour fonction de verifier la beance de la psychanalyse en intension, et une fagon de le verifier est de la prendre par le bout de temoignages un par un. C'est ce que l'experience dite de la passe a pour fonction de mettre en auvre. Elle a pour fonction de verifier a partir des temoignages d'analysants devenus analystes, que le resultat d'une cure n'est pas de l'ordre d'une identification a une definition predicative du psychanalyste. Il s'agit de verifier qu'il y a du psychanalyste un par un. L'usage que Lacan fait de l'articulation de l'intension et de l'extension va ainsi dans le sens d'un refus de la standardisation. Le un par un dans l'extension verifie l'absence de standardisation du psychanalyste dans l'intension. Ce qu'il y a des lors de remarquable dans le seminaire Encore, c'est le fait que Lacan fasse le meme usage de l'intension et de l'extension a propos de la position feminine. Tout comme il n'y a pas de definition predicative du psychanalyste, on ne peut pas dire La Femme. Dire que la femme est pas-toute veut dire qu'il n'y a pas de definition en intension du predicat « La Femme ». Lacan se fonde explicitement sur l'axiome intuitionniste : pour poser un il existe, il faut aussi le construire. Nous avons donc la une utilisation particuliere de l'intension et de l'extension. L'accent est mis sur ce qui manque du cote de l'intension, et sur la necessite de le verifier du cote de l'extension. Alors la question qui se pose a partir de la est la suivante : pouvons-nous elargir cet abord intuitionniste de l'intension et de l'extension a la psychanalyse elle-meme, et partant a l'usage qu'elle fait du signifiant dans l'experience ? Logique intuitionniste et« ma pratique, la votre » C'est ce qu'indique la troisieme reference de Lacan a la logique intuitionniste. Le texte intitule Introduction a l'edition allemande des ecrits est entierement construit a partir de l'axiome intuitionniste. Il est meme sensible, comme le rappelle J.-A. Miller38, que l'axiome intuitionniste lui donne son armature logique. L'inconscient temoigne-t-il d'un reel qui lui soit propre, se demande Lacan ? A quelles conditions pouvons-nous poser l'existence d'un reel propre a l'inconscient ? En le demontrant, repond-il. Lacan precise meme la nature de cette demonstration. Le reel propre a l'inconscient se demontre par la place que l'experience analytique donne a la contingence, c'est-a-dire a ce qui se rencontre comme par hasard. L'analysant decouvre que ses determinations signifiantes 38 J.-A. Miller, « Un reel pour la psychanalyse », Lettre mensuelle de l'ECF, n° 161, pp. 25-28. sont le fruit de rencontres qui auraient pu tout aussi bien ne pas avoir eu lieu. La decouverte de la contingence de ses signifiants maitres et le devoilement de la jouissance qui leur est attachee lui permettent de verifier qu'il y a du reel. Elles lui permettent de verifier qu'il y a dans l'inconscient un impossible a dire, un Urverdrängt dirait Freud, qui depasse tout ce qu'il pourrait en dire. Ce n'est donc pas une demonstration par deduction. Une demonstration par deduction est une demonstration qui ne laisse rien au hasard, ni au desir du logicien. La demonstration dont il s'agit en psychanalyse n'est pas une simple affaire de logique formelle. Cette demonstration passe par ce qui s'experimente dans une psychanalyse. C'est une demonstration resolument intuitionniste. Elle implique l'acte de l'analyste, l'acte de l'analysant et le temps qu'il faut pour la faire. Quand on lit ce texte de Lacan, on ne peut qu'etre frappe par l'insistance qu'il met sur son engagement effectif dans cette affaire. « L'analyste se definit de cette experience » 39. Il parle du lieu de sa pratique. « Je temoigne d'une experience, ecrit-il encore ailleurs, et il s'agit de voir ou cette experience me conduit par son enonce »4°. C'est a cela que nous invitent toutes ces references de Lacan a la logique intuitionniste. Elles nous invitent a cerner un autre style de signifiant-maitre non pas a partir de la pensee, mais a partir de l'acte. « Ce qui secourt, c'est le dire » Les formules de Lacan extraites du seminaire L'Insu que sait de l'Une-bevue prennent a partir de la toute leur portee. Ce qui secourt, ce n'est pas le dit, mais « le dire, c'est-a-dire l'enonciation de ce que j'appelle la verite ». Il n'est pas necessaire de faire un long detour pour cerner ce que Lacan entend ici par verite. Il suffit de se referer a ce qu'il en dit