VOYAGE DANS i L'HÉMISPHÈRE AUSTRAL, E T AUTOUR DU MONDE, TOME TROISIEME, 2 u A 7T tl TJT f\ JJC V O Y A G E DANS L'HÉMISPHÈRE AUSTRAL, E T AUTOUR DU MONDE, FAIT SUR LES VAISSEAUX DE ROI, l'Aventure, & la Résolution, en iffi"$ 1773 , 1774 & 1775. Ecrit par JACQUES COOK, Commandant de la RéTolution Dans lequel on a inféré La Relation du Capitaine FURNEAUX,& celle de MM. FORS TER. TRADUIT DE L'ANGLOIS. Ouvrage enrichi de Plans s de Cartes, de Planches, de Portraits y & de Vues de Pays y dejfînés pendant l'Expédition , par M. H O D G E S. TOME TROISIEME. A PARIS, HOTEL DE THOU, RUE DES POITEVINS. M. D CC, LX XVIII. APEC APPROBATION ET PRIVILÈGE DU ROL 2 H A a «fcXT'I & >tti t(\TI t^î1 «3 kl & 2 H O G TABLE Al DES CHAPITRES «S^p i rV/iirW?. & v.otû l^vnÔ, .&rms,T sSj■ ^ ^ yî/r /a navigation de ces Infulaires, Defcription de , & û'e celles qui font dans les environs, avec a ù) vj TABLE des détailsfur les Habitans, & quelques Obfcrvûtions nautiques, x y CHAP. III. Pajfage des Ifles des Amis aux Nouvelles-Hébrides, Relation de la Découverte de l'Ifle de la Tortue, Variété d'incident avant & après l'ar~ rivée du Vaijfeau dans le Fort de Sandwich à l'Ifle Mallicolo. Defcription du havre & de la contrée adjacente £ de fes Habitans, Plufeurs autres particularités. 4 6 Chap. IV. Découverte de plufeurs Ifles ; entrevue & efcarmouche avec les Habitans. Arrivée du vaifl feau à Tanna; Réception que nous font les Infulaires. 8 9 ChàP. V. Commerce avec les Infulaires. Defcription de VIfle de Tanna. Divers incidens furvenus durant leféjour du Vaijfeau ni DES CHAPITRES. vij Chàp. VI. Départ de Tanna; defcription de fis Hahi- tans, de leurs mœurs & de leurs arts. 201 ChAP. VII. Reconnoijfance des Ifles voiflnes, Defcription plus détaillée de ces Terres. zz$ ChAP. VIII. Découverte de la Nouvelle-Calédonie. Incidens furvenus pendant la relâche du vaijfeau à la Balade, 248 chapitre IX. Defcription de la Nouvelle-Calédonie, Mœurs , coutumes & arts de fes Habitans. 2. 5?} Chàp. X. Suite de la navigation le long de la cote de la Nouvelle-Calédonie; Reflexions fur l'état de VIfle & des Habitans > Obfervaxions géographiques & nautiques, 30/ Chap. XL Suite de la navigation de la Nouvelle-Calé- vîij TABLE DES CHAPITRES. dortie ci la Nouvetle-Xelandc ; découverte de l'Ifle de i Norfolk y incidens furvenus dans le Canal de la Reine Charlotte. 338 voyage VOYAGE AU POLE AUSTRAL ET AUTOUR DU MONDE. LIVRE TROISIEME. CHAPITRE PREMIER. Passage d'Uliétéa aux Ifles des Amis. Defcription de plufieurs IJles découvertes dans cette Traverfée. Variété d'incidens. " Les six semaines que nous venions de pafler à » Taïti & aux Ifles de la Société, avoient di/îîpé toutes les m maladies bilicufes & feorbutiques ; mais la moitié de Tome 111, a mmmjgmm^ to l'équipage étoit attaquée du mal vénérien, dune efpèce NKJuin ■ M moins mauvaifc cependant qu'en Europe. D'aptes nos con- » verfations avec (Edidée fur les ravages, nous avons les plus » fortes raifons de croire qu'il cxifîoit à Taïti & aux Mes » de la Société , avant l'arrivée du Capitaine Wallis, en » 1768: il nous a fouvent alTuré que, plufieurs années » auparavant, fa mere étoit morte de cette maladie à Bola- » bola. On a fait, dans tous les pays, de bien mauvais » raifonnemens fur l'origine de cette pefte : on a maudit les » Efpagnols pendant près de trois fiécîes, pour l'avoir ap- » porté d'Amérique, & il cft prouvé, d'une manière incon- » teftable, qu'elle a commencé en Europe, lorfque l'Ame- »> rique n étoit pas encore découverte (a).Les Navigateurs » Anglois & François fe font aceufés mutuellement d'avoir » infeété les Taïtiens, quoique ces Infulaires le fuflent déjà 7 *> & qu'ils eufîent trouvé des moyens de fe guérir (/>) : il paroît » que la {implicite de leur manière de vivre, la fdubritc » de leur climat, & le long efpace de tems avoient diminué « la mauvaife qualité du virus, & lavoient amorti,comme il » l'en1 maintenant dans l'Amérique Méridionale. Il efï inutile » de rechercher quel Peuple a communiqué la maladie vé- » nérienne à un autre ; les mêmes caufes qui ont pu lui * donner naifîance dans une partie du monde, fuitilent pour (<0 Voyez Petr. Martyr, ab Angleria Decad. Americam. -Difîcrta- tion fur l'origine de la Maladie Vénérienne f par M. Sanchez : Paris, 17S*.-Examen hiftorique fur l'Apparition de la Maladie Vénérienne en Europe : lifbonne, 1774--Le Docteur Hunter^ dans les Transactions Philofophiques 3 & d'autres. {b) Voyez la Collection d'ILwkfVorth> Tome II. pœg. jii, de I» Traduction Ftançoife. » la produire par-rout ailleurs* Les privautés de l'équipage BBBBBEgSB » avec les femmes de Tonga-Tabboo &des Marquifes, & Ann. 1774, » leurs liaifons très-intimes avec les trompeufes Habitantes » de l'Ifle de Paque, n'eurent aucun effet funefte. On peut « en conclure que l'infection n'a pas encore éclaté fur ces n Ifles -y mais ces conféquences ne font pas toujours juftesj » car le Capitaine Wallis quitta Taïti fans avoir à bord un » fèul Vénérien, & la maladie y étoit pourtant avant fon n débarquement. Il eft sûr que les nouveaux Zélandois en « étoient déjà attaqués, lorfqu'ils ne connoiflbient pas les » Européens. » L'après-midi du 4,nous dépafsâmes l'Ifle de Mowrua ; ^ » & nous cinglâmes à l'oueft. » Le 6, fécond jour du départ d'Uliétéa, fur les onze heures 6, du matin ,1a terre parut dans le N. O. Nous reconnûmes bientôt que ce n'étoit qu'un récif à fleur d'eau , d'environ quatre lieues de tour, èc dune forme circulaire. Cette Ifle eft corn-pofée de plufieurs petites langues de terre, unies ememble par des briians, & donc k plus large fe trouve du côté du. N.Eôellea été découverte parle Capitaine Wallis, qui l'a nommée l'Ifle Howe. Le bateau, envoyé pour rcconnoîtrelcs fondes, rapporta qu'elleeft coupée paruncanalen dedans du récif, près de la bande du N. O. Les Indiens d'Uliétéa nous parlèrent d'une ïile inhabitée dans ce même paffage, qu'ils appellent Mopeha , &: où, dans de certaines faifonsjls vont à la pêche de la tortue. Je fuis d'autant plus porté à croire que c'eft la même Ifle, que rien n'annonçoit qu'elle eut des A * — a ! Habitans : elle gît par les 16d 46' de latitude auftrale, &r NIj'uir774# Par 15 4d 8' ^e longitude Ou cft. 7- * La nuit du 7, il tonna beaucoup, &r on attacha une » chaîne électrique au haut du grand mât. L'oifeau du Tro- » pique &: les Noddies nous environnaient : les Matelots » eurent le chagrin de laifïer échapper un grand goulu » après l'avoir harponné, & lui avoir mis trois balles dans ■33 le corps. ii. » Le 11, il y eut des éclairs, nous appcrçiimes un grand » nombre de poiiTons,tels que des bonites, des dauphins , » des goulus, des grampuiFes. » x^ Depuis le 6 jufqu'au 16, nous courûmes à l'Oueft, un peu au Sud. Les vents varièrent du N. au S. O., en tournant par l'Eft, & nous eûmes un tems incertain, fombre & pluvieux, avec une houle du Sud. En général, je pa/Tni les nuits en panne ou à la cape, ik. le jour, je forçai de voile. Une demi heure environ après le lever du folcil, on découvrit la terre du haut des mâts; elle reftoit au N. N. E.r nous portâmes immédiatement le cap deflus : c'eft un grouppe de cinq ou fîx Iflots couverts de bois liés enfemble par des bancs de fable & des brifans, entourés d'un récif, qui ne préfente aucune pafîe : au milieu, on apperçoit un lac. Nous rangeâmes les cotes de l'Oueft & du Nord - Oueft, depuis la pointe méridionale jufqu a l'extrémité feptentrio-naîe, l'efpaee d'environ deux lieues ; nous nous approchions fi près du rivage, que nous vîmes quelquefois les roches fous le vaifïèau j cependant nous ne trouvâmes pas un lieu propre Pl 38 isle d'HaRVK v Laid .. ttf. . .jB'J, Al va///, ■■75&.-S+. Omst 9e Crree/iiricA 7icAe//c de I s le Palau ;rs ion Laid.. .1S..04 . J. + / i mféù , ■ i£3. .10. Ouest de OreenivicA - IsJbE de la Tortue Lattt..... jg°. . ,48■ J* Z onait,,, .///,-. à l'ancrage j & l'on n'appercevoit aucun veftige d'Habitans. ——— Il y a une grande quantité de divers oifeaux, & la côte Ann- !774* paroit être fort poiffonneufe. La pofition de cette Ifle, eft à- îmn* peu-près celle que M. Dalrymplc donne à la Sagittaire , découverte par Quiros ; mais nous n'avons rien remarqué qui fût d'accord avec la defcription du Navigateur Efpa-gnol. En conféquenec, je l'ai regardée comme une nouvelle découverte, & je l'ai nommée l'Ifle Palmerfton , en l'honneur du Lord Palmerfton, un des Lords de l'Amirauté : elle eft fituée par i8d 4' àc latitude Sud,& par i6$d io' de longitude Oueft. Vers les quatre heures de l'après-midi, nous ^quittâmes cette Ifle, & nous reprîmes notre route à l'O. ~ S. O. par unventd'Eft très-frais, Le 10, à midi, étant par 18'1 50' de io« latitude Se ï68a 5 de longitude , nous crûmes appercevoîr une terre dans le S. S. O., & nous fîmes route pour l'attaquer * mais , deux heures après , reconnoiflant notre erreur, nous remîmes le cap à l'O. l- S. O. : bientôt on revit la terre dans la même direction du haut des mâts : fur les cinq heures, elle nous reftoit à l'Oueft, à la diftance de cinq lieues; nous pafsâmes la nuit à la cape, fous nos huniers; & le matin,à la pointe du jour, nous fîmes voile pour amener la pointe Nord de l'Ifle, dont nous rangeâmes la côte occidentale à la diftance d'un mille, jufqu a près de midi. « Elle paroissoit efearpée & remplie de roches; on » découvrait feulement par-ci par-là une grève fabonneufe « étroite: elle étoit prefquc de niveau par-tout, & fa plus » grande hauteur ne furpafToit pas 40 pieds > mais au : » fommeç clic étoit couverte de grands bois & d arbriffeaux; " » Nous apperçûmes fur le rivage fept ou huit Indiens nuds, » & qui paroiiîoient d'une couleur noirâtre; quelque chofe » de blanc enveloppoit leur tète & leurs reins, & chacun » d'eux avoit une pique, une mafllie ou une pagaye à fa » main. Nous obfervâmes des pirogues dans les fentes, entre » les rochers, &: des cocotiers peu élevés. » La descente nous paroiiîant facile, je fis mettre à la cape & deux bateaux dehors, dans l'un defquels je m'embarquai avec quelques Officiers, MM. Forftcr, le Docteur Sparrman, & M. Hodges. Comme nous approchions de la grève, les Infulaires, qui étoient fur les rochers,fe retirèrent dans le bois. Nous conjecturâmes qu'ils venoient à notre rencontre, ce qui étoit vrai : nous débarquâmes dans une petite crique, fans aucun obitaclc, pour éviter une fur-prife, nous primes porte fur un rocher élçvc j où, après avoir arboré notre pavillon, M, Forfter & d'autres pçrfonncs fe mirent à herbonlcr, « Nous ne vîmes que des rochers efearpés de corail y » revêtus de petites plantes, qu'on trouve par-tout fur les 9> Ifles - Baûes : nous y apperçûmes cependant de nouai vcllcs efpèccs qui croiffoient, ainfi que les autres, dans « les crevafîès du corail, où il n'y avoit pas un feul grain » de terre. Des corlieux , des becafîincs & des hérons «> pareils à ceux de Taïti, frappèrent aufli nos regards. » La çqte étoit fi couverte d arbres, de broflàilles, de plantes, de pierres, &c. que nous ne pouvions pas voir à cinquante verges autour de nous. Prenant avec moi deux de mes Officiers, j'entrai dans un fentier qui coupoit lc bois t a peine eûmes-nous fait quelques pas, que nous entendîmes les Indiens s'avancer. Nous nous retirâmes fur notre premier pofte ; u je criai à M. Forfter, qui étoit à environ cinquante verges de la mer , d'en faire autant. Comme nous y arrivions, les Infulaires parurent à l'entrée du fentier, à ia diftance d'un jet de pierre. Nous leur fîmes des figues d'amitié j mais ils n'y répondirent que par des menaces, & l'un d'eux setant approché à quarante verges de nous , lança une pierre qui atteignit M. Sparrman au bras. On tira alors deux coups de moufquct, fuis ordre, & â cette décharge , ils rentrèrent dans la foret pour ne fe plus montrer. « Un Champion, qui vint nous braver de fort près, *> étoit noirci jufqu a la ceinture ; fa tête étoit ornée de plu-'» mes placées debemr ; il tenoit une pique A la main : oh » entendoit pardetriere des Indiens qui pailoicnt &: qui » potiuoient des cris. Il fut enfuitc joint par un jeunc-*> homme fans barbe, noirci, comme lui, & qui portoit un ■» long arc, pareil à ceux de Tonga-Tabboo. C cft ce icune-* homme qui jeta la pierre:le Docteur Sparrman, dans le » premier mouvement de douleur & de tvlcre, liù lâcha « fon coup de fufil, qui hcureufcnïent ne par-it pas lo » bleftcr. s> Quoique repoussés par les Infulaires, nous ne man* a> quâmes pas de foire la vaine cérémonie de prendre pot; » feffion de leur Ifle. » i Comme je ne pouvois rien faire dans cette partie de V I.77^' la contrée, tellement boiféc, qu'il eût été difficile d'avoir ^llln' * TA une entrevue avec les Indiens,nous reprîmes nos canots, & nous continuâmes de longer la côte, dans l'efpoir d'un meilleur fuccès en quelqu'aitfrc endroit. Après avoir ainfi fait quelques milles, fins découvrir un feul Habitant & fans trouver un mouillage, nous atteignîmes le ttavers d'une plage, fut laquelle étoit quatre pirogues. Nous defeendîmes ici à l'aide d'une petite anfe, formée par des roches à fleur d'eau. Notre deffein étoit d'examiner les pirogues, & d'y biffer quelques grains de raiîàde; car on ne voyoit pas un Infûlairc. Mais cette defeente pouvoit être encore plus dangereufe que la précédente. Le rivage eft bordé d'un rocher, derrière lequel eft une plage étroite & pierreufe, terminée par une colline efearpée, d'inégale hauteur, & dontlefommet eft couvert de broftâilles ; deux fentes profondes & étroites, pratiquées dans l'efcarpement, femblent ouvrir une communication avec la contrée. C etoit à l'entrée d'une de ces fentes qu'étoient les quatre pirogues; mais je remarquai qu'en y allant, nous ferions expofés aune attaque des Infulaires, s'il s'en trouvoit dans ce canton, & que la place feroit peu propre à nous défendre. Pour prévenir ce défavantage & nous affurer une retraite, je plaçai un détachement fur le rocher, d'où il découvrait les hauteurs, & je m'avançai, avec quatre de nos Meilleurs, vers les pirogues. a Ces batimens avoient de forts balanciers ; ils conte-* noient des nattes groffieres, des lignes de pêche, des pi-. » ques & des morceaux de bois, qui fembloient avoir fer-» vi, aux Infulaires, de flambeaux pendant leurs pêches » nocturnes, m nocturnes. Tandis que le Capitaine rempli/Iôit ces piro, i » » gues de préfens, j'appcrçus une troupe de Naturels qui def- An^ .^74- » cendoit près de nous. J'en avertis M. Cooic, &nous nous » retirâmes quelques pas. Deux de ces Indiens, parcs avec » des plumes àc noircis, comme ceux dont on a déjà parlé, » s avancèrent, en pouffant des cris furieux, & en agitant » leurs piques,» Tous nos efforts, pour les amener à une conférence; furent inutiles. Les autres montroient une férocité terrible, & ils décochèrent fur nous leurs traits. Une légete fufiliade n'empêcha pas, l'un d'entr eux, de venir plus près, & de lancer une javeline qui me rafa l'épaule. Une féconde javeline effleura la cuiffe de M. Forflcr fils, & teignit de noir fon habit. Son courage lui auroit coûté la vie, fi mon fufil eût pris feu ; car je n'étois pas à plus de cinq pas de lui quand il fit partir fa javeline, & je l'aurois tué pour ma propre dé-fênfc. Je fus enfuire bien aife que l'amorce eue brûlée. Dans le moment de l'attaque, nos Gens, qui occupoient le rocher, firent feu fur d'autres Indiens qui fe montroient dans les hauteurs; ce qui rallcntit l'ardeur de ceux que nous avions en tête, & nous donna le tems de regagner ce pofle, où j'ordonnai qu'on cefîât le feu. La dernière décharge difperfa, tous les Infulaires dans le bois, & ils ne reparurent plus, tant que nous demeurâmes en cet endroit. Nous ne fûmes point s'ils eurent des tués ou des bleflés. « L'un d'eux feule-» ment poufloit un hurlement douloureux, qui annonçoit p une bleflùre conûdérable. » r Après avoir rejoint le détachement, je voulus éprouver Tome III. B - mon fuiîl: je tirai en l'air, & le coup partit àTinftant. Confi-^NNJu!n7^' Gérant que nous ne pouvions rien nous promettre de ces Infulaires, & que l'Illc n'onroit aucun mouillage, nous nous rendîmes à bord, où, après avoir embarque nos canots, nous fîmes voile au O. S. O. J'oubliois de dire qu'avant d'aborder à cette dernière place, nous étions defeendus dans un autre endroit. Je montai, avec trois ou quatre de nos Meilleurs, fur une colline, & la contrée ne nous préfenta que des rochers de corail, tout couverts de broilaillesj de forte qu'il étoit prefque impoiîible d'y pénétrer. Nous nous rembar-quions, & nous allions retourner au vaifîéau, quand nous apperçûmes les pirogues i nous ne fûmes tentés d'en approcher, que parce que quelques-uns de nous crurent avoir entendu le bruit des Naturels. La conduite & l'air farouche des Habitans de cette Terre, m'engagèrent à la nommer l'Ifle Sauvage. Sa pofltion eft par les 19d i ' de latitude Sud, & par les r *cPd ^ 7' Ar longitude à l'Oueft. Elle a environ onze lieues de tour: fa forme eft circulaire; fes terres font fort élevées; & la mer, près du rivage, a beaucoup de profondeur. Toute la côte eft entièrement couverte d'arbres &d'arbuftes, entre lefquels s'élèvent quelques cocotiers -, mais nous n'avons pas été à portée de reconnoître les productions de l'intérieur. Elles ne doivent pas être fortconfidérables, à en juger par ce que nous vîmes fur les bords: car nous n'y apperçûmes que des rochers de corail, remplis d'arbres & d'arbuftes. On n'y voit pas un feul coin de terre, &lqf arbres pompent, dans l'intérieur des rochers, l'humidité qui leur eft nécenairc. Si ces rochers de corail ont d'abord été formés dans la mer par les animaux, comment ont-ils été portés à une fi grande hauteur ? Cette Ifle s eft-dlc -A élevée par un tremblement de terre? Ou les eaux i'ont-elle ANN:,u|n774* peu-à-peu biffée à fecîDes Philofophes ont eflàyé d'expliquer la formation des Ifles - Baffes, qu'on rencontre dans cette mer ; mais ils n'ont rien dit de ces Ifles-Hautes, que j'ai fouvent eu occafîon de décrire. Dans celle-ci, ce n'cft pas feulement les roches éparfes qui couvrent fa furface,qui font de pierre de corail; mais toute la côte n'offre,aux yeux, qu'une file folide de rochers efcarpés, où le battement continuel des flots a creufé différentes cavernes très-curieufes, & dont quelques-unes font d'une étendue confîdérabîe. Les voûtes de ces cavernes fe trouvent foutenucs , par des colonnes auxquelles les vagues, en fe brifant, ont donné les formes les plus variées. Une de ces cavernes étoit éclairée par le jour qu'elle recevoit d'une ouverture dans la voûte : Dans une autre, la voûte, qui s'étoit détachée, avoit produit, par fa chute, une grande vallée au-deflbus des rochers adjacem. « J'imagine que l'intérieur de l'Ifle, moins ftérile que la » bordure, eft propre à la culture des végétaux nourriffans. n Comme il femble que la ceinture eft unjbanc de corail, qui » s'eft élevé du fond des eaux, je foupçonne prefque qu'elle » enferme une plaine fertile, qui étoit jadis une lagune. Les » Infulaires ont des rapports avec ceux deTonga-Tabboo, » & il eft probable qu'ils ont une origine commune. » Je ne puis dire d'ailleurs que très-peu de chofes des Habitans, qui, je crois, ne font pas nombreux: ils paroi fient B i agiles, difpos , & d'une allez belle ftaturc. Tous vont nuds," fute à l'exception d'une ceinture qu'ils portent autour des reins. Quelques-uns deux avoient le vilage, la poitrine & les cuiffe ; peints d'un bleu-foncé. Les pirogues que nous obfer-vâmes, conftruites comme celles d'Amfterdam , avoient, de plus, uneerpèce deplatbord, qui s'clevoit un peu de chaque côté; & les bas-reliefs, dont elles étoient décorées , annoncent que ces Peuples ne font pas fins induftrie. L af pect de ces Infulaires & de leurs pirogues s'accorde affez avec la defcription que nous a donnée M. de Bougainville de rifle des Navigateurs, iituée à-peu-près fous le même parallèle. . Apres avoir quitté l'Ifle Sauvage, nous'continuâmes de gouverner a l'O. S. O., avec les vents-alizés Eft, très-favora-24, blcs. Nous fuivîmes cette direction jufqu'au 2.4, au loir, que; nous jugeant dans le voifinage de l'Ifle de Rotterdam, nous paflâmes la nuit à la cape, fous nos hunipi-c t W^m.iin., dès que le jour parut, nous fîmes route à l'Oueft ; & bientôt on découvrit une fuite ci'Ifles qui s etendoient du S. S. O. au N. N. O,, en pafîànt par l'Oueft. Le vent fouillant du Nord-Eft , je portai le cap au Nord-Oucft dans le deflèin de les mieux reconnoître. Mais bientôt nous découvrîmes , de l'avant, une chaîne de brifans, qui pa-roiflbit s'étendre, des deux bords, à droite & à gauche, autant que la vue pouvoir porter. Comme je navois point d efpérancc de doubler tous ces écucils, je fus force de revirer de bord ,& de marcher au Sud, pour chercher un paflàge. a midi, flfle la plus, méridionale nous reftoit au S. O., à la diftance de quatre lieues. Au Nord de cette Ifle^ nous eûmes du Capitaine C o o k. 13 la vue de trois autres, liées cnfemblc par des brifans, qui, ■n=!ll_ peut-être, rejoignent ceux que nous avions découverts le Ann/ 7*" matin. « Une pirogue vint près de nous, quoique la terre la » plus voifme fût éloignée d'une lieue \ nous y vîmes deux » hommes qui pagayèrent long-tems de toutes îcuts forces, » mais qui enfin , voyant que le vaifléau alloit plus vite, » virèrent de bord, & s'en retournèrent. Nous ne pouvions » nous laffcr d'admirer la différence qui eft entre ce Peuple » & les Sauvages que nous venions de quitter. » Quelques autres Isles furent obfervées à l'Oueft de cesquatres premières ; mais Rotterdam ne fe montrait pas encore. Nous étions, par la latitude,de iod 13/, Se 174*' &r\ de longitude Oucft. L'après-midi, nous n'eûmes qu'une très-foible brife; de forte qu'au coucher du Soleil,l'Ifle la plus méridionale ft'rtfts reftoit à l'O. N. O., à la diftance de cinq milles ; & les brifans, vus dans le Sud, étoient alors au S. S. O. ' O. Le vent, qui ne tarda pas à nous abandonner, nous laiflà k la merci d'une groffe lame de l'Eft, qui, par bonheur, ne produifre pas beaucoup d'effet fur levaiffeau. Au calme, qui dura jufqu'à quatre heures du matin du lendemain, fuccéda une brifeduSud. Nous apperçûmes,avec l'aube du jour, une apparence de partage entre les Ifles au Nord Se les brifans au Sud. Nous mîmes le cap à l'Oueft, Se bientôt nous découvrîmes plufieurs autres Ifles au S. O. Se au N. O. f mais le paffage paroiffoit toujours ouvert Se libre. A l'approche des Ifles, la fonde rapporta quarante - cinq Se quarante braffes d'eau, fond de fable fin. Nous n'avions plus ï d'inquiétudes depuis qu'il étoit en notre pouvoir de jeter " l'ancre,en cas de calme, ou pendant la nuit, fi le canal n étoit pas ouvert. « Ces Isles, un peu plus élevées que les Ifles de corail » ordinaires, étoient couvertes de bofqucts & de touffes » d'arbres qui leur donnoient un afpect enchanteur. On » voyoit un grand nombre de maifons, parmi les arbres t « fur la grève ; & tout annonçoit la richefïè &c le bonheur. » A fon extrémité orientale, nous apperçûmes un rocher » blanc perpendiculaire, revêtu de quelque chofe qui ref-» fembloit à une couche horizontale. Du point où nous » étions, on l'eût pris pour le baftion d'un fort ruiné » comme des bois &c des palmiers en feflonoient les bords, » il offroit un coup-d'ceil très-pittorefque. » Vers midi, on vit arriver, d'une des Ifles, quelques pirogues, montées chacune par deux ou trois perfonnes. Elles s'avancèrent hardiment aux côtés du vaifTeau y elles avoient, à bord, des fruits & du poiffon, quelles échange^ rent pour de petits clous. « Avant les échanges, nous leur offrîmes des grains » de verre & des clous, & à l'inflant \\s nous envoyèrent » des bananes & d'excellentes pimplemoufes, ( citrus » dtcumanus ) & des fruits rouges du Pandang, ( athro » daclylis ). » Ces Indiens nous apprirent les noms de toutes les Ifles « des environs. Ils appellent Terrefethéa celle qui a la pointe » de rocher élevée, &Tonooméa l'autre que nous admi- —— gg » rions tant pour fa beauté , & Mangonoe la grande & ANNJ;tii'774' =» Mangonoe la petite, deux Ifles qui étoicnt à l'Oueft. » Ils nous montrèrent aufTi Anamocka& Rotterdam jc'eft un avantage que nous dûmes à la connoiflancc des noms propres : ils nous invitèrent à nous rendre dans la leur, qu'ils appellent Cornango. La brife commençant à fraîchir, nous les laiffâmcs parderriere, & je gouvernai fur Anamocka. Nous ne rencontrâmes aucun obftacle dans le pafTagc ; feulement les fondes y furent tres-irréguliercs, depuis quarante jufqu a neuf braffes de profondeur : la proximité où nous étions des Ifles, qui forment ce canal, caufa, fans doute, cette différence. Comme nous approchions de la côte méridionale de Rotterdam, une foule de pirogues vinrent à notre rencontre des différentes Ifles voifines : elles écoient toutes chargées de fruits,de racines & de cochons. Mais, ne jugeant pas à propos de diminuer de voile, il fe fit peu d'échanges. Une de ces pirogues me demanda par mon nom 5 preuve que ces Infulaires commercent avec ceux d'Amfterdam. Ils nous prefferent beaucoup de relâcher fur leur côte, en nous £û-fant entendre que nous y trouverions un excellent mouillage. Cette côte, qui eft la bande du S. O. de l'Ifle,paroît être à l'abri des vents 6c du S. du S. E.; mais le jour étoit déjà trop avancé, & je pou vois d'autant moins faire voile vers le rivage, qu'il aurait d'abord fallu envoyer un bateau pour le reconnoître. Je m'approchai donc de la bande du Nord, où i6 Voyage 11 1 1 je mouillai à la diftance de trois quarts de milles de la grève, ANjùi774' 1CS dcuxPointes <*e nfle rcftant du S- 88d Eft au S'°-> & une anfe,au fond de laquelle étoit une plage fablonneufe au Sud jod Eft. La cote selevoit perpendiculairement de quinze à » vingt pieds ; enfuice elle paroilfoit prcfque plate : on ne » voyoit qu'un fèul moindrain près du milieu : elle reffem-» bloit à celle de l'Ifle Sauvage;mais les bois paroiflbient t» plus abondans & plus fertiles. Une quantité innombrable !» de cocotiers ornoient cette Terre de toutes parts. » CHAPITRE II. VUE DR LISTE DE ROTTERDAM D. QZ 26 du Capitaine Gook, 17 CHAPITRE II. Réception à Anamocka; Vol commis, & Ces fuites: divers Incidens. Départ de VIfle. Defcription d'une Pirogue à voile. Obfèrvations Jur la Navigation de ces Infulaires. Defcription de VIfle j & de celles qui font dans les environs} avec des détails fur les Habitans y & quelques Obfèrvations nautiques. Le Vaisseau étoit à peine allure fut fes ancres , que u!1""1 .■ nous vîmes arriver des pirogues de toutes les parties de An ju/n77+* l'Ifle: elles apporroicnt des ignames ôc dupoiiïbn, qu'elles échangèrent pour de petits clous &: de vieux morceaux d'étoffe; Un de ces Indiens fe faiiît delà fonde; &, malgré routes les menaces que je pus lui taire , il eut la hardiefle de couper la ligne. « On tira dans fa pirogue un coup de » moufquct chargé à balle , & il fe retira tranquillement » de L'autre coté du vai fléau : on lui tedemauda le plomb »• une féconde fois, mais envain. On lui tira demis à grain ; » &, quand il fe fentit blelîè, il rama à l'avant du vaiiîèau, « où pendoit une corde t à laquelle il attacha la fonde. Ses » Compatriotes, non-contens de cette reftitution , le chaf-» ferent de fa pirogue , & le contraignirent de s'enfuir à Tome IIL C - * terre à la nage. Parmi différentes chofes qu'ils nous AN Juin.774' * vcncurent > il y avoit des poules d'eau , couleur de » pourpre, en vie; un très-beau Spams tout apprêté, &: » fervi fur des feuilles & une racine bouillie qui enfermoit y» une poulpe très-nourriiîantc, aufîi douce que fi elle avoit » été cuite dans du fucre. D'après tout ce que nous voyions, » nous croyions être à l'Ifle d'Amfterdam : comme cette » Ifle eft à peu de diftance de Namoka, ces Infulaires » avoient probablement appris notte arrivée à Tonga- » Tabboo, au mois d'Ocrobrc 1773. » Dès le matin, je m'embarquai avec M. Gilbert, dans le deffein de reconnoître un lieu commode pour l'Aiguade. Nous defeendîmes dans la petite anfe dont j'ai parlé, &lcs Infulaires nous reçurent avec les marques de la plus vive joie. Leur ayant diftribué quelques préfens , je m'informai de l'endroit où nous pourrions faire de l'eau , & on me conduifit au même étang qu'a décrit Tafman, & dont l'eau étoit faumatic. Dans cet intervalle , nos Gens avoient chargé la chaloupe de fruits & de racines que les Naturels avoient apportés & échangés pour des clous & des grains de raffade. a mon retour à bord, je trouvai le même commerce établi. « Entk'autres marques d'hofpitalité qu'on donna à » M.Cook, une des plus belles femmes de l'Ifle lui fit une offre « qu'il n'accepta pas. On défendit aux perfonnes infectées ou » guéries depuis peu de la maladie vénérienne d'aller à *> terre, & on défendit aufîi d'admettre aucune femme dans 30 le vaiifeau. Un grand nombre d'Indiennes,qui vinrent fur •» plufieurs pirogues, fembloient fort empreflècs de faire d u Capitaine Cook. iç w> connoiflance avec les Matelots ; mais , après avoir pagayé l ' » quelque tems autour du vaiffeau, comme on ne voulut Ann* }77*' * * . v / Juin. »» pas les recevoir, elles s en retournèrent trcs-mecontentes. * Après déjeuner , je retournai à terre avec plufieurs perfonnes de l'équipage, & j'ordonnai au fécond bateau de nous fuivre avec les pièces à feau, pour les remplir. Les Indiens nous aidèrent à conduire ces futailles à l'Aiguade, & à les ramener au bateau. Un clou & un grain de raffade étoient le prix de ce petit fervice : ils nous apportèrent des fruits & des racines en Ù grande abondance, que la chaloupe ce le premier bateau en furent chargés deux fois avant midi, tandis que le fécond bateau remplit tous les tonneaux. « Les bananes & les noix de cocos étoient rares en pro- » portion des pimplemoufcs 6c des ignames que nous ache- » rames : le fruit à pain étoit encore pms rare, quoique les » arbres qui portent ces trois efpèccs fù/îent très-nombreux. » Les hommes navoient pour vêtement qu une petite ccin- » ture autour des reins ; quelques - uns cependant, ainfï » que la plupart des femmes, portoient une étoffe decorce » très-roide, ou des nattes qui leur defeendoient du bas du *> dos à la cheville du pied. » Les cris de tous ceux qui avoient quelque chofe à » vendre, devinrent fi forts à notre débarquement fur la « côte, que nous nous hâtâmes de pénétrer dans l'intérieur » du pays, dont l'afpeet étoit très-attrayant : des plantes • varices étoient répandues fur le terrain avec prolufion, * & les plantations de toute efpèce fàifoient de cette Ifle C z ï » un charmant jardin : les haies , qui arrêtoient notre t> vue à Tonga-Tabboo , beaucoup moins fréquentes ici, » n enfermoient qu'un côté du fentier, ôc laiifoient l'autre » découvert à l'œil. Le terrain, qui n ctoit pas parfaite-» ment de niveau , s'élevoit en plufieurs petits mon-» drains, environnés de haies & de buiifons, formant » une très-agréable' perfpective.- Le chemin, que nous fui-» vîmes, paiîbit quelquefois fous de longues allées d'arbres » élevés, plantés à des diltanccs conlidérablcs les uns des » autres, & dans l'intervalle, la plus riche verdure tapilfoit » le terrain : d'autres fois, un berceau touffu d'arbuftes » odorans fe prolongeoit fur nos têtes & nous cachoit entiè-» renient le foltil : on appercevoit çà & là un mélange » de plantations ce de terres en friche. Les maifons des » Naturels étoient d'une forme fingulierc ; elles avoient » à peine huit ou neuf pieds de haut ; les parois, propre-» ment faits de rolfeiux, qui loin d'être perpendiculaires, y> convergeoient beaucoup vers le fond, neselevoient pas à y> plllS de troic ou cjuatic prççta çhp iciiain: le toit fbmioit Ull j> faîte au fommet j de forte que le corps de la maifon ref: » fembloit à un pentagone : elle étoit couverte de branla chages, &letoitfe projetoit au-delà des parois penchés t> de la maifon. Dans un cics longs côtés, il y avoit, à dix-» huit pouces de terre , une ouverture d'environ deux » pieds en quarte , qui tenoit lieu de porte. La longueur » de l'habitation ne furpaflbit j.imais trente pieds, ce la lar~ » gcur étoit communément de huit ou neuf. De grofîès » racines d'igname, qui fcmblent être la principale nom-» riturc des Infulaires, remplifîôient toujours l'intérieur} » le coucher doit être allez dur, & cependant pour dormir yy la nuit, ils fe contentent d étendre quelques nattes par- -> deffus. Ces perites Telles fur lefquelies les Taïtiens Ann. 1774. » appuient leurs têtes, font très-communes ici, & elles » fervent au même ufage. Nous obfervâmes auffi plufieurs » hangards ouverts, foutenus par des poteaux, pareils à » ceux que nous avions vus à Tonga-Tabboo. Ceux-ci » étoient planchayés de nattes, & nous les crûmes défîmes » à être occupés pendant le jour. » Dans notre courfe, nous pafsâmes à côté d'un grand » nombre de ces habitations ; mais nous vîmes peu d'Habi< » tans : la plupart étoient à notre marché. Tous ceux que • nous rencontrâmes, nous traitèrent poliment ; ils incli- » noient leurs têtes, difant Leleï (bon), ÏVoa (ami), ou » ils employoient d'autres cxprefîions qui annonçoient leur » bon caractère Se leurs difpofitions amicales à notre égard. » Ils nous fervoient de guides \ ils alloient nous cueillir des » fleurs au haut tics plus grands arbres, &: nous chercher » des oiieaux au milieu des ondes: ils nous montroient fou- » vent les plus belles plantes a dont ils nous apprenoient » les noms. Si nous leur en fiifions voir une dont nous » voulions emporter des échantillons , ils couroient en » chercher fort loin: ils nousoffroient avec cmprcflèmcnt » des noix de cocos & des pimplcmoufes, & ils portoient *> avec jjie de gros fardeaux pour nous : un clou , un grain » de rafIàde,ou un mauvais morceau d'étoffe leur paroif- » foient une récompenfe précieufe : en un mot , dans toutes les occaiïons, ils étoient difpofcs à nous obliger. » Durant notre promenade, nous atteignîmes un grand =SS » lac ou lagune d'eau falée à l'extrémité feptentrionalc 77*' » de l'Kle : ce lac, qui, en un endroit, n'étoit féparé de la » mer que de peu de verges, avoit environ trois milles de » long & un de large -, trois petites Ifles, remplies d'arbres 39 difpofcs d'une manière pitcorefque, ornoient cette belle n pièce d'eau, dont les bords attiroient fans celle les regards. » Le payfage réfléchi fur les ondes accroiflbit encore les » délices de cette fcène > nous en jouîmes tout à loiiîr du » haut d'une éminence, où des arbres élevés &C des arbuftes n épais nous mettoient à l'abri du foleil. » Je n'avois point vud'Ifles qui offrît une aufîi grande » variété de Sites dans un fi petit efpace, & nous n'avons » trouvé nulle part autant de jolies fleurs : leur doux par- » fum embaumoit l'air y le lac étoit rempli de canards v fuivages, & les bois & les côtes abondoient en pigeons, »? perroquets, râles &c petits oifeaux ; les Naturels nous en » vendirent plufieurs. » Ceux qui étoient reftes â bord , avoient acheté beau- » coup de provifîons -, toute la poupe étoit chargée de pim- » plemoufes d'une excellente faveur, &c d'une fi prodigieufe » quantité d'ignames, que nous en mangeâmes chaque jour, 3> durant plufieurs femaines, en place de bifeuit. Quel- » ques Indiens , qui étoient venus des Ifles voifînes fur de * grandes doubles pirogues, avoient auffi vendu des armes 33 c\T des uftenfiles. » Nous étions tous de retour à bord,à l'exception du Chirurgien , que le Jufant ne nous permit point d'attendre. Comme les bateaux n'entrent clans l'anfe qu'au demi-flot, . 1 paifé trois heures de l'Ebc , nous ne pûmes foire de l'eau AniJ- £774. dans l'après-midi. Néanmoins, près de la pointe méridio-nale de l'Ifle , il y a un débarquement où les bateaux abordent pendant tout letems de la marée. Quelques per-fonnes de l'équipage allèrent y defeendre après le dîné , & ils y trouvèrent le Chirurgien , à qui on avoit volé fon fufil. « Ayant engagé un Naturel à le fuivre pour quelques » grains de raflade, il erra fans crainte fur une grande partie » de l'Ifle. Après avoir fait une bonne chafle , il penfo à » revenir à l'anfe fablonncufe , &: l'Infulaire lui rapportoit » onze canards. Il trouva les chaloupes parties, & il lut un » peu déconcerté : une foule nombreufe le preifa de toutes » partsy il le rendit, comme il put, fur la côte de roches, » en travers du vaifleau , d'où nous l'appcrçumcs pendant » le dîné. Chemin foifant, l'homme qui étoit chargé des » canards, en laiiïbic tomlw à defTein quelques-uns y mais » M. Patten fe retournoit pour les ramaflèr ; les Indiens „ l'entourant alors de plus près, le menacèrent de piques » dentelées, de il n'y-eut que la crainte du fufil qui leur en n impofa. Plulicurs femmes, aflifes près des hommes, s effor-» çoient, par mille geiîes lafcifs, & par mille poftures » déshonnôtes, de détourner fon attention ; mais fa fituation » étoit trop critique pour fe laiflér ainfi féduire. Quelque » tems après, une pirogue arriva du vaifleau, & M. Patten *> promit un clou au Propriétaire de ce bâtiment, s'il voulok » le conduire à bord de la Rcfolutîon. Le marché fe conclut, » & au moment où il entroit fur le canot, les Naturels 5=s » lui arrachèrent fon fufil, lui prirent tous fes canards; 74- » excepte trois, l'empêchèrent de partir, & même ren-m voyerent la pirogue : fort effrayé, il réfolut de fe rendre » une féconde fois au fommet du rocher où il croyoit qu'il » feroit vu plus aifé nient du vaiffeau. L'audace des In-» diens s accroiflant à chaque infiant, ils le dépouillèrent. » II fe laiffa tranquillement enlever fa cravatte & fon » mouchoir j mais, voyant qu'ils faifilfoient fes habits avec » violence, & qu'ils lui fiifoicnt des geftes tres-menaçans, n il défcfpéra de fa vie. Au milieu de cette inquiétude, &: » de cet embarras, il chercha dans toutes fes poches un * couteau, ou un autre infiniment avec lequel il pût du » moins fe défendre,ou fe venger en mourant. Il n'avoit » qu'un mauvais étui de cure-dents : il l'ouvrit, & il le pré-» fenta avec afïurance à ces brigands , qui, voyant qu'il » étoit creux, reculèrent de deux ou trois pas j il continua » à les intimider avec cette arme formidable j ces miférablcs » tenoient cependant toujours leurs piques levées contre » lui. Comme le foleil dardait {es riyonc fur fa tete, &c D> qu'il avoit marche tout le jour, il étoit épuifé de fatigue, » & il alloit fuccomber à fon accablement, lorfqu une jeune « femme, rrcs-belle , remarquable par de longs cheveux , n qui flottoient en boucles fur fon fein, eut pitié de lui : w elle s'avança hardiment du milieu de la foule i l'huma-» nité &C la compaflion étoient peintes dans fes yeux* fon vifage annonçoit tellement l'innocence & la bonté, qu'il » fut impoffible à M. Patten de fe défier d'elle j elle lui » offrit un morceau de pimplemoufe, qu'il accepta avec » empreffement &C avec beaucoup de reconnoiffance, & » quand il eut mangé ce premier morceau , elle lui en » donna m donna d'autres. Enfin deux chaloupes, qui fe détachèrent SS5SS » du vaiffeau, difncrferent toute la foule. La généreufe Ann* }77^ » Indienne & un vieillard, qui étoit fon pere, réitèrent afïïs »> près du Chirurgien , avec la tranquillité quinfpire une » conduite noble &c vertueufe. Elle demanda le nom de » fon ami ; il lui dit celui que les Taïticns lui avoient donné, » Patéenée. Elle l'adopta fur-lc-champ , eu le changeant » en Patféencc. » Après le départ des canots, il prit une pirogue pour fe faire conduire à bord; & au moment qu'il y entroit, un Indien lui arracha fon fufil. D'après ce rapport, j'allai defeendre dans ce même lieu. A mon approche, quelques Infulaires fe retirèrent en hâte. Etant à terre, je cherchai mes Officiers, & je les trouvai fur les bords de l'anfe , avec un grand nombre d'Indiens. On n'avoit fait aucune démarche pour recouvrer le moufquet je crus aufîi devoir diffimuier, &: en cela j'eus réellement tort. La facilité qu'ils avoient eue de fb lajur de cette arme, qn'ik rroyoient bien sûrement en leur poffeflion , les encouragea à de nouvelles tentatives. L'alarme que ce vol avoit répandue s'étant difîlpée , les Infulaires apportèrent affez de provifions pour nous mettre en état de retourner à bord avant la nuit} avec nos bateaux bien chargés. ce L'apres-midi , mon Pere, avec un Matelot, parcourut •> une partie confidérable de rifle, fans avoir à fe plaindre » des habitans, & il rapporta de nouvelles plantes à bord. * Les Naturels firent, ce jour, d'autres petits vols : ils Tome III. D » ne paroi ffoient pas moins filoux que les Infulaires de » Tonga-Tabboo & des Ifles de h Société. » Le matin , du 2c*, de très-bonne heure, le fécond bateau aux ordres du Lieutenant Clerke & du Maître , débarqua pour faire de l'eau. Je voulois les fuivre dans ma chaloupe, & malheureufement je différai mon départ juf-qu'après le déjeûner. Le bateau étoit à peine à terre , que les Infulaires, qui s croient afTcmblés, fe conduisirent avec fl peu de ménagement , que l'Cfficier ne favoit trop s'il devoir defeendre les pièces à l'eau; mais, comptant fur mon arrivée, il s'y haiarda. Ce ne fut pas fans beaucoup de rumeur , qu'on parvint à les remplir, 5c à les charger. Pendant ce travail , les Indiens ôterent au Lieutenant fon fufil,''& Remportèrent i ils prirent anffi quelques outils du tonnelier ,&enlevèrent aux aunes ce qui fe trouva fous leurs mains. Ils commirent tous ces vols furtivement, & fans employer la force ôuverre. Je débarquai au moment que ce bateau al toit l'etoumct k Lu-ud. Lcî» wacureis , en grâncl nombre fur la plage, me voyant arriver, prirent la fuite. Je foupçonnai une partie de ce qui étoit arrivé. Cependant j'en engageai plufieurs à demeurer, 5c mon Lieutenant m'informa de toutes les circonftanccs précédentes. Je réfolus auffi-tôt de les forcer à la reftirution. Dans ce deffein , je donnai ordre de faire débarquer tous les foldats de marine armés, & de tirer du Vaiffeau deux ou trois coups de canon, pour avertir M. Forftcr, qui fe trouvoit dans la contrée avec plufieurs autres perfonnes ; car je ne favois pas comment les Infulaires fe conduiraient dans cette occafîon. Je renvoyai enfuite tous les bateaux, 5c je ne gardai que la chaloupe , avec laquelle je reftai au milieu d'un grand ——« nombre d'Habitans, qui montroient, à mon égard, lcs ^"V77* difpof irions les plus favorables. Je les perfuadai fi bien de mon intention, que long-tems avant l'arrivée des foîdats de marine, on avoit rapporté le fufil de M. Clerkcj mais ils me firent pluiïeLirs inftanecs pour que je ninfiltaffe pas fur le refte. L'arrivée de M. Edgcumbe avec les foldats de marine caula, aux Infulaires qui étoient préfens, une crainte fi vive, que quelques-uns s'enfuirent. Je fis d'abord failir deux grandes doubles pirogues qui étoient dans l'anfe. Un Indien voulut réfifter, je tirai fur lui à dragées, & je l'obligeai à fe retirer en boitant. Les Infulaires, alors convaincus que l'affaire étoit férieufe, prirent tous la fuite. Je les rap-pellai , & plufieurs revinrent avec confiance. Cet acte de févérité eut tout l'effet que j'en attendois. Le fécond mouf quet fut inccflâmmcnt rendu. J'ordonnai à Imitant qu'on relâchât les pirogues , afin de leur apprendre par quels motifs on les avoit arrêtées. Le refte de ce qu'ils avoient volé étant d'une mince valeui, )^ n& pouflaî pac plus loin les recherches. Dans cet intervalle , le fécond bateau étoit revenu à l'Aiçuade, &: nous remplîmes nos futailles, fans que les Indiens ofafTcnt s'en approcher, à l'exception d'un fcul, qui, dans tout ceci, avoit hautement déiapprouvé la conduite des autres. En revenant de l'Aiguade, je trouvai beaucoup d'Indiens raffemblés près de l'anfe ; ce qui fit conjecturer a quelques-uns de mes Officiers, que l'homme à qui javois tiré un coup de fufil étoit mort ou mourant. Cette conjecture me paroiffoit très-peu vraifemblable. Je m'adrellai à un D 1 ---- Naturel, qui fembloit jouir d'une certaine confidcration ; Njuiu.77^' Pour nous ^a'rc rendre l'herminctte du tonnelier , perdue dans la matinée. ÀulTi-tot il détacha deux hommes, &: je crus que c'étoit pour nous la rapporter: mais je reconnus que nous ne nous étions pal entendus; car, au lieu de l'hcrmi-netec , un me préfenta l'homme que j'avois blefle , &: qu'ils avoienr couché fur une planche. Le voyant étendu à mes pieds, avec toutes les apparences de la mort, je fus ému do ce fifte fpecraclc: j'obfervai cependant bientôt qu'il n'avoit de blefîurcs qu'à la main & à la cuifle. J'envoyai chercher le Chirurgien pour vifirer fes plaies &: y appliquer un remède convenable. Enfuitc je parlai à dirlérens Infulaires de l'her-minette, car j etois réfolu de me la faire rendre. Je queltionnai en particulier une vieille Indienne, qui, depuis mon premier débarquement, avoit toujours eu beaucoup de chofes à me dire ; mais, dans cette occalîon, elle donna une libre carrière à la volubilité de fa langue. Toute fon éloquence étoit prcfque en pure perte : je compris feulement de fa leçon, que je ne dcvnk p*c ir»/ÎAW (ma tm n-Ainn-ion d une chofe de peu de valeur. S'apperccvant que j'y étois déterminé , elle fe retira avec trois ou quatre autres femmes, &, Imitant d'après, l'herminctte me fut rapportée, mais la vieille no reparut plus. J'en fus fâché; je voulois la remercier par un prêtent, de l'intérêt qu'elle avoit pris dans toutes nos affaires, particulières & publiques. La première fois que j etois venu à terre , pour reconnoître l'Aiguade , cette vieille mavoic préfenté une fille, en me faifant entendre qu'elle étoit à mon fervice. La jeune MifiT, qui avoit probablement reçu fes inUructions, exigeoit, pour préliminaire , un grand clou, ou une chemife. Je lui dis, par fignes, que je navois rien à lui donner, efpérant par-là m'en débarrafïèr ; mais je me.....- ; trompois fort, & la vieille m'alfura que je ponvois difpofcr A^j^7^ de la jeune perfonne, & remettre à une auttefois ma recôn-noiflance. Sur mon refus la vieille s'emporta, & fe mit à me quereller. Je comprends prn fes difeours -, mais fes geftes avoient une expreffion, qui annonçoit alfez le fens de fes paroles. Elle me difoit • avec un ris moqueur ; quelle efpècc d'homme êtes vous, de rejetter ainfi les carelTes d'une û jolie fille ? Il eft vrai que la jeune perfonne étoit d'une grande beauté ; cependant j'aurois mieux réfifté à fes charmes , qu'aux injures de la vieille -, & je me hâtai de rentrer dans la chaloupe. La vieille me preffoit encore de prendre la jeune fille à bord : mais cela étoit d'autant moins pofîiblô qu'avant de quitter le vaifl'eau, j'avois expreffément défendu de n'y recevoir aucune femme, fous quelque prétexte que ce pût être , &: cela pour des raifons que j'aurai bientôt occafion d'expofer. Aussi-tôt que le CliUuigk** fut à terre ; il vifita & panfa les plaies de l'Indien, à qui il fit une faignée; mais, ayant demandé des figues bananes, bien mûres, pour les faire fervir de cataplafme,au-lieu de ces fruits, ils lui apportèrent des cannes de fucre, dont ils tirèrent la pulpe, qu'ils lui présentèrent pour l'appliquer fur les plaies. Cette plante eft plus balfamique que la banane ; & cela même femble fup-pofer que ces Infulaires ont quelque connoiffance de3 fimples. * On leur donna une bouteille d'eau-de-vie, en leur «t recommandant d'en laver la plaie, qui nctoit pasdange- : » renie j mais comme l'Indien avoir été tiré à neuf ou dix * » verges, les chairs étoient très-froïllées, & il fouffroit de g) grandes douleurs.» air n'^Ui&:^mioff ms1? ♦^ffit'iiÉl^pfcrt nom ïlwcjacm; . Je fis ensuite un préfenrau bleue, que Ton Maître, ou Afiaticum ) ce plufieurs autres plantes non moins pré-« cieufes. Nous arrivâmes à l'Aiguadc , qui étoit un étang » de cent à cent cinquante verges de long 6c de cinquante » de large; il contenoitune eau flagnante un peu faumâtrcj » peut-être avoir-il «l^»» ««.^««^^««^m 6j**tcrrdine » avec la lagune faléc, que nous atteignîmes bientôt, & où » nous herborifâmes, parmi les mangliers qui l'cnviron-t» noient. Ces arbres occupent un grand elpace, & l'âge *> entrelace, de plus en plus, leurs branches. Leurs femen-*> ces ne tombent pas, mais pouilènt des rejettons, du fom-» met de la tige , jufqu a ce qu'ils touchent la terre , » où ils prennent racine , & jertent de nouveaux ra-» mcaux. En quittant le lac, nous traverfâmes une planta-» tion, où les Naturels nous faluerent très-amicalement &r si nous invitèrent à nous afîèoir au milieu d'eux. Comme nous ne voulions pas perdre notre tems, nous les qui*- » tâmcs , tout de fuite, pour retourner à Tétarig d'eau - ■ r» » douce. Comme nous chaffions aux canards fmvagcs y Ann. 3i7 74-» M. Gilbert, le Maître, vint nous avertir de îa malheureufe Jum" *> difpute furvenue, &t de tous les coups de canon &c do » filfil qu'on avoit tires mous m avions entendu quelques* » uns, mais nous crûmes que c étoient nosMcmcuts qui » chaffoient. «Arrivés auprès du Capitaine & du détachement rangé n fous les armes, nous ne pûmes'nous empêcher d'admirer » la confiance & la-tranquillité de plusieurs Naturels, qui $ » malgré les menaces des Soldats, -ne prenoient poirii la » fuite. Comme, dans cette miférablc querelle, la plupart » des Indiens étoient innocens, ils paroiffoient aiiii^cs de fe » voir traités fi cruellement. < 5 - i- - •: ' ' -v « : on ah r ■ -ilho a-; !! ^qqfl « 35 Je dois dire qu'ils firent tout ce qu'ils purent- poux » regagner nos bonnes grâces : après avoir rendu le fuiïl &c » la hache, utifc femme, d'un moyen acre, qui fcmbloit ■> jouir de beaucoup d'autorité, dépêcha, dans l'intérieur du ^> pays, quelques uns de fes Gens, qui rapportèrent la gibe-» ciere & le fufil de M. Patten. » D'autres femmes , qui affifterent au paniement de leur V Compatriote blcfsé, paroillbient fort emprefsées de |éta-*> blir la paix, & leurs timides regards -nous réprbchoieui: » notre fuperbe &: violente conduite. Elless'alîtrcut (ur na *> joli gazon, 6c formant un grouppe de plus de cinquante, » elles nous invitèrent à nous placer à leurs côtés: chacune » d'elles avoit des pimplemoules,■& elles nous en donne* —u » rcnt de petits morceaux, en nous prodiguant toutes les ANNj in7'*" * marclucs poules de tendreflc & d'affection. L'Amie do »> M. Patten fut une des plus carcdàntes j clc occu^oit un *> des premiers rangs parmi les beautés de l'Ifle •> fa taille n avoit de la grâce & fes formes de la proportion : fes » traits, parfaitement réguliers, étoient pleins de douceur » & de charmes -, fes grands yeux noirs étinecloient de » feu -, fon teint étoit plus blanc que celui du bas-Peuple, & » elle portoit une étoife brune, qui lui ferroit le corps au- *> deffus de la gorge, mais qui s clargiffoit enfuite par en » bas : ce vêrcment lui alloit peut-être mieux que la robe d Européenne la plus élégante, » J'ajouterai que ce Peuple afipeu de reffentiment, t> que, malgré les plaintes qu'il avoit lieu de faire contre » nous, il ne ceffa pas de nous vendre des rafraîchiflcmcns * à terre &aux environs du vaiffeau. Ils defiroient beaucoup » de fe procurer nos marchandifes èc nos curioiïtés : ils »> étoient charmés. en pirrirulirM- , Ar*c j»unec cKlenc que » nous avions embarqués aux Ifles de la Société, pour en *> répandre la race fur celles-ci, qui nelcsconnoiffcnt point. » Nous en laifsâmes deux couples à Anamocka, & les Natu- ■k> rcls nous promirent d'en prendre un foin particulier. » Je fus ensuite informé d'une circonfiance qu'on avoir obfervée à bord. Les pirogues qui fe trouvoient autour du vaiffeau au moment où les canons firent feu, s'étoient toutes retirées, à l'exception d'une feule, dont le Maitte s'occupoit à en vider l'eau. Au premier coup, il regarda la pièce d'artillerie, &, fans fe déconcerter, il refta précifément fous fous la bouche, & continua fon ouvrage. Le fécond coup ne = fit pas plus d'effet fur cet intrépide Indien ; ô/ce ne fut qu'a- An près avoir vidé l'eau de fa pirogue, qu'il fe retira fans mot*, trer de frayeur. On avoit fouvent vu ce même Incjien faifir des fruits & des racines dans les autres pirogues, & nous les vendre > & fi les Propriétaires fâifoient quelque difficulté de les lui laiffcr prendre, il les emportoit de force: voilà pourquoi les Gens du vaiffeau le nommèrent le Commis de la Douane : un jour qu'il avoit levé cette efpèce de tribut, il fê trouvoit à côté d'une pirogue à voile : un de ceux qui mon-toient cette dernière , s'appercevant qu'il regardoit d'un autre côté, laifit cette occafion de lui enlever quelque chofe de fa pirogue, & partit en meme-tems à la voile. L'Indien s'apperçut du tour qu'on venoit de lui jouer, & pourfuivit cette pirogue ; après l'avoir atteinte, il battit bien le voleur, & reprit, non-feulement ce qu'on lui avoit dérobé, mais il s'empara de plufieurs autres articles. Nous remarquâmes que ce même Infulairc levoit une efpèce de dîme dans ie marché qui fe tenoit au rivage. Le prenant un jcuir dans ce marché, pour un homme de conféquence, j'allois lui faire quelque préfent, lorfque j'en fus empêché par un Indien , qui me dit que cet homme n'étoit point Aréeké3 c'eft-à-dire Chef. Il avoit toujours les cheveux poudrés d'une efpèce de poudre blanche. Le calme ne nous permettant pas de partir cet après-midi, plufieurs perfonnes de l'équipage me fuivirent à terre. Les Infulaires fe montrèrent fi affables &: fi obligeans,. que, fi nous cu.ifions fait dans cette Ifle un plus long féjour, probablement nous n'aurions pas eu à nous plaindre davantage Tome III. E de leur conduite. Tandis que j etois fur le rivage , j appris il» les noms de vingt tffles, fituées entre leN.'0.& le N. E., & dont quelques-unes étoient en vue. Deux de celles qui font le plus à rOueft j fa voir, Amattafoa & 0#hao /font remarquables par la grande élévation de leurs terres. Kous conjecturâmes qu'il y avoit un volcan dans Amatrafoa (a), la plus occidentale des deux j Se cela, par les colonnes de fumées que nous voyions continuellement s'élever du milieu. Au Nord de celles-ci, nous en apperçûmes treize autres. « Nous traversâmes, de notre côté, des champs & » des grouppes d'arbrifîeaux, Se nous y recueillîmes des » plantes précieufes. J'achetai différentes armes, des maf »> fues,des piques, Se quelques meubles i favoir, de petites »j felles, de grands plats ou vafes de bois, &des pots de terre, » qui fembloient fervir depuis long-tems. La quantité nom-» breufe d'armes qu'on trouve chez eux, paroîr démenrir la *> bonté de leur naturel Se de leur caractère -, mais peut-être « que, fans le battre entr'eux, ils ont fouvent des difputes » avec leurs voifins, comme les Infulaires deTaïti Se des *> Mes de la Société. Ce qui me foroit croire qu'ils ne les k mettent pas fouvent en ufage, c'eft qu'ils pallènt un tems » infini à les orner de fculptures. » z9' Le 29, au point du jour, nous étions fous voile, &, {a) Les Naturels du Pays l'appellent Tofooa-Jma 3 ou Kama j lignifie probablement Montagne, r profitant d'une légère brife de l'Oueft, nous mîmes le cap au 1 " ' '.....■» Nord, pour recounoître les deux Hautes-Ifles j mais bientôt Ann-.T774* les vents nous refluèrent,. & nous portèrent entre plusieurs petites Ifles rafes &: bas-fonds: de forte qu'il nous fallut ferrer le vent pour fortir de ce parage. rRtte manœuvre donna le tems à quantité de pirogues, de ces différentes Ifles, de joindre le vaiffeau. Elles avoient, à leur bord, des fruits, des racines &c quelques poules: les Indiens échangèrent ces provifions pour de petits clous & des pièces d'étoffés do toute efpèce. Je crois que ces pirogues, avant de fe retirer , achevèrent de dépouiller la plupart des Gens de l'équipage du petit nombre de pièces d'étoffe que les femmes de Taïti leur avoient laiffées. Après être fortis de ces bas-fonds, nous courûmes un bord au Sud, & nous nous trouvâmes un peu au vent de la pointe méridionale d'Ana-mockaj & ,de cette manière, notre journée futprefqu'entiè-rement perdue. Nous paffâmes ici la nuit à faire de petites bordées dans l'efpace que nous avions reconnu le jour précédent. Le 3 o, dès la pointe du jour, nous dirigeâmes notre route 3 0. fur Amattafoa,avec une jolie brife de l'O. S. O. Le Soleil avoit à peine éclairé l'horizon, que des pirogues arrivèrent, autour du vailfeau, de toutes parts. Il fe fit autant, & même plus d'échanges, que la veille j car j'achetai, d'une pirogue, deux cochons, très-rares dans ces cantons. Vers les quatre heures de l'après-midi, nous étions près d'Amattafoa, & nous paf-sâmes entre cette Ifle & Oghao. Le canal, qui les fépare, eft d'environ deux milles de largeur : on n'y rrouve point de fond, & la navigation y eft fûre. Dans ce paffage, nous E 1 ■ = eûmes très-peu de vent & des calmes. Une grande double %ïnj7^ pirogue, qui alloit à la voile, & plufieurs autres à rames, qui nous avoient fuivi tout le jour Joignirent le vaiffeau. J'eus alors occasion de vcTiherunechofc qui meparoif-foit uu peu douteufe, cetoit de favoir fi quelques pirogues ne reviroient pas de bord, en changeant feulement leur voile de côté,& fi elles ne eontinuoient pas leur route, ayant,de l'avant, le bout qui fê trou voit de l'arriére. Cette manoeuvre, que nous avions préfumée, s'exécuta alors fous nos yeux. La voile de ces pirogues, dune forme triangulaire, eft étendue ouenverguée fur deux perches, dont la fupérieure eft une vergue latine, & l'inférieure fait la fonction du gui ou baume dans les voiles auriques. La vergue cft fufpendue au mât, prcfque par le milieu. Quand ceux qui les montent veulent changer de bordée, ils font arriver la pirogue vent devant, lâchent doucement l'écoute, & portent le pied ou tenon de la vergue, ainfi que l'écoute, de l'autre côté de la pirogue, aux deux fc*>«*<» ^ i*^uUi^ v>rt a pratiqué des entailles ou mortaifes où ils fixent le tenon de la vergue. On peut dire que leur manière de manoeuvrer, cft alTezfèmbla-ble à celle qu'a décrite M. Waltcr, en parlant des pirogues des .Ifles Marianes (a). S'ils veulent aller vent largue, ou ferrer le vent, ils détachent le tenon de la vergue de la mortaife, & braffent quarré. Il faut obferver que toutes leurs pirogues ne font point gréées pour manœuvrer de la même manière. Quelques-unes, &: celles-ci font les plus grandes , font gréées pour revirer de bord. Le mât de ces. ( a ) Koyq le Voyage du Lord Aafon. du Capitaine C o o k. 37 dernièrescft plus court & plus gros que celui des autres. Il '" ' porte fur une efpèce de rouleau, fixé au pont, près de l*a- A™jJJ7^ vaut. Il fert à faire pencher ou incliner la pirogue fur le devant, Le fomniet du mât eft fourchu, & la vergue repofe fur fes deux pointes, comme fur deux pivots, par le moyen de deux forts taquets de bois, retenus, de chaque côté de la vergue, à un tiers environ de fa longueur, depuis le tenon : ce tenon pendant que le bâtiment fût voile, eft arrêté contre les deux pirogues, à laide de deux fortes liures, dont l'une cft panec à tj.iivci.3 uu clou , p^aili^uc à l'civanr de chaque pirogue ; car on doit remarquer que toutes ces pirogues à voilure font doubles ou accouplées. Le pied de la vergue étant ainfï fixé, il eft clair qu'en paffant les amures de l'un à l'autre côté, ces pirogues doivent revirer de bord : il eft aufli un côté où la voile & fa vergue inférieure fe trouvent dégagées du mât; tandis que, de l'autre, la voile porte fur lui,préci-fément comme une miiainc déferlée. Je ne pourrois cependant pas dire s'ils ne détachent pas quelquefois de la vergue cette p.nrtie de la voile, qui eft entre l'amure & le fommet du mât, pour mettre la voile ce fa vergue inférieure fous le vent du mât. Les de/lins que M. Hodges a faits de ces pirogues, femblcnt favorifer cette opinion; ils peuvent, non-feulement faire entendre la defcription, mais encore la fuppléer. Les bouts-dehors & les cordages dont on fe fert pour les haubans, font gros & forts; 6c, en effet, la voile, la vergue & le gui font enlemble d'un Ci énorme poids, qu'ils ont befbin de cordages de la plus grande force. Durant toute cette journée, le fommet d'Amattafoa fut — caché clans les nuages ; de forte que nous ne pûmes pas encore m. 1774. r . 1 " Juin. déterminer, avec certitude , s'il s'y trouve un volcan \ mais tout fembloit en confirmer fexiftence. L'Ifle a environ cinq lieues de tour. Oghao a moins d'étendue; mais elle eft plus ronde, & la forme eft celle d'un pain de fucre. « Quelques-uns des Naturels d'Amattafoa, qui étoient » fur notre bord, nous dirent qu'il y a de l'eau douce, des » noix de cocos, des bananes & des fruits à pain : nous ©rf^l, beaucoup de palmiers ne de bois de * mafluc. Quoique toute l'Ifle foit efearpée , elle étoit »> couverte, en quelques endroits, de verdure & d'arbrif-» féaux. Vers la mer, & fur-tout du côté de l'autre Ifle, les » rochers fembloient brûlés, & un fable noir couvroit la » côte. Nous nous en approchâmes à une encablure ; mais » la fonde y rapporta quatre - vingt braffes ; ce qui nous w empêcha de jeter l'ancre. Les rochers, vers le paflage, *> font caverneux, & quelquefois de la forme d'une colonne. » A travers la brume, nous voyions la fe«t« aMltvci avec » impéiuoilté ; 2c", avant que nous euflions paffé le dé-» troit, elle paroifîbit fortir de l'autre côté de la montagne. » Cette illufion prouve que le fommet de la montagne étoit » creux, ou formoit un cratère d'où jaiililToit la vapeur. Au » côté N. O. de l'Ifle, un peu au-deflbus de l'endroit où nous » vîmes la fumée fortir, nous apperçûmes un coin qui fem-n bloit avoir été brûlé depuis peu; il étoit dépouillé de ver-»> dure , quoique la montagne, des deux côtés, fut revêtue* » de diverfes plantes. Quand nous fûmes exactement fur la *> ligne, par où le vent conduifoitla fumée, nous effuyâmes » une petite ondée de pluie, & les gouttes qui tomboient * » dans nos yeux, étoient piquantes & dures. Elle étoit pro- « bablement imprégnées de quelques particules vomies par » le volcan. Comme le vent foumoit du S. S. E. &qu'il n fraîchiflbit, nous nous éloignâmes de cette Ifle fans faire » d'autres obfèrvations, quoiqu'elle foit bien digne de fat- » tention des Savans, qui recherchent quelles révolutions « a fubi notre Globe. » Ces deux Isles giflent à l'O. N. £ O. d'Anamocka, à la diftance de onse ou douze lieu^^. Tnnres lesdeux font habitées; mais ni lune ni l'autre ne paroifîent fertiles. A peine étions-nous dans le canal, qu'il s'éleva une brife très-fraîche du Sud: à l'inftant, toutes les pirogues fe retirèrent, & nous gouvernâmes à rOueft toutes voiles dehors. J'avois quelque envie de toucher à Amfterdam, qui n'efl pas éloignée de la route que je fuivois ; mais, voulant profiter du vent, je crus devoir changer de de/îein. Retournons maintenant à Anamock^ , c'eft le nom que l'Ifle reçoit de fes Habitans. Elle eft fituée par roli 15' de latitude Sud , & 174e1 31 ' de longitude à l'Oueft, Tafman , qui le pr emier en fit la découverte lui donna le nom de Rotterdam. Elle cft d'une forme triangulaire , & chacun de fes côtés a trois à quatre milles de longueur. Un lac , qui eft dans le milieu , occupe une grande partie de fa furface, &c coupe, en quelque façon, l'angle du S. E. C'est la plus confidérable du grouppe. Toutes ces Ifles » (ont*fituées fur une efpèce de banc de fable, où il y a de 4° Voyage ■ '■!,■ 33 neuf à foixante ou foixante-dix braffes d'eau , & le fol eft uîn7^* * probablement le même fur chacune. Anamocka eft com- » polée, comme Tonga-Tabboo , d'un rocher de corail » couvert d'un bon terreau. Nous n'avons pas eu occafïon » d'examiner le mondrain du centre , qui fcmblc avoir eu » une origine différente , & qui peut-être eft volcanique. » Il eft maintenant couvert de fertiles bocages, comme le » refte de l'Ifle. L'eau douce que fournit l'étang à ces Infu- » laires, cft un avantage dont font privés ceux de Tonga- » Tabboo ; mais il ne paroîr poc qu'ils fe baignent aufîi » fouvent que les Taïtiens, peut-être parce que l'eau fta- » gnante invite peu à s'y plonger. Ils paroiffent en connoître » le prix ; car les Naturels nous en apportoient au vaiflèau « des calebalfes pleines', & ils en donnèrent aufîi à Tafman. « Il y a plus de fruit à pain & de pimplemoufès, & tous » les végétaux y viennent mieux qu'à l'Ifle d'Amfterdam : » voilà pourquoi les terrains ne font pas enfermés de haies » auffi nombreufes, aufli régulières &: auffi foigneufement » faites: le< longues allées d'arbres fruitiers & la délicieufe » verdure qui eft au-deffous, pourroit fe comparer aux plus n charmantes retraires de l'Ifle deMiddelburg. Les berceaux -» touffus, qui couvrent les chemins, étalent de belles fleurs » qui embaument l'air de parfums. Les fîtes multipliés, que « forment les petites élévations &£ les différens grouppes des « maifons & des arbres, contribuent encore à l'ornement » de cette terre. Les volailles &: les cochons qui rodoient » autour de chaque cafe, la quantité prodigieufe de » pimplemoufès qu'on voyoit au-deffous des arbres,' & » auxquels les Naturels ne paroiffoic-nt pas faire attention, » offraient » offroientlc fpe&acle de l'abondance. Si je l'oie dire, mon » cœur palpiroit de joie : la vue de l'abondance procure à » l'homme une fatisfaélion inexprimable , Se lame la plus » abartue fe livre alors à la bonne humeur Se au contente-» ment. Ces fcènes de plaifir, remplaçant les fcènes fi trilles » qui frappèrent nos regards pendant un fi long Voyage, » produifbient un contralto qui charmoit tout le monde. 11 » cil: naturel de s'arrêter fut des objets agréables , Se je ne i> crois pas avoir befoiu de m'exeufer auprès du Lecteur, fi 0 je fais en ce point de fréquentes deferiptions. M. Hodges » a dclîiné avec vérité l'intérieur d'Anamocka, Se on en » trouve une Gravure dans ce Voyage. » > Autour de l'Isle , c'eft-à-dire, du N. O. au Sud, en paiîânt par le Nord fie l'Eft, il y a un grand nombre d'Iflots, de bancs de fable Se de brifans. Nous les vîmes s'étendre dans le Nord à perte de vue , Se il n'eft pas impoftible qu'ils Ce prolongent jufqu'au Sud d'Amfterdam , ou de Tonga-Tabboo. Ces Ifles, y compris Middelburg ou Ecaoowée , Se Pilftart, forment un grouppe qui einbrafle environ trois degrés en latitude Se deux en longitude. L'amitié & l'alliance étroites qui femblent fubfifter entre leurs Habitans, Se leur conduite affable ce honnête envers les Etrangers, m'ont engagé à les nommer l'Archipel ou les Ifles des Amis. Nous pourrions peut-être porter plus loin cet Archipel, & y comprendre les Ifles Bofcawen Se Kcppcl, découvertes par le Capitaine Wallis, fituées à-peu-près fous le même méridien, à la latitude de 1511 5 3': Ci je puis juger des Habitans de ces deux Ifles, d'après ce qu'on m'en a dit,leur caractère. Tome 112, F, --■ I - n'eft pas moins pacifique que celui des Indiens de notre ^ Archipel. ' ! Les Habitans , les productions, &c. de Rotterdam Ôt des Ifles voi(ïnes,font à-peu-près les mêmes qu'a Amftcrdam. Les cochons & les volailles n'y font pas moins rares. Nous ne pûmes nous y procurer que fix cochons , & très-peu de Volailles. Nous en tirâmes des ignames 8c des pimplemoufès en abondance mais il n'êtoit pas fi facile d'y avoir d'autres fruits. îl n'y a pas plus de la moin/> rU rifU . qui foir. comme à Amftcrdam, en plantations clofes. Il eft vrai que le terrain ouvert, y eft cultivé & fertile. Cependant on rencontre plus de landes dans cette Ifle, eu égard â fon étendue, que dans l'autre. Les Habitans paroiffent auffi plus pauvres, c'eft-à-dirc qu'on y voit moins d'étoffes, moins de nattes, moins d'or-ncmens, ccc. ce qui conftituc la majeure partie des rieheffes des Habitans de la Mer Pacifique. Les Naturels de Rotterdam fèmblent plus fujets a la lèpre, ou d'ann-oo maladies de la peau , que par-tout ailleurs: leur vifage cft beaucoup plus affecté que le refte du corps. J'en ai vu plufieurs à qui la lépre avoit rongé le vifage & fait tomber le nez. Dans une de mes exeufions, je voulus m'arrêter à une cafe où étoient quelques perfonnes > un Indien parut à la porte, ou plutôt devant le trou qui fervoit d'entrée, & qu'il chercha à barricader avec des cordes. Mais l'odeur infecte , qui s'exhaloit de fon vifage , auroic feul fiiffi pour m cconduirc, fi l'entrée m'eût été ouverte, La lépre lui avoit entièrement dévoré le nez , 5c fon vifage \ du Capitaine Co ok. 43 *i'ctoit qu'un ulcère : il feroit difficile de rien voir de plus 5= hideux & de plus choquant. Comme les gens de l'équipage Ats^ n étoient pas encore bien guéris d'une certaine maladie qu'ils avoient prrfe aux Ifles de ta Société, je défendis ici toute efpèce de communication avec les femmes, Se j'ai lieu de croire , qu'à cet égaéd , mes foins ne furent pas inutiles. Nous ne vîmes, dans cette Ifle, ni Roi, ni ptincipal Chef: aucun des Infulaires ne nous parut avoir une autorité abfolue fur les aurn-s. T 'Tndicn Se la vieille dont j'ai parlé, Se que je crus être mari Se femme, s'intércflercnt bien en quelques occafions dans nos affaires , mais il étoit aifé de voir que leur crédit ne s etendoit pas loin. «La eemme qui envoya chercher la gibecière Se le fufil » du Chirurgien, fembloit jouir de quelque pouvoir, ainfi »» qu'on l'a déjà dîtj Se, comme on a lieu de croire que les » femmes à qui on permet de UifTer croître leurs cheveux, * ont , dans les Ifles de la Mer du Sud , des prérogitives » pardcfTiis les autres, la bienfaitrice de M. Patten pa-» roiffoit être d'un rang fupéricur, Se tout ion maintien n l'annonçoit d'ailleurs. Ce fut la feule que nous ayons vue » avec de longs cheveux. Je fuis bien loin de conclure que » les Naturels d'Anamocka n'ont point de Gouvernement » fixe} au contraire, leur proximité Se leurs rapports avec » d'autres peuples fournis au Gouvernement Monarchi-» que, Se l'exemple de tous les autres Infulaires de la Mer du » Sud, que les premiers Navigateurs ont vifité, donnent lieu » de penfer qu'il y a une adminiflration. » Leurs mœurs approchent beaucoup de celles de F a » Middclburg , il eft probable qu'ils ont la même origine & 7 4* » les mêmes idées rcligicufes : cependant nous n'y avons » remarqué ni Afiatouca, ni cimetière. » L'Archipel , auquel nous avons donné le nom » d'Ides des Amis, femble habité par une race de peuples qui y> parlent le dialecte de la Mer du Sud , & qui ont tous le » même caractère. En général, ces terres font bien peuplées. » Amfterdam cft prefquc un jardin continu, Middclburg, r> Anamocka 6c les ïuVç ad j.