a partir de la logique intuitionniste. La verite me fait perdre mon latin, elle se refuse au savoir, et c'est alors qu'elle me fait desirer. L'indication est claire. Le dire qui secourt est un dire porteur d'une beance essentielle quant au savoir. Lacan est explicite dans cette seance du seminaire. Il oppose deux usages de la parole : d'un cote ce qu'il appelle le savoir, ou encore le dit de l'inconscient, d'un autre cote ce qu'il appelle le dire, ou encore l'enonciation de la verite. Ces deux usages de la parole eclaires par la logique intuitionniste denotent deux styles de signifiant maitre, et nous eclairent sur cet autre style de signifiant maitre susceptible d'etre produit par le discours analytique. 39 J. Lacan, « Introduction a l'edition allemande des Ecrits », Autres ecrits, p. 553. 40 J. Lacan, « R.S.I., introduction a la publication », Ornicar ? n° 2, p. 88. Dans le discours du maitre, le Sj s'impose du seul fait d'etre en position dominante. Le style que nous pouvons lui reconnaitre est celui que la logique formelle decrit en termes de deduction. Il suffit de le prendre par un bout et de tirer ce qui vient. C'est somme toute un signifiant assez previsible. Une fois pose, nous savons a quoi il va servir. Il inaugure le savoir inconscient et il appa-reille la part de jouissance qui nous est accessible. Son style est des lors tout aussi bien celui du celibataire. Rien de plus previsible qu'un vrai celibataire. Rien de plus previsible qu'un sujet installe dans cette position, non pas pour des raisons de symptome ou de contingen-ce, mais par choix. Que recherche un vrai celibataire ? Ce qu'il cherche, c'est toujours un autre celibataire. Surtout pas quelqu'un qui pourrait l'extraire de sa position. Ca nous fait rire, mais c'est un rire jaune, car nous avons tous du celibataire en nous. Un signifiant maitre qu'on pourrait dire celibataire est un signifiant qui renvoie le sujet a lui-meme. C'est un signifiant susceptible de le renvoyer a ce qui le fait Un. Le grand probleme pour la psychanalyse disait un jour Lacan, ce n'est pas l'Un, mais l'Autre. Comment concevoir cet Autre lorsque c'est l'Un qui domine ? Tel est l'enjeu de cet autre style de signifiant-maitre dont parle Lacan. Le signifiant-maitre auquel nous avons a faire dans le discours de l'analyste est d'abord pose dans ce discours comme produit. C'est toujours de ce que l'analyse produit qu'il faut partir. Et ce qu'elle produit dans le meilleur des cas, c'est ce que Lacan a d'abord nomme un signifiant primordial, avant de parler de Sj. L'analyse produit un signifiant primordial par rapport auquel le sujet se trouve « pour la premiere fois en position de s'assujettir »41. Le signifiant maitre que produit le discours analytique est donc un signifiant bien particuli-er. C'est un signifiant auquel le sujet peut enfin s'assujettir. Le sens est precis. Etre assujetti par un signifiant, ce n'est pas etre domine. Ce signifiant maitre n'est pas pris par le bout du pouvoir d'unification qu'il exerce a l'occasion. C'est un signifiant qui interpelle, qui divise et qui laisse le sujet dans un premier temps sans recours, demuni. C'est un Sj tout seul. On peut se referer a la clinique quotidienne. Il ne suffit pas dans une analyse qu'un sujet puisse reperer par exemple un parole dite ou non dite dans son histoire. L'histoire de chacun est ainsi determinee par des signifiants qui lui preexistent et qui sont a l'occasion traumatiques. Un sujet peut par exemple decouvrir dans son analyse que son prenom est celui d'un enfant mort avant sa naissance, que sa mere voulait qu'il realise telle figure ideale, ou encore que tel proverbe assene par son pere etait omnipresent. Certes, ce sont des signifiants qui peuvent marquer une histoire, mais ce sont des signifiants reduits a la signi- 41 J. Lacan, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, p. 248. fication qu'ils regoivent, des signifiants qu'on pourrait dire « appauvris » du fait d'etre trop pris dans une signification. Ce qui definit le signifiant primordial, ce n'est pas ici qu'il soit suppo-sement archaique. Ce n'est pas le fait qu'il ait ete present au debut d'une hi-stoire singuliere. Ca en fait partie. C'est un de ses aspects. Qu'il soit primordial signifie qu'il est premier au regard de tout ce qu'un sujet peut en faire. C'est sur ce point que les references de Lacan a l'intuitionnisme sont precieuses. Elles nous invitent a concevoir ce produit comme un commencement. Comme pro-duit, le SJ dans le discours de l'analyste « n'est que le commencement »42. Son style est celui que le recours a l'intuitionnisme nous permet de reconnaitre sous le terme d'induction. Le terme d'induction est un terme historiquement tres charge. Il se re-trouve dans des domaines apparemment aussi differents que la logique, la biologie moleculaire, les mathematiques ou l'electromagnetisme. C'est ainsi qu'on parle d'induction logique, d'induction moleculaire, d'induction transfi-nie, d'induction magnetique, et meme d'induction florale pour designer ce qui determine l'apparition d'une fleur a tel moment de la croissance d'une plante. Ce terme fait partie des moyens que la rationalite se donne pour aborder certai-nes questions relatives a la causalite. La decouverte de nouveaux modeles, de nouvelles regles, de nouvelles lois scientifiques emprunte classiquement deux voies, ou encore deux sortes de ra-tionalite. La premiere voie est deductive. Le raisonnement deductif consiste a deduire rigoureusement d'un ensemble d'information une information nouvel-le. Le syllogisme tel que le definissait Aristote a servi de modele pendant des siecles. « Tous les hommes sont mortels, Socrate est un homme, donc Socrate est mortel ». A l'epoque moderne, la mathematique a supplante la logique. Elle a montre la sterilite du syllogisme au regard de la fecondite infinie de la deduction de type mathematique. La seconde voie est inductive. Elle prend son appui sur des faits particuli-ers, et se pose la question de savoir s'il est possible et a quelles conditions d'en inferer une loi plus generale. Un exemple, tout aussi classique se retrouve dans de nombreux textes : qu'est-ce qui me permet de dire que « tous les corbeaux sont noirs » ? Pour justifier l'emploi du « tous », je suis bien oblige d'admettre que seulement tous les corbeaux que j'ai vus avaient cette caracteristique. Et comme je ne peux voir tous les corbeaux, on dira que j'infere cette generalisation a partir de proprietes remarquees chez quelques-uns. C'est un procede a la fois banal et pourtant difficile a fonder en raison. 42 J. Lacan, « L'insu que sait de l'une-bevue s'aile a mourre », seance du 08/03/77. Dans l'induction, la conclusion ne vient pas de premisses dont elle se de-duirait logiquement. Une conclusion par induction suppose un saut plus ou moins arbitraire entre une hypothese etablie a partir de faits particuliers et sa generalisation. Comment rendre compte du degre de vraisemblance d'une hypothese ? Qu'est-ce qui nous permet de passer d'un nombre fini de faits a une loi applicable a un nombre infini de faits ? Ce probleme intrigue le philo-sophe et traverse toute la philosophie des sciences. Il est au centre de toutes les grandes decouvertes scientifiques du XXeme siecle. Le recours au raisonnement inductif a permis a l'homme de science d'edifier des modeles qui lui permettent par exemple de prevoir les phenomenes engendres par des systemes qu'il n'a pas crees (la meteo, les marees, etc), ou de prevoir comment se comporteront des systemes materiels qu'il a crees (les barrages, les vehicules spatiaux, etc.). Ce n'est pas sur ce versant logique de la notion d'induction que Lacan s'appuie. Ce qui l'interesse, c'est l'usage que les physiciens font de ce terme dans le domaine de l'electromagnetisme. « La verite en question dans la psychanalyse, c'est ce qui au moyen du langage, j'entends par la fonction de la parole, approche (le reel) dans un abord qui n'est nullement de connaissance, mais comme d'induction, au sens que ce terme a dans la constitution d'un champ »43. La maniere dont la psychanalyse met la verite en question lui permet d'approcher quelque chose de tout a fait reel, meme si nous ne pouvons en parler qu'a partir du signifiant. Le reel dont il s'agit n'est pas le reel du discours de la science. Le reel dont il s'agit dans le discours analytique est le reel tel qu'il s'experimente, voire tel qu'il se demontre, dans une psychanalyse. C'est le reel du symptome sur lequel le sujet se cogne. C'est le reel de l'effet de sens lorsqu'il touche precisement a ce symptome. Ce reel ne s'approche pas par des voies purement formelles ou deductives. Ce n'est pas du cote du savoir deduit qu'il faut se tourner pour l'atteindre. Si c'etait le cas, la psychanalyse serait une conception du monde, voire une metaphysique du reel. L'abord du reel en jeu dans une psychanalyse suit une autre voie. Le