**-***»»* j»*«oiflro«r i^c plue fertiles, » &c nous ferons très-modérés dans nos calculs, fi nous comp-» tons deux cens mille ames fur toutes ces Illcs. La falu-» briré du climat & des productions, les préfervent de » ces maladies intérieures fans nombre dont nous femmes » les victimes, 6c ils n'ont aucun befoin qu'ils ne puiflènt » fatisfairc, parce qu'ils ont fait, dans les Arts àc dans la » Mufique, plus de progrès que les autres Nations de la » Mer du Sud; ils paffent leur tems d'une manière agréa-» bîe, 6c ils fe recherchent les uns les autres. Ils font actifs » ôc induftrifnv• nrab , a l'égard des Etrangers, ils ont plus « de politcfTe que de cordialité. Le goût particulier qu'ils j> ont pour le commerce, pourrait faire croire qu'ils ont » fubftitué cette civilité trompeufe à la place de la véritable ^ amitié : ils femblent agir d'après les principes merec-» naircs 6c intérelfés qu'infpire le commerce. Cette partie » de leur caractère eft directement oppofée à celui des Taï-» tiens qui fe plailent dans une vie indolente , mais dont » les affections plus fenties ne fe bornent pas à de Cmples » appaiences. Cependant il y a, aux Ifles de la Sociéré, » un giand nombre d'individus voluptueux, tels que les du Capitaine C o o k, 4^ *> Arréoys , dont le cara&ere moral paroît un peu déprave, » au-lieu que les Infulaires des Ifles des Amis fcmblent igno-» rcr les vices qui font les fruits de L'opulence. * La rade, où nous avons mouillé, cft fur la bande Nord de l'Ifle , précifément au Sud de l'anfe la plus méridionale ; car il y en a deux de ce même côté do rifle. Cette rade eft d: une étendue aflez confïdérable : on trouve, à la diftance d'un ou deux milles du rivaçc, vin cinq (V rrenre hraffa d-V^ti , fond de fable , fans mélange de roche. Cet ancrage eft encore très-commode pour la coupe 6c le chargement du bois de chauffage \ mais l'eau y eft fau-mâtre, Si ne vaut pas la peine d'être portée abord , à moins qu'on ne foit dans le plus preflant befoin. Néanmoins on peut s'en procurer de meilleure à cette Ifle même , 6c aux Ifles voilmes \ car les Habitans nous offrirent, dans des coques de noix de cocos, de l'eau plus douce \ je ne fais pas cependant fi lca frsnrroQ fonr iflpr abondantes pour en fournir un vaiflèau. J'ai déjà observé que la côte du S. O. de l'Ifle eft défendue par une chaîne de rochers ou de brifans 6c d'Iflots. Si, entre ces récifs 6c l'Iilc, la mer avoit une auffl grande profondeur 6c un bon fond , comme cela paroît être , il feroit plus avantageux d'y jeter l'ancre, que dans la rade où nous avons relâché. V 0 y a g h miL ni ïii iin" ^ir; '.Tll.ï^ïi CHAPITRE III. Paffage des IJles dés Amis aux Nouvelles-Hébrides. Relation de la Découverte de l'Ifle de la Tortue. Variété d'Incidens avant & après Varrivée du Vmfjrmi rl.inc h Pnrr du Sandwich de VIfle Mallicollo. Defcription du havre & de la Contrée adjacente ; de fes Habitans. Plufeurs autres particularités. z^-^^ XjE premier de Juillet, au coucher du Soleil, nous avions /uillct. encore la vue d'Amattafoa, qui nous reftoit E. ^ N. E., à la diftance de vingt lieues. En continuant notre route à l'Oueft, 2 ( le lendemain à midi, nous découvrîmes, dans le N. O. i o., la Terre qUC 110US VOUllOIlS VllltCL. A quatre heures, elle UOUS reftoit du N. O. { O. au N. O. ~ N., &, en même-tems, des brifans, qui fe montrèrent délavant, paroiffoient s étendre de l'Oueft au S. O. Le jour étoit trop avancé pour poufïèr plus loin la découverte : nous diminuâmes de voiles, ferrâmes le vent, &: nous parlâmes la nuit à courir de petits bords, qui nous furent avantageux-, car nous reconnûmes, à la pointe du jour, que nous étions plus loin de la côte que nous ne lavions imaginé i 5c il étoit onze heures, avant de pouvoir arriver au N. O., ou fous le vent de l'Ifle, ou l'ancrage ce le débarquement paroiflbient praticables. Afin de nous aûurer du premier, j'envoyai un bateau, aux ordres ===== du Maître, prendre les fondes ; &, dans cet intervalle, nous j^ta." reftâmes fur les bords. « L'Isle fembloit avoir deux petites collines, d'une pente • très-douce, couvertes de bois ; une extrémité fe terminoit » en pointe plate, fur laquelle nous obfcrvâmes de jolies » bocages de cocotiers & d'arbres fruitiers , entremêlés de v maifons y une belle grève de fable entouroir la cote. » Nous apperçûmes,fur le récif qui borde l'Ifle, quatre ou cinq Indiens, & environ une quinzaine fur le rivage. A la vue du bateau qui s'avançoit, ceux qui occupèrent le récif allèrent rejoindre les autres, ôc tous s'enfuirent dans le bois, au moment'de la defeente. Le bateau revînt à bnrd avec la nouvelle , qu'on ne trouvoit point de fond en-dedans du récif, dans lequel le Maître n'avoit découvert qu'une feule pafîé, de fix pieds d'eau, qui n'était abordable que pour vin canot. Après être enrré par cette coupure, il avoit ramé vers le rivage, efpérant parler aux Infulaires au nombre d'environ vingt, ôc tous armés de maffues & de lances ; mais, au moment où le bateau mit à terre, ils avoient gagné la forêt : îl laiffa , fur le récif, des médailles , des clous èc un couteau, que les Naturels prirent, fans doute , puisqu'ils reparurent bientôt après à la même place. La longueur de cette IJlc,dans la direction du N. E. au S.O., cft d'un peu moins- d'une lieue, &: elle n'a pas la moitié autant de largeur. Ses terres font entièrement boifées; 6c elle eft défendue, tout au tour, par un récif de corail, qui, en quelques endroits, s'étend à deux milles du rivage. Elle cft trop petite - - ' pour renfermer beaucoup d'Habitans: peut-être même que nn. i 774, , t/1 * Juillet. ceux clu on uppercut, vcnoient d une Ifle voifinc pour pêcher des tortues ; car il y en avoit plufieurs près des récifs, 6c c'cft pour cela que j'en ai donné le nom à flfle. Elle gît, par la latitude, de 19'1 48' Sud, & par la longitude, de 178' 1' à l'Oueft. Voyant les brifans courir dans le S. S. O., & voulant m'affurcr de toute leur étendue avant la nuit, jo quittai l'Ifle de la Tortue, &c fis voile pour les reconnoî-trc. A deux heures, nous découvrîmes qu'ils étoient occa-fionnés par un banc de corail, d'environ quatre ou cinq lieues de circuit. Par la route que nous avions tenue, nous ne pûmes pas douter que ces brifans ne fuiTcut la> mêmes que ceux que noue avwui vu* le loir précédent. Ce banc de corail découvre, à baffe mer, dans prefquc toutes fes parties. a Nous observâmes que de larges rochers de » corail s elcvoicnt à près de quinze pieds au-deffus de la » furface de la mer, qu'ils étoient éttoits à la bafe & » qu'ils s'élargiffoient au fommet. Je ne fais pas fi un » tremblement de terre les a pouffes fi haut au-deffus des w flots dans lefquels ils doivent avoir été formés,ou s'il faut » aligner une autre caule à ce phénomène curieux.» Près des accores de ce banc, l'eau cft baflèi car, dans le milieu, elle a de la profondeur. En un mot, il ne manque à ce banc que des iflots,pour le rendre exactement femblable à une de ces Ifles rafes, à demi-noyées, avec une lagune, dont dont nous avons fouvent fait mention. Il fe trouve au S. O. "I- ■ de l'iiîe de la Tortue, à la diftance d'environ cinq ou fix '774' milles\ & le canal, qui le fépare du récif de l'Ifle, a trois milles de largeur. Ne voyant plus d'Iflcs ni d ccueils, & peifuadé qu'on pourroit pêcher des tortues fur ce banc, Renvoyai deux bateaux convenablement équipés i mais ils ne firent que d'inutiles tentatives. Les bateaux de retour à bord, nous fîmes voile à VOueft avec une brife très-fraîche de la partie de l'Eft, qui fe foutint jufquau 9, que le vent, ayant fouffié pendant quel- ^ ques heures du N. O., fut fuivi de raffalcs & de pluies.<*A ce tems orageux fuccéda un vent frais du S. E., avec lequel nous cinglâmes au N. O. Notre latitude étoit de zod zo'Sud & la longitude de 176* 8' à l'Eft. « Nous n'étions accompagnés d'aucun oifeau dans ■'». notre route \ un boobi blanc, ou une frégate,frappoienr n de tems-cn-tems nos regards dans le lointain. Le beau » tems, les ignames d'Anamocka, & l'efpoir de faire de w nouvelles découvertes dans cette partie de la mer du » Sud, qui n'a voit pas encore été reconnue, nous don-■» noient du courage. » Le i 3, le vent diminua, & il tomba des gouttes de 1 !• n pluie le foir & le matin. Les Matelots célébrèrent, avec » leur gaieté accoutumée, le fécond anniverfaire de notre » départ d'Angleterre. Ils burent copieufement ; ils avoient » épargné une partie de leur ration pour ce grand Jour, & Tome III. G Voyage *> ils noyèrent leurs idées triiLCs dans le grog (a). L'un » d'eux,dont l'efprit étoit fanatique, compofa une Hymne » à cette occafion, ainfi qu'il avoit déjà fair la première » année j &, après avoir exhorté férieufement fes cama-» rades à la pénitence, il fe mit à boire Se à s'enivrer comme » les autres. » Le i 5, à midi, par 15e1 9' de latitude Sud Se 171e1 lo de longitude Eft, je gouvernai à l'Oueft. Le lendemain, nous eûmes un tems fombre, accompagné de grains violens Se de pluie; c'eft généralement dans cette mer,, entre les Tropiques, un fur indice du voifinage de quelques-unes des terres élevées. Vers les trois heures après-midi, nous eûmes, en effet, la vue d'une grande côte qui nous reftoit au Sud-Oucft. En conféquence, nous ferrâmes nos voiles hautes, prîmes des lîs dans leb huniers, Se nous gouvernâmes fur la terre. A cinq heures Se demie , elle s etendoit du S. S. O. au N. O. ~ O. ^- O. Bientôt nous revirâmes de bord, &c paf-fâmes à louvoyer la nuit, qui fut prcfque toujours à l'orage: Toutes nos bordées furent délavantageufes; car, le matin; nous reconnûmes que nous avions perdu du terrain. Nous n'en fûmes point furpris, n'ayant pour lors que de mau> vaifes voiles, dont la plupart étoient déchirées, particulitreJ ment celle du petit hunier, qui étoit abfolutncnt hors do fervice. « Le roulis du vailTcau étoit toujours très-violent, & » la pluie mouilloit enticremenr nos livres, nos vetemens » Se nos lits. Ces vents forts, joints à la brume, envelop- (*) Sorte de boùTon compofée d'Eau-de-vie, d'eau, &c. N » poicnt la terre de nuages, de manière que nous pou- » vions à peine l'appercevoir. Ce tems étoit d'autant plus » dciagréablc, qu'il étoit inattendu dans une mer qu'on a r> toujours appellée Pacifique. Il ne But pas compter fur » les dénominations générales, Se quoiqu'on y efluie rare- » ment des ouragans Se des tempêtes, on en efluie qUcl- » quefois. Quand Quiros quitta la Terre du S. Efprit, quand » M. de Bougainvillc fut fur la cê>te de la Louifiade, & lorf- » que le Capitaine Cook, fur l'Endéavour, reconnut la » côte orientale de. la Nouvclie-Hoiiande, chacun d'eux » eut un tems otageux. Peut-être cela provcnoit-il des s» grandes terres fituées dans cette partie de l'Océan j on » fait du moins que les vents fixes de la zone trorride font » variables dans le voifînage des côtes élevées Se étendues. » Ayant envergué d'autres voiles, nous continuâmes dé ferrer le vent, nous propofant de doubler les pointes méridionales des rerres, ou du moins de nous avancer af7ez au Sud, pour juger de leur étendue dans cettedîreclion. Nous ne doutions plus que ce ne fuffenr les Terres auftrales du Saînt-Efprit de Quiros, que M. de Bougainvillc a nommées les Grandes-Cyclades, Se nous étions aflurés que la côte que nous prolongions, étoit la bande de l'Eft de l'Ifle Aurore, qui gît par 16"8d 50' de longitude Eft de Londres. « Ainsi , après avoir paffé deux ans à reconno'krc les ■» découvertes des premiers Voyageurs , à rectifier leurs » erreurs, Se à combattre des idées vulgaires, nous en com-*> mençâmes une troificme, en recherchant un grouppe » d'Ifles que M. de Bougainville, contraint par la néceflité, G 1 ————S » avoit quitte précipitamment. Cette dernière année ' jyjiJJ » fera féconde en découvertes : nous n'avions pas lieu » de nous plaindre du fuccès des deux premières, puifque » la plupart des contrées que nous avions viiîtécs étoient à » peine connues, & qu'on en avoit fait des deferiptions » vagues 6c peu philofophiques. Nous avions tâché de faite » des obfèrvations fur les hommes & fur les mœurs. Quoi-» que ces remarques doivent être le premier objet des » Voyageurs , elles ont été négligées par ceux mêmes qui » vouloient palier pour des'Voyageurs éclairés : mais, comme » la nouveauté a toujours des charmes pour les hommes, » l'Hiftoire du refte de notre Voyage mérite toute leur » attention.» Le vent, qui alloit en croiffant, nous obligea de nous ! g# tenir fous nos baifes voiles, jufquau 18 , qu'il nous fut permis de porter nos huniers, deux ris pris. Après avoir amené la pointe feptentrionale de rifle Aurore, nous ferrâmes le vent, en gouvernant fur l'Ifle des Lépreux, fous nos huniers ôc nos baflès-voiles rifées, la brife étant très-fraîche de la partie du N. E.j mais, comme nous étions fous le vent de l'Ifle Aurore, nous avions l'avantage d une mer tranquille. A midi, fa pointe Nord nous reftoit au N. E. J N. ,â la diftance de quatre lieues. Notre latitude auftrale, d'après, deux obfèrvations,fe trouva de 15e1 1' 3°", Se notre longitude de 168'1 14 à l'Eft. te Nous appercevions des cocotiers, jufques. fur les< 3> hautes chaînes des montagnes de l'Ifle. Autant qu'une. * brume épaiffe nous permit d'en juger, elle eft revêtue de. » forêts touffues d'un afped agréable, mais fauvage. Mon *> Pere découvrit un moment le petit pic de rocher que 1 » M.deBougainville appelle pic de l'Etoile ou pic de l'A- » verdy ; mais les nuages, qui fe remuoient avec beaucoup » de vîteffe, le couvrirent bientôt. « a deux heures après-midi, nous nous approchâmes du milieu de l'Ifle des Lépreux ; Se je rcvirai de bord, à la diftance d'environ deux milles de la cote, où nous n'eûmes point de fond avec une ligne de foixante-dix braffes. Nous apperçûmes bientôt les Habitans fur le rivage, Se nous vîmes de fuperbes cafeades qui s'élançoient des montagnes voi-fînes. « Toute la pointe Nord-Eft étoit plus baffe Se cou: » verte dedifférens arbres; les palmiers, en particulier, y » font innombrables, & , à notre grande furprife, ils croif-» fent fur des collines. « Ces bois font un aufîi bel ornement au payfagc qua la baie Dusky. N'étant plus qu'à un demi-mille de terre, la fonde rapporta trente braffes d'eau, fond de fable; mais, à un mille de diftance, nous n avions point trouvé de fond avec une ligne de foixante-dix braffes. Deux pirogues fe détachèrent du rivage pour s'avancer vers le vaiffeau ; l'une étoit montée par trois In^ diens, Se l'autre par un feul. Elles ne s'approchèrent qu'à un jet de pierre, malgré tous les fignes d'amitié que nous nous efforcions de leur faire. Elles ne s'y arrêtèrent pas même long-tems, avant de retourner à la grève, où nous voyions un grand nombre d'Habitans affemblés Se armés d'arcs & de flèches. Ces Infulaires font noirs ; Se, à l'exception de quelques ornemens qu'ils portoientfur la poitrine Se aux bras, ils paroiffoient entièrement nuds. « L'un d'eux feulement !■ —us avoir une étoffe qui traverfok une de Tes épaules, & qui "jiiiikt ^' Pau^c *"ous ^ai,trc bras comme uneécharpc, &r retomboit cnfuirc autour des reins: elle fembloit être d'un blanc falc , avec une bordure rouge, a Nous obfeivâmcs, Cn plnffcurs « endroits, des rofeaux en forme de claies, placés entre les » rochers, probablement pour prendre du poiflbn. » Comme je me propofois de m'avancer au Sud, afin de reconnoître les rerres de ce parage, je conrinuai d'aller au plus près du venr, entre l'Ifle des Lépreux & l'Ifle Aurorej 19. &, le 19 à midi, la pointe Sud de cette dernière Ifle nous reftoit au Sud 2.4e1 Eft ,& la pointe feptcntrionale au Nord , à la diftance de vingt milles. La latitude obfervécfut de 1 5d ii'. Les vents du S. E. foufiloicnt toujours avec force-, de force que nom perdions la nuit le terrain que nous gagnions le jour, cn tenant le plus près du vent. Au lever du Soleil, nous étions parvenus par le travers de la pointe méridionale de l'Ifle Aurore. Sur fa bande du N. O., la côte forme une petite baie, dans laquelle nous cherchâmes un mouillage i mais la fonde ne rapporta pas moins de quatre-vingt braffes d'eau, fond d'un beau fable brun, à un demi-mille de la grève. Je fuis cependant tenté de croire que, plus près de terre,il y a moins de profondeur & un ancrage fur ; & la contrée fournirait, cn abondance, des eaux fraîches 8c du bois de chauffage. L'Ifle entière, depuis les bords de la mer jufqu'aux fommets des montagnes , paroît couverte de bois, & toutes les vallées y font coupées de ruiflèaux. « Nous avions , deyant les yeux, une belle grève & la » végétation la plus abondante qu'on puiffc concevoir. Des = » liferons & des lianes s'enlaçoient aux arbres les plus A » élevés, & formoient des guirlandes & des fêlions qui » embelliifoient la fcène. Une jolie plantation, environnée » de rofeaux, occupoir le penchant de la colline, & une » charmante cafeade fe répandoit dans cette foret. L'Ifle a Aurore a environ douze lieues de long & pas plus de » cinq milles de large: elle court à-peu-près Nord & Sud: „ la montagne qu'elle renferme, eft pointue & d'une hau-„ teur coniidérable. L'Ifle des Lépreux cft prefqu'aufïï* » grande que celle de l'Aurore j mais elle cft plus large, & 5> elle gît à-peu-près Eft & Oucft. » Les Habitans le montrèrent lut la plage, ôcTon voyoit, fur la côte, des pirogues ; mais elles ne vinrent pas près du vaiffeau. En quittant la baie, nous fîmes voile dans le canal qui féparc l'Ifle Aurore de l'Ifle de la Pentecôte. A midi, nous étions par le travers de U pointe Septentrionale de cette dernière, qui nous reftoit E. N. E,& nous obfervâ-mes 15d 18' - de latitude Sud. L'Ifle Aurore nous reftoit du N. au N. E. -"E., & flflc des Lépreux du N. \ N. O. \ O. à l'Oueft. L'Ifle de la Pentecôte femble fe joindre à la terre au Sud & au Sud-Oueft j mais, cn nous avançant au Sud-Oueft s nous découvrîmes la féparation. Il étoit, dans ce moment, environ quatre heures après-midi i Se alors je revirai de bord, & gouvernai fur l'Ifle, jufqu'au coucher du Soleil, que le vent, s étant fait plus Eft, nous obligea de prendre notre route au Sud. Nous voyions toujours les Habitans i des filmées s'élevoient des différentes parties de l'Ifle, & le terrain, en plufieurs endroits, paroifloit cultivé. Vers minuit, dans le ç6 Voyage 1 ■ ■' ■ voiiinage de la Terre méridionale, je revirai, pour porter le JiillJ* caP au N°rci > *c ieu"e ^e ^a nu,t' « L'Isle de la Pentecôte, ainfi que celle des Lépreux, » ayant un terrain plus en pente que l'Aurore, fembloit *> plus peuplée SC plus remplie de plantations. A minuit, » nous y remarquâmes dirférens feux, &, fur la première, » nous les vîmes s'étendre jufqu'au fommet des collines : il « paroît que l'agriculture leur fournit leurs principaux n moyens de fubfiftance ; 81, puifqu'ils ont peu de pirogues, » Se que leurs cotes font très-efearpées, nous jugeâmes qu'ils » ne s'adonnent pas autant à la pêche que les autres Infù-» laircs. » 2,1, Le i i , â la pointe du jour , nous nous trouvâmes devant le canal qui fepare fille de la Pentecôte de la terre méridionale , & qui a environ deux lieues de large, La terre au Sud parut alors s'étendre du S. ^ S. E., en rondiflànt jufqu a l'Oueft, au (fi loin que la vue pouvoit porter, & fur la partie la plus voifinc de nous, qui eft d'une coniidérable hauteur, selevoient deux groifes colonnes de fumée, que nous jugeâmes partir de quelques volcans. « Toute la côte S. O, » formoit, en s'inclinant, une plaine très-belle Se tres-éten-» duc , de laquelle jailliftôient des tourbillons innombrables » de fumée, entre les bocages les plus riches qu'euflent ja-» mais contemplé nos yeux depuis notre départ de Taïti. » L'afpect fertile de la contrée & le nombre des feux » annonçoient que l'Ifle eft bien peuplée. » Dans ce moment, je cinglai au S. S. O. avec une très-jolie brife du S. E. Vers les dix heures, nous découvrîmes que cette t portion portion de terre étoit une Ifle à laquelle les Naturels donnent u-hh.'*—-» le nom d'Ambrym. a peine eûmes-nous amené la pointe Am*^774-méridionale d'Ambrym, que nous apperçûmes une haute terre, &, après celle-là, une autre encore plus haute , fur laquelle seleveune montagne en forme de pyramide. Nous conjecturâmes que ces terres appartenoient aux deux Ifles féparées. La première fe montre dans le S. K, & la féconde à i'e. ij, e; & leur diftance eft à-peu-près de dix lieues. Pourfuivant notre route pour reconnoître celle qui étoit de l'avant à nous -, à midi, nous n'en étions éloignés que de cinq milles i elle s etendoit du N. e. - e. au S. e. - e. : la latitude obfervée fur de i6A 17' S. « Elle n'étoit pas moins belle que l'autre y les plus » charmantes teintes de verdure paroient fes bofquets, » entremêlés de beaucoup de cocotiers ; les montagnes » s'élevoienc fort avant dans l'intérieur des terres, & il y n avoit , à leurs pieds , plufieurs cantons plus bas, tous » couverts de bois, & terminés par une belle grève. » Tout cn approchant du rivage, nous remarquâmes une crique, qui avoit l'apparence d'un bon havre-, elle étoit formée par une pointe baffe, ou Péninfule qui s'avançoit au Nord. Sur cette pointe étoient des Habitans, qui paroiffoient nous inviter à defeendre à terre ; & vraifemblablement ce n'étoit pas à bonne intention, car ils étoient prcfque tous armés d'arcs & de flèches. Dans la vue de gagner du terrain & le tems néceflàire pour équipper & mettre dehors les bateaux y je revirai de bord & courus une bordée, ce qui nous occafionna la découverte d'un autre havre, une lieue enviroa Tome III. H -■.......15plus au Sud. Les deux bateaux, que j'avois envoyés recoiv- Jii'iUct74° noîtrc *es f°ndes ài un lieu d'ancrage, nous ayant ilgnalé qu'ils en trouvoicnt un dans le dernier havre, je gouvernai S. S. O., & biffai tomber l'ancre fur onze brades d'eau à près de deux encablures de la rive du S. E., & à un mille cn dedans de l'entrée. * L'Officier, qui commandoit les bateaux, nous » dit que les Naturels s'étoient avancés fur leurs pi-» rognes, très-près de lui ; que, loin de lui faire aucune » infulte ,ils agitoient des rameaux verds, & qu'après avoir » rempli leurs mains d'eau falée, ils la verfoient fur leurs » têtes : l'Officier ne manqua pas de leur rendre ce compli-» ment & ce témoignage de bienveillance. Ils s'appro-» cherent enfin du vaift'c.au, remuant toujours des plantes » vertes, & cn particulier les feuilles du Dracaena Ter-» minalis , & d'un beau Croton ariegatum y ils repé-; » toient continuellement le mot Tomarr , ou Tomarro ; » expreffion qui femble équivaloir au Tayo de Taïti ( a ). » La plupart étoient cependant armés d'arcs, de traits &: » de piques. Ils fe préparent ainfi à tout événement, à la » paix ou à la guerre. » Dès que nous firmes à l'ancre, plufieurs arrivèrent » dans leurs pirogues. On leur donna des étoffes de Taïti, *» qu'ils acceptèrent avec empreffementi & , par reconnoi£ » fance , ils offrirent quelques-uns de leurs traits , d'abord » ceux qui étoient armés feulement de bois, & enfuite {a) Ce mot fignifie Am\% : » d'autres armés de pointes d'os, & barbouillés d'une gomme * noirâtre , qui nous les fit croire empoifonnés. On les ■VjJ^?* » effaya fur un petit chien de Taïti, qu'on blcffa à la jambe*. » mais cette blcflïire n'eut aucune fuite funefte. La Ian-» gue de ce Peuple cil 11 différente de tous les dialectes » de la mer du Sud, que nous avions entendu jufqu'alors, » que nous n'y comprîmes pas un feul mot : elle étoit bcau-» coup plus dure, & remplie de r, f, ch, Ôc d'autres con-» formes. Ces Infulaires ne reffembloient pas non plus, par » laflature, à leurs voifins*. ils éroient tous d'une noirceur » remarquable, &, cn général, leur hauteur n'excédoit » pas cinq pieds quatre pouces ; leurs membres man-» quoient fouvent de proportion*, ils avoient les jambes &c » les bras longs &c grêles > le teint d'un brun noirâtre *, les » cheveux noirs, frifés ce laineux -, les traits de leur vifage » nous paroiffoient plus extraordinaires que tout le reflc : » ils avoient un large nez plat, & les os des joues proémî-» nens, comme les Nègres, & un front très-court, ôc qiiel-n quefois extrêmement comprimé : le vifage & la poitrine » de la plupart étoient d'ailleurs peints en noir j ce qui nous » bleffoit encore plus que leur laideur naturelle : un petit » nombre d'entr'eux portoient fur la tête un chapeau de » natte ; mais ils étoient tous abfolument nuds, & une corde * leur ferroit le ventre fi fort, qu'elle y ftifoit un fillon très-» profond. La plupart des autres Nations fe fervent d'une n pagne par pudeur*, mais l'étoffe cordée, que portent x> continuellement ces Infulaires, nuit plutôt à la modellic » qu'elle ne lui eft fivorable, t» Ils ne cessèrent de parler autour du bâtiment d'un H i - » ton très-élevé; mais, cn même tems, ils mirent tant de NJuill«.7*' ' Donnc humeur dans leurs propos, qu'ils nous amuferent : » dès que nous jetions les yeux fur l'un d'eux , il babilloit » fans aucune réferve. D'après leurs manières, leurs figures » & leur loquacité, nous les comparions à des finges. » Le soir, ils retournèrent à terre, ils y allumèrent des » feux , & on les entendit parler auffi haut entr'eux qu'ils •» avoient parlé parmi nous ; mais, à huit heures, ils rc-» vinrent tocs au vaiffeau fur leurs pirogues, avec des tifons » brûlans, afin de recommencer une nouvelle converfation. » Ils y mêlèrent une activité furprenante j nos répliques » avoient un peu moins de volubilité. La foirée fut calme » & belle , & la lune brilla par intervalles. Nous fûmes » furpris de les voir Ci cuiprcfles autour de nous la nuit ■ » car les Indiens reflent rarement autour d'un vaiffeau, après » le coucher du folcil. Quelques perfonnes de l'équipage » penfoient qu'ils venoient comme efpions, pour recon-» noître fi nous étions fur nos gardes *, mais leur conduite » paifible ne donnoit pas lieu à ce foupçon. Le Capitaine » défendit d'en laiffer monter un à bord, & de rien acheter » d'eux, & ils fe retirèrent vers la côte à minuit ; ils chan-» terent & battirent du tambout jufqu'au jour, & même nous en vîmes quelques-uns qui danloient : nous en con-» dûmes qu'ils font très-gais. » ut Le lendemain,de très-bonne heure, une nouvelle foule d'Indiens arrivèrent au vaiffeau, les uns en pirogues , les autres à la nage;, le mot Tomarr fe trouvoit encore dans leurs bruyans propos. J'en engageai bientôt un à monter à bord, & il fut à Imitant fuivi d'un plus grand nombre que ^ je ne l'aurais déliré ; de forte que non-feulemenr le pont, ™mtt.' mais prefque tout le vaiffeau en étoit rempli. J'en condui-fis quatre dans ma chambre , & je leur fis des préfens, qu'ils montroient à ceux qui étoient dans les pirogues. Ils fembloient enchantés de notre accueil. Tandis que je cher-chois à me concilier leur amitié, il furvint un accidenr qui jeta tour dans la confufion, & qui, dans la fuite , tourna , je penfe à notre avantage. Un Indien d'une des pirogues, fur le refus qu'on lui avoit fait de le laiffcr entrer dans un de nos bateaux, qui étoit cn dehors, banda fon arc pour tirer une flèche empoifonnée au Canotier. Plufieurs de fes Compatriotes l'en empêchèrent dans ce moment, & par-là me donnèrent le tems d'en être averti. J'accourus à Imitant, & je vis cet homme fe débattre avec un de ceux qui avoit été dans la chambre, & qui étoit fauté par la fenêtre pour contenir ce furieux, qui parvint à s'en dégager, & qui alloit tirer fa flèche fur le Canotier, lorfquc je le menaçai de de/Tus le pont; mais loin d'être intimidé, il dirigea fon are fur moi. Je le prévins d'un coup de fufil chargé à dragées. Ce coup le fit chanceler, mais ne l'empêcha point de bander de nouveau fon arc pour me tirer fa flèche. Une féconde décharge de même nature la lui fit tomber des mains, ce ceux qui étoient avec lui dans la pirogue fe hâtèrent de regagner le rivage à force de rames. Sur ces entrefaites, quelques Indiens tirèrent des flèches de l'autre côté du vaiffeau. La décharge d'un moufquct en l'air ne les intimida point -, mais un canon de quatre tiré pardeffus leurs têtes les mie cn fui ce 8c dans la plus grande confufion : la plupart quittèrent leurs pirogues pour atteindre plus promptement s=s= la cote à la nage ; ceux qui étoient dans la chambre (àu-xiitet^' tcrcnt Par les fenêtres, de une foule d'autres, qui fe trou-voient fur le pont de ailleurs, s élancèrent tous pardeffus bord. Après cet événement, nous parûmes ne plus nous occuper d'eux; nous leur laifsâmes reprendre leurs pirogues, tourner autour du vaiffeau , de ils ne tardèrent pas à s'en approcher. Auffi-tôt qu'on eut mis le feu au canon , nous entendîmes le bruit des tambours fur le rivage; c'étoit probablement un fignal pour aflembler de armer les Habitans, Nous nous préparâmes au débarquement, afin de couper du bois dont nous avions befoin, de d'obtenir dans le pays des rafraîchifîcmcns, quoique nous n euffions point vu de fruits (m les pirogues. Les Insulairfs , qui avoient monte à bord , grimpèrent » avec la plus grande ailance, par les hautbans, jufqu'au » haut des mâts. Nous n'avons jamais rencontré de Peuple p» fi intelligent ; ils comprenoient nos fignes de nos geftes, * comme s'ils les avoient vu pratiquer depuis long-tems, de » cn peu de minutes, ils nous apprirent un grand nombre * de mots de leur langue; ce qui nous convainquit encore » mieux qu'elle cft absolument différente de cette langue » générale dont on parle les dialectes divers aux Ifles de la i» Société, aux Ifles des Amis, aux Ifles Bancs, à l'Ifle de ■n Pâque de à la Nouvelle Zélande : elle neft pas difficile » à prononcer; mais elle a plus de confonnes qu'aucune de » celles dont on vient de faire mention : le fon lc plus ?» fingulicr qu'ils formaffent étoit celui de Brrr. Ainfî,par » exemple, un de nos Amis s'appelloit Mambrrùm, de un * autre Eonombrrooài. » Ils desiroient tout ce qu'ils voyoienrj mais ils ne : » murmuroient point quand on ne le leur accordoit pas; ils A7u'jnc^74" » admiroicnt beaucoup les miroirs, Se ils prenoient un ex-» tréfile plaifir à s'y regarder : ce Peuple laid nous fembloit » plus entiché de fa figure que la belle Nation de Taïti Se m des Ifles de la Société. » Ils avoient les oreilles percées, & un trou dans le Sep- » tum nanumy où ils portoient un morceau de bâton, ou n deux petits cailloux de felenite ou d'albâtre joints en- t» femble de manière qu'ils formoient un angle obtus ; des » bracelets proprement travaillés, de petites coquilles noires » & blanches ornoient la partie fupérieure de leur bras : » ces bracelets les ferroient fi fortement, qu'ils avoient fans » doute été mis dans le bas-âge j leur corps n'étoit point » tatoué. M. Hô^lges les a peints, Se on en trouve une » gravure dans ce Voyage , elle exprime très-bien le ca- n ractere de la Nation mais je regrette que, pour rcmé- » dier à un défaut de burin, il ait fallu enfreindre le u coftume , Se jeter une draperie fur l'épaule , quoique m ces Infulaires ne foient point couverts. Ils confen- p tirent tout-de-fuite à s'affeoir tandis qu'on les per- »> gnoit, Se ils fembloient avoir quelque idée de cette a> opération. » Durant l'alarme quecaufaunde leurs Compatriotes; w en décochant la flèche dont il a été queftion tout à- w l'heure, ils offrirent à nos yeux un érrange fpecfacle : j> agités par la crainte, par le defir d'appaifêr cette difpute, » ils mirent un grand mouvement dans leurs actions ; le* — » uns fautoient dans la mer pardcfïùs le platbord, & 74; » les autres sclançoient des fenêtres j & Ja plupart al- » loient 6V: venoient enfuite dans l'eau >(fns (avoir ce qu'ils » faifoient. » Vers les neuf heures, nous partîmes avec deux bateaux, &: nous defeendîmes en préfence de quatre ou cinq cens Habitans raflèmblés furie rivage. Quoique tous fuifent armes d'arcs, de flèches, de maflues & de lances, ils ne firent pas la moindre oppofition > au contraire, voyant que je m'avan-çois feul, fans armes, un rameau verd à la main, l'un d'eux j qui paroiflbit être un Chef, donna fon arc & fes flèches à un autre , fe mit dans l'eau pour venir à ma rencontte; il portoit un pareil rameau, qu'il échangea contre le mien, &£ me prenant enfuite la main, il me prefenta à fes Compatriotes. Je leur difiribuai auffi tôt des préfens, tandis que les foldats de Marine fe rangèrent en bataille fur la plage. Je fis (igné à ces Infulaires, ( car nous n'entendions pas un feul mot de leur langue) que nous avions befoin de bois, & ils Mous répondirent que nous pouvions en couper. Dans ce même tems, on amena un petit cochon, qu'on m'offrit, & je donnai au député une pièce d'étoffe, dont il parut charmé ; nous efpérions obtenir bientôt de ces Indiens d'autres proviiions ; mais nous nous trompions. Le cochon n'avoit point été apporté pour être échangé , mais probablement pour être offert, comme le fceau de la pacification. Nous n'obtînmes d'eux qu'une demi-douzaine de noix de cocos, &: une très-petite quantité d'eau fraîche. Ils ne mettoient aucune valeur aux clous ni à nos outils de fer, & même jls n'eflimoient rien de tout ce que nous avions. De tems à autre, DEBARQU KMENT A MALLICOLO EUNE DES NOUVELLES HEBRIDES autre y ils cchmgeoient une flèche pour une pièce deton%, mais ils confentoient rarement à fe départir d'un arc. Ils ne vouloient point que nous quittallïons le rivage pour entrer dans la contrée, de ils defîroient fort que nous rctournaflïo'ns au vaiffeau. « Un récif environnoit la cote à l'endroit où nous def » cendîmes, jufqu a la diftance de trente verges ; l'eau y étoit » fi balle, que nous fûmes obligés démarcher à gué vers » la grève, qui n'avoit pas plus de 15 verges de large, ô£ » motre fttuation auroit été très-critique, en cas d'attaque. » Les arcs de ces Infulaires, que nous trouvâmes fur le » rivage, étoient d'un bois brun-foncé, de plus beau que le n Mahogany ; ils* tenoient leurs traits dans un carquois cy- » lindrique de feuilles: tous ces traits étoient des rofeaux » d'environ deux pieds de long ; les plus communs avoient » une pointe d'un pied ou quinze pouces de long , d'un é bois poli , auih noir que l'ébcnc, mais très-caffant \ les » autres étoient garnis d'un morceau d'os de deux ou trois x> pouces de long : l'os étoit inféré dans une coche du » rofeau, de ferré très-proprement avec des fibres de noix » de cocos, treflées en croix, de manière qu'elles formoient » de petits compartimens rhomboïdaux d'environ ^ de « pouce en quarré , remplis alternativement de couleur » rouge, verte 6c blanche. L'os étoit épointé de barbouille » d'une fubflance réfineufe noire. » Nous sortîmes des lignes que formoient autour de » nous les Soldats de Marine, de nous nous promenâmes Tome II/. I 66 Voyage ^ : y* «parmi les Naturels, qui caufercnt avec nous, & s'aflîrent ^Juillet7* w volontiers au pied d'un arbre, afin de nous apprendre leur » langage : ils étoient furpris de l'aptitude que nous avions » à nous fouvenir des mots qu'ils prononçoient, & ils fem- » bloient réfléchir comment, avec une plume &: du papier, m il étoit pofliblc de conferver des Ions. Non - feulement *> ils mettoient du zèle à nous inftruirc, mais ils d efiroient » aufîi d'apptendre notre langue, dont ils prononçoient » fi exactement les termes, que nous admirions la vivacité » de leur pénétration £c l'étendue de leur intelligence. « Comme ils avoient les organes de la parole très-flexibles, » nous eflayâmes de leur faire prononcer les fons les plus » difficiles des langues de l'Europe, ôc ils rendirent, fans la » moindre difficulté, &: après l'avoir entendu une feule fois > » la fyllabc rafle SJuch. Nous leur apprîmes enfuite les » termes numériques anglois, 6c ils les répétèrent très-rapi- » dément fur leurs doigts : cn un mot, s'ils ne prétoient pas y> une longue attention à nos difeours, ils faififlbient & imi- » toient, dès le premier inflaut, tout ce que nous voulions » leur dire. Quand ils nous vendirent des traits empoifonnés, ils » nous avertirent de ne pas en éprouver la pointe contre » nos doigts, & ils nous aflurerent, par les figues les plus » intelligibles, qu'un trait ordinaire peut tranfpcrccr le bras » d'un homme fans le faire mourir, mais que la plus légère » égratignure de ceux-ci fufnt pour le tuer. Si, malgré ces m confcils, nous les approchions de nos doigts, ils nous î> faififlbient amicalement par le bras, afin de nous préfervev »> d'un danger imminent. * Outre les arcs & les trairs, ils avoient une maiîlie de — » bois de Cafuarina, fufpendue à leur épaule droite avec ' Tuilkt.7 » une groffe corde d'herbes : cette maflùe, très bien polie, » n'excédoit pas deux pieds & demi de longueur, & paroif- » foit deltinée aux combats de corps à corps, après que le » carquois fêroit vide. Sur le poignet gauche, ils portoient » une planche de bois proprement couverte de paille, d'en* » viron cinq pouces de diamètre, pour que le recul de la » corde de l'arc ne blefsât pas leur bras. Ils refuferent de nous » vendre cette efpèce de gand, ainfi que leurs bracelets & » leurs autres ornemens. » Nous n'observâmes aucune nouvelle plante fur les •> bords de la grève, où nos Gens coupoient des arbres \ mais » la grande forêt, qui rcmplifîbit l'intérieur du pays, étoit » attrayante pour des Naturalises. Je remarquai un fentier » qui moncoic dans le bois, pardemere des buiflbns; nous » y entrâmes, le Doéteur Sparrman ÔC moi , fans être ap- 7» perçus, & nous avançant à environ 20 verges, nous eûmes » le bonheur de trouver deux nouvelles plantes. Dès que » nous les eûmes cueillies,des Naturels qui parurent devant » nous, s'arrêtèrent en nous voyant, & nous prièrent, par » des fignes multipliés, de retourner à la grève. Nous nous » inclinâmes pour les laluer , & nous leur montrâmes les n plantes que nous venions de ramafler, en nous efforçant »> de les aflùrcr, par geftes, que nous n'étions venus ici que » pour cela. Ce prétexte fut inutile, Se comme ils perfif- •» toient à nous engaget à fortir du bois, nous y confentîmes * de peur d'exciter un nouveau trouble. Certe forêt, qu'il » nous fallut quitter fi promptement, étoit très-fombre, & i t '■ » remplie de buifTons. Cependant une ma/Tc volumineufe "jnjljZ^ » de lumière, qui venoit de l'intérieur, fembloit indiquer s» une plantation , que je n'aurois pas manqué d'examiner, » fi les Infulaires m'en avoient laifîé la liberté. Les voix des » femmes de des enfant que nous entendions de ce côté, » confirmoient notre conjecture. En général , les efpèccs •> de grands arbres que nous trouvâmes, étoient connues, » mais nous en remarquâmes, parmi les fous-bois, plufieurs p absolument nouvelles. » Plusieurs des Naturels portoient fur leur bras » un petit panache vcrdâire d'une plante odoriférante d'un * nouveau genre, que nous avons nommé Cuodia ( Forft. » nov. gen.j: quelqucsamsnouspcrnnrentdclclcurcftcr pour jç. l'examiner ; mais d'autres nous l'arrachèrent bientôt des .yp mains, 6C le jetèrent â terre, avec un air fâché, comme » ii cette plante eût été nuifiblc ou de mauvais augure. Nous jf en avons fouvent mâché la graine, qui eft très-aromatique, » fans en éprouver le muindic inconvénient, cC nous étions j5 très - convaincus qu'elle n'a rien du tout de pernicieux* y> mais je ne fais fi ce n'étoit pcynt parmi' eux un fîgne d'ini-» mitié ou de défiance , comme beaucoup d'autres pattent .» dans leur clprit pour des emblèmes de l'amitié. » De retour â la grève, nous nous trouvâmes environ-« nés de tous cotes par les Infulaires. Le C apitaine phça « alors une partie des foldats de Marine vers la mer, 6c » le refte vers les bois, afin qu'ils puffent nous défendre » par-devant & parderriere. Il faut avouer que les Naturels » n'avoient pas la moindre envie de troubler la paix : nous » caufions librement avec eux} la volubilité de leur langue ^ » aflburdiffoit nos oreilles , & le bruit qu'ils faifoient, ref ^mlktl » fembloit à celui d'une foire : leur babil fut tout-à-coup » remplacé par un filence parfait. Nous nous regardâmes » les uns les autres ; nous jetâmes des yeux effrayés autour *> de nous, & les deux ailes de notre garde fe replièrent & » fe difpoferent au combat. Les Indiens fembloient s'at- » tendre à quelque malheur ; mais, voyant que nous refiions » tranquilles, ils fe mirent à parler de nouveau, 6c en peu » de minutes, la confiance réciproque fe rétablit. Voici ce » qui donna lieu à cette alarme : l'un des Matelots ayant » prie un des Infulaires de lancer une flèche en l'air le 3> plus haut poflible, l'Indien y confentit, 6c il avoit déjà » bandé fon arc, lorfquc fes Compatriotes, craignant que » cette flèche décochée ne nous parût une infraction de » la paix , lui crièrent de s'arrêter , 6c effrayèrent tout le «> Peuple qui étoit iur la grève, en prononçant quelques »> mors, qui, à l'inftant, produisent un filcnec univcrfcl. » Les Peintres ce les Pouc* âuxofcnt eu une belle occafïon » de peindre la conflernation & la frayeur ; l'épouvanre » étoit peinte fur le vifage des Naturels -, tout annonçoit » leur inquiétude j les uns avec un ceil égaré; les autres avec » un regard fombre, ceux-ci avec une phylionomie (ïniftre7 » ceux-là avec un maintien intrépide & afliiré \ rous, dans » des attitudes différentes, faifirent leurs armes. » Dès que l'alarme eut ceflé, nos coupeurs de bois re-» prirent leurs travaux , & les Naturels admiroient leur n habileté : quelques femmes s'approchèrent alors de nos i lignes, mais elles s'en tinrent un peu éloignées : elles - » étoient d'une petite taille, & les plus laides de celles que Juillet7*" 30 lK)us av*ons vucs dans la mcr ^u ^ud: ccllcs qui étoient » d'un «âge mûr, c'eft-â-dire, probablement celles qui étoient » mariées, portoient autour de leurs reins des pièces d'étoffe, » ou plutôt de nattes , qui dcfccndoicnc prefque jufqu'aux *> genoux : d'autres n'y portoient qu'un torchon de paille fuf » pendu à un cordon, & celles qui avoient moins de onze » ans, alloient entièrement nues, ainfi que les petits gar* » çons du même âge. La tête de quelques-unes de ces * femmes étoit couverte de poudre de terre mérite, couleur » d'orange ; d'autres avoient barbouillé leur vifage & plu-» fieurs tout leur corps de cette peinture , qui, fur leur » peau brune, produifoit à nos yeux un très-mauvais effet. y» Nous n'obfervâmes point qu'elles euffenc des colifi-» chets à leurs oreilles , autour de leurs cols OU de leurs » bras j car, à ce qu'il femble, c'eft la mode fur cette Ifle, « que les hommes fe parent feuls : par-tout où cela arrive, » le fêxc eft ordinairement opprimé, méprifé, & dans une » fituation déplorable : nous les voyions en effet traîner fur •> leur dos des paquets qui contenoient leurs enfans : les » hommes ne paroiffoient avoir aucun égard pour elles, ils » ne leur permettoient pas de s'approcher de nous, & dès » que nous allions vers elles, ces pauvres femmes s'en-» fu y oient. » A midi , la plupart des Indiens de cette foule fe dif-» perferent vraifemblablement pour aller dîner. L'un des « Chefs pria le Capitaine de l'accompagner à fon habitation, » fituée dans les bois-, mais M. Cook le remercia. Nous v> nous rembarquâmes tous fans éprouver d'obftacles de la » part des Naturels qui relièrent fur la grève , jufqu a ce - à mN I "7 " *> que nous fumes à bord. M. de Bougainville ne fut pas fi Julll/c; » heureux à l'Ifle des Lépreux; les Naturels lui montrèrent » des difpofitions amicales, jufqu a ce que tout fon monde » fit embarqué ; mais alors ayant décoché une grêle de » flèches, ils en furent bien punis, car on lâcha fur eux » une volée de moufqueterie, qui tua plufieurs Indiens : » comme ces deux Ifles font à la vue l'une de l'autre, ôc » que l'expédition du Navigateur françois cil très-récente, » nos Infulaires connoiflbient probablement la puiflànce » des Européens, ôc voilà pourquoi ils agirent avec pré- » caution. » Après avoir envoyé le bois que nous avions coupé , nous nous rembarquâmes. Le jour étoit trop avancé pour retourner à terre après dîné, & les Gens de 1 équipage furent employés auxdiverfes réparations néceflaires dans les manœuvres j mais,apperce-vant un Indien du rivage qui portoit une bouée qu'il avoit prife, dans la nuit, d'un ancre de jet, je defeendis fur la côte pour la reprendre. Au moment que je débarquai, elle fut rendue par l'homme même, qui fe retira fans prononcer une parole. Je dois obferver que cette bouée fut l'unique chofe que ces Infulaires cherchèrent à nous enlever. Comme nous étions defeendus près de quelques maifons 8c plantations, précifément à l'entrée du bois, j'engageai un Infulaire à nous y conduire ; mais il ne voulut jamais permettre à perfonne qu'à M. Forfler de me fuivre : ces cabanes font affez femblables à celles que nous avions vues dans les autres -t—1---=t Ifles ; elles font un peu baffes, 6c couvertes de feuilles de toUtefô' tatanier : quelques-unes étoient fermées tout autour , avec des planches, 6c une ouverture quarrée, qui fervoit de porte, étoit la feule entrée: cette efpèce de porte etoit clofe alors, 6c l'onrefufade nous l'ouvrir: cn cet endroit, il n'y avoit gueres que fix huttes, 6c quelques petites plantations de racines, &'c. entourées d'une haie de rofeaux, comme aux Ifles des Amis. On y voyoir encore des cocotiers, des arbres à pain, des bananiers; mais ces arbres, en petit nombre, étoient chargés de peu de fruits. Nous apperçûmes une provifion allez considérable de belles ignames qu'on avoit miles en tas fur des branchages, ou fur une efpèce de plate-forme, une vingtaine de cochons 6c des poules qui rodoienr autour de ces habitations. Ayant tout obfervé, nous rentrâmes dans la chaloupe ^ &: nous rangeâmes le rivage jufqu'à la pointe Sud-EÛ1 du havre, où nous defeendîmes pour aller à pied le long de la plage, ôc nous ne tardâmes pas à découvrir les Ifles qui font au S. E., 6c dont nous avons fait mention. Nous apprîmes alors les noms de ces Ifles 6c de celle où nous étions, qu'ils appellent Mallicollo(^). Celle qui eft au-deffus de la pointe méridionale d'Ambrym reçoit le nom d'Apec; & l'autre, fur laquelle s'élève un pic, eft appellée Apoom. Nous trouvâmes fur la plage un fruit rcflémblant à une orange , que les Infur laires nomment Abbi-mora; mais, comme il étoit pourri ■ je ne dirai pas s'il eft bon à manger. {a) Ow^Mallicolla. Quelques-uns de nos gens prononçoient Manicolo* ou Manicola , & c eft ainfi qu'elle cft écrite clans les Mémoires de Quiros, que M. Dalryraple a fait imprimer. Voyez le Vol. II, pag. 146; « Le nom « Le nom que les Infulaires donnoient à ce fruit, — ■ ~ étoit celui que lui donne Quiros ; nouvelle preuve que * Jujiict. ' les deferiptions des terres qu'il a découvertes font exactes. Nous avions trouvé des pimplemoufès aux Ifles des Amis j mais jamais aucune orange n avoit frappé nos regards furies Ifles de la Mer Pacifique. Delà on peut croire ce que dit Quiros des productions naturelles de Mallicolo. » Durant la nuit, plufieurs des Matelots eflTayerent de pêcher , & quelques-uns furent afièz heureux. L'un prit un goulu de neuf pieds de long, qui nous fut d'autant plus agréable que toutes nos provifions fraîches étoient confommées, excepté un petit nombre d'ignames que nous mangions en place de bifeuit: un autre prit un poiffon fuceur indien ( Eeheneis naucrates ) de près de deux pieds de longueur : un troifieme, deux grands poiflbns rouges , de l'efpèce des brèmes de mer, ( probablement le Sparus Erythrinus. Linn. ). Le goulu neft pas crop bon i mais il eft, dans rous les temps, préférable aux provifions falées , ce la néceffité nous le fit trouver d'un excellent goût : c'eft ce maître févere qui donne au Groën-landois l'amour de l'huile de baleine , & au Hotten-tot, celui des inteftins les plus dégoûtans. Ouvrant ce poiffon, on vit une flèche empoifonnéc dans fa tête:1a bleffure étoit fi parfaitement guérie, qu'il n'en paroiffoit pas la plus petite trace à l'extérieur : un morceau de bois tenoit encore à la pointe offeufe , ainfi que quelques-unes des filafïès avec lefquels on l'avoit attaché ; mais le boiî & les filaffcs étoient fi pourris , qu'ils tombèrent en poufliere dès qu'on les toucha. Ces flèches, que nous Tome IIL K . ', .!"'■ .j; » fuppofons empoifonnécs, n'affectent donc pas les Ann. 1774.. -/r ... Juillet * poiflons.» Nous longeâmes enfuite l'autre côté du havre , où nous defccndîmcs à terre près de quelques maifons, à l'invitation des habitans qui étoient venus fur le rivage -, mais nous n'y fûmes pas cinq minutes, qu'ils délirèrent de nous voir partir. Nous eûmes cette complaifance, Se nous continuâmes de prolonger le rivage , pour prendre les fondes Se chercher quelque fource ; car , jufqu a ce moment, nous n'avions vu d'autre eau douce que celle que les Indiens avoient bien voulu nous apporter ; Se nous ne favions point où ils alioient la puifer. A cet égard, nos recherches furent fans fuccès ; mais cela ne prouve point qu'on ne puifle y en découvrir. Le jour , déjà trop avancé , ne nous permit pas d'examiner allez la place pour déterminer ce point. Comme nous retournions à bord , nous entendîmes le fon d'un tambour ; &, je crois, de quelques autres inftrumens j Se nous vîmes danfer les Infulaires> mai:;, dès qu'ils entendirent le bruit des rames, ou qu'ils nous apperçurent , ils relièrent tranquilles. « Cette musique , ainfi que celle de la nuit précédente, » n'étoit pas remarquable par l'harmonie ou la variété des' 1» fons j mais elle fembloit plus animée Se plus gaie que celle © des Ifles des Amis. » Mon Pere me dit, à fon retour , qu'il avoit trouvé h m-fond du havre rempli de mangliers, que probablement » une rivière couloir à travers ces arbres dans la mer; mais y qu'on eûaycroit cnvain de s'ouvrir un paffage, à travers » leurs branches ferrées , qui fe reproduifent par chaque ju^7** » extrémité, fans former un arbre féparé. » Pendant cette excurfîon , aucun Infulaire ne parut » fur la côte méridionale où nous avions débarqué le matin •> » mais nous entendîmes dans les bois le grognement des » cochons, nous cn conclûmes que les Naturels polîé- » dent un grand nombre de ces animaux. Après le départ » du Capitaine Cook, plufieurs Naturels vinrent faire des « échanges au côté de la Réfolution , fur des pirogues qui » navoient pas plus de vingt pieds de longueur, allez » mal travaillées , &: fins ornement , mais garnies d'un » balancier. » Une vieille femme nous vendit deux morceaux demi- » tranfparens de felcnite , taillés en forme conique , 5C 73 joints cnfcmbleaux deux extrémités poinrucs. Le diamètre » de la baie étoit d'environ un pouce, &c la longueur de » chaque morceau de trois quarts d'un pouce. Elle les déta- » cha du cartilage de fon nez , qui avoit un trou fort large ! » ce qui étoit barbouillé d'une peinture noire. » Le 13 , à fept heures du matin, je fis lever l'ancre pour profiter du clair de lune c£, à l'aide d'une légère brife, nous nous fîmes remorquer par un bâtiment à rames, pour fortir du port , dont à midi la pointe méridionale nous reftoit à l'O. S. O. à la diftance d'environ deux milles. Les Indiens , nous voyant fous voile , arrivèrent dans K z ; leurs pirogues. Les échanges fe rirent avec plus de confiance A Juillet774' c]u'auParavant, ô£ ils nous donnèrent des preuves fi extraordinaires de leur loyauté, que nous en fûmes furpris. Comme le vaiffeau marcha d'abord fort .vite, nous laifsâmes en arrière plufieurs de leurs canots qui avoient reçu nos mar-chandifes , fans avoir eu le tems de donner les leurs en échange. Au - lieu de profirer de cette occafion pour fe les approprier , comme auroient fait nos Amis des Ifles de la Société , ils employèrent tous leurs efforts pour nous at* teindre & nous remettre ce dont ils avoient reçu le prix. Un des Indiens nous fuivit pendant un tems confidé-rablej &, le calme furvenant, il parvint à nous joindre. Dès qu'il fut au vaiffeau , il montra ce qu'il avoit vendu ; plufieurs perfonnes voulurent le lui payer, mais il refufa de s'en défaire, jufqu'à ce qu'il apperçût celui qui le lui avoit déjà acheté, & il le lui remit. La perfonne, ne le reconnoiffant pas, lui en offritde nouveau la valeur ; mais cet honnête Indien ne voulut point l'accepter, & lui fit voir ce qu'il avoit reçu en échange. Les pièces d étoffes & le papier marbré furent fort recherchés de ces Infulaires, qui ne met-toient aucun prix à nos clousà nos outils de fer, à nos grains de raffade. Les pirogues ne furent jamais plus de huit en-femble devant le vaiffeau , & il n'y avoit pas plus de quatre ou cinq Indiens dans chacune j ce qui prouve qu'ils ne font pas habiles pécheurs. Il arrivoit quelquefois qu'ils fe retiroient fubitement au rivage , fins avoir fait la moitié des échanges qu'ils paroiffoient s'être propofés > & d'autres venoient en-fuite les remplacer. Comme nous fortions du havre à la marée baflè, un grand nombre d'Habitans croient alors fur les récifs qui bordent 1 "' l'Ifle , pour y amafler des coquillages. Notre féjour fur leur A7u"uic774' côte ne les empêcha point de fuivre leurs occupations ordinaires. Sans doute que , ne leur caufant aucune inquiétude , fi nous euflions fait un plus long féjour, nous aurions été dans une plus étroite amitié avec eux. On pour-roit prelque les regarder comme une efpèce de linges^ car ils fonr très-hideux Se très-mal proportionnés-, &, à tous égards, ils différent beaucoup des Nations que nous avons vifitées dans cette mer ( a ). Ces hommes , d'une très - petite race, font d'une couleur bronzée \ ils ont la tête longue , le vifage plat , Se la mine des finges. Leurs cheveux , généralement noirs ou bruns, font courts & crépus , mais fans être auffi doux Se auffi laineux que ceux d'un Nègre d'Afrique. Leur barbe eft forte, touffue , ce ot- qui exifte chez les Indiens de 1 Ifthme «le Daricn. 78 Voyage ! çeaii de nattes, ou d'une feuille dont ils fe fervent comme Juillet. r b { ' Nous vîmes peu de femmes, & elles n étoient pas moins hideufes que les hommes. Elles fe peignent la tète, le vifige &z les épaules de rouge. Elles portent une efpèce de jupe. Quelques-unes avoient, fur le dos, une forte d'écharpe, où elles placent leurs enfans. Il n'en vint aucune à bord , & quand nous étions à terre, elles fe tinrent toujours à une certaine diftance. Leurs parures font des pendans d'oreilles, d'écaillé de tortue, &: des bracelets. Un de ces bracelets nous a patu très-curieux : fa largeur étoit de quatre à cinq pouces i il étoit fait avec de la treiîc ou de la ficelle, & garni d'écaillé, & il fe mettoit précifément au-deflus du coude. Au poignet droit ils ont un cercle de dents de cochons , de de grands anneaux d'écaillé; &r on a drjà indiqué lufagcd'uuû plaque de bois arrondie qu'ils portent autour du poignet gauche. Ils font encore dans l'ufage de fe percer la cloifon du nez, pour la décorer d'une pierre blanche courbe d'environ un pouce de demi de longueur. En signe d'amitié , ils préfentent un rameau verd , de jettent, avec la main , un peu d'eau fur la rête. Leurs armes font la maffue, la lance, l'arc & la flèche. (a) On a déjà donné quelques-uns des détails qu'on va lire; mais, après avoir rapporté les Obfèrvations particulières, on a coutume, dans cet Ouvrage , d'en préfenter le résultat d la fin des Chapitres fur chaque Ifle. Les deux premières font de bois de fer : leurs arcs,d'environ -—.....- - quatre pieds de longueur, font un bâton fendu vers le mi- ^^j^74" lieu ; ce bâton n cft point courbé cn demi-cercle, mais de cette manière f^"***-^ Ils ont, pour flèches, des rofeaux armés dune pointe longue & aigue, d'un bois très dur, & quelquefois d'un os. Ces pointes font toutes couvertes d'une fubftancc que nous prîmes pour du poifon. On a déjà dit que ces Indien? confirmèrent encore nos foupçons, en nous faifmt ligne de ne pas toucher la pointe, en nous avertifîant que la pi-quure feule nous donneroit la mort. Us font eux-mêmes très-attentifs à s'en préferver, & ils les portent toujours enveloppés dans un carquois. Quelques unes des flèches ont deux ou trois pointes , chacune dclquelles cil garnie fur les arêtes de petites puh.ics biul/«lé©c, pour empêcher de les retirer de la plaie. Après avoir remis en mer, nous voulûmes cfîaycr, fur un chien, l'effet d'une des flèches empoifonnées. Dès le premier jour de notre arrivée dans ce port, nous avions déjà fût cette épreuve -, mais, comme elle ne produifît rien de funefte, nous imaginâmes que l'opération avoit été ttop légère. Le Chirurgien fit donc une profonde incifion dans la cuiffed'un chien, où il inféra une grande partie du poifon qui couvroit les flèches, Se banda enfuite la plaie. Pendant quelques jours, nous crûmes que le chien n'étoit pas aufli-bien qu'auparavant, & je n'aflurerai même pas ficela étoit en effet, ou fï nousnous faifions illufion \ mais l'animal fe trouva bientôt dans le même état que s'il ne lui étoit rien arrivé, Se il eft revenu., .', plein de vie, en Angleterre. Je ne puis guères douter cepen-lilkt74' ^ant ^UC ^a mal*crc» ^ans laquelle ces Indiens trempent leurs flèches, ne foit d'une efpèce venitneufe , puifqu'ils ne fe propofent point d'autre objet. Mais ils paroiflent peu connoître la nature du poifon; car, lorfqu ils nous apportèrent de l'eau fur le rivage, ils cn buvoient d'abord , pour nous faire comprendre que nous pouvions la boire avec fureté. Les Habitans de Mallicollo paroiflent être une Nation abfolument différente de toutes celles que nous avons vues jufqu a préfent. D'environ quatre-vingt mots de leur langue, que M. Forftcr a raffemblés, à peine s'en trouvc-t-il un qui ait quelque affinité avec les langues des autres Ifles où nous avons^ relâché. Us emploient la lettre R dans beaucoup de leurs mots, &£ frcquemrnpnr il cVjn rcuiuuttc dcuA ou uois enfemble, ce qui en rend la prononciation très-difficile. On a déjà obfervé qu'ils prononçoient, fans aucune peine, la plupart des termes Anglois : ils expriment leur admiration par un fîfflement, allez femblable à celui d'une oie. Je coms que leurs fruits ne font pas fi bons que ceux des Ifles des Amis ou des Ifles de la Société. J'en fuis du moins allure à l'égard des cocos : & leurs arbres à pain & leurs bananiers ne paroiflent pas valoir mieux i mais les igna-» mes femblent y être excellentes. u Mallicolo a environ vingt lieues de long du Nord j> au Sud: fes montagnes intérieures font rrès-élevées, cou-» vertes de forets, & contiennent, fans doute, de belles » fources 13 v Capitaine Cook. Si fourecs d'eau douce, quoique nous n'ayons pas pu les » découvrir entre les arbres. Le fol, autant que nous l'avons n^ukJ^' » examiné, cft riche & fertile, comme celui des plaines des » Iilcs de la Société i & le voifinage du volcan d'Ambrym , » nous donne lieu de fuppofer qu'elle cn a un aufll. Ses » produétions végétales femblcnt être abondantes & fort » variées, & les plantes utiles ne font pas moins nombreufes » qu'aux Hles que nous venions de vifiter. Peut-être qu'elles » y font moins bonnes, comme le croit M. Cook. » Les cochons & les volailles font leurs animaux domef » tiques ; nous y avons ajouté des chiens, en leur donnant un »> mâle or une femelle, qu'ils reçurent avec un extrême » plaifir. Je fuis perfuadé qu'ils cn prendront un grand » foin ) mais, parce qu'ils les appelîoient broas, ( ce qui » u^nirio cochon) noue CVbimm convaincus qu'ils étoient » abfolument nouveaux pour eux. Nous n'y avons point n trouvé d'autre quadrupède durant notre petite relâche, •» & il n'eft pas probable que, dans une Ifle ii éloignée des •> Continens, il y ait des quadrupèdes fauvages : à la vérité , » un feul jour employé fur une grève ftérile, ne fufflt pas » pour fe former une idée complète des animaux &£ des r> végétaux d'un pays ; mais nous avons eu occafion de » remarquer que les bois font habités par plufieurs efpèccs » d'oifeaux, parmi lefquels il y en a, fans doute, d'inconnus » aux Naturaliftes, « A juger du nombre des Habitans, par la foule que nous * apperçûmes au port où nous mouillâmes, on croiroit qu'il f eft coniidérable j mais, vu la grande étendue de l'Ifle, je ne Tome ilL L » puis pas la fuppofer très-peuplée. Il n'y a pas, je pente", TuiJJet7^' * cnicîuantc nulle Infulaires-, &r ils ne font point difperfés , » comme à Taïti , aux bords des collines, mais ils font « répandus fur plus de fix cens mille quarrées. Le pays * fcmble être une forêt étendue > ils ont feulement corn- » mencé à ouvrir & à planter quelques petits cantons perdus y> dans le vafte efpace, comme de petites Ifles dans la mer » Pacifique. Peut-être que fi Ton venoit à bout de péné-- » trer l'Hiftoire de cette race , on trouveroit qu'elle cft » arrivée, fur cette Terre,beaucoup plus tard que les Natu- » rels des Ifles de la Société & des Amis : il eft fur du moins » quelle paroît très-différente, comme on a déjà eu occa- » fion de le remarquer. *> Les Naturels de quelques parties de laNouvelle-=» Guinée & de laTerrf rl^ç Papous, fcmblcin corrcfpon-» dre, en plufieurs points, avec les Mallicolois. Le teint » noir & les cheveux laineux , caractérifent particulière-» ment les deux Nations. En admettant l'influence du cli-» mat, fi bien défendue par M. de Buffon, c'eft une nou-n velîe preuve que Mallicolo a été peuplé depuis peu, puif » que l'intervalle de tems qui s'eft écoulé, n'a pas fuffi pour » changer la couleur &c les cheveux des Habitans ; mais je w fuis loin de croire à l'influence générale des climats, & » fi j'ai hafardée cette conjecture , je fuis prêt à changer *> d'opinion, dès qu'on en imaginera une plus raifonnable. » La Nouvelle-Guinée & les Ifles voifines, font les feuls » pays d'où nous puifTions attendre des lumières fur ce » fujet, & nous n'en connoiffons encore ni la pofition géo-» graphique, ni les Habitans. D'après les Voyageurs, qui ont r> u Capitaine Cook. g 3 3> reconnu cette partie du Monde (à), il paroît que plufieurs * Tribus diftinctes habitent fes différens cantons. Il but » remarquer qu'outre la race noire, il y a des Naturels » d'un teint plus clair , qui fe rapprochent de ceux des *> Ifles de la Société 6c des Ifles des Amis. Peut-être y trou- » veroit-on d'autres Tribus, qui, fuivant toute appa- » rence, font un mélange des deux races. Je crois que » les formes grêles des Mailicolois font particulières à » eux 6c aux Habitans de la Nouvelle-Hollande, avec » lefquels cependant ils ne femblent pas avoir d'autres » rapports. » Le climat de Mallicolo 6c des Ifles des environs, eft » très-chaud. Peut-être qu'il y a des tems où il eft moins » tempéré qu a Taïti, parce que l'Ifle eft infiniment plus » étendue. Nous n'y dïuiu pas éprouvé de chaleur extraor- » dinaire. Le thermomètre de Fahrenheit étoit à y6A 6c « ySl\ ceft-à dire à un point très-modéré pour la zone tor- » ride. Le vêtement, dans uçe pareille conrrée , eft un » objet de luxe, 6c on ne peut pas le mettre au rang des » premiers befoins. Sous leurs bocages touffus, ils ne fen- » tent pas les rayons brûîans du Soleil, Se ils ne connoif- » fent point la rigueur du froid. Les arbriflèaux 6c les ronces » les obligent cependant à quelques précautions, 6c les » impuliions de la Nature, pour la propagation de l'ef » pèce, leur ont fuggéré les moyens les plus fîmples de » conferver leurs organes, 6c de les empêcher d'être («) Dampierre > Carteret, m. de Bougainvillc 84 Voyage » déchues (a). Nous fommer» trop portés à regarder comme » innés les principes que L'éducation infpire à notre efprit, » Sr nous prenons fouvent un fentiment moral pour un » inltind ph y fi que. En étudiant les Peuples barbares, 011 » voie que la modeitic & la chaiteté font des idées locales, » inconnues dans l'état de nature , & modifiées fuivant les » divers degrés de dviiilation. Les Mallicolois, par exem-» pic, ne peuvent pas avoir renoncé à des idées naturelles, d> en inventant un ufâgc qui ne paroît propre qu'à exciter » leurs defirs, .le ne fris point file peu de vètemens que met-» tendeurs femmes, provient d'un fentiment de pudeur on » de l'envie de plaire. » Ils paroissent fe nourrir principalement de ypgp » taux , tk ils s'appliquent à l'agriculture : de tems en tems » ils fe régalent de porc de de volaille ; tV, quoique nous » n'avions pas eu occafion d'obierver beaucoup d'uiteniilcs » de pèche, puifquils ont des pirogues, on peut fuppofcr » que l'Océan fournit auffi à leur fubfîltance. Comme leur » Ifle cft entièrement couverte de forets, il leur faut un » grand travail, pour cultiver une quantité de terre fufTi-w faute à leur entretien. Nous avons jugé la contrée ferai tile j mais les végétaux fauvages qui croiuent fpontané-» ment, de toutes parts, detruifent les bourgeons plus foi-3> bles de ceux qu'on plante. Peut être expliquera-t - on » par-là l'ûfâgé de rappetiffer de d'amincir leurs meui-» bres avec des cordes, des bracelets, &c. Ces inven- ta) ils mettent pour cela une efpèce de teinture qui ne cache riens nuis qui ptéferve les parties naturelles. » tions monïrrueûfes, fcmblcnt avoir été établies par la t^ljl______; *> nécefïitc,& on les aura regardé., dans la fuite, comme Ann- ;"74- . , , Juillet» » des traits de beauté. « L'abaissement & le creux de leurs forêts, dont on a » déjà dit un mot, peuvent être artificiels auffi ; car on frit que » les Peuples ont la manie de comprimer la tête des enfans *> pour lui donner différentes formes. Plufieurs Nations du =» continent de l'Amérique fe déforment la tète, pour ref » fembler au Soleil, à la I aine , ou à quelqu autre objet (a). » Le front des Mallicolois n'eft pas cxceflivcmcnt difforme, *> & n'augmente pas beaucoup la laideur du refte de leurs » traits.. » L'Agriculture employant la plus grande partie de » lcui 0.1^3, Ha ii'oiitr poWit d,.* ir.Wn- pour fabriquer des vête-an mens, dont ils n'ont pas un befoin ablolu. Le repos &: » l'indolence forment le bien furprerne des petites Sociéccs, 7* qui ne font pas civililées ; &: la neceflité feule les force à *> devenir induftricufes. Nous avons remarqué quclcsMalli- eolois donnent bien des momens à la mulique & à la » danfe. Leurs inftrumens font très-fimplesj nous n'avons » entendu que des tambours : les tambours, les fifflets bc » les flûtes font très - aifés à inventer. Les événemens or-» dinaircs de la vie domcfliquc , font fi paifibîes &z fi » réguliers, que la Nature humaine paroît avoir befoin de p quelque mouvement étranger qni l'anime. Pour adoucir (s) Voyc^y fur cette matière, I'Efprit des Ufages &: des Coutumes-des dufércns Peuples, L VIII, de la Beauté & dç laVamn. ■ "■■ » les travaux de la journée, les hommes barbares fe livrent NJuuleu74' w quelquefois à des mouvemens de corps extravagans ; ils » tirent des Ions de différentes fubftances, &c ils portent » les organes de la parole au-delà de, leur échelle ordi-ft> naire. » Les tambours des Mallicolois, qui leur fervent de m pafle-tems, leur fervent aufîi de tocfin dans les alarmes. » Nous avons lieu de croire qu'ils ont des querelles fré-» quentes avec les Infulaires des environs j & il eft probable » que, vivant difperfés, en petites familles, fur une grande » Ifle,ils ont fouvent des difputes entreux. Excepté ceux . » qui entrèrent dans la chambre du Capitaine, nous ne les jo avons jamais vu fins armes, & ils paroiflent avoir mis plus » d'arc & d'adrefïc à les fabriquer, qu'à aucun autre de leurs » ouvrages.. » Les traits, que nous jugeâmes empoifonnés, étoient » ornés avec foin. La petiteffede leur ftature & la minceur » de leurs membres, femblent avoir befoin d'arrifîce pour » fuppléer à la force -y & fi réellement leurs traits font em-» poifonnés, ce qui eft douteux, d'après les deux expérien-» ces que nous fîmes, il ne faut pas chercher d'autre ori-» gine à cet ufage. Les Infulaires de Santa-Cruz (a), qui m tuèrent quelques hommes de l'équipage du Capitaine » Carteret, reflcmblent beaucoup aux Mallicolois, & le » Navigateur Efpagnol, qui les découvrit le premier, les (a) « De rifle d'Egmont, du Capitaine Carteret. Foyq la Collection •» d'Hawknvorth. » • accufê aulTi d'empoifonncr leurs traits (a) : Quiros trouva ggfjgggg » également des traits empoifonnés chez les Naturels de la ^74, » baie de Saint-Philippe & Saint-Jago (b). » Les Mallicolois étant toujours fur leurs gardes, ils » ont vraifemblablement des Chefs pour les mener au corn-» bat, & ils leur obéilfent dans le moment de l'action, » comme les Habitans de la Nouvelle-Zélande Ilsnemon-» croient aucun reiped au feul homme que nous prîmes n pour un Chef, Se nous ne jugeâmes de fon autorité, que • parce qu'ils nous procura un peu d'eau douce. On n'ob-» ferve pas trop bien un Peuple à la première entrevue : auflî » on ne doit pas s'attendre à trouver ici des réfultats fur cette i » matière. Leur Religion & les coutumes particulières de » leur vie domelf ique, ne nous font pas moins inconnues, & » nuus iiv. faronc rien nrm plus de leurs maladies : nous » n'avons apperçu aucun malade j cependant M. de Bou- » gamvillcdit que les Naturels d'une Ifle voiiinc font telle- » ment fujets à la lépre, qu'il l'anommé,pour cela,l'Ifle des » Lépreux. » Les Mallicolois nous parurent quelquefois délîans j « &r, en effet, difperfés en petites Tribus, qui ont des caufes » fréquentes de difputcs, il n'eft pas étonnant qu'ils foient ( a ) « Ces traits étoient d'une longueur remarquable , car ils avoient » fix pieds cinq pouces, & leurs traits quatre pieds quatre pouces. *» (b) Je ne puis m'empêcher d'obferver ici, que ces raifonemens de M- For-fter ne '/ont pas tiès-juftes ; car on trouve ces traits empoifonnés chez les Peuples robufteS) ainfi qwe chez les Peuples foiblcs, comme on peur Je voir dans l'E/prit des Ufagts des dijferetis Peuples i Liv. VI, de Li Guerre. rqrvrt'w ■>'.' titra » d'un pareil caractère. Leur conduite d'ailleurs n'annoti- Jtfatet?^ w ^ aucun défît de nous intenter une querelle j $ ils » témoignèrent du mécontentement à ceux qui entrepre- » noient de rompre la paix. On a déjà parlé des cérémonies « qu ils obfervcnt cn ligne d'amitié : j'ajouterai que l'ufage » de verfer de l'eau fur leurs têtes, confirme la reffemblance » que je leur attribue avec le Peuple de la Nouvelle-Guinée. » Dampierrc oblérva la même coutume à Pulo-Sabuda, fut n la côte occidentale de la Nouvelle-Guinée (a). » Enfin, comme ils nous ont donné de grandes preuves » d'intelligence cv de pénétration, leur entendement cft » fuiccptible de beaucoup de progrès ; ils n'ont befoin que » d'un individu ambitieux pour les çivilifer davantage. » Le havre,fitué fin-le côtcN.E. de Mallicolo, h très-peu de diftance de la pointe du S. Eft, par les i6d tj' 2.0" de latitude Sud, & 1 6j* 57' 2 3" de longitude à l'Eft, reçut le nom de port Sandwich. 