reel s'apprehende par l'experience que nous pouvons faire de la verite dans une psychanalyse. Cette experience de la verite a sa specificite. Le commentaire que fait Lacan du paradoxe du menteur a partir de la logique intuitionniste ouvre la voie. L'experience de la verite dans la psychanalyse est l'experience d'un ratage. La verite en analyse se refuse, necessairement. Elle s'experimente « dans le trebuchement, dans l'action ratee, dans le reve, dans le travail de l'analysant »44. La verite est ce qui foire, ce qui varie, ce qui ne peut que se mi-dire. Elle se refuse. Du coup elle me laisse a desirer, et elle induit chez moi 43 J. Lacan, « Le savoir du psychanalyste », seance du 2/12/71. 44 Op. cit., seance du 3/02/72. plus d'un savoir. Cette experience de la verite est ce qui permet d'apprehender le reel par ce que Lacan nomme un abord d'induction au sens que ce terme a dans la constitution d'un champ magnetique. Le terme d'induction n'est donc pas pris dans le sens que lui donne l'epistemologie. Il renvoie ici a la notion de champ, et partant au sens qu'il prend dans l'electromagnetisme. Un signifiant d'induction est un signifiant qui depend de ses suites. Il se juge a ce que le sujet en fait et a ses consequences. Comme tel, il induit un pro-longement qui peut le modifier, voire le rendre obsolete. Un signifiant maitre qui induit est un signifiant maitre qui induit sa propre transformation. Il la programme. Le signifiant maitre produit par le discours analytique est donc tout le contraire d'un signifiant celibataire. Cet autre signifiant maitre est un signifiant qui laisse une place a ce que Lacan nomme l'Autre veritable. Son Autre, ce n'est pas l'Autre du savoir, ni l'Autre de la jouissance. C'est l'Autre de la contingence, c'est-a-dire cet Autre dont on ne sait pas ce qu'il sera, ni meme s'il sera. Toute la fin du seminaire Encore porte la marque de cette preoccupation lorsque Lacan avance : « savoir ce que le partenaire va faire n'est pas une preuve de l'amour »45. S'y dessine l'espace d'un possible qui a toute sa pertinence logique. Clinique, epistemique, politique Les references de Lacan a la logique intuitionniste nous invite ainsi a con-cevoir un style de signifiant maitre qui prenne son efficacite du principe intuitionniste : pour poser un il existe, il faut aussi le construire, et ce aux trois niveaux de l'experience, clinique, epistemique et politique. L'enjeu est d'abord clinique. Engager un sujet a ne pas reculer devant un autre style de signifiant maitre suppose de la part du psychanalyste une prise de position. Il faut qu'il soit le premier a parier sur l'usage que l'analysant fera de ce signifiant maitre, quel qu'il soit. De quoi lui permettre, s'il le decide, de ne pas reculer devant ce qui se derobe a la connaissance qu'il peut avoir de lui-meme. De quoi l'amener tout aussi bien a consentir a ce qui dans ses dires l'engage au-dela de lui-meme. Pris sur le versant epistemique, l'usage que Lacan fait de l'intuitionnisme nous encourage a construire un savoir qui accepte les impasses et les contradictions, les zones d'ombre et les audaces. Son dernier enseignement ouvre la voie d'une clinique qui s'appuie sur l'induction plutot que sur la deduction, sur la mobilite du savoir plutot que sur sa stabilite. Il nous invite a un usage du signi- J. Lacan, Encore, p. 133. fiant maitre qui prenne sa valeur du style qu'il se donne, c'est-a-dire de ce que nous en faisons et de ce qui, de ses consequences, nous echappent. Enfin, la dimension politique de l'axiome intuitionniste pourra etre a l'image de ce qu'il fut pour le mathematicien Brouwer lui-meme, c'est-a-dire ouvert a un usage qui depasse ses frontieres. Il nous reste a temoigner que la beance de la psychanalyse en intension n'est pas un vain mot, et que nous sommes disposes a faire de l'extension un lieu ou puisse se verifier cette beance. Une fagon de le faire est de ne pas reculer a faire usage de cet autre style de signifiant maitre lorsque la clinique nous l'impose. Une autre fagon et non des moindres est de prendre le risque de la conversation avec ceux-la meme qui ont fait le choix d'autres orientations psychanalytiques que celle que nous soutenons. Il y a sans aucun doute mille et une fagons de perdre son latin. La psychanalyse eclairee par l'intuitionnisme nous invite a prendre au serieux ceci, que le seul « il existe » qui vaille est celui que nous construisons tant qu'il nous fait desirer.