11 a environ une lieue de profondeur au S. O. \ S., & fa largeur cft d'un tiers de lieue. En-dehors, il part de chaque pointe un récif de peu d'étendue i mais le canal eft d'une bonne largeur, & l'on y trouve depuis quarante jufqu a vingt-quatre braffes d'eau. Dans le porc, la profondeur de l'eau cft depuis vingt jufqu'à quatre bra/IcS} & il eft fi bien abrité, qu'un vaiffeau à l'ancre ne peut jamais y être incommodé des vents. Il offre un autre avantage ; on peut mouiller allez près de la grève pour y protéger les Travailleurs. :.iu; ;-k > ,:i •>• ; i-—- '"'i "'i-'—I iaj les Voyages de Dampierrc > Vol. ilf. CHAPITRE IV, i;PouT Sandwich f MaJ,LH OLLO Pl 44 Havre de Baladé DANS la N Lf ( aledonie <ïù Au^—~-^+v^ o + ♦ ♦ ♦+*+ ;\ &^— ■ ' ■ : ; 4 JM> l"Observatoire ^ ^ï"* ♦ : + + * Si ^i^PORT Rk solution ZL^iVS iJISLE DE Tanna ffenard />t/av 89 m* CHAPITRE IV. Découverte de plufieurs Ifles ; Entrevue & Efcar-mouche avec les Habitans. Arrivée du Vaiffeau à Tanna; Réception que nous font les Infulaires. Aussi-tôt que nous eûmes remis en mer, nous eûmes ■■ i « une brife de TE. S. E. qui nous permit de gouverner fur Ann. 1774-Ambrym jufqu a trois heures de l'après-midi, que le vent *3 U1 6 ' ayant parte à l'E. N. E., nous revirâmes de bord: nous fîmes voile au S. E,, & doublâmes la pointe S. E. de Mallicolo, à la hauteur de laquelle nous découvrîmes trois ou quatre Ifles, qui s'étoient d'abord montrées comme une feule Terre. A midi, leur pointe nous reftoit au Sud 77e1 Oucft, à la dif-tance de trois lieues., & la côte paroiffoit de-là courir à l'Oueft. Dans ce moment, l'Ifle d'Ambrym setendoit du N. j* E. au N. oV E., l'Ifle Paoom du N. j6A E. au S. 88e! E., & l'Ifle d'Apec du S. 83d E. au S. 43dE. Nous gouvernâmes fur cette dernière j &, à minuit, nous en étions très-près j ce qui nous obligea démettre cn panne jufqu au point du jour. « Ambrym, qui contient le volcan, paroît avoir plus » de vingt lieues de tour. Paoom, le pic élevé qui eft au » Sud, eft peu étendu j mais nous ne découvrîmes point fi Tome III, M — » la Terre, que nous vîmes auparavant à fon Oueft, Lui cft ^sillet.74' " iomt0 '• en fcppo&ht que ces deux parties ne forment * qu'une feule Ifle, la circonférence n cft pas de plus de cinq » lieues. La quantité de tourbillons de fumée, qui s elevoient » des différentes Ifles, nous donnèrent lieu de croire que les » Naturels apprêtent leurs alimens au-deffus de terre, en » plein air. Aux Ifles de 1# Société & des Amis, où les Habi-» tans cuifent leurs mets fous terre, avec des pierres chaudes, » nous appercevions rarement du feu ou de la fumée. » M» Le 24, nous fîmes voile au Sud-Eft, dans le deffein de ferrer le vent à l'Eft, en prolongeant la côte méridionale d'Apec. Au lever du Soleil , nous découvrîmes plufieurs autres Ifles, qui s'étendoient du S. E. de la pointe d'Apec Sud, jufquau Sud-Eft *- Sud. Nous nous approchâmes de la plus voifinefur les dix heures, &, ne pouvant point paffer au vent de cette Ifle, nous virâmes de bord à un mille du rivage, par quatorze braffes d'eau. Cette Ifle, d'environ quatre lieues de tour, eft remarquable par trois collinesy qui forment trois pîcsj circonftancc qui lui a fait donner ce nom. Un récif très-étendu fort de la pointe méridionale de l'Ifle. « Elle cft fort boilée & probablement bien peuplée ■> car » nous vîmes, fur la côte, plufieurs des Naturels qui ref-■ fembloient à ceux de Mallicolo, & qui étoient, comme » eux, armés d'ates & de traits. * Dans l'après-midi, le vent ayant paffé au Nord,nous reprîmes notre roure à l'Eft j ayant doublé trois collines, nous portâmes fur un grouppe de petites Ifles, qui font au S. E. de la pointe d'Apée. Je les nommai les Mes Shepkcrd, en l'honneur de mon digne Ami, le Docfour Shepherd, Pro- g reiTeur cTAftronomie à Cambridge. La brife étoit favorable, ^frffi* &je mepropofai de-paffer entre ces petites Ifles i mais les paf-fages fe trouvant étroits, & voyant la mer brifer dans le canal fur lequel nous nous avancions, j'abandonnai ce def-fein, & nous arrivâmes pour marcher en-dehors ou au Sud de ces Ifles. Le calme, qui furvint, nous fit demeurer à la merci du courant, tout près des Ifles, où une ligne de cent quatre-vingt braffes ne donnoit point de fond. Nous avions alors, dans toutes les directions, la terre ou les Ifles, qui nous environnoient, fans que nous pulTïons en connoître le nombre. Le pic de Paoom, qu'on appercevoit pardeffus la pointe orienrale d'Apce, nous reftoit au N. N. O. Vers les huit heures, une brife, qui s'éleva du S. E., diffipa les inquiétudes que le calme avoit occafîonnéesi & nous reliâmes la nuit fur les bords. On a dit que, la veille de notre départ du port Sandwich» on prit,à la ligne, deux poiflbns rougeârres, de la taille des groffes brèmes, & d'une forme à-peu-près femblable. La pluparr des Officiers & des Bas-Officiers dînèrent, le lendemain , de ces deux poiflbns. La même nuit, tous ceux qui en avoient mangé, fe fentirent de violentes douleurs à la tête & aux os, fuivies dune chaleur brûlante fur toute la peau ,& d'une efpèce d'infenfîbilité dans les jointures. On ne douta point que cet accident ne fut occafionné par le poif fon , fans dourc d'une efpèce venimeufe j il avoit communiqué la même indifpofition à tous ceux qui en avoient goûté , & même aux cochons & aux chiens, dont il mourut un de chaque efpèce dans l'intervalle de feize Mi sas heures; & ilfe paffa huit ou dix jours, avant que les hommes 7J*' puflent recouvrer la fanté. « Un joli perroquet des Ifles de la Société, qui fe pla-» çoit familièrement fur l'épaule de fon Maître, ayant » avalé un très-petit morceau de ce poiffon , mourut le « lendemain. Hcureufement notre Chirurgien avoit dîné ce »> jour-là avec le Capitaine , & il échappa ainfi au fort de » fes Commenfaux. » Ces poissons font probablement de lefpèce de ceux que Quiros (a) décrit fous le nom de Pargos (b)y qui mirent fur les quadres, pour long-tems, la plus grande partie des Gens de Ton équipage. Nous nous ferions trouvés dans le cas du Navigateur Efpagnol, fi plus de monde en avoit mangé, « La plupart des Ifles, qui nous entouroient, étoient » habitées j nous en fûmes du moins affurés le foir, en voyant » des feux , même fur celles que nous avions jugées défertes » pendant le jour. Après le coucher du Soleil, nous fumes » cn calme, pendant plufieurs heures, au milieu de ces » terres. Lobfcurité de la nuit, & les rochers brifés qui nous » ferroient de cous cotés, rendirent notre pofition très-» critique. Le Navigateur, qui veut reconnoître de nou-» vcllcs Ifles, & déaire exactement leur pofition, cft fou- (a ) Cela eft J'artart plus vraifemblable que la Brème de mer s'appelle pagrus cn Efpagnol. (b) Voyti la Coilcaion des Voyages publiés par M, Dalrymplei )ag. 140, 141, Vol. I » vent en danger de perdre fon vauTeau. Il lui eft impoflîble _j__^ • de fe former une jufte idée de la côte, fans en approcher ^uJ»77^ » de très-près ; mais alors il sexpofe nécclfairement aux » dangers d'une tempête fubite, d'un rocher couvert, ou » d'un courant rapide,qui fiiffifcnt pour détruire, en quel-. » ques momens, toutes fes efpéranccs. La prudence & la » précaurion fonr toujours indifpenfables dans chaque » grande entreprife ; mais dans un Voyage de découvertes, n comme dans toutes les autres expéditions importantes, » un certain degré de témérité & de confiance en la fortune, » font des moyens d'avoir du fuccès, & de parvenir à la » gloire, n Au point du jour, le 2.5, nous courûmes à l'Eft des ic, Ifles Shepherd, tenant le plus près du vent, jufqu'après le lever du Soleil, que, ne voyant plus de terre dans cette direction, nous revirâmes de bord ,& gouvernâmes, avec une jolie brife du S. E., fur une Ifle que nous avions apperçue dans le Sud. Nous paflames à l'Eft de Trois-Collincs & d'une Ifle rafe qui cft à fon S. E., entre un rocher remarquable par fi forme pyramidale, que nous nommâmes le Monument, & une petite Ifle appelléc Deux-Collines, à caufe de fes deux collines, taillées cn pic, & féparées par un ifthme étroit & bas. Le canal, entre cette Ifle & le Monument, a près d'un mille de largeur, fur un fond de vingt quatre braflès d'eau. Excepré ce rocher, qui n'eft accefliblc qu'aux oifeaux,nous n'avons pas découvert une feule Ifle inhabitée. « La houle, » en brifant fur le Monument, y avoit formé des filions & * des canaux très - profonds. Il eft noirâtre, de cinquante » verges de haut, & pas ablolumcnt dépouillé de verdure, y> sbb a midi, nous obfervâmes I7d 18' 30" de latitude Sudi ,7*' la longitude, prife du port Sandwich, fut de 45' à l'Eft. Dans cette pofition, le Monument nous reftoit au 3SL 16d E. à deux milles j Deux-Collines, au Nord ijA Oued, à deux milles, & fur la même ligne que la partie du S. o. deTrois-Collines ; & les Ifles, au Sud, s etendoient du S. 16d 3 o' E. au s. 42^ Oueft. Poursuivant notre route au Sud, nous nous trouvâmes, à cinq heures après-midi, dans le voifinage des Ifles méridionales, qui confiftent en une grande Ifle, dont les extrémités Sud & Oueft s'étendent à perte de vue, & trois ou quatre petites lituées fut la côte du Nord. Les deux plus feptentrionales, qui font les plus vaftes , ont leurs terres afTez élevées, & elles giflent entr'elles E, - S. E. & O. J N. O. dans un éloignement de deux lieues. Je nommai lune Montagu, l'autre Hinchinbrook, & la plus coniidérable Sandwich, en l'honneur du Comte de Sandwich,mon Protecteur. Voyant la mer brifer de l'avant entre les Ifles Montagu & Hinchinbrook, nous virâmes de bord; &, bientôt après, il y eut un calme , qui dura jufqu'au lendemain matin. « Sur la fin du jour, nous apperçûmes une pirogue, » avec une voile triangulaire , qui s'avançoit du côté de » Trois-Collines : les Naturels de ces dirférenresIfles, corn-» muniquent probablement entr'eux de la même manière « que les Habitans des Ifles des Amis & des Ifles de la » Société. » La nuit ne fut pas moins dangereufë que la précé- » dente, feulement la Lune nous éclairoit, & nous pouvions agLj^Tsg » juger des progrès rapides que nous failions vers l'Ifle ^iïiu* « Oueft. Sa pointe, la plus feptentrionale, cft très-élevée fie - remplie de rochers, noire & prcfque perpendiculaire i elle » n'a qu'une grève étroite & quelques rochers difperfés au » fond. Nous reliâmes dans l'inquiétude la plus alarmante » jufqu a près de dix heures, parce que le courant étoit fi » fort, qu'il auroit été inutile de mettre les chaloupes en » mer. Lavant, l'arriére & les flancs du vaiffeau, fe diri- » geoient tour-à-tour vers la côte fur laquelle nous enten- » dions la houle briier, avec un bruit épouvantable. » Les courans & les lames nous avoient emporté du S. E. dans leO. N. O., à près de quatre lieues,nous dépaffâmes l'Ifle Hinrhinhmnkinous apperçûmes l'extrémité occidentale de l'Ifle Sandwich nous reftant au S. 5. O., à environ cinq lieues, & en meme-cernsnous découvrîmes une petite Ifle dans cette direction. La brife s'étant levée delà partie de l'Oueft, à fept heures du matin du l6, je gouvernai S. E., pour paffer % ^ entre l'Ifle Montagu & la pointe Nord de l'Ifle Sandwich. a midi, nous étions au milieu du canal, 6c nous y obfervâmes 17d 31 ' de latitude auftrale. La diftance, d'une Ifle à l'autre, cft de quatre à cinq milles environ > mais le canal, qui eft refferré par des brifans, n a pas, à beaucoup près, cette largeur. Une ligne de quarante braffes n'y rapporta point de fond. Comme nous doublions l'Ifle Montagu, plufieurs Indiens s'avancèrent fur le rivage ,&, par leurs fîgnes,parurent nous inviter à defeendre à terre. Nous apperçûmes auffi des Habitans fur l'Ifle Sandwich, dont l'afpect eft très-rianr : des ANJuiJJct7+* plaines, des bofquets, en diversifient agréablement le terrain: du pied des montagnes, qui font d'une médiocre hauteur , il y a une pente douce jufqu'au bord de la mer, défendu par une chaîne de brifans, qui rendent fille inaccefllble de ce côté. Plus à l'Oueft, au-delà de l'Ifle Hinchinbrook, la côte femble fe replier, pour former une baie à l'abri des vents regnans. ce En avançant, nous apperçûmes des cocotiers, des » palmiers, & dirférens autres arbres, parmi lefquels on » découvroit de petites huttes & des pirogues échouées fur » la grève. Nous admirions ailleurs des bocages touffus &c » des cfpaces confïdérablcs de terrain défriché, qui, par ta leur couleur jaunâtre , reiïembloienr exactement aux n champs de bled d'Europe. Nous convînmes tous que cette m Ifle eft une des plus belles de ce nouveau grouppe, & elle » paroît très-bien fituée pour y faire un établiflcment Euro-n péen. A en juger de la diftance d'où nous la vîmes, elle » nous parut moins habitée que celles que nous avions » laiffées au Nord j ce qui faciliteroit encore 1 etabliflement » d'une Colonie. D'après ce que nous avons obfervé à Mal-» licolo, cette race d'Infulaires eft très-intelligente, & rece-» vroit, avec empreflèrnent, les avantages delà civili-?> fation. » Je me proposois bien moins d'examiner l'Ifle Hinchinbrook , que d'arriver au Sud, dans le defir de reconnoître l'extrémité méridionale de l'Archipel. Je gouvernai donc au Sud Sud-Eft, & cette direction celle de la côte de l'Ifle Sandwich, r> v Ca pitaine Cook. Sandwich. Nous n crions pas encore hors du canal, que la SB».....a brife de l'Oueft nous abandonna à des vents variables, légers, ^j"^74' prefquinfennblcs & entremêlés de calmes ; de forte que ' nous commencions à craindre d'être portés en arrière par les courans, ou du moins d'être forcés de retourner, pour ne pas être pouffes fur quelque écueil : nous n'avions point la reffource de mouiller, puifque, avec une ligne de cent foixante braffes, nous ne trouvions point de fond. Heureu-fement il fe leva une brife du S. O. qui nous permit de mar-cher au S. E., &,au coucher du Soleil, le Monument nous reftoit au Nord 14'1 3 o' Oueft ; & l'Hic Montagu, au Nord, i8d à l'Oueft, à trois lieues. Nous jugeâmes que nous voyions l'extrémité S. E. de l'Ifle Sandwich, qui nous reftoit à-peu-près au S.*S.E. Je continuai de porter au S. E, jufqu a quatre heures après-midi, le 17, que nous changeâmes de bordée pour 27. gouverner à l'Oueft. Je voulois approcher de la nouvelle Terre dont nous avions eu connoifîànce au Sud, au lever du Soleil, & qui fe préfentoit fous la forme de trois mondrains. Dans ce même tems, l'Ifle Montagu nous reftoit au N. 5 zd O. à treize lieues. À midi, nous l'eûmes à-peu-près dans la même direction; & la nouvelleTerres'étendoit du S. I E. au S. ^ S. O., ce lesTrois-Collines paroiffoient être contiguës. D'après l'obfervation, nous nous trouvâmes par i81' i/dc latitude Sud, & rc1 13' de longitude, prifeà l'Eft du port Sandwich. « Notre vaisseau reffembloir alors à un véritable » hôpital j ceux que la brème avoit empoifolin^s, étoient Tomt 1U, N » toujours 'dans une fituation déplorable. Ils avoient en* » core des tranchées & des douleurs aiguës dans tous leurs » os; des vertiges, & beaucoup de pefanteur à la tête pen- » dant le jour la nuit, dès qu'ils fentoienc la chaleur du » lit, leur douleur augmentait, & les privoit entièrement » dufommeil. Ils jetoient une cxccflivc quantité de falive : » la peau fc dérachoit de delTus tout leur corps, & des bou- » tons fe montroient fut leurs mains. Ceux qui fouffroient » moins, étoient beaucoup plus foibles cn proportion, & n ils fe tramoienr. fur les ponts, femblablcs à des fquclcttes. » Aucun des Lieutcnans ne pou voit faire le fervicc ; &, *> comme l'un des Mates & plufieurs des< fficiers de poupe a-> étoient auffi malades , le Cannonier 6e: les autres Mates » commandoïent le quart. Les chiens, qui avoient mangé » de ce poiffon , étoient d'autant plus tourmentés, que » nous ne pouvions pas les fecourir j ils buvoient beaucoup t, d'eau j ils gemiffoient & foupiroient doulourcufemcntr » ceux qui avoient rongé des entrailles, étoient encore » plus affectés que les autres. Un de ces pauvres animaux, le » même fur lequel on avoit déjà fait l'expérience du trait » empoifonné, & fur lequel on cn fit une féconde, dont je » vais parler, étoit malade ; mais il échappa heureufement « à toutes ces épreuves, 8e nous l'avons amené en An- » gleterre. * Peut-ltre ces poiflbns ne font-ils pas toujours veni- « meux; comme plufieurs efpèces des Indes orientales & o> des Ifles d'Amérique, ils acquièrent peut-être cette mau- » vaife qualité, cn fè nourrilfant de végétaux venimeux: » puifque les inteftins font plus empoifonnés que le refte, $> cela confirme cette fuppofition : car on peut dire que la * plus grande partie du venin refte dans les premières voies, Aî4S'.,1t 7?4- , , r i . ItuHet. » tandis que le chyle & le Ung en portent peu dans les » mufcles. » Nous poursuivîmes notre route au S. E. par une jolie -brife du S. O. & du S. S. O., jufqu au lever du Soleil, que le vent ayant pafle au Sud, nous revirâmes, afin de mettre le cap à l'Oueft. Nous reconnûmes alors que les Trois-Collincs, dont nous avons Taie mention, appartenaient à une feule Ifle, qui s erendoit du Sud 35'' au 71*" Oueft, à la diftance de dix ou douze lieues. Contrariés par les vents, les calmes & les courans qui portoient an N. O. ,nous employâmes trois jours à parcourir cet efpacc; &, dans cet intervalle, nous eûmes la vue d'une haute Terre au Sud de cette dernière...Elle fe préfenta d'abord fous rafpecl: de plufieurs mondrains détaches, mais nous jugeâmes qu'ils étoient liés par des Terres balles. « Le 30, nous rcnouvellâmcs l'épreuve du trait empoi- J'O. 3> fonné des Mallicolois. On fit une incilion,,avec une lan-» cette, danslacuifle du chien, & la fubftance réfineufe, » attachée à la pointe ofleulê du trait, ainfi que la terre » verdâtre qui rcmplilfoit les compartimens formés par les » fibres de la noix de cocos /furent râpées, mis dans la bief-» furc, & recouverts d'une emplâtre. L'animal ne tarda pas *> à être arTccté de l'expérience. ?» Le 31, nous revîmes plus diftinctement l'autre Ifle que 3 {. N 1 - i i ...n» » nous avions découvert au Sud le z 8. La terre la plus proche ANjN''II1774* " ficdifàh moins fertile & moins agréable que celle que » nous avions examinée jufqu'alors : la fumée cependant qui » cn fortoit, en grande quantité, nous la fit croire habitée. t> Notre fituation étoit d'autant plus défagreabîe, que nous » ne pouvions fatisfaire le defir que nous avions de dcf- » cendre à terre. Quoiqu'elle fcmblât (térilc, nous fouhai- » dons beaucoup d'y aborder. Nous n'avons jamais fênti > » avec plus de peine, l'ennui d'être confinés dans un vaif- » feau, & jamais nous n'avons déliré plus ardemment de » communiquer avec des Créatures humaines. Nous pri- y> fions infiniment la compagnie des Sauvages, & une occa- *> fion d'examiner leurs mœurs, leurs habitations &: leurs » plantations. L'après-midi, on prit, autour du vaiflèau, » deux goulus, qui étoient accompagnés de pilotes & de » poiflbns fuceurs. L'un de ces voraces animaux n'avoit pas, » dans fa mulette, moins de quatre petites tortues de dix- » huit pouces de diamètre , deux grandes féches, & les » plumes & la carcaffe d'un boobi. Dès que les Matelots 3» l'eurent amené fur le pont, chacun d'eux tira fon couteau ; » ils le diviferent en morceaux, qu'ils fe partagèrent & » qu'ils fe hâtèrent de manger. Les provifions falées don- =.> nent plus de dégoût dans les climats chauds que par-tout *> ailleurs -, ce qui provient, en partie, de la foif brûlante y> qu'elles occafionnent.Comme, depuis notre départ d'Àna- » mocka, nous vivions de viande falée, on imagine bien que » la chair du goulu nous parut excellente. » i Août. Le premier d'Aoust, fur les dix heures du matin, nous eûmes un bon frais de venr de l'E.S.E., qui, bientôt après> pafla au N. E., & nous fîmes voile pour accofter la bande du N. O. de l'Ifle. L'ayant amené vers les deux heures après- An^0ÛiJ midi, nous prolongeâmes la cote occidentale à un mille du rivage, où les Habitans fe montrèrent en dirférens endroits, ce,par leurs lignes, nous invitèrent à defeendre. « Nous observâmes des plantations de bananes, enfer- » triées par des enclos. Plufieurs des Naturels marchèrent * quelque tems dans l'eau pour nous appellcr à terre. Les « hommes paroiflbient, de loin, très-bafanés, &: reffem- » bloient aux Infulaires de Mallicolo.. Noirs apperçûmes » aufli quelques femmes qui portoient une efpèce de jupon » de feuilles Se de paille, Se qui defeendoit jufqu'à mi-jambe, '» ou quelquefois jufqu'à la cheville du pied: les hommes au » contraire étoient nuds comme les Mallicolois. f On soni>a , fans trouver de fond, jufqu'à ce que nous parvînmes à une petite baie, ou enfoncement de la côte, Le matin £e le foir , les Matelots iavoient les ponts » d'une extrémité à l'autre, pour empêcher la chaleur de » les trop delTécher, de de les gercer. Un des foldats de BgSSgg » Marine , tirant de l'eau pour cela , tomba dans la mer. Il AnnAoV » ne lavoir pas nager ; mais, comme à Imitant on mit en » panne , de qu'on lui jeta un grand nombre de cordes par- » de/Tus le platbord, il en Érifit une, de on vint à bout de « le fauver. Les foldats de Marine, fes camarades, le con- « duifirent fur-le-champ dans les entreponts-, pour diffiper o> fa foibleflè de fa frayeur, ils changèrent fes habits, ils lui » donnèrent un ou deux verres d'eau de-vie , de ils le rrai- * tètent avec une tendreffe toute particulière ; effet de cet » cfprit de Corps que ne connoiffent point les Matelots. » Le t , au lever du Soleil, nous n'apperçûmes d'autres terres i, que la côte fur laquelle nous étions j mais nous reconnûmes que les courants notre avoient portés quelques milles au Nord , de nous effiyâmcs, afîezinfructueufement, de regagner l'efpace que nous avions perdu. A midi, nous nous étions élevés à environ une lieue de la côte, qui f'ctendoitciu S.S. E. au N. E. La latitude obfcrvée fut de 18d4<î' Sud. L'après-midi, voyant que le vaiffeau , qui dérivoit dans le Nord, étoit encore pouffé fur le rivage, & que nous nous trouvions au Nord de la baie , que nous avions reconnue le jour précédent, je fbngeai à jeter l'ancre avant la nuit, tandis qu'il étoit en notre pouvoir de choifir un mouillage: je fis donc mettre dehors deux bâtimens à rames \ l'un fut envoyé de f avant pour prendre le vaiffeau à la remorque ; de l'autre , fous les ordres de M. Gilbert, partit pour fonder. Bientôt le bateau qui nous remorquoit, alla aider l'autre. On perdit tant de temps à fonder cette baie , que notre vaiffeau, dérivant outre mefurc, il fallut rappcllcr les bateaux afin de le gggssssg tenir à la hauteur de la pointe du Nord. Nous nous y tînmes Ann. i 774. errea:ivement à l'aide d'un bon frais qui s éleva du S.O. de forte que nos bateaux, de retour, furent biffés à bord, & je fis fervir, courant fur la côte fcptcntrionale de l'Ifle , dans le deffein de la doubler & de tourner à l'Eft. M. Gilbert m'informa qu'au Sud de la baie , il n'avoit eu de fondes qu'au moment qu'il étoit arrivé tout près du rivage , qui n'étoit qu'une roche cfcarpée,& qu'étant defeendu pour goûter l'eau d'une fourec qu'il avoit apperçue, cette eau s'étoit trouvée très-fm-mâtre. Quelques Habitans s croient montrés, mais dans leloi-gnement. En longeant la côte au Nord , il avoit eu , à trois quarts de mille &: à un mille du rivage, vingt, vingt-quatre & trente-brafles d'eau, fond d'un beau foble brun, & il avoit vu courir fur la grève des Naturels i le canon de fignal qu'on tira, ne parut produire fur eux aucun effet : il eft sûr qu'ils ne cônnoiffoient ni nos armes, ni les Européens, - Le 3 , au lever du Soleil, nous parvînmes,par le travers d'un grand Cap, fur la côte Sud-Eft. de fine, à-la diftance d'environ trois lieues. Comme nous n'avions qu'un vent très-foible, qui, étant du Sud, nous venoit de l'avant, & que le befoin de bois commençoit à fe faire fentir, j'envoyai le Lieutenant Clerke, avec deux bateaux , à une petite Ifle, qui eft à la hauteur du Cap, pour y en couper, s'il étoit poflible. Dans cet intervalle , nous tînmes toujours le plus près du vent ; mais le chemin que nous gagnions à la voile , le courant nous le fâifok perdre. Enfin il s'éleva , vers midi, une brife de l'E. S. E. & de l'E. avec laquelle il fut aifé de nous maintenir à la hauteur du cap; & bientôt M. Clerke revint fans avoir pu mettre à terre, par lobftacle que lui optola oppofa la lame qui brifoic avec furie fur le rivage. Sur ITflc, =—===12; il ne parue aucun Habitant j mais ils avoient vu une gtofle Al*f^74" chauve-fouris, quelques oifeaux, & ils avoient pris un fer-peut d'eau. « L'espoir de fûre des découvertes en Botanique , nous » engagea à nous embarquer fur la chaloupe du Lieutenant s» Clerke; mais nous fûmes trompés dans notre attente. » Seulement nous eûmes occafion d'examiner une montagne » crcs-remarqiiablc, qui avoit un double fommet qui ref » fembloit un peu à une fclle. Le ferpent d'eau ( Colubcr n laticaudatus. Linn. ) que nous prîmes, étoit de l'cfpèce » que nous avions obfervé cn il grande abondance, fur une « des Ifles-balles fituées à la hauteur de la baie Marie , à » Tonga-Tabboo. p » De retour a bord , nous portâmes dans une baie, » tout près &C au-dcflous du pic à-fcllc : la baie avoic plus » de huit milles de large & feulement deux de profondeur. » Lafellc , qui forme une forte de Péninfule, gît fur fon »> côté Eft , 6e la met à l'abri du vent alifé : clic cft très-n efearpée vers la pointe, mais elle dégénère infcnflblcmcnt ■» en collines plus petites vers le fond. Chaque partie de la « côte étoit bien cultivée parmi les bocages, & toutes les » plantations paroiflbient enfermées de belles haies de » rofeaux , exactement pareilles à celles des Ifles des ■ Amis. » Nous parvînmes , à flx heures du foir , fous le côté N- O. du Cap, où nous laifsâmes tomber l'ancre par dix-fept Tome II/, O braffes d'eau , fond d'un beau fable brun, à un demi-mille du rivage, ayant la pointe du Cap au N. 18 E. une demi-lieue \ l'Iflôt mentionné, au N. E. ^ E. ^ E. & la pointe du N. O. de la baie au N. 3 id O. Plufieurs Habitans parurent fur le rivage , quelques-uns même tentèrent de nager vers le vaiffeau; mais, des que j'eus envoyé le bateau pour fonder de l'avant, ils fe retirèrent cn le voyant arriver. Cette tentative cependant nous fît prendre , de ces Infulaires, une opinion favorable. « Ils poussèrent vers nous des cris & des hurlemens, fa & ils reffembloient, de loin , aux Mallicolois : l'un d'eux y> avoit des cheveux rougeâtres, & il étoit plus blanc que *> les autres. Il faut remarquer que nous ne vîmes pas une » feule pirogue, ou en mer, ou échouée fur la côte: il cft *> difficile pourtant de fuppofêr qu'une fi belle Ifle n'ait » point de canots. « La découverte de cette Ifle nous fut d'autant plus b agréable, que nous avions grand befoin de defeendre à * terre. Ceux qui avoient mangé des brèmes de Mallicolo, » n'étoient pas encore guéris: ils fentoient toujours des « douleurs chaque nuit: leurs dents étoient relâchées, & 5» leurs gencives & leurs palais excoriés ; ils efpéroient tous » recouvrer leurs forces & leur fanté, en defeendant fur * cette terre. •> 4> Le 4, au point du jour , j'allai, avec deux bateaux, examiner la côte, pour reconnoître un lieu propre â la defeente, de à faire de lcau & du bois. Dans ce même tems, les Info* laires s'affemblercnt fur le rivage, &, parleurs lignes, nous invitèrent à venir à terre. J'arrivai d'abord à une petite pointe An^ûJ74' du côte du Cap , où je ne trouvai point le débarquement facile, à caufe des rochers qui bordent, de toute part, la côte. Néanmoins je pouffai l'avant de ma chaloupe fur le rivage, & je diftribuai des étoffes, des médailles, dcc. aux Infulaires qui y étoient. Us m'offrirent de tirer les bateaux pardeffus les brifans de la pointe fiblonneufc. Je ne doutai pas que cette offre ne £àt amicale ; mais j'eus enfuite lieu de changer d'opinion. Voyant que nous nous refluions à ce qu'ils défi-roient, ils nous firent figne de remonter la baie, & nous y confentîmes, de les Infulaires , dont le nombre croiflbit prodigieufement, nous fui virent à la courfe- J'cffayai de débarquer cn deux ou trois endroits ; mais, la grève ne me paroiflant point commode, je ne mis pas à terre. Les Naturels, qui s croient, fuis doute, npperçus de ce que je defirois , me conduifirent autour d'une pointe de roche, ou fur une plage d'un très-beau fable. Je débarquai à fec, cn prefenec d'une grande multitude, n'ayant à la main qu'un rameau verd, que j'avois reçu de l'un d'eux. Je n'étois accompagné que d'une feule perfonne, de j'ordonnai à l'autre bateau de le tenir à une petite diftance du bord. Ils me reçurent de l'air le plus honnête & le plus oblio-eant, de ils s éloignèrent de ma chaloupe, dès que je les en priai par un ligne de la main. L'un d'eux,que je pris pour un Chef, leur fit former un demi-cercle autour de l'avant du bateau , de il frappa ceux qui tentoient de paffer cette ligne. Je le comblai de préfcn's: mes libéralités s'étendirent aufîi fur les autres, de je leur demandai, par lignes, de l'eau fraîche , dans Tempérance de voir la fourec où ils la puifoicnt. O 1 Le Chef parla tout-dc-furtc à un Indien, qui courut à une maifon, d'où il revint avec de l'eau dans un vafe de bambou. J etois, par-là,peu inftruit de ce que je vou'ois fivoir. Je demandai enfuite des rafraichi/îcmcns, & à Imitant, on m'apporta une igname, &e des noix de cocos. J etois allez content 1 de leur conduite , Se la feule chofe qui pût me lailler du foupçon, c'eft que la plupart dentr'eux étoient armés de maflues , de lances, de dards, d'arcs & de flèches. Par cette raifon, j'avois continuellement l'œil fur le Chef, & je n obfervai pas moins attentivement fes regards que fes actions. Il me fit plufieurs lignes, pour hâler le bateau furie rivage, & enfin il s'avança dans la foule , où je le vis caufer avec plufieurs Indiens : revenant enfuite vers moi, il me répéta, par figues, de haler le bateau, Se il héfita, pendant quelque tems, à recevoir des clous que je lui ofFrois» Cela me fit (ufpc&cr quelque de/Ièin ; Se je m'approchai auffi-tôt du canot, en l'avertifîant, par figues, que jallois revenir. Mais leur intention n'étoit pas que nous nous fépa-rafîions fi vite, Se ils elîaycrent de nous obliger, de force, à ce qu'ils n'avoient pu obtenir par des manières plus douces. La planche nefc trouva malhcurcufement pas mife pour entrer dans le bateau. Je dis malhcurcufement, car fi elle n'eût pas été ôtée, & que l'équipage eût été. plus prompt à tenu- le bateau prêt, les Indiens n'aurolent pas eu le tems d'exécuter leur delfein, Se la fcène délagrcable qui fuivk, n'auroit pas eu lieu. Au moment où nous voulions rentrer à bord, ils iaifl.. rent la planche de débarquement, 6e la décrochèrent de l'arriére; mais, comme ils ne l'emportoient pas, je crus que ecla s'étoit fait par accident, de j'ordonnai de la remettre. Alors ils l'accrochèrent eux-mêmes fur le: rave, & elîaycrent VI. 4--; ■ DEBARQUEMENT A KllllAMANGA, LUN1Ï DES NOUVELLES HEBRIDES 99971 999996 43 cle tirer le bateau fur le rivage : d'autres, cn mcme-tcms, fe ___ljl jetèrent fur les rames, pour les arracher des mains des Mate- An^0^74' lots. En voyant que je leur préfentois le bout de mon fufil, * ' ils fichèrentpiàfe;mais, un inftant après,ils revinrent, avec la refolution de halcr notre bâtiment fur la grève. Le Chef étoit à la tète de ce parti; de ceux d'entr'eux qui ne pou-voient pas nous ferrer de près, fe tenoient derrière, ayant à la main des traies, do lances, des pierres, des arcs de des flèches prêts à foutenir les premiers. Les lignes ce les mena* ccs ne les contenant plus , il fallut penfer à notre fii-rcré. Cependant je ne voulois pas tirer fur la multitude, de je relouas de rendre le Chef feul la victime de la perfidie j mais, dans cet inftant critique, l'amorce brûla, fans que le coup partit. Quelqu'idcc qu'ils fe fulfent formée de nos armes, ils ne dévoient plus les regarder que comme des -armes d'enfans, de ils montrèrent combien les leurs étoient fupéricurcs, en fâifant pleuvoir fur nous une grêle de pierres, de darts & de flèches. Je fus dans la ncceiïïrc d ordonner de tirer. La première décharge les mit dans une grande confufion-, mais une féconde fut à peine fuffiiantc pour les chaifer du rivage; de, malgré ces fufiliades, ils continuèrent de jeter des pierres de derrière les arbres de les bluffons, ce, de tems à autre, ils s'avançoient, afin de lancer des darts. De quatre, qui paroiffoient être reftés morts fur le rivage, nous en vîmes enfuite deux qui le traînèrent dans les brouffailles. Ce fut pour eux une chofe très-heureufe, qu'il n'y eût pas la moitié des moufquets qui prît feu ; fans cela, il cn feroit refté fur la place un plus grand nombre. Un des nôtres fut bîeffé, à la joue, d'un dart, dont la pointe étoir de l'épaiflcur du doigt, ce qui cependant étoit entrée de 11 o Voyage 3 deux pouces j ce qui montre avec quelle force le trait avoit * été lancé. M.Gilbert fut atteint, à la poitrine, dune flèche, à la diftance d'environ trente verges ; cette flèche avoit rencontré quelque obftaclc , car elle ne fit guères qu'effleurer la peau. Les flèches étoient armées de pointes d'un bois dur. « Les premiers coups de fufil excitèrent fans doute la » colère de ces Infulaires , car on les vit alors courir des » plantations fur les collines, & traîner après eux des morts » &: des bielles. Ils fe formèrent enfuite en bataille , & pa-» rurent difpofés à venger la mort de leurs Compatriotes. » Si les fusils avoient parti toutes les fois qu'on eflaya » de leur tirer defllis, il eft difficile de dire combien nous n en aurions mafîàcré ; heureufement les pierres étoient mai> » vaifes. J'obferverai à cette occafion que , quoiqu'on puifîè » avoir les meilleures pierres en Angleterre , quoique le » Gouvernement les paie extrêmement chères à ceux qui » fe chargent d'en fournir, nos Troupes en ont de très-mau-» vaifes. On devroit faire quelque attention à cet objet, » d'où la vie de plufieurs milliers de fujets, èc fouvent le" n fuccès des combats dépendent en grande partie [a), » (a) « Des Etrangers ,qui connoiflent nos manœuvres militaires, ont m obiervé, que coûtes les fois qu'une Compagnie de Soldats tire par pdo-»ton Hids park, fix hommes, au moins, fe recirent derrière les lignes «pour décharger leurs fuflls qui ne font pas partis. Cette circonihnee »fingulicre ne provient pas du défaut des Mis, mais de la mauvaifc » qualité des pierres. Toutes les Troupes étrangères ont, à cet égard 3 v des avantages fur celles d'Angleterre- » » Après que le premier feu eut ceffé, nous apperçûmes ssag » des Naturels qui fe rraînoient à quatre dans les buiflbnsi ^oût774" » d'autres fe cachèrent derrière une élévation fablonneufe, y* qui leur fervoit de retranchement, & d'où ils tâchèrent » d'ailaillir nos Gens, qui, à leur tour, s'amuferent quelque » tems à les guetter Se a leur tirer deffus. M. Hodges a définie ccuc entrevue mémorable, & *> on en trouve ici une Gravure. Je ne puis pas croire que » ces Infulaires euffent de mauvaifes intentions, quand ils » entreprirent de retenir notre bateau. Le coup de fufil » qu'on tira fur eux, ou plutôt fur leur Chef, les porta s> à attaquer l'Équipage. D'un autre côté, cette violence, » de notre part, étoit néecifaire : il faut regretter que les » Européens ne puilfent pas faire de Voyages, fans nuire » aux Nations qu'ils vont vifiter. » a notre arrivée à bord, je fis lever l'ancre, dans le deifein de mouiller plus près du débarquement. « Toute » la côte occidentale étoit couverte de palmiers qui pro-» duifoient un bel effet, & qui paroiffoient différens'du « cocotier. » Sur ces entrefaites, plufieurs Habitans fe montrèrent à la pointe bafîc du rocher, & nous firent voir deux rames que nous avions perdues dans le démêlé. Je regardai cela comme un ligne de lcurfoumiflion & du defir qu'ils avoient de nous rendre ces rames. Néanmoins on tira une pièce de quatre, pour leur donner une idée de l'effet de nos grands canons. Le boulet ne porta pas jufqu a euxy mais il leurcaufa une telle frayeur, qu'ils ne réparurent plus, & ils biffèrent les rames contre des buifîbns. "- -- Le tems étoit alors calme; mais l'ancre étoit à peine au ioàt7^' ^ottoir, °iu'u s'éleva une brife du Nord, dont nous profitâmes pour fortir de la baie; nous n'efpérionspas y pourvoir à* nos befoins, du moins comme nous l'aurions defiré : d'ailleurs il étoit toujours en mon pouvoir d'y revenir, en cas que nous ne trouvalîions pas une defeente plus commode, en nous avançant plus au Sud. Ces Insulaires paroiflent être une race différente de celle qui habite Mallicolo ; auffi ne parlent-ils pas la même langue ; ils font d'une médiocre ftaturc, mais bien pris dans leur taille, de leurs traits ne font point défagréabîes ; leur teint cft très-bronzé, de ils fe peignent le vifage, les uns de noir, de d'autres de rouge -, leurs cheveux font bouclés & un peu laineux. Le peu de femmes que j'ai apperçues, fembloient être fort laides ; elles portent une efpèce de jupe de feuilles de palmier, ou de quelque autre fcmblable plante; mais les hommes , comme les Habitans de Mallicolo, vont nuds, de ils n'ont autour des reins qu'une corde. Je n'ai vu de pirogues cn aucun endroit de la côte ; ils vivent dans des maifons couvertes de feuilles de palmier, de leurs plantations font alignées de entourées d'une haie de rofeaux. A deux heures de l'après-midi, nous étions en dehors de la baie; ce, après avoir rangé le Cap, nous portâmes S. S. E. ,pour amener la pointe méridionale de l'Ifle ; le vent étant au N. O. joli frais. Sur le côré Sud-Cucft du Cap, cfl une belle baie profonde, qui, en dedans, paioît courir derrière celle qui eft furie côté du N. C). : fes rives font baffes, ôc les tetres adjacentes fcmblcnt être fertiles « des deux » côtés î » côtés \ elles font revêtues de forêts touffues d'un coup- 1 » d'oeil enchanteur ; au Sud, elles fe penchent doucement, ANA'out774' » & préfentent une vafte étendue prefqu'cntièrement cul-» tivée. » La baie eft expofée aux vents du S. E. : par cette raifon, jufqu'à ce qu'elle foit mieux connue , celle du N. O. eft préférable, parce qu'elle cft à l'abri des vents régnans, & que les vents, auxquels elle cft ouverte, ceux duN. E. \ N. & de l'E. \ N. E. ,foufflent rarement avec une certaine force. J'ai appelle le Cap, ou la Péninfule qui fépare ces deux baies, le Cap des Traîtres, d'après la conduite perfide des Habitans. Ce Cap, qui eft la pointe N. E. de l'Ifle, gît par 18*' 43' de latitude Sud, & 169* z8' de longitude Eft ; il aboutit à une montagne affez haute pour être apperçue de feize ou dix-huit lieues. Comme nous avancions au S. S. E., la nouvelle Ifle que nous avions déjà découverte commençoit à paroître au-deffus de la pointe S. E. de l'Ifle, que nous prolongions , nous reftant dans le S. \ E., à la diftance de dix ou douze lieues. Après avoir quitté cette Ifle, nous gouvernâmes vers la pointe orientale de l'autre, dirigés par une grande lumière que nous appercevions fur cette terre. Parmi les feux , l'un d'eux flamboyoit comme la flamme d'un volcan. A une heure après minuit, nous voyant près du rivage, nous changeâmes de bordée, 6c nous pafsâmes le refte de la nuit à faire de petits bords. Au lever du foleil, nous découvrîmes une autre Ifle, dont les terres hautes fe pré-fentoient fous la forme d'une table, dans l'E. \ S. E., & une Ifle baffe au N. N. E. que nous avions doublé la nuit, fans l'appercevoir. Nous avions encore la vue du Cap des Traîtres, Tome IlL P i—L-L—a qui nous reftoit au Nord 2,od Oueft,à quinze lieues, Se l'ïflc aJI7*' au Sud s'étendoit du S. 7d O. au S. 87d O., dans un éloi-gnement de trois ou quatre milles. Nous reconnûmes alors que la lumière, que nous avions vue la nuit, étoit occafionnée par un volcan, d'où fortoit une grande quantité de feu Se de fumée, avec un bruit fourd,, qui fe raifoit entendre à une grande diftance. « La colline la plus baffe de toutes celles de la même » rangée, Se d'une forme conique, avoit un cratère au mi* » lieu : elle étoit d'un rouge-brun, Se compofée d'un amas » de pierres brûlées, parfaitement ftériles. Une colonne 33 épaifle de fumée, pareille à un grand arbre, en jailliffoit « de tems-en-tems, Se fa tête s-élargiflbic à mefure qu'elle » montoit. Toutes les fois qu'une nouvelle colonne de » fumée étoit ainfi jetée en l'air, nous entendions un fon bruyant pareil à celui du tonnerre, Se les colonnes fe m fuivoient de près. La couleur de la fumée n'étoit pas tou-» jours la même : en général, elle nous paroiffoit blanche & & jaunâtre ; mais quelquefois d'un fale-gris un peu rouge : » nous jugeâmes que cette différence provenoit cn partie « du feu du cratère, qui éclairoit la fumée Se les cendres* » Toute fille, excepté le volcan, cft bien boifée, Se con-*> tien t une grande quantité de jolis palmiers. Nous y rcmar> » quions une belle verdure, même à cette faifon de l'année * qui étoit l'hiver pour ce climat, » Nous gouvernâmes alors fur l'Ifle, &:, l'inftant d'après ; nous découvrîmes une petite ouverture dans la côte, qui avoit l'apparence d'un bon Port. Afin de nous ea mieux ar^ùrer, j'envoyai deux bateaux armés, aux ordres du Lieu- 8 tenant Cooper, pour y prendre les fondes: pendant cette ^^J''* opération, nous tâchâmes de nous maintenir à portée de le fuivre, ou de lui donner les fecours dont il pourroic avoir befoin. Sur la pointe orientale de l'entrée, nous apperçûmes aiTcz diftinefement un certain nombre d'Habitans > plufieurs maifons Se des pirogues -, &, au moment que nos bateaux entrèrent dans le port, ils cn lancèrent quelques-unes à l'eau, pour les fuivre, mais fans ofer en approcher. Bientôt M. Cooper fit fignal de bon mouillage, 5e nous effayâmes auffi-tôt de le rejoindre. Le vent étant à l'Oueft, & notre route Sud-Sud-Oueft, nous rangeâmes de très-près la pointe occidentale, & nous pafsâmes fur des roches noyées, que nous aurions évitées, en nous approchant un peu plus de l'Eft, ou environ à un tiers du canal. Nous étions à peine entrés dans le port, que le vent fe calma , & nous tûmes forcés de laiffer tomber l'ancre fur quatre braffes d'eau : alors je renvoyai les bateaux reconnoître les fondes ; &, dans cet intervalle, je fis mettre dehors la chaloupe avec les ancres, pour touer le vaiffeau , aufli-tôt que nous aurions pris connoifîance du canal. « Ce fut le feul mouillage ou nous reftâmes quel-» que tems dans le vafte grouppe d'ifles , que nous vc-» nions de découvrir. On dira plus bas que nous y prî-» mes du bois Se de l'eau, mais peu de rafraîchiffemens, » Durant cette relâche, nous fîmes quelques remarques » fur une race d'Hommes différente de toutes les tribus » connues. » P % : Tandis qu'on remorquoit le vaifleau, les Infulaires s'af-ANAoiU77^' ^cm°^ercnt en divers endroits du rivage , tous étoient armés d'arcs, de flèches, &c. Quelques - uns s'avancèrent vers nous à la nage, d'autres dans des pirogues : ils fe montrèrent d'abord timides, & n'approchèrent qu'à la diftance d'un jet de pierre ; mais infcnfiblement ils devinrent plus hardis, & des pirogues, qui pafsèrent lous l'arrière, y firent des échanges. Une des premières s'étant approchée d'aufli près que la crainte le lui permit, jeta à bord des noix de cocos ; je defeendis dans un canot pout la joindre, & je lui donnai quelques pièces d'étoffe & d'autres articles. Ce traitement engagea les autres à fe rendre fous l'arrière Se le long des cotés, où leur conduite devint infolente &: téméraire. Ils tentèrent d'enlever tout ce qu'ils pouvoient atteindre ; ils faifirent le pavillon, en voulant l'arracher de deffus fon bâton*, d'autres efîayoient de faire fiuter les gonds du gouvernail : ils nous contraignirent à veiller les bouées des ancres, qui ne furent pas plutôt hors des bateaux, qu'ils cherchèrent à les enlever. Des coups de moufquet, tirés en l'air, n'eurent aucun effet; mais, aubruitde la décharge d'un canon de quatre, la frayeur les faifit, Se ils fautèrent tous hors de leurs pirogues pour fe jeter à la nage. Dès qu'ils virent qu'il ne leur étoit arrivé aucun mal, ils rentrèrent dans leurs canots , pouffèrent des cris, en nous menaçant de leurs armes , Se retournèrent hardiment aux bouées. Il fallut fiure fifflcr quelques balles autour de leurs oreilles. Quoi-qu'aucun d'eux n'eut été bleffé, on leur avoit infpiré aflez de crainte pour les écarter des bouées : bientôt ils fe retirèrent fur le rivage, & il nous fut permis de dîner fans être troublés de leur pair. « Je comptai les pirogues qui nous entouroient, & elles » étoient au nombre de dix fept ; les unes portoient vingt- » deux hommes j d'autres dix, fcpt, cinq , & les plus petites » deux : de forte qu'en tout il y avoit plus de deux cens » Infulaires ; ils difoient quelques mots par intervalle , & * ils fembloient nouspropofer des queftionsi mais, quand » nous prononcions un mot du dialecte de Taïti ou de » Mallicollojils le répétaient fans paroître le connoîtrc en » aucune manière. » Le premier vol qu'ils entreprirent de commettre, » fut de prendre un réfeau, qui contenoit la viande filée de » notre dîné, qu'on laiifoit flotter dans la mer pour l'y rafraî- » chir : comme nous nous en apperçûmes, on pouffa des cris » pour les engager à s'arrêter. Ils s'arrêtèrent effectivement j » mais l'un d'eux brandit fa pique contre nous, & un fécond » ajuffa un trait fur fon arc, & il fembla vifer tour-à- » tour plufieurs perfonnes placées fur le gaillard d'arrière. 3» M.Cook, afin de les effrayer, fe difpofa a tirer un coup de canon ; mais auparavant, il fit ligne aux pirogues de » de fe ranger de côté, pour qu'elles ne fuffent pas expo- » fées à l'action du boulet. Ces marques d'autorité ne les » offenferent point, & ils vinrent promptement fe placer » à notre arrière. Au bruit du canon , on vit les deux cens » Indiens fe jeter à la mer , & au milieu de cette confter- » nation générale, un jeune homme bien fait, & d'une phy- » fîonomie très-ouverte, refla feul dans fa pirogue, fans » donner le moindre indice d ctonnement ou de crainte j * mais, avec un air de gaieté, il jeta des regards de dédain ?» fur fes Compatriotes effrayés. Voyanr enfuite que notre ........g » bravade n avoit eu pour eux aucune fuite funefte, ils ^NNÀoûc7+ * cauferent d'un ton très-haut, & ils parurent tire de leur » propre épouvante. » J'observai un autre trait de courage dans un vieillard » qui fe trouvoit autour d'une bouée , qu'il vouloit proba-» blement enlever : quoiqu'il eût été blelfé par un premier » coup de fufil, il ne defempara point, & il garda fon pofte » à la féconde & à la troificme décharge, & même, après ■> avoir ainfi enduré notre feuil eut allez de générofité » pour venir nous offrir fon amitié, & nous préfenter une » noix de cocos. » Ce même vieillard fît plufieurs voyages du rivage au vaifleau, apporrant chaque fois des noix de cocos ou une igname, & prenant en échange tout ce qu'on vouloit lui donner. Un fécond, au moment qu'on tira le canon, étoit dans la galerie du fiiux pont, & je ne pus le raffurer affez pour l'engager à refter. Vers le foir, après avoir amarré le vaifleau , j'allai, avec un fort détachement , defeendre à l'entrée de la baie, fur la pointe du S. E. Les Indiens ne s'oppoferent pas à notre defeente : ils formoient deux corps, l'un à notre droite, ôc l'autre à la gauche; tous étoient armés de maffues, de dards, de lances, de frondes & de pierres, d'arcs & de Mèches , ôec. Après avoir diflribué aux plus âgés (car nous ne diftinguions pas les Chefs) & à quelques autres, des pièces d étoffe, des médailles, on mit à terre deux pièces à l'eau, pour les remplir à un étang, qui fe trouvoit environ à vingt pas du débarquement, faifant entendre aux Infulaires que c'étoit-ià une des chofes dont nous avions befoin, VÏ 4<6. __' J______1 I ^^■"■"U^"^^™™-^-— j i Renard J)irf*r ■ DEBARQUEMENT A TANNA LUNE DES NOUVELLES HEBRIDES. Nous ne pûmes obtenir de ces Indiens que des noix de cocos qui paroiffoient être en grande abondance fur les arbres ; ANA'0*t!7^ mais nous ne parvînmes point à leur faire échanger quelques-unes de leurs armes. Ils fe tinrent toujours dans l'attitude de gens prêts à fe défendre ou à attaquer, & il n'auroit fallu que le plus petit motif pour caufer un engagement : c'eft du moins ce que nous préfumions, en les voyant fe pouffer fur nous, malgré tous nos efforts pour les écarter. Il eftprobablc que nous déconcertâmes leur projet d'attaque, en nous rembarquant plutôt qu'ils ne s'y étoient attendus. Dès que nous fûmes à bord, tous fe retirèrent. Le bon vieillard dont j'ai parlé , étoit dans l'un des partis, Ôc nous le jugeâmes d'un caractère pacifique. * Leokconduite ,pendant notre débarquement, mérite » des éloges : car cn ayant trouvé d'abord quelques-uns » affis fur l'herbe, le long de la grève, ils s'enfuirent, mais » ils revinrent, dès que nous les rappelâmes par fignes. * Nous les priâmes enfuite de s'affeoir, & la plupart s'af-» firent : nous leur défendîmes de paffer une ligne que nous » traçâmes fur le fable, & ils obéirent. Dès que nous de-» mandâmes à couper du bois, ils nous montrèrent eux-a mêmes des arbres: feulement ils nous invitèrent à ne pas » abattre des cocotiers, dont une quantité innombrable * couvroit la côte. Quoique les foldats de Marine fuffent » rangés en bataille, quoiqu'au moindre de leurs mouve-» mens, les Naturels s'enfuiffent à une diftance confidé-' » rable , & qu'il ne reftât près de nous que des vieillards, x> ils ne craignoient pas de fe rapprocher, dès que nous le » defirions. Nous leur ordonnâmes de mettre bas les BfiH » armes, & la plupart acquiefeerent à ce commandement ?74" » déraifonnable. t. » Ils étoient dune moyenne lfature, mais infini-» menr plus forts & mieux proportionnes que les Habi-s» tans de Mallicolo, & comme ceux - ci, entièrement » nuds i feulement ils portoient autour du ventre une » corde qui ne coupoit pas leur corps dune manière » aufli choquante que celle des Infulaires dont on a parlé • ailleurs. Quelques femmes que nous vîmes de loin, me » paroiflbient moins laides que celles de Mallicolo : deux » filles tenoient chacune une longue pique dans leurs «» mains. » En causant avec eux, nous ralfemblâmes un grand » nombre de mots entièrement nouveaux pour nous : qucl-» quefois ils exprimoient la même idée par deux termes, » dont l'un étoit nouveau pour nous, & le fécond répondoit » au langage des Ifles des Amis, d'où nous conclûmes qu'ils »> ont des voifins d'une autre race qui parlent cette langue. » Ils nous dirent que leur Ifle s'appelle Tanna, mot qui » lignifie Terre dans la langue Malaifc, » Le soir , nous vîmes briller la flamme du volcan , & d de cinq en cinq minutes, nous entendions une explofion. » Ce phénomène merveilleux avoit attiré notre attention v toute la journée : le bruit de quelques-unes des explo-n fions égaloit celui des plus violens coups de tonnetre, & » un fracas fourd retentiffoit pendant une demi-minute j l'air » çtoit rempli de particules de fumée & de cendres, qui » nous » nous caufoient beaucoup de douleur, quand elles nous —»——"~ n tomboient dans les veux. Les ponts, les agrcts & toutes Ann-j,i77+. • - i i j AouC" » les parties du vaifleau furent remplis de cendres noires » l'cfpace de quelques heures, &: le même fable, mêle de » fraifil tk de pierre ponce, couvrait la côte de la mer. Ce » volcan étoit éloigné de notre havre de cinq oufix milles; » mais, comme plufieurs collines occupoient l'cfpace inter- » médiaire, nous n'en appercevions que le fommet, qui n vomiflbit continuellement de la fumée. » Tome III, CHAPITRE V, Commerce avec les Infulaires. Defcription de VIfle de Tanna. Divers incidens fùryenus durant le fejour du Vaiffeau. ■ ■■ ; Comme nous avions befoin de faire une grande quantité Ann. 1774, ... „ „ -, . , r , n 1 , Août. «e DOÎS & deau, & que ;avois obierve a terre, quon pouvoit approcher davantage le vaiffeau de l'endroit du débarquement, ce qui faciliterait confîdérablcment les travaux, puifquc nous ferions en état de couvrir, de protéger les Travailleurs 5e de contenir les Infulaires par la crainte, 6, le 6 , on toua le vaifleau à la place défignée pour le nouveau mouillage. « Afin de rendre plus intelligible ce qui fe pafîa * dans cette journée , il eft à propos de décrire l'afpect du » pays qui environne le havre. La pointe, qui compofe fa » cote orientale, eft très-baffe & très-plate j elle s'élève bien-» tôt cn forme d'une colline, d'environ 15 ou 20 verges de t> hauteur, 6e entièrement remplie de plantations, & oui » enferme la bande Eft ce Sud de la baie : elle prefente » un front de trois milles de longueur, & elle s'étend a m plufieurs milles dans l'intérieur des terres, jufqu a la mer » de l'autre côté. A l'endroit où fe termine cette coline plate, » une belle plaine revêtue de plantations court au Suds » bordée de différentes rangées de collines agréables, dont gg » les plus proches font dune pente aifée. A l'Oueft, cecce An^0!c77+* * plaine, ainfî que toute la baie, cft environnée d'une » colline efearpée de trois ou quatre cens verges d'élé- » vatîon , & prefque par-tout perpendiculaire. Il y a » une crevé étroite le lone de la côte occidentale, mais » un rocher perpendiculaire la féparc de la grève du S. : cette » dernière' eft compoféc d'un fable noir ferme ; elle entoure » la plaine, Se c'eft la même où nous coupâmes du bois, Se » où nous remplîmes nos futailles. Une grève de rocher de » corail & de fable de coquille , fuit delà le pied de la col- » line plate jufqu a la pointe orientale du havre. La col- » line plate ne fe trouve pas tout près de cette grève; » mais un cfpace de terre uni de trente ou quarante ver- » ges de largeur, couvert de bocages, de palmiers, s étend » au bas. Tout le coin Sud-Eft de la baie eft rempli d'un » récif plat de corail, inondé à la mer baflc. » Tandis qu'on remorquoit le bâtiment, les Infulaires arri-voient de tous les côtés de l'Ifle , U formant deux corps féparés, ils fe rangèrent de chaque côté du débarquement, comme ils avoient fait le jour précédent ; ils portoient tous des mêmes armes. Une pirogue, montée par un feul homme, & quelquefois par deux ou trois,venoient de tems à autre au vaif feau : elle étoit chargée de noix de cocos ou de bananes, qu'elle offroit fans rien demander en retour binais j'avois foin qu'on lui fît toujours des préfens. Le Chef parut nous invitera def cendre à terre. Le vieillard, qui avoit fi bien fu fe concilier notre amitié, fut du nombre de ceux qui fe rendirent au vaiffeau: je lui fis entendre, par figues, qu'ils dévoient mettre bas leurs I armes. Il commença par prendre celles qui étoient dans la l^i77*" pirogue, & les jera dans la mer : je lui donnai une grande pièce d'étoffe rouge, je ne pouvois pas douter qu'il ne m'eût compris , ce il porta ma requête a les Compatriotes; car, dès qu'il fut à terre, nous le vîmes paner fuccef fivement de l'un à l'autre corps, 6e conférer avec les Infulaires , & depuis il ne reparut plus avec des armes. L mitant d'après une pirogue , où étoient trois Indiens , s'approcha de l'arriére ; l'un d'eux branlant fa maffuc d'un air arrogant , en frappa le côté du vaifleau, 6e commit divers actes de violence ; mais il offrit enfin de l'échanger pour un rang de grains de raflade, 6e d'autres bagatelles. On les lui defeendit du vaifleau avec une corde ; mais, au moment qu'il les eut en fa poffeffion, il fe retira avec fes Compagnons, en forçant de rames, fans vouloir livrer fa maffue, ou quelque autre chofe en retour. C'étoit-là ce que j'attendois, & je n etois pas fâché d'avoir une occafion de convaincre la multitude qui bordoit le rivage, de l'effet de nos armes à feu, en ne leur fiifant que le moins de mal poffible. J'avois un fufil de chaffe , chargé à dragées ( N°. 5. ) que je tirai; 6e,quand ils furent hors de la portée du moufqnet, on lâcha quelques coups de moufqueton. A ce bruir, ils fautèrent pardeffus bord, fe couvrant de leur pirogue > & nageant avec elle jufqu'au rivage. Cette moufquetade ne produiflt que peu ou point d'impreffion fur ces Infulaires: ils n'en parurent que plus infolens, 6e commencèrent à faire des cris & des buées. Après avoir afflué, fur fes ancres, le vaiffeau, qui pré-fentoit le travers au rivage, & place 1 artillerie de manière à commander tout le havre, je m'embarquai avec les Soldats = de la Marine & un détachement de Matelots, dans trois bateaux, 6c nous ramâmes fur le rivage. Les deux Corps avoient laiifé entr'eux un efpace d'environ 30 ou 40 verges, dans lequel étoient placés des régimes de bananes , une igname 6c deux ou trois racines. Entre ces fruits 6c la grève ils avoient dre/fé, dans le fable, (je n'ai jamais lu à quel propos ) quatre petits rofeaux , chacun d'environ deux pieds, fur une ligne à angles droits avec la côte , ( on les y trouva encore deux ou trois jours après.) Le vieillard, déjà connu, 6c deux autres étoient ifolcs, de nous invitoient, par /ignés, à defeendre à terre ; mais je n'avois pas oublié le piège qu'on nous tendit, 6c où je penfai me laiffer prendre dans la dernière Ifle. Tous ces apprêts dévoient nous donner des foupçons fur leur deifein. Je répondis, en faifant ligne aux deux divifîons, compofées d'environ neuf cens hommes, de fc retirer cn arrière, de de nous lai/Ter un plus grand efpace. « Nous voulûmes au/îi leur dire, par a lignes,de mettre bas les armes, mais ils n'y firent pas la » moindre attention; ils trouvoient probablement abfurde » de injurie qu'une poignée d'Etrangers vînt leur preferire *> des loix chez eux, de prétendît défarmer plus de neuf cens * hommes. » Le vieillard parut les y engager; mais ils n'eurent pas plus d'égard pour lui que pour nous. Us fc rappro -cherent encore davantage ; 6c, à l'exception de deux ou trois, ils étoient tous armés. En un mot, tout teirdoit à nous faire croire qu'ils fe propofoient de nous attaquer à notre defeente. Il étoit aifé d'en prévoir les conféquences ; un grand nombre d'entr eux auroient été tués ou bleffés, de nous-mêmes aurions difficilement échappé à leurs traits £ 12.6 Voyage —Ls deux choies que je vouloîs également prévenir. Voyanè AoS^*" cinq pièces de quatre, deux pierriers 6e quatre moufquc-» tons. » Alors nous defeendîmes à terre, 6e marquâmes des limites par une ligne, à droite 6e à gauche. Notre vieil Ami étoit refté feul à fon pofte, & je reconnus fa confiance par un préfent. Les Habitans revinrent peu-à-peu,&, en apparence , avec des difpofïtions plus pacifiques \ quelques-uns même reparurent fans armes, mais la majeure partie reftoit armée: 8e quand nous leur fîmes figne de les mettre bas, ils répondirent que nousdevionscommencer par pofèr les nôtres. Ainfi, de part 6e d'autre,on refta toujours armé. « Comme » ils fortoient peu-à-peu des buiffons pour fe rendre fur la » grève, nous défendîmes aux nouveaux venus de paffer *> les bornes que nous leur avions établies \ & ,en ce point, » ils obéirent tous. « Les préfens que je fis aux vieillards, ce à quelques autres Indiens de confédération, n'eurent que très- peu d'effet fur leur conduite. Il eft vrai qu'ils montèrent fur des An A'0^t7<7+' cocotiers, & qu'ils nous en donnèrent les noix, fans en rien exiger; mais j'étois toujours attentif à leur faire accepter quelque chofe en échange : ils nous prièrent inftamment de ne plus tirer. J'obfcrvai que plufieurs craignoient de toucher à ce qui nousappartenoit, Se qu'ils paroiffoient n'avoir aucune notion d'échange. Prenant avec moi le vieillard,( fon nom,' comme je l'appris alors, étoit Paowang) je le conduits dans le bois : là je lui expliquai que nous étions obligés de couper des arbres, ce de les prendre à bord du vaiffeau; 2e, dans le même tems, nous en abattîmes quelques-uns qu'on tranfporta dans nos chaloupes, avec des petites pièces à l'eau ,dans le deffein de montrer à ces Indiens que c'étoit principalement ce que nous leur demandions. Paowang con- fentit fur-le-champ à la coupe du bois, & les autres n'y formèrent point d'oppofition. Il nous fupplia feulement de ne pas couper de cocotiers ; ce que nous lui promîmes. « M. Hodgcs a mis heaucoup de talent dans fon defîîn du » débarquement de Tanna : il y en a une gravure dans ce » Voyage, & c'eft un des morceaux où l'habileté de cet » Artifte fe montre le plus. » « Nous essayâmes, tout-de - faite, de pénétrer dans » les bois, pour y chercher des plantes ; mais, dès que nous » eûmes fût trente pas, nous apperçûmes,derrière chaque » buiffon y un grand nombre de Naturels, qui entrete- * noient une communication avec les deux détachemens ■ placés fur la grève. Nos découvertes furent donc peu * confidérables, ôe il fallut nous contenter de deux ou trois Voyage •N> 1?7+> » cfpcces nouvelles. De retour au rivage, en tâchant de Aoûc. » converfer avec la divifïon qui étoit à notre gauche, (à y» l'Eft de nous ) nous remplîmes nos Vocabulaires de plu-»> fieurs mots de leur langue. Nous demandâmes fouvent •> à acheter leurs armes j mais ils refuferent toujours de les • vendre. L'un d'eux nous céda un morceau cylindrique » d'albâtre, de deux pouces de long, qu'il portoit fufpendu * à fon nez -, avant de le donner, il le lava dans l'eau : je w ne fais pas fi c'étoit par propreté. Durant notre féjour à » terre, ce matin , les Naturels n'entreprirent point de »> nous nuire ou de nous attraper. Ceux qui occupoient » notre gauche, paroiflbient très-bien difpofés à notre égard, » & ils nous foifoient elpérer d'établir, bientôt avec eux, des •o liaifons d'amitié. » Nous nous rembarquâmes pour revenir dîner à bord, &: les Indiens ne tardèrent pas à fe diïpcrfer. Je n'ai pas appris qu'aucun de ces Infulaires eût été blcffé dans les affaires précédentes j circonftance très-heureule. L'après-midi , nous refallâmes à terre pour faire de l'eau ; &, avec nos filets, nous prîmes, en trois coups, plus derrois cens livres de mulets & d'autres poiffons : « Et entr'autres » une efpèce commune aux Ifles d'Amérique. ( Efox-» Argenteus, N.° j. ) » Les Infulaires ne revinrent que quelque tems après : ils étoient au nombre de vingt ou ttente. Notre bon Ami Paowang, qui fe trouvoit parmi la foule , nous fit préfent d'un petit cochon, & ce fut le feul crue nous eûmes de cette Ifle. « Nous descendîmes à terre, de notre côté, fins trouver » un feu) VUE I ) K J, I S I > K 1 ) E ' LA N N A 56 •>. un feul Infulaire fur la grève. A une diftance confidera- ' 8 »» ble,àl'Eft, nous en vîmes environ trente ailîs à l'ombre Ann' î774' »> de leurs palmiers \ mais ils ne daignèrent pas venir près » de nous. Nous profitâmes de l'occafion pour fûre trois » ou quatre cens pas dans le pays, où je raffcmblai plu- » fleurs plantes nouvelles. Cette partie de la plaine, au pied » de la colline unie, étoit en friche, & remplie de difterens » arbres & arbrilîèauxj nous craignîmes d'aller plus loin, » parce que nous ne connoillions pas encore le caractère » des Infulaires : nous nous cn approchâmes peu â-peu, & »» bientôt ils fe rendirent près de nous fans armes, & caufe- y* rent le mieux qu'ils purent, 6e avec la plus grande cor- » dialité. » Pendant la nuit, le volcan, qui nous reftoit à l'Oueft, à quatre milles, vomit des torrens de feu & de fumée, comme la nuit précédente, & les flammes s'élevèrent au-deffus de la montagne qui nous en féparoit. a chaque éruption , il grondoit avec un bruit, femblable à celui d'une mine profonde, au moment qu'elle éclate. Une pluie abondante, qui tomba alors, parut lui donner encore plus d'activité. a II avoit cessé fes éruptions l'après-dinéc de la veille-, » mais il les recommença de nouveau à quatre heures du » matin : il étoit tombé de la pluie la nuit. Ses feux produi-» foient un très-beau coup-d'ecil. La fumée, qui sechap-» poit en gros tourbillons épais, étoit teinte de différentes » couleurs, de jaune , orange, cramoifî & pourpre, & » elle fe terminoit cn gris rougeâtre & brun. Des qu'il y » avoit une nouvelle explolion, les champs 2e les forêts de Tome III. R Ann. = » tout Je pays, prenoient auffi une teinte orange & pouc-l'oût!74' 73 pre, fuivant leur diftance , ou leur expofition particulière » à la lumière du volcan. » De bonne-heure, dans la matinée, les Habitans fc rancmblerent près de FAiguade , armés, comme auparavant, mais non pas en fi grand nombre. Après le déjeûner, nous allâmes à terre pour couper du bois 6e remplir des futailles. Je trouvai plufieurs Infulaires , & fur-tout les vieillards, difpofés à être de nos Amis; mais les plus jeunes furent audacieux 6e infolcns, 6e nous obligèrent à demeurer en armes. Je reftai,avcc les Travailleurs, jufqu'à ce que je fufîe comme allure qu'ils ne commettraient point de défordre , 6e je retournai à bord, lai fiant le détachement fous les ordres des Lieutenans Clerke 6e Edgcumbe. Quand ces Meilleurs arrivèrent au vaiffeau pour dîner, ils m'informèrent que les Indiens s'étoient toujours comportés avec la même irrégularité qu'à notre débarquement,qu'un plus mutin encore que les autres, avoit mis M. Edgcumbe dans la néceftîté de lui lâcher fon fufil chargé à dragées, 6e que cette correction les avoit enfin rendu plus circonfpects.Tous s'étoient retirés, en voyant nos bateaux retourner à bord. Tandis que nous étions à table, un vieillard vint fur la Réfo-lution, examina les différentes parties du bâtiment & regagna enfuite le rivage. L'après-midi, il ne fe rendit à l'Aiguade qu'un petit nombre d'Indiens, avcclefquels nous commencions à avoir un peu plus de liaifon. Paowang nous rapporta une hache que les Travailleurs avoient laiffée dans le bois, ou fur le rivage. Quelques autres articles, qu'on avoit perdus par négligence, ou que les Habitans avoient furtivement enlevés, nous furent encore rendus, tant ils craignoientdenous offen- fer à cet égard. « Au coucher du Soleil, ils fe difperferent tous, excepté » quelques-uns, qui vinrent nous dire qu'ils vouloient aller » dormir : ils (embloient nous en demander la pcrmilfion. » Nous leur fîmes ligne de partir, & à Imitant ils nous » quittèrent. Nous jugeâmes qu'il y avoir une efpèce de » cérémonial dans cette conduite, & qu'ils ne croyoient » pas qu'il fût honnête de laiffcr leurs Hôtes fculs dans leur » pays ce qui paroît fuppofer qu'ils ont des idées de poli-" tefîe & de décence, que nous ne comptions pas trouver » chez un Peuple aufîi peu civilifé, » Le lendemain, de bonne-heure , je fis partir la chaloupe, protégée par un détachement de la Marine dans un autre bateau, pour prendre du left, dont nous avions befoin. Ce travail fut exécuté avant le déjeûner;& je renvoyai enfuite le même bateau faire de l'eau & du bois, avec les Matelots employés à ce fervice , fous la protection d'un Sergent de garde : ce que je crus alors fuffifant ; les Infulaires paroif-fmt réconciliés avec nous. On me rapporta que des Indiens avoient invité quelques-uns de nos Gens à les fuivre dans leurs maifons , à condition qu'ils y iroient nuds , comme ils étoient eux-mêmes. Cela fait du moins voir que leur def-fein, quel qu'il fut, n'étoit pas de les voler. * Je débarquai, avec le Docteur Sparrman & mon R % - » Pere, fous la montagne eicarpée, qui eft dans la partie au NAoûc77'*' » côté Oueft de la Baie. Une petite houle, qui bat le rivage » cn cet endroit, nous obligea de faire quelques pas à gué. » Sur les flancs de la colline ,nous cueillîmes plufieurs plantes » nouvelles, & nous manquâmes, à diverfes reprifes, de » tomber dans des précipices. Nous y vîmes différentes » efpèccs de minéraux: les principales couches de cette col-*> line, confident en une efpèce d'argille très-molle, & qui » fe met en pièces quand elle eft expofée à l'air & à l'humi-m dite. Nous y trouvâmes aufïï une pierre de fable noir,une »» fubftance rcflcmblantc à une pierre pourrie, ( Lapis » Siullus) &c des morceaux de craie, purs ou teints de » couleur rouge; couleur qu'occafionnoient peut-être des » particules de fer. Après avoir fait deux ou trois cens pas » le long de la grève, vers la pointe Occidentale du havre, » nous prîmes un fentier qui conduifoit au haut de la col-» line ; & nous nous préparions â avancer dans l'intérieur du -y> pays, lorfquc nous rencontrâmes un grand nombre de » Naturels tous armés : nous rejoignîmes alors le détache-» ment qui chargeoit du left, 8e les Naturels nous vendi-» rent des cannes de fucre &: des noix de cocos. Ils s'affirent » tous, fur les rochers, près de nous; & l'un d'eux, pour » qui les autres avoient des égards, changea de nom avec » mon Pere. Il s'appelloit Oûmb-Yégau. Cet ufiigc, de fe » choifir un Ami en changeant réciproquement de nom , » cft commun fiir toutes les Ifles de la Mer du Sud où noàs » avons abordes, ce il a quelque chofe de tendre. Ayant été » ainfi adopté parmi les Infulaires, nous caillâmes en très* n bonne intelligence , & nous étendîmes beaucoup les mots » de notre Vocabulaire. Ils nous donnèrent des feuilles de j> figues, enveloppées dans des feuilles de bananes, & cuites = » à letuvée. Elles étoient dun très-bon goût, 6e elles pou- A » voient tenir lieu d epinards. Ils nous offrirent aufîi deux » gros plantains de l'efpèce la plus groflicre ; ce qui prouve » que l'efprit d'hofpitalité efl naturel, même à ces Habi-» tans: ce font les femmes 6e les enfans qui nous préfenterent » ces mets; mais ils étoient fi timides que, dès que nous » jetions les yeux fur eux, ils s'enfuyoient cn hâte, & cela » divertiffoit infiniment les hommes. Cependant la fami-» liarité de ces femmes prou voit allez que nous avions » gagné une partie de leur confiance : quelques-unes avoient *> le fourire fur la bouche; mais, en général, elles paroif-» foient trilles & mélancoliques. Elles portoient des pen-» dans d'oreille fie des colliers comme les hommes, fie celles » qui étoient matiées des chapeaux de nattes: la plupart * avoient auffi des pierres blanches dans les narines. Si » nous prétentions un grain de verre, un clou,ou un ruban » à un de ces Indiens, ils refufoient de le toucher ; ils nous » prioient de le mettre à terre, 6e ils le ramaffoientenfuite » dans une feuille : j'ignore fi la fuperllition , ou des idées » bizarres de propreté , ou de politene , ont produit cet » mage. Vers midi, nous nous rembarquâmes avec le déta-» chement : la plupart des Naturels s'étoient déjà retirés à » leurs habitations fur la colline. » » L'après-midi fc paffa à pêcher; mais, cn plufieurs » coups de feinc,nous ne prîmes que vingt-quatrepoi/Ibns. » Les Infulaires étoient très-nombreux fur la grevé, & nous * n'ofâmes pas errer fort avant dans les bois : nous nous 134 Voyage ~:±== m tînmes donc aux bords de la foret, & nous* notâmes divers Abût. * m°tS ^C ^CUl lanSUC' " 9- Le 9, j'envoyai le bateau long pour faire encore du left, 6e la Garde & les Travailleurs prirent leur pofte ordinaire. Je débarquai, avec eux, fur le rivage,où le trouvoit un bon nombre d'Habitans: quoiqu'ils fufient armés, leur conduite fut douce, honnête & circonfpectc ; de forte qu'il ne fut pas befoin de les contenir dans les limites que nous leur marquions par une ligne : ils s'y conformèrent d'eux-mêmes fans cette précaution. Comme il étoit nécefîàire de veiller, à terre, fur les inftrumens de M. Walcs, pendant le milieu du jour, la Garde ne revint point pour dîner, ainfi que cela s'étoit fait la veille, 6e elle attendit qu'une autre , allât la relever. Quand je quittai le rivage, j'engageai un jeune Indien, appelle Whà-â-gou, à me fuivre à bord. Avant le dîné , je lui montrai toutes les parties du vaiffeau ; mais je remarquai que rien ne pouvoit fixer un' moment fon attention, ni lui caufer la moindre furprife. Il n'avoir jamais vu de chèvres, ni de chiens, ni de chats, ôc il les prenoit pour des cochons, en les appeliant Booga, ou Bougas. Je lui fis prélent d'un chien & d'une chienne, qu'il paroiffoit préférer aux autres efpèces d'animaux. Bientôt il revint à bord ; quelques-uns de fes Amis le fuivirent dans une pirogue, & le demandèrent ; probablement par inquiétude pour fa fureté. Il regarda par le haut des bouteilles ; 6e, dès qu'il eut parlé , ils retournèrent au rivage, & lui rapportèrent auffi-tôt uii coq, une petite canne à fucre 8e des noix de cocos qu'il me donna. A table, il ne voulut goûter d'autre viande que du porc falé; mais il mangea volontiers de l'igname, & but un verre de vin. Ann. 177* AOUt. « De retour à terre, au même endroit où notre déta- » chement avoit charge du left la veille, nous gravîmes, » fur les rochers, pendant plufieurs heures, & au milieu de » la chaleur du jour,fans beaucoup de fuccès : nous fumes » bien tentés de pénétrer dans une belle forêt; la prudence » nous arrêta. Avant de nous rembarquer, nous découvrî- 7» mes une fource chaude qui forroir du rocher, tout près » du bord de l'eau. Nous n'avions point de thermomètre; » mais le degré de chaleur étoit fi fort, que nous ne pou- » vions pas y tenir le doigt plus d'une féconde. » En arrivant au Vaiffeau, nous reconnûmes que le » jeune Indien qu'y venoit d'amener M. Cook, étoit celui » qui montra tant de fang. froid &de bravoure , en reliant » feul dans fa pirogue, Iorfque deux cens autres Infulaires » fautèrent dans la Mer, à 1 explofion du canon. » Ainsi que fes Compatriotes, il n'avoit pas la mêmç » facilité de prononciarion que les Mallicolois ; 6e, quand y> il nous demanda nos noms, nous filmes obligés de les lui » dire,en les adouciffmt, fuivant les organes plus flexibles » dcsTaïtiens. Il avoit de beaux traits, de grands yeux très- * vifs;6e toute fà phyfionomîe annonçoit de la bonne hu- » meur, de l'enjouement & de la pcnctration.Voici un exem- » pie de fon intelligence. Le Capitaine Cook &r mon Pere » comparant leur Vocabulaire, trouvèrent qu'ils avoient noté » un mot différent pour exprimer le Ciel, & ils s'en rap- »> portèrent à lui pour lavoir lequel des deux termes étoit lô AÀt7*' * véritable. A l'inftant, il étendit une de fes mains vers le ciel, » & il la pofa fur un des mots ; il remua enfuite fon autre » main fous lui, & il prononça le fécond, en nous faifant comprendre que le premier ngninoit proprement le fir-» marnent ; &, le fécond, les nuages qui fe trouvent au-» deifous. 11 nous apprit aufîi les noms de plufieurs Ifles des » environs. Il appelloit Irromanga celle d'où nous partîmes » pour Tanna, &: fur laquelle le Capitaine eut un malheu-» reux différend avec les Naturels. Il appelloit Inimcr, l'Iflc-» balle que nous avions dépaffée en entrant dans le havre ; » Irronan, une autre Ifle que nous avions découverte à l'Eft » de Tanna, le même jour; fie Anattom, une troifieme , au n Sud, que nous n'avions pas encore vue. Ses manières, à » table, furent très-décentes & pleines de grâces ; la feule à» chofê qui nous parut mal-propre, ceft qu'en place de * fourchette, il fe fervoit d'un petit bâton, qu'il portoit » dans fes cheveux, & avec lequel il fc gratoit de tems-cn-» tems la tête; comme fes cheveux étoient arrangés, fui-» vant la dernière mode du pays, à la porc-épi, & remplis » d'huile & de peinture, il nous dégoûta encore davan* » tage ; mais il ne croyoit pas manquer de politciîè. » A u ssi-tôt que nous eûmes remis nos hôtes à terre, le jeune-homme & fes Amis me prirent par la main, dans le defîèin , comme je le préfumai, de me mener à leurs habitations. Nous n'étions pas encore bien loin, que deux ou trois d'entr'eux, je ne fais par quelle raifon, ne voulurent point continuer la route-, en conféquence tout le monde s'arrêta; 6e, fi je ne me trompai pas, l'un deux fut chargé d'aller me chercher quelque quelque chofe; car ils me prièrent de m'aflcoir&d'attendre; — ce que je crus devoir taire. Dans cet intervalle, les Officiers Août. •vinrent nous joindre -, cette réunion parut leur caufer de l'ombrage, 8e ils me preflcrcnt de retournera la grève, avec tant d'inûance, que je fus obligé d'y confênrir. Ils voyoient, avec inquiétude, nos excurfions dans la contrée, & même le long du rivage du havre. Sur ces entrefaites , notre ami Paowang arriva avec un préfent de fruits & de racines, que portoient environ vingt perfonnes; ce j'imaginai que cetoic dans la vue de le faire paroître plus coniidérable. L'un por- coit un régime de bananes ; l'autre une igname; un troificme une noix de cocos, &c. 6e affurément deux hommes amoient porté le tout fort à l'aifc. Ce prefent me fut fait en retour d'un don qu'il avoit reçu dans la matinée: je crus néanmoins devoir payer les Porteurs. Après avoir congédié Paowang, j'allai retrouver Whà-à-gou 8e fes Amis, qui m'arrêtèrent encore. Ils fembloient attendre quelque chofe, avec une grande impatience: je crus m appercevoir qu'ils étoient'honteux d'avoir accepté les deux chiens, fans avoir rien donné en retour. Mais, comme la nuit approchoit, je les prcflài de me laiflèr aller; ils y conîenti-rent, & nous nous réparâmes. On me confirma le nom des Ifles telles que Whà à-goû nous! les avoit dit. On voit de Tanna Erromanco, (M. Forftcr l'appelle Irromanga ) Erronam , ou Footona fie Annamatom. Ces Insulaires me rirent entendre, d'une manière qui me puut tort claire, qu'ils mangent de la ch.ûr humaine> &<]ue la Circoncifion cft pratiquée parmi eux. Ils entame-Tome 11 /. S = rcnt les premiers cette matière, cn me demandant (i nous Août/** mangions de cette chair; fans cela, je n'aurais pas fongé à leur propofer certe queftion. J'ai vu des perfonnes prétendre que la faim feule peut rendre une Nation antropophage, 6e rapporter ainfi cet inage'à la nécefiité. Les Habitans de cette Ifle forment au moins une exception à ce fyftetnc, car ils ont des cochons ,des poules,des racines 6e des fruits en abondance i mais, comme nous ne les avons point vu fc nourrir de chair humaine , nous voulons bien douter, avec ces Phi-lofophes, que ce Peuple foit antropophage. « Nous fîmes une promenade à l'Lft, le long de la côte » de la Baie , cn examinant les bocages qui bordent la =» colline plate dont j'ai parlé plus haut: c'étoient des coco-* tiers, 6e plufieurs efpèccs de figuiers qui portoient des fruits j> comcftibles, à-peu- près de lagroflèùr des figues ordinaires: j> nous obfervâmes auffi divers hangards, fous leiqucls on *> voyoit des pirogues ; mais nous n'apperçûmes aucune habi-» tation y excepté vers la peinte orientale. Nous cn étions m encore à plus de trois cens verges, lorfqu'un grand » nombre de Naturels vinrent nous prier de ne pas nous )> avancer davantage ; d'autres allèrent cn hâte vers le » Capitaine Cook, 6e le conjurèrent de nous rappcller. » Nous e;>sayames enfuite de pénétrer dans le pays, 3, par le derrière de l'endroit où les Matelots rempMbient » les futailles. Un fentier nous conduifit,à travers diflférens » arbriflcaux, fur les collines plates. Nous pafsâmcs au mi- p lieu de quelques clariercs ou prairies enfermées de bois » de rous cotés, ce couvertes d'herbages du verd le plus » brillant. Comme nous montions, trois Naturels vinrent » » à notre rencontre, & tâchèrent de nous perfuader de = m retourner fur nos pas ; mais ils nous accompagnèrent ^ » enfin , voyant que nous étions réfoïus d'aller au-delà « d'un petit bofquct aëré: nous atteignîmes des plantations » étendues de bananes, d'ignames, d'eddoes & de figuiers » qu'enfermoient, en quelques endroits, des murailles de » pierre de deux pieds de hauteur. Nous entendions la » houle batrre la côte au Sud , 6e voyant les trois Naturels » mécontens de ce que nous ne nous arrêtions pas, nous n leur dîmes que il nous continuions notre route, c etoic M feulement pour contempler la mer. Ils nous menèrent à * une petite éminence, d'où nous la découvrîmes à plein , » ainfi que l'Ifle d'Annatom,éloignée de fix ou dix lieues : » cette Ifle paroifîbit d'une hauteur coniidérable , &, quoi-» que moins étendue que Tanna, elle fembloit avoir en-» viron huit ou dix lieues de tour. « Après que nous eûmes examiné cette Ifle, les Natu-» rels nous invitèrent à les fuivre plus loin dans l'intérieur n des terres, 6c ils mirent à cette prière le même empref-» fement qu'ils avoient témoigné auparavant , pour nous 3> engager à retourner en arrière ; mais, comme nous rcmar-» quâmes que l'un d'eux avoit été envoyé en avant, nous »> n'osâmes pas alors nous fier à leurs invitations, qui, peut-» être, étoient fincercs 6e amicales. Nous nous retirâmes donc » peu-à-peu vers la grève, après avoir cueilli une nouvelle s> plante Se apperçu allez de cantons de l'Ifle, pour avoir » grande envie de les examiner. Les Naturels, nous voyant » pêcher, firent attention à notre manière de tirer le filet, >» 6c leurs geftes nous apprirent qu'ils ne connoifïent pas S z l^o Voyage = » cette invention, & qu'ils ne lavent que tuer, à coups do" ^N Août774* * traits, les poiflbns, quand ils fe lèvent près de la furface » de l'eau. Dès que nous avions donne un coup de feine, » ils ne manquoient jamais de demander du poiflbns nou-» velle preuve qu'ils n'en prennent guercs. » Quand ils rcmarquoient quelque chofe de nouveau « pour eux, ils s'écrioient : Héebou. Ils employoient aufli » le même mot dans leurs mouvemens de furprife, dad-*> miration, de dégoût ou de defn;. Les différais tons fur v> lefquels ils traînent lentement, ou prononcent avec rapi-» dite ce mot, exprimoient d'une manière forte les affec-*> tionsdiverfes de leur amc ; ils fùfoient claquer leurs doigts •> en même tems, fur-tout quand ils témoignoient de l'ad-» miration. *> A mon retour à bord, je fus informé qu'un des Travailleurs de la chaloupe, qui alla fur la cote occidentale de la Baie pour prendre de l'eau , voulant tirer une pierre d'une fource, avoit rclfenti à la main une chaleur très-vive. Cette circonftancc fit reconnoître plufieurs fourecs chaudes fur les rochers,que la mer laiilè à fec, dans le tems des quadratures, 10. Le io , M. Walles, &: deux ou trois autres per- fonnes , pénétrèrent au milieu de la contrée : ils arrivèrent vers un petit village ifolé , où ils reçurent beaucoup de civilités de la part des Habitans. Depuis ce tems, les Infulaires, particulièrement ceux du voifinage , furent fi bien réconciliés avec . nous , que toutes nos excurfionsne parurent plus leur caufer d'inquiétude, ni même = de mécontentement. L'après-midi, quelques jeunes Indiens A s'étant approchés de nos Gens qui coupoient du bois, ils leur jetèrent deux ou trois pierres : les Bas-Officiers eurent l'imprudence de taire feu : j'étois dans ce moment fur le rivage , & je fus alarmé d'entendre le bruit des moufquets, & de voir deux ou trois jeunes Indiens qui couroient hors de la forêt. Quand je fus ce qui avoit occafionné cette fufiliade, je fus très-mécontent de ce qu'on faifoit un ufage fi indif-cret de nos armes à feu , & je pris des mefures pour prévenir, dans la fuite, un pareil abus. Le vent étoit du Sud* & le tems par grains, avec de la pluie. « Nous descendîmes à terre , immédiatement après » déjeuner : ceux des Matelots qui y étoient depuis la pointe » du jour , nous dirent qu'ils avoient vu plufieurs des Na-« turcls paiTcr près d'eux , charges de paquets a qu'ils éîoi-» gnoient de la pointe orientale de la Baie dans l'intérieur » des terres : ils croyoient que les Indiens fe retiraient pour » fe mettre hors de la portée de nos armes à feu, Se ne » pas être troublés; mais comme nous n'avons pas vu beau-t> coup d'habitations fur cette partie de la côte, notre arrivée m y attira probablement des autres cantons un grand nombre » de Naturels, qui fe logeoient dans les bois des environs » mais qui retournoicnt alors a leurs cafés , voyant qu'ils » n'avoient rien à redouter de nous. On cflàya de diffiper de » plus cn plus leur défiance , cn comptant, par nos doigts, » que nous ne voulions relier qu'un certain nombre de jours * fur l'Ifle, ôe cette nouvelle parut les calmer & leur faire 142 Voyage a11 "-"......■■■ » beaucoup de plaiiîr, On obferva que les femmes feules *N' Ao' 17^' * Porto*cnc ^CS idéaux > tandis que les hommes mar- »> choient librement 6e fans embarras, chargés de leurs » feules armes. Ce qui prouve que les Infulaires de Tanna « ne font pas encore arrivés à ce degré de civilifation qui » diltinguc les Naturels des Ides de la Société & des Amis ; » car toutes les Nations fauvages traitent le fexe avec une » extrême rigueur. d> Nous nous apperçûmes bientôt de la retraite des » Naturels, car il en vint très-peu fur la grève. Nous pro- » fitimes de l'occafion, pour examiner la plaine derrière « f Aiguade. On y trouva plufieurs étangs d eau fbgnante , M où les Indiens avoient planté de grandes quantités d'ed- » does (arum) \lescocotiers formoient des bocages fpacieux, » remplis de différen s arbiïifcaux, habités par divers oifeaux, » verts de noix,communs à Taïti (Invocirpus nov. gen1). » Ces arbres fourmilloient de pigeons de différentes efpèccs, » ce fur-tout de celle qui cft aux Illcs des Amis, & que * les Naturels apprivoifent. » Il paroît que les Habitans de Tanna chaflènt aux n oifeaux, car un des IJcutenans tua un pigeon, qui avoit 3j deux longues plumes blanches attachées à fa queue avec » des cordons : il crut d'abord que c ctoit un nouvel oifeau » finculicrj mais il découvrit enfuite fon erreur. » Durant cette excurfion , des Naturels vinrent nous » dire que l'un d'entre nous avoit tué deux pigeons, & ' » pour nous apprendre cette nouvelle, ils fe fcrvirent d'une 1 m langue exactement la même que celle qu'on parle aux » Ifles des Amis. Il nous parut qu'ils employoient cette lan-» gue, afin de fe faire mieux entendre, parce qu'ils avoient 3> obfervé fouvent que nous cn prononcions plufieurs mots. » Témoignant notre furprife, fur la counoifîance qu'ils » montroient de cette langue, ils répétèrent alors la même » chofe dans la langue de Tanna , qui étoit totalement d> différente de l'autre. Ils ajoutèrent que le premier lan-» gage fe parloir à Irronam , qui gît à fept ou huit lieues à v> l'Eft de Tanna : peur être une colonie de la même race » qui habite les Ifles des Amis & toutes les Ifles orientales » de la mer du Sud s'cft-elle établie fur cette Ifle, ou peut-» être que les Naturels d'Irronam entretiennent une com-» munïcàtïon avec les Ifles des Amis, au moyen de quelques » Ifles inconnues pour nous ? » Nous fîmes une nouvelle excurfion l'après-midi ; nous » avançâmes jufqu'à près de trois milles dans la plaine, » rencontrant peu d'Habitaus ; nous leur difïons toujours 3î que nous voulions tuer des oifeaux, de à Y infiant ils fe » rètîroicnt fans s'y oppufer. Nous en tirâmes, en • effet , » plufieurs\ mais l'herbe étoic fi épaifié, que nous les pet? » dîmes prefquc tous. Nous pafsâmes près de quelques n plantations de bananes &. de cannes de fucre : nous n'ap- » perçûmes point de maifons ; la plus grande partie du » terrain étoit cn friche , & couverte de grands bois ou de » petits arbrifleaux. A l'extrémité de la plaine, nous obfer- 5 vaincs une vallée longue de fpacieufe, d'où selcvoicnt 555 » des tourbillons de fumée, &C nous entendions un bruit 7+* n confus de voix d'hommes, de femmes & d'enfàns. Nous » fuivîmes un fentier bordé des deux côtés de buiflbns épais, » & la vallée elle-même étoit fi remplie de bocages, que » nous ne vîmes point les Indiens dont la voix avoit frappé » nos oreilles, non plus qu'aucune maifon. «» Durant la nuit, & toute la journée du 11, le volcan devinteJPccffivcment incommode: ilgrondoicd'une manière terrible ; il pouffoit jufqu'aux nues des torrens de feu 6e de fumée à chaque explofion , dont l'intervalle n erôlt guère que de trois ou quatre minutes:du vaiffeau, nous le voyions lancer'cn même-tems des pierres d'une prodigieufegroffeur: les petites colonnes de vapeurs, qui s'éîevoicnt des environs du cratère, nous paroiffjient être des feux allumés par ks Infulaires. Tandis qu'on s occupoit â taire de l'eau &. du bois, nous amenâmes notre grand mât de hune , pour ca-peler fix nouvelles barres maîtreffes, & autant de cal-haubans. « Le feu cn dedans du cratère du volcan éclairoit cn-»> core les nuages de fumée lorlque nous débarquâmes » fur la grève, où nous vîmes peu d'Habitans ; nous nous » rendîmes dans la partie de l'Ouelt, ou nous avions obfervc » un fentier, qui conduifoit à une colline clcarpéc fur le » côté Oueft de la Baie. Nous montâmes fans peine à tra-» vers les plus jolis bocages d'arbres & darbrîïfeaux qui v » croilloient d'eux-mêmes, & qui répandoient par-tout une » odeur parfumée & rafraichiffante. Plufieurs efpèces de » Heurs cmbcllifloient le feuillage touffu ; ce dc> liieroris w enlacés comme le lierre, jufqu au fommet do plus grands » arbres, d v Capitaine Cook. 14^ «î arbres, les ornoient de guirlandes bleues &r pourpres j un » grand nombre d oifeaux volcigeoient autour de nous, & » animoient la fcènc.Nous n'apperçûmes pas un feul Naturel » fur la première croupe de cette montagne, & aucune » plantation n'y frappa nos regards. Après avoir fait environ » un demi-mille par differens détours , nous atteignîmes une » petite clariere couverte d'une herbe molle, & environnée » des arbres les plus charmans de la foret. Le Soleil étoit n alors très-chaud, car cet endroit eft à l'abri de tous les » vents. Nous (entions une vapeur de foufre qui s'élcvoit » du terra in, & qui ajoutoit encore à la chaleur du lieu. A » gauche du fentier, prefque caché par les branches des n figuiers fauvages, il y avoit une petite levée de terre * blanchâtre, & une vapeur s'élevoit continuellement de » cette monticule. La terre étoit fi chaude que nous pou-. m vions à peine y pofer le pied, & nous la trouvâmes im-** ptégnéc de foufre. En la remuant, les vapeurs jailliiToicnt » avec plus de vivacité, & nous y remarquâmes en partie » une qualité flyptique ou aftringente. pareille à celle de y* l'alun. De-là, nous montâmes beaucoup plus haut, &c » nous parvînmes à une autre ouverture du bois qui etoit un m peu flérile.Nousy découvrîmesdeux nouveaux cantons qui n jetoient de la vapeur, mais en moindre quantité, & d'une n odeur moins forte. La terre, qui couvroitees folfaterras, » étoit de la même nature que celle de la première, & le » foufre dont elle étoit remplie , lui donnoit une teinte » verdâtre. Nous recueillîmes aux environs,de l'ocre rouge » de l'espèce qu'emploient les Naturels pour fe peindre le * vifage. Tome ///. T i46 V g y a g e ■.......___ » Le volcan étoit alors plus bruyant que jamais : à NAoût774' ** GnaclL,e cxplofion, la vapeur s elevoit des folfaterras en » beaucoup plus grande abondance qu'auparavant, & for-» moit des nuages épais blancs ; ce qui femble indiquer » quelles ont des liaifons fouterraines avec cette montagne t> brûlante [ dont les convulfions les affectent par des moyens » qui nous font inconnus. Obfervant que c'étoit la fc-» conde fois que les explofions du volcan recommen-n çoient après la pluie, on foupçonna que la pluie les » excite, en quelque forte, en produifant ou en accroifïànt » la fermentation des diverfes fubftances minérales. Après » avoir examiné ces foupiraux fînguliers, nous grimpâmes » encore quelques pas, 6e nous découvrîmes un grand » nombre de plantations cn différentes parties de la forer. » Le lenricr continuoit à être bon, dune pente aiféc, Ôc » environnée de routes parts d'arbres touffus ; mais, à l'ap-» proche des plantations, nous en perdîmes la rrace , & il » fembloir que les Naturels avoient imaginé ce ffratageme » pour ne pas être furpris par leurs ennemis. Enfin nous » atteignîmes le fommet de cette colline, & nous en def-» cendîmes l'autre côté, fur un chemin étroit , entre des » haies de rofeaux, à la vue de la mer qui lave la côte ■> Nord-Eft de rifle. Bientôt nous apperçûmes le volcan » entre les arbres, 8e il nous parut que, pour y arriver, il » nous reftoit encore à taire deux lieues à travers des col- » lines & des vallées. Nous voyions cependant fon éruption, » ainfi que les malles énormes de roches qu'il vomiffoit » parmi les tourbillons de fumée : quelques-unes étoient »> au moins auffi grofîes que le corps de notre longue cha- » loupe. Comme il ne nous étoit arrivé aucun accident, &c t> v Capitaine Cook. 147 » que nous n'avions pas rencontre lin feul Naturel, nous ' * » penfions à en approcher, mais, en caufuu, nous ajar- AN^'0Jlt7,74' » mâmes fins cloute les Infulaires des plantations -> car, à » Imitant, nous en entendîmes un ou deux qui fouffloient » dans de grandes conques, dont les Nations fauvages, & » fur-tout celles de la Mer du Sud, fe fervent pour fonner » le toclin. Nous réfolûmes alors de retourner fur nos pas, » &,fans être découverts par les Naturels ,nous regagnâmes » la folfaterra que nous avions découverte la dernière. » Dis Indiens, qui venoient du bord de la mer, nous ren-» contrèrent fu r la colline, & femblercnr forr furpris de nous •» trouver fi avant dans leurs retraites. Nous leur dîmes que » nous nous promenions pour tuer des oifeaux, & nous les » priâmes de nous apporter quelque chofe à boire j mais h ils s'en allèrent, fans paraître faire arrention à notre de-» mande : après avoir herborifé plus d'un quart-d'heure, & 73 au moment où nous nous préparions à defeendre, des » hommes, des femmes & des enfàns qui nous apportoient » des cannes à fucre, & deux ou trois noix de cocos, atti-» rerent nos regards. Nous nous afsîmes ; &, dès que nous » eûmes bu le fuc de ces végétaux, nous fîmes des préfêns » à ces Infulaires hofpitaliers, & ils nous quittèrent bien » contens. Nous emportâmes les morceaux d'Hiftoire Na-» turelle que nous avions raflemblés, & nous atteignîmes n la grève au moment où les chaloupes fe rendoient à » bord. » Les Naturels avoient commencé à nous vendre » des ignames, des cannes de fucre, des noix de cocos & T i ; » des bananes, 6e nous espérions en obtenir davantage na couchoit en joue, il jeta les armes dans le buiifon, il le » traîna à quatre vers nous: je crois qu'il n avoit réellement » aucune mauvaifc intention, quoiqu'il fut dangereux de fe » fier à ces fortes de badinage. A la pointe orientale du » havre, nous cueillîmes de belles rieurs rouges, qui nous » tentoient, depuis que nous étions à l'ancre : elles appar- tenoient â une efpèce d'Yamboos ou d'Eugenta. Comme » nous allions traverfer la pointe , de pourfuivre notre 3> marche au-delà le long de la côte , quinze ou vingt * Naturels fe précipitèrent autour de nous, de nous fup- « plièrent initamment de revenir fur nos pas. Nous n'avions » guercsenvie de les fatisfairc y mais ils réitérèrent leurs prie- ?> res, de enfin ils nous dirent par lignes qu'on nous tuercit de » qu'on nous mangerait. On nous avoit déjà annoncé la » même chofe par des geffes un peu moins intelligibles '— t » mais nous y avions fait peu d'attention, &, fur un fi lCgCr AN*'0At774* » témoignage, nous ne les fupposâmes point Antt opophages. » A la fin cependant nous ne pouvions plus nous y « méprendre j car, comme nous paroifïions ne pas les » comprendre , &: qu'au contraire femblant croire qu'ils » nous offraient des provisions, nous continuâmes notre » route, en témoignant que nous ferions bien-aifede manger, » ils mirent beaucoup d'empreffement à nous détromper, » ce ils nous montrèrent, par figues, comment ils tuoient „ un homme , comment ils coupoient fes membres, & » féparoient fa chair de fes os : enfin ils mordirent leur *> propre bras , pour exprimer plus clairement qu'ils ■ mangent de la chair humaine. » Nous tournâmes donc le dos à la pointe, pour aller Ti vers une hutte que nous obfervions à cinquante verges *> delà, à l'endroit où le terrain commençoit à monter. » Quand ils virent que nous avancions ainfi, plufieurs fot- » tirent armés de la hutte, peut-être pour nous forcer à t, reculer. Ne voulant pas offenfer ce Peuple dans fon » propre pays, nous réprimâmes un efprit de curiofité , n qui aurait pu devenir fatal à quelques-uns dentreux, * s'ils nous avoient obligés à défendre nos vies. Le motif * qui nous amenoit fur cette pointe, étoit cependant im-» portant. Tous les matins , à la pointe du jour, nous 3> entendions de ce coté un chant folemnel &c lent qui durait » plus d'un quart d'heure ; nous le prîmes pour un acf e » religieux : nous crûmes qu'une efpèce de remple croit » caché dans ces bocages, & les efforts que les Naturels 11 b 33 ne cefferent pas de faire, afin de nous cn écarter, con- NN- » firmerent notre fuppofition. 33 Après avoir commencé à revenir fur nos pas, nous »s réiblûmcs de monter fur la colline plate, dans un endroit 33 allez proche de la pointe, où la pente étoit aifée, £e » où nous comptions pouvoir faire quelques obfèrvations. » Arrivés au fommet, élevé d'environ trente-cinq ou qua-» rante pieds d'élévation perpendiculaire , nous nous » trouvâmes dans une plantation fpacieufe , compofée » principalement d'une quantité innombrable de bananiers, » 8e entre-mêlée de cocotiers & d'autres grands arbres 33 touffus, qui arrêtoient entièrement la vue de tous cotés: » elle étoit féparéc des autres plantations, par différentes 3» haies de rofeaux , très-proprement faits & refïèmblant 33 beaucoup a celles d'Amflerdam 8e de Anamoka. Les 3> Naturels nous réitérèrent leurs menaces, & ils nous aÇ » furerent par des fignes encore plus énergiques que nous » ferions tués 8e mangés, fi nous allions plus avant. Nous s» répliquâmes toujours que nous voulions feulement tirer » des oifeaux; mais ils ne parurent pas goûter cette exciifc, □s 6e il auroit fallu retourner fur-le-champ , fi nous n'avions » pas rencontré notre ami Paowang (a). Nous temoi-» gnàmcs une joie réciproque de nous retrouver , 8e le » vieillard nous conduifit à Initiant le long du bord de la 33 colline, vers l'extrémité occidentale. Nous y vîmes un »3 grand nombre de figuiers que les Naturels cultivent autant 33 pour les feuilles que pour les fruits j il y en a de deux ou (a) M. Forikr l'appelle ' Paw-yangçm. »> trois différentes efpèccs i lune, en particulier, donne des » figues d'une grofïèur ordinaire, dont la peau cfl iameufe » comme' celle de la pèche : elles ont une belle pulpe era~ » moifie, comme les grenades : elles font douces & aqucufcs, » mais un peu infrrj>ides. L'Yamboos ou Eugenia, fruit » fondant Se rafraîchiflanr, de la groffeur des poires, qui » a un gotit aigrelet, agréable, croît' auffi en abondance » fur de grands arbres, fie nous y obfervâmes quelques » choux palmiftes {Areca okracta). En paffant un petit » fourré d'arbi iffeaux fleuris, nous atteignîmes , en peu de » minutes, une belle favahne de cent verges en quarté, fur » les bords de laquelle nous comptâmes trois habitations j » des arbres élevés, parés d'un riche feuillage , cachoient » tellement cette retraite, qu'on ne l'appcrcevoit pas de » dehors. Nous y remarquâmes, dans Un coin de la prairie^ un immenfe figuier fuivage , dont la tige avoit trois » verges de diamètre, & dont les branches s erendoient à » au-moins quarante verges de tous cotés, d'une manière » très-pittorefque. Au pied de ce bel arbre, qui confervoit » toute fa vigueur , une petite famille, afïife autour d'un » feu, rôtiffoit des bananes & des ignames : ces Indiens » s'enfuirent dans leur hutte , à notre approche -, mais, quand » Paowang leur eut dit qu'ils n'avoient rien â craindre, ils w revinrent : les femmes ce" les filles cependant fe tinrent f> fort loin, ce jetèrent fur nous un coup-d'ceil furtif de » derrière les buiffons. Nous nous afsîmes parmi eux , & « ils nous offrirent ouelques-uncs de leurs provifions, avec w cette hofpitalité qui' nous avoit enchanté fur les autres « Ifles*, leuts cabanes nctoient, à proprement parler, que •> de grands hangards : le toit qui forme un faîte au fommet, Voyage ' » defcend jufqu a terre : elles font ouvertes aux deux extré- " » mités, où il n'y a qu'une elairevoye de rofêaux & de » hâtons d'environ dix-huit pouces de haut. L'élévation ■I du faîte, dans les plus vaftes, étoit de neuf ou dix pieds, » & la largeur fur le plancher, entre les toits, d'à-peu-près y> autant : la longueur étoit confidérable, & furpaffoit trente- » cinq pieds. La conftruction de ces cabanes eft très-fimplc: » des pieux plantés en terre fc recourbent les uns vers les » autres en deux rangées, &font attachés enfemble : ils met- » tentpardeffus plufieurs nattes de feuilles de noix de cocos, » qui forment une couverture fuffîfante contre l'inclémence a» de l'air : nous n'y vîmes ni meubles, ni uftenfiles : le » plancher étoit revêtu d'herbes féches , & en quelques » endroits de nattes de feuilles de palmier. Nous obfer-vâmes aufïî que la fumée avoit noirci tout l'intérieur, » & nous trouvâmes, dans chaque habitation , plufieurs- » foyers : au milieu trois grands bâtons de tiges de coco- » tiers, & joints au fommet par des lattes de traverfe , *> étoient debout près les uns des autres : un grand nombre » de petits bâtons y étoient attachés depuis le fommet » jufqu'à neuf ou dix pieds de terre , & ils portent de » vieilles noix de cocos : comme ils fe fervent de » l'huile de l'amande, & qu'ils font des bracelets avec la as coque, ils les fufpcndent probablement ainfi pour les 3> conferver. 33 Tous les bords de la colline plare, où nous ne vîmes 33 point d'habitations, font, comme je l'ai déjà obfervé, » remplis d'une quantité immenfe de cocotiers fauvages, & » le terrain au-deffous eft couvert de noix, dont ils cueillent 33 feulement to feulement un nombre peu coniidérable. Quelques-uns de » ces pecirs morceaux d'étoffes, qu'ils portent en ceintures, NA0ta +" » étoient au haut des buiffons qui environnoient la prairie, » ainfi que les préfens que Paowang avoit reçus, 6e parmi » Icfqucls il y avoit un chapeau bordé. Ce fût pour moi une » preuve convaincante de leur bonne-foi à l'égard des uns » des autres. Les Taïtiens font ordinairement obligés de » fufpendre leurs ficlieflès aux toits de leurs maifons, pour » les ôter de la portée des voleurs -, mais ici elles font en » fùrcté fur le premier builîbn. A l'appui de cette remarque, n, j'obfervcrai que, durant notre féjour parmi les Infulaires n de Tanna, ils n'ont pas dérobé la moindre bagatelle à o qui que ce foit de l'équipage. » Les Naturels voyant que, quoique nous regardafTîons >> dans leur hutte, nous ne leur faifioris aucun mal, nous ne » déplacions, ou nous ne prenions rien, fe familiarifêrcnt » bientôt avec nous j 8e les petits garçons de 6 à 14 ans, qui juf » qucs-là s'étoient tenus décote, s'approchèrent, ôenous per-» mirent de leur prendre la main. Nous leur donnâmes des » médailles , des rubans de foie & des mouchoirs d'étoffe » de Taïti, qui nous concilièrent entièrement leur affeo » tion , 6V: bannirent le refte de leur frayeur 8e de leur ■» réferve. Ayant appris les noms de tous, nous les conférai vâmes dans notre mémoire ; 8e cet artifice nous fcivit p» à gagner leurs bonnes grâces: ils étoient tranfportés de •» joie,dès que nous nous fouve.nions d'eux, 8e ils accou-» roient dès que nous les appellions. Quand nous eûmes *> palfc quelque tems avec eux, nous nous mîmes en marche P pour retourner à la grève, 8e le vieil Paowang ne fe fou-Tome III. V i «54 Voyage "■■,.■! » ciant pas de nous accompagner, parce que le Soleil alloîf :^J7^ 5> & coucher, ordonna à deux ou trois jeunes-gens de nous » indiquer la route la plus courte. Nous lui fîmes de ten-» dres adieux,5enous ajoutâmes quelque choie aux pré-» fens qu'il avoit déjà reçus. Chemin faifant, nous dîmes à » nos Conducteurs, en montrant des cocotiers près de la » grève, que nous avions foif,& que nous ferions bien aife » de boire le jus des noix ; & à l'infrant ils nous menèrent, * par un autre fentier, à des palmiers qui étoient au milieu y> dune plantation; là, ils cueillirent des noix, qu'ils nous » offrirent avec bonté; mais, en goûtant la liqueur, nous » reconnûmes qu'ils nous avoient donné une marque par-y> ticuliere de civilité 6e d'attachement : car ces noix étoient » beaucoup meilleures que celles qu'on trouvoit près de la » grève. Les arbres étoient bien foignés ; ceux du bas *> de la colline étoient abandonnés à eux-mêmes, tandis que » la culture des Habitans portoit ceux-ci au plus haut •» degré de perfection. On fait que la culture améliore le -o cocotier, ainfi que les aurres arbres, & les Javanois ont 33 différentes efpèces, dont les noix font beaucoup plus » exquifes (a). Celle qui eft commune aux Ifles de la 3» Société, eft une des meilleures: elle doit aufîi fon cxcel-» lente qualité à la culture, & je ne me fouviens pas d'en x. avoir vu aucun reffemblant au palmier fauvage de Tanna, 33 qui croît jufques fur les montagnes. Quand nous fûmes 33 bien rafraîchis, nous retournâmes au rivage, &,en peu -« de minutes, nous rejoignîmes ceux des Matelots qui fai- (a) Voyei la, Collection d'Hawkfaorui > Tome IV. de la Traduction Franc oife. «b foicnt de l'eau. Après avoir récompenfé nos Conducteurs, ■■' " ■ • » le mieux qu'il nous fut poffible, nous allâmes coucher à ^N^0*r77*' tu bord. » Le volcan étoit agité de convulfions; & les cendres qu'il vomiffoit avec le feu,obfcurcifîbicnr l'air. La pluie, qui tomba dans ce moment, étoit un compofé d'eau, de fible 6e de terre; de telle forte qu'on pouvoit l'appcller une ondée de vafe. Nous étions couverts de cendres, à moins que le yent ne foufflât, avec force, dans une direction oppofée. « L'espèce finguliere de folfaterra de la colline occiden- r îs «taie, occupoit fi fort notre attention, que nous nous y » rendîmes le lendemain au matin. Quelques Officiers, & » M. Hodgcs,nous accompagnèrent. Le volcan continua à » gronder toute la journée,& à vomir des quantités prodi-« gieufes de petites cendres noires, qui, examinées de près, •» furent reconnues pour des shorls de forme d'aiguilles » à demi - tranfparentcs. Tout le pays étoit jonché de ces » particules, 6e, en herborifant, elles furent très-nuifibles à nos » yeux, parce que chaque feuille en étoit entièrement cou-a» verte. Il faut dire que le volcan & fes productions, fem-d blent contribuer beaucoup à cette richeilc de végétation , n qui cft fi remarquable fur cette lue. Plufieurs plante^ y » prennent deux fois la hauteur qu'elles ont dans les autres » contrées ; leurs feuilles font plus larges, leurs fleurs plus » grandes 6eleur parfum plus fort. On a fric la même obfer-» vation dans les différentes terres volcaniques : le fol du » Véfuve 6e de l'Etna palîe pour le plus fertile de I Italie &c * de la Sicile, 6e on cn tire des vins qui font au nombre des » plus exquis que produife l'Italie. Le terrain volcanique de y i - y> l'Habichtfwald, cn HcfTc , quoique finie dans un pays" T «élevé, froid & ftérile, cfl: couvert de verdure & d'une » fertilité étonnante. Les plantes indigènes & étrangères y » croiffent cn foule & cn abondance. On y trouve les jar* » dins du Landgrave, qui ravi/lent tous les Spectateurs. Pour » nous borner ici aux lieux que nous avons parcourus dans » ce Voyage, les Ifles de la Société, les Marquilcs, ce qucl-» ques-unes des Ifles des Amis, où nous avons apperçu des » relies de volcan , ainfi qu'Ambrym & Tanna, où l'on » voit des montagnes brûlantes, ont un fol fertile, où la » Nature déploie la magnificence du régne végétal. L'Ifle de » Pâquc'cllc-mtme, entièrement boulcvcrféc par des érup-» tionsde volcan, produit des végétaux Bc des racines utiles, » fins autre fol que des cendres & des pierres-ponces, quoi-» que la chaleur ardente du foleil furîit feule pour dcifcchcr » &: détruire toutes les plantes. » Nous atteignîmes bientôt le premier endroit d'où * jaillilloit la fumée; mais, voyant au-deifus de nous des ■» Naturels, nous montâmes vers eux, fans nous arrêrcr. » C'étoient les mêmes qui nous avoient fi bien traité la *> veille; &, dès qu'ils nous découvrirent, ils envoyèrent » trois d'enti'cux dans l'intérieur du pays. M. Hodgcs def-» fina des points de vue, tandis que nous examinions des » plantes ôC que nous fuf~pcndiun& un thermomètre, avec une » échelle de Fahrenheit, fur un arbre à l'ombre. Ce ther-„ momètre fe tenoit â 7811 à bord du vaifleau, à huit heures •>& demie, tems de notre départ: comme celui qui les •> portoit l'avoit appuyé près de fon corps, il s'étoit élevé à » 87'' ;mais, après avoir été fufpcndu cinq minutes à un » arbre, à vingt verges de la folfatcrra, il reftu à 80". Nous r> u Capitaine Cook. i^j s> fîmes un trou en terre, allez profond pour contenir le ■ ; ■ ' j » thermomètre dans toute fa longueur, 6e le tenant dans Ann. 1774. 1, 1 a -i t Août. » ce trou au bout dun bâton, il monta en une demi- » minute à 170''. Nous l'y laifsâmes quatre minutes, 6e, à » la fin de ce tems, il marquoit encore le même degré. » Au moment où on le fortit, il tomba à ioV,6e infen- » fib'cmcnt dans peu de minutes à 8od. La vapeur, qui » partoic de cet endroit, étoit par conféquent très-chaude. * Les Naturels , qui sapperçurent que nous creufions ai dans la folfaterra, nous prièrent de ccfîèr, en nous difrnt » que le terrain prendrait feu , 6e qu'il refTemblcroit au 9» volcan qu'ils appellent Affobr. Ils paroiffoient beaucoup » appréhender quelque malheur, 6e ils étoient très-mal à » leur aife,dès que nous faifîons la moindre tentative pour » remuer la terre fulphurcufc. En montant plus haut, nous » trouvâmes d'autres endroits fumans, 5e de la même nature » que celui qu'on a décrit. Les Meflàgers que ces bons In- y> dièns avoient dépêché , revinrent alors avec des cannes de » fucre èe des noix de cocos, 6e nous régalèrent, comme le » matin de la veille. Après ce rafraîchilfement, nous nous » avançâmes encore plus haut, vers une autre colline que » nous apperçûmes, 6e d'où nous eïpériohs voir le volcan de » pins près. Mais, à l'approche de quelques plantations, 33 les Naturels fortirent 6e nous indiquèrent un fentier qui, 33 à ce qu'ils prétendoient, menoit directement au volcan ou 33 à l'Afibor. Nous le fuivîmes, l'cfpace de plufieurs milles, »à travers dïfféreris dérours, environnés de bois qui nous » çachoient le pays de toutes parts. Enfin nous atteignîmes » la côte de la Mer, d'où nous étions partis, 6e nous recon- wnûmes, ou du moins nous jugeâmes que les Naturels ,, . » avoient eu lad refte de nous écarter ain(î de leuts habitai NAoîlr774* " r*lons' ^'un d'eux, S1" ^tOÎC très-intelligent, nous donna les » noms des Ifles des environs, dont quelques unes étoient » dans des directions où nous n'avions pas été. Comme nous » favions que le Capitaine Cook avoit déjà raflemblé des » noms de Terres, qui enfuite fe trouvèrent être des dif-» tricts de l'Ifle de Tanna, nous lui demandâmes particulier » rcment (i les endroits dont il parloit étoient aufli h tués fur » cette Ifle; mais il dit expreilement qu'il y avoit la Mer » ( Tajftt ) enir'eux: &, nous voyant tracer des cercles dif »> férens fur le papier, il ajouta, par lignes, que nous ne nous trompions pas. si Nous fîmes, l'après-midi, une excurfion autour » de la colline plate, au Sud-Eft; nous cueillîmes de » nouvelles plantes, 6e des Naturels s'offrirent à nous » mener à la Mer de l'autre côté. Obièrvant qu'ils ne vou-3> loient que nous reconduire à l'Aiguade par un autre » fentier, nous les quittâmes pour marcher leuls à travers » les plantations, dont plufieurs étoient enfermées de haies » de rofeaux de cinq pieds d'élévation;mais un autre Infu-«3 laire vint bientôt après nous, & nous ramena a la grève » de l'autre côté de l'Ifle. Nous vîmes, une féconde fois , » l'Ifle d'Anattom; 6e le Naturel tournant fon doigt un x> peu au Nord , nous dit qu'il y avoit une féconde Ifle 93 appcllée Eetonga:cequi confirme l'idée que j'ai hafardée » ailleurs, que Tanna communique avec les Ifles des Amis. » Le nom de Ectonga refîcrnblc beaucoup à celui de Tonga* » Tabboo; 6e quelques-uns des Habitans de l'iflc de Mid-» delburg, ou d'Ea-Oowha, l'appellent réellement Ectonga- » Tabboo.Tabboo, la dernière partie du mot, fe place aufîi 1 » comme affixe aux autres Ifles de la Mer du Sudjfavoir, ANN; J774« . . .. Août. * » Tabboo-Amannoo ( Ifle de Scanders ) & Tabboo-Ai (a). » Je ne veux pas dire que l'Ectonga des Infulaires de Tanna »foit fille dcTonga-Tabboojmais il y a lieu de croire » qu'une autre Ifle de ce nom, giflant du côte des Ifles » des Amis , facilite la communication entre les deux » Archipels. Après avoir fatisfait notre curiofité, nous re-» tournâmes fur la grève, dans la Baie où nos Gens avoient » pris environ a 50 liv. de poiffon. Cette Baie cfl très-poiflbn-» neufe-, ce quelques-uns des Bas-Officiers qui fe donnèrent » la peine de pêcher, prirent, pendant la nuit, plufieurs » albecores &des cavalhas d'une dimenfion prodigieufe. On » avoit pris, la veille, deux poiflbns de l'cfpècc de ceux s? quiempoifonnerent tant de monde à Mallicolo; mais » quoique je fouhaitaffe beaucoup de defîiner &dc décrire » cette efpèce, afin de mieux avertir les Navigateurs d'être ao fur leurs gardes, tel fut Fempreffcment avec lequel les » Gens de l'équipage s'emparèrent de ces alimens frais, que, » malgré une funcile expérience qui devoit les rendre figes, » ils coupèrent, falcrent & poivrèrent le poiffon au moment » où il fortit de l'eau. Heureufcment ceux qui en mangeai rent n'en furent pas incommodés ; nouvelle preuve que le » poiffon qui empoifonna les Officiers à l'Ifle de Malli-» colo , s'étoit nourri de végétaux venimeux , & avoit *> acquis par-là une mauvaife qualité , qui ne lui eft pas » naturel. Nos Matelots comptèrent fur l'épreuve delacuil-* 1ère d'argent, qui ne fut point du tout fouillé 3 après qu'on (a) Ifle dont nous ont parlé les Taïticn*. - » l'eut Ait cuire avec le poiflbns* mais on fait aujourd'hui que Xoù77^' M cettc niarque cft extrêmement trompeufe, 6c qu'il n'y a w que quelques cfpèces de poillon qui répandent fur ce 3> métal une couleur extraordinaire. Les Naturels conti-» nuoient à nous vendre des ignames ; mais ces échanges n'étoient pas confîdérables : ils ne vouloient que de L e-» caille de tortue. Comme nous n'avions pas compté que » cet article fût jamais de débit, nous en avions feulement » de petits morceaux qu'on avoit achetés, par ha fard , à » Tonga-Tabboo. Ceux qui cn poffédoient ne furent pas » en profiter. Nonobftai t b dégoût que nous caufoient les » viandes falées, le Matelot, fans penfer à l'avenir, vendoit 3î fon écaille de tortue pour des arcs 6c des traits, au-licu d'en » acheter des ignames, qui lui euffent fervi de provifion 33 cn mer. » t). Le 13, nous eûmes le vent du N. E. 8e le tems couvert. Paowang dînant avec nous, je profitai de l'occafïon pour lui montrer différentes parties du vaifleau , 6c diverfes richef-fês, cfpérant qu'il y au r oit peut-être des chofes auxquelles il attacherait quelque prix, 6c que, pour les avoir, il nous vendrait des rafraîchifremens : car nous n'en avions encore obtenu qu'une très-petite quantité. Mais il regarda tout avec la plus grande indifférence, & il ne fit attention à rien, £ l'exception d'un fable qu'il parut admirer, &c qu'il tourna deux: eu trois fois dans fi main. « Nos petites courses, dans l'intérieur du pays, n© » produifoient pas afîez de découvertes cn Botanique, pour ■* nous obliger à paflçr un jour entier au vaiffeau , afin de » les arranger. les arranger. Nous allions donc à terre tous les matins. "' * Ayant monté la colline plate à l'Eft, nous nous tcn- AhU^Q(iJ7^' dîmes près de nos Amis, qui vivoient avec Paowang t nous arrivâmes aux plantations, fans être vu des Naturels : ils venoient, cn petit nombre fur la grève, parce que leur curiofité étoit fatisfaitc. Nous entendîmes un homme coupant un arbre avec fi hache de pierre, 6c nous l'obiervâme's long-tems à travers lcsbuilfons: l'arbre n'avoît pas la groffeur de la cuiffe, & ce toit cependant une entreprife très-laboricufc que de l'abattre, à l'aide d'un pareil inftrument. Arrivés près de lui, il quitta, fur-le-champ, fon ouvrage pour nous parler. Plufieurs petits garçons, qui fe reffouvenoient de nous avoir vu, nous appcllerent par nos noms, & nous apportèrent des poignées de figues 6c d'yamboos; 6c les femmes fc hafarde-rent auffi à s'approcher de nous, & à nous regarder. En examinant la hache dont fe fervoit l'Indien, nous la trouvâmes exactement pareille à celle des Ifles de la Société & des Amis. Le tranchant étoit d'une pierre noire rcffemblant aux bafaltcs quon emploie fur ces Ifles : il nous dit qu'on les tiroit de l'Ifle d'A nattom. Il nous montra en même-tems une autre efpèce de hache, à laquelle un coquillage brifé étoit attaché cn place de tranchant; il nous apprit que ce coquillage, qui paroifloit faire partie d'une coquille mitrée, [valuta mura) venoit de rifle-baffe d'Immer ,à quelques lieues au Nord de la Baie. Il enlevoit les arbres 6c les brouflâilles d'une pièce de terre, où il vouloit planter des ignames; il avoit déjà extirpé une grande quantité de buiflons amoncelés cn tas, 6c auxquels il fc difpofoit à mettre Tome II/. X r^.^r^ » le feu. Nous nous rendîmes de-là vers la côte de la Aoiîr n mcr c^ans ^'luCrc Pamc &c l'Ifle j fuivis de plufieurs petits » garçons. Nous tirâmes quelques oifeaux fur notre route j as & je raffemblai de nouvelles plantes dans les plantations 93 dont la pofition étoit délicicufe : il y avoit beaucoup de 33 plantes odoriférantes, & d'autres qui fembloient a /oir été » cultivées pour le coup-d'œil qu'elles produifoient, comme *> cela fc pratique dans nos Jardins. J'y remarquai auffi la 33 catappa dont les noix ont une amande excellente, deux fois aufîi grofles qu'une amande ordinaire : il étoit alors y> dépouillé, de fon fcu':liage ; mais les noix de la dernière y> faifon pendoient encore à fes branches : les petits garçons » avoient la bonté de brilcr entre des pierres , la coque » dure, ce ils nous préfentoient l'amande fur des feuilles » vertes. Ils nous offroient leurs ferviecs auffi afliduement » que les Taïtiens & dans des vues moins intéreflëcs. Si » nous avions cueilli une plante fans pouvoir en découvrir » une féconde qui fût femblable, nous ne faiiions que la leur » montrer, 8e ils couroient la chercher aux endroits où ils 33 favoient qu'elle croît: comme ils aimoienf paffionnément » à nous voir tirer, ils s'empreffoient à nous montrer des »3 oifeaux au fommet des cocotiers, & ils étoient tranfpor-» tés de joie, quand le coup porroit. Nous apperçûmes, » près de chaque hutte , des volailles & des cochons bien n nourris; ce, de tems-en - tems, nous obfervions des rats « qui couroient fur le chemin, ôe qui étoient de lefpcce « commune aux autres Ifles de la mer du Sud ; ils oc-» cupent en particulier les champs de cannes à fucre, & » ils y font beaucoup de déprédations. Les Naturels » avoient creufé tout autour de ces plantations, des trous * dans le/quels ils prenoient ces animaux. Nous longeâmes » la grève au Nord allez long-temps, pour gagner la n. pointe, que les Naturels de l'autre côte de l'Hic nous » avoient empêché, à diverfes reptiles, d'examiner. Je rc- * marquai fur le rivage de petites huttes, que nous prîmes » pour des habitations de pêcheurs, & nous en conclûmes » que nous nous étions trompés, en fuppofant qu'ils ne » fa voient pas pêcher; nous n apperçûmes cependant ni » Habitans, ni filets, ni poiffons dans ces huttes, mais n feulement des darts, dont ils fe fervent peut-être comme » des harpons. Les Indiens, qui nous fuivoient, furent fort » alarmés, quand ils nous virent marcher vers la pointe,& » ils nous fupplicrent inftammenr de renoncer au projet » d'examiner cette partie de rifle. Ils nous dirent de nou-» veau, par lignes, qu'ils mangent de la CTiair humaine, » & il ne faut pas douter que cet vtùtgc ne règne parmi » eux. Ceux qui prétendent que les hommes ne deviennent » Antropophagcs que dans la plus cruelle nécclTîté, auront * peine à imaginer pourquoi une Nation, qui vit dans un pays » fertile, qui a une grande abondance de nourritures ani-» malcs, & qui cft bien pourvu d'animaux domeftiques, » cft cannibale- Il eft plus probable que l'efprit de ven-» geance a enfanté cette coutume. Les Infulaires de Tanna » ont entr'eux des brouillcries domeftiques, ou ils font » fouvent la guerre aux Infulaires voifms. La conduite ré-a» fervée & défiante qu'ils tinrent d'abord à notre égard* *> ainfi que l'habitude où ils font d'aller toujours armés, •» femble prouver clairement la vérité de cetteaffcrtion.il * y a donc lieu de croire que la violence du rcflentiment w les a conduit peu-à-peu à l'tifage de manger la chair 164 Voyage -' 1 » humaine. Nous ne connoiffons point du tout les railons AN Août774 * ^ *es Porto'ent: h nous interdire l'approche de la pointe » orientale du havre. » En retournant fur nos pas, nous rejoignîmes nos » Tndiens; ce qui leur cailla beaucoup de plailir. Ils nous » conduilirent par un fentier nouveau, à travers des plan-» tations fertiles Se en bon ordre. Les petits garçons cou-» rurent devant nous, en nous donnant différentes preuves » d'habileté dans leurs exercices militaires. Ils jetoient une » pierre avec adreffe, 8e ils fûfoient ufage d'un gramen ou ro-» feau verd en place de dart. Leur dart ne manquoit jamais » de frapper le but, Se ils imprimoient tant de force au rofèau •» que le moindre fouffle d'air pouvoir détourner de fa » route, qu'il ffntroit de plus d'un pouce dans du bois : ils » le balànçoient entre la jointure inférieure du pouce 8e la *> main, fuis le toucher des doigts. Les petits enfuis de » cinq ou fîx ans, s'accoutumoient déjà à cet exercice, 8e » ils fc préparaient à manier un jour leurs armes avec 5» fuccès. Dirférens détours nous reconduifirent aux habi-» tations , où les femmes apprêtoient leuts dînes. Elles » grilioient des racines d'ignames Se d'eddoes, fur un feu » allumé au pied d'un arbre. Notre approche les fit tref-» faillir & les mit en fuite -, mais nos Conducteurs les tran-x> quillilerent, Se elles continuèrent leur opération. Nous » nous afsîmes au pied d'iui arbre, devant une des maifons, » Se nous efîâyâmcs de caufer avec ces Indiens, tandis qu© ' » quelques-uns d'eux étoient allés nous chercher des rafraf-» chiflemcns : je notai un grand nombre de morsdelcusr • langue, Se nous eûmes le plailir de fatbfîirc leur curiofité „ » relativement à nos habits, nos armes, &c. fur Icfquels ils g=feg=g3 » n'avoient pas encore ofé nous propoier une feule qucf- JJ^7** » tion. Les Habitansdes plantations voifmes, apprenant notre » arrivée, le rallemblcrcnt en foule autour de nous-, & parurent fort charmés de ce que nous convenions amicalement ce familièrement avec eux. Je fredonnai, par hafard, une chanfon, & ils me prièrent inftammenc de » chanter; &, quoiquaucun de nous ne fût habile Mufi- n cien, nous fatisfîmes leur curiofité, & nous leur chantâmes » différens airs. Les chanfon s allemandes & angloifes, fur- » tout les plus gaies, leur plaifoient infiniment ; mais les » tons fuédois du Docteur Sparrman, obtinrent des applau- » diffemens univcrfels. Quand nous eûmes fini, nous les » priâmes de vouloir bien auflî nous donner une occasion » d'admirer leurs talens, &: l'un d'eux commença à Imitant • un air très-fimple, mais harmonieux; nous n'en avions » jamais entendu un auffi bon chez les différentes Nations » de la Mer du Sud. Il embraffoit une plus grande quan- » titc de notes que ceux de Taïti, ou même de Tonga- » Tabboo, ce il avoit un tour férieux qui le diÛinguoic « avantageufement de la mufique plus douce 6e plus effé- » minée de ces Ifles. Les mots paroiffoient difpofés en » métré,& couloient de la bouche avec aifance. Dès que » le premier eut fini fi chanfon, un autre en entonna une » féconde : la compofition en étoit différente, mais tou- » jours dans ce ftylc ferieux, qui indique le caractère général 3- du Peuple. En effet, on les voyoit rarement rire de bon » cceur, ou badiner comme les Nations plus polies des » Ifles des Amis & de la Société, qui favcntdéjà mettre un. » grand prix â ces petites jouiffaiiccs. Les Naturels nous ■ r 66 Voyage ~ ■ » montrèrent auffi, cn cette occafïon, un inftmmcnt mufï- N Août7+' 73 ca^ composé de huit rofeaux, comme le fyrinx de Tonga-» Tabboo , avec cette différence que lagroffeur des rofeaux » décroifloit en proportion régulière, % qu'il comprenoitun » octave, quoique les rofeaux ne fuffent pas parfaitement » d'accord. Peut-être qu'ils auroient joué devant nous de » cet inftrument, fi l'arrivée de quelques uns de leurs Com-» patriotes, qui venoient nous offrir des noix de cocos, a> des ignames, des cannes de fucre & des figues, ne nous » avoit obligé de négliger les Muficicns, pour nous occuper » de ceux qui nous apportoient un pareil préfent. Je rc-» grette beaucoup que l'ingénieux Ami, qui a eu la bonté » de me communiquer fes Remarques fur la Mufique des » Ifles des Amis, de Taïti cède la Nouvelle-Zélande, n'aie » pas également vifité rifle de Tanna, n Si j'ai observé que l'efptit de vengeance eft très-vif » parmi les Infulaires de Tanna, je dois convenir en même-» tems que la bienveillance & l'amour des hommes ne font 5î pas entièrement bannies de leur cceur. Comme la guerre » trouble probablement leur vie, on ne doit pas être fur-s» pris de la défiance qu'ils témoignèrent tous, à notre » égard, les premiers jours de notre arrivée ; mais, dès qu'ils » furent convaincus de nos intentions pacifiques, ils fe livre-*> rent à leur véritable caractère. Ils ne firent pas beau-» coup d'échanges, parce qu'ils ne jouiffent pas dune opu-» lence égalé à celle des Taïtiens ; mais l'hofpitalité ne con-» fjfte point à donner une chofe dont on a trop ,pour une » autre dont on n'a pas affez. » Arrivés fur la grève, nous y pafsâmes quelque tems 1 » ait milieu des Naturels qui y étoient raffemblés. Il y avoit y—"-■«■« » nlus de femmes que nous n'en avions encore vues. La Ani!' V/7^% » plupart étoient mariée;,, 6e porroicnt leurs enrans dans un » fac de nattes fur leur dos. Quelques-unes gardoient, dans » des paniers de baguettes pliantes, une couvée de petits » poulets, 6e d'autres nous préfenterent des.yamboos de » des figues. Nous en apperçûmes un,qui avoit un panier » rempli d'oranges vertes ; nous n'avions jamais remarqué » un feul oranger dans les plantations -, 6e nous fûmes très- » charmés de trouver ce fruit à Mallicolo 6e à Tanna, parce f qu'il y a lieu de fuppofer que c'eft auffi une production » des Ifles voifincs. Une autre femme nous donna un pâté » ou pudding, dont la croûte étoit de bananes 6e deddocs, » 6e qui contenoit en-dedans des feuilles de. l'okra,( Hibif- » eus - Efculenius ) mêlé avec des amandes de noix de » cocos. Ce pudding, d'un excellent goût, montroit que les *i femmes ont des connoiffmees fur la cuifine. Nous ache- » rames aulli des flûtes de huit rofeaux ce des arcs, des traits » de des maffucs : nous retournâmes à bord plus tard qu a p l'ordinaire. » L'après-dînée, je redefeendis à terre avec le Docteur » Sparrman, ce nous allâmes fur la colline plate faire une • autre vifite aux Naturels. Quelques-uns vinrent à notre » rencontre à moitié chemin, ce nous conduisent à leurs » huttes. Dès que nous fûmes affis avec le Pere d'une de ces * fimillcs , homme d'un moyen-âge, de d'une phyfionomie " intéreffante, nos Amis nous prièrent de nouveau de chan-» ter. Nous y confentîmes volontiers, te lorfqu'ils paru-» rent s ctonuer de la différence de nos chanfons, nous - ! ■■ -' » tâchâmes de leur faire comprendre que nous étions de N Août7.74' w différens pays. Alors, nous indiquant un vieillard, dans la •» foule de nos Auditeurs, il nous dirent qu'il étoit natif » d'Irromanga (a), & ils l'engagèrent à nous amufer par » fes chants. L'Indien s'avança â Imitant au milieu de a» faifemblée, & il commença une chanfon , pendant la~ » quelle il fit difféfcns geftes, qui nous divertirent, ainfi que » tous les Spectateurs. Son chant ne reffembloit point du n tout à celui des Infulaires de Tanna, & il n'étoit ni défa-» gréable,ni difeordant avec la mufique. Il paroiffoit au/fî » avoir un certain mètre, mais très-différent du mètre lent » & férieux que nous avions entendu le matin. Après qu'il b eut celfé de chanter, il nous parut que les Naturels de » Tanna lui partaient dans fa langue, mais qu'il ne connoif b foit pas la leur. Nous ne pouvons pas dire s'il étoit venu b de fon gré fur cette Ifle, ou s'il avoit été fait prifonnier. b Les Indiens nous apprirent, à cette occafion, que leurs b meilleures maflues, faites de bois de Cafuarina, fc tirent ■> d'Irromanga-, de forte qu'ils ont probablement des liai-b fons de commerce ou d'amitié avec les Habitans de cette b Ifle. En comparant les traits de fa phyfionomie avec ceux * des Indiens de Tanna, nous n'obfervâmes aucune diffé-» rence remarquable -, il s'habilloit & il s'ornoit comme b eux : fes cheveux étoient laineux & courts, mais non pas b divifés en petites queues. Il étoit d'un caractère très- * gai, c< il paroilfoit plus difpofé à rire qu'aucun des Habi-b tans de Tanna, (a) U dernière Ifle que nous avions quitté en venant de Tanna. ! t Tandis » Tandis que l'Infulaire d'Irromanga chantoit, ies 5 * femmes fortirent de leurs huttes, ce vinrent former un * petit grouppe autour de nous. En général, elles étoient » dune flature beaucoup moindre que celle des hommes, » & elles portoient de vieils jupons d'herbes 6e de feuilles, » plus ou moins longs, fuivant leur âge. Celles qui avoient » fait desenfans,6e qui fembloient âgées d'environ trente *> ans , ne confervoient aucune des grâces de leur fexe, & » leurs jupons touchoient à la cheville du pied. De jeunes » filles, d'environ quatorze ans, avoient des traits fort agréait bles, Se un fourire qui devint plus touchant, à mefure » que leur frayeur fe diflipa. Elles avoient les formes fvcltes, » les bras d'une déiicatcffe particulière , le fein rond &c » plein, ce elles n'étoient couvertes que jufqu au genou. » Leurs cheveux bouclés flottoicnt fur leurs tètes , ou » étoient retenus par une trèfle, ce 3a feuille de banane » verte qu'elles y portoient ordinairement, montrait, avec » plus d'avantage, leur couleur noire. Elles avoient des » anneaux d'écaillé de tortue à leurs oreilles: nous rcmar-» quâmes que la quantité de leurs ornemens s'accroît avec » l'âge : les plus vieilles & les plus laides étoient chargées » de colliers, dependans d'oreille ce de nez, ce de bracelets. » Il me parut que les femmes obéiffoient au moindre ligne » des hommes, qui n'avoient pour elle aucun égard. Elles » traînoient tous les fardeaux , ce peut-être que ce genre de » travail ce de fatigue contribue à diminuer leur ffiture, » car les charges ne font pas toujours proportionnées à * leur force. p Les Insulaires de Tanna préfenterent â nos yeux un Tome Y B5S5B » exemple daftection, qui prouve que les paffions 6c" les. Jt77*' y> bonnes qualités des hommes font les mêmes dans chaque » pays. Une petite fille d'environ huit ans, d'une phyfio » nomie intéreffante, nous examinoit furtivement entre » les tètes des Indiens afîis à terre. Dès quelle s'appcrçut » qu'on la regardoit, elle alla en hâte fe cacher dans la » hutte. Je lui fis ligne de revenir, &:, pour l'y engager, je » lui montrai une pièce d'étoffe de Taïti ; mais je ne pus » pas la déterminer à fe rapprocher. Son Pere fe leva , & , à » force de careffes, il la ramena. Je pris la main de l'en-» fant, & je lui donnai l'étoffe, avec de petits ornemens : la » joie & le contentement fe peignirent auffi-tôt fur le vifage • du Pere. » Nous restâmes parmi ces Infulaires jufqu'au coucher » du Soleil, &ils chantèrent, & firent des tours d'adreffe » pour nous plaire. A notre prière, ils décochèrent leurs » traits en l'air & contre un but ■> ils ne les lançoient pas n à une hauteur extraordinaire : mais ils tiraient avec beau-» coup d'adreffe, à peu de diftance, comme on l'a déjà » obfcrvé. A l'aide de leurs mafîues, ils paraient les dards de » leurs Antagoniftes, à-peu-près comme les Taïtiens (a). Ils » nous dirent que toutes les maffues, qui ont un tranchant » latéral comme une flamme, fc tirent de 1'IIle-Baffe, qu'ils » appellent Immer -, mais nous n'avons pas découvert fi m elles y font fabriquées par les Naturels, ou fi l'Ifle eft dé-» ferte, & s'ils y vont feulement, pat occafion, pour y raf-» fembler des coquillages & couper du bois. (a) Voyei le premier Volume. « Avant notre départ des huttes, les femmes allu- SBfiB » rncrcnt différensfeux dans l'intérieur & aux environs. & ^NN* Ac » elles fe mirent à apprêter leurs foupers. Les Indiens fe • précipitoient autour de ces feux, Se il fembloit que l'air » du loir étoit un peu trop froid pour leurs corps nuds. » Plufieurs avoient, à la paupière fupérieure, une tumeur, » que nous attribuâmes à la fumée, dans laquelle ils font » toujours a/fis: elle obftruoit tellement leur vue, qu'ils » étoient obligés de tourner la tête en arrière, jufqu'à ce • que l'œil fût dans une ligne horizontale, avec l'objet m qu'ils deliroient de regarder; plufieurs petits garçons de » cinq ou iix ans, avoient cette tumeur : ce qur nous fit » penfer qu'elle fe propage peut-être d une génération à • l'autre. » Quand nous arrivâmes au,rivage, il n'y avoit plus de m Naturels. La fraîcheur de la foirée fut délicieufe pour nous » qui portions des vêtemens, ce nous errâmes, dans des » bois déferts, jufqu'à la fin du crépufcule. Un nombre pro- » digieux de petites chauves - fouris fortoient de chaque » buiflbn, Se voltigeoient autour de nous : nous elfayâmes » envain d'en tuer : nous ne les appeteevions que lorfque » nous en étions très-près, & alors nous les reperdions » tout de fuite de vue. » Le lendemain, au matin, nous partîmes plufieurs pour j aller reconnoître le volcan d'aufîî près qu'il nous fêroir pof-fible. Nous primes le chemin de l'une de ces crevaiTes,par où s'exhalent des fumées. En y arrivant, nous creufâmes la terre dans lendroit le pl us chaud, * & nous répétâmes l'expé- Y 2 ^r^vas „ riencc du 11, avec cette différence, que le thermomètre Aoi£7*' * fut enf"cvcu entièrement dans la craie blanche d'où fortoit » la vapeur. Après qu'il y eut refté une minute, il s'éleva *> à iio(l, ce qui eft à-peu-près la chaleur de l'eau bouil-» lante -, ce il fut à ce poin:, tant que nous le tînmes dans le „ trou , c'eft-à-dire, l'efpace de cinq minutes. Dès qu'on l'en » fortit, il retomba fur-le-champ à 95", ce peu-à-peu à 8o% ^ point où il étoit avant l'immerfion. La hauteur perpen-« diculaire de la première folfatcrra, au-deffus du niveau de la » mer, cft d environ quatre-vingt verges. » La terre , autour de cette place,étoit d'une odeur ful-phureufe, douce ce humide ; la furface formoit une légère croûte, fur laquelle on voyoit du foufre, & une fubftance vitriolique, d'un goût d'alun. Le terrain, affecté parla chaleur, n'étoit guères que de huit ou dix verges quarrées; &, tout à côté , croiffoient des figuiers, qui, étendant leurs branches au-deffus de cette terre brûlante, paroiffoient fe plaire dans leur fituation. Nous penfâmes que cette chaleur extraordinaire étoit occafionnée par la vapeur de l'eau bouillante, fortement imprégnée de fouffe. Cn m avoit dit qu'en plufieurs autres endroits, la terre étoit également échauffée dans un efpace plus coniidérable-, mais nous ne nous détournâmes point de notre chemin pour les obfer-ver ce nous continuâmes de monter par une route fi couverte d'arbres fauv.iges, d'arbuftes, & d'autres plantes, que les fruits à pain & les cocotiers fe trouvoient, en quelque nvanicre,écoulfés.Dediftanceendiftance,nous trouvions des maifons 'des Habitans ce des terrains cultivés. Quelques cantons étoient depuis long-tems en état de culture 3 pluficairs y étoient depuis peu , & quelques - uns commcnçoicnt feulement à être défrichés, Se on n y avoir encore rien planté. Le défrichement, qui précède une plantation , doit être un travail bien pénible , en confidérant les inftrumens aratoires dont fe fervent les Habitans, & qui, quoique beaucoup inférieurs à ceux des Ifles de la Société, font faits fur le même modèle. Leur pratique néanmoins eft judicieufe ce" auffi expéditive qu'elle peut l'être. Ils coupent les petites branches des grands arbres, creufent la terre fous les racines, 6e ils brûlent les branches, les arbuftes & toutes les plantes qu'ils déracinent. Le fol eft, en quelques endroits, une efpèce de riche terrain noirâtre; ailleurs il paroît corn-pofé de végétaux , tombés en diffolution , 6e de cendres, que le volcan répand dans tout le voifinage. Nous étant écartés du fentier frayé, nous vînmes à une plantation où travailloit un Indien. Cet homme , foit par bonté de caractère, foit pour nous éloigner de fon champ,offrir à nous fervir de guide. Nous acceptâmes fa proportion, 6e bientôt nous parvînmes à la jonction de deux chemins, à l'un defquels un fécond Indien, armé d'une fronde ôc d'une pierre, fe mit en devoir de nous difputcr le paftage; mais, dès qu'on lui eut préfenté le bout d'un moufquet, il laifîa tomber fes armes. Son attitude, la férocité de fes regards, la conduite qu'il tint enfuite, nous confirmèrent que fon def-fein étoit de défendre l'entrée du fentier qu'i 1 occupoir. Il obtint, à certain égard , ce qu'il vouloit ; car notre Guue prit l'autre route, 6e nous le fui vîmes, non fins fuf pecter qu'il nous menoit hors du chemin ordinaire. Le dernier Indien nous accompagnoit auffi ; nous adreftant la parole à diverfês reprifes, 6e jetant des cris, fins doute g' , -. i : pour appeler cîu fecours ; car nous fûmes joints, dans le ANAoiïrJ7** moment, par deux ou trois Infulaires, parmi lefquels étoit une jeune femme, qui tenoit une mafîûe à la main. Ils nous conduifirent au fommet d'une colline ; ôe, nous montrant un fentier qui defeendoit au havre, ils nous engage-renr à le fuivre. Comme nous ne voulions pas abandonner notre premier deffein, nous retournâmes au chemin, que nous avions quitté, ce dans lequel nous marchâmes feuls -, notre Guide refufant de nous y accompagner. Apres avoir monté une nouvelle colline, non moins boiféeque celles que nous avions déjà paffées, nous vîmes plufieurs montagnes, entre nous ce le volcan, qui nous parut encore tout auffi éloigné que du lieu de notre départ. Cette perfpe&ive ral-lentit notre ardeur; &, ne pouvant engager les Habitans à nous fervir de Guides, nous primes la réfolution de retourner. Nous eûmes à peine formé ce projer, que nous rencontrâmes une trentaine de Naturels, que l'Indien , dont j'ai fait mention, avoit rafîcmblés, pour nous empêcher vrai-femblablement de pénétrer dans la contrée. « Ils étoient » accroupis en rond, ce ils treffaillirent en nous voyant. » Quelques vieillards, parmi eux, fembloient avoir des » intentions pacifiques ; mais deux ou trois jeunes-gens bran-» difïbient leurs armes contre nous. » Comme nous revenions fur nos pas , ils nous laifferent le chemin libre. Plufieurs nous mirent dans la toute, ce nous accompagnèrent jufqu au bas de la montagne ; là, ils nous invitèrent à nous repofer ; ils nous préfenterent des noix de cocos, des bananes, des cannes à fucre, & ils portèrent fur le rivage ce que nous ne mangeâmes point fur le lieu. Ainfi, ces Peuples fe montroient hofpitaliers, civils ce d'un bon naturel, quand nous n'excitions point leur jaloufie -, &, lorfqu'ils entreprirent de faire réfiftance, on ne peut guères blâmer leur conduite. Car enfin, fous quel point de vue dévoient ils nous confidérer ? Il leur étoit impoflïble de connoître notre véritable deflcin. Nous entrons dans leurs ports, fans qu'ils ofent s'y oppofer; nous tâchons de débarquer comme Amis ; mais nous def-cchdons à terre, &c nous nous y maintenons par la fupério-rité de nos armes. En pareilles circonftances , quelle opinion pottvoient prendre de nous les Infulaires ? Il doit leur paroître bien plus plaufîble que nous fommes venus pour envahir leur contrée , que pour les vifiter amicalement. Le tems feul & des liaifons plus intimes leur apprirent nos bonnes intentions. Ces Infulaires font encore dans un état de rudeflè ; &, fuivant toutes les apparences, fréquemment en guerre , non-feulement avec leurs voifîns, mais encore entr'eux. Il efl donc difficile pour eux de voir, fans inquiétude , des Etrangers defeendre fur leurs côtes, je conviens que cette régie n'eft pas fans exception dans cette mer ; mais il y a bien peu de Nations qui fouf-frent volontiers que les Navigateurs pénétrent dans l'intérieur de leur pays. « Toutes nos tentatives , pour approcher de la -* bouche du volcan, ont été inutiles mous n aurions pas pu » fatisfaire notre curiofité, fans verfer du fang j & la vie des *> hommes eft plus précieufe que la connoiffance de tous les * phénomènes de la Nature. » Durant notre courfe, les Matelots avoient tiré la » feine, au moment du flot, & pris quelques poiffons : ^™*™«« » parmi iefquels nous en trouvâmes un nouveau. L'étant, Ann. 1774, » cl eau douce, nous cn fournit auffi un d'une nouvelle » efpèce. Nous retournâmes à bord avec ces poil-» fons & les plantes nouvelles que nous avions cueil-» lies, Se nous pafsâmes l'après dîiice à les décrire 8e les » defiiner. » Avant cette excurfion, quelques-uns de nous fcupcon* noient ces Indiens d'un penchant à la pédéraftie , parce qu'ils secoient efforcés d'attirer dans les bois des gens de l'équipage, Se particulièrement celui qui portoit le fac des plantes de M. Iorfter. Comme, dans cette contrée , les femmes font chargées de travaux domeftiques, je conjecturai, Se je ne fus pas le feul, que les Infulaires s croient mépris fur le fexc de ceux qu'ils avoient invités dans la foret. Cette conjecture fut alors pleinement vérifiée. L'homme , qui d'ordinaire portoit le fac, étoit de notre parti, Se m'a voit fuivi julqu'au bas de la montagne. Le peu de mots que je compris de leur convention, me confirma qu'ils le prenoient pour une femme > ce ayant reconnu leur erreur, ils s'écrièrent : Erramangc ! Erramangtl c'eft un homme 1 c'eft un homme i Cn fut alors bien perfuadé qu'ils s'etoient mépris. Dès qu'ils furent ainfi détrompés, ils parurent n'avoir pas la plus légère notion du penchant dont on les aceufoit. Cette circonitance montre combien il elt facile de fc former de fauiîês idées d'un Peuple dont on n entend pas le langage : 6e, fans cette découverte, il eft à préfumer que nous aurions chargé ce Peuple de cette coutume odieufe. yjtftf le foir, nous fîmes un tour dans la contrée, de l'autre l'autre côte du havre, & nous y reçûmes un accueil bien '"■ différent de celui qu'on nous avoit fait le matin. Les Indiens, Am'; !774' , 1 . Août. parmi Icfquels etoit notre ami Paowang , commençoient à le tamiliarifcr, & ils fe montroient emprefies à nous obliger en tout ce qui dependoit d'eux. Nous gagnâmes le village où nous avions déjà été le 9: il eftcompofé d'environ une vingtaine de maifons, qui ne font que des hangards , dont le toit rcilemble allez à celui d'une chaumière angloife. Quelques-unes de ces cafes font ouvertes aux deux bouts, d'autres font fermées d'une efpèce de treillage, ce toutes font couvertes de feuilles de palmier j elles ont trente 8e quarante pieds de long, fur quatorze ou feize de largeur : , on y voit auffi de petites cafes, où j'imaginai qu'ils le reti-roient pour dormir j quelques-unes de ces dernières étoient conftruices dans le milieu d'une plantation, ce ils nous firent entendre que, dans l'une, étoit dépofé un de leurs morts j leurs lignes délïgnoicnt le fommeil ou la mort, mais la fuite nous apprit qu'ils vouloicnt parler de la mort. Curieux de tout voir, j'engageai un vieillard à me conduire dans la cafe qui étoit féparéc des autres par un treillage conffruit tout autour à quatre ou cinq pieds de diftance : elle avoit une entrée fi étroite, qu'on ne pou voit y paiTcr qu'un feul à-la-fois ; les deux côtés 8e un des bouts étoient fermés de la même manière 6e avec les mêmes matériaux que le toit -, l'autre bout avoit été ouvert \ mais l'ouverture fe trouvoit alors bouchée avec des nattes que 'je voulois écarter ; mon conducteur ne voulut pas me le permettre : on y avcitfuf pendu une corbeille nattée, dans laquelle étoit une igname grillée & des feuilles fraîchement cueillies. J'aurois fort déliré voir l'intérieur de la cafe ; mais mon guide fut opiniâtre dans Tome III. Z — ion refus ; il louftrit même avec répugnance que je regar-Ann. 1774, daflc dans la corbeille. Il portoit à fon cou deux ou trois, Aout' nœuds de cheveux, attachés à un cordon-, & une femme, qui éroit préfente,avoit au/fi un pareil collier. Je demandai à les acheter j mais ils me firent entendre que cétoient les cheveux d'un mort, 6e qu'ils ne pouvoient s'en départir. On voit par-là que ces Infulaires dépofent leurs morts dans des cafés fépulchraîes de la même manière à-peu près que les Taïriens ; ils ont coutume, comme ces derniers, & comme les Zélandois, de porter les cheveux de ceux qui ont quitte cette vie. Les Taïticns font, des cheveux de leurs Amis décédés, ces belles trèfles qu'ils nomment Tamau, & les Nouveaux - Zélandois portent leurs dents cn pendans d'oreilles ce en colliers. Nous trouvâmes,près de leurs grandes maifons, quatre tiges de cocotiers plantées en quarré , à trois pieds environ l'une de l'autre, pareilles à celles qu'avaient vu M. Forfter, 6e dont on a parlé plus haut. Quelques-uns de nous s'imaginèrent que cette fingularité tenoit à la Religion ; mais j'appris qu'ils y font feulement fécher des noix de cocos. Ayant demandé quel étoit leurufàge, un Indien me condui-fit près de ces tiges, 6e me fit voir qu'elles étoient chargées de noix de cocos depuis le pied jufqu'au fommet \ cela me parut valoir la meilleure explication. Leur expofkion eft par, faitemenr choifie pour cela , puifque ces grandes maifons font prefque toutes confiantes fur un terrain bien découvert, 6e qui laifle au vent un libre paflàge, quelle qu'en foit la direction. Ils ont prefque toujours l'attention d'élever leurs habitations dans le voifinage de quelques gros arbres touffus qui, en étendant leurs branches, leur fourniffènt de l'ombrage, 6e les défendent des rayons brûlans du Soleil. Ann' !77+* . 1 , i 1 Août. Cette partie de l'Ifle etoit ouverte, aerce, 6e dans un très- bon état de culture. Les plantations qu'ils ont foin d'aligner étoient remplies de bananiers, de cannes de fucre, d'ignames ce d'autres racines, 6e de beaucoup d'arbres fruitiers. Dans cette tournée, nous rencontrâmes notre vieil ami Paowang 6e d'autres Indiens, qui nous reconduifirent au rivage, 8e nous apportèrent en préfent des ignames 6e des noix de cocos. Le 15, comme nous avions déjà une quantité fufïifmtc r * d'eau 6e de. bois, il ne relia à terre que quelques gens de 1 équipage, pour y faite des balais; les autres furent employés à bord au gréement 6e aux préparatifs néceffaircs pour l'appareillage. « En parcourant la plaine 6e les bois le matin, nous » cueillîmes beaucoup de plantes (a) des Indes orientales » que nous navions jamais obfcrvéesfur les Ifles firuées plus » à l'Eft i nous tuâmes plufieurs oifeaux dont il y a un » grand nombre d'cfpcces différentes dans cette Ide , 6e » entr'autres un pigeon de l'efpècc commune aux Ifles des « Amis : il avoit les cotés du bec couverts d'une fubfhnce w rouge, 6e dans fa bouche 6e fon géfier deux mufeades » avalées depuis peu ; elles avoient encore l'enveloppe d'écar- («) La Sterculia Balangfiat t Sterculia fœtlda , Diofcorea oppofîtifolia , Uicinus Mappa , Acanthus Ilicifalîus , ifchœmum mutlcum . patucum dimi-diatum, croton variegatum , &_ plufieurs autres. Z i g----—— » latte qui étoit leur macis,& une faveur aromatique, ANAoûV7^ 31 amerc> ma^s pomt d'odeur. La mufeade étoit bien plus » oblongue que la noix ordinaire qui porte ce nom. Mon-» trant ce fruit à un des Naturels, nous le priâmes de nous r> indiquer l'arbre fur lequel il croilfoit, ce, pour fa peine, » nous lui offrîmes une coquille pcrîicrc. Il nous mena à » environ un demi-mille, dans l'intérieur du pays, vers un » jeune arbre , qui, à ce qu'il nous dit, produiioit la muf-" cade. Nous y cueillîmes des feuilles, mais nous ne vîmes a» point de fruits l'Indien nous affura qu'ils avoient tous » été mangés par les pigeons. Le nom du fruit, dans la » langue du pays , eft Guannatan, Nous entendîmes *> des coups de fufil, qui nous firent craindre qu'il ne fût » arrivé quelque trouble 3 fie un Naturel, qui pafîà près » de nous, ce qui venoit de la grève, fembla confirmer » cette nouvelle. Nous nous rendîmes donc en hâte au » rivage \ mais tout y étoit tranquille. En faifint voir aux r> Indiens les feuilles de l'arbre, qu'on nous avoit dit être le n mufeadier , ils l'appcllerent tous d'un nom différent de » celui que lui donnoit notre guide, quoiqu'il s'efforçât de » cacher fa fupercherie, en priant fes Compatriotes de ne » pas nommer cette feuille différemment. Nous lui rémoi-» gnâmes de l'indignation de fa conduire, ce les autres Na-turels le réprimandèrent également. » Le soir, nous dcfccndîmcs fur la cote orientale, pour reconnoître la pofition des Ifles Annatom êe Erronam ou Tootoona. L'horizon fe trouva fi embrumé, qu'il étoit irn-pofîible de les découvrir j mais un des Habitans me donna, comme je le vérifiai après, la vraie direction de ces terres. Nous obfcrvâmes que, dans prefque toutes leurs = plantations de cannes à fucre, ils creufoient des folles de An: quatre pieds de profondeur, 6e de cinq ou lîx de diamètre, pour prendre les rats, qui , étant en très-grand nombre, ravageraient ces plantations. Les cannes font plantées aufli • près les unes des autres qu'il cft pofliblc , fur les bords de ces foffes j 6e les rats , en voulant faiiir les cannes , ne manquent guères de s'y précipiter. « Le Pere de l'enfant donc j'ai parlé plus haut, pag'.ïfcq » m'apporta des bananes, des cannes à fucre 6e des noix » de cocos, 6e il me confirma d'ailleurs dans la bonne opi-» nion que j'avois formée de fi fenfibilité. » M. Hodges efquiflà plufieurs points de vue; il deilina » fur-tout une petite ferme où nous pafsâmes ,6e un grouppe » d'Indiens des deux fexes aflîs fous un figuier. Il cn a corn-« pofé enfuite un deffin élégant, donc on trouve ici la a> Gravure, 6e qui donne une idée parfaite de Tanna 6e » de fes Habitans. 3» Le lendemain, le timon fe rompit dans la tête du gouvernail , 6e , par une négligence inconcevable, nous n'en avions point de rechange a bord j ce que nous avions ignoré jufqu'au moment où le befoin s'en fit fentir. Je n'avois vu, dans le voifinage du havre, qu'un feul arbre propre à cet ufage. J'envoyai le Charpentier à terre afin de l'exarn iner, avec un détachement aux ordres d'un Officier, & je recommandai de me faire avertir, fi on trouvoit*, pour l'abattre, quelque oppofition de la part des Habitans. L'Officier, quitrut que --! perfonne n'y formeroit d'obftaclc, mit, tout en arrivant, ' lJ74- les Travailleurs à l'ouvrage; mais, comme l'arbre étoit gros, tout. <> * O 1 fa coupe exigeoit du tems, 6e, avant qu'il fut à terre, on me vint dire que Paowang étoit fort mécontent. J'ordonnai alors qu'on abandonnât l'cntreprife , voyant fur-tout qu'on pou -voit réparer la barre du gouvernail, de manière à la taire fervir encore quelques mois; mais comme il étoit necefîàirc d'avoir un timon de rechange, j'allai à terre , je parlai à Paowang, je lui donnai un chien ce une pièce d'étoffe, ce je lui fis entendre que la grande pagaie du vaiffeau étoit cafîèe, & que j'avois befoin de cet arbre pour cn faire une autre. Il fut aifé de s'appercevoir, à l'air de fiitisfaction de tous ceux qui étoient préfens, qu'on étoit difpofé à me l'accorder. Tous y confentirent d'une voix unanime, ainfi que Paowang; ce que peut-être il n'auroit pas fait feul, car je n'ai jamais obfcrvé qu'il eut plus de droit, ou d'autorité que le refte des Habitans. Je menai enfuite notre ami dîner à bord. L'après-midi, je retournai avec lui fur la cote, pour rendre vifite à un autre Chef, qu'on difoit être le Roi de 1 Ifle ; ce dont nous n'étions guères affurés. Paowang ne parut point occupé de ce Chef, ce ne lui marqua aucune déférence. Je lui fis un préfent, ce,après l'avoir reçu, il fe retira aufiî-tôt, comme s'il eût obtenu tout ce qu'il defîrolt.On donnoit à cc Chef, appelle Geogy (a)\ le titre à'Aréeke : il étoit déjà fort avancé en âge ; mais, malgré £\ vieillerie, il avoit une phyfionomic ouverte & d'une grande gaieté. « Comme » fon teint étoit exactement le même que celui du Peuple, (et) M..Forftcr l'appelle Yogaû » noirâtre 8e couleur de fuie, nous examinâmes avec un foin ■ » particulier s'il y avoit quelque différence entre fes orne- AnN- J774* » mens 8e ceux du refte de la Nation ; mais toute la dif-» tinétion que nous apperçûmes confiftoit cn une efpèce y> de ceinture ou d'étoffe qu'il portoit autour des reins. y> Celles du Peuple étoient toutes d'un brun jaunâtre ; mais » celle de ce Chef étoit bigarrée de noir 8e de rouge; peut-» être que le hafiu-d feul avoit produit cette différence. Il avoit avec lui un fils , âgé de trente-cinq à quarante ans. Les Habitans s'étoient rafle mblcs cn grand nombre fur le rivage, 6e la plupart étoient venus des parties les plus éloignées. Leur conduite fut pacifique dans les uns, turbulente 6e audacieufe dans les autres; mais, étant fur notre départ, je crus devoir diilimuler. « Nous descendîmes à terre de notre coté, 8e » nous pénétrâmes dans les bois fur la plaine : nous y j> vîmes beaucoup de gros perroquets, d'un plumage noir, si rouge & jaune, juches au fommet des figuiers les plus » élevés, où un feuillage épais les mettoit à l'abri de h ». dragée. Le Lecteur aura peine à imaginer la grofîéur de »> ces arbres; leurs racines croifîènt au-deflùs de terre, dans « h partie la plus confidérable de leur longueur, 8e forment » une tige énorme d'environ dix ou douze pieds au-deffus » de la furface : cette tige, qui fouvent n'a pas moins de trois » verges de diamètre , paroît former plufieurs arbres qui » ont crû cnfcmblc, 6e qui fe projetent en angles aigus » 8e longitudinaux à plus de trois pieds de la grande flèche : » auffi elle s'élève de trente ou quarante pieds, avant de fc * divifer en branches : ces branches ont plus d'une verge « de diamètre» filent à-peu-près à la même hauteur, fans ' » le partager, 6e le fommet de l'arbre a au moins cent cin-» quante pieds d'élévation. » L'endroit où il y cn avoit le plus, étoit le ■ marais de difTérens égoûts de l'étang, qui fournit de » l'eau douce au vaifleau. Nous ne pûmes pas reconnoître » fi cet étang eft le refte d'une rivière qui vient des mon-» tagnes de l'intérieur du pays, 6e fe perd dans le fable 6e » les cendres volcaniques de la plaine, ou s'il cft occafïonné » par les pluies des mois d'été. Il renferment une quantité » innombrable de moufquitcs très-incommodes pour nous, *> 6e beaucoup de râles 6e de canards fauvages, qui paroif-« foienc être d'une nouvelle efpèce, mais dont il fut impof-» fîblc de nous procurer un feul. » Nous longeâmes la plaine dans fa partie occidentale, » à travers divers cantons revêtus d'herbes, 6e reffcmblant » par-là à nos prairies, mais remplis de liferons, & féparés » l'un de l'autre par des arbriffeaux qui produifoient l'effet » des haies. Nous rencontrions de tems-en-tems de vaftes » champs , de grands rofeaux ( Saccharum Spontaneum. » Linn.J, 6e nous avions peine à croire que la Nature en *> eût produit une fî prodigieufe quantité fuis culture. Les » Naturels en font des traits , des ouvrages d'ofîer , des » haies : au-delà, nous atteignîmes une forêt d'arbres de la s» même efpèce que ceux qui couvrent les côtes occiden-» taies de la Baie. J'y tuai une efpèce de colombe, inconnue p jnfqu'ici aux Naturaliftes, 6e nous y vîmes des perroquets » extrêmement fauvages, 6e qui font peut-être pourfuivis m par les. i» par les Naturels dont ils infeftent les vergers. En avan- sssssssat » çant davantage, nous parvînmes à un chemin creux qui aJu7* » paroiilbit avoir été fillonné par un courant d'eau , mais » qui étoit alors parfaitement fec, 6e qui fervoit de fentier » aux Infulaires , des arbriffeaux 5e des palmiers formoient » un joli fefton fur fes bords : nous pafsâmcs fous un grand *> figuier (Ficus rcligiofa. IinnJ de l'efpèce pour laquelle » les Chingulais 6e les Naturels du Malabar ont un reiped » particulier \a)\fes branches, qui avoient poulie des racines » fur les deux côtés du fentier , étaloient au-deffus un ber- » ceau large d'au moins cinq verges, un nombre infini » d'oifeaux très-petits voltigeoicnt 6e mangeoient le fruk » des rameaux les plus élevés. Plufieurs Indiens pafle- » rent près de nous, tandis que nous nous rcpofïons fous » fon ombre , & ils nous virent, fuis alarme, tirer des » oifeaux. » A midi , nous retournâmes au bord delà mer-, 6e, quoi-» que le tems fût très-chaud, la route ne fut pas fatigante, » parce que nous marchions prefque toujours à l'ombre. » Avant d'arriver à l'aiguade, nous traversâmes un taillis, n où un Indien coupoit de ces baguettes, avec lesquelles « ils foutiennent les tiges des ignames Diofcorea oppofitï-» folla. Voyant qu'il avançait très - peu avec fa hache, » qui n'avoit pour tranchant qu'un morceau de coquille, » nous nous fervîmes d'une hache angloife, 6e, en peu » de minutes , nous en abattîmes un plus grand tas qu'il (*) Us font des Sacrifices fous fon ombre, où on dit que quelques-unes prononçoient avec un fourirc de falutation ; ou, s'ils nous » voyoienr pour la première fois, ils les demandoient, & » ils tâchoient de les bien imprimer dans leur mémoire : » on avoit pofé, pendant quelques jours, des cordages *> fur la grève , pour que les hommes qui faifoient de l'eau, » ou qui coupoient du bois, enflent de la place; mais nous » ne mettions plus qu'une fcntinellc de chaque côté, 6e ils y> n'ofoient pas leur défobéir. En un mot, le changement » qu'avoit opéré notre féjour parmi eux, fc fiifoit déjà re-■* marquer, ce, chaque jour, il touruoit de plus-cn-plus à » notre avantage. o » Gt'.ogy, fon fils 6e les autres Naturels quittèrent bien-y> tôt la o-re ve, 6e retournèrent par les bois à leurs habitations. * qu'ils nous difoient erre fort éloignées. Dès qu'ils furent y> partis, nous accompagnâmes le Capitaine Cook de l'autre •» côté du havre, afin d'examiner les fources chaudes que » nous avions découvertes le 9 : nous prîmes pour cela un ===== •> thermomètre qui fe tenoit à 78'' à bord du vaiffeau, & £N^'0» » qui monta à 83e1, tandis qu'on le portoit près de la cein-^ » ture : plongeant la boule au milieu de la fource , le mer- » cure s éleva à 191e1 dans JfrCpace dé* cinq minutes, » Nous ôtâmes enfuite le fable ce les pierres à travers lef- » quelles feau couloit doucement dans la mer, 6c nous y » replaçâmes le thermomètre, de manière qu'il enfonçoit » au-deffus de la boule, 6c alors il monta de ïechef à a» 6c il y refta pendant plus de dix minutes. Nous jetâmes » dans la fource quelques poiflbns à coquilles, 6c ils furent » cuits en deux ou trois minutes; une pièce d'argent,qui » y avoit reffé plus d'une demi-heure, en fortit brillante, » 6c fins être ternie-, le fel de tartre ne produifit fur l'eau » aucun effet viable; mais, comme elle étoit un peu aflrin- » genre par le goût, nous en remplîmes une bouteille, 6c » nous la fermâmes avec foin, pour cn faire des expériences » plus exactes à mon retour (a). Nous vîmes beaucoup de » petits poiffons, feulement de deux pouces de long, qui * frutilloicnt autour des rochers mouillés , comme des » lézards, auxquels ils reffembloient : leurs nageoires pecto- » raies faifoient l'office des pieds, & leurs yeux étoient placés » près du fommet de la tête, comme pour les mettre » en garde contre leurs ennemis , quand ils font hors de » feau : ces petits animaux amphibies éroient fi agiles, que » nous avions peine à les attraper; ils faifoient aifémentdes *» fauts d'une verge de long, 6c ils appartenoient au genre («) Mou Pere pofsède encore cette bouteille remplie de la meme eau. - g » des Blennies. Le Capitaine Cook, dans fon premier (oùt * Voyage, remarqua la même efpèce , ou une efpèce fem- « blable de poilïbn fur la côte de la Nouvelle-Hollande (a). » Nous les vîmes une fois acharnes à détruire une couvée » de petits crillons, qui *âmbloienr erre tombés dune cre- » vaife du rocher. [ S, » Le Capitaine Cook vint de nouveau, le lendemain, *> examiner avec nous les fourecs chaudes à la marée baffe, » parce que les expériences de la veille ayant été faites « durant le flot, qui s 'étoit approché à deux ou ttois pieds de » celle où on plongea le thermomètre, nous jugeâmes que » cela pouvoir avoir contribué à refroidir l'eau : au coi> » traire, nous y plongeâmes le thermomètre, qui, en plein » air, fe tenoit à 78e1, & le vif-argent ne s'éleva plus qu'à » 187, après avoir été une minute & demie dans l'eau » chaude : nous en conclûmes que d'autres caufes influoient » fur la chaleur relative de ces fources j & cette opinion fe n confirma de plus en plus, en examinant une nouvelle » fource qui jailliifoit fur la grande grève au Sud. Là, au » pied d'un rocher perpendiculaire, formant une partie de * la montagne à l'Oueft, fur laquelle font fitués les folfii-•» terras, feau chaude fort en bouillonnant du fable noir, 35 court dans la mer, & eft auffi couverte par le flot. » Dès que le thermomètre eut refté une minute dans » cette fource , il s'éleva à ioid \ ( ce qui cft prcf-» que le degré de l'eau bouillante;, & il fe tint plu-*» fieurs minutes à ce point. Il paroît que le volcan échauffe fa) Voyei la Collcflion il'Havkfworth. » ces fources, de qu'elles roulent leurs oncles fous terre , —-~— ja~ » jufqu'à ce qu'elles trouvent une ilfue. Il y a apparence ANa*0ùJ;+" » que le feu de cette montagne n'eft pas toujours également » violent, êc qu'il diminue peu-à-peu dans les intervalles » entre les éruptions : les différents parties peuvent avoir » auffi différens degrés de chaleur, de les fources diverfes, » en rraverfanr un efpace plus long ou plus court, doivent » perdre plus ou moins de leur chaleur primitive. Les fol- » faterras qui font fur la colline, directement au-deffus de m ces fources, ont, fui vaut moi, des liaifons avec ces fources, „ 5e la vapeur qui en fort, à travers les crevalfcs fouter- » raines, cft peut-être une portion de la même eau, qui » monte avant que la fraîcheur du terrain, fur lequel elle » eft portée , puiffe en former un fluide. Tous les endroits où la terre eft échauffée, & dont nous avons fait mention, font élevés perpendiculairement de trois ou quatre cens pieds au-deffus de ces fources, de fur la pente de la chaîne de collines où fe trouve le volcan ; ainfi, il n'y a entr'eux d'autres vallées que celles qui font dans la pente même de cette chaîne , de ce n'eft pas non plus fur le fommet de la montagne qu'eft fitué le volcan, mais fur le côté du S. E. Cette obfervation pourra paroître contraire à l'opinion générale des Philofophes, qui difent que les volcans font toujours placés fur les fommets des montagnes les plus élevées. Loin que cette Ifle foit dans ce cas, quelques-unes de ces montagnes ont une hauteur qui eft,pour le moins,double de celle où le volcan eft aifis. « Comme il y a des exemples aux Açorcs de dans » l'Archipel, que le volcan a pouffé fes éruptions d'une Ann. 1774. » profondeur de la mer incommensurable , cette remarqua » feroit moins importante, n elle ne contrediloit pas 1 opi- » nion du célèbre M. de Bufton. Il prérend que les plus » hautes montagnes feules font le (îégèdès feux volcaniques, t> parce qu'il veut éloigner ces feux le plus qu'il eft pofïïblo » du centre de la terre. » A ces remarques , je dois ajouter que , dans les tems humides, le volcan fcmble éprouver des fécondes plus violentes j « mais nous n'avons pas fait un féjour allez long » dans l'IuC pour que cette obfervation foit d'un grand » poids. » Ces phénomènes de la Nature font pour les Philofophes des objets de fpéculation; mais nous devons nous borner ici à l'cxpofîtion des faits, ée lai fier à des hommes plus habiles le foin d'en démêler les caufes. « Nous allâmes, l'après-dînée, derrière l'aiguade , & » pour cueillir les fleurs d'un arbre d'une efpèce inconnue, » nous fûmes obligés de les abattre à coups de fufil. Le » foir, on pécha à la feinc, ôe on prit environ deux cens » livres de poilfons, qui turent diftribués à tout 1 équipage. » Je remontai la colline plate avec le Docfcur Sparrman, a» & nous pafsâmes une demi-heure agréable avec les Na-» turels , qui, à notre départ, nous firent un préfent de » fruits. Nous les amusâmes, comme à l'ordinaire, en chaiv » tant, & ils devinrent à la fin fi fimiliers, que par un * un excès d'hofpitalité, commune aux Peuples barbares , » ils nous montrèrent ce nous offrirent des filles, avec » des geftes •» des geffes qui n'étoient point équivoques. Dès que les .......■ » femmes sapjperçurent de la baffefïè des hommes, elles ^NN' ï77*' Août. » s'enfuirent très-loin, fort effrayées en apparence, & cho-» quées de leur groflièreté. Soit pour jouir du plailir de » les voir épouvantées, foit par un autre motif, les Indiens, » ce fur-tout les jeunes dcfiroient beaucoup que nous cou-» ruffions après elles. » La Barre du gouvernail étoit déjà faite; mais le vent étant défavorable pour faire voile, la Garde reprit fon porte à terre, le 19 , comme auparavant , Se les Tra- t^ vailleurs allèrent chercher le relie de l'arbre, dont nous avions fait un nouveau timon. N'ayant plus rien autre chofe à faire, je defeendis fur le rivage, où s'étoiene affemblés , comme à l'ordinaire, une foule d'Habitans. Je leur diftribuai tout ce que j'avois, & je retournai au vaiffeau. En moins d'une heure , je revins à terre, au moment que les Matelots mettoient fur le bateau de gros troncs d'arbres. Quatre ou cinq Indiens s'avancèrent alors pour examiner où nous voulions le mener comme on ne leur permertoit point de paffer certaines limites, la fen-tinelle leur ordonna de fê retirer. J'avois les yeux fixés fur eux, 6e, voyant le foldat de Marine leur préfenterfon fufil, je m'approchai tout de fuite pour le réprimander, parce que j'avois obfervé que, toutes les fois qu'on les avoit ainfi menacés, quelques Infulaires s'étoient faifis de leur armes . afin de nous montrer qu'ils étoient prêts à fe défendre. Mais je fus, on ne peut pas plus, étonné d'entendre tirer la fentinelle, fans la plus légère caufe. a cette violence, tous les Naturels prirent la fuite, & je parvins à peine à en Tome II/. B b ■ retenir quelques-uns. Dans ce défordre, je vis tomber un aJj77^' Indien, que deux autres relevèrent Se conduisirent fur le bord de l'eau, où ils lui lavèrent fa plaie 6e enfuite l'emportèrent. D'autres vinrent aufîi-tôt m'informer de la nature de fa bief lu rc; 6e, frehanr qu'on ne l'avoir pas tranf-porté fort loin, j'envoyai chercher le Chirurgien. Dès qu'il arriva, nous allâmes enfemble viliter le bleifc , que nous trouvâmes expirant. La balle lui avoit caûe le bras, 6e lui étoit entré par les fauiles-côtes, dont l'une étoit rompue. La fentinclle prétendit que le Naturel avoit tendu fon arc pour lui décocher une flèche, & qu'il avoit été forcé de le prévenir. Mais en cela il fe trompoit -, 6e les Indiens, en paroiflànt menacer de leurs armes, vouloient feulement nous annoncer qu'ils étoient armés comme nous -, c'eft du moins ce qu'on devoit conjecturer, puifque jamais ils ne décochaient leurs traits. Ce qui rendoit cet accident encore plus déplorable, c'eft que ce ne fut point l'Indien qui avoit tendu fon arc, mais un autre, qui fut atteint du coup. Ce malheur jeta les Habitans dans la plus grande conftemation > 6e le petit nombre de ceux qui étoient demeurés fur le rivage, coururent aux plantations, 6e en rapportèrent des noix de cocos, 6ec. qu'ils mirent à nos pieds. « Comme nous n'attendions plus qu'un vent favorable » pour partir, nous cherchâmes à bien employer le refte » du tems. Un parti nombreux defeendit à terre j mais n chacun fe fépara 6e alla de fon côté. Je rencontrai » beaucoup d'Indiens , qui fe -rendoient au rivage; ils x> fortirent tous* du fentier pour me faire place, quoique je *> fuffe fans Compagnon, 6e aucun deux n'entreprit de » m'offenfcr. Je fis feul plufieurs milles au haut de la colline » plate, ou dans la vallée , vers un canton que nous a» n'avions pas encore examiné. Des bocages très-épais » cachoient le chemin que je fuivis , 6e je n'appercevois » que par intervalles les plantations, qui couvroient toute i la croupe de la colline. Je vis les Naturels couper , ou » émonder des arbres, ou creufer la terre avec une bran-» che qui leur tenoit lieu de bêche , ou planter des igna-•> mes, 6ec. : j'entendis auiïi un homme qui, cn travail-» làiit, chantoit à-peu-près fur le même ton que les Chan-r> teurs dont on a parlé plus haut. La perfpcctive dont je » jouiilois,approchoit de celles de Taïti ; elle avoit même un » avantage, c'eft que tout le pays, à une diftance confîdé-» rable autour de moi, préfentoit de petites monticules ce » des vallées fpacieufes, routes capables de culture; au-licu » qu'à Taïti des monragnes efearpées 6e fauvages s'élevent » tout-à-coup du milieu de la plaine, qui n'a nulle part deux » milles de largeur. La plupart des plantations de Tanna •> font d'ignamiers, de bananiers, d'eddoes 6e de cannes n de fucre, qui, étant tous fort bas (a), permettent à » l'œil d'cmbralfcr une grande érendue de terrain. Des » arbres touffus occupent çà 6e là des efpaccs folitaires, & » produifênt des fcènes très-pittorcfques. Le fommet de la » colline piate , qui borde une partie de l'horizon, paroît » feftonée de petits bofqucts, où les palmiers élèvent leurs » têtes pardeffus les autres arbres. (a ) Le plus grand Bananier n'excède pas dix pieds, & en général, ils n'ont que fix piedfl de hauteur, Bb i ic)6 Voyage = » Ceux qui fiivent jouir des beautés de la Nature, con-' » cevront le plailir qu'on goûte à la vue de chaque petit » objet, minutieux cn lui-même, mais important au mo* » ment où le cœur s'épanouit, 6e qu'une cfpcce d'extale » tranfporte les fens.On contemple alors,avec ravinement, » la face fombre des terres préparées pour la culture, la si verdure uniforme des prairies, les teintes différentes Ôe » la variété infinie des feuillages. Un pareil fpectacle, dans » toute fa perfection, étoit ici étalé à mes regards. Quel-» ques arbres réfléchiffoient mille rayons ondoyans, tandis » que d'autres formoient de grandes maffes d'ombrages » cn contrafte avec les flots de lumière, qui couvroient tout » le refte. Les nombreux tourbillons de fumée qui jaillif-» foient de chaque bocage, offraient l'idée de la vie dosa meftique : mes penfées fc portèrent naturellement fur » l'amitié & le bonheur de ce Peuple, en confidérant ces vaf-* tes champs de plantains, qui m'environnoient de toutes n parts, & qui, par leurs fruits, me paroidoient avoir été n choifis, avec raifon , pour les emblèmes de la richeffe ce » de la paix. Le payfige,à l'Oueil, n'étoit pas moins aimi-» rablc que celui dont je viens de parler. La plaine y » étoit entourée d'un grand nombre de collines fertiles, » revêtues de bois entremêlés de plantations, 6e, parder-» rierc, s'élevoit une chaîne de hautes montagnes, qui ne » font pas inférieures à celles des Ifles de b Société, quoi-» qu'elles femblent être d'une pente plus ailée. J'examinai » cette fcène champêtre du milieu d'un grouppe d'arbres, » que les Iiferons 6e les plantes enlaçoient de leurs fleurs » odorantes. La richefle du fol cft prodigieufe j car des » palmiers , déracines par les vents (a) ce couchés à i.-".,1.1.....SEBB » terre, avoient poulie de nouveaux branchages. Du mi- Ann/ !774" r '111 Août. » lieu du feuillage, différens oifeaux, ornes des plus belles » couleurs, megayoient par leurs chants. La férénité de « l'air ce la fraîcheur de la brife, contribuèrent d'ailleurs à » l'agrément de ma fituation. Mon efprit, entraîné par « cette fuite d'idées douces, fc livroit à des illufions, qui « augmentaient mon plailir, cn me repréfentant le genre » humain fous un point de vue favorable. Nous venions de » pa/fer une quinzaine de jours au milieu d'un Peuple, qui » nous avoit accueilli avec beaucoup de défiance , ce qui » s ctoit préparé à repoulTer courageufement toute efpèce •» d'hoftilité : l'honnêteté de notre conduite , notre medé- » ration, avoient diifipé leur frayeur inquiette. Ces Infu- » laites qui, fuivant toute apparence , n avoient jamais » connu d'hommes auffi bons, aufii paifibles, 6e pourtant » auffi redoutables que nous, qui étoient accoutumés à » voir, dans chaque Etranger, un ennemi lâche 6e perfide, » conçurent alors des fentimens plus nobles de notre » efpèce. Ils partagèrent, avec nous , des productions » qu'ils ne craignoient plus qu'on leur enlevât par force j » ils nous permirent de vifiter leurs charmantes retraites, » 6e nous fûmes témoins de leur félicité domeftique. » Bientôt ils commencèrent à aimer notre converfa- » tion, ce iis conçurent de l'amitié pour nous. Je tombai ( o ) « Les Racines des Cocotiers font naturellement très-courtes, *> & compoftxs d'une quantité innombrable de fibres > mais à Tanna le » fol, quoique fertile, eft ii peu compact, ne fai,t Pis un &rantl « ouragan pour renverfer les arbres qui y croiifcnt. » *-™jtt » enfuite dans des rêveries fur la prééminence des Sû- nn. „ cietés civilifées; un bruit, qui frappa mes oreilles dans le aouc. , 1 rr » lointain, m'en ht fortir ; je me retournai, Se japperçus le m Docteur Sparrman : je lui montrai le fpectaclc qui me » caufoit tant de joie, Se je lui communiquai mes idées. 3» Nous partîmes enfuite pour nous rendre à bord, parce » que 1 heure de midi approchoit. Le premier Naturel » que nous rencontrâmes, s'enfuit, Se fe cacha dans un » buiflon : nous furprîmes enfuite, à l'entrée d'une planta- » don, une femme, qui n'avoit pas eu le tems de s'échapper ; n elle nous offrit, d'une main tremblante Se avec une » extrême frayeur, un panier rempli d'yamboos. L'effet de » ces deux rencontres nous étonna. D'autre* Naturels, qui » fe tenoient derrière les huiffons, remuoient leurs mains » vers la grève, Se nous firent figne de nous y rendre. E nfïn , » en fortant du bois, nous vîmes deux Indiens affis fur » l'herbe, & tenant un de leurs Compatriotes mort entre ai leurs bras. Ils nous montrèrent une blcfllire qu'il avoit 3> au côté, Se ils nous dirent,avec des regards touchans:» // eft tué (a). ce On nous raconta alors les détails de ce meurtre , Se » nous ne pûmes nous empêcher d'en gémir. Le Natuiel, « qui avoit voulu s'avancer au-delà des limites que gardoit ai la fcntincllc, n'étoit probablement jamais venu fur cette » grève, Se il ne connoiflbit point les défenfes que nous 3, nous étions arrogées le droit de faire: le Soldat de Marine (a) Ils exprimèrent cela d'une manière encore plus frappante par un ,mot de leur langue Markom. » le repouffa durement parmi le refte de fes Compatriotes, » oui étoient déjà accoutumés à ce traitement injurieux, 6e Ann'a 774- r r j,a Août. » qui s'y foumettoient : le nouveau venu réfuta d être do- » miné, dans fon propre pays, par un Étranger, 6e il fc » prépara à paiîér , une féconde fois , ces fatales bornes, » uniquement peut-être pour montrer qu'il éroit le maître » de marcher où il lui plaifoit. La fcntincllc le repoufla de » nouveau, avec des coups fuffifans pour exciter la colère » d'un homme moins violent qu'un Sauvage. » Nous fumes ÉTONNÉS,le DocfeurSparrman6e moi, de » la modération des Infulaires, qui nous avoient lailfé palier » fans nous attaquer, lorsqu'ils pouvoient aifément venger » fur nous l'affaflinat d'un de leurs Compatriotes. Nous nous » rendîmes à bord , avec le Capitaine Cook,fort cn peine » de mon Pere, qui étoit toujours dans les bois,fuivi d'un » feul Matelot : nous eûmes cependant le plailir de le voir, » un quart d'heure après, fain eefauf, au milieu des Soldats » de Marine qu'on avoit laiifés à terre pour garder nos fu-» tailles. Une chaloupe alla tout de fuite le chercher: il » avoit été aufîi bien traité des Naturels que nous. « Une action déteftable détruifit toutes les chimères m de mon imagination. Les Naturels, au-lieu d'avoir meil- » leure opinion de nous que des autres Etrangers, avoient » droit de nous abhorrer davantage , puifque nous venions » les exterminer fous le mafquc fpécieux de l'amitié : quel- » ques perfonnes de l'équipage regrettoient qu'au-lieu d'ex- » pier les différens actes de violence que nous avions corn- » mis, fur prefque chaque Ifle, durant le Voyage, nous y> nous y fuiTions au contraire rendus coupables de la plus Aoûc^7^ *> grande cruauté. Le Capitaine Cook avoit réfolu de m punir, très-rigoureufemenr, le Soldat de Marine , pour » avoir tranfgreflé fes ordres poiitifs j mais l'Officier, qui » commandoit à terre, déclara que, fans avoir donné ces » ordres particuliers à la Sentinelle, il lui en avoit enjoint » d'autres, fuivant lefquelles la moindre menace, de la » part des Naturels, devoit êtte punie fur-le-champ de » mort. Le Soldat fortit donc des fers, & le droit que s'ap* » proprioit l'Officier, fur la vie des Infulaires, paffa pour » inconteftable. » L'après-midi, il ne reparut que quelques Naturels ; parmi lefquels étoient Paowang & Whà-à-gou. Je n avois pas vu ce jeune-homme depuis le jour qu'il avoit dîné à bord. Il me promit, ainfi que Paowang, de nous faire apporter des fruits le lendemain j mais notre prompt départ les dit penfa de ce foin. CHAPITRE VI. CHAPITRE VI. «D^âr* de Tanna; Defcription de fes Habitans, de leurs Mœurs, & de leurs Arts. Pendant la nuit, le vent setoit approché du Sud-Eft-: comme ce rumb nous étoit favorable pour fortir du Port, i9^où le zo, à quatre heures du matin, nous commençâmes à démarer ; & , à huit heures, ayant levé notre dernière ancre, nous reprîmes la mer. Dès que nous fûmes au large, nous mîmes cn travers afin d'attendre le bateau que nous avions iaiffé derrière nous pour apporter l'ancre à jet &: le grelin. Au point du jour , on entendit dans le Bois, en face du vaif feau , un bruit affez fcmblablc à une pfalmodic. On m'affura qu'on cn avoit entendu un pareil chaque jour à la même heure : ce que j'ignorois. Il étoit trop tard pour en connoître* lcfujct. Quelques Officiers conjcéhiroicnc que la pointe orientale du Port, fur laquelle , à notre arrivée , nous vîmes des maifons, des pirogues, &X. étoit vraifemblablcment un lieu confrère au culte divin , parce que les Habitans avoient toujours empêché les gens de l'équipage d'y aller. Je penlai, & c'eft encore mon opinion , que les obftacles, que nous op-polerent les Indiens,avoient, pour premier principe, le defir qu'ils firent paroître en toute occafion, de mettre des bornes a nos cxcurlions. Ils nous permettoient bien de retourner aux lieux où nous avions été., mais non pas de pénétrer plus Tome J1 J. C c 5 avant. En gagnant peu-à«pcu du terrain, nos expéditions dans" " la contrée , s'étendirent infenfîbîcmenr, fans leur donner le moindre ombrage. D'ailleurs ces cérémonies du matin, foit qu'elles fi fient ou ne fîiTcnt pas partie de la Religion, ne fe pratiquoient point fur cette pointe, mais dans un endroit où les gens de l'équipage avoient été journellement. Je ne puis dire pourquoi ces Infulaires s'oppoferent Ci conftamment à notre encrée dans l'intérieur de l'Ifle. Peut-être étoit-cc un effet de leur caractère naturellement ombrageux ; peut-être auffi cela provenoit-il de ce qu'ils font accoutumés à des hoftilités de la part de leurs voifins, ou à des querelles inteftincs. Tout fcmblc annoncer qu'ils font fouvent expofes à de pareils défordres , car nous obfèrvâmcs qu'ils étoient très-habitués aux armes, & très-adroits à s'en fervir. Quelque part qu'ils aillent, il efl rare qu'ils forcent fins elles. Peut être qu'ils n étoient fur leur garde que par rapport à nous ; mais j'ai peine à le croire. Nous n'exerçâmes jamais fur eux la plus légère vexation -, nous ne leur prîmes rien, pas même de l'eau ou du bois fans leur confentement. Les noix de cocos, étoient auffi affurées fur les arbres, auprès defqucls travailloient nos Matelots, que celles du milieu de l'Ifle. Hcureufêmcnt pour nous il y avoir, dans le voifinage du Havre, des cocotiers qui n'appartenoient à aucun Habitant en particulier i de forte que nous les engageâmes à nous donner de ces noix, quoique nous n'ayions jamais pu en obtenir de leurs plantations. Nous n'étions pas abfoîumcnt dépourvus de rafraîchie femens j car, outre le poiffon que nous prenions avec la feine, nous nous procurions journellement des fruits £e des racines des Habitans, mais non pas en proportion de ce que nous pouvions en confommer. Il étoit difficile d'en obtenir davantage, car ils n'attachoient aucun prix aux Choies que "nous leur donnions en échange. Ils n'avoient pas la moindre connoiffance du fer* en conféqucncc, les clous, les outils, 6ec. qui avoient eu un fi grand cours dans les Ifles de l'Eft , n'avoient ici aucune valeur, 6e pour des hommes qui vont nuds, les étoffes étoient parfaitement inutiles. Les productions de flfle font le fruit à pain, les noix de cocos, un fruit reffemblant à la pêche, qu'on nomme pavie , l'igname, la patate, la figue fauvage, un fruit pareil à l'orange, qui n'eft pas mangeable, ce quelques autres dont je ne fais pas le nom. Je ne puis clouter que la noix%mf-cade, dont j'ai parlé , n'y croiffe. Les fruits à pain, les noix de cocos , ce les bananes n'y font pas li abondans ni fi bons qu'à Taïti ■> mais les cannes à fucre ce les ignames s'y trouvent en plus grande quantité, plus gtoflès 6e meilleures. Une de ces ignames pcfoit cinquante-fïx livres. Les cochons ne parurent point rares, mais nous ne vîmes pas beaucoup de poules \ ce font là les feuls animaux domeftiques qu'aient les Habitans. Les oifeaux de terre n'y font pas, à beaucoup près, fi nombreux qu'aux Ides de la Société ; mais on y trouve de petits oifeaux du plus joli plumage, 6e dont l'cfpccc nous étoit inconnue. Les arbres 6e les plantes, qui croiffent fur cette terre font aufîi variés, dans leurs efpèces, Ce 2 204 V O Y AGE ;™5!ï que dans aucune des Ifles où nos Botaniftes ont eu 1$ iofo7^' tcmPs d'herborifer.. « Parmi ies plantes d^nt font remplis les bois, un » grand nombre croient nouvelles pour nous, ce d'autres » croiflenr aux Ifles des Indes Orientales. I es terres cult> » vées cn contiennent cn outre quarante efpèces in-» connues aux Ifles de la Société £e des Amis. » Je crois que ces Infulaires vivent principalement du produit de la terre, & que la mer contribue peu à icur fubfiftancc. Cela vient-il de ce que leur côcc n'eft pas poiffonneufê, ou de la mal-adrefle de leurs pêcheurs? Je ne lafïûreraî point i peut-être ces deux caufes y concourrent-clles cnfcmble ? Je n'ai vu dans lifte aucune efpèce de filet; ni aucun Habitant pêcher ailleurs que fur les récifs, ou le long du rivage du Port, où ils épioient !e poifîbn qui pafloit à leur portée pour le darder ; ce, à cet exercice, ils montrent de la dextérité. Ils admiraient les pèches que nous fûfions avec ta feine i & je crois que nos fuccès devinrent pour eux des motifs de jaloufie: fans doute ils onc d'autres manières de pêcher que celle du dard. « Les coquillages font rares fur la côte. Les Habitans & vont en chercher fur les autres Ifles, ce ils mettent quel-» que prix aux grandes nacres de perle. Le poiffon y paroît » abondant ce varie. Nous prîmes à la feine & à l'hame-» çon des mulets (mullui)> des brochets du Bréfil, des » dauphins, des perroquets de mer, des raies, des raies fans » dents, des anges, des goulus, des fuccurs, 6e plufieurs » efpèces de maquereaux , 6e des mugils. » Nous jugeâmes que la petite Ifle d'Immcr croît principalement habitée par des pêcheurs, ce que les pirogues que nous voyions fréquemment paffer de cette ifle à la pointe orientale du Port, étoient des bâtimens deftinés à la pêche. Ces pirogues font d inégales grandeurs; il yen a de trente pieds de long, deux de large, ce trois de haut. Elles font compofées de plufieurs pièces de bois, groflière-ment coufues cnfemble avec des treffes de fibres de co-corier. fes jointures font couvertes cn dehors par une latte mince, garnie de rainures, fur lcfqucllcs paflènt les trèfles. Ces embarcations vont à la rame ou à la voile. La voile, qui cfl latine, eft rendue entre deux perches, dont l'une feru de vergue ce l'autre de baume, 6e elle eft guindée à un mât court. Quelques-unes des grandes pirogues ont deux voiles ' 6e routes font à balancier. Dans les commencemens , nous penfî uis que les Naturels de cette Ifle, ainfi que ceux d'Erromango, étoient un mélange des Habitans des ifles des Amis 6e de Mallicolo-, mais cn les obfervant plus particulièrement, nous fûmes convaincus qu'ils n'ont prefqu'aucune affinité , ni avec les uns, ni avec les autres, à l'exception de leur cheveux, qui différent peu de ceux des Indiens de Mallicolo. Ces cheveux, noirs dans les uns, 6e bruns- dans les autres, font crépus 6e frifes. Nous en avons remarqué quelques-uns jaunâtres à la pointe. Us les féparent en petites mèches^ " 1 tas autour defquelles ils roulent leeorce d'une plante délice i NAoû[77+ JLl^°iu^ 1111 Pouce environ du bas-, 6e, àmefure que les cheveux croiiTcnt, ils continuent de rouler leeorce autour i ce qui fait l'effet de plufieurs cordelettes, « Elles ont de cinq à huit ou neuf pouces de longueur, » 6e pendent des deux cotés de la tête. Quelques-uns, » 6e fur-tout ceux qui ont les cheveux laineux, les laifîènt » croître fans leur donner de forme particulière, ou bien n ils fe contentent de les attacher en touffes au fommet de » la tête avec une feuille. La plupart y portent un petit » bâton ou rofeau mince d'environ neuf pouces de long, » avec lequel ils fe grattent : leur tête eft remplie de ver- y> mine. Ils y placent auffi, comme un ornement, un autre » rofeau garni de plumes de coq ou de chouette \ un petit » nombre y met un chapeau de feuilles de plantain verd, 95 ou de nattes. Il y en a qui forment de leurs barbes des. » efpèces de cordelettes. ». Cette barbe , qu'ils portent courte, eft forte ôe épaiffe. Les femmes ont généralement des cheveux courts , ainfi que les jeunes geus, jufqu a l'âge de virilité. Nous avons vu des hommes 6e des femmes, qui avoient des cheveux comme les nôtres i mais il étoit ailé de s'appercevoir qu'ils étoient d'une autre race, ôc je crois qu'on nous fit entendre qu'ils venoient d'Errouam. C'eft à cette Ifle qu'appartient une des deux langues qu'ils parlent, 6e qui cft prcc que la même que celle des Habitans des Ides des Amis. Il eft très-probable que ceft de ces Ifles qu'Erronam a ^iré fes Habitans, 6e que, par une longue communication avec Tanna ce les autres terres voifines, les différentes Nations ont appris leurs différentes langues. Celle que parlent les Habitans de Tanna, ce fi nous ne nous fommes point trompés , ceux d'Erromango ce d'Anattom, leur eft particulière. Elle diffère de celles de toutes les autres Ifles , ce n'a aucune affinité avec celle de Mallicolo ; de forte qu'il paroît que le Peuple de ces trois Ifles, eft une Nation abfolument diftinefe. Mallicolo, Apée, cec. font des noms qui leur étoient entièrement inconnus j ils n'avoient même jamais entendu parler de l'Ifle Sandwich, qui eft bien moins éloignée. Je me donnai allez de peine pour fivoir jufqu'où s'étendoient leurs con-noiffanecs géographiques, ce je trouvai qu'elles ne pafîbient pas les bornes de leur horizon. Ces Insulaires font d'une médiocre ftature, minces de raille-, il cn eft beaucoup de petits > on en voit peu de gros ou de robuftes j ils ont un air agréable ; « mais on remarque » rarement à Tanna ces beaux traits, fi communs parmi les » Infulaires des Ifles de la Société, des Amis ce des Mar-3» quifes. Je n'ai pas trouvé un feul homme corpulent» » ils font tous pleins de vivacité ce de feu, ils ont le nez t> large, les yeux pleins & doux. La phyfionomie de la plu-» part eft ouverte, mâle ce honnête; quelques-uns cepen-» dant l'ont mauvailc. » Ils font, comme les Peuples des Tropiques, agiles ce difpos ; ils excellent à manier leurs armes, ce montrent de l'averfion pour le travail ; jamais ils ne voulurent nous aider, en quelque ouvrage que ce lut, ce les Habitans des autres Ifles s'en faifoient un plaifir : leur penchant pour loifiveté fe manifcfte fur-tout par la manière indigne dont ils traitent les femmes, qui ne font proprement que des bêtes de fomme. J'en ai vu marcher une ayant un gros paquet ou un enfant fur le dos, ce un autre paquet fous le bras, tandis qu'un jeune-homme, qui alloit devant elle , ne tenoit à la main qu'une maffue ou une lance. Nous avons fréquemment obfcrvé , le long de la plage, fous l'elcorte d'un certain nombre d'hommes armés, de petits troupeaux de femmes, chargées de fruits 6e de racines ; mais rien n eft plus rare que de rencontrer des hommes portant des fardeaux. Nous n'avons pas pu nous informer du Rijet de ces fortes de convois, ni par quelle raifon les femmes marchaient ainfi efeortées. Nous imaginâmes d'abord qu'habitant les environs du Port, elles fuyoient avec tous leurs effets , pour s éloigner de nous y mais, prefque journellement, elles pafîoicnt chargées à-peu-près de .même» Je ne dirai pas que les femmes de cette contrée font belles ; mais je penfé qu'elles font afîèz jolies pour les Habitans, 6e qu'elles le font trop pour l'ufage qu'ils en font; elles ne portent qu'une corde autour des reins, 6e quelques brins de paille, qui y font attachés devant 6e derrière. Les deux fexes font d'une couleur très-bronzée, mais non pas noire ; ils n'ont même aucun trait des Nègres ; ils paroiifent plus bruns qu'ils ne le font naturellement, parce qu'ils fc peignent le vifage avec un fard de noir de plomb;ils ufenr aufîi d'un fird rou^c, 6e d'une troifieme forte brunâtre,ou d'une couleur entre le tomç & lc wfc iIs ic mettent de larges couches de touc ces fards, non - icuicmeiit furie vifage, mais p u Capitaine Cook. 209 mais encore fur le cou, les épaules 6e la poitrine. « Pour 11.......■ •» mettre ces peintures, ils fe fervent d'huile de noix de An^"0JJ7*' » cocos, ils fe font des barres obliques de deux ou] trois »> pouces de large ; ils emploient rarement la couleur » blanche ; mais ils fe couvrent quelquefois une moitié du » vifage de rouge , 6e l'autre moitié de noir. » Ils se font des incifions, fur-tout au haut du bras, & fut » le ventre ; elles tiennent lieu des piquures, en ufage parmi » les Infulaires d'un teint plus clair, qui habitent les Mes des * Amis 6e de la Société, la Nouvelle-Zélande , l'Ifle de » Pâquc ôe les Marquifes. Ils enlèvent la chair avec un » bambou, ou une coquille aiguë, & ils y appliquent une » plante particulière, qui forme une cicatrice élevée fur la » furfàce de la peau, après que la bleffure eft guérie : ils ont »' foin de donner à ces cicatrices la forme des fleurs , ce » d'autres figures ; ce qui eft une grande beauté dans le » pays. Nous n'avons apperçu qu'un feul homme qui fût » tatoué fur la poitrine; on a déjà remarqué que la piquurc «» fembloit avoir été frite de la même manière qu'à Taïti. » Les Hommes n'ont d'autre vêtement qu'une ceinture 6e une pagne, qu'ils placent d'une manière auffi indécente que les Habitans de Mallicolo. Les femmes s'enveloppent d'une pièce d'étoffe qui les couvre de la ceinture aux genoux , en forme de jupe, 6e cette étoffe cfl de fibres de bananiers. « Les enfans prennent ces feuilles à l'âge de fîx w ans. Je ne puis m'empêcher de répéter encore ici qu'ils * ne fe fervent pas de cette couverture, par des motifs de £ décence : en effet, elle produit un effet fi contraire > Tome III. Dd » que chaque Infulaire de Tanna ou de Mallicolo reflèmble y» à cette Divinité famcufe, qui protégeoit les vergers 6e les » jardins des Anciens. *> Le cartilage , entre les narines , eft communément » troué 6e orné d'une pierre cylindrique, ou d'un morceau *> de bambou d'un demi-pouce dcpaiflèur. » Les deux sexes font chargés également de bracelets, de colliers, de pendans d'oreille 6e d'amulettes. Les bracelets font fur-tout portés par les hommes : il y en a de coquillages ce d'autres de cocos. Les hommes aiment auffi à fe parer d'amulettes: ils attachent un grand piix à celles qui font d'une pierre verdâtre , 6e c'eft par cette raifon qu'ils échan-geoient volontiers les fruits de leur pays pour des morceaux de talc verd de la Nouvelle-Zélande, f Ils placent fouveht » à la partie fupérieure du bras gauche , un morceau de » coque de noix de cocos, bien fculpté, ou fimple 6e poli, » qu'ils relèvent par des plantes , telles que i'Evo.die » honenfts (a), le Crotum variegatum , Lycopodium » pklegmaria 3 Vitex trifolia > ou une efpèce *XEpiden-m drum. » Les colliers font le principal ornement des femmes, & la plupart font de coquillages. Tous les hommes 6e toutes les femmes mettent des pendans d'oreilles, 6e ceux d'écaillé de tortue leur paroiffent d'un grand prix. Les Gens de l'équipage qui avoient apporté de lecaille des Ifles des ( a ) Voye\ Forftcr, Nova. Gai, Plant, Amis, la mirent cn vente, 6e elle fut plus eftimée que -sïsz??. ■toutes nos marchandifes. Il faut en conclure que ces In- An'n; l7 , 7 Acut. diens prennent rarement des tortues. Je nen ai vu qu'une dans le Port, 6e c'étoit au moment que nous appareillions. J'ai encore obfcrvé que, fur la fin de notre féjour, ils corn-mençoient à demander des haches & de grands clous ; ce qui prouve allez qu'ils avoient reconnu que le fer eft d'un bien plus grand fervice que la pierre, l'os ce les coquilles,, dont ils fabriquent leurs inftrumens. Leurs haches de pierre, du moins celles que j'ai apperçues, n'ont point la forme des herminettes des autres Ides; mais elles reflemblcnt davan- cage à une hache de cette figure «ggp ■--------- ■ *» ; le manche, qui eft d'une bonne grofîeur, a un rrou dans lequel la pierre eft fixée. Les Arts , chez ces Peuples, à l'exception de la culture des terres, méritent à peine qu'on cn faffe mention; leurs manufactures fc réduifent a une mauvaifc efpèce de natte, ce à une étoffe non moins grofïicre d corce d'arbre, qu'ils emploient principalement en ceintures. Laftruéture de leurs pirogues, comme je l'ai obiervé, annonce toute la rudc/Iè de leur fituation ; leurs armes , malgré les peines qu'ils prennent pour les polir, font, à cet égard, fort inférieures à celles que nous avons vues chez d'autres Nations; ce font des maffues, des lances, des dards, des arcs, des flèches Se des pierres. Ils fe fient beaucoup à leurs, dards, dont la ' pointe triangulaire a des barbes dentelées. Pour les lancer, ils fe fervent d'un cordon fortement trèfle., de fix pouces environ de longueur, ayant un œillet à un bout, 6e un *iocud à l'autre. L'index de la main droite fc place dans Dd z * l'œillet, & l'autre bout cft tourné autour du dard où i! " eft prefque en équilibre.. Ils tiennent le dard entte le pouce ce les autres doigts qui lui donnent feulement la direction; fa vireffe lui étant communiquée par le cordon & l'index. A finftant que la viteffe du dard devient plus grande que celle de la main, le cordon s'en détache, ce refte à l'index, prêt à lancer un nouveau trait. Avec ces dards , ils tuent des oiicaux 6e des poiiîbns : à la diftance de huit ou dix verges, ils mettent dans un blanc de fix pouces de diamètre, fans jamais y manquer; mais, à une diftance double, le blanc eût-il dix-huit pouces de largeur, ils n'y touchent que par hafird , quoiqu'ils lancent ces traies à foixante ce foixante-dix verges. Quelle que foit l'élorgnement du but qu'ils veulent atteindre, le dard eft toujours décoché de toute leur force. Les dards, les arcs ce les flèches font pour eux ce que les moufquets font pour nous : les flèches font des rofeaux armés d'une longue pointe d'un bois très-dur : quelques-unes de ces pointes font barbelées fur les arêtes, ce celles avec lefquclles ils tirent les oifeaux, ont deux , trois, de quelquefois quatre pointes. Les pierres dont ils font ufige, iont des morceaux de roches de corail de huit à quinze ronces de longueur, fur un ce demi de diamètre. Je ne dirai pas s'ils les jettent comme armes de traits. Il en eft peu parmi eux qui ne portent une maffue, des dards, ou un arc ce des flèches; mais jamais, l'un & l'autre ensemble; 6e ceux qui portent des pierres, les tiennent communément clans leur ceinture. « En général , les jeunes - gens fe fervent de frondes & « d'arcs, 6e les hommes, d'un âge plus avancé, de niafïucs » ou de dards. Les arcs font du meilleur bois de maffue, 1 1 m » ( Cafuarina ) très-fort 6e très-élaftiquc : ils le pouffent A""^J¥ » beaucoup, & peut-être qu'ils le trottent d'huile, de » tems-cn-tems, pour entretenir fa fouplclfe. Leurs traits » de Bambou, ont près de quatre pieds de long; les dards * ou les piques neuf à dix, & feulement un demi-pouce de » diamètre. J'ai obfcrvé que , comme ils craignent de bri-» fer leurs arcs, ils ne les courbent pas extrêmement, ce, à » vingt-cinq ou trente verges, on a peu à craindre de leurs » flèches. » Leurs massues ont quatre ou cinq formes différentes-; * Lcsmeilleures ont quatrc'piedsde long, un noeud rond, au » manche , qu'ils tiennent dans leur main, & l'autre extrémi-» té,avec laquelle ils frappent, a la figure d'une étoile, 6e » plufieurs pointes proéminentes. Une féconde efpèce, d'en-» viron fix pieds de long, a un grand nœud ou excroif » fmee latérale à un bout. Une troifieme, d'environ cinq . » pieds, a une pièce plate, de huit ou dix ponces de long , » fc projetant à angles droits, 6e qui reifemblc à la flamme » d'un Maréchal : elle a un tranchant très-aigu. La qua-» tricme cft exactement pareille à celle-ci ; mais elle a » un de ces pâles plats de chaque côté. Enfin la cinquième ■ eft un fimple morceau de rocher de corail, grolfièrement *> t.availlé cn cylindre, de dix huit pouces de long 6e de » deux de diamètre, lis font ufage quelquefois de celle-ci » comme d'une arme mifïivc. » JE crois devoir rapporter ici un paffage entier > tire du Journal de M. Wales. Comme il étoit conti- N' AT774' nucllemenc à terre, il a eu plus d'occafion de remarquer Août. > r -i l'adreiTe des Infulaires dans le maniement des armes. Le pallàge eft conçu en ces termes : « J'avoue que j'ai fouvent » été tenté de croire que les exploits des Héros d'Ho-» mere avec leurs javelots , tenoient un peu trop du «> merveilleux pour trouver place dans un Poëme héroï-*• que qui fe renferme dans les régies prefcrites par » Ariftote. M. Pope, le fublhne Traducteur de ce Poète, » reconnoît lui-même qu'ils doivent paroître prodigieux. :» Mais depuis que j'ai vu ce qu'exécutent ces Infulaires » avec des javelots de bois, groffièrement ai mes de pointes, » qui n'ont pas même la dureté du fer, je crois tout ce x. que le Poète Grec rapporte à ce fujec. Depuis mon fé< » jour à Tille de Tanna , je lui trouve infiniment plus de » beautés : 6e, en effet, il ne rend pas compte d'une action, « d'un effet de ces armes de traits, que je n'aie vu parmi » ces Peuples ; tel eft le mouvement circulaire, le fiflie-» ment du trait, à l'inftant qu'il part, 6e fon frémiffement, 3» cn pénétrant la terre, au moment qu'il tombe: tel eft en-» core la manière dont le Guerrier vile ce ajufte l'objet qu'il » veut frapper, ou cet air menaçant dont il agite fon javelot » en marchant, Sec. Sec.» Tout ce que je fais de leur cuifîne, c'eft qu'elle confifte à griller ou rôtir ce qu'ils veulent manger ; car ils n'ont aucun vafe pour le bouillir. Je n'ai pas remarqué qu'ils boi* .vent d'autre liqueur que l'eau 6e le jus de leurs cocos. « Une espèce de pierre argillcufc, mêlée avec des » morceaux de pierre de craie, forme la plupart des g 1 » rochers, que nous examinâmes. Elle cft communément ^N Août7*" » d'une couleur brune ou jaunâtre, ce elle fe trouve en » couches prefque horizontales d'environ fix pouces de- » paiffeur. En plusieurs endroits, nous obfcrvâmes une » pierre noire, tendre, compoféc des cendres ce deschocrls » vomis par le volcan, mêlée d'argillc ou d'une forte de 3> tripoly, que des Mineurs appellent pierre pourrie. Cette »> fubftancc eft placée quelquefois en couches alternatives » avec la pierre noire. Le même fable volcanique, mêlé au » terreau végétal, forme le fol le meilleur de l'Ifle, où, » comme je l'ai déjà dit, tous les végétaux croiflént en ?> abondance. Le volcan, qui brûle fur l'Ifle , change, » fins doute, beaucoup les productions" minérales, ce 3> nous aurions peut-être foit des obfèrvations nouvelles en » cette partie, fi les Naturels ne nous avoient pas empe- » ché constamment de l'examiner. Nous avons trouvé le <» foufre natif dans la terre blanche, qui couvre les folfa- » terras d'où s'élèvent les vapeurs aqueufes: cette terre eft » très-alumineufe ce peut-être imprégnée de particules de » fel. Nous avons auffi remarqué, près de ces endroits, «> des bols rouges, & les Naturels ornent les cartilages de » leurs narines d'jne pierre blanche félenite. Nous y » avons vu des échantillons de grofîes laves-, mais, comme n nous ne fommes jamais approchés du volcan, nous n'en » avons par trouvé en grande quantité. » Nous ignorons ce qui concerne leur Gouvernement. Ils fcmbleir reconnoître des Chefs parmi eux; du moins on nous montra des Infulaires qui portoient ce titre ; mais 3>l6 V o V a g e ,', ces Chefsj comme je l'ai déjà obfervé , paroiflent jouit " î774* de peu d'autorité fur le refte du Peuple. Le vieux Géoo-v tout. * . • " étoit le fëul pour lequel les Habitans paruffent avoir de la confîdération : mais cette marque d'attention étoit- elle rendue à fon rang ou à fon grand âge ? Je ne l'affii- rerai pas. En divcrfcs occafions, j'ai vu des vieillards ref- pc&és Se obéis. Notre ami Paowang étoit de ce nombre ; Se cependant je ne l'ai jamais entendu nommer Chef, Se j'ai des raifons de croire qu'il n'avoit pas plus de droit à l'autorité que plufieurs de fes voifins , Se même moins. Le Peuple ne fembloit obéir à perfonne dans le voilinage du Port, Se, s'il y avoit eu un Chef, il eft bien probable que nous l'aurions connu. « La race d'Hommes, qui vivent fur cette Ifle, eft » moins civilifée que les Habitans des Ifles de la Société Se » des Anus, qui vivent à-peu-près fous le même parallèle, un » peu plus à l'Eft. En comptant vingt mille ames à Tanna, » cette fuppofition paroît portée très - Qau.t. Dans tous les n cantons, que nous avons'parcourus, il y a beaucoup moins » de plantations que de forêts, excepté fur la colline plate, » le long de la côte orientale de la Baie, qui eft en effet » le coin de retre le plus fertile que j'aie vu fur ces Ifles. » L'excellence du fol nuit au progrès de la culture, au-lieu » de la hâter, parce qu'il eft très-difficile de déraciner les » différens arbres, buiifons Se ronces qui croiffent d'eux- » mêmes: les végétaux cultivés, naturellement plus foibles » Se plus délicats, font aifément étouffés par ces produc- K ticsiis fpontanées. Ces deux circonftanccs indiquent allez » que * *f que les Infulaires de Tanna.ne fon: pas nombreux en pro- ^"'-^'t^ *» portion de l'étendue de leur pays. Il paroît que ce Peuple ^n a0i-c774" » vit difperfé cn petits Villages , compofés de quelques *> ramilles, 6e lufagc confiant où ils font de marcher ar- » mes, cft un ligne afîiiré qu'ils avoient autrefois, 6e que » probablement ils ont encore, des guerres avec leurs voi- » fins ou des divifions entr'eux. S'il m 'étoit permis de ha- o» farder une conjecture, appuyée fur les langues que nous » avons entendues parler ici, je fuppofcrois que plufieurs » tribus, de différentes Nations* ont peuplé Tanna, èV fe » font difputés la poffcffion de cette Terre. Outre le lan- » gage ordinaire de l'Ifle, outre un dialecte des Ifles des » Amis, nous avons recueilli des mots d'une troifleme lan- » gue, principalement en ufâge parmi les Habitans des » collines occidentales, & nous avons obfcrvc,en parricu- » lier, que ces trois langues font totalement diftinctes. Il y » a, dans le langage ordinaire de Tanna, deux ou trois » mots d'une affinité manifefte avec celui de Mallicolo, & » deux ou trois Autres répondent à la langue Malaife j mais, » cn général, il n'a point de rapport aux langues que je » connois : il y a une forte afpiration 6e un Ion guttural » dans la plupart des mots, qui étant très-fonorcs ce remplis » de voyelles, fe prononcent aifément. » La petite étendue des Ifles de la Mer du Sud, & le » manque de quadrupèdes, ont empêché les premières peu-» çlades^qui s'y établirent, de vivre de la chaffe , occupa* » tion ordinaire des Sauvages, 6e renfermés par des efpaces *> bornés, qui ne leur permettoient pas de nourrir de nom-ci f>reux troupeaux d'animaux domeftiques , ils furent Tome IIL Ee '■ - » d'autant plus obliges de recourir à la culture du fol, afin de ^NfAoût* pourvoir à leur fubfîftance, qu'ils ne pouvoienr pas fe » nourrir de leur pêche. L'économie rurale, ainfi exercée » dès les premiers tems,a facilité la civilifation. Toutes les » Nations des Ides Tropiques de la Mer du Sud, ont des » habitations fixes, 6e c'eft un degré plus ou moins grand » d'élégance ce de commodité qui les diftingue. D'après » cela , les Infulaires de Tanna ne paroiflent pas fort avait- y> ce. Leurs maifons font feulement des hangards, qui ne » font que mettre à l'abri de l'inclémence du tems. Ils ne » connoifîènt pas encore les vetemensj 6e, leurs corps „ » couverts de peintures 6e de grailles, femblent encore mé- » prifer la propreté. Nous les jugeâmes cependant fort difpo- » fés à fc civilifer davantage. La cuifine , pratiquée par les » femmes, varie beaucoup leurs alimens ; elles rectifient ou » grillent les ignames 6e les bananes ; elles cuifent à l'ctu- » vée les feuilles vertes d'une efpèce de figue 6e de l'okra •> (Hibifcus-Efculentus ) ; elles font de. puddings avec » une pâte de bananes 6e d'eddoes, contenant un mélange » d'amandes 6e de feuilles : diverfes efpèces de fruits » mûrs s'y mangent cruds. Les volailles 6e les cochons » fournifient, fans doute, de tems-en-tems des nourritures » animales, 6e, par intervalles, ils prennent des poiffons & n des oifeaux, qui font probablement de grandes friandifcs. » Si le goût, pour la variété des tncts, devient plus général » 6e plus vif, l'Agriculture, les Arts 5e les Manufactures » auront plus d'activité. « La vie domeftique du Peuple de Tanna n'eft pas » privée de tout amufement. Ils font d'un caractère plus du Capitaine Cook. 219 » férieux que les Nations plus civiîifées des ifles des Amis ._ » & de la Société , 6e que les Habitans plus fauvages de Ann- '774. n Mallicolo j mais, d'un autre côté, leur mufique cft pluS Ao^' » parfaite que celle du refte des Naturels de la Mer du Sud »> 6e le goût de l'harmonie, qui fuppofe une grande fenfibilité » d'organes, cft une difpofïtion excellente à la civilifation. » Conformément à leur pofition, gouvernement eft très- * imparfait. Chaque Village 6c chaque famille paroît indc-.> pendant,5e ils ne fc réunifient que lorfquc leurs intérêts » font absolument les mêmes: par exemple, quand leur » pays cft menacé d'une invafion. Les vieillards ou les hom-» mes forts, paroiflent avoir la plus grande influence fur la » multitude ; mais il ne fcmble pas y avoir de diftinction de » rangs. Les intérêts particuliers des petites Sociétés doivent * fouvent fe heurter, 6e entraîner dans des querelles qui » nourriflént la défiance 6e le reflentiment. L'accroiflcment m de population les obligera, par la fuite des tems, à éta-» blir une forme de gouvernement fur une bafe fixe. La » fabrique des armes, qui leur prend maintenant plus de » tems qu'aucun autre de leurs travaux, n'occupera alors quo » leurs heures de loifirj mais ils y répandront la même élé-» gance qu'on remarque fur celles des Ifles des Amis. On P ne fait pas jufqu'où la navigation, fur les Ifles voifînes, peut » hâter cette époque ; car le commerce eft d'une utilité » infinie aux progrès de la civilifation. y> Nous ne connoissons rien de leur Religion, fi ce •» n'eft le chant folemncl que nous entendîmes fur la pointe ■» orientale de la Baie, prefque chaque matin, d'où nous » conjecturâmes qu'ils vont rendre un culte dans le* Ec 2, = » bois des environs. Leurs foins, pour nous empêcher d'à-' n border à cet endroit, confirment cette conjecture i nous » ne leur avons vu faire d'ailleurs aucun acte de Religion, ni » ri.n qui pût palier pour fupcrftiticux. La feule chofe qui » parut avoir rapport avec des idées religieufes, c'eft qu'ils k prenoient, dans une feuille, ce que nous leur donnions j » mai;, comme ce n'étoit pas une coutume générale, & » qu'ils négligèrent cette précaution, dès que nous les » connûmes mieux, je ne puis fonder là - dciîùs aucune » allèrtion. » On ne doit pas attendre que, durant le peu de féjour » que nous avons tait à Tanna, 6e avec auffi peu de liberté » que nous en laiffi d'abord la défiance des Naturels, nous » ayons pu raffembier des obfèrvations certaines 6e inftrue-» tîvcs, ou un détail exact des connoiffmees des Naturels. x> I es ufages de la vie domeftique nous font entièrement » inconnus. Toutes les Nations pratiquent des cérémonies » dans les occafions folemnelles, tels que les mariages, les » naiflànces celés morts, ce, quelques fimplcs qu'elles puif » fent être à Tanna, elles contribuent à répandre des lumières » fur le caractère du Peuple -, mais il auroit fallu un plus *> long tems pour nous en inftruirc. y> Nos différentes courfesi fur la colline , nous don-» nerènt lieu de croire qu'ils font hofpitalicrs 6e bienfaifms, » lorfqu'ils n'ont pas à craindre pour leur propre fureté. Us » nous paroiflent injuftes envers leurs femmes; mais moins » cruels 6e moins dénaturés que les Zélandois. Il femble que » leur caractère fe rapproche, chaque jour, de cette équité » qu'on trouve chez les Habitans des Ifles des Amis & de la ~i—~—^ » Société. *774. Août, » Nous les avons jugés braves Se intrépides *, & la » manière dont ils nous traitèrent dans les bois, après le » funefte affaffinat d'un de leurs Compatriotes, étoit fiïre-» ment généreufe. Notre arrivée parmi eux auroit pcirt-^ être hâté les progrès de leur civilifation, fi nos violences » n'avoient pas enfin détruit la bonne opinion qu'ils com-» mençoient à prendre de nous. On a déjà dit qu'ils *> ne faifoient aucun cas de nos marchandifes -, mais, » comme nous leur avons laiffé un nombre coniidérable » de clous fie de haches, la durée du fer leur infpirera bien-» tôt de l'eftime pour ce méral j 6e le premier vaiffeau qni y> abordera fur leur côte, les rrouvera probablement cm-» preffés d'acquérir des ouvrages de fer. » Le Havre où mouilla le vaiffeau, fut nommé Port de la Réfolution, du nom du vaifleau qui cfl le premier qui y foit jamais entré. Il eft fitué fur le côté Nord de la pointe la plus orientale de l'Ifle, ce à-peu-près à l'E. N. E. du volcan, par les i ?a 32/ z5" ' de latitude Sud, 6e les 1 69* 44' 3 5" de longitude à l'Eft. Ce mouillage n'eft proprement qu'une crique, qui court dans le S. O. O. ^ O. l'cfpace de trois quarts de mille, fur un demi mille environ de largeur, Un banc de fable 6e des roches du côté de l'Eft, le rendent encore plus étroit. La profondeur de l'eau, dans le Port, eft de fix à trois braffes, fond de fable 6e de vafe. Si l'on veut faire de 1 eau 6e du bois, on ne peut defirer un endroit plus commode -, car ces deux articles s'y trouvent, pour ainfi — dire, fous la main. L'eau prit un mauvais goût, après avoit 74» été quelques jours à bord ; mais enfuite elle redevint douce, & même, au moment qu'elle étoit le plus faumâtre, on pouvoir, cn peu d'heures, avec la machine de fer-blanc, en dcffrler une pièce entière. Cette machine , aujourd'hui d'un ufige général dans la Marine, cft une invention admirable. M. Wales , qui m'avoit donné la latitude & la longitude , trouva que l'aiguille aimantée déclinoit de yd 14' 12." à l'Eft, ce que l'inclinaifon de fa pointe Sud étoit de 45/ 2/ i. 11 oblerva encore que le tems de la haute mer, dans les Syzygies, arrivoit à cinq heures quarante-cinq minutes, ce que la marée s elevoit ce rctomboit de trois pieds. du Capitaine Cook. 223 CHAPITRE VIL Reconnoijfance des IJles voijïnes. Defcription plus détaillée de ces Terres. Dès qu'on eut repris à bord nos Bâtimens à rames, nous «—■».......... fîmes voiles à l'Eft, avec un bon frais du S. E. tenant le Ank' v , 10 Août, plus près du vent, dans le deiîein d'avoir une vue plus diftin&e d'Erronam, ce de reconnoître s'il n'exiftoit pas quelque autre terre dans Ton voifïnage. Nous courûmes ainfi jufqu'à minuit, qu'ayant depafle l'Ifle, nous revirâmes de bord, 6e nous fîmes deux bordées. Au lever du soleil, le 21, je mis le Cap au S. O. 2r. me proposant d'arriver au Sud de Tanna , 6e plus près d'Annatom , pour obfervcr les terres qui feroient dans cette direction ; car la matinée, le ciel étant parfaitement ferein , nous n'avions rien découvert à l'Eft. A midi, nous obfervâmes io'' 33' 30" de latitude auftraie; 6e voici quel étoit le giflement des terres autour de nous ; le Port de la Réfolution nous reftoit au N. &6*0. à fix lieues 6e demie; l'Ifle de Tanna setendoit du S. 88d O. au N. 6^ O. le Cap des Traîtres au N. j8d O. à vingt-lieues ; rifle d'Erronam au N. 86d E. à cinq lieues; & Annatom, du S. { E. au S. I O. à la diftance de dix lieues. Je continuai de cingler au Sud, jufqu'à deux heures après midi, que, ne voyant plus de terre devant nous, nous arrivâmes vent arrière — g pour doubler la pointe Sud-Eft de Tanna ; fie" enfuite , avec Aoilt!74* im vcnt ^s c*e & ^* nous en Prolongeâmcs la côte méridionale, à une lieue du rivage. Elle paroiflbit très-efearpée, fans être défendue par aucune chaîne de brifans; la contrée fembloit auflî fertile que dans le voifïnage du Port; fie cn outre elle fe montroit fous l'afpect le plus riant. A fix heures, nous apperçûmes pardeffus l'extrémité occidentale de Tanna , les hautes terres d'Erromango au N. i 6d Oueft; à huit heures, nous doublâmes cette Ifle, & nous fîmes voile au N. N. O. voulant rallier l'Kle Sandwich, pour en achever h Reconnoijfance (a) , fie, celle des Ifles fi tuée au z. z. N. O. Le 21, à 4 heures après midi, nous amenâmes la pointe du S. E. fie rangeant la côte méridionale, je trouvai qu'elle couroit Oueft §: O. N. O. l'cfpace d'environ neuf lieues. Vers le milieu de cette longueur, ce près du rivage, font trois ou quatre Iflots , derrière Icfquels il fcmble qu'on pourroit mouiller en fureté. Mais,n'imaginant pas que j'cufïc du temps à-facrifïcr .à la vifite de cette belle terre, je con* tinuai de longer la côte jufqu'à fon extrémité occidentale, fie je portai enfuite le Cap au N. N.O. pour gagner la pointe S. É. de Mallicolo, qui, à fix heures ce demie le lendemain, nous reftoit au N. i4d Eft, à la diftance de fept ou huit lieues, nous avions riilcTrois-collincs au S. 8zd Eft. On ne tarda pas à découvrir les Ifles Apec , Paoom fie Ambrym. Les terres, que nous avions cru ne former que la feule Ifle de Paoom, parurent alors être deux Ifles ; on voyoit du moins une efpèce de féparation entre la montagne ce la terre qui cft à (a) Ce mot Reconnoiff'anee, ne doit pas fe prendre ici dans un fens .trop littéral. l'Oueft. l'Oueft. Nous côtoyâmes la bande S. O. de Mallicolo à une !*' demi-lieue du rivage. De la pointe S. E. la terre court à ^NA'0ût77^' l'Oueft, un peu vers le Sud, dans une étendue de fix ou lept lieues j elle fc fait enfuite N. O. J O. fcfpace de trois lieues, où elle fc termine eu un Cap , fitué par la latitude de i o"1 irc} à midi, nous en étions éloignes de deux milles, ce la latitude obfervce fut de tff zz |p" Sud. C'eft prefque là le parallèle du port Sandwich, ce notre Montre marine, notre plus sûr guide, marquoit que nous n'en étions qu'à z6f à l'Oueft j diftance que la largeur de Mallicolo ne peut excéder fur ce parallèle. Le Cap Sud-Oueft nous reftoit alors au S. z6'] Eft? à fept milles ; ce la pointe de terre la plus avancée, ce que nous voulions amener au N. O. *- N. A trois heures., nous Tome III. F f 53555 étions par le travers de cette pointe, Se la terre setendoit ' I774' devant nous, Se couroit de plus cn plus au Nord. Nous la côtoyâmes jufqu a fon extrémité leptentrionalc, ou nous n'arrivâmes qu'après le coucher du Soleil ; Se , dans ce moment , nous en étions 11 près que nous entendîmes les voix des Habitans allemblés autour d'un feu. Ici la fonde rapporta vingt braifes d'eau , fond de fable ; mais, cn nous éloignant de la côte, bientôt il n'y eut plus de fond, Se alors revirant je fis une bordée au Sud, jufqu a ce que la Lune vint nous éclairer. Dès qu'elle fut fur l'horizon ^ je repris la bordée du Nord, Se, après avoir doublé la pointe , la nuit le paffa dans le palîàge de M. de Bougainvillc; nous nous étions bien allures de notre pofition avant le coucher du Soleil, cn obfcrvant que la terre, fur le côté fepten-trional du paflàge, setendoit aulliloin que le Nord-Oueft f Oueft. u; La cote méridionale de Mallicolo de l'extrémité du S. E. au Cap Sud Oueft, eft entièrement couverte d'arbres Se d'autres productions de la Nature , du rivage au fommet des montagnes. Au N. O. du Cap, la contrée eft moins boifée, mais beaucoup plus agréablement diverfifiéc par des plaines, dont quelques-unes fembloient cultivées. Les croupes des montagnes paroiflent montrer par-tout la nudité du roc. Les plus élevées font entre le port Sandwich & le Cap Sud-Oueft. Plus au Nord, la terre s'abaiffe infenfiblemcnt, Se elle eft moins revêtue d'arbres : je crois que ce canton eft d'une grande fécondité , Se qu'il a de nombreux Habitans j car, le jour, on voit des fumées s'élever, &, la nuit, des feux briller dans toutes les parties de la contrée, Le lendemain , au lever du Soleil, nous étions prefque ?——"™?r. au milieu du palfage. La pointe N. E. de Mallicolo s'éten- A-^N* doit, par rapport à nous, du S. 30e1 Eft au S. 5$d Oueft; la terre au N. du N. 7od Oueft au N. 40* Eft ; & rifle des Lépreux nous reftoit au N. 3011 Eft, à la diftance de onze ou douze lieues. Nous fîmes alors de la voile, 6e gouvernâmes Nord j Nord - Eft ; & enfuite Nord le long de la côte Eft de la terre feptentrionale, par une jolie brife du S. E. On trouva que cette côte, que nous avions cru continue , cft un amas d'Ifles, dont les terres boifées ont peu d'élévation, & qui, pour la plupart,font d'une petite étendue , la plus méridionale exceptée , que nous appellâmes Saint-Barthélemi, du nom du jour : elle a fix ou fept lieues de circonférence , ce fait la pointe N. E. du paflàge de Bougainvillc A midi, la brife commença à mollir. Nous étions à deux ou trois milles de la terre , £e nous obfer-vâmes, 15d 13' de latitude Sud, l'Ifle des Lépreux nous reliant de l'E. l- N. E. à l'E. « S. E., à fept lieues ; & un gros Cap, qui paroiffoit terminer la côte que nous côtoyions au N. N. O. \ O., à dix ou onze lieues; mais, du haut des murs 3 nous vîmes la terre s'étendre à l'Eft. Nous jugeâmes que cette terre devoit être une Ifle, 6e nous l'avions au N. 1 N. O. j O. En avançant au N. N. O, le long d'une belle côte couverte d'arbres, nous reconnûmes que la terre baffe s eten-doit du gros Cap vers l'Ifle mentionnée ; mais elle ne paroiffoit pas s'y réunir: mon deffein étoit d'entrer dans le canal; l'approche de la nuit m'obligea d'y renoncer, 6e je gouvernai de manière à paffet en-dehors de l'Ifle, L'après-midi, nous Ff 1 21$ V O Y A C E ' . " "t doublâmes de petites Ifles qui boudent le rivage, £e on ob-ferva plufieurs pointes avancées d'inégale hauteur , fans pouvoir déterminer fi elles étoient liées a la principale terre. Derrière ces llle*, étoit une chaîne de montagnes, terminées par le gros Cap. En quelques endroits, la côte paroilloit elearpée, ce, en d'autres, on voyait des efpaces qui avoient la blancheur de la craie. A dix heures , par le travers de Hue , fituée à là hauteur du Cap , je diminuai d^ voile , fie paffai la nuit à fûre de petits bords. « Le Beau tems , quenous eûmes dans cette navigation j » nous montra tout le charme de ces payfcges, Se le plailir oi de contempler de fi jolis peints de vue, coriTpcnfoit en m quelque forre la mauvaife cherc que nous faifîrins; car » nous étions alors réduits aux proviiïons du vaiffeau. » 25, Le 25, au point du jour, nous étions fur la bande du Nord de l'Hic ( laquelle eft d'une médiocre élévation, êe de trois lieues de circuit ), & nous gouvernâmes vers le gros Cap, le long de la terre baffe.  midi,nous découvrîmes pardelfus le gros Cap , une grande côte qui setendoit au N. jufqu'au N. O. ~ O. Après avoir doublé le Cap, la terre couroit au Sud , un peu à l'Eft, ce formoit Une grande ce profonde Baie, bornée à l'Oueft par la côte qu'on vient de décrire. w Tout confpiroit à nous faire croire que cette Baie étoit la Baie de Saint-Philippe ce de Saint-Jacques, découverte, en 1606 , par Quiros, fur la terre auftralc du S. Eprit, Pour déterminer ce point,il Fallait pénétrer plus avant, car alors rien ne la bornoit à nos yeux. Le vent sécant fait Sud, ■nous fûmes obligés de tenir le plus près du vent, ce d'abord nous forçâmes de voiles, pour rallier la rive occidentale de laquelle nous n'étions qu'à trois milles à midi : notre latitude le trouva de i4d 55' 30" Sud, 6c notre longitude de i^7d 3' à l'Eft. L'entrée delà Baie s'étend duN. vrages de fer qui pa; - 'à font devenus précieux. Ils atta-« cherent une branche de plante de poivre à la même » corde avec laquelle nous leur avions tendu des clous, 6e =» il paroît qu'ils ne pouvoient nous offrir que cet emblème s> d'amitié. A la vue de nos bateaux, qui arrivoient, ils ramèrent iiic le rivage, malgré tout ce que nous pûmes leur dire pour les retenir. Au retour des bateaux, M. Cooper m'informa qu'il avoit débarqué débarqué fur la plage, qui eft au fond de la Baie, près d'une SHÉ jolie rivière, donc les eaux font douces, g large ce il pro- ^*0^ fonde, qu'il ne doutoit pas que les bateaux ne puflcnt y entrer au flot. Il trouva trois braffes de fond, tout près du rivage, ce cinquante à cinquante-cinq à la diftance de deux encablures. Plus loin , il n'eut plus de fondes ; ce, où nous étions avec le vaiffeau, il n'y avoit avoit point de fond avec cent foixanre 6e dix braffes de ligne. Avant que les canots Aillent à bord, le vent étoit paffé an S. S. E. Comme nous ne manquions de rien, ce que nous n'avions point de tems à perdre, je profitai du changement de vent, ce je fis voile pour fortir tic la Baie. Durant une partie de la nuit, la contrée fut illuminée de feux, du rivage au fommet des montagnes-, mais il n'y avoit que le côté occidental de la Baie, qui tût ainfi éclairé. Je ne dirai pas à quelle occafion on fit ces feux -, mais je ne puis croire que ce fût par rapport à nous : il eft probable que les Habitans hrûloient les terres, où ils fe pro-pofoient de faire 'de nouvelles plantations. Le 17, au point du , -jour, nous étions aux deux tiers de la Baie ; 6e, comme le vent fut trcsLfoible, nous n'amenâmes la pointe du N. O. qu'à midi: elle nous reftoit dans le N. 8id Oueft, à la diftance de cinq milles. La latitude obfc.rvéefut de i4H 3/ $q" Sud. ^Plusieurs d'entre nous doutoient que cette Baie fût celle de Saint-Jacques ce de Saint-Philippe, parce qu'ils n'y voyoient point d'emplacement qui pût rcflémbler au Port de la Vraie-Croix. Pour moi, je trouvai que tout s'accordoit ii bien avec la Defcription de Quiros, que je n'eus pas le plus léger doute à cet égard. Quant à ce qu'il appelle le Port delà Vraie-Croix, ce cioic être l'ancrage dans le fond de la Tome III. G g 234 Voyage — "' 1 - Baie,qui, en quelques endroits, peut former une anfe plus ^N Aoû77^' Pro^on^c °lue ccue °ù nos bateaux débarquèrent. Rien, dans la Relation de Quiros, ne contredit cette fuppolition (a). Il eft allez naturel que les Efpagnols aient donné au mouillage un nom qui le diftinguât du refte d'une il vafte Baie, où ils avoient été fi lon'T-tems à l'ancre. Le mot Port, eft un de ces o termes vagues de Géographie, qu'on applique fouvent à des places moins abritées que celle-ci. Nos Officiers obferverent que l'herbe 6e les autres plantes, croiffent en abondance fur la plage, jufqu'au bord de l'eau. C'eft-là une marque infaillible du calme qui régne fur ce rivage: 6e les vents ne doivent pas y avoir d'action fur les vai/feaux à l'ancre. Ils conjccfurercnt que , dans le flot , l'eau l'élevoit de quatre ou cinq pieds, 6e que les bâtimensà rames pourroient, dans la haute marée, remonter la rivière , qui eft large 6e profonde ; de forte que c'eft probablement une de celles que mentionne Quiros : 6e, fi nous ne nous fommes point trompés, nous eûmes encore connoiilànce de l'autre. a Quiros avoit raifon d'exalter la beauté 6e la fertile de » ce pays : en effet, il paroît être un des plus beaux du monde. » Ses richefles en productions végétales, auroient ians d«utc » offert beaucoup de t refors de Botanique j parce que, y> après la Nouvelle-Zélande, c'étoit la plus grande Terre » que nous eufîlons vuej 6e jamais elle n'a été examinée par ( a ) Voyei k Voyage de Quiros, dans la Colle&ion de Dalrymple ~, Vol, I} pag. 1,6> i)7. « aucun Naturalifte. Mais 1 'étude de la Nature n'étoit que "'" » le fécond objet de ce Voyage, 6e les befoins de l'équipage %'£77^ » exigeoicnt que nous quittançons cette côte tout de » fuite.» La Baie a vingt lieues de côte; fix du côté oriental qui s'étend dans le S. \ O. Se N. ~ E.; deux au fond, 6e douze fur la rive occidentale, dont la direction cft Sud ^Sud-Eft, ce N. ' N. O., du fond aux deux tiers de fa longueur, 6e enfuite elle devient N. O. i N., jufqu'à la pointe N, O. Les deux pointes, qui forment l'entrée, giflent cntr'elles S. 53^ E. ce N. 5 3d O. l'efpace de dix lieues. La Baie eft par-tout fure ce fans fond, excepté près du rivage, qui eft très-peu élevé. Néanmoins il ne fe trouve qu'une lifiere affez étroite entre le bord de la Mer 6e le pied des montagnes i car la Baie, ainfi que le terrain uni qui s'étend au fond, eft bornée , de chaque côté, par deux chaînes de montagnes, dont celle qui eft à l'Oueft s'élève cn amphithéâtre, 6e traverfe toute la longueur de l'Ifle. La contrée offre par-tout une végétation très-animée. Les deux côtés des montagnes font entièrement couverts de plantations d'eipèces très-variées ; 6e chaque vallée eft embellie par un ruifleau, dont les eaux fer-tilifcnt les terres qu'elles arrofent. De toutes les productions de la Nature, qui enrichiflent cette contrée, le cocotier eft celle qui fe fait le plus remarquer. Les colonnes de fumée qui,le jour, jailliffoient de toutes les parties de l'Ifle, 6e les feux qui y brilloient dans la nuit, annoncent une Terre riche 6c peuplée de beaucoup d'Habitans. La pointe orientale de cette BaiC) qUC j'ai nommée le Cap de Quiros, en mémoire de cet illuftre Navigateur, qui, le premier, fa découverte, Gg z 2 j 6 Voyage gk par les 16A 44' de latit. auftrale, Se par "i 6yA 13'de longitV " Août, à l'Eft. La pointcN. O., que j'appelai le Cap de Cumberland, cn 1 honneur de Son Al telle Royale le Duc de Cumberland , eft par les 1 4d 3 8' 45" de latitude Sud, 6e 1 66d 49' i de longitude à IT.ft \ ce Cap cft l'extrémité N. O. de cet Archipel: car, après l'avoir doublé , nous trouvâmes que la cote rétro-gradoit par degré autour du S. 6e du S. S. E. 2.Ï?, 19. Le 2.8 & le 19, nous eûmes des vents variables &c peu feniiblcs; de forte que nous fîmes très-peu de voile. Dans cet intervalle, nous faisîmes chaque occafion , où l'horizon étoit clair-fin , pour découvrir s'il ne reftoit pas encore d'autres Terres ; mais nous n'en eûmes point connoiflance. D'après la roure que Quiros fuivit au Nord , cn quittant la Baie de Saint-Jacques 6e de Saint-Philippe, il cft probable qu'il n'y a pas de Terres plus voifines que fille de la Reine Charlotte, découverte par le Capitaine Carteret, laquelle eft fituée à quatre-vingt-dix lieues environ, 6e au N. N. O. du Cap Cumberland, 6e que je crois être l'Ifle Sainte-Croix de Quiros. ï Le 30,une brife fraîche du S. S. E. iuccéda au calme, & nous en profitâmes pour nous élever de la côte. A midi, nousobfcrvâmcs 15'' 20' de latitude Sud, nous fîmes enfuite voile à l'Eft, à la difta nce d'un mille du rivage, & bientôt nous revirâmes de bord fur un fond de foixante - quinze braflès, vis-à-vis une plage unie, où fe montrèrent plufieurs Habitans. Nous apperçûmes, fur les côtés des montagnes, diverfes plantations d'arbres difpolées en allées de jardin, 6e entourées de palliftàdes, « 6e la nuit, des feux, par Icfquels » on défrichoît probablement le terrain i Quiros, qui envit w » également, conjectura d'abord , ainfi que nous , que A^ÇH » c étoient des feux de joie ce des illuminations, à caufe de » l'arrivée des vaiifeaux. » Le 5 1 j à midi, la pointe Sud, ou Sud-Oueft de lTfle, nous 5 1; reftoit au N. 6zA Eft, à la diftance de quatre lieues. Cette même pointe forme la pointe N. O. de ce que j'appelle le pa/ïage de Bougainvillc: nous avions enmême-tems la pointe N. Eàtî N. &y Eft, ce l'extrémité N. O. de Mallicolo du S. 5V Eft, au S. 7id Eft. La hauteur du Soleil, obfervée à midi, fut de 1 5^ 45' Sud. Faifant voile à l'Eft l'aprcs-dînée, nous doublâmes la pointe S. O. de l'Iilc, d'où la côte court à FEit un peu vers le Nord. Elle cft bafte, ce fembleavoir quelques criques ou anfes j ce, à mefurc que nous avancions dans le partage, nous apperçûmes de petites Ifles baffes, qui le bordent, 6e dont la chaîne paroiffoit s'étendre derrière flflc Saint-Barthélcmi. Ayant ainsi reconnu les différentes Ifles qui corn-pofent cet Archipel, la faifon de l'année m'obligeoit â retourner dans le Sud, tandis que je pou vois encore employer quelque tems à la découverte des Terres qui fe ren-contreroient entre cet Archipel 6e la Nouvelle-ZéLnde, où je me propofois de toucher, afin de rafraîchir mon équipage, fie faire allez d'eau ce de bois pour une nouvelle courfe du côté du Pôle.Dans cette vue, à cinq heures après-midi, nous virâmes de bord, 6e portâmes le Cap au Sud par un vent très-frais du S. E. La pointe N. O. du paffage, ou la pointe S. Q de l'Ifle de la Terre auftrale du Saint-Efprit, la feule Terre exiftante - du Continent de Quiros, nous reftoit au Nord $iA Oueft, à la diftance de trois lieues. J'ai nommé cette pointe le Cap Lisbnrnc} elle gît par 15e1 40' de latitude auftrale, Se 16^ 59' de longitude à l'Eft du Méridien de Londres. Ce qu'on vient de dire de ces Ifles, dans l'ordre quelles ont été découvertes, n'étant point affez détaillé, foit par rapport à leur' giffement, foit par rapport à leur defcription, il eft, je penfe,à propos d'en faire une récapitulation, qui, avec la Carte ci-jointe, ne laiffe rien à defirer au Lecteur. Les Isles feptcntrionales de cet Archipel furent découvertes en 1606', pour la première fois, par Quiros, Navigateur célèbre j 6e ce n'eft pas fans raifon qu'on les confidéroit comme faifmt partie du Continent méridional, qu'alors, ce jufqu'à ces derniers tems, on fuppofoit exifter. Elles furent enfuite reconnues par M. de Bougainvillc, en 1768 ; 6e ce Navigateur, qui débarqua fur l'Ifle des Lépreux, borna fes découvertes à trouver que la Terre n'étoit point continue, mais un amas d'Ifles, qu'il nomma l'Archipel des Grandes-Cyclades. Comme nous avons déterminé non-feulement l'étendue 6c la pofition de ces Ifles, mais encore fait la découverte de plufieurs autres, qui étoient reliées inconnues, 6e que nous en avons ptis tous les relcvemcns, je crois avoir obtenu le droit de les nommer-, 6e, dans la fuite, je les défi-gnerai fous le nom de Nouvelles-Hébrides. Elles font iituées entre 141119 Se zo(l 4' ^e latitude Sud, 6e entre 166A 41' 6e 170'' 2.1' de longitude orientale. Elles s'étendent, l'cfpace de cent vingt-cinq lieues, dans la direction du N. N. O. 1 O. Se du S. S.E.^E. ÂNN; 1 1 Août. L'I s l e la plus feptentrionale, eft appelé par M. de Bougainvillc, le Pic-de-l'£toile, ce il la place par 14e* 19' de latitude Sud ce 1 68d 9' de longitude, 6e au N. \ N. O., à la diftance de huit lieues de rifle Aurore. L'I s le , qui enfuite s'avance le plus au Nord, eft la Terre du Saint-Efprit. Elle cft la plus occidentale 6e la plus grande de toutes les Hébrides j car elle a vingt-deux lieues de longueur dans la direction du N. N. O. J O. Se du.S. S. E. \ E. M fur une largeur de douze lieues 6e foixante de circuit. Nous fommes parvenus à dcfîincr la figure de cette Ifle, avec la plus grande exactitude". Ces Terres, fur-tout celles du côté Oueft, font d'une élévation extraordinaire, & forment une chaîne fuivic de montagnes, qui, en quelques endroits, s'élèvent directement des bords de la Mer. L'Ifle entière, à l'exception des plages 6e de quelques efcarpemens,où le roc fe montre à nud, eft couverte de bois Se de diverfes plantations. Les Ifles, qui giflent le long des côtes méridionale Se orientale, doivent vraifemblablement former des Baies ce des Ports, auflî-bien abrités que la grande Baie de Saint-Jacques Se Saint-Philippe. Après la Terre.du Saint-Efprit, l'Ifle la plus coniidérable eft Mallicolo. Au S. E. elle s'étend N. O. Se S. E., 6e elle a dix-huit lieues de longueur. Sa plus grande largeur,qui eft à l'extrémité S. E., eft de huit lieues. L'extrémité N. O. n'a guères que los deux tiers de cette largeur, qui diminue ÉSsfHSfifiSBl encore d'an tiers vers le milieu. Ce pétréciflement cft occa> Aém ^onn^ Par unc va^c & profonde Baie fur la bande du S. E. A juger de cette Ifle, d'après ce que nous en avons vu, fon fol doit être très-fertile 6e rempli d'Habitans Ses terres, médiocrement hautes, s élèvent doucement en pente du rivage, au pied des montagnes qui occupent le milieu de l'Ifle. Comme on découvrait les deux tiers de la côte N. E. de fort loin, cette partie de la Carte, que nous en avons drefléc, n'eft pas d'une extrême exactitude i mais le refte a été pris avec plus de précifion. Saint-Barthélemi eft (ituée entre l'extrémité S. E. de la Terre du Saint-Efprit, 6c l'extrémité nord de Mallicolo. Elle eft éloignée de cette dernière de huit milles \ Se c cft entre ces deux Ifles qu cft le paflage de M. de Bougainvillc j •& dont le milieu gît par r 5e1 48' de latitude Sud. L'isle des Lépreux fc trouve entre la Terre du Saint-Efprit 6e l'Ifle Aurore , à huit lieues de la première 6e à trois lieues de la féconde, par la latitude de 15e' 12/ ce prefque fous le même méridien que la pointe S. E. de Mallicolo. Elle a, à-peu-près la figure d'un oeuf, fes terres font hautes■> "Se fon circuit eft de dixdiuit ou vingt lieues. Nous en avons détermine les limites d'après plufieurs relcvemens -, mais les lignes du rivage lurent deiïinces par conjecture, à l'exception de la partie N. E. où il y a un ancrage à un demi - mille de terre. Les Isles Aurore, la Pentecôte, Ambrym, Paoom, 6e les Ifles voifincs Apec, Trois-coilincs & Sandwich,, giiTenc, prefque / prefque toutes, fous le méridien de 167* 2.9 ou 30'à l'Eft, 6e s'étendent du 14* 51' 30" au iyâ 55' 30" de latitude. L'Isle Aurore gît N. J N. O .& S. i S. E. & s'étend 1 cfpacc-dc onze lieues dans cette direction ; mais je ne crois pas quelle ait plus de deux lieues, ou deux lieues & demie de largeur. Ses terres font d'une bonne hauteur ; la furface en eft montueufe, 6e prefque par-tout boiféc aux endroits que les Infulaires habitent 6e cultivent. L'Isle de la Pentecôte , qui eft à une lieue 6e demie au Sud de l'Ifle Aurore, a la même longueur, 6e gît dans la direction Nord & Sud ; mais elle cft un peu plus large que celle-ci. Elle eft d'une hauteur coniidérable, Se couverte de bois, à l'exception des cfpaces de terrain cultivés, qui paroiflent en grand nombre. De l'extrémité méridionale de l'Ifle de la Pentecôte, au côté feptentrional de l'Ifle d'Ambrym , la diftance eft de deux lieues 6e demie. Cette dernière a fept lieues environ de circonférence. La terre cft bafle fur les bords de la mer, d'où elle s'élève inégalement pour former, dans le milieu de l'Ifle, une montagne d'une médiocre hauteur. Nous avons vu fortir de la montagne de vaftes colonnes de fumée, fans être aflurés qu'elles fuflent l'cftet d'un volcan. Qu'elle foit fertile Se bien peuplée, c'eft ce qui nous a paru très - probable, d'après toutes les fumées que nous avons vues s'élever des bois, de tous les côtés où fc portoient nos regards ; car j« dois obferverque nous ne l'avons pas entièrement reconnue, J'orne III, H h Nous avons encore moins reconnu Paoom ce les terres. Août/4' voilures. Tout ce que je puis dire de cette Ifle , c'eft qu'elle s'élève fous la forme d'une meule de foin à une hauteur coniidérable. Son étendue ce celle de l'Ifle adjacente, (fi ces deux terres ne font pas continues ) n'excèdent pas trois ou quatre lieues dans toutes les directions ; car la diftance entre Ambrym ce Apec eft à peine de cinq, 6e elles font renfermées entre les deux 6c à l'Eft du Port Sandwich , qui cn eft diftant de fept ou huit lieues. L'Isle d'Apée n'a pas moins de vingt lieues de tour-, fon plus grand côté eft d'environ huit lieues au N. O. 6e S. E„ Cette terre eft très-haute, montueufe, 6e entre-coupée de plaines 6e de bois, du moins dans les parties occidentales Se méridionales j ce nous n'avons point vu les autres. Les Isles Shepherd forment un grouppede petites Ifles d'inégale grandeur, Se qui, de la pointe S. E. d'Apée, s'étendent dans le S. E. l'efpace de cinq lieues. L'Isle Trois-CollinescII: fituéeau Sud, 6e à quatre lieues de la côte d'Apée , Se au S. E, { S. à dix-fept lieues du Port Sandwich. J'ajouterai à tout ce que j'ai déjà dit de cette Ifle, qu'au O. N. O. à cinq milles de la pointe occidentale, cil. une chaîne de récifs fur laquelle la mer fe brife continuel lement. Dans la direction du Sud , à neuf lieues de l'Ifle de Trois-Collines gît l'Ifle Sandwich. Les Ifles Deux-Collines, le Monument , Se Montagu font à l'Eft de cette ligne, Hinchin- brook à l'Oueft, ainfi que deux ou trois autres petites Ifles qui fe trouvent entre elle Se l'Ifle Sandwich, à laquelle elles font liées par des brifans. L'Isle Sandwich a vingt - cinq lieues de tour -, fa plus grande étendue eft de dix lieues. Elle court N. O. \ O. Se S. E. x- E. Nous n'avons vu que dans 1 cloignement la côte du N. O. 6e il pourrait s'être glifle quelque faute, à l'égard de la côte feulement, dans la carte que nous cn avons dreflec. La diftance de l'extrémité Sud de Mallicolo , jufqu'à l'extrémité N. O. de l'Ifle Sandwich, cft de vingt-deux lieues dans la direction du S. S. E. \ rumb Eft. • Dans la même direction giflènr Erromango, Tanna Se Annatom. La première eft à dix-huit lieues de l'Ifle Sandwich, 6e elle a de vingt-quatre à vingt-cinq lieues de tour. Son milieu eft par i 8d 54' de latitude Sud ce ï6f)d 19 de longitude à l'Eft. Ses terres font paifablcment élevées, autant qu'on peut en juger delà diftance, où nous les découvrîmes pour la première fois. Tanna , fituée à flx lieues de la côte méridionale d'Erro-mango, court S. E, ^ S. 6e N. O. ~ N. Elle s'étend environ huit lieues dans cette direction ^ 6e, fur toute fa longueur, elle a trois ou quatre lieues de large. L'isle d'Immer, qui gît N. \ N. E. £ rumb Eft, eft à quatre lieues du Port de la Réfolution de Tanna; 6e l'Ifle d'Erronam ou Tootoona fe trouve à l'Eft dans la même direction , à onze lieues de diftance. Cette dernière, la plus Hh 2 ♦ orientale de toutes les Hébrides, n'a pas plus de cinq lîcur$ Ann. 1774. , 11 v 1 c ■ v r r t-. Août. "c t0uT » raais c^e e^ ttes-haute, & unie a ion fommet. Du côté N. E, eft un petit pic, qui paroît détaché de Tlilc, mais nous le crûmes lié par une terre balle.. Annatom, qui eft l'Ifle la plus méridionale, gît par zoçl 3' de latitude Sud & 170'' 4 de longitude. Elle eft au S. 30e1 E, à onze ou douze lieues du Port de la Réiolution. Ses terres font hautes & montueufes ; c cft tout ce que j'en puis dire « Ce grouppe d'Isles , que nous avons examiné rapide* » ment, en 46 jours, fcmble mériter l'attention des Naviga* » teurs à venir, fur-tout de ceux qu'on enverra faire des s» découvertes dans l'es différentes patries des Sciences!: je 95 ne prétends pas dire qu'ils y trouveront l'argent 6e les perles » dont Quiros étoit obligé de parler, pour engager une » Cour intéreffée 6e avare à favorifer fes grandes 6e nobles » entreprîtes. Ces petits menfonges ne font pas nécelfrires r « depuis que plufieurs Monarques de l'Europe ont appris » au genre- humain qu'ils peuvent ordonner des expéditions » uniquement afin de hâter les progrès des connoiftances hu- » mairies. Cn a reconnu que les femmes prodiguées pi~.r » leurs Prédéccffeurs, à de vils Courtifans , fufflfoicnt pour » produire une révolution nouvelle & importante dans 35 l'état des Sciences, qui, avec peu de dépenfc , peuvent » triompher des obftacles fans nombre que leur oppo„ » fent l'ignorance, l'envie 6e la fupcrftition. Les produc- » tions naturelles des nouvelles Hébrides, fins parler des » richeffes artificielles, fuivant moi, font dignes feules de S l'attention des Voyageurs. Leurs volcans, leurs vitaux » 6c leurs Habitans, employeroient dignement le loiiir d'un -- » Ferbet , d'un Solandcr , & de ceux qui ont lait A„- 1 » l'Hiitoite Naturelle de notre globe. » Nous plaçons ici les obfèrvations delà Lune, fûtes par M. Wales, qui ont fervi à déterminer la longitude de ces Mes , rapportées par la montre au Port Sandwich à Malli-colo, Se au Port de la Réfolution , à Tanna. Milieu de dix fuites d'Obfcr- \ vations faites avatu d'y j J arriver...,...........167* î*' 33' ; / port I-De deux fuites au Port ,168 z 37 i l Sanl»Vicm. J-De vingt autres fuites"» / après le départ........167 J7 f Réfultar moyen..........r£7 J7 i i Milieu de vingt Obfèrvations i" \ avant d'y arriver.......i6 47 12 f Réfultac moyen......... 1C9 44 35 Il est nécessaire de remarquer que chaque fuite dobfcr-vations étant de fix à dix diitanecs obfervées du Soleil ce de (<0 «M. Ferber eft le premier & le feul Naturalise, qui nous ait donné » une defcription vraiment feientifique & mincrologique du Véfuve* » Foyrç fes Lettres au JJaron de Boni, d Londres, 1777.» ■ ■ -i Lune, ou de la Lune Se des étoiles, le nombre total fe monte Août. a p*u"curs centaines i 5e quayant ete rapportées, par la montre Marine à toutes ces Ifles, la longitude de chaque terre fe trouve aufîi exactement déterminée que celle des deux Ports mentionnés. En preuve de ce que j'avance ici, j'ajouterai feulement que la longitude des deux Ports, conclue des obfèrvations de diftance, différoit à peine de deux milles de celle qu'a donnée la montre Marine. On voit par-là de quel degré d'exactitude ces obfèrvations font fufeep-tibles, quand on les multiplie à un nombre coniidérable, qu'on les fait avec différens inftrumensj qu'on obfcrvc le Soleil 8e les étoiles, ou des deux cotés de la Lune. Par cette dernière méthode, les erreurs, qui peuvent naître des inftru-mentsJu des tables lunaires, fedétruifententr elles; Se même celles qui proviendroienr de l'Obicrvatcur -, car il y a des hommes qui obfcrvcnt mieux que les autres. Si nous voulons taire attention au nombre d'obfervations qu'on peut faire dans le cours d'un mois, par un tems favorable , nous demeurerons convaincus que cette méthode de trouver la longitude des lieues, eft auffi exacte que la plupart des autres i du moins elle eft la plus aiféc,& elle n'occafionne qu'une très-petite dépenfe à l'Obicrvateu^. Chaque vaifleau, qui part pour un Voyage de long cours, peut toujours être fourni à peu de frais d un nombre fuffifant de fextans ; bien entendu qu'on aura foin de choifir. les mieux faits -, car La différence du prix ne doit pas être un objet pour un Officier qui cft * intérefîé à fe procurer un bon infiniment. L'article le plus . coûteux, Se qui cft, en quelque manière indifpcnfablc, pour arriver à une certaine précifion, c'eft une bonne montre; mais, pour l'ufage ordinaire Se où cetee précifion n'eft pas requifc , on peut s'en difpenfer. J'ai déjà dit dans ce i*~»~*>« Tournai que cette méthode de trouver la longitude, n'eft pas Anm' i77^ J 1 v • Août, fi difficile qu'on ne puiiîe, avec une application convenable Se un peu de pratique, bientôt apprendre à faire ces obfèrvations auffi-bien que les Aftronomes. J'ai rarement vu que la différence fut très-confidérablc , entre les obfèrvations de M. Wales, & celles de nos Officiers. En- observant Iadéclinaifon de l'aiguille aimantée, nous trouvâmes, comme il cft ordinaire, que nos compas dîfie-roient entr'eux de deux degrés. Le même compas donnoit quelquefois cette même différence dans la déclinaifon, en différens jours, & même du matin au foir, quoique notre changement de foliation n'eût pas été coniidérable. Par le réfultat-moycn des obfèrvations que j'ai faites, aux environs d'Erromango, 2e de la partie S. E. de ces Ifles, la déclinaifon de l'aimant, fut de i od 5' 48" vers l'Eft, *pc<.mbrc. & nous ne *cs vimes pms- « Nous remarquions plufieurs tourbillons de fumée; » ce qui prouvoit que la terre étoit habitée. Un Officier, du » haut des mâts, nous aifura qu'il voyoit un autre volcan, r» qui vomiifoit de la fumée; mais il fut trompé par les apparences, car nous n'avons trouvé, après notre débar-A quement,.aucune .production volcanique fur cette Ille. » En attendant avec impatience le moment où nous a> aurions des entrevues avec les Habitans de cette côte, » nous formâmes fur eux différentes conjectures. Comme » les IrJiikuics des nouvelles Hébrides font abfolumcnc » dirlcrens des Zélandois, & très-diiférens entr'eux, ce nou- » veau pays s ofîroit de lui-même pour expliquer la popu- » lation de la Nouvelle-Zélande; mais la fuite nous apprit » que nos idées fur ce fujet étoient prématurées, 6e qu'on » ne peut pas encore parler avec précifion de l'hiftoire de il i'elpèce humaine dans les mers du Sud. » A quelques heures de calme, fuccéda une brife du S. E., 6c nous pafsâmes la nuit à louvoyer. ^ Le 5, au lever du Soleil, l'horizon étant tranfparcnt; nous eûmes une vue diftinetc de la côte, qui setendoit au S. E. du Cap de Colnett, ce autour du S.O., jufqucs dans le N. O. 5 O. Les coupures, ou enfoncemens, fe montroient toujours dans l'Oueft, & une chaîne de brifans, qui paroiffoit défendre toute la côte , fe ;o:gnoit à celle que nous avions découverte la nuit précédente. Il m'étoit affez indifférent de ranger la cote du S. E., ou d'aller chercher celle ; ; ; ' du N. E. Je pris ce dernier parti', &,après avoir couru deux lieues en-dehors du récif (car c'en étoit véritablement un ), nous arrivâmes à un paflage, qui avoit l'apparence d'un bon Canal, dans lequel nous pouvions entrer pour accoifer la terre. Je voulois y attérir, non-feulement pour la reconnoître , mais plus encore pour avoir occafîon d'y obferver une éclipfe du Soleil, qui devoir bientôt arriver. Dans ce deilèin, je ris mettre le vaiffeau en panne, & je chargeai deux bateaux armés d'aller fonder le canal; fur ces en-trefaites, dix à douze grandes pirogues à la voile n'étoient qu'à une petite diftance de nous. Toute la matinée, nous les avions vues partir de difrérens endroits du rivage : quelques-unes s'étoient arrêtées près des récifs, où nous {imposâmes qu'elles s'occupoient à la pêche. Au/îi-tôt qu'elles furent raffembîées, elles «s'avancèrent toutes à-la-fois fur le vaiffeau, ce elles cn étoient affez près, quand nous mîmes dehors nos bateaux, qui probablement les alarmèrent; car, fans s'arrêrer, elles ramèrent fur les récils, 6e nos bateaux les fuivirent. Nous reconnûmes alors que ce que nous avions pris pour des ouvertures dans la côte, n'étoit qu'une terre baffe , fans interruption. On peut cn excepter l'extrémité occidentale qui formoit une Ifle, connue fous le nom de Balubêd) ainfi que nous l'apprîmes après. ' Les bateaux nous ayant fait le lignai pout le pafîâgc, &: l'un d'eux s'étant placé près de la pointe 6e au vent du récif, nous entrâmes dans le canal, 6e fur notre route, nous prîmes à bord l'autre bateau. L'Officier, qui Jecommandoit, Ii i gHS—minforma que là mer où nous devions paffer, avoit feize tepwmbm* * °iunî:ol:ze brades d'eau, fond de fable fin; 6e qu'il avoit abordé deux pirogues, dont les Indiens setoient montrés obiigeans 6e civils; ils lui offrirent quelques poiffons, 6e, en échange, il leur préfenta des médailles , 6ec. Dans une des pirogues, étoit un jeune-homme fort & robufle, que nous prîmes pour un Chef; fes camarades lui donnoient tout ce qu'ils recevoient. « Le pays devenoit plus ftérile à mefurc que nous en » approchions, 6e il étoit couvert d'une herbe féche, blan^ » châtre. Les arbres très-clair - femés fur les montagnes, » paroiffoient rous avoir des tiges blanches, &: ils reflem- » bloient à des fiules: on n'y voyoit aucune efpèce d'arbrif- » féaux ou de fous-bois. Plus proche, nous découvrîmes « * une petite bordure de terre plate, au pied des collines, » revêtue d'arbres cèdebuifions verds 6e touffus, parmi lcf- 3> quels nous remarquions,de tems-en-tems, un cocotier 6e P un bananier. Nous obfervions auffi des maifons qui avoient »> la forme de ruches d'abeilles, rondes ou coniques, 6e un » trou pour entrée : elles étoient exactement pareilles à. » celles de l'Ifle des Cocos 6e de Horne, qui font repréfentées » dans le Voyage de le Maire 6e de Schouten (a). » A près avoir doublé le récif, nous portâmes le Cap au S. { E., pour amener une petite Ifle de fable que nous ap-percevions près du rivage, 6e bientôt toutes les pirogues nous fuivirent. Nos fondes furent, pendant près de deux (a) Vaye{ les planches dans la Collection de m. Dalrymplc, lieu es, de quinze à douze braffes d'eau, fond d'un beau fable mamoEBm fin ; enfuite nous n'eûmes plus'que fix , cinq & quatre braffes. AnN' 774' , . 1» ■ 1 * h. Septcmbi z. Nous étions alors fur la queue d'un banc, qui eft un peu en-dehors 6e au N. O. de la petite Ifle. Après l'avoir depaffé, nous trouvâmes fept 6e huit braffes d'eau. Mais, à mefure que nous approchions du rivage , le fond s'éleva infcnfïblcmcnt jufqu'à trois braffes; ce qui nous fît revirer de bord, pour écarter un peu la terre, 6enous laifsâmes tombet l'ancre par cinq braffes, fojgd de fable fin ,fans aucun mélange de vafe. La petite Ifle de fable nous reftoit à l'E. J S. E., à la diftance de trois quarts de mille, 6e nous étions à un mille du rivage de la principale Terre qui s étendent du S. E. J E. au O.N.O. en paflànt par le Sud. Nous avions fille de Balabéa au N. O. ~ N., 6e le Canal, par où r.ous étions venus, au Nord, à quatre lieues. Dans cette pofition,fille de fable 6e fes baffes, 6e le banc qui s'étend en-dehors, nous mertoient parfaitement à l'abri des vents. A peine eût-on placé l'ancre, que nous fumes environnes d'une foule d'Indiens, qui nous avoient fuivi, dans feize ou dix-huit pirogues, 6e donc la plupart étoient fans armes. Ils n'oferent pas d'abord accofter le vaifleau ; mais bientôt nous leur infpirâmes la confiance de s'approcher allez pour recevoir des préfens. Nous les leur descendions au bout d'une corde, à laquelle ils attaehoient, en échange, des poiffonsy tellement gâtés, que l'odeur en étoit infupportab^ ; ce qui étoit déjà arrivé dans la matinée. Ces échanges formant, entre nous,une forte de liaifon, deux Indiens hafardcrentdc monter à bord, 6e bientôt les autres remplirent le vaiffeau. Quelques-uns s'aflirent à table avec nous. La foupe de pois, le 1 ,...__g bœuf 6e porc falés, croient des mets qu'ils n'eurent pas la '^ptcmbi7^' cur'°^t('* ^e g0lAltcr > ma*s ^s mangèrent des ignames que nous avions encore, 6e qu'ils nommèrent Oobée. Le nom diffère peu d'Oofée, ainfi qu'on les appelle dans la plupart des Ifles, à l'exception de Mallicolo: comme toutes les Nations que nous avions récemment vifitées, ces Indiens font prefque nudsjà peine fe couvrent-ils les parties naturelles d'une ctpècc de pagne, telle qu'on en porte à Mallicolo. Ils Rirent curieux d'examiner tous les coins du vaiffeau, qui leur caufoit une extrême fu rprife. Les chèvres, les cochons, les chiens 6e les chats leur étoient h* inconnus, qu'ils n'avoient pas même de terme pour les nommer. Ils paroiilbient faire un grand cas des clous 6e des pièces d'étoffe, parmi lcfquelles les rouges étoient les plus cflimées. « En général, ils admiroient tout ce qui étoit rouge; »> mais ils ne nous offraient rien cn échange. Leur langue, fi n nous cn exceptons Aréckce , 6e un ou deux autres termes, * n'avoit de rapport avec aucune des différentes langues n que nous avions entendues dans la Mer du Sud ; ce qui nous » iùrprit d'autant plus, que nous avions trouvé les dialectes » d'une langue commune dans toutes les Ifles orientales » de la Mer du Sud, ainfi qu'à la Nouvelle-Zélande. Les » Naturels étoient tous forts grands, 6e, cn général,bien » proportionnes: ils avoient des traits intércflàns; la bar je » 6e les cheveux noirs, 6e (ï Frites, qu'ils paroiffoient pref » quelaîneux en quelques individus. Leur teint, d'un cHâ» » rain foncé, étoit à-peu-près le même que celui des » Infulaires de Tanna. » ArRÈs le dîne, -nous allâmes à terre avec deux bateaux armés. Un de ces Infulaires, qui s'étoir attaché à moi de fon propre mouvement,nous accompagnoit. Nous débarquâmes ^^bri" fur une plage fiblonneufe, cn préfence d'un grand nombre d'Habitans, qui s croient raffemblcs pour nous voirjauflï nous reçurent-ils avec des démonftrations de joie, 6e cette furprife naturelle à un Peuple qui voit des hommes 6e des objets dont il n'a pas encore d'idées. Je fis des dons aux Infulaires, que me préfentamon nouvel Ami, 6e qui étoient,ou des vieillards, ou des gens de confidération j mais il ne marqua aucun égard pour quelques femmes placées derrière la foule , £c il me retînt la main, lorfquc je voulus leur donner des grains de raflade ou des médailles. Nous retrouvâmes ici le même Chef qu'on avoit vu le matin dans une des pirogues. Il fc nommoitTéobooma,comme nous l'apprîmes alors, 6e nous ne fûmes pas à terre dix minutes, qu'il fît faire filcnee. Tout le Peuple lui ayant donné cette marque d'obéifîance, il prononça un petit difeouts. a peine eût-il fini, qu'un autre Chef impofa fîlence à fon tour, 6e parla une féconde fois. Ces harangues étoient compofées de courtes fenten-ces , à chacune defquclles deux ou trois vieillards, répon-doient par des branlcmens de tête, 6e une efpèce de murmure, fans doute en figne d'applaudifîèment ; peut-être auffi qu'il propofoit des queftions auxquelles on lui répondoit. Il nous étoit impoifible de deviner le fens de ces harangues, qui, nous étant adreflécs, ne contenaient vraifemblable-ment rien que de favorable pour nous. Tout le tems que ces-Chefs parlèrent, j'obfervai le Peuple, 6e je ne vis rien qui dût nous infpircr de la défiance. « Nous nous mêlâmes enfuite dans la foule pour les —*.....» mieux examiner : plufieurs, qui paroiffoient affectés d'une Ann. 1774. » efpèce de lèpre, avoient des jambes & des bras prodi- Septembre. F r r , . ' , . Y. » gieulemcnt gros : ils croient ablolument nuds , u on » excepte un cordon qu'ils portoient autour de leur ceinture, » & un fécond autour de leur cou. Le petit morceau d'étoffe » d ccorce de figuier, qu'ils replient quelquefois autour de » la ceinture, ou qu'ils laifîent flotter , mérite à peine le » nom d'une couverture ; il ne fert pas plus de voile que » celui des Mallicolois-, &,aux yeux des Européens, il étoit » plutôt malhonnête que décent. Chaque Habitant de cette » Ifle, ainfi que les Naturels cle Tanna 5e de Mallicolo, étoic » une figure ambulante du Dieu Priapc. Les idées de mo- » deffic font différentes dans chaque pays, Se changent aux » différentes époques de la civilifation. Lorfquc tous les » hommes vont nuds, comme à la Nouvelle-Hollande (a)y » on fe regarde avec autant de fîmplicité que fi on étoit » vêtu. Les" habits à la mode, & les armures du quinzième » ôefeizieme fiécles, dans toutes les Coûts d'Europe, paffe- » roientàpréfent pour fort indécens. Et qui ofera dire qu'il » y avoit alors moins de modeffie qu'aujourd'hui ? Qui » ofera diffamer ces braves Chevaliers, fi célèbres par leur » chafteté,, leur honneur ôc leur bravoure, uniquement » parce que leurs culottes étoient faites d'après la mode » du jour (b) > (a) ce Les Infulaires, hommes & femmes, de la Nouvelle-Hollande, » vont entièrement nuds, & , par pudeur , ils ne portent pas le inoindre ?» vêtement. Voyt[ la Collection d'HawkfVorth. (b) a Qn voit dans, les Arcenaux de la Tour de Londres, plufieurs » Armures complètes, qui feront mieux comprendre ce que je veux » dire. » » Cette ■» Cette môme pièce d 'étoffe que les Habitans de la — »> Nouvelle - Calédonie contournent d'une manière fi indé- 'septembre4 » cente, eft fouvent d'une telle longueur , qu'ils en atta- » chent l'extrémité à la corde qui cft autour de leur col: •» plufieurs portoient à cette corde de petits grains d'une » pierre néphritique d'un verd- pâle , qui eft de la même » efpèce que celle de Tanna, 6e prefque femblablc à celle » de la Nouvelle-Zélande ; quelques-uns avoient fur leur tête » des chapeaux cylindriques noirs, d'une natte très-groifierc, » entièrement ouverts aux deux extrémités, & de la forme » d'un bonnet de Huffard: ceux des Chefs étoient ornés de » petites plumes rouges, 6e de longues plumes noires de « coq en décoroient la pointe. A leurs oreilles, dont l'ex- » trémité cft étendue jufqu'à une longueur prodigieufe, 6e » dont tout le cartilage cft coupé en deux, comme à l'Ifle de » Pâque, ils fufpendent une grande quantité d'anneaux » d'écaillé de tortue, ainfi que les Infulaires de Tanna, ou » bien ils mettent, dans le trou, un rouleau de feuilles de » cannes de fucre. » Dès que je leur eus fait entendre que nous avions befoin d'eau, les uns nous montrèrent l'E. 6e d'autres l'O. Mon Ami entreprit de nous conduire, 6e s'embarqua avec nous à ce fujet.Nous rangeâmes la côte vers l'Eft, l'cfpace d'environ deux milles i 6e nous la vîmes prefque par-tout couverte de manglieis. Nous entrâmes, à travers ces arbres, dans une crique étroite, ou une rivière, qui nous porta au pied d'un petit Village, au-deffus des mangliers \ là, nous débarquâmes, 6e Ion nous montra une fource d'eau douce. Le fol des environs étoit en très-bon état de culture, planté de cannes à Tome 1 IL Kk fucre, de bananiers, d'ignames &: d'autres racines, & arrofé Ann. 1774. ^c petjts canaux conduits avec art depuis le prin-Seprembre. r r . . 1 r ^ cipal ruiffeau, qui avoit la fource dans la montagne. Du milieu de ces belles plantations, sclevoient des cocotiers, dont les rameaux épais ne paroiiloient pas fort chargés de fruits. Nous entendîmes le chant des coqs, mais nous n'en vîmes aucun. Les Habitans cui(oient alors des racines dans une jarre de fix ou huit gallons ; & nous ne doutâmes point que ce vafe de terre ne fût de leur propre fabrique. Comme nous remontions la crique, M. Forfter tira un canard qui voloit au-deffus de nous > & ce fut le premier ufige que ce Peuple nous vit frire de nos armes. Mon Ami le demanda j &, quand nous mîmes à terre, il raconta à fes Compatriotes, de quelle manière cet oifeau avoit été tué. « Je répétai même l'expérience, afin de leur donner, » par ces innocens moyens, une idée de notre puiflànce. a La rivière n'ayant pas plus de douze verges de large, » nous débarquâmes fur fes bords, élevés d'environ deux » pieds au-deffus de l'eau. Il y avoir quelques petites fa-» milles : les femmes 6e les enfans vinrent familièrement » autour de nous,fans montrer la moindre marque de dé- fiance ou de mauvaifc volonté. Le teint des femmes étoit * en général d'un châtain-foncé, ou couleur de Mahogany m brun : leur ftature écoit moyenne; quelques unes étoient 3 grandes , leurs formes étoient un peu groffieres, & elles pa-» roifîbient robuffes, A voir leur vêtement qui les défîguroit » beaucoup, on lescroyoit accroupies} c'étoit un jupon court, » ou une frange compofée de filamens ou de cordelettes d'en-» viron huit pouces de long, repliées plufieurs fois autour de » la ceinture : les cordelettes étoient placées les unes au- ■"r ' '"' » deffus des autres, en différentes rangées, qui formoient sc^cmb«î^ » autour du corps une efpèce de couverture de chaume, *» qui ne cachoit pas plus d'un tiers de la cuiffe : elles » étoient quelquefois teintes en noir ; mais communément » les extérieures étoient feules de cette couleur, tandis que » les autres étoient couleur de paille fale. Ces femmes por-» toient, comme les hommes, des coquillages, des pendans » d'oreilles & des morceaux de pierre néphritique ; d'autres » avoient trois lignes noires, qui fe prolongeoient longitu-» dinalement de la lèvre inférieure jufqu'au bas du menton. » Ce tatouage avoit été fait de la même manière qu'aux •» Ifles des Amis ce de la Société. Les huttes, fituées à en-» viron dix verges des bords de la rivière fur une petite » monticule, étoient de forme conique, d'environ dix pieds » de haut, 8e non pointues au fommet. La charpente con-» fiftoit en bâtons entrelacés comme des claies; elles étoient m couvertes de nattes, 6e enfuite de paille fort bien arran-» gée y il n'y avoit point de jour que par un trou d'environ » quatre pieds de hauteur : de forte que les Indiens fe baif-» fbient pour y entrer ou pour en fortir. Nous les trou-» vâmes remplies de fumée, nous y vîmes un monceau de « cendres, 6e nous en conclûmes qu'ils font obligés d'allu-» mer des feux pour chafîèr les moufquites qui infcltent » les marais des environs: comme le tems étoit un peu froid, » nous apperçûmes peu de ces infectes. Les cabanes étoient » environnées d'un petit nombre de cocotiers, dépouillés • de fruits, de cannes à fucre, de bananes 6e d'eddoé's, au ■» pied defquels les Naturels amenoient de l'eau par de P petites tranchées. Quelques-uns des cddoé's étoient alors Kk z Sa » fous l'eau, comme c'eft lufâgc aux Ifles de la mef du Sud. ' » Toute la plantation cependant paroiffoit mauvaifc 6e infuf- o> fifante pour fournir à la fubiiftance des Naturels toute l'an- » née. Un Indien, nommé Hébaï , fembloit être le principal 33 perfonnage de ces familles ainfi raflèmblécs : nous lui n fîmes des préfens. En nous promenant fur les bords de la » rivière, du côté des Manglicrs , je cueillis une plante » nouvelle. Vers les collines, dont les premières élévations » étoienc à la diftance d'environ deux milles , le pays pa- » roiffoit ftérile 6e défert ; nous y remarquions de temsr =» en-tems des arbres 6e de petits cantons cultivés \ mais ils » le perdoient dans la vafte étendue des landes en friche. » Le jour étant déjà fort avancé, 6e le flot ne nous permettant pas de demeurer plus long-tems dans la crique, nous prîmes congé des Habitans, 6e nous revînmes abord un peu avant le coucher du Soleil. D'après cette petite ex-curiîon, je jugeai que nous ne devions rien attendre de ce Peuple , que la permifïion de vifiter librement la contrée. Il eft aifé de voir qu'il n'a guère reçu en partage de la Nature qu'un excellent caractère. Sur ce point, il furpaflbit toutes les Nations que nous avions connues ; 6e , quoique cela ne fatisfît pas nos befoins, nous étions charmés de lui trouver cette qualité, qui nous procurait une paix 6e une liberté précieufes. Le lendemain, nous eûmes la vifite de quelques centaines d'Indiens; les uns arrivoient dans des pirogues, 6e les autres à la nage; ils avoient dans chacune des feux qui brâ-loient fur des pierres. Bientôt les ponts 6e toutes les parties du vaifleau en furent pleins, Mon Ami, qui étoit du nombre. m'apporta des racines ; mais tous les autres n'avoient avec eux M» aucune forte de provifions. « Des femmes accompagnoient Sept'embrc! » les hommes; mais elles ne vinrent point à bord. » Quelques-uns, qui étoient armés de maffues 6e de dards, échangèrent ces armes pour des clous, des pièces d'étoffe, Ôec. Après le déjeuner, j'envoyai deux bateaux armés aux ordres du Lieutenant Pickerfgill, pour découvrir une fource d'eau douce; car celle que nousuvions trouvée, le jour précédent, ne pouvoir nous convenir en aucune manière. Dans le même tems, M. Wales 6e le Lieutenant Clerke allèrent fur la petite Ifle faire les préparatifs néceflâires pour obferver 1 eclipfc de Soleil, qui devoir arriver l'après-midi. M. Pickerfgill revint bientôt à bord pour m'informer qu'il y avoit fur la petite Ifle un ruiffeau d'eau douce, où les bateaux arriveraient très-commodément : auifi-tôt on mit la chaloupe en mer, pour remplir nos futailles , 6e je me rendis enfuite fur l'Ifle, afin détre un de* Ôbfêrvatcurs. L'éclipsé commença vers une heure après midi ; mais des nuages ne nous permirent point d'en obferver le commencement , ce nous perdîmes le premier contact: nous fîmes plus heureux pour la fin, qui fut obiervée de la manière fuivante. M. Wales avec une lunette achromatique de trois pieds6edemi,deDollond,fobferva àjh%%'49"-M. Clerke avec une lunette de deux pieds, de Bird............. 3 28 51 ~ Et moi , avec une lunette de r 8 pouces, de Watkins.......5 28 5 3 ï mmmmmmmm La latitude de l'Ifle, ou du lieu de l'obfervation, fut de Ann. 1774. ioA i7f ta" Sud: la longitude par la diftance de la Lune 6c Septembre. f />. _ 0 , 1 . , , . du Soleil, & de la Lune 6c des étoiles, rciultat-moyen de 48 fuites d'obfervationSj de 141' 11" à l'Eft; &, d'après la montre, de 163e1 58'' o". M. Wales mefura la quantité de 1 eclïpfe avec un quartier de Hadiey, méthode qui n'avoit jamais été pratiquée. Il me femble qu'il répond à l'objet du micromètre avec un grand degré de certitude ; ce qui donne beaucoup plus d'étendue à l'ufagc de cet inftrument précieux. Nos obfèrvations finies, nous retournâmes à bord, où étoit le chef Téabooma, qui quitta le vaifleau, fans que je m'en apper-çuffe; 6e par-là, il perdit le préfent que je Youlois lui faire. « Après avoir mis à terre, à l'endroit où nous débar-•> quâmes la veille, nous longeâmes la grève qui éroit la-» blonneufe, 6e bornée par un fourré d'arbriflèaux fauvages ; » nous atteignîmes bientôt une cabane, d'où des planta-» tions fc prolongeoient derrière la grève ôe le bois: nous » parcourûmes enfuite un canal qui arrofoit les plantations, *> mais dont l'eau étoit très-faumâtre. Delà, nous gravîmes « une colline qui étoit près de nous, 6e où le pays paroif » foit changé. Le plaine étoit revêtue d'une couche légère de fol végétal, fur lequel on avoit répandu des coquilles 35 6e des coraux brifés, pour le marner, parce qu'il étoit très* » fcc. L'éminence, au contraire, étoit un rocher compofé » de gros morceaux de quartz ou de mica (a). Il y croilloit iù) « Cette efpèce de Rocher eft appelle Çefcll-Suin, par ks m des herbes féches d'environ deux ou trois pieds de haut; ......." ■' « mais elles étoient très-clair - femécs dans la plupart des ^ç^'et' » endroits; & , à quinze ou vingt verges les unes des autres, » nous vîmes de grands arbres, noirs à la racine, qui avoient » une écorce parfaitement blanche, &c des feuilles longues de » étroites, comme nos faules. Ils étoient de fefpèce que » Linnéc appelleMela-leuca leucadendr a & Rumphius ar- » bot aiba : ce dernier Ecrivain dit que les Habitans des » Moluqucs tirent l'huile de cayputi, des feuilles qui font 5» extrêmement odorantes (a). 11 n'y avoit pas le moindre » arbriflèau fur cette colline , & la vue fe portoit fort loin, » fans être interceptée par les bois. Nous diftinguâmes de- » là une ligne d'arbres & d'arbuftes touffus, qui fe pro- » longeoient du bord de la me r vers les montagnes. 5» Nous gagnâmes bientôt le ruiffeau où l'on remplit » nos futailles. Les bords étoient garnis de mangliers, au- » delà defquels un petit nombre d'autres plantes & arbres » occupoient un efpace de quinze ou vingt pieds, revêtu » d'une couche de terreau végétal, chargé d'humidité, » d'un lit verdâtre de gramen, où l'oeil aimoit à fe repoler, » après avoir contemplé un canton brûlé & ftérile. Les -> arbriffeaux & les arbres, qui bordoient la côte, nous » offrirent des richeffes en Hilfoire Naturelle. Nous trou- » vâmes des plantes inconnues, & nous y vîmes une grande » Minéral giftes Allemands. Voye\ la Lettre de M. Ferber au Baron a> Born. Ce nom le donne particulièrement à l'efpèce de Rocher où le » mica fe trouve en couches multipliées & horizontales. (a) Herb. Amboin. Vol. II. Tom. XVI. Voyage a » variété d'oifeaux de différentesclaffes, qui, pour la plu- -------- _ _, _^—^ ann. 177^ part, étoient entièrement nouveaux; mais le caractère Septembre. ■ , XT . . . . . , , , » des JNaturels 6e leur conduite amicale, a notre égard, » nous caufa plus de plaifir que tout le refte : le nombre » de ceux que nous apperçûmes étoit peu coniidérable ? » 6e leurs habitations très-éparfes. Nous rencontrions com-» munément deux ou trois maifons, fituées près les unes -> des autres, fous un grouppe de figuiers élevés, dont les « branches étoient fi bien entrelacées, que le firmament y> fe monttoit à peine à travers le feuillage : une fraîcheur » agréable entouroit toujours les cabanes. Cette charmante » pofition leur procuroit un autre avantage -, car des mil-liers d'oifeaux voltigcoient continuellement au fommet » des arbres, où ils fe mettoient à l'abri des rayons brûlans » du Soleil. Le ramage de quelques grimperaux, produifoit » un concert charmant, 6e caufoit un vif plaifir à tous a> ceux qui aiment cette mufîquc fîmplc. Les Habitans eux-» mêmes s'afleyoient communément au pied de ces arbres » qui ont cette qualité remarquable : de la partie fupé-» rieure de la tige , ils pouffent de larges racines, aufîi n rondes que fi elles étoient faites au tour: elles s'enfon-n cent cn terre à dix, quinze 6e vingt pieds de l'arbre, après » avoir formé une ligne droite, ti ès-exacfe, extrêmement élaf » tique, 6e auffi tendue que la corde d'un arc , au moment » que le traie va partir. Il paroît que c'eft de la fubftance » de ces arbres qu'ils font les petits morceaux d'étoffe, qui » leur fervent de pagnes. ~» Ils nous apprirent quelques mots de leur langue, qui p n'avoit aucun rapport avec celle des autres Ifles. Leur » caractère » caractère croit doux 6e pacifique, mais très-indolent: ils ■" ■ .............■ » nous accompao-iioient rarement dans nos courfes. Si £NÏ*" l?7+* r o , [Septembre » nous paiTions près de leurs huttes, 6e li nous leur par- » lions, ils nous répondoient, mais li nous continuyons » notre route, fans leur adrcilèr la parole, ils ne faifoient » pas attention à nous. Les femmes étoient cependant un *» peu plus curieufes, 6e elles fe cachoient dans des huilions » écartés pour nous obferver; mais elles ne confentoient à » venir près de nous, qu'en préfence des hommes. » Ils ne parurent ni fâchés, ni enrayés de ce que w nous tuyons des oifeaux à coups de fufil ; au contraire, » quand nous approchions de leurs maifons, les jeunes-gens s» ne manquoient pas de nous en montrer, pour avoir le » plaifir de les voir tirer. II femble qu'ils étoient peu occupes » â cette faifon de l'année : ils avoient préparé la terre 6e » planté des racines 6e des bananes, dont ils attendoient » la récolte l'été fuivant : c'eif peut-être pour cela qu'ils » étoient moins en état, que dans un autre temps, de » vendre leurs provifions; car d'ailleurs nous avions lieu de » croire qu'ils connoilfent ces principes d'hofpitalité, qui x rendent les Infulaires de la mer du Sud il intérefîans pour b les Navigateurs. » Le soir , j'allai voir faiguade au fond d'une petite crique; ^cétoit un beau ruiflcau qui defeendoit des montagnes. Il falloit avoit un petit canot pour débarquer les futailles fur la plag£ > où elles étoient roulées, 6e pour les charger enfuite fur la chaloupe; car un petit canot pouvoir feul entrer dans- la crique, encore n'étoit-ce que pendant Tome III. Ll ■rnt=:=i; le flot. Nous aurions pu nous procurer ici d'excellent bois C^'iribrc4" C^C ch^^g0 * avec Pms S: BBlitS que de l'eau j mais nous n'en avions pas befoin. « Nous accompagnâmes le Capitaine à terre. Les arbres » Cayputi ( mcleUuca ), dont nous trouvâmes plufieurs » cn fleurs, avoient une écorce lâche, qui, en plufieurs * endroits , crevoit 6e jailliiîoit de la tige, 6e cachoit au-» dedans des efearbots, des fourmis, des araignées, des 33 lézards 6e des feorpions. Nous crûmes voir des cailles, n parmi les grandes herbes féches , mais cela n'eft pas sûr. >» Nous nous promenâmes, jufqu'au coucher du Soleil, fur » les collines les plus près de notre aiguade. Nous tâchâmes » dédire aux Naturels que nous manquions de provifions, » mais ils furent fourds à tous les propos de cette efpèce; » nousreconnoiflîons, de plus en plus, qu'ils avoient à peine » allez de vivres pour leur propre fub/iftance. » Ce même soir , vers les fept heures, mourut Simon Moriîc, notrp boucher, homme eftimé dans le vaifleau. En tofn-bant, lc«jour précédent, dans les écoutilles, il s'étoit bleffé mortellement. y, Le 7, de très-bonne heure , le parti de faiguade, 6e un détachement de foldats de Marine, aux ordres d'un Officier, furent envoyés à terre. Bientôt après, je m'embarquai avec pkificurs autres perfonnes, pour prendre une vue générale de la contrée Dès que nous fîmes fur la côte, nous fîmes comprendre notre deflèin aux Infulaires ; 6e deux d'entre eux s'offrirent pour nous fervir de Guides. Ils nous condui VUE DE MSLE DE LA NOUVELLE cAl,EDONIE. 'firent fur les montagnes, par des chemins allez praticables. . Dans la route, nous rencontrâmes des Indiens, quiAnn. 1774. pour la plupart, vinrent avec nous ; de forte que notre cor- Stl>LUhuiC* tège fc trouva enfin très-nombreux. Quelques-uns parurent délirer que nous retourna/lions fur nos pas y mais nous n'eûmes aucun égard à leurs fignes, 6e nous ne remarquâmes point qu'ils fuflent mécontens de nous voir pourilûvrc notre route. Après avoir atteint le fommet de l'une des montaenes, nous apperçûmes la mer en deux endroits, entre quelques montagnes avancées, à l'oppoiitc , ou au coté S. o. de la' terre. Cette découverte nous étoit d'autant plus utile, qu'elle nous laifoit juger de la largeur de la contrée, qui, dans cette partie, n'excédoit pas dix lieues. ^armi ces montagnes avancées, 6c la chaîne fur laquelle noiis étions, eft une grande vallée, dans laquelle ferpente une rivière. Ses bords font ornés de diverfes plantations, 6e çje quelques villages, dont nous avions rencontré les Habitans fur norre route, 6e que nous trouvâmes cn plus grand nombre au fommet de la chaîne, d'où vraifemblable-ment ils obfervoient le vaiffeau. La plaine , ou le. terrain uni, qui s'étend le long de la rive de notre mouillage, fe préfentoit, â cette hauteur, fous fafpcci le plus avantageux; les finuofités des eaux qui l'arrofent, des plantations, de petits villages, la variété des grouppes dans les.bois, 6e les écueils au pied de la côte, diverfifioient tellement la feenc, qu'il n'eft pas pofliblc d'imaginer un cnfcmblc plus pirto-refque. Sans le fol fertile des plaines 6e des côtés des collines, la contrée entière n offrirait qu'un point de vue trifte & ftérilc. Les montagnes & d'eues endroits clev^, L1 2 wmmm----m ne font, pour la plupart, fufccptibles d'aucune culture. Ce Septembre4' ne *"onC ProPrcmcnt °iuc ^cs mafics de rochers, dont plusieurs renferment des minéraux. Le peu de terre qui les couvre eft dcfîcchée, ou brûlée, par les rayons du Soleil j & cependant *il y croît une herbe groffierc , 6c d'autres plantes,6e ça & là s'élèvent des arbres & des arbuftes. La contrée, en général , refîemble beaucoup, à quelques cantons delaNouvcllc-Hollandc,fîrués d'ans le même parallèle; plufieurs des productions naturelles paroi fient y être les mêmes, ôe les forêts y manquent encore de fous-bois, comme: dans cette Ifie. Les récifs fur la rive, fie d'autres objets dé rcffemblance frappèrent tous ceux qui avoient vu les deux pays. Nous obfervâmcs que toute la cote N. E. étoit remplie d'écucils & de brifans, qui s'étendent au-delà de* rifle de Balabéa, à perte de vue. Apres avoir fait toutes ces remarques, nos Guides ne fe fondant pas d'aller plus loin, nous defeendîmes des montagnes, par un chemin différent de celui que nous avions fuivi pour y monter. Ce dernier nous conduifit dans la plaine , à travers des plantations , dont la diftribution , très - judicieufe , annonçoit beaucoup de foin & de travail. On voyoit des champs en jachère , quelques-uns récemment défrichés, ôe d'autres qui, depuis long-tcms, étoient en état de culture, 6e qu'on recom-mençoit à fouiller. J?ai obfer vé que la première chofe qu'ils font, pour défricher un terrain , c'eft de mettre le feu aux herbes qui en couvrent la furfacc.Ils ne connoiffent d'autres moyens, pour rendre au fol épuifé (a première fertilité, que de le lai ffer quelques années en jachère-, cet ufage cft général chez rous les peuples de cette mer. Us n'ont aucune idée des engrais j du moins je n'en ai jamais yu d'employées. « Le rocher, par-tout de la même nature durant toute ——— » la route, étoit un mélange d'une efpèce de mica 6e de seinembrel » quartz, plus ou moins teint d'une couleur ocreufe ou t> rougeâtre, qui provenoit des particules de fer. A mefure « que nous avancions vers le haut des montagnes, la grof- » feur & la hauteur des arbres diminuoient (a), excepté » en quelques vallées profondes où il y avoit de petits rui£ » féaux, qui fertilifoient tellement le terrain, que diverfes » plantes y croiflbicnt en abondance. y> Près du fommet d'une colline, nous nous*arrétâmes » pour examiner des pieux fichés çà 6e là cn terre: des » branchages 6e des arbres fecs, traverfoient ces pieux. Les » Naturels nous dirent qu'ils enterroient les morts fur cette » colline, 6e que les pieux indiquoient les endroits où ils » avoient dépofé des corps. » Les Insulaires nous voyant d'ailleurs fatigues de la » chaleur exceflive 6e altérés, nous apportèrent des cannes » à fucre j mais je ne puis pas concevoir comment ils » purent les trouver fi-tôt, car nous n'en apperçûmes pofnr, » 6e rien ne nous donna lieu de penfer qu'il cn croiifoit dans »•> le voifinage. » Les sommets des collines>prcfqu entièrement dénies, » offraient toujours la même efpèce de pierre ; ce qui fcmble » indiquer que la Nouvelle - Calédonie conrient des miné-» raux précieux : leur hauteur ne paroît pas fort coniidérable, (a) «Nous trouvâmes l'arbre de Caypuù durant toute h route. » 3^^zzz=?. » Se elle doit être inférieure à celle de la Montagne de la Septembre*' * ^klô,m ^e Bonne Efpérancc b qui, fuivant l'Abbé de » la Caille (a) cil de 3550 pieds Rhinlandois. » A midi, nous étions de retour de cette excurfïon : l'un de nos Guides nous avoit quittés j mais nous retînmes les autres à bord pour dîner, 6e nous récompcnfàmes leur fidélité à peu de frais. « Nous trouvâmes, à bord, un grand nombre de » Naturels qui examinoient chaque partie du vaifleau, Se » qui vendoient leurs maffues, leurs piques Se leurs orne- mens. L'un d'eux étoit prodigieufement grand j il paroif-» foit avoir au moins fix pieds cinq pouces ; & le chapeau n noir cylindrique qu'il portoit, l'exhaufîbit encore de huit » pouces. Plufieurs de ces chapeaux ou bonnets étoient » ornés de plumes de hibou de Ceylan, ( efpèce qui fe » trouve aufîi dans les bois de Tanna) 8c c'étoit parmi eux » une coutume prefque générale d'y attacher leur fronde, ôe »^de tailler pendre les glands du bonnet fur 1 épaule. D'autres •> fois ils y fufpendent des feuilles de fougère : les Naturels en n échangèrent contre des étoffés dcTaïti,quoiqu'ils y miffent » une grande valeur. Le nombre des pendans d'oreilles que 5> plufieurs portoient, étoit remarquable- l'un d'eux n'en » avoit pas moins de dix-huic d'écaillé de tortue, d'un » pouce de diamètre 6e d'un quart de pouce de largeur. Ils 5> nous vendirent auffi un inftrument mufical, une forte de r> fifflet : c'étoit un petit morceau de bois brun poli, d'en- —-—- { a ) Voyei fon Voyage. du Capitaine Cook. 271 viron deux pouces de long, de la forme d'une cloche. En = ----------- 1 . c ----- . *> apparence il étoit folide , 6c il avoit une corde attachée "N' 177 rr ^ v 1 t_ r Septembre » à la petite extrémité , deux trous près de la bafe 6e un » troifieme près de la corde : ces trous communiquoient » cntr'cuxren fou filant dans celui du deifus,il fe formoit » dans l'autre un fon aigu, pareil à un Utilement. Nous » n'avons d'ailleurs remarqué dans la fuite aucun inftrument » qui eût le moindre rapport à la mufiquC. » lis commeNçoiENT à recevoir, dans le commerce, nos '» grands clous de fiche j mais, voyant les taquets & les*bou-» des de fer, auxquels les cordages étoient attachés, ils 1 » montrèrent un grand defir d'en avoir. Ils n'efîàyercnt » jamais de nous voler la moindre bagatelle , 6e ils fe » comportèrent avec beaucoup d'honnêteté, Plufieurs-» vinrent, à la nage, de la côte, éloignée de plus d'un mille : » ils tenoient d'une main leur morceau d'étoffe brune hors » de l'eau, 6e, de l'autre, ils fendoient les flots, cn élevant » une pique ou maffue, qui n'étoit pourtant pas de Cafua-» rina, parce que cette efpèce cft trop pefante pour être » portée de cette manière. » L'après-midi, je retournai à terre avec M. Wales, 6c nous nous promenâmes, le long du rivage, à l'Oueft. Outre les obfèrvations que nous fîmes fur tous les objets qui frappèrent nos regards > nous apprîmes les noms de divers endroits, que nous croyions d'abord erre des Ifles; mais des. recherches plus exactes nous inftruifircnt que c'étoient feulement différens dillriéts de la même Terre. a En descendant,de notre coté, nous trouvâmes, fur 272. V o y age » la grevé, une grande malTe irregulicre de rocher de dix Ann. 1774. o pieds cubes , d'une pierre de corne d'un groin ferme. Septembre, , . . , b ' « ctincclant par-touc de grenats un peu plus gros que des a retes d'épingles; cette découverte nous perfuada davan- » tage qu'il y a des minéraux précieux fur cette Ifle, qui, n dans la partie que nous avions déjà reconnue, différoit de *> toutes celles que nous avions examinées, en ce qu'elle » n avoit point de productions volcaniques. Après nous être 33 enfoncés dans les bois très-épais qui bordoient la côte de » toutes parts, nous y rencontrâmes de jeunes arbres à pain a » qui n'étoient pas encore allez gros pour porter du fruit ; n mais ils fembloient être venus fans culture, &c ce font n peut-être les arbres indigènes fauvages de la contrée : j'y 03 recueillis auffi une efpèce de fleur de paillon: on croyoit » que cette fleur ne fe trouvoit qu'en Amérique. Je me » féparai de mes Compagnons : je parvins à un chemin de « fable creux, rempli, des deux côtés, de lifcrons& d'ar- » briffeaux odorans, de qui paroiflbit avoir été le lit d'un »3 torrent ou d'un ruiffeau : il me conduifit à un grouppe de » deux ou trois huttes, environnées de cocotiers. A l'en- » tréc de l'une d'elles, j'obfcrvai un homme aflis, tenant » fur fon fçin une petite fille de huit ou dix ans, dont il « examinoit la tête: il fut d'abord furpris de me voir; mais, » reprenant bientôt fa tranquillité , il continua fon opéra- w tion: il avoit àla main un morceau de quartz tranfparent, 3> &, comme l'un des bords de ce quartz étoit tranchant, il s'en » fervoit, au-licu de eifeaux, pour couper les cheveux de la *> petite fille. Je leur donnai, à tous les deux, des grains de 73 verre noir, dont ils fcmblcrcnt fort contens. Je me rendis f* alors aux autres cabanes, & j'en trouvai deux placées fi » proches f proches l'une de l'autre, qu'elles enfermoiènr un'efpace I—-» d'environ dix pieds quarrés, entouré, en partie, de haies. ^ept*emVi7e? » Trois femmes, l'une d'un moyen-âge, 6c la féconde 6c la » troifîeme un peu plus jeunes, allumoient du feu fous un de » ces grands pots de terre dont on a parlé plus haut : dès » qu'elles m'apperçurent , elles me firent ligne de m'éloi-» gner; mais, voulant connoître leur méthode d'apprêter » les alimens, je m'approchai. Le pot étoit rempli d'herbes » féches 6c de feuilles vertes, dans lefquelles elles avoient » ^nveloppé de petites ignames : peut-être que, quelque-» fois, on les cuit fous un monceau de terre , parmi des » pierres chaudes, comme à Taïti. Ce fut avec peine qu'elles » me permirent d'examiner leur pot: elles m'avertirent de » nouveau, par fignes, de m'en aller ; 6c, montrant les caba-» nés, elles remuèrent leurs doigts à différentes reprifes fous » leur gofier : je jugeai que fi on les furprenoit ainfi feules dans m la compagnie d'un Etranger,on les étranglerait, ou on les » tucroit. Je les quittai donc, 6c je jetai un coup-d'œil furtif » dans les cabanes qui étoient entièrement vides. En re-» gagnant le bois, je rencontrai le Docteur Sparrman, 6c » nous retournâmes vers les femmes,afin de les revoir 6c de » me convaincre fi j'avois bien interprêté leurs fignes. Elles » étoient toujours au même endroit; nous leur offrîmes, » tout de fuite, des grains de rafîade, qu'elles acceptèrent » avec de grands témoignages de joie ; mais elles réitérèrent j> cependant les fignes qu'elles avoient faits quand j etois » feul : elles femblerent même y joindre la prière de les » «applications5 8e, afin de les contenter, nous nous cloi-» gnâmes à Imitant. Quelque tems après, nous rejoignîmes » le refte de nos Compagnons ; 6c, comme nous avions foi?, Tome II[m M m 274 Voyage — "g » je demandai de Feau à Fhomme qui coupole les che- S*j>«mS?" " vcux ^e ^ Pet!^e ^c ! ^ me montra! un arbre auquel a» pendoient une douzaine de coques de noix de cocos, ar> remplies d'eau douce, qui nous parut un peu rare dans ce » pays mous retournâmes à l'aiguade par terre Se en cha- « loupe; 6e, chemin fùiant, je tuai plufieurs des oîïèauX » curieux dont l'Illc cft remplie, Si entr'autres une efpèce de » corneille commune en Europe. II y avoit à l'aiguade un » nombre coniidérable de Naturels : quelques-uns, pour un » petit morceau d étoffe de Taïti,nous portèrent, en forcWnt y> de la chaloupe , ou en y entrant, fefpace de quarante ver- » ges, parce que l'eut émit trop balle, pour que les bateaux ■» vkiiîcnt jutques fur le rivage : nous y apperçûmes des 33 femmes qui, fans craindre les hommes, fc mcttoîcnt au » milieu de la foule, ce s'amufoient à répondre aux careffes » 6e aux avances des Matelots. Elles les inviroient commu- 9 nément derrière des huilions ; mais, dès que les Amans les » fuivoient, elles s'enfuyoient avec tant d'agilité, qu'on ne y» pouvoir pas les attraper. Elles prenoient ainfi plaifir à 3> déconcerter leurs Adorarcurs, Se elles rioient de bon cœur 33 toutes les fois qu'elles jouoient ce rôle. » Mon Secrétaire acheta un poiffon qu'un Indien avoir harponné dans les environs de l'aiguade, & il me l'envoya abord. Ce poiffon d'une efpèce absolument nouvelle, avoit quelque rcffembîance avec ceux qu'on nomme Sokits : il étoit du genre que M. Linnéc nomme Tetradon. Sa tête hideufe étoit grande 6elongue. Ne foupçonnant point qu'il eût rien de venimeux, j'ordonnai qu'on le préparât pour le fervir le foir même à table. Mais hcurcufcmcnt le tems de le defliner & de le décrire, ne permit pas de le cuire, & Ton n'en fervit que le foie ; les deux MM. Forftcr & moi en ayant Sêtwearbret' goûté, vers les trois heures du matin, nous fcnt-îmes une extrême foiblcffe 6e une défaillance dans tous les membres. J'avois prefque perdu le fentiment du toucher ,& je ne d if-tïnguois plus les corps pefans des corps légers, .quand je voulois les mouvoir ; un pot plein d'eau & une plume étoient dans ma main du même poids. On nous fit d'abord prendre icmctiquc,& enfuite on nous procura une fucur, donrnpus nous fentîmes extrêmement loulagés. Le matin, un des cochons, qui avoit mangé les entrailles du poiifon fut trouvé mort. Quand les Habitans vinrent à bord 6c qu'ils virent le poiifon qu'on avoit fufpendu, ils nous firent entendre aufti-tôtque c'étoit une nourriture mal-faine j ils en marquèrent de l'horreur : mais au moment de le vendre, 6e même après qu'on l'eut acheré, aucun d'eux n'avoir .témoigné cette aversion. LesTrav ailleurs 6c laGardc retournèrent àterrc,comme 8. à l'ordinaire. L'après-midi, l'Officier de garde m'informa que le ChefTéabooma étoit venu avec un préfent d'ignames & de cannes à fucre. Je lui envoyai, cn retour,deux jeunes chiens, un mâle 6c une femelle, qui étoient prefque dans toute leur croiflâncc. Le chien eft blanc, tacheté de feu , 6e la chienne a le poil entièrement roux, ou de la couleur d'un renard d'Angleterre. Je rapporte cette particularité, parce que ces deux chiens pourront très-bien propager leur efpèce dans cette contrée. L'Officier, étant revenu le foir à bord, m'apprit que le Chef avoit eu à fa fuite une vingtaine de perfonnes; ce cortège fembloit annoncer une vifite de cérémonie. Il ne pouvoit d'abord fe'pcrfuader qu'on lui Mm z ■ : donnât les deux chiens; des qu'il en fut convaincu, il parut Septembre?" tranfporté de joie, &, à l'inftant même, il les conduisit à fon habitation. « Je me levai à huit heures ; j'avois une grande pe-» fânteur dans les membtes; mais je crus pouvoir employer » la matinée à deffiner fix ou huit plantes, & des oifeaux » que nous avions raffemblés dans nos premières cxcurfions» » Comme on montroit le poiifon a tous les Naturels ; » qui vinrent à bord, ils appuyèrent tous leur tête fur leurs » mains, & fermant les yeux, ils témoignèrent qu'il cauloic » de l'engourdiffemenr, du fommeil, & la mort. Ignorant » s'ils ne faifoient point ces genres pour avoir le poiifon • » nous le leur offrîmes, & ils le réfutèrent;, en mettant » les deux mains devant leur vifage , en tournant la tête. » Ils nous prièrent enfuite de le jeter dans la mer; mais a» nous voulûmes le conferver dans de l'eiptit-de-vin. 3> Il sembloit que nous eufîîons eu un preifentimene =e de l'accident qui devoit nous arriver ; car, examinant le » poiifon, avant qu'on l'apprêtât, fa forme hideufe & fa » large tête nous firent penfer qu'à étoit peut-être vénéneux, » & nous en avertîmes M. Cook, qui affura qu'il en avoit » déjà mangé fur la côte de la Nouvelle-Hollande, dans » fon, premier Voyage. « Vers midi, je fus bien puni d'avoir paffé le matin â » travailler, car un nouveau vertige & une nouvelle foi-» bleffe me forcèrent de reprendre le lit. Les fudorifîques » nous foulagerent peu à-peu ; le poifon ccoit cependant trop » actif pour être difïipé tout de fuite : il nous empêcha de *> faire des recherches, qui, fur un pays tel que la Nouvelle- » Calédonie , auraient occafronné des découvertes inte- » reliantes dans routes les branches d'Hiftoire Naturelle. Le lendemain de bonne heure, j'expédiai deux bateaux commandés par MM. Pickerfgill & Gilbert, pour prendre les relevemens de la côte à l'Oueft : je préfumai que cette opération s'exécuterait mieux par nos bâtimensà rames que par le navire, les récifs nous auraient forcé d'écarter la terre de plufieurs lieues. « Ce fut à regret que nous manquâmes cette occafïon » d'examiner une efpace coniidérable de pays inconnu ; » mais nous ne pouvions encore nous tenir debout ni mar- » cher plus de cinq minutes. Le poifon aftedroit auifi des » chiens , pris à bord aux Ifles de la Société : ceux qui » avoient mangé les reftes du foie, étoient extrêmement » malades, & ils avoient les mêmes fymptômes que ceux » qui s'étoient empoifonnés à Mallicolo. » Après le déjeûner, les Travailleurs furent envoyés à terre pour faire des balais. Je reftai à bord avec les deux MM. Forfter ;nous étions déjà dans un état deconvalefcence : lafueur qu'on nous avoit procurée, avoit produit un bon effet. L'après-midi, on remarqua fur le rivage, & enfuite près du vaiffeau, un Indien aufîi blanc qu'un Européen. Je ne l'ai point vu ; mais, d'après le rapport qu'on m'en fit, il eft certain que fa blancheur provenoit de quelque maladie. Nous avions déjà trouvé de pareils hommes à Taïti &: aux g. g 111 ; I(les de la Société (a). Un vent frais de l'Eft, ôe* l'éloigné- Septembre'*' ment va^^cau > qui ctoit à un mille du rivage , n'empêchèrent point les Infulaires de nager de rocher en rocher jufqu'à notre bord pour nous faire viiîte, &: de s'en retourner par la même voie. jco. Les Travailleurs fe rendirent fur le rivage, comme de coutume, Se M. Forfter fc trouva li bien , qu'il quitta le bord pour aller herboriièr. « J'aurois mieux fait de refter , mais je ne pouvois t> plus rélifter au delir d'alleu à terre. Apres avoir dé- p barque à l'Eft de l'aiguade , nous traversâmes une » partie de la plaine , abfolumcnt en friche, & couverte » d'herbes féches & clair-femées. Un fentier nous conduisit » par un beau bois au pied des collines remplies de nou- » velles plantes , d'oifeaux 6e d'infectes : tout confpiroit à » faire regarder le pays comme une folitude. Devant & » autour de nous, il n'y avoit pas, fur les collines , une » feule habitation , 6e la plaine , que nous venions de » palier, étoit également inhabitée. Cette contrée doit » en effet être peu peuplée, car le fol des montagnes n'eft » pas propre à la culture, 6e la plus grande partie de la » plaine étroite, eft très-ftérile. Nous nous avançâmes à » l'Eft, jufqu'à des maifons fituées parmi des marais : qucl- (a) "Waffer trouva, à nfthme de Darien, des Américains de la couleur d'un cheval blanc. Voyci fa Defcription de rifthme , pagl 134. Vovci auffi les Recherches Philofophiques fur les Américains de M. Pavr, qui eilaie d'expliquer les caufes de cette blancheur. » ques-uns des Infulaires s'approchant de nous atecun air de I " » bonté peint fur leurs vifages, nous indiquèrent les en- ^ept'embr7c4' « droits où nous pouvions marcher fans enfoncer dans la « vafe. Devant une des cabanes, des Naturels mangeoient » des feuilles qui avoient été cuites à l'étuvée; &: d'autres » fuçoient leeorce de Ï^Hibifcus- Tiiïaceus , après qu'ils » l'avoient grillé fur le feu. Nous goûtâmes de cette « écorce , qui étoit fort infïpidc, dégoûtante, & peu » nourrillàntc. Il paroît que ce Peuple a peu d'alimens à m certaines iaiions, & la difette ne fe fait jamais plus ientir » qu'au piïntems , lorfque les provifions de l'hiver font » épuifées, & que les productions nouvelles ne font pas »> encore prêtes. Ils y fuppléent fins doute par la peche» » les récifs étendus qui entourent leur Ifle, leur en four* *> niifent en effet l'occafioiv, mais, depuis notre arrivée dans » le havre, le vent avoit toujours été fi fort, que leurs pi-» rogues fe feroient en vain détachées de la côte pour pécher. *> (Edidée, tandis qu'il étoit fur notre bord , difoit fouvent » que les riches Habitans de Taïti & des Ifles de la Société » reiientoient, quoique rarement, les effets d'une année » ftérile, & qu'ils étoient obligés , durant quelques mois, de recourir aux racines de fougère, à 1 ecorec de différens » arbres, & aux fruits des arbultes fauvages, pour appaifer » leur faim. » Autour des cabanes, rodoient des volailles apprivoi-» fées , d'une groffe efpèce, & d'un plumage brillant : les » Inlulaires n'avoient pas d'autres animaux doincftiques ; » je remarquai aufîi des tas de coquillages , dont ils m venoient de manger le poiflon. Par-tout où nous 11,1 ■ .» » allions, les Indiens montroient fi peu de Curiofité , que Ann. 177 4. M ja p]Upart ne fe remuoient pas de deiTus leur fiép-e , quand Septembre. rr "î m » nous pâmons devant leurs cabanes j ils parloient très-rare-» ment, & prefque toujours d'un ton férieux. Les femmes » avoient plus de gaieté , & les mercs traînoient toutes » leurs enfàns fur leur dos dans une efpèce de fac. » Nous retournâmes dîner à bord j mais nous redef n cendîmes enfuite à terre. Ayant obfêrvé que les buiifons * & les arbres près, du rivage, étoient plus remplis d'oifeaux » que dans l'intérieur des terres, nous ne nous éloignâmes » pas de la plaine , afin d'augmenter notre Collection Zoo-» logique. Il y avoit, au bord de l'eau, un autre grouppe de » cabanes : les Naturels faifoient du feu fous un de leurs » pots de terre, plein de coquillages, dont ils alloient ainfi » griller le poiffon. L'un des Indiens tenoit à fa main une s? hache d'une forme remarquable : elle étoit d'un mor-» ceau crochu de bois, avec un gros nœud j fon manche » n'avoit pas plus de fix pouces ; l'autre extrémité étoit » cteufée, & une pierre noire placée dans la cavité qu'elle » rempliffoit exactement, fans être attachée,comme dans » les haches des Ides de la Société & des Amis. Nous attei-» grumes enfuite un enclos de pieux autour d'un mondrain de quatre pieds de haut : dans l'intérieur de l'enclos, il » y avoit d'autres pieux riches*en terre, &c garnis de gros » coquillages : on nous apprit qu'on y enterrojt les Chefs » du diftricl:. Puifque nous avons trouvé de nombreux cime-*> tieres fur les collines, il paroît que c'eft parmi eux une » coutume générale d'enterrer les morts : cette méthode » femble plus judicieufe que celle des Taïtiens, qui les » expofent » cxpofcnt au-deffus de terre, jufqu a ce que toute la chair ■■ « foit tombée en pourriture. Si la mortalité étoit plus confl- ^NN' *774* , , • Septembre. » dérablc aux Ifles de la Société qu'on n'a lieu de le cronre, cet ufrgc auroit peut-être les fuites les plus funefles, 6e '> produiroit une terrible maladie épidémique. Les Euro- » péens doivent prendre garde de communiquer à. ces » Peuples des maladies contagieufes : la petite-vérole, par « exemple, feroit fans doute un ravage épouvantable,& » détruiroit peut-être toute la race des Taïticns. *> L'acreté du poifon , que nous portions dans nos » veines, mon Pere & moi, nous épuifa bientôt : nous avions » été obligés de nous affeoir fouventpour réparer nos forces-, » des retours de vertiges nous ôtoienc, pour quelque tems, *> l'ufage de la raifon, 6e,malgré nos efforts,nous ne pou- »5 vions ni voir, ni pcnfer,ni former un jugement. Je re- y> grette fur-tout que cet accident nous foit arrivé dans un » pays nouvellement découvert .où nous avions befoin d.'une » fântc parfaite , dune attention 6e d'un difeernement » extrêmes, afin de profiter de notre féjour parmi des » Infulaires fi dirférens de ceux que nous avions vus. Si » cette partie de notre Relation ne répond pas à l'at- » tente des Lecteurs, ils font priés de conlîdércr notre » trille pofition. y? Le ii , nous redefeendimes à terre, quoiqu'il plut n, » beaucoup, 6e nous fîmes une promenade à l'Eft : nous « vîmes un grand nombre d'oifeaux, 6e nous enrichîmes » notre Collection de plufieurs efpèces nouvelles. Sans doute » le voifinage d'un continent aufîi étendu que celui de la Tome l II. N n » Nouvelle-Hollande, contribue à augmenter la variété des n. 1774* „ productions animales &c végétales de cette Ifle. A l'appui Septembre. r . , . » de cette aflertion, on peut citer le témoignage du Ca-» pitaine Cook, & de ceux qui avoient été avec lui à » la Nouvelle-Hollande, lors de fon premier Voyage : tous, » en examinant la Nouvelle - Calcdonie , prononcèrent , 3ï d'un commun accord, que, par l'aibe£t, elle reliembloit » abfolumcnc à ce continent. On dit que la Nouvelle-» Hollande diffère de la Nouvelle-Calédonie, feulement » cn ce qu'elle a, cn quelques endroits, un fol plus fertile, * compolé d'une couche de t.rre végétale i mais la croif-» fanec des arbres , la léchcfcrfc , la face brûlée du pays y> y cit. la même ; il n'y a pas non plus d'arbrifîeaux dans » les forêts. Nous nous arrêtâmes à quelques maifons pla-» cécs fous des arbres touffus :■ les Infulaires étoient aftis » oifi veinent, fans aucune occupation, 6e les jcuncsT » gens fculs fe levèrent à notre approche. L'un des » hommes avoit les cheveux parfaitement blonds, un « teint beaucoup plus blanc que fes Compatriotes, 6e le a> virage couvert de roufleurs. La foibleflé des organes, 6e » lur-tout celle des yeux, des individus anomales qu'on a » trouvé chez les Nègres d'Afrique & les Habitans d'Amé-» rique, des Moluques 6e des Ifles Tropiques de la mer 33 du Sud, a fait croire qu'une maladie du pere 6<: de la 33 mere a OCCafionné ces variétés (a), mais nous n'apper-» çûrnes dans cet homme aucun fymptome de foibleflé, (a) « Cette opinion eft très• habilement piéfentée par M. Paw * âsai les Recherches Philofophiques fur les Américains j Vol. JIt Scâ. I, 3i des Blafard» 6- des Nègres blancs. » DU C a p ï T a I ks C o o k. 283 » ni aucun défaut d;ms l'organe de la vue : une autre caiifc r^rr^r^. » doit donc avoir produit la couleur de fes cheveux 6e de & ^«Jj^Jf ' » peau. Un de nos Meilleurs lui coupa une touffe de » cheveux, & il en coupa une féconde à un lniulairc d'un » teint ordinaire , 6e il nous donna l'une & l'autre. Les deux » Naturels montrèrent du mécontentement de ce qu'on leur s> .coupoit ainfi les cheveux j mais, comme l'opération fut » faite avant qu'ils s'en apperçuffent, on les appaifa bientôt, » en leur offrant quelques bagatelles. La bonté de leur r, caractère, & leur indolence femblent incompatibles avec » un long reffentiment. y> En quittant ces huttes , nous nous féparâmes, &c » chacun erra de fon côté, au milieu de la campagne. Le » Docteur Sparrman & mon Pere allèrent fur les collines, *> tandis que je refiai dans la bordure boifee de la plaine, » 6e que je caufû le plus qu'il me fut pofîible avec les ?> Naturels. Us me donnèrent les noms de divers diftri&s » de l'Ifle, dont nous n'avions jamais entendu parler aupa- *> ravant, 6e dont je ne pus faire aucun ulage, fuite d'en n connoître la fituation. Je vis de nouveau des Naturels » qui avoient une jambe ou un bras d'une groffeur énorme, » pareils à ceux qui frappèrent nos regards à notre premier dé- » barquement : l'un d'eux avoit les deux jambes ainfi enflées i » je les touchai, 6e je les trouvai très-dures ; mais la peau » n'étoit ni également grofîiere, ni également écaillée dans » tous les malades j l'expanfion déméfuréc de la jambe ou » du bras, ne paroiflbit pas les gêner beaucoup, 6e autant » que je le compris, ils y fentent rarement de la douleur: » quelques-uns cependant avoient une efpèce d'excoriation, Nn 1 An ss » & il commençoit à s'y former des pullules qui annon- S;pwmbre^" * çoient un plus grand degré de pourrirurc. La lèpre, dont » cette éléphantiafîs , ou enflure extraordinaire cil une » efpèce, fuivant l'opinion des Médecins, fcmble être une ff maladie particulière aux climats fecs 6e brûlés. Les pays » qu'elle défoie le plus,tels que la côte du Malabar, l'E- 33 gypte , la Paleffinc 6e toute l'Afrique, effuient fouvent a> des féchereffes, 6e renferment cn plufieurs endroits de oj vaifes déferts fablonneux. n J'observai de plus-cn-plus que les hommes de la Nou«-x, velle-Calédonie ont moins d'égards pour leurs femmes ê que les Habitans de Tanna j elles fe tenoient toujours si éloignées d'eux , 6V. elles paroiffoient craindre de les o£ 33 fenfer, même par leurs regards ou par leurs gefles : plu-oy fleurs traînoient fur leur dos des fagots de bois à brûler: » leurs infcnfibles maris daignoient à peine les regarder j » & ils relfoicnt dans leur phlegmatiquc indolence. » Après avoir dîné à bord, nous rcdcfcendîmcs à terre, 33 6e nous tuâmes un parrot d'une jolie efpèce, entièrement 33 nouvelle pour les Zoologiftcs : il étoit caché dans une *• plantation, la plus belle que j'cufîe vue à la Nouvellc-33 Calédonie, par fon étendue, ainfi que par la variété, 6e 33 l'abondance des végétaux qu'elle renfermoit : il y avoit 33 différentes allées de bananes, plufieurs champs d'ignames. ^ d'eddoê's 6e de cannes à fucre, 6e des yambos Kugtnia\ 33 des fentiers cn féparoient les différentes parties. Nous tirâmes au but pour amufer les Naturels, qui \ » mcttoient pour marque leurs mafllies, 6c qui croient ravis "—-^5 -> de notre habileté. » AçNNl ff7t Septembre. Le soir, les bateaux, que j'avois envoyés à l'Oucll, arrivèrent à bord, ce je fus informé des circonftanccs fui vantes. Le matin même du jour de leur départ, ils avoient pris terre pour arriver à une hauteur, d'où la vue commandoit toute la côrc. M. Gilbert croyoit l'avoir vue fc terminer à l'Oueft ; mais M. Pickerfgiîl n'étoit pas de cette opinion, quoique tous les deux convinrent que le vaifleau ne pouvoit point palier par cette route. De ce lieuils allèrent, accompagnés de quelques Habitons, à Balabéa, qu'ils n'atteignirent qu'après le coucher du Soleil, 6e , comme ils en partirent le lendemain avec le crépufcuîe , leur expédition devint inutile , ce les deux jours fuivans furent employés à regagner le vaif: feau. Un des bateaux fit fubitement une voie d'eau «Sefut au moment de fe perdre ; ce qui l'obligea à jeter beaucoup de chofes pardeffus bord, avant de parvenir à l'étancher. Ils achetèrent dîme pirogue qui venoit de pêcher le long des récifs, du poiifon, autant qu'ils cn purent manger. A Balabéa, le Chef, appelle Téaby , ce les Habitans qui s'étoient affèmblés fur le rivage afin de les voir, leur firent l'accueil le plus obligeant. Néanmoins, pour n'être point trop preffés parla foule, les Officiers tirèrent une ligne, & les avertirent de ne point palier outre. Les Indiens fe conformèrent à cette défenfe, 6e bientê>t après, l'un d'eux fut la tourner à fon avantage : il avoit quelques noix de cocos qu'un des nôtres voulut lui acheter, 6c qu'il ne jugeoit pas à propos de vendre. S'étant retiré, 6e fc voyant fuivi par l'acheteur , il s'afïït fur le fable, traça autour de lui un cercle, comme 286 V O Y A G E . ■- il l'a voit vu faire aux Gens de l'équipage, & lignifia à celui Ann. 1774- qui rimportunoît de ne point dépaffer fa ligne de dcmar-Septembrc * . r.r. .r ° cation: on louicnvita les intentions. Comme ce lait a cte bien attelle , je ne l'ai pas cru indigne de trouver place dans ce Journal. «c M. Pickersgill nous donna de nouveaux détails fur » fa petite expédition. En débarquant, il trouva l'afpcét du » pays vers l'extrémité Nord-Ouefl de rifle, allez fcmblable » à la partie qui laifoit fice à notre mouilhgc, mais plus » fertile & plus cultivée , & couverte d'une plus grande » quantité de cocotiets. 33 L'un des Naturels qui l'accompagna à Balabéa, s'ap-» pclloit Boobik : il étoit très-facétieux , &, à cet égard, fort » différent de la plupart de fes Compatriotes : il parla » d'abord beaucoup à nos Gens ; mais enfuire les vagues » s'élevant & inondant le bateau, il devint filencieux, ce il » fe gliila dans la couverture de la chaloupe , pour le mettre » à l'abri des vagues, & difliper le froid que le vent pro-33 duifoit fur fon corps nud. Comme il n'avoit point pris » de provifions, la faim le prefla tout-à-coup, èe il reçut » avec reconnoiffanec ce qu'on lui donna. 33 LES Naturels de cette Ifle font exactement de la » même race que ceux de la Nouvelle-Calédonie ; leur 33 caractère cft aufli bon , & ils vendirent volontiers leurs » armes pour de petits ouvrages de fer, ou des étoffes de » Tai'ti. ?> Le détachement fc retira, le foir, fous des buiifons, » 6e, après avoir grille le poiffon qu il avoir acheté, il fonpa. -' » Quelques Naturels relièrent avec M. Pickcrfgill, 6e par- 5^^^*" j> lerent d'une grande terre qu'ils difoient être au Nord, » 6e qu'ils appeloient M/ngha, dont les Habitans étoient » leurs ennemis 6e fort adonnés à la guerre. Ils indiquèrent » aufîi un mondrain, ou Tumulus fépulcral, où étoit enterré ■> un de leurs Chefs, tué par un Naturel de Mingha. Comme =» quelques-uns des Matelots rougeoient un os de bœuf fur » le fin du fouper, les Indiens fe mirent à caufer entr'eux » d'un ton fort haut, 6e avec agitation \ ils regardoient nos » Gens d'un air furpris 6e dégoûté, 6e enfin ils s'en allèrent » toi: s enfemblc, témoignant par fignes qu'ils foupçon- » noient les Etrangers de manger la chair humaine. M. Pic- » kerfgill eiîaya de les détromper j mais il ne put pas ie y> faire entendre, 6e cela eût été d'autant plus difficile, que » les Infulaires n'avoient jamais vu de quadrupèdes en vie. » Comme la chaloupe avoit été mal réparée , M. Pic-» kerfgill fut obligé , à Ion retour , de débarquer avec » quelques autres, le plutôt poffible, fur la côte de la Nou-» vellc-Calédonie; il ne lai fia que des rames dans le bâti-» ment, 6e il fit près de vingt-quatre milles à pied fur 3> la côte, jufqu'à ce qu'il eût atteint le travers du vaifleau. x> Un des Aides du Chirurgien , qui étoit de cette excur-» fion, rafïembla une quantité prodigieufe de coquillages ao nouveaux 6e curieux fur fille de Balabéa , 6e plufieurs n efpèces nouvelles de plantes différentes de celles que » nous avions vues dans les cantons que nous avions exa-« minés i mais, par des fentimens vils 6e abfurdcs, il nous » cacha fes découvertes, quoiqu'il lut abfolum en: incapable ^±n= » de les employer au progrès des Sciences (a). Nous re-tefaWti?* " gL'ecCamcs pms que jamais que notre maladie nous eût » empêché de partager les dangers de cette petite cx- » curfion. » il. Le 12 , de très-bonne heure , j ordonnai au Charpentier de réparer la voie d'eau de la chaloupe, 2e-aux Travailleurs de taire la quantité d'eau néccilàire pour remplacer celle qu'on avoit confommée les trois jours précédens. Comme le Chef Téabooma n'avoit point reparu, depuis qu'il avoit reçu les deux chiens en prélent, Se que je defiroislaifler fur cette terre de quoi y produire une race de cochons , (a) « H eft à propos d'avertir le Le&eur, qu'à bord de la Rcfoliuion, « nos recherches rencontroient des obftacles de ceux mêmes qui auroienc « dû nous donner toutes fortes de fecours. Les Sciences & la Philofophie, « ont toujours été méprifées des Ignorans, &: nous avons partage cette «difgrace fans murmurer, Mais, comme nous ne pouvions pas acheter » avec de i'or la bienveillance de chaque petit Tyran, on nous empê-« choit de profiter des Obfèrvations des autres. Des faits connus de tous «ceux qui nous entouroient, reftoient des mylleres impénétrables pour, «nous. Il eft extraordinaire fans doute que des hommes occupés des » Sciences , envoyés fur un vaiffeau appartenant à la Nation la plus « éclairée de la Terre , foient privés des moyens d'étendre les connoif-« Fanées; Se qu'on emploie pour cela des expédiens qui conviendroient »à des Barbares; mais finement le Voyageur qui vifite les ruines de «l'Egypte & de laPaleftine., n'efliue pas plus de difyraces de la part «des Bédouins Sz des Arabes que nous n'en avons éprouvés : chaque « recherche de Minéralogie que nous entreprenions de faire , fembloit contenir un tréfor, qui devenoit l'objet de l'envie. Sans quelques perfonnes «dont le caractère généreux , & l'amour défintérefié pour les Sciences* «rànimoient notre courage, nous aurions probablement fuccombé fous « cette malveillance que les ordres pofitifs de M. Cook ne pouvoienc «pas toujours réprimer. ■>» j'embarquai j'embarquai dans ma chaloupe un mâle 6e une rruie, 6e j'allai a la crique des Manglicrs pour v trouver mon Ami, afin de 1 ,/74 . . < . / Septembre. les lui donner. Mais, en y arrivant, on nous dit qu'il etoit dans l'intérieur de la contrée, 6e qu'on alloit le chercher. Je ne fais li l'on prit cette peine j mais, ne le voyant pas arriver, je réfoius de mettre les cochons à la garde du plus diftingue des Infulaires qui étoient préfens. Appercevant l'Indien qui nous avoit fervi de Guide fur la montagne, je lui lis entendre que je me propofois de laiffer les deux cochons fur le rivage,' ce j'ordonnai qn'on les fît fortir de la chaloupe. Je les présentai à un grave vieillard , dans la perfuaflon que je pouvois les lui confier avec sûreté ; mais, fecouant la tète, il me fit figne, ainfi que tous les autres, de reprendre les cochons dans le bateau, « parce qu'il en étoit épouvanté. Il fiut » convenir que la forme de ces quadrupèdes n'eft pas at-» trayante j 6e ceux qui n'en ont jamais vu , ne doivent pas m prendre du goût pour eux. » Comme je perfiftois à les leur laiifer, ils parurent délibérer cnfcmblc fur ce qu'ils dévoient faire, 6e enfuite notre Guide me dit de les envoyer à YAlée-fc'?(au Chef). Nous nous fîmes donc conduire à l'habitation du Chef, que nous trouvâmes affis dans un cercle de huit ou dix perfonnes d un âge mûr. Dès que je fus introduit avec ïncs cochons, on me preffa très civilement de m'affeoir, 6c" alors je leur vantai l'excellence des deux quadrupèdes, 6e je m'efforçai de leur perfuader combien la femelle leur donne-roit, cn une feule fois, de petits, qui venant eux-mêmes à fe multiplier, leur en produiroient un nombre coniidérable. J'exagérois ainfi la valeur de ces animaux, pour engager ces Indiens à les nourrir avec le plus grand foin\ 6\r je crois, WJ cet égard, je réuflis pleinement. Dans cet intervalle, Tome 11L O o in iiiiiiii.tiii^ fi» deux perfonnes qui avoient quitte la campagne, revinrent; \nn. 1774. ,lvec çix io-nLlmcs qu'elles me préfenterent. Je pris cnfuiia congé deux, ôe je retournai a bord. J'ai déjà observé qu'à cette crique il y avoit un petit Village, 6e je le trouvai beaucoup plus grand que je ne l'avois d'abord jugé. L'cfpace de terrain cultivé dans les environs elf allez étendu. La diltribution cn cft très-régulierc, 6e il y a des plantations d'ignames, de cannes à fucre, de bananes 6e de racines, qu'ils appellent Taro ou Eddy. Les champs d'Eddy étoient très-bien arrofés par des rigoles pratiquées depuis le principal ruiflcau qui coule des montagnes, 6e conduites, avec indulfrie, par des finuofirés à travers la plantation. Ils plantent ces racines de deux manières. Quelques-unes font fur un terrain horizontal, auquel ils donnent la forme d'un quarré, ou d'un quarré lohg. Ils abaiflènt le fol au-deifous du niveau de la terre adjacente i de forte qu'ils peuvent introduire,fur les plantes, autant d'eau qu'ils en veulent : j'ai communément vu fur ces quarrés deux ou trois pouces d'eau 5 mais je ne fais pas li cela cil toujours néccfîaire. D'autres font fur des planches bombées, larges de trois ou quatre pieds, 6e hautes de deux ou de deux ôe demi : fur le milieu du fommet de la planche , eft une rigole étroite, deftinée à recevoir les eaux qui doivent arrofei: les iV.Cines de chaque coté de ce petit canal -, & les eaux font fi judicieu.'emcnt diftribuées, que le même courant arrofê plufieurs planches. Ces planches, relevées en anfe de panier., fervent quelquefois à féparer les plantations horizontales j & 3 quand cette méthode elf employée, ce qui arrive d'ordinaire dans les occaûons où il faut pratiquer un fentier3 ou quelque paffage, ils ne perdent pas un pouce de terrain. Peut-être que la différence des racines plantées ,fuivant runc septembre * & 'l'autre méthodes , rend ces deux préparations nécef- faircs. Elles ne font pas toutes d'une même couleur j il en cft d'un bien meilleur goût que d'autres, mais elles font très- fvines ôe très-nourrifîantes. Les têtes de ces racines fournif- fent encore une bonne cfpccc de légume que mangent les Naturels. Les hommes, les femmes & les enfuis travaillent à ces plantations. « Après avoir rodé au milieu des marais Ôe des plantai » tions, nous parvînmes à une maifon détachée des autres, « enfermée de pieux, parderricre laquelle il y avoit une » 'rangée de colonnes de bok : chacune ccoit d'environ un » pied quarré de large ôe de neuf de haut, Ôe le fommet rc-» préfentoit une tête humaine groflièrcmcnt fculpcée. Nous » y trouvâmes un vieillard folitaire, qui, cn nous montrant » ces colonnes, nous fit figne que c étok fon cimetière. C'eft •» une chofe remarquable, que tous les Peuples policés ou n fauvages érigent des monumens fur les lieux, où ils enter? .» rent leurs morts. » Nous rencontrâmes enfuite des Naturels, ôe fur* » tout des femmes, qui dcfrichoicuc ôc qui bechoient une » pièce de terre marécageufe, probablement afin d'y planter » des ignames ôe des eddys. Elles fc fervoient d'un inflru-» ment dont le bec étoit recourbé & pointu: ce même r> infiniment fembîe leur fervir auffi d'arme offenfive. » Les plantations exigent des foins extraordinaires, à Qo z . » caufc de la maigreur du fol. En effet, je n'ai jamais vu , dans nn. 1774' „ aucune autre Ifle de la Mer du Sud, les Infulaires bêcher de epeembre. » cette manière. Nous tuâmes ici des oifeaux curieux. » L'après-midi, je retournai à terre, où, fur un grand arbre voifin de l'aiguade, & proche du rivage, je fis graver une Infcription, contenant le nom du vaifleau , la date de notre arrivée , &c. comme un témoignage que nous avons,, les premiers , découvert cette contrée i j'ai obfervé cette formalité fur toutes les nouvelles Terres que nous avons reconnues. « Nous remontâmes, pour la dernière fois, le ruiffeaiî & où on avoit rempli nos futailles j &, après avoir cueilli » quelques plantes, que notre maladie nous avoit empêche: » de raffcmbler plutôt, il fallut quitter cette grande Ifle. » Nous congédiâmes nos Amis & retournâmes au vai£ feau, où je fis mettre à bord nos bâtimens à rames, dans le deflèin d'être prêts, le lendemain, à reprendre la mer. ^g^^^g—^=^^=^=------ CHAPITRE IX. Defcription de la Nouvelle-Calédonie. Moeurs, , Coutumes & Arts de fes Habitans. Je terminerai les obfèrvations que nous avons faites, durant ■1 fla 1 j notre fé jour fur cette côte, par quelques détails fur la contrée Ann" 1774' ' . >r i t. # • . Septembre. & fur fes Habitans. Nous y avons trouve les hommes forts, robuftes, actifs, bien faits, civils Se pailibles ; & nous leur avons reconnu une qualité rare, parmi les Nations de cette Mer, c'eft qu'ils n'ont pas le plus léger penchant au vol. Ils font prefque de la même couleur que les Habitans de Tanna ; mais ils ont des traits plus réguliers, un air plus agréable ; ils font plus robuftes 6e de plus haute taille î quelques-uns ont fix pieds quatre pouces. Il en eft qui ont les lèvres épaiffes, le nez plat, les traits Ôe la mine des Nègres. Deux chofes contribuoient à former ce rapprochement dans notre, efprit, leur tête moutonnée, & l'ufage de fe frotter le vifage avec une efpèce de fard d'un noir luifant. En général, la couleur de leurs cheveux ôe de leur barbe eft noire. Leurs cheveux, naturellement bouclés, paroiflent, à la première vue, ne pas différer de ceux des Nègres ; Se cependant ils font dune toute autre nature, 6e plus rudes 6eplus forts que les nôtres. Plufieurs les laiffent croître 6e les relèvent fur le fommet de la tête -, d'autres n'en confervent qu'une touffe de chaque côté, qu'ils nouent avec beaucoup de foin > Se il y en ^-■=^= a c nous avons remarqué que prefque tous ont le ferotum enflé. Je ne dirai pas fi ce gonflement eft occafionné par quelque maladie, ou s'il eft caufé par la pagne qu'ils portent comme à Tanna 6e Mallicolo. Cette pagne, leur feul vêtement,cft ordinairement d'é-corec d'arbre ou de feuilles. Ils emploient à cela les petites pièces d'étoffe ôe les feuilles de papier que nous leur donnions; Nous leur avons vu des vêtemens grofîicrs, d'une efpèce de narre; mais il ne paroît pas qu'ils les portent ja-pciatSi Quelques-uns avoient fur la tête un grand bonnet noir déforme cylindrique; ôe cet ornement très-confidéré parmi eux i femble réfervé aux Chefs & aux Guerrier:. Quand, dans les échanges, nous leur donnâmes des feuilles de gros pa- SS pier, ils en firent tout de fuite de ces bonnets. Le vêtement des femmes eft une jupe courte, de fibres de bananiers, attachée â un cordon qu'elles nouent autour des reins. L'épaiffeur cil au moins de fïx ou huit pouces; mais la longueur n'eil pas plus confidérable qu'il le frut pour fufage auquel elle elf deifinéc. Les filamens extérieurs font teints •de noir, 6e la plupart garnis de nacre de perle fur le coté droit. Les deux fcx.es le parent également de pendans d'oreilles d'é-caillc de tortue,de bracelets, ou d amulettes, l'un ôe l'autre de coquillages 8g de pierres; les bracclers fe portent au-deffus du coude. En divers endroits du corps, ils fe tatouent la peau; mais ces piquures ne font point noires, comme dans d'autres Ifles. Les Habitans de Tanna s'impriment beaucoup de ces mêmes traits. S'il me falloit juger de l'origine de cette Nation, je la' prendrois pour une race mitoyenne entre les Peuples de Tanna & des Ifles des Amis, ou entre ceux de Tanna 6e de la Nouvelle-Zélande, ou même entre les trois, par la raifon que leur langue n'eff, à quelques égards, qu'un mélange de celles de ces différentes Terres. Les Calédoniens font à-peu-pres du caractère de ceux qui habitenr les Ifles des Amis > mais ils ont beaucoup plus de douceur 6e d'affabilité. La quantité de leurs armes offcnfîves doit faire croire que, malgré leur inclination pacifique, ils font quelquefois en guerre.'Ces armes font des maffues,dcs lances, des.dards -—i 6e des frondes, pour lancer des pierres. Les malTues, longues ^ptiœSre^ ^c ^eux P'jCc1sï onc eliverfes formes-, quelques-unes reffem-fajîent à une laulx 6e d'autres à une hache : il en eft dont la tête cft pareille à celle d'un faucon, 6V: d'autres qui font à tête ronde; mais toutes font proprement travaillées. Plufieurs de leurs lances 6e de leurs javelots font frits avec le même foin, ô£ ornés de bas-reliefs. Les frondes font auffi fimplcs qu'il eftpoffible: « Elles rcffcmbîent beaucoup aux glandes » plumbe& des Romains (a) \ » mais pour les pierres qu'ils lancent, ils prennent la peine de les polir, 6e de leur donner à-peu-près la configuration d'un ceuf, également gros par les deux bouts. Pour lancer le dard, ils fe fervent d'un cordon, comme à Tanna. Ils font un grand ufage du dard pour le poiffon ; 6e je ne fais même pas s'ils ont une autre manière de prendre de gros poiffons ; car je n ai vu, parmi eux^ ni lignes ni hameçons. Il est peu nécessaire de parler des outils dont ils fe fervent ; car ils ne diffèrent guères, pour la matière 6e pour la forme, de ceux qui font en ufige dans les autres Ifles, Leurs haches pourroient paraître d'une forme un peu plus différente j mais cette différence eft autant due au caprice qu'à la coutume. Leurs maisons , du moins pour la plupart, font conft truites fur un plan circulaire : elles ne reffemblcnt pas mal à des ruches d'abeilles, Ôe elles ne font ni moins clofes ni (a) Voyei les Antiquités du Comte de Caylus III. H7t Tab. XC1I. moins t il moins chaudes': l'entrée ^ft un long trou quarréJ précifé-ment de la grandeur qu'il faut pour admettre un homme ^^^bret* plié en deux. Du plancher à la naïffance du toit, la hauteur cil de quatre pieds ôe demi; mais le toit,qui elf d'une élévation coniidérable, fc termine en pointe au fommet, au-deffus duquel s'élève un poteau, orné de bas-reliefs ou de coquillages, ou des deux à-la-fois ces huttes fe conftruifcnt avec des perches, des rofeaux , ôec. ôe les deux côtés Ôe le toit font épais ôe bien couverts d'un chaume de longues herbes ^rofîlcres. Dans l'intérieur de la cabane, il y a des poteaux drclfés, qui fout ienneni des échaffiiudages de lattes, où ils placent leurs provifïons, ou route autre chofe. Quelques-unes de ces maifons ont deux planchers l'un fur l'autre. Sur le plancher eft répandue de l'herbe féche, ôe,çà 6c là, on voit des nattes étendues Ôe deftinées à fervir aux Maîtres de liège pendant le jour, ôe de lit pendant la nuit. Dans la plupart, nous avons remarqué deux foyers, ôe communément un feu allumé i ôe comme la fumée n'a d'autre ilfue que la porte, toute la maifon eft fi chaude & fi enfumée, que, pour nous qui nefommes pas habitués à un pareil athmofphère, il nous étoit impoflîble d'y relier un moment. Voila, fans doute, pourquoi ces Peuples font il frillcux en plein air, s'ils ne font pas de l'exercice. Nous les avons vu fréquemment allumer de petits feux, Ôe fe ranger autour, afin de fe réchauffer. Peut-être eft-il nécelfaire que les maifons foient ainfi enfumées pour cn écarter les moufquitcs, qui font ici très - multipliées. A quelques égards, il y a de la propreté dans ces habitations ; car, outre les ornemens du fommet, les poteaux de .la porte font fouvent décorés Tome IIL P P de bas-reliefs 6c fi d'ailleurs elles paroiflent peu conve-■ &Ti 1 b74' na^es ^ans un cnmat chaud,'elles feroient du moins très-bien entendues fous un Ciel plus rigoureux : comme il n'y a qu'une feule pièce, fans aucune féparation, les membres d'une même famille vivent toujours enfemblc. Les ustensiles de ménage fe réduifent à très-peu de chofe : la jarre de terre, dont nous avons parlé, eff le feul digne de remarque. Dans chaque maifon , on compte une de ces jarres, Se quelquefois plufieurs. Ils y cuifent leurs racines, 6c peut-être encore le poillbn , 6çf. Le feu de la cuillnc eft cn-dehors de la /v a maifon , cn plein air. Sur le foyer font trois ou cinq pierres pointues, fixées *^^^^^^^^ en terre. Les pointes s élèvent au-def- A— fus de la furface , d'environ fix pouces JBÉJBS^ 'émHt* de cette manière: Les foyers de trois pierres, ne font que pour une feule jarre;, ceux de cinq en admettent deux. Les jarres ne fe polenc point fur leur fond, mais inclinées fur un coté. On place ainfi ces pierres afin d'élever affez les jarres pour donner de l'air au feu. Les Naturels ne fe nourri fient que déracines, depoiiîbns & de 1 ecorce d'un arbre, qu'on dit croître aux Indes Occidentales. Ils grillent cette écorce, 6c ils en mâchent continuellement des morceaux : elle a un goût douceâtre, mfipide-, Se quelques perfonnes de l'équipage en mâchèrent avec plaifir. L'eau eft leur unique boiifon, du moins je n'en ai pas remarqué d'autre. Les bananes & les cannes à fucre ne s'y trouvent pas cn ... abondance. Le fruit à pain eft ra*e ; &: les cocotiers n'y pouifent pas des tiges aufti vigoureufes que dans les autres Ifles j tous ces arbres ne produifent d'ailleurs qu'une médiocre quantité de fruits. Si nous jugions delà population, par la quantité d'Habi-tans que nous vîmes journellement, nous pourrions croire quelle eft très-nombreufe j mais il eft probable que notre relâche raflcmbla les Naturels déroutes les parties de rifles. M. Pickerfgill, cn côtoyant la côte à l'Oueft, obferva que la contrée étoit très-peu peuplée *, & nous sûmes que les Habitans de l'autre partie de l'Ifle, traverfoient prefque chaque jour les montagnes pour nous faire vifite. Cette terre, néanmoins, cft peuplée en raifon de fes productions: les bords de la Mer, les vallées & les plaines, font habités autant que le permet l'état de la culture. Il ne paroît pas que cette contrée puiflè fournir une fubfîftance luffifante pour une nombreufe population. La Nature a été moins libérale ici, que fur les autres Ifles des Tropiques, que nous con-noiffons dans cette mer* La plupart des cantons, ou du moins ceux-que nous en avons examinés, ne confidentgueres qu'en montagnes, où le roc cft à peine couvert d'un peu de terre, que brûle continuellement le Soleil > & les herbes, &c. qui y croiffent, deviennent inutiles à un Peuple qui n'a point .de bétail. La stérilité du fol difpenfê les Habitans de contribuer aux befoins des Navigateurs. Peut-être la mer dédom-inagc-t-cllc ces Infulaires de ce défaut de productions-, car Pp 1 y-w.uiK^' la cote, bordée de récifs & de balles, ne peut manquer Ann. ï774« d'être poinonneufe. • J'ai déjà observé que le pays a beaucoup de reflemblance avec la Nouvelle-Galles méridionale, ou Nouvelle-Hollande-, & que fes productions font à-peu-près les mêmes. On y trouve,en particulier, l'arbre dont leeorce blanche, douce au toucher, fe déchire ôe s'enlé vc aifément, Ôe qu'on m'a allure être le même que celui, qui, dans les Indes Orientales, fert au calfatage des vaiifeaux. Il a un bois très-dur; fes feuilles longues ôe étroites, font'd'un verd fort pâle, ôe très-aromatiques. On y voit d'ailleurs diverfes plantes communes aux Ifles fituées à l'Eft Ôe au Nord, Ôe même une efpèce de fleur de paillon , qu'on prétend ne croître naturellement qu'en Amérique. Nos Botaniftcs n'eurent pas à fe plaindre du défaut d'occupations j chaque jour ils découvraient de nouvelles plantes. Les oifeaux de terre ne font pas très-muitipliés, mais nous cn apperçûmes plufieurs, qui nous étoient inconnus j & de ce nombre, une efpèce de corbeau; du .moins nous lui donnâmes ce nom , quoiqu'il foit de moitié plus petit que l'oifeau qu'on appelle ainfi, & que fes plumes foient nuancées de bleu. Nous y avons remarque en outre de belles tourterelles, ôe d'autres petits oifeaux, que nous ne connoiftions point. Nous ne fîmes que d'inutiles efforts, pour favoir le nom de l'Ifle entière. Peut-être eft-elle trop étendue, pour que fes Habitans aient fange à l'appeler d'une feule dénomination. Toures les fois que nous propofâmes là- deflus des queftions, ils nous donnèrent toujours le terme de quelque diftrict, que nous leur montrions*, &, comme je l'ai déjà dit, nous par- — vînmes à connoître comment s'appeloient les diftriék & An,n> tT74' celui qui en eft le Roi ou le Cher. Nous en conclûmes que la contrée cft divifée en cantons, dont chacun eft gouverné par un Chef; mais nous n'apprîmes rien de la nature de fon pouvoir. Le diftrict où nous débarquâmes le nommoit Balade; 6e il avoit pour Chef, Téa-Booma, qui réfidoitde l'autre coté de la chaîne des montagnes; cet éloignement fut caufe que nous le vîmes peu, 6e qu'il nous fut impoflï.ble de juger de Ion autorité. Téa femblc être un titre attaché aux noms de tous les Chefs, ou du moins de la plus grande partie des Infulaires d'un rang diftingué. Mon Ami me faifoit l'honneur de m'appeller Téa Cook. Ils sont dans l'ufagc d'enterrer les morts. Je n'ai point vu les lieux deftinés à la fépulture; mais quelques perfonnes de l'équipage ont vifité ces cimetières, dans l'un defqueîs étoit le tombeau d'un Chef, qui avoit perdu la vie dans une bataille. Ce tombeau, qui ne rcftèmbloit pas mal à une grande taupinière, étoit décoré, tout autour, de lances, de darts, de pagayes, eec. fichées verticalement en terre. Les pirogues font affez femblables â celles des Ifles des Amis; mais je n'en ai jamais rencontré d'une conftruction plus lourde ce plus groiliere. Lesdoubles ou accouplées,font com-pofées de deux grands arbres, creufés en gouttière, avec un platbord, élevé d'environ deux pouces, 6e fermé â chaque bout par une efpèce de cloifon de la même hauteur; de forte que chaque pirogue préfcntc'Ia forme d'un auge cn quarré long, d'environ trois pieds plus courts que toute la longueur du bâtiment. Les deux pirogues ainfi préparés, font liées —Ti1-"■ cnfemble cote à côté , à trois pieds environ de diftance, par Septembre' ^e mo)'Çn de quelques traverfes, fortement amarrées fur les deux bords, 6e qui ont, à droite & à gauche, un pied environ de laillie. Sur ces traverfes eft un pont, ou plateforme , de planches 6e de petites barres de bois rondes. Le pont porte un foyer,où ils entretiennent toujours du feu; 6e il y a toujours une jarre pour y cuire les provisions. D'un côté du pont, 6e tout près du bord, eft une rangée de chevilles qui relîèmblent à de gros clous, allez près les unes des autres, dont Fufage cft d'empêcher les mats, les vergues, 6ee. de rouler pardclfus bord. Ces embarcarions ont une ou deux voiles latines, ôe chaque voile cft tendue fur deux perches: l'une, qui fait la fonction d'une vergue latine , a fon talon fixé à un trou dans le pont, ôe l'autre tient lieu d'un borne. La voile eft de plufieurs nattes, les cordages font de fibres de bananiers, treffées en cordes de lepaiffeur d'un doigt ; quatre tournées enfcmble fervent île haubans, 6Vc. Ces pirogues, qui peuvent être fines voilieres, ne font point du tout propres à marcher à. la rame ou à la pagaye: le tems ne leur permet pas d'aller à la voile, ils font dans l'ufige-de gabarer -, ôe, à cet effet, il y a des trous pratiqués à l'arriére du pont, à travers Icfquels ils paflent les avirons, qui font d'une telle longueur, que quand la palme cftdans l'eau, le manche a encore quatre ou cinq pieds au-deffus du pont ou de la plate-forme. Celui qui manœuvre eft debout derrière l'aviron , 6e pouffe, à force de bras, la pirogue en avant. Cette manière de taire route , n'eft pas bien expéditive ; ôe, par cette raifon, ces batimens font d'une conftruction très-mal entendue pour la pêche, ôe particulièrement pour celle de la tortue, qu'il eft, je crois, bien difficile de harponner fur ces navires. Les inftrumens de pêche, que j'ai vus, font f'" "n des filets de tortue: je penfe qu'ils font de fibres de bana- Ann* ï7J* mers treflees : j y ai remarque aufii de petits filets a tres-petites mailles, qu'ils font avec une trèfle de la groffeur de nos lignes.' Je préfume que leur méthode générale de pêcher, cft de fe tenir fur les récifs à la bafTè mer, & de darder les poiffons qui paflènt à portée de leurs traits. Peut-êtte en emploient-ils d'autre, que nous n'avons pas eu d'oc* canon de connoître : car > pendant notre relâche, leurs pirogues n'ont pas été en mer) toute leur attention fe portoit vers nous. Comme la longueur de leurs bâtimens cft d'environ 30 pieds, & le pont, ou la plate-forme d'environ 24 de long fur dix de large :'nous n'avions pas encore appcrçti dans la Contrée des arbres affés élevés pour cn fournir les bois de conftrucVion. On obfcrva que les trous pratiqués dans les différentes pièces, pour les coudre enfemble y étoient brûlés; mais nous n'apprîmes point dequel inftrument ils fe fervent pour cette opération. Il eft vraifemblablemcnt de pierre, ôe c'eft par cette raifon qu'ils étoient fi avides de nos grands clous; ils reconnurent tout de fuite, qu'ils feraient très-propres à cet ufage. Je fus convaincu qu'ils n'attachoient pas beaucoup de prix à nos outils tranchans, mais ils paroif-foient confidérer, d'un œil de cupidité, les cheviilots de fer fichés dans la lifîe du gaillard d'arrière ; ils fembloient les* eftimer infiniment plus qu'un clou , qui étoit deux fois plus gros. Ces cheviilots, qui font ronds, avoient peut-être la forme de l'outil néceffaire à leurs travaux^: auffi n'ai-je pas remarqué qu'ils mi fient autant de valeur à une hache, qu'à un grand clou. Les petits clous ne furent pas fort recherches? ■ ôe. les grains de raffade , les miroirs, ôec. ne devinrent pas Anu. 1774. pOUr cux un objet d'admiration. Septembre. r ' Les femmes de cette Contrée, ainfi que celles de Tanna; font, autant que j'ai pu en juger, beaucoup plus chaftes que celles des Ifles fituées plus à l'Eft. Je n'ai pas entendu dire que quelqu'un de l'équipage ait obtenu la plus légère faveur d'une feule dentrelles. J'ai appris que ces Indiennes s'étoienc diverties fouvent aux* dépens de ceux qui les aga-çoient, en le retirant avec cux dans quelques bofquets , en feignant de fe rendre à leurs follicitations j & qu'à peine elles y étoient entrées , qu'elles prenoient la fuite, en jetant dç grands éclats de rire : je ne fais fi c'étoit par chafteté ou par coquetterie. CHAPITRE X. bu Capitaine Cook, 30^ CHAPITRE X. 'Suite de la Navigation le long de la Côte de la Nouvelle-Calédonie. Réflexions fur l'état de l'Ifle & des Habitans: Obfèrvations, Géographiques & Nautiques, Tout étoit disposé pour remettre en mer, & le 13 de gg ^ Septembre, au lever du Soleil, nous levâmes l'ancre , avec E^Sepcnab* un bon frais de vent de l'E. | S. E., je gouvernai pour fortir |le ce Canal, par où le vaiifcau étoit entré. « Nous avions passé fept jours & demi dans ce Havreî * mais, dès le troifieme, nous nous empoifonnâmcs en » mangeant du poiffon, &: nous perdîmes ainfi l'occafion » de profiter de notre relâche: au moment du départ, nous m n'étions pas entièrement guéris ; nous reflentions encore *> de violens maux de tête, des douleurs fpafmodiques fur » tout le corps, & nous avions des boutoiis aux lèvres. 9» Notre foibleflé,qu augmentoitde plus en plus la privation «> des nourritures fraîches, nous empêcha de nous livrer à » nos occupations ordinaires. » C'est ainfi que nous quittâmes une Ifle fituée dans la » partie la plus occidentale de la Mer du Sud, éloignée » feul emenr de douze degrés de la côte de la Nouvelle-; lome II l, Qq - « Hollande, & habitée par une race d'hommes très-diiferens Septembre!' M ^c ceux *luc nous av'ons vus jufqu'alors. Comme ils font »> proches de la Nouvelle-Hollande, on pourroit fuppofcr « cependant qu'ils ont la même origine que le Peuple de ce n Continent ; mais , en comparant les Relations des Voyait geurs, qui y ont abordé, les Habitans des deux contrées » n'ont point de rcffembtancc entr'eux, ce leurs Vocabu-» laircs font abfolument différens (a). » Apr£s avoir rangé toute la bande feptontrïonale de » la Nouvelle-Calédoine, nous avons jugé qu'il n'y a pas » plus de cinquante mille ames fur une côte de mer de près » de deux cens lieues. Le pays ne paroît pas propre à la » culture dans la plupart des cantons: la plaine étroite qui » l'environne, elf remplie de marais jufqu'au rivage, & cou-» verte de mangliers : il eft difficile de dcfîécher cette partie » avec des canaux ; le refte de la plaine eft un peu plus éle-» vé, mais d'un fol fi mauvais, qu'il faut farrofer par des » rigoles. Derrière s'élèvent plufieurs collines revêtues d'une n terre féche ce brûlée, où croi fient ça & là quelques efpèces » de gramens ridés, le cayputy & des arbriffeaux. De-là,. » vers le centre de l'Ifle, les montagnes intérieures, prefque » entièrement dépouillées de terre végétale, n'offrent qu'un » mica rouge & brillant, ce de gros morceaux de quartz, w Ce fol ne peut pas produire beaucoup de végétaux : il » eft même furprenant qu'il en produife autant qu'on y en » voit. Les bois, en différentes parties de la plaine, font rem- aVoioI-ï lui? . • ' J-L'UJii" (a) « M. Cook a eu la bonté de nous communiquer un Vocabulaire » de* h Nouvelle - Hollande. » p y ♦ w v smç> \ •» plis de huilions, de liicrons, de fleurs Se d'arbres touffus, i » Nous étions frappés de ce contraire entre la Nouvelle- ; » Calédonie Se les Nouvelles-Hébrides, où le règne végétal » brille dans toute fa perfection : la divcrfité du caractère » des deux Peuples ne nous étonna pas moins. Tous les •> Naturels des Ifles de la mer du Sud, fi on cn excepte ceux » que Tafman trouva à Tonga-Tabboo Se à Anamoka (ci), ef-» fàient de chalTcr les Etrangers qui abordent fur leur côte. » Ceux de la Nouvelle-Calédonie, au contraire, nous re-h curent comme Amis : dès !a première entrevue, ils mon-•> terent fur notre vaifleau , fans la moindre marque de h défiance ou de crainte, Se ils nous permirent d ci rer librc-» ment dans leur pays. Par leur teint fie leurs cheveux *» laineux, ils ont du rapport avec les Habitans de Tanna ; » mais ils ont une taille lupérieure, des membres plus ro-*> buffes, des traits plus doux & plus ouverts. Le caraclere »» particulier de leurs vilages fe trouve dans les deffins tres-b exacts qu'a frit M.Hodgcs, Se qui accompagnent ce Voyage. » On peut auffi fc former une idée jufte de la contrée, en *» examinant les vues que cet habile Artilfe a copié d'après » nature. « » Nous remarquâmes beaucoup d'autres dilTcm-» blances avec les Peuples de Tanna \ mais il cft inutile » de les rapporter. Ceux-ci, qui tirent de leurs plan-» tations une grande quantité de végétaux , Se dont les « Peut-être ceux-ci avoient-ils été informés de ce qui s'etoit 7i parle entieles Européens Si les Habitans de l'Ifle de Horn, des Cocos ce m des Traîtres, quelques années auparavant. » mmmi—-r=i » bois, fur la côte de la mer, font remplis de cocotiers, qui j ieptembre*' * au de^"om î om'cnt leurs fruits, font beaucoup plus riches » que ceux de la Nouvelle-Calédonie, où les plantations *•> rapportent peu, de où la contrée abandonnée à elle-même; *> ne produit pas un feul fruit utile. D'un autre côté, les » Habitans de la Nouvelle Calédonie paroiflent être d'ha-» biles Pêcheurs, & les récifs, qui entourent leur Ifle, ont ■> du leur donner ce genre d'indu ftrie. » Comme la Nature a répandu fes faveurs avec réferva m fur cette Ifle, il eft tres-étonnant que les Habitans, au-lieu a> d'être fauvages, défians & guerriers, comme à Tanna, » fe trouvent paifîbles, bienveillans & peu foupçonneux. » Ce qui n'eft pas moins remarquable, en dépit de la ftéri-» lité de tout le pays, de du peu de fêcours qu'ils titent des » végétaux, ils font plus gros de plus grands, de leur corps » eft plus nerveux: peut-être qu'il ne faut pas chercher uni* » quement, dans la diverilté des nourritures, les caufes de » la différence de ftature & de taille des Nations. La race » primitive d'où defeend ce Peuple peut y avoir contribué: r> fuppofons, par exemple, que les Naturels de la Nouvelle-: » Calédonie viennent d'une Nation qui vivant dans l'abon-« dance, de fous un heureux climat, avoir pris une forte n croiifance-, la Colonie, qui s'eftétablie furie mauvais loi » de cette Ifle, confervera probablement, pendant plufieurs » crénérations, l'habitude de corps de fes Ancêtres. Le Peuple ■a de Tanna a peut-être fubi une révolution contraire ; de ; » s'il defeend d'une race petite de grêle, telle que celle des « Mallicolois, la richeffe de fa contrée n'a peut-être pas » encore pu changer ces germes primitifs de foibleflé, » Les Indiens de la Nouvelle-Calédonie font les feuls ! » des mers du Sud qui liaient pas à fe plaindre de notre ^epcerabrcl* » arrivée parmi eux. Quand, d'après les nombreux exemples » que cite ce Voyage, on conlidere combien il cft aile de » provoquer la violence des Marins, qui fc jouent li légere-» ment de la vie des Indiens, on doit avouer qu'il leur a fallu » un degré extraordinaire de bonté, pour ne pas attirer fur » eux un feul aéle de brutalité. Les Philofophes qui pré: » tendent que le caractère, les mœurs ôe le génie d'une r Nation, dépendent entièrement du climat, auront peine » à expliquer les difpofitions pacifiques des Habitans de la » Nouvelle-Calédonie. Si on dit qu'ils ne font point défians, » parce qu'ils n'ont rien à perdre, on ne réfoudra pas la » difficulté, puifquc les Naturels de la Nouvelle-Hollande, » fous l'influence d'un climat ôc* d'un fol pareils, tk dans une » fituation encore plus déplorable , font farouches &: info-» ciables. Cette heureufe difpofition des Calédoniens n'eft » pas un#effet de l'ignorance de la guerre Ôe de la difpute, 3> puifque nous avons obfervc tant d'armes offenfives. En » caufant avec eux, nous apprîmes qu'ils ont des ennemis, » 8c que le Peuple d'une Ifleappelléc Mîngha, eft d'un ca-» racterc bien différent du leur. On a parlé plus haut des » geftes qui fembloicnt annoncer que leurs ennemis man-9» geoient de la chair humaine, ainfi que des Habitans de » Balabéa, qui ,en voyant les Matelots ronger un os de bœuf, » crurent que nous mangions de la chair humaine : l'horreur » qu'ils en montrèrent, prouve que leur civilifation eft beau-» coup plus avancée cn ce point que celle de leurs voilins » plus riches. Ils n'ont cependant pas encore atteint ce degré, où l'efprit eft allez perfectionné pour ne point méprifer ii?iri-LiL^ *> le fexe : leur cara&erc trop grave ne peut être captivé par Septembre4* " ^cs c^reu^s des femmes, ni apprécier les jouiflanecs domef- » tiques : ils font quelquefois ob'igés de travailler beaucoup » pour pourvoir à Icur/fubfiftancc ; mais ils pafîènt dans le » repos leurs heures de loifir : ils ne fe livrent jamais à ces » petites récréations, qui contribuent tant au bien-être des »> hommes, & qui répandent la gaieté 8c la vivacité fur les » Ifles de la Société 6c des Amis. Excepté le fïfflet dont il » a été queflion plus haut, nous n'avons remarqué aucun » infiniment de mufique à la Nouvelle-Calédonie : nous ne » favons pas non plus s'ils ont des danfes 8e des chanfons j * mais nous avons lieu de fuppofer qu'ils ne rient prefque » jamais : ils parlent aufîi très-peu, & peu d'individus pre-» noient plaifir à converfer avec nous : leur langue paroît » informe, 6e leur prononciation eft fi confufe, que les Voca- * bulaircs faits par diverfes perfonnes de l'équipage diffé-» roient beaucoup entr'eux : quoiqu'ils aient peu de con- * fonnes dures, ils reviennent fouvent aux guttJnralcs, 5e » ils ont quelquefois un fon nazal ou Rhinifmus , qui em-» barraflbicnt communément ceux qui ne connoiflbient » d'autre langue que l'Anglois. L eloignement de leurs plan-» tations prévient peut-être cette communication familière » qui introduiroit peu-à-peu le befoin de la Société. Comme k> leur pays n'eft pas fufceptible d'une grande culture, le ■> meilleur moyen de hâter leur civilifation , feroit d'y rranf » planter les quadrupèdes que peut nourrir l'Ifle ; par exem-» pel, des cochons & des chèvres \ les chèvres réuffiroient h très-bien dans cette contrée féchc. . » fcty simplicité des Infulaires doit régner auffi dans le du Capitaine Gook. 311 » Gouvernement: Téabooma , Chef du diftriéb onnofé à rryr^^T A.nn i » notre mouillage, vivoit comme le refte de fes Compa- 'septcnirçt* » triotes : ils ne lui donnoient aucune marque extérieure de » déférence, &: la feule chofe qui annonçât quelques égards » de leur part, c'eft qu'ils lui remirent les préfens que leur » fît M. Pickcrfgill à la première entrevue. Les cantons voi- » fins fur Icfquels ne s'étendoit point l'autoriré de Tcabooma, » ont probablement leurs Chefs particuliers, ou peut-être » que chaque famille eft gouvernée par le Pere. *> Nous n'avons rien remarqué qui femblât avoir un » rapport même éloigné àla Religion, & nous n'avons obfervé * aucune coutume qui eût la moindre apparence de fuperfti-» rion. Leurs idées fur ces matières font vraifcmblablement » aufîi fimples que le refte de leur caractère. On a dit un mot » plus haut de leurs cimetières : fans doute quelques céré-» monics accompagnent leurs funérailles, mais nous ne les » connoiffons pas. » On ne sait pas fi les Infulaires vivent long-tems, ni » quelles maladies font plus funeftes fur cette Ifle. Nous n'y n avons remarqué que l'éléphantiafîs, qu'on a déjà dit y être » fort commune -, mais je ne l'ai jamais vu affez dangereufe, » pour que le malade rifquât de perdre la vie. Les cheveux * blancs & les rides de quelques Naturels annonçoient une » grande vicilleflèj mais, en fuppofant qu'ils fc donnent la » peine de compter leurs années, il eût été difficile de caufer m avec cux fur une idée auffi abftraite que 1 âge. Nous n'avons » jamais pu nous faire comprendre des Taïticns, lorfque » nous leur avons propofé de pareilles queftions, quoique 'n ■ ! à"SSB » notre connoifïànce de leur langue fût très-étendue, corn- Ann. 1774. n pai:<;c au petjt nombre de mors que nous avions ralfcmblcs septembre. r r 1 » en hâte à la Nouvelle-Calédonie. » A sept heures et demi, nous étions dans le milieu du paflagc. L'Ifle de rObfervatoire nous reftoit au S. 5d Eft, à quatre milles de diftance, ce l'Ifle de Balabéa à l'O. N. O. Au(II-tôt que nous fûmes en dehors du récif, nous prîmes les amures à tribord , dans la vue de faire voile au S. E., en tenant le plus près du vent j mais comme M. Gilbert croyoic avoir vu 1 extrémité N. O. de la terre, & qu'il paroiffoit plus aifé de la contourner par le N. O., j'abandonnai le deffein d'aller au plus près du vent, & nous côtoyâmes le récif en dehors, en gouvernant au N. N. O., au N. O., & N. O. - O., fuivanr fa direction, A midi, nous avions l'Ifle de Balabéa au S. i S. O., â la diftance de treize milles : ce que nous jugions être l'extrémité occidentale de la grande terre nous demeuroit dans le S. O. | S., & le récif couroit au N. O. - O. La latitude obfervée fut de i ■■ duré jufqu'à neuf heures, fut fuivi d'un vent foible de l'E.N.E. \nn. 1774, ^ je l'JEfl^ avec lequel nous portâmes peu de voile. Septembre. * m. i «Nous ne fîmes pas plus de vingt lieues en 48 » heutes ; 6c, voyant toujours la terre au Sud, nous craignions » d'arriver tard à la Nouvelle-Zélande, où nous devions » nous préparer pour notre dernière campagne au Sud.» 19, Le 19, à midi, notre latitude obfervée fut de 19* 54' • Sud, quand nous avions 4'Ille de Balabéa au Sud 68lt Oueft, à dix lieues ôe demie de diftance. Nous continuâmes de courir au plus près, avec des vents,variablcs, entre le N. E. 20. ôele S. E., fans rien trouver de remarquable, jufqu au ioà midi, que le Cap Colnet nous refta au Nord 78'' Oueft, àlix lieues. De ce Cap, la terre s etendoit, en paflànt par le Sud> jufqu'à l'E. S.E.,à perte de vue, ôe la contrée fe montrait cn plufieurs montagnes entre-coupées de vallées. La longitude, conclue de l'oblêrvation, fut de 2.011 4' Sud, ôe la latitude id 8' à l'Eft, depuis l'Ifle de l'Obfervatoirc. Nous fîmes de la voile pour rallier la terre , avec une légère brife de l'Eft, jufqu'au coucher du Soleil, que nous en étions à deux ou trois lieues. La côte s'étcndoitdu S. 42e' ^E. au Nord 52'' Oueft, Deux petits Iflots, emdehors de cette direction, n'étoient éloignés de nous que de quatre ou cinq milles ; ôe il s'en trouvoit d'autres entre nous & le rivage, ôe à l'Eft, où ils fembloient être unis par des récifs, qui préfentoient quelques ouvertures de loin en loin. Le pays devintde plus en plus mon-tueux, Ôe il avoit, à beaucoup d'égards, le même afpecr. que les environs de la Balade. Sur l'une des petites Ifles occidentales, étoit une élévation aflez femblable à une tour, & on decou- du Capitaine Cook. 317 vroit pardeffus une langue de terre baffe en-dedans de l'Ifle, =2^= d'autres élévations, qu'on auroit pu prendre pour les mâts septembre;' d'une flotte. Le lendemain, au lever du Soleil, après avoir porté, 11, toute la nuit, le Cap au large, avec une légère brife du Sud-Eft, je reconnus que nous nous étions élevés de la cote d'environ fix lieues; Se, dans cette position, le calme fur-vint, ôe dura jufqu'à dix heures du foir, qu'à l'aide d'une foiblc brife de terre du S. O., nous marchâmes au S. E. toute la nuit. Le u, au lever du Soleil, l'horizon fut embrumé; mais %%. les nuages s étant bientôt diiîipés, nous trouvâmes, par les relevemens, que nous avions gagné beaucoup de terrain. A dix heures, la brife de terre fut remplacée par un vent de mer de la partie de l'Eft £ S. E. qui nous mit en état de porter à terre ; ôe, à midi, nous la vîmes s'étendre du N. 6SA Oueft, au S. 3 id ~ Eft, en paflànt par le Sud. Dans cette dernière direction, la côte paroiffoit courir plus au Sud vers un gros Cap , qui fut nommé le Cap du Couronnement, parce que c'étoit le jour anniverfaire du Couronnement du Roi d'Angleterre. La latitude étoit de nd 2/, &la longitude de i 6y* f\ à l'Eft. Quelques brifans fe montroient entre nous & le rivage , ôe probablement ils rejoignoient ceux que nous avions vus auparavant. « Ceux qui enfermoient les côrcs fcptcntrîonales de la » Nouvelle-Calédonie , ne s'étendoient pas jufqu'ici; mais, » comme nous nous tenions à la diftance de quatre ou cinq ». lieues, nous ne diftinguions rien de la nature du pays, 318 Voyagé ,---iigMg 53 cc n>c^. ja cnauie tjc montagnes continuoit à fe Sqncmbrc.' w Plonger avec la môme hauteur, jusqu'auprès de notre » mouillage ,fans aucune prééminence , ou fans aucun pic » remarquable, » Pendant la nuit, nous nous avançâmes d'environ deux %^ lieues au S. E. &à l'aube du jour,le 13, nous découvrîmes derrière le Cap du Couronnement une pointe élevée dans le S. 23e1 Eft. Elle fut reconnue pour l'extrémiré S. E. de la côte , Où nous l'appcllâmes le Promontoire de la Reine Charlotte. La latitude étoit de 2.2/1 16' Sud , 6c la longitude de 167* t 4' à l'Eft. Vers midi, la brife fc leva du N. E. je portai au S. S. E. 6c à mefurc que nous nous approchions du Cap du Couronnement, nous vîmes dans une vallée au Sud, un grand nombre de ces pointes élevées, dont nous avons fait mention, & des terres baffes fous le Promontoire en étoient entièrement couvertes. Nous ne pouvions pas nous accorder fur la nature de ces objets. Je fuppofois que c'étoit un efpèce finguliere d'arbres, parla raifou qu'ils étoient très-nombreux, & que d'ailleurs une grande quantité de fumée fortit tout le jour du milieu de ces objets, près du Promontoire. Nos Phi-lofophes penfoient que c'étoit la fumée d'un feu interne & perpétuel. Je n'eus pas la peine de leur repréfenter que le matin il n'y avoit point eu de fumée dans cette même place, car cc feu, prétendu éternel, ceffa avant la nuit ; & depuis ©n n'y en apperçut plus. a Ces objets, qui reffembloicnt à des colonnes, étoient éloi-» gnés les uns des autres, mais la plus grande partie formoient » des grouppes ferrés. Comme on trouve des colonnes do balâltes en plufieurs parties du monde (a), il y avoit lieu de ï^r'^-n croire que celles-ci étoient de la même clpècc , & parce ^^faf' que nous avions vu dernièrement plufieurs volcans dans » les environs Se un très-près de Tanna , cette opinion nous . » paroiflpitencore plus vrâifcmblablc, car les Minéralogiftcs » les plus éclairés, prétendent que le bafaltc cft une pro-* duction de volcan. » Au coucher du Soleil, le vent paflà autour du Sud, Si nous revirâmes de bord, le Cap au large, parce qu'il croit dangereux d'approcher du rivage au milieu des ténèbres. Dès z+ que le jour parut, nous remîmes le Cap fur la terre avec une allez foible brife d'entre l'E. S. E. 6e le S. S. E. A midi, nous obfcrvâmes nd 59' 30" de latitude Sud, le Cap du Couronnement nous refiant à l'Ouclt, un peu vers le Sud, à la diftance de fept lieues, 6V: le Promontoire au S, 38d à l'Oueft. Comme nous avancions au S. S. O. nous commençâmes à voir la cote derrière le Promontoire ; 6c, au coucher du Soleil,nous découvrîmes une Ifle balle au S. S. E. à environ fept milles du Promontoire : c'étoit une de celles qui font défendues par des bancs de fable 6e des brifuis. Dans ce même tems, une montagne ronde fe fit voir dans le S". 14^ Eft , à douze lieues. Durant la nuit, n'ayant eu que des VChtS variables, nous fîmes très-peu de voile. Le z 5, fur les dix heures du matin, une jolie brife s'étant i 5: («) « Près d'Aiïuan , ou de Sycne, dans la Haute-Egypte, à Bolfena 3" en Italie, près d'Hadie, dans l'Arabie-Heureufe 5 à Hildcshetm , Stolpen »>& Yavcr-, en différentes parties de l'Allemagne5 aux Hébrides, eu s>ECQlfej & dans le Comte d'Anuïm en Irlande, n 3 20 Voyage ■....... ! levée du S. S. E. je gouvernai au S. S. O. dans lefpoir de ^ïfp* 'b7*" contourner ^e Promontoire. Mais , à mefure que nous en approchions, nous découvrîmes plufieurs Ifles bafTcs derrière celle dont nous avons déjà parlée , liées par des brifans qui s'étendoient vers le Promontoire, & paroiffbient jointes au rivage. Nous les reconnûmes encore de plus près jufqua trois heures 6e demie: alors de dcfîus le pont nous apperçûmes dans le banc déjà mentionné, les rochers élever leurs têtes fur la furtacc des eaux. Il étoit tems de changer de route -, le jour, trop avancé, ne permettoit pas de chercher un paflagc près du rivage , & nous n'avions point de fond, pour jeter l'ancre dans la nuit. Je gouvernai donc au Sud pour trouver un partage entre les petites Ifles. Nous avions un bon vent de l'E. S. E. mais il ne dura que jufqu a cinq heures, & fut fuivi d'un calme plat. Une ligne de cent foixante-dix bralTcs ne rapporta point de fond, quoique nous ne fuffions qu'à une petite diftance des écueils. Ces écueils au-lieu de fuivre la côte au S. O. prenoient la direction du S. E. vers la montagne que nous avions vue le foir précédent, 6c fembloient nous indiquer qu'il étoit nece flaire de contourner cette terre. Dans cc même rems, la pointe la plus avancée de la principale terre, nous reftoit au S. 68d Oueft 5 à neuf ou dix lieues. rt Cette partie de notre campagne étoit extrêmement n défagréable; nous ne pouvions pas examiner le pays, 6c $> nous avions grand befoin de nourritures fraîches: il ne nous « reftoit plus que quelques ignames qu'on fervoit par cx-» traordinairc fur la table des Officiers* mais les Matelots *> n'avoient goûté d'aucun rafraîchilîcment depuis notre départ » d'Anamoka, du Catitaine Cook. 321 « d'Anamoka. L'afpect de ces nouvelles terres nous confbloit """ » peu de cette abftinence: il entretenoit feulement lefpoir Ann* *774, , v r A* Septembre. » de faire d'autres découvertes, où l'on pourroit rafraîchir »i l'équipage. » Vers les fept heures, nous obtînmes une légère brife du Nord, avec laquelle nous gouvernâmes à l'E. S, E. Se nous paffàmcs la nuit avec moins d'inquiétude. Sur quelques-unes des Ides baffes, étoient plufieurs de ces élévations déjà mentionnées. Chacun tomba d'accord que cetoîcnt des arbres ; Se MM. Forfter en convinrent eux-mêmes. Avec l'aube du jour j le z6, le vent fouffla du S. S. O. Se nous fîmes route au S. E. toutes voiles dehors pour amener la montagne déjà mentionnée. Elle appartient à une Ifle, qui, à midi, s ccendoic du S. r 6c] Elf, au S. 16d Oueft , Se nous cn étions éloignés de fix lieues. La latitude obfervée fut de zzA 16' Sud. L'après-midi, le vent fraîchit, Se comme il pallà au S. S. E. nous portâmes le Cap à l'Eft jufqu'à deux heures du matin du zj, que nous revirâmes de bord , pour marcher au Sud-Oueft,dansl'efpérance de pouvoir doubler cette Ifle i mais notre attente fut trompée, Se nous avions encore deux milles à courir, qu'il nous fallut revirer , à la diftance d'environ un mille de la côte orientale de l'Ifle, dont les extrémités nous reftoient du Nord O. - N. au S. O. la montagne nous reftoit à l'Oueft, 2e nous avions dans le S. - S.O. quelques Ifles baffes, qui font à la pointe du S. E. Elles paroiflbient liées avec la grande Ifle par une chaîne de brifans. Quatre-vingt brafîcs de ligne ne rapportoient point de fond. Les bords de cette Ifle étoient couverts de ces élévations dont on a parlé tant de fois. Elles avoient l'apparence Tome III. S s 2,7. " - de gros pins; ce qui fut caufc queflfle cn reçut le nom. fa ' !7 '4' monramie ronde qui fe trouve du côté S. O. cft d'une relie hauteur, qu'elle peut être appcrçuc de quatorze ou même de feize lieues. L'Ifle, qui n'a guères qu'un mille de circuit, cft fituéepar nA 38' de latitude Sud, & 1 6jà 40'de longitude à l'Fft Apres avoir fait encore deux tentatives pour doubler l'Ifle des Pins, fans mieux réuiTir , je rélolus de m'en éloigner jufqu'à minuit. Ce même jour, à midi, le thermomère étoit à 6$A Il n'avoit pas été fi bas depuis le 2.7 Février. Ayant reviri'c de bord, à minuit, à l'aide descourans 8c 2,8, d'un vent frais de l'E. S. E. 6e du S. E. le lendemain, au point du jour, nous nous trouvâmes de plufieurs lieues au vent de I Ifle des Pins, & je gouvernai au large, cn rondiflànt le long des côtés S. E. & Sud. La côte du S. E. à l'Oueft, en parlant par le Sud, étoit hériflée de bancs de fable, de brifans 6e de petites Ifles couvertes, pour la plupart, de ces gros pins, qui décoroient les bords de la plus grande Terre. Nous continuâmes de ranger en-dehors les Ifles Se les brifans-, à trois quarts de lieue de difta'ncci 6e, à mefure que nous parvenions à cn doubler un,il s'en élevoic à l'inftant un autre, de forte qu'ils paroilfoient former une chaîne, qui setendoit jufqifaux Ifles fituées à la hauteur du Promontoire. A midi, nous obfervâmes ti* 44' }6" de ktitude Sud, fine des Pins nous reftant du N. \ N E. \ E.,à l'E. J N. E., 6e le Cap du Couronnement au N. 3 zA 30' Oueft, d.ms un él.)ignemcnt de dix-fept lieues. L'après-midi, par un bon frais de vent d'Eft, nous fîmes route au N. O. ~ O. le long des récifs en-dehors, dans la vue d'atterrir un peu au S. O. du P.omontoire. A deux heures, on eut connoiffancede deux ri. 55 VUE DE I/ISEE DES PINS 53639768 petits Mots, dans fO. \ S. O.j &, comme ils étoient liés par h^^^jz des brifans qui fembloient fe joindre à ceux que nous avions ^^^^ à tribord, cette découverte m'obligea de porter au S. C). pour nous dégager de tous ces écueils. A trois heures, on découvrit encore de nouveaux briians, qui couroient des Ides baffes vers le S. E. Je fis alors gouverner en ferrant le vent d'aufti près que la brife le permerroit} 6V:, cn une heure 6e demie, nous fûmes prefque fur le bord des brifans, & forcés de revirer de bord. Du haut des' mars, on voyoit ces écueils fc prolonger jufqu'à l'Eft, Sud-Lit j 6V la Tranquillité de la Mer nous fit croire que probablement cette chaîne de rochers connût au Nord de l'Eft i de forte que nous en étions entourés. La montagne de l'Ifle des Pins nous reftoit au N. 7 iH \ Elf, le Promonroire au N. -J Oueft ^ 6e la pointe de la grande Terre fur la côte S. O. nous dc-meuroit au N. O., à la diftance de quinze ou feize lieues. Cette direction de la côrc S. O., qui était un peu dans le parallèle du N. E., nous affuroic que la Terre ne setendoit pas plus loin au S. O. Après avoir fait une courte bordée dans le N. N. E., nous reprîmes celle du Sud, afin de reconnoître de plus près cette chaîne de briians avant le coucher du Soleil. Tout cc que nous y gagnâmes, cc futi'afpcer. d'une Mer feméc de rochers 6e de brifans, dont nous ne pouvions nous débarrafîer qu'en retournant par la même route que nous avions faite. Nous revirâmes de bord prefqu'au même endroit où nous avions viré avant, 6c"la fonde nous rapporta Un fond de fable fin. Comme nous avions fous le vent une chaîne de brifans, l'ancrage, s'il venoit à venter grand frais, étoit notre dernière reffource j je préférai donc de courir la fluit de petits bords, fur le parage que nous avions déjà S s 1 '' reconnu le jour. Cc fut ainfi que nous la pafsâme's, mais \nn. 1774- • 1 1 ■ 1 1 «r v 1 ■ o Septembre, agites par la crainte de nous briler a chaque inftant contre quelques-uns des écueils multipliés qui nous environ-noient. Le jour nous fit voir que nos inquiétudes n'étoient pas fans fondement, & que nous avions été continuellement expofés au rifquc de nous perdre : nous avions toujours eu des brifans, fous le vent à nous, &à très peu de diftance. Nous dûmes notre falut aux bonnes obfèrvations des vigies 6ê à la promptitude de nos manœuvres -, car, tandis que nous tài-fions la bordée du Nord, on appercevoit tout - à - coup des écueils, que nous n'évitions qu'en revirant brufqucmcnt de bord. J'étois déjà bien las de fuivre une côte, qu'il étoit difficile de reconnoître, plus loin, fans m'expofer au rifque évident d'un naufrage, qui feroit perdre tout le fruit de cette expédition. Je ne pouvois cependant me réfoudre à l'abandonner , avant d'avoir reconnu ces arbres, qui avoient été le fujet de nos fpécularions -, ils fembloient d'ailleurs offrir d'exccllens bois de conllrucfion, & comme nous n'en avions vus nulle part que fur la partie méridionale de cettcTerre, cela piquoit davantage notre curiofité. Dans cette vue, après avoir couru une bordée au S.pour doubler les écueils que nous avions de l'avancje portai au Nord, efpérant trouver un ancrage fous le vent de quelques petites If es où croiffent ces arbres. Vers les huit heures, nous nous trouvâmes en vue des brifans qui s'étendent entre l'Ifle des Pins ce le Promontoire de la Reine Charlotte; te les fondes furent, dans ce moment, de cinquante-cinq , quarante & trente fix braffes,fond de fable .......... fin. Plus nous approchions de ces écueils, plus ils fembloient 5™^^ fc multiplier, & nous n appercevions aucun partage entre les deux Terres. Comme nous n'étions que de quelques milles au vent des Ifles baffes, fituées fous le Promontoire, & dont il a été quef-tion le 15 & le 16, nous fîmes voile pour attaquer la moins éloignée. A mefure que nous l'approchâmes, nous découvrîmes qtfellc n'éroit pas liée avec les écueils des environs, & que probablement nous pourrions mouiller fous le vent de cette Ifle, ou fur fon coté occidental. Après qu'un Officier m'eut conduit au haut des mâts, je marchai pour arriver à cette! erre ; ce, après avoir doublé la pointe du récif qui borde l'Ifle, j'effayai de ferrer le vent , dans le deflein d'amener de plus près le rivage. Un autre récif, qui couroit au Nord, nous enfermoit dans un canal étroit, où fc trouvoit un courant, qui, porrant contre nous, rendit cette tentative inutile : de forte qu'il fallut laifîèr \ tomber l'ancre par trente-neuf brafîes d'eau, fond d'un beau fable de corail, l'ïfle nous reftant à l'O. ' N. O. à un mille de diftance. Dès que nous fûmes mouillés, on mit dehors une chaloupe , où je m'embarquai avec les Botanifles, 5e nous defeendîmes fur l'Ifle. Nous trouvâmes que les gros arbres étoient une efpèce de pin de Pruflè, très-propre pour des efpars dont nous avions befoin. « Leurs branches » croiffoient autour de la tige, formant de petites touffes j » mais elles furpaffoient rarement la longueur de dix piedss » ôe elles étoient minces en proportion. » Ce fait bien conflaté , nous nous hâtâmes de revenir à bord, afin d'avoir V o y a g e 326 plus de tems l'après-midi. Nous retournâmes fur Pille Anm. 1774. avcc deux bateaux, où s'embarquèrent plufieurs OfÏÏ-Jeptemare. Gjcrs> le Charpentier & les Travailleurs qui dévoient choi-iir les arbres qui nous croient néceflàircs. Tandis qu'on coupoit les arbres, je pris les reîevemens de plufieurs Terres autour de nous. La montagne de l'Illc des Pins nous reftoit au Sud 59^ 30' Eft; la pointe baffe du Promontoire de la Reine Charlotte, au Nord 14/1 3 o' Oueft i la haute Terre au-dcflùs, qu'on voyoit pardcilùs les deux Ifles halles, au Nord iod Oueft ; ce la pointe de Terre la plus avancée à l'Ouelt,nous demeurait à l'Ouclt une demi-pointe Sud, à la diftance de fept lieues. Nous avons, d'après plufieurs reîevemens, déterminé la vraie direefion de la côte, depuis le Promontoire jufqu'à cette pointe, que j'appellerai le Cap du Prince de Galles. Son gilfement cft par n'1 25/ de latitude Sud, &c par r 66d 5 7'de longitude à l'Eft. Ce Cap clt d'une hauteur coniidérable i Se, quand on commence à le découvrir fur l'horizon,il fc préfente comme une Ifle. De cette pointe, la côte court prefqu'au N. O. Sa direefion eft un peu trop Nord, pour joindre cette partie que nous apperçûmes des montagnes de Balade. Mais, comme c'étoit une Terre très-haute, qui fe découvrait à la hauteur du Cap dans cette direefion, il'clt très - probable qu'une Terre plus baffe, que nous ne pouvions pas voir,fc découvrait plutôt, ou autrement la côte, plus au N. O., prend une direction plus occidentale de la même manière que la côte du N. E. Quoi qu'il en foit, nous connoiffions allez l'étendue de la Terre, parce que nous l'avions vue rcfïcrrcc cn de certaines limites. Néanmoins je confetvai encore l'efpérancc de la ■ mieux rccQft* floître j mais cette attente fut vaine. La petite Isle, fur laquelle nous débarquâmes, n'eft S5H % proprement qu'un banc de fable, qui n'a pas plus de trois ^ienSSî' quarts de mille de tour. Elle produit, outre les pins, l'arbre que les Taïricns nomment Etos, & beaucoup d'autres,ainfi que des ai bulles ce des plantes. NosBotaniftes ne manquèrent pas d'occupations 8e c'eft ce qui me la fit appellcr XI(le de la Botanique. « Cn y compte trente efpèces de plantes, & plu-» fieurs nouvelles. Le fol eff très-fablonneux fur les côtes*, » mais il eû mêlé, dans l'intérieur, de terre végétale: c'eft *> l'effet des arbres & des plantes qui y tombent continuel-» lement cn pourriture. » îly a des hydres, (AnguisPlatura)des pigeons & des tourterelles, différentes en apparence de luiucs celles que nous avions vues. Un des Officiers tira un faucon pareil à ceux qu'on trouve fur les côtes d'Angleterre. ( Falco Ha-tïaetos, voy. la Zoologie Britannique de M. Pcnnanr), &: nous prîmes une nouvelle efpèce d'attrappe-mouche. Les débris de quelques feux, des branchages, des feuilles encore fraîches tk des reftes de tortue,annonçoient que ce Canton avoit été vifité récemment par les Indiens. Une pirogue, précifément de la forme de celles de la Balade, étoit échouée fur le fable. Nous ne fûmes plus cn peine de favoir quels arbres ces Indiens cmployoient à la conflruétion de leurs canots -, ils fe fervent finement pour cela des pins. Sur cette Ifle, il s'en trouvoit de vingt pouces de diamètre, & de foixante à foixante-dix pieds de haut. On auroit fort bien pu cn faire un mât pour la Réfolution , s'il eût été nécef faire! Puifquc des arbres de cette taille croiflènt dans une aufîi petite Ifle ,il cfl probable qu'il y en a de plus gros fur 1 1 » la principale Terre Se fur des Ides plus grandes •> & nous Ann. 1774. pouvons même l'allurer, fi nous n'avons pas été déçus par les Septembre. r 0t r J r apparences. Je ne connoissois alors aucune Ifle de la Mer Pacifique, à l'exception de la Nouvelle-Zélande, où. un vaifleau pût mieux fe fournir de mâts 8c de vergues. Ainfi, la découverte de cette Terre elf précieufe , ne lût-ce qu'à cet égard. Mon Charpentier, qui n'étoit pas moins habile à faire un mât, qua travailler à la conftrucfion d'un vaifleau , deux métiers qu'il avoit appris dans le chantier de Deptford, penfoit que ces arbres donneraient de très-bons mâts. Le bois cn cft blanc, le grain ferré, 8c il cft dur 8c léger. La térébentine étoit fortie de la plupart des branches, 8c le Soleil l'avoit épailfie en une réfine attachée au tronc 8c autour des racines. Ces arbres développent leurs branches comme les pins d'Europe, avec cette différence,que ceux-ci ont des branches plus courtes 8c plus petites : de forte que les nœuds deviennent à rien, quand on travaille la tige. Tobfcrvai que les plus grands de ces arbres avoient les branches plus petites 8c plus courtes, &c qu'ils étoient couronnés comme s'il y eût eu à leur fommet un rameau qui eût formé un buiflbn. C'étoit-là cc qui les avoit fait prendre d'abord, avec fi peu de fondement, pour des colonnes de balfatcsj 6e il elf vrai qu'on ne pouvoit gueres s'attendre à trouver de pareils arbres fur cette Terre. La femenec eft dans des capfulcs coniques ; nous n'en vîmes aucun qui renfermât de cette femenec, du moins dans un état propre â la reproduction. Outre ces arbres, il y en a un autre de l'cfpèce des lapins de Prufle; mais il cft très petit, 8c c'eft & c'eft moins un arbre qu'un arbriiTeau. Nous rencontrâmes - ' encore fur cette Ifle une efpèce de creflbn & une plante septembre!* femblable à celle qu'on nomme en Angleterre Quartier d'agneauy ou poule graffe( Tetragonia ) qui, étant bouillie, fe mange comme des épinards. Après avoir coupe des arbres,qui nous procuraient dix ou douze cfpars pour des boute-hors de bonnettes, des mâts de chaloupe, &c. la nuit approchoit, & nous nous rembarquâmes. L'objet pour lequel nous étions venus mouillet près de cette Ifle, étant rempli, il ne reftoit plus qu'à fixer la route que je voulois prendre. Nous avions eu , du haut des mâts, une vue de la mer autour de nous, & obfervé qu'à l'Oueft elle étoit entièrement femé d'Iflots, de bancs de fable, & de brifans, qui sétendoient aufîi loin que l'horizon. Tous ces, écueils netoient point liés enfcmble , & i}s laiffoient appercevoir plufieurs canaux de différente iînuofité. Mais, en confidérant que l'étendue de cette cote du S. O. étoit déjà fufnfiiniment -déterminée, le r-ifque évident que nous allions courir, pour •achever cette rcconnoiifânce , & le tems qu'elle nous pren-idrait, à caufedes dangers multipliés, qu'il faudrait éviter-, m'empéchant de poullèr plus loin au vent de cc nombre prodigieux de brifans, qui pou voient nous enfermer tellement, que la difficulté d'en fortir nous feroit perdre la faifon favorable pour naviger au Sud, je fouhaitois alors d'avoir le petit Jjâtiment, dont nous avions les couples à bord. J'avois fange à Tome IIL Tt le Elire conftruire, durant notre dernier féjour à Taïti j mais Septembre''" on nauro^c Pu executer cet ouvrage , fans négliger le calfatage, & les autres réparations dont le vaiffeau avoit befoin, ou, fans faire une plus longue relâche que ne le permettoit la route que je projetois. Il étoit maintenant trop tard pour penfer à la conftrucfion d'un pareil bâtiment, & s'en fervir enfuite à la découverte de cette côtej &,dans notre canu pagne au Sud, il n'étoit d'aucune utilité. « Tandis qu'on étoit à l'ancre, le premier Lieutenant » prit un poiffon exactement de la même efpèce que celui » qui empoifonna le Capitaine Cook, mon Pere & moi j il » le fit cuire, en dépit de fes camarades de chambrée ,qui » tous l'avertirent de fes effets pernicieux : enfin il donna » des ordres pofitifs pour qu'on le lui fervît, & fes Amis *> ne trouvant pas d'autre moyen de le fauver, tournèrent » en ridicule fa folle fantaifie. Les railleries produifirent plus » d'effet que lesconfeils de l'amitié , 6c il changea de réfo- » lution. Un petit chien eut le malheur de manger les en- » traiiles de ce poiffon, & il paff i plufieurs jours dans d'hor- » riblcs tourmens : pour finir fes peines, on le jeta au fond » de la mer. Cette circonff anec prouve quelle étoit notre di- » fette de nourritures fraîches, puifque le rifque même d'être » empoifonné n'arrêtoit pas le befoin de manger un ali- «> ment meilleur que la ration. Tous les Officiers, qui » avoient déjà fait desVoyagcs autour du monde', convinrent » que jamais ils n'avoient tant fouffert dans les expéditions » précédentes. M. Cook avoit une provifïon de jambons » filés qui fe corrompirent à la longue : toute lagraiife étoit m changée en huile rance, ■& le fel avoit rempli la chair ds » concrétions alkalines, pareilles au tartre : cependant,des ' sss • i . r t 1 • Ann, 177 » qu on portoit cette viande pourrie lur nos tables, ce qui septecohn » arrivoit une fois par femaine, les Bas - Officiers la dé- » voroient avec des yeux avides, & envioient notre bon- » heur. » Nous appareillâmes ,lc lendemain, au point du jour » avec une légère brife de l'E. -J N. E. Nous avions quelques bordées à courir pour doubler les écueils au vent de rifle de la Botanique i mais à peine les eûmes-nous achevées, que la brife commença à nous manquer. A trois heures après-midi, il y eut un calme abfolu, La lame & le coûtant, de concert, nous pouflbient au S. O. vers les brifans, que nous avions encore en vue de ce côté. Ainfi, nous faînes dans de continuelles appréhenflons jufqu a dix heures, que la brife s'étant levée du N. N. O., nous gouvernâmes à l'E. S. E.} cette route étoit oppoféeàcelle que nous voulions faire,mais nous notions pas gouverner au Sud avant le jour. * a sept heures et demi, nous avions vu au Nord une '» boule de feu, qui, par par fa groffeur & par fon éclat, » reffembloit au Soleil, quoiqu'elle fût un peu plus pâle; n elîe s'évanouit, en crevant quelques momens après, ôc elle so laiffa derrière elle des étincelles brillantes, dont la plus » grande, d'une forme oblongue, fc remuoit promptement » hors de l'horizon , tandis qu'une efpèce de flamme bleuâtre » la fuivoit & marquoit fa route. a l'apparition de ce phé-» nomene , qui leur étoit connu , les Officiers expéri-» mentes attendirent un vent frais, & ils ne fe trompèrent » point. » T t > - Le lendemain, à trois heures du matin, le vent pafïà r Octobre!" au S. O., fouffla avec force , 6c par raffales, fuivies de pluie, 6c nous fumes contraints de relter à la cape, fous nos voiles majeures, jufqu'au jour, que la montagne des Pins nous reftoit au Nord: notre diftance du rivage dans cette di-rection étoit d'environ quatre lieues. Les vents iouffloient alors avec impétuohté du S. S. O,, & la mer devint li grotte, que nous eûmes tout lieu de nous applaudir d'avoir écarté les écueils, avant d'être furpris parce tems orageux. Quel* que tout me fît penfer que c'étoit la mouflon de l'Oueft, il eft difficile de croire que ce la fût réellement. Premièrement , il s'en falloir encore près d'un mois que la faifon ne fût allez avancée pour ces vents : en fécond lieu, nous ne fivons point fi ces mêmes vents régnent jamais dans ces parages; 6e enfin il eft rrès ordinaire de voir les vents d'Oueft fouffler entre les Tropiques. Néanmoins je n avois jamais trouvé que ces vents foufflaffent avec tant de violence, ni fi long tems de la partie du Sud. Quoi qu'il cn foit, il ne nous reftoit d'autre parti, que de cingler au S. E., & c'eft auffi ce que je fis, après avoir pris les amures à tribord. A midi, nous avions perdu de vue la terre. z. Les vents impétueux continuèrent, fins prefque aucune altération, jufqu'au lendemain à midi, que nous obfervâmes z 3'1 i 8' de latitude Sud, la longitude à l'Eft depuis l'Ifle des Pins étant de id 54'. L'après-midi, nous n'eûmes qu'un foiblc vent du Sud , mais de groffes lames de cette même direction. On vit des compagnies d'oifeaux du Tropique,des boubies 6e des frégates. A onze heures, une brife fraîche fe leva de l'O. \ S. 6., avec laquelle nous fîmes voile au Sud, Nous étions alors par 2 3'' 18' de latitude Sud, Se 16^ 45/ de longitude à L'Eft, 6: à environ quarante-deux licucs au S#obr7 Sud des Hébrides. Le 3, vers les huit heures du matin, le vent pafla au S, O., 3. reprit la première impétuofité, Se tut accompagné de grains violens Se de pluie. Je perdis alors toute cfpérance de rallier la terre que nous venions de quitter. En confidérant la vafte étendue de mer que nous avions à parcourir au Sud; l'état du vaifleau , Se le défaut d'approvifionnemens de première néccfîité que je commençois à rèiîèntir ; que d'ailleurs nous touchions à l'été de cette partie du globe, Si. que tour accident un peu coniidérable, pourroit nous retenir encore une autre année dans cette Mer , je ne penfâi point qu'il fut prudent d'cflàyer de nouveau de regagner la terre. La nécessité nous contraignit donc, pour la première fois, de quitter une côte que j'avois découverte, fins l'avoir entièrement reconnue. Je la nommai la Nouvelle-Calédonie; Se elle eft peut être, la Nouvelle-Zélande exceptée , la plus grande lflc de la mer Pacifique ; car elle s'étend du 1 9* 37' aux 22.d 30'de latitude Sud; Se du 1 tion de fi bande Nord mais fes productions annuelles, » végétales ôe minérales, font encore inconnues, & offrent » un vafte champ au Naturalifte. L'afpcct des pins, dans » la partie de l'Eft, femble prouver que la nature du fol, » ôe les » & les minéraux y font abfolumcnt différens de ceux de ======= » Balade, que nous avions examinés cn courant; ôe, d'après Ann. 1774, » ce que nous avons vu fur la petite Ifle fablonneufe de la °^obrc* » Botanique, de nouvelles plantes doivent y couvrir la » teure, ôe de nouveaux oifeaux habiter les bois : ainfi, m les Navigateurs pourront un jour terminer nos décou- » vertes, ôe employer plus de temps a examiner les richeifes » de cette contrée. Différons efpaces de la mer du Sud, » ne fe trouvent pas compris dans les routes des premiers su vaiffeaux ;. tel par exemple que les parages entre io(l de » latitude S. & la ligne, dans tout l'Océan, depuis l'Ame- » rique à la Nouvelle-Bretagne ; celui qui clt entre 1 ol1 & » 1411 dans l'intervalle du 140 au i6oA de longitude O. » celui qui cfl enrre les trentième &r les vingtième parallèles, » & le cent quarantième ôe le cent-foixante-quinzieme mé« » ridien Oueft; ôe enfin l'cfpace entre la plus méridionale » des Ifles des Amis ôe la Nouvelle-Calédonie, ôe celui » qui cfl entte la Nouvelle-Calédonie'8e la Nouvclle- * Hollande. La route de M. de Survillc, dont on a parlé * plus haut, elf la feule qui fe trouve entre ces deux pays. j> Mais la Nouvelle-Guinée, la Nouvelle-Brctarme Ôe toutes *- les terres des environs, demandeur à être examinées plus » en détail. Quand on aura bien parcouru tous ces parages » de la mer du Sud, la partie feptcntrionalc de la même n mer, exigera plufieurs Voyages, avant d'être reconnue *» en entier. » hmè III. Vr M ■---— ■ CHAPITRE XI. Suite de la Navigation de la Nouvelle-Calédonie à la Nouvelle-Zélande ; Découverte de l'Ifle de Norfolk ; Incidens furvenus dans le Canal de la Reine Charlotte. ■■ ' B Les vents forts du S. O.,'de l'O. S. O., ôe de l'Oued tfOûob74" contulll°icnc encore, ôe de tems à autre étoient accompagnés de grains violens, fuivis de pluies abondantes; durant ce tems orageux, nous fîmes route au S. S. E. fans qu'il arrivât rien de remarquable jufqu au fix à midi, que le calme fuccéda à la tempête. Nous étions alors par ijd 50' de latitude Sud, Ôe 17Ie143' de longitude à l'Eft. Le calme dura jufqu'au lendemain à midi ; ôe, dans cet intervalle, nous obfêrvâmes que la déclinaifon de l'aimant étoit de ro1' 33'-vers l'Eft. J'ordonnai aux Charpentiers de travailler au calfatage des ponts. Comme nous n'avions ni poix, ni goudron , ni réline pour goudronner les coutures, on employa du vernis de pin, recouvert de table de corail,ce qui forma une efpèce de ciment bien meilleur que je ne l'aurois cru. L'après-midi nous mîmes un batteau à la mer, & fon tira deux albatroffes que nous trouvâmes auffi bonnes que des oies. Nous avions vu la veille un de ces oifeaux, ôe c'étoit le premier depuis que nous étions entre les Tropiques. 7. Le 7, à une heure après midi, nous relfcndmcs la brife iïu Sud ; mais bientôt elle varia, & s établit enfuite au S. E. 5 S. 'd'où elle nous procura un bon frais de vent, fuivi d'un très-beau tems. Ann. 1774. Oclobic. Nous cinglâmes toutes voiles dehors, à fO. S. O., & le lendemain, à midi,nous étions par z8d 25' de latitude li Sud, & 170'1 z6f de longitude à l'Eft. Le foir,M. Cooper ayant harponné un marfouin , il fallut mettre cn panne, de avoir deux bateaux dehors, avant de pouvoir le tuer, & le prendre. Il avoit fix pieds de long, c'étoit une femelle de fcfpèceque lesNaturaliftesappclent le Dauphin des Anciens (Delphinus Delphi s. Linn, ) ôe qui diffère de l'antre efpèce, par la tête &r la mâchoire, qui font longues 6e pointues. Ce poiflon avoit les parties inférieure ôe fupericurc de la mâchoire, garnie chacune de quatre-vingt-huit dents. La fref-fure ôe la chair nous procurèrent un excellent mets. La chair ctoit un peu dure, fins avoir en aucune manière le goût du poiifon. On en rôtit une partie, on grilla l'autre, de le refte fut mis à l'étuvée, après avoir été trempée dans de l'eau chaude. Il ne filloit pas beaucoup d'art pour rendre ce poiifon frais ôe agréable à des perfonnes qui, depuis il long-tems, vivoient de falaifons. < Nous continuâmes de marcher avec toutes nos voiles, idans la direction de l'O. S. O. jufqu'au dix : au point du jour, nous eûmes la vue de la terre dans le S. O. que nous reconnûmes, en l'approchant, pour être une Ifle paf-fiblement haute, ôe de cinq lieues de circuit. Je l'appelai l'Ifle de Norfolk, en l'honneur de la famille de Howard; Elle gît par les z$d zf 30" de latitude Sud, fi longitude Vv 1 \ -----5 de 163e1 i6f de longitude Eft, fut déterminée par des ob- nn. 1774. fcrvat;ons lunaires faites fur rifle, & la latitude fut con-élue d'une bonne obfervation de la hauteur méridienne du Soleil, quand nous étions à trois milles du rivage. Auflitôt que nous eûmes connoilîàncc de l'Ifle, on fonda 6e on trouva vingt-deux braffes d'eau, fur un banc de fiblc de corail. Les fondes continuées ne rapportèrent pas moins de vingt-deux , ni plus de vingt-quatre braffes, ( excepté près de la grève) 6e le même fond mêlé de coquilles brifées. Après le dîné, nous nous embarquâmes dans deux bateaux, & nous defeendimes à terre fans aucun obftacle, derrière de grands rochers, qui bordoient une partie de la côte, fur la bande N. E. L'Isle étoit inhabitée, 6e notre defeente,fur cette nouvelle Terre, étoit indubitablement la première qu'on y eût jamais Elite. « Plusieurs grands rochers brifés fe projetent dans la » Mer de tous les côtés : tous les autres rochers de cette » Ifle font de la pierre de craie jaunâtre commune, que » nous avons trouvée à la Nouvelle-Zélande. Nous ren-» contrâmes, en quelques endroits, de petits morceaux de , » lave poreufe, rougeâtre, qui fembloient tongés de vétufté -y » cc qui nous fit foupçonner qu'il y a un volcan. Les végéta taux y croiflent en grande abondance fur une riche couche *> de terreau noir, que les arbres 6e les plantes pourries y » accumulent depuis des fiéclcs. » Nous reconnûmes beaucoup d'arbres Ôe de plantes qui Pl. 6 6 .v, ^Îst.b Norfolk , Liillùiùc . ■■ zg..oi ... 3a ■ ■ - TO^à,.. .7/?7?.. .z£ Pucjt de GrecmvtcA . /tçnepo/u/ur'c t/idiifue /a Remit du ïâisseau eé~ y/ /tv cÂt/f/'(\r ù profondeur <& l'eau mesurée - ? / j_o ()et.--u.^4- en grasses Ihi ■----1 i-\ iVTlli -f-r^-j---- croiffcnt à la Nouvelle-Zélande, 6e fpécialcmentle lin, dont ■= la végétation eft ici infiniment plus vigouteufe que fur l'autre A^ Terre. Mais la principale production eft une efpèce de pin de Pruffe, qui croît ici en abondance. Ces arbres ont la tige droite 6e de la plus belle élévation , 6e il en eft plufieurs que deux perfonnes peuvent à peine embrafler. Ce pin cft une efpèce moyenne entre ceux de la Nouvelle-Zélande & de la Nouvelle-Calédonie. Le feuillage diffère cn quelque chofe des uns 6e des autres : le bois n'en eft pas fi dur que celui des premiers, ni fi léger, ni le grain fi ferré que celui des féconds. Depuis le rivage, dans un efpace d'environ deux cens verges, le terrain cft tellement fourré d'arbrif-feaux & de plantes, que ce n'eft qu'avec peine qu'on parvient à pénétrer dans la contrée. Les bois font entièrement libres 6e dégagés d'arbriffeaux, 6e le fol paroît être fertile 6e profond. Nous trouvâmes la même efpèce de pigeons, de perruches, de perroquets qu'à la Nouvelle-Zélande, des raies 6e des petits oifeaux. On y voyoit des poules d'eau, des boubies blancs, des mouettes, Ôec. qui fe multiplient 6e vivent dans un doux repos fur les rivages de la Mer 6e fur les rochers. Ces oifeaux produifoient un concert charmant dans ce coin de terre défert. Cette Isle a des fourecs d'eau douce : le fol y produit cn abondance des choux-palmiftes, de l'ofcille fauvage, du lai-teron,du bacille ou fenouil marin ; toutes ces plantes croif-fent en quantité fur. le rivage : nous rapportâmes à bord toutes celles que le tems nous permit de cueillir. Les 342 Voyage ■■■■ mm* Palmiftes ne font pas plus gros'quc la jambe d'un homme, Se • £ 17A* n'ont guères que de dix à vingt pieds d élévation. Ils font de la claffe du cocotier,comme cux, ils ont de grandes feuilles empennées : c'eft le même palmier que celui de la féconde forte trouvée dans la partie feptentrionale de la Nouvelle-Galles méridionale (a). Le chou cft, à proprement parler, le bourgeon de l'arbre, Se chaque arbre n'en produit qu'un ; il fort du fommet où il poulie fes feuilles. La coupe du chou détruit l'arbre ; de forte qu'on ne peut jamais avoir qu'un chou de la même tige: le cocotier Se quelques autres efpèces de palmiers , produifenr le chou comme celui-ci. Ce végétal eft non-feuicment falubre, mais encore d'un bon goût; Se il nous procura un des plus agréables repas que nous euflions frits depuis quelque tems. La côte cft allez poiffonneufe. Pendant que nous étions fur le rivage, les Gens des bateaux prirent des poiffons «xcellens. Je jugeai qu'à la pleine Se à la nouvelle Lune, on avoit la haute Mer vers une heure ; Se que, dans le flot, les eaux s'élevoient perpendiculairement de quatre ou cinq pieds» L'approche de la nuit nous ramena tous à bord, où nous reprîmes les bateaux. « Arrivés fur le vaiffeau, nous regret-» tâmes beaucoup de navoir pas penfé à laiffer fur certc p Ifle un chien Se une chienne, qui fe feroient multipliés '(a) Voy«\ h Collecfion d'Hàvkfvorth. » fans trouble, fie qui, dans l'cfpace de peu d'années, y __1 » auroient répandu leur race de manière à la rendre utile aux ^NN- 1774. » Navigateurs, » Nous fîmes route à l'E. N. E., toutes voiles 0<-tobre' dehors, avec un vent du S. E., jufqu a minuit, que, revirant de bord, nous pafsâmes le refte de la nuit à courir de petits bords. Le lendemain, au lever du Soleil, je cinglai au S. S. E.i n: & nous doublâmes rifle. Sur fa bande méridionale, font deux petits Iflots habités par des oifeaux. De ce même côté, ainfi que de celui du S. E., il y a une plage fablonncufe, où le rivage eft en grande partie revêtu de roches efearpées, au pied desquelles on trouve vingt fie fêize braffes d'eau ; ccft-là du moins ce que nous rendirent les fondes fur la bande N. E., avec un très-bon ancrage. Un banc de fable de corail y mêlé de coquillages, fie fur lequel nous eûmes depuis dix-neuf jufqu'à trente fie quarante braffes d'eau , environne l'Ifle, £c s'étend Spécialement du côté méridional', à fept lieues au large. Le matin, que nous découvrîmes l'Ifle, la déclinaifon de l'aimant étoit de i$A 9' vers l'Eft i mais je penfe que cette obfervation donna trop, puifque les deux qui furent faites devant fie après, indiquèrent deux degrés de moins. En quittant l'Ifle de Norfolk , je fis route pour la Nouvelle-Zélande; mon intention étant de toucher au Canal de la Reine Charlotte, pour rafraîchir l'équipage, & mettre le vaifleau en état de foutenir la navigation des hautes latitudes méridionales. Le 17, au point du jour, nous eûmes la vue du Mont- — Egmont, couvert d'une neige éternelle; il nous reftoit au octobre^ * ^* Nous étions à la diftance d'environ huit lieues du rivage, & les fondes rapportèrent foixante-8e-dix braffes d'eau, fond vafârd. « L'afpect de cette montagne cft majef *> tueux, & les collines voifïnes reffemblent à des mon-» drains. La baie s'applatit peu-à-peu, &: forme enfin, de » tous côtes, une plaine étendue, & fon fommet fe termine *> en une petite pointe. D'après i'efpace qu'occupe la neige, » on iuppofe que fa hauteur n'eft guères inférieure à celle du picdeTéneriff. » Le vent s'établit à l'Oueft, grand frais, & nous gouvernâmes S. S. E. fur le Canal de la Reine Charlotte, dans le deffein d'atterrir près du Cap Stephens. A midi, le Cap Egmont nous refl-nit à l'E. N. E., à trois ou quatre lieues; &, quoique les nuagescachafîent la montagne, nous jugeâmes qu'elle devoit être dans la même direction que le Cap. La latitude obfervée fut de 39e114'. Le vent fraîchit au point de nous obliger de prendre tous les ris des huniers, & d'amener nos vergues de perroquets ; & bientôt nous ne pûmes plus porter que nos baffes voiles Se les huniers les ris pris. Je marchai ainfi fous les voiles majeures, pour rallier le Cap Stephens, que nous doublâmes à onze heures du foir.. j g A minuit , on revira de bord, Se nou s courûmes une bordée dans le Nord, jufqu'à trois heures du matin, que je portai fur le Détroit. A neuf heures, nous contournâmes la pointe Jackfon à travers une Mer, rendue formidable par un courant rapide & un vent furieux ; mais, comme je connoiffois la côte, ce gros tems me caufapeu d'inquiétudes. Vets les onze heures,nous laifsâmes tomber l'ancre à l'entrée de l'anfe du vaiffeau; vaifleau ; les grains violens qui venoicnt de terre ne nous — ........: permettant pas d'entrer dans l'anfe. ^Ociobrc^' « C'est la troifieme fois que nous mouillions dans cette » anie, dont nous étions partis onze mois auparavant. La » vue des dirférens objets, qui avoient déjà frappé nos rc-» gards , nous caufoit une fenfation agréable , malgré » l'afpccr fauvage de la contrée: Ôel'efpoir de rétablir notre » faute 2e de réparer nos forces, nous infpiroit une gaieté » extraordinaire : quoique des pluies fréquentes &: des coups » de vent nous fatigaffent fur nos amarres, nous nous trou-» vions heureux d'être fur les certes de la Nouvelle-Zélande. » La faifon n'étoit. pas avancée dans ce climat rigoureux: » rien n'annonçoit encore la verdure du printems. * Après-midi,on ne put point lever l'ancre, &c j'allai avec la feine dans l'anfe, pour cflàyet d'y prendre du poiffon. En defeendant fur le rivage, je fongeai d'abord à vilitcr l'endroit, où, à mon départ la dernière fois, j'avois laiffé une bouteille, qui renfermoit des inftructions pour l'Aventure. Elle avoit été enlevée. Mais étoit-cc par les Infulaires, ou par l'équipage du Capitaine Furneaux ? C'eff cc que je ne devinois pas. En deux coups de filets, on ne prie que quatre petits poiflbns. Pour fuppléer à cette mauvaifc pêche, nous tirâmes plufieurs oifeaux, qu'attiroient les fleurs d'un jardin ; nous tuâmes auifi de vieilles farcelles > & nous emportâmes les nids où étoient les jeunes. « Parmi les poiffons que prirent les Pêcheurs, il y avoit m une belle brème, ( Sparus-Pragus ) qui pefoit onze Tome III. X x 34^ V o y À g E » livres, de Tefpèce qu'on rencontre dans prefque toutes Ociobre.** * ^cs Part'cs ^c l'Océan (a). Au coucher du Soleil, on tira » un coup de canon, afin d'apprendre notre arrivée aux » Naturels, s'il s'en trouvoit quelques-uns dans les enviai rons. Il étoit de notre intérêt de les avoir près de nous y » afin d'acheter du poiflonjcar nos Pêcheurs n'en fournil^ » foient pas une affez grande quantité. » 19. Le lendemain, au matin, le vent ayant molli, nous, levâmes l'ancre, on toua le vaifleau dans l'anfe, fie on l'amarra fur les deux ancres de poflc, ce on dévergua les voiles, pour les réparer. Durant ce tems orageux, plufieurs avoient été déchirées, ou endommagées d'ailleurs. La grande voile & la mifaine, prefqu'entièrement emportées, furent mifes au rebut. Je fis amener 6e dégréer les mâts de hune, pour y fixer des courbes mobiles: fuite de ces cour-fes, les barres maîtrefTes des hunes fe brifoient continuellement. Le Forgeron fit des chevilles de fer, Ôe répara nos ferrures ;& on éleva, fur le rivage, des tentes deffinées à la Garde, aux Tonnelliers, aux Voiliers, &c. J'ordonnai aufîi de bouillir,tous les matins, des végétaux, qui croiflènt ici en abondance,avec du gruau & des tablettes de bouillon portatives, pour le dé jeûner de tout l'équipage, d'en fervir avec des pois & du bouillon pour le dîné, outre la portion ordinaire de viandes falecs. L'après-midi, M. Wales alla dreffer fon Obfer- (a) ce On en prend fur les Côtes d'Angleterre, dans la Méditerranée, «au'Cap de Jîonne-Efperance, & dans les Mers du Sud. » vatoirej reconnut que plufieurs arbres, qui étoient fur pied, Jors de notre précédente relâche, avoient été coupés avec des haches Se des feies ; 6e, quelques jours après, il découvrit la place où avoient été un ( jbiervatoire , une horloge, Sec. Nous ne pouvions plus douter que l'Aventure n'eût mouillée dans cette anfe. « Nous accompagnâmes le Capitaine a l'anfe des » Cannibales, au Nord de noire mouillage : nous iavions » que les côtes abondent en céleri Se cn cochléaria , ce » M. Cook avoit grand foin d'en pourvoir le vaifleau. Dans » la courfc que nous y limes, au milieu des bois, nous trou- » vâmes un véritable chou palmiftc (Amca olcracc.a) , pa- » reil à celui que nous avions remarqué à l'Ifle Norfolk. Nous » fûmes furpris de le rencontrera cette haute latitude, Se » cela femblc prouver que cette efpèce cfl: plus vivace Se » plus forte que les autres de la même clafle. » Les dernières couvées d'oifeaux ne connoilfant pas •» les armes perfides des Européens, nous en approchions » allez pour les tirer à bout portant. Les grimpereaux , ôe » d'autres efpèces plus perites, étoient prefque aufîi bons » à manger que les ortolans. Chaque oifeau de terre de cette » partie de la Nouvelle-Zélande, ceux de proie exceptés, » feroient eftimés fur les meilleures tables. » Le lendemain , régnèrent les vents du Sud, Se le Ciel fut lo, couvert de nuages. Les Travailleurs retournèrent à leurs occupations rcfpecfives. L'un d'eux reftoit à bord pour calfater les côtés du vaifleau, qui avoit le plus grand befoin de cette , Xx i i m « réparation. Les coutures furent enduites de potée, faite avec Ann. i 774. de la graiiie de cuiiine & de la craie, dont le Canonnier avoit, Octobre. , r 1 t - ' par naiard, une bonne quantité. i1 • Le 2 i , on eut les vents du Sud, accompagnés d'une pluie continuelle. K Le Ciel fe leva, le 22, dans toute fa fplcndcur, nous » entendîmes, pour la première fois, depuis notre arrivée , » le concert des oifeaux ; tout annonçoit des jours de » printems, & nous invitoit d'aller dans les bois ; la plupart » des Officiers profirerent du beau tems pour defeendre à » rerre, & avec le Capitaine Cook , nous longeâmes les 7» côtes vers la pointe Jacklon, débarquant de tems-en-tems » dans les anfes qui étoient fur notre route, L'apres-midi, j'allai avec les Botaniftes vif ter nos jardins dcMotuara, que nous trouvâmes prcfqu en friche: ils avoient été entièrement négligés par les Habitans. Néanmoins, plusieurs plantes, qui croiifoicnt vigoureufement, faifoient allez voir qu'elles fc complaifoient fur te fol qu'elles occupoient. Les Infulaires nes'étant pas encore montrés, nous allumâmes un feu fur la pointe de Tlflc.- je ne doutois pas qu'à la vue de la fumée, ils ne vinffent bientôt nous vin"ter. « Les Chasseurs revinrent Je foir, chargés d'oifeaux : » les équipages des dirlérens bateaux avoient cueilli des » herbages, àc pris du poiffon. Il y eut fur le vaifleau un » régal général. *> Il ne se passa rien de remarquable jufqu'au 24 , qu'on HOMME DE IvA NOUJ ZELAKDE vit dans la matinée deux piroguesdefcendre le Canal; mais, 1 - — dès qu'clies apperçurcnt le vaifleau, elles fe retirèrent der- càoVrc.H" rière une pointe, fur le côté occidental. Après le déjeûner, je me mis dans un bateau pour les aborder; 6e, tout en côtoyant le rivage, nous tirâmes plufieurs oifeaux. Le bruit des moufquets annonça notre arrivée; les Infulaires parurent dans l'anfe des Nigauds, ôe nous hélèrent. Mais, à mefurc que nous approchâmes de leurs habitations,ils fe retirèrent tous dans les bois, à l'exception de deux ou trois, qui ref-rerent fur une éminence, près du rivage, les armes â la main. Au moment de la defeente, ils nous reconnurent. La joie prit alors la place de la crainte, 6e les autres Infulaires accoururent du bois, nous embrafferent, cn frottant leurs nez contre les nôtres, à la manière du pays, &c ils faurcrent 6e danferent autour de nous, de la manière la plus extravagante; mais j'obfervai qu'ils ne permirent pas à des femmes, que nous voyions dans 1 cloignement, de venir près de nous. On leur fit préfent de haches, de couteaux , de clous, des étoffes de Taïti, que nous avions dans le bateau : ils nous donnèrent en retour une grande quantité de poiflbn. Parmi ces Indiens, il s'en trouvoit peu que nous rcconnuflions. Je leur demandai pourquoi ils avoient paru nous craindre, ils répondirent d'une manière fi ambiguë, que tout ce que nous y pûmes comprendre, c'eft qu'il étoit queftion de meurtre; « Ils avoient des vètemens vieils, déguenillés ôe fales. » Leurs cheveux flottoient en défordre ; ils exhaloient au » loin la puanteur. Je remarquai qu'après nous avoir parlé » de batailles 6e de morts, ils nous demandoient de tems » en tems, fi nous étions fâchés, & ils fembloient douter ^L- ~" » de la fincérité de nos proteftations d'amitié. Nous crai-Ô#ô6rè. * gnnlies <\u''à ne mc arrivé uncdifpute entre les Naturels & » 1 équipage de quelque vaiffeau Européen, le fort de » VAventure nous inquiétoit : nous employâmes tous les » moyens poflibles pour gagner la confiance des Naturels y » de nous y réufsîmcs. » i r, Le lendemain de très-bonne heure, nos Amis fc rendirent à bord , conformément à leur promette de la veille : ils avoient avec eux quantité de beaux poiffons, qu'ils échangèrent pour des étoffes de Taïri. « L'un d'eux , d'un moyen-âge, qui fembloit être le » principal perfonnage de cette petite troupe, nous dit qu'il » s'appelloit Péeterée (r;), & il nous témoigna plus d'amitié » que les autres. Nous les quittâmes en admirant leur cou- * rage, qui dédaignoir de fc cacher au moment où ils cm* j> gnoient que nous ne profitions de notre fupériorité de » nombre; nous ignorions même alors combien ils avoient » lieu de craindre notre refîèntiment, ce qui donne encore » plus d'éclat à leur bravoure. » 2.6. Le i6 , nous ôtâmes de la partie de la cale, qui cfl cn arrière du grand mât, quatre bateaux de lefl, pour y placer fix canons : on n'en laiffa que fix fur le pont. Nos bons Amis les Infulaires nous apportèrent du poifîbn en abondaùce;i!s fe rendirent enfuite au quartier des Travailleurs, & informèrent nos Gens qu'un vaiffeau pareil au nôtre s'écoit perdu der- (?) M. Cook l'appelle Vcdero, nicrcmcnr dans le Canal > que plufieurs Indiens avoient été r "..—~ tués pour avoir volé des habits, &c. & que les Gens de 1 equi- A^0^J page ne pouvant plus tirer, les Infulaires avoient eu l'avantage, les avoient affommé à coups de caffe-têtes, 6e enfuite mangés; mais que, pour eux, ils n'avoient eu aucune part à ce maf facre, qu'ils difoient être arrivé à Vanna-Aroa , près de Tée-rawhitc, de l'autre coté du Canal. Ils ne s'accordoient point fur la date; l'un foutenoit que cette affaire se toit panée deux mois auparavant, 6e il étoit contredit par un autre qui comptoir fur fes doigts, environ vingt ou trente jours. Ils firent entendre par lignes que le vaiffeau s étoit brifé contre les rochers, & que les pièces s'étoient difpcrfées au large. « Non-contens des échanges qu'ils faifoient à bord ; » quelques-uns d'eux, après avoir vendu une partie de leurs » poiffons ou des curiofités de leur pays , fe rendoient de-» là fur la grève auprès de ceux de nos gens qui faifoient m de l'eau, du bois, 6ec. 6e où M. Wales avoit établi de » nouveau fon Obfervatoire.Us vendoient ce qui leur reff oit, » 6e ils alloient tous paffer la nuit dans les environs. Ils fo » levoient à la pointe du jour, 6V; ils prenoient une grande » quantité de poiffons, qu'ils nous apportoient tout do » fuite : ils aimoient mieux cependant fe rendre à l'aiguade, a» que de venir au vaifleau, parce qu'ils trouvoient là des » Soldats de Marine , qui s'amufoient à converfer avec cux » plufieurs heures, tant bien que mal. Cette familiarité ■> paroiffoit convenir à leur caractère, 6e ils devinrent » bientôt allés intimes avec leurs Amis, pour tâcher de leur » expliquer les détails de ce maffacre dont on a déjà parlé. » Quand ils obfcrvercnt enfuite que nous leur fiifions 3 5 2 Voyage Sgg » à chaque inftant de nouvelles queftions fur cette matière i NN- T774* 3» quelques-uns rcfolurent de ne plus nous en rien dire, & Octobre. .7 A r - • » ils arrêtèrent, même par des menaces, un de leurs Compa- y> triotes, qu'on avoit détermine à nous inftruire de ces par- * tiçularités. Le Capitaine Cook, inquiet fur le fort de » l'Aventure, appclla Péeteréc & un autre Naturel dans fa » chambre, mais ils eurent la hardicflc de nier qu'on eût fait » du mal aux Européens. Nous découpâmes deux feuilles » de papier cn forme de vaifleau, 6e fur un autre plus grande » nous traçâmes la figure "du Canal : nous amenâmes enfuite » les deux vaiffeaux dans le Canal, & nous les fîmes fortir » auffi fouvent qu'ils y avoient relâché : nous nous arre- » tâmes un peu, & enfin nous y remenâmes notre vaiffeau 3i pour la troificme fois; mais les Naturels nous interrom- » pirent, 6e prenant le papier qui repréfentoit V Aventure, *> ils l'amenèrent dans le Havre Si ils l'en firent fortir; ôe 3> comptant avec leurs doigts, combien de Lunes s'étoient 3î écoulées depuis ce tems,nous eûmes le plaifir d'appre ndre » ainfi le départ du Capitaine Furneaux Si de fon équ ipage * 33 6e d'admirer la figacité des Infulaires. Au Cap de Bonne- 3> Efpérance, on nous dit enfuite le malheur qui leur étoit 33 arrivé (a),» a» Le lendemain , d'autres Infulaires contèrent l'hiftoire du maflacre à-peu-près de la même manière, Si montrèrent la Baie de l'Eft, qui cft fur le côté oriental du détroit, comme le lieu où cet événement s'étoit paffé. Ces rapports me don-noient les plus vives inquiétudes fut l'Aventure ; je priai («) On en parlera dans le quatrième Volume. M. Wales ; M. Wales, & ceux qui étoient à terre, de m envoyer le iwt premier Indien, capable de m inftruire de ces particularités; ^^J^J4' car je n'en avois encore rien appris par moi-même. Lorfque M. Wales revint à bord pour dîner, il y trouva les perfonnes qui lui avoient conté cette hiftoirc : dès qu'il mêles eut montré, je les queftionnai fur cet événement, &t j'employai tous les moyens poffibles, afin de découvrir la vérité. Je n'en tirai jamais d'autre réponfc que Caurcy (non); ils nièrent tout ce qu'ils avoient dit fur le rivage, ôe même ils parurent n'avoir aucune connoifïance de l'affaire ; de forte que je commençai à croire que nos Gens ne les avoient pas entendus, & qu'ils s'étoient mépris fur les détails d'une querelle furvenuc entre les Infulaires. « Je remarquerai ici que les Zélandois ont été des » ennemis très-dangereux pour tous les vaifieaux qui ont » abordé fur leurs côtes. Tafman, qui découvrit le premier » cette contrée, perdit quatre hommes dans la Baie des Af- • faflins, qui femble être celle que le Capitaine Cook a appelé » Baie-aveugle ; les Naturels emportèrent un des morts » fur leurs pirogues, Se fans doute ils mangeoient déjà de » la chair humaine alors (cn i ): ils ont tué dix hommes » à l'Aventure, en 1773 : l'année auparavant , ils avoient 3» affifîiné M. du Frcfne Marion, Se vingt-huit perfonnes » de fon équipage. M. Crozet, Capitaine de Brûlot au » Service de France, qui étoit au Cap de Bonne-Efpérance ** lors de notre féconde relâche dans cette Colonie , nous » donna des détails fur la fin tragique de fes Compatriotes. * H commandoit le Sloupc du Roi le Mafcarin , fous » M. Marion que la néceflîté contraignit de mouiller dans Tome II L Y y 3 c;4 Vo Y A G E ■gg^., » la Baie des Ifles, fur la côte fcptentrionale'dc la Nouvel Ic-N- '774- » Zélande (a).* comme il étoit démâté , il fut obligé de ^ ie' « chercher de grands arbres; quand il cn eut trouvé de » convenables, il lui parut preique impofîible de les amc-» ner des collines au bord de l'eau ; il fallut pratiquer 3> un chemin de deux ou trois milles de long à traveis » les forêts les plus épaiflcs, jufqu a l'endroit .où il dé-•> couvrit ces arbres : un détachement placé fur une r r* Ifle, dans la Baie , remplit fur ces entrefaites les fu-» tailles, & un fécond alloit de tems-en-tems à terre, afin » de couper du bois-, ils vivoient, depuis trenre-fept jours, » en bonne hftelligencc avec les Narurels, qui offroient » librement leurs femmes aux Matelots, lorfquc M. Marion » descendit pour vifitet les différens Travailleurs, fans dire *t qu'il retournerait au vaiffeau le même jour. Après avoir » pailc quelque tems au milieu de ceux qui faifoient de l'eau , » il fe rendit à l'Hippa ,ou fortification des Naturels ; il y étoit * déjà allé plufieurs fois, & il avoit coutume de prendre 33 alors avec lui les Charpentiers qui étoient campés dans 33 les bois avec M. Crozet. Il négligea cette précaution, & 33 il paroît que c'elt là qu'il fut maffacré, ainfi que les Gens 33 de la fuite. Le Lieutenant, qui commandoit à bord, ne 33 fâchant pas ce qui étoit arrivé , envoya , le lende-» main , un détachement pour couper du bois en dedans 33 de flfthme , qu'indique la carte qu'a donné M. Cook de 33 cette Baie {b). Les Naturels guettant l'occafîon où les {a) a Voye{ le Tome T, de cette Troduâioa , page i * j > où l'on a parlé 33 des Découvertes de cette expédition. » ( b ) Voyei la Relation du premier Voyage. n François croient à l'ouvrage, ils leur tombèrent delfus, —~ » &c les tuèrent tous, excepté un feul Matelot, qui s'enfuit, ^ociobrc » de qui, ayant eu le tems de fe jeter à la mer, nagea jufqu'au » vaiiîeau , quoiqu'il fut bleile de plufieurs coups de piques. » Dès qu'on l'eut pris à bord, il répandit une alarme géné-» raie. La position de M. Crozct, qui fc trouvoit dans les bois » avec un petit détachement, étoit très critique. On dé-» pécha fur-le-champ un Caporal de quatre Soldats de Mail rine, pour l'averrir du danger qu'il couroit : plufieurs petits » bateaux allèrent le préparer à le recevoir à un endroit où » les malades avoient été placés dans des tentes pour le réta-« bliifement de leur fanté : il difpoia tout le mieux qu'il lui fut poifible, de il fit fa retraite au bord de la mer,de-*> vaut un nombre prodigieux d'Infu Lires revêtus de leurs » meilleurs habits, de précédés de leurs Chefs. M. Crozct n dit aux quarre Soldats de Marine de fe tenir prêts, en » cas de befoin, à tirer fur ceux des Naturels qu'il indique-» roit : il donna ordre à fon détachement d'abattre les tentes » des malades , ce d'embarquer tout ce qui étoit à terre, » tandis qu'accompagné des Soldats, il s'avança vers le » Chef ; l'Indien lui avoua que M. Marion avoit été tué » par un autre Chef qu'il nomma. M. Crozct planta alors » un pieu en terre aux pieds du Chef, de il lui défendit de » pafîèr outre. La violence de cet ordre fit trcflàiliir le » Sauvage; mais le Capitaine François,fans fc déconcerter, « l'avertit de commander à la foule de s'aflèoir, de le Zc-» landois y confentit. M. Crozer fc promena enluire de tous » côtés devant les Zélandois, jufqu'à ce que tout fon momie » fût dans la chaloupe. Il ordonna à fes Soldats d'y mon-» ter eux-mêmes, de il y entra le dernier. A peine fut-il Yyi -• » au large, que tous les Zélandois fe levèrent en corps, oàobrç? n entonnèrent leurs chants de défi , ôe jetèrent des pierres » après les François, qui, cn forçant de rames, aniverent » fiins & faufs fur leur vaifleau. Depuis cette époque , les r> Naturels elîaycrent, à différentes reprifes ,dc mafîacrcr le » reffe des François : ils formèrent une expédition, la nuit, » contre ceux qui rempliffoicnt les futailles à l'aiguade ; ôe, a* fins une extrême vigilance de la part des Sentinelles, » les François auroient tous péri : plus de cent grandes pr-» rogues attaquèrent enfuite les vaiffeaux, ôe il fallut fu're » jouer la groffe artillerie. M. Crozet voyait qu'il étoit im-» poffible de fc procurer des mâts fans chaffer les Zélan-33 dois de ces environs, alla attaquer l'Hippa, qui étoit une » de leurs meilleures fortereffes. Il plaça les Charpentiers en front, pour couper les palifladcs, derrière lcfquclles fê 33 tenoient des troupes nombreufes de Naturels fur les plates-» formes de combat (a) que décrit le premier Voyage de » M. Cook. Le feu régulier des François ayant chaffé les » Infulaires de ces plares-formes, les Charpentiers s'appro-» cherent fans danger, & en peu de momens, ils ouvrirent 33 une brèche dans les fortifications. Un Chef s'avança à » Imitant, une pique à la main, pour la défendre : il fut 33 tué roide mort d'un coup de fufil : un fécond vint tout » de fuire prendre la place, ôe monta fur le cadavre; il » tomba auffi viefime de fon intrépidité : huit Chefs défen-» dirent fucccffivemcnt, & de la même manière ce poitc »3 d'honneur , ôe ils y moururent bravement. Les autres 3j voyant leurs Chefs étendus par terre , prirent la fuite, ôe ( a ) Voyei la Relation du premier Voyage de Cock, » les François les pourfuivirent, Se cn tuèrent un grand .....a !.,iam^mm » nombre. M. Crozct promit cinquante piaftres à celui qui oâ be4' » faifiroit un Zélandois cn vie; mais cela fut impraticable. » Un Soldat prit Se traîna un vieillard vers le Capitaine ; » mais le Sauvage étant fans armes, mordit la main du » François, que la douleur mit en fureur , Se qui perça » l'Indien de fâ bayonnerte. M. Crozct trouva des amas » confidérables de vétemens, d'armes, d'outils Se de lin non- » battu dans cet Hippa, de poiffons fecs Se de racines qui » fembloient deff inés à fervir de provifions d'hiver. Il répara » enfuite fon vaifleau fans oblfacle, Se il pourfuivit fon » Voyage après une relâche de foixante-quatre jours dans » la Baie des Ifles. » Les Zélandois font un Peuple bien abominable, » fi les François fe comportèrent honnêtement à leur égard. 33 Malgré tous ces meurtres, ils ne paroiffent pas avoir de per-33 fldie, Se ils ne fc vengent que lorfqu'ils font outragés : il eft 3» donc probable qu'on leur fit quelque infultc ou quelque ou-3> tragc.L'hilf oire que nous racontoient fur cela les Indiens du » Canal de la Reine Charlotte étoit d'autant plus digne de » foi, qu'ils avouoient franchement que leurs Compatriotes »i avoient volé quelque chofe aux François, qui tirèrent » probablement fur les Naturels înnocens comme fur les 33 Naturels coupables, Se qui provoquèrent ainfi leur co-» 1ère. » Nous eûmes , le 18, un vent frais de l'Oueft, Se un beau tems. Nous plaçâmes Se gréâmes nos mâts de hune. Nous defeendîmes â la Baie de l'Cueft, pour une partie de chaffe , S5 & dans l'endroit où j'avois laiffé des cochons & des poules ; 74' nous n'en retrouvâmes aucune trace, & perfonne dcnuis ne put les découvrir. A notre retour , nous viiïtâmcs des habitations, où on nous donna du poifTon cn échange de quelques bagatelles. Comme nous revenions, M. Forttcc crut entendre le grognement d'un cochon, près des maifons; il eft probable qu'ils confervoient ceux que j'y avois laiffé l'année auparavant. Nous rentrâmes à bord avec une douzaine 6e demie d oifeaux. Ceux qui étoient allés chaflèr dans le bois, près du vaiifeau, avoient eu plus de fuccès. 7 y ^o. Le 29 & le 30 , il ne fc paffa rien qu'on puiffe rapporter, fmon que, fur le foir de cc dernier jour, tous les Infulaires nous quittèrent. 31. Le 31 fut un jour très-agréable. Nos Botaniftes allèrent débarquer dans fine Longue, où l'un d'eux apperçut un gros cochon noir. Je jugeai, fur leur defcription, que c'étoit un do ceux que le Capitaine Furneaux avoit laiffes fur cette Terre, & qu'il avoit été tranfporté dans cette Ifle par les Zélandois qui le reçurent de cet Orhcicr. Il cft à préfumer que,n'ayant point d'abord détruit les cochons qui étoient cn leur poUef lion, ils les laifferont vivre , & que déformais on trouvera de ces animaux fur certe Ifle. iNovembrc. Le jour suivant, nous reçûmes la vifite de plufieurs Infulaires, qui étoient venus de très-loin. Ils n'avoient qu'une médiocre quantité de poiffon. Des pierres vertes ou du talc formoient leurs principales marchandifes, Les pièces que nous achetâmes, étoient plus grandes qu'aucune de celles que---- nous avons vues jufqu'alors. I^vembw.' Le 1, je dcfccndis fur le côté oriental du détroit, &, fans z. avoir rien apperçu de remarquable, je revins à bord, le loir, où je fus informé que les mêmes Indiens, qui étoient venus nous voir le jour précédent, avoient reparu au vaiffeau avec les mêmes articles de commerce. « Nous nous rendîmes à l'anfe de l'Herbe, ignorant » l'arfreufe fcène qui s'y étoit pafféc ; nous débarquâmes s> dans toutes les criques des environs, &C nous nous avan- •» çâmes fort loin dans l'intérieur du pays : nous vîmes plu- » fleurs fentiers qui conduifoienc aux collines; mais fuis * rencontrer d'Habirans. Je tuai environ trente oifeaux, 5e » entr'autres douze pigeons qui iréquentoient ce canton, » à caufe d'une efpèce de fephora, dont ils mangeoient les « feuilles & la graine. En arrivant à bord, à huit heures du foir, » nous apperçûmes, aux environs du vaifleau, un grand » nombre de Naturels : ils nous vendirent des poiffons; ils » apportoient auffi des vêtemens, des armes & des curio- » fités, ce M. Cook défendit tout commerce avec eux. Ils » revinrent le lendemain ; mais le Capitaine perfiffa à ne sj pas les admettre à bord, à moins qu'ils n amcnaflent des iï rafraîchifîèmcns : cette précaution, de fa part,étoit fage » & néccflàirc. Il falloir toute la force de l'autorité & tout » le poids de l'exemple,-pour engager l'opiniâtre Matelot » à prendre le moindre foin de fa fanté, dès que les ouvrages y> des Naturels attiroient fon attention. 11 cft étonnant à » quel excès l'équipage portoit la manie de raffembler ■11 ■: » des armes &r des uftenfiles du pays. Durant notre rclâ- Kovcmbrc.' * chc au Canal de la Reine Charlotte, des Matelots, qu'ofi » envoya faire des balais fous le Maître d équipage, prirent 33 plufieurs meubles dans la hutte d'un pauvre Indien, & ils >3 le forcèrent d'accepter , en retour, des clous, qu'ils » jugèrent un équivalent. Heureufement les Naturels trou- 3» verent moyen de fc plaindre à M. Cook, qui fit punir les 33 voleurs. Les Gens de l'équipage de YEndéavour ne furent 33 ni plus équitables, ni plus honnêtes ; ils volèrent la femme 33 de Tubourai-Tamaïde à Taïri, & à la Nouvelle-Zé- 33 lande ( a ) ; ils fembloient croire qu'ils avoient des droits » fur la propriété des Infulaires. » 3. Le 3 , M. Pickcrfgill rencontra des Naturels qui lui répé- tèrent encore qu'un vaiffeau avoit frit naufrage, & que tous les Gens de l'équipage avoient été tués ; mais ils ajoutèrent, d'un air emprelfé, qu'ils n'y avoient point eu de part. Le 4, on eut un tems charmant. La plupart des Infulaires fe retirèrent au fond du Canal, 2e j'avois pris les moyens les plus propres à les y engager; car, depuis que nous avions eu à bord ces derniers Indiens, nos anciens Amis s'étoient retirés, & nous avions manqué de poiifon. Je defeendis fur l'Ifie-Lohgue, pour examiner le cochon qu'on y avoit vu, Ôz je trouvai que c'éroic une des truies que le Capitaine Fur-neaux avoit laiffées dans cette Ifle, & la même que nous y avions déjà vue lors de notre dernière relâche. Dans la {a) Voyei h Relation du premier Voyage de Cook. fuppofition fuppofition que ce fût un verrat ; j'avois avec moi une truie, \ ... • 1 -ce • • 1 Ann. 1774. que je lui aurois laiflee ; mais, voyant mon erreur, je la Novcnïbre. reconduits à bord. « Nous rencontrâmes dans l'anfe de l'Indien, une »» pauvre famille, qui mangeoit de mauvaifes racines de * fougère , faute d'alimens plus nourrifîans. Chacune des *> huttes contenoit un feu, dont la fumée cnveloppoit entiè-3î rement les Naturels, mais, cn fe couchant par terre, ils » en étoient moins affectés que s'ils fc fuff ent tenus debout. » Malgré l'incommodité de cette fituation, quelques An- * » gîois partagèrent avec cmpreffement ce mauvais réduit, » pour y recevoir les careffes des laies Zélandoifes. On ima-» ginera peut-être que les Matelots curent fculs des be-» feins li vils ; mais la mer femble détruire toutes les dif-•> cinefions de goût, de rang & de caractère. Quand on « donne une libre carrière à fes defirs, il ne faut pas s eton-» ner qu'on fatisfallc un fens aux dépens de tous les auttes. » Les Nations que nous avions vifitées dernièrement aux » Nouvelles-Hébrides & à la Nouvelle-Calédonie, ayant » réfifté à la familiarité indécente de leurs Hôtes, lequf » page fe livra avec ardeur à des créatures dégoûtantes, » dans les trous enfumés & mai-propres de la Nouvellc-» Zélande. » Le 5, de bon matin, nos anciens Amis nous apportèrent, ^ ( fort à propos, une provifîon de poiffon. Je m'embarquai ^alors dans la chaloupe, avec MM. Forlfer & Sparrman ,pour remonter le Canal. J'étois curieux d'en connoître l'iffue, ou plutôt de découvrir un partage à la mer par le S. E., dont Tome III. Z 2 j'avois foupçonné l'exiftence, d'après quelques découvertes Novembre!" Faites dans mon premier Voyage. Sur notre route, des Pécheurs nous donnèrent les informations néceffaires; ce tous nous afTùrcrent qu'il n'y avoit point de paffage à la mer par le haut du Canal. Enpourfuivant notre chemin, nous rencontrâmes une pirogue, montée pat quatre Indiens, qui defeendoient le Canal. Ils nous alfurerent, comme les autres, qu'il n'y avoit point de paflage à la mer par le chemin que nous prenions, mais ils nous firent entendre qu'il y en avoit un à l'Eft, dans l'endroit même où j'cfpérois le trouver; J'abandonnai donc le deffein de remonter plus haut le Canal, fie nous fuivîmes le bras qui en: fur le côté du S. E., environ à quatre ou cinq lieues au-dcflùs de l'Ifle de Motuara. Un peu en-dedans de l'entrée de ce bras, fur le côté du S. E., nous nous trouvâmes devant un grand Village, appelle Koticghenooée. Les Habitans, dont nous reconnûmes plufieurs qui s'étoient rendus dernièremenr à bord, nous firent l'accueil le plus obligeant, êe nous bailerent le nez; fuivant l'ufage. Leur Chef fe nommoit Tringo-Boohéc « C'étoit un petit vieillard'.(a) très actif: il avoit tout » le vifage tatoué cn bandes, ce qui le diffinguoit de fes » Compatriotes , beaucoup moins défigurés que lui. Les 33 femmes s'aflirenten plufieurs lignes devant leurs huttes j 3» nous cn connoiifions quelques-unes qui étoient venues â 33 notre bord peu de jours auparavant. Ils paroiffoienc beau- {a ) «Tringho femble être une efpèce de titre parmi çtix> car il f(? » place fouvent devant les noms des Chefs. 33 » coup plus à leur aile que les familles difpcrfécs dans les envi- ^"^^ j r r a 1 c Ann. 1774. 1» rons de notre anlc.Leurs vetemens étoient ncuts & propres; Novembre, » mais,en général, leur vifage étoit couvert de peintures, de » fuie, & d'autres ordures. Le nombre des Infulaires s'accroif »» foit autour de nous à chaque minute : nous achetions leut m poiffon avec cmprcfïcmcnt, & ils n'étoient pas moins » emprelfés de nous le vendre. Tringho-Bohée cependant a paroiffoit fâché de l'arrivée de fes Compatriotes, parce » que le prix de fon poiifon baifïbit, fuivant que le marché » étoit mieux fourni. La plupart nous vendirent leurs armes » & leurs vetemens j Ôe ils s'en allèrent fans autre habillement » que le petit morceau de natte qu'ils portent autour des » reins. Apres avoir refté environ un quart-d'heure avec » eux, la plupart des Naturels, qui arrivèrent les derniers , s> apportant leurs armes, & toute la foule montant à plus » de deux cens, nous jugeâmes qu'il étoit prudent de les » quitter ; nous n'avions pas cru que le Canal contînt » autant de monde, 6e nous n'y avions jamais vu une » foule auffi coniidérable ralfembléc. Nous étions déjà r> en mer, lorfqu'un Matelot avertit le Capitaine qu'il avoit » acheté des poiflbns d'un Naturel, ■& qu'il ne les avoit pas »j payés. M. Cook prit le dernier clou qui lui reftoit, 6e » appelant le Naturel, il jeta le clou fur la grève à fes pieds. » Le Zélandois fc croyant offenfé, & attaqué, ramaffa une ?» pierre, & la jeta dans la chaloupe avec beaucoup de force ; » heureufement elle ne bleffa perfonne. Nous le rappe- » lames une féconde fois pour lui montrer le clou ; dès qu'il » l'eut vu, il le prit ; il rit defa pétulance, & il parut charmé * de notre conduite à fon égard. Un peu de violence de p notre part, en cette occafion, auroit pu nous devenir Zz l -—.—— » très-funcfte, & nous attirer une querelle dangereufe j car Ann. 1774. / • v • r i« 1 -/r r Novembre. tt nous ctIons a cincl 011 HX «eues du vaifleau, fans aucun n cfpoir de fècours j heureufement nous ne connoifïions pas » alors la fin malheureufe de M. Rowe & de fes Compa- t> gnons : autrement la rencontre d'un fi grand nombre de » Naturels nous auroit fort alarmée; probablement ils » avoient eu part à ce maffacre. Quand on confiderc toutes » les occafions que nous donnâmes aux Naturels de nous » tuer, en quittant nos bateaux, en montant fur les col- » lincs, cn débarquant dans les cantons les plus peuplés, m en allant au milieu d'eux fans armes, il paroît qu'on » peut fe fier à eux, quand on ne les provoque point. » La population paroiffoit très-confidcrable fur toute cette partie de la contrée. Les indications de ces Infulaires nous encouragèrent à pourfuivre l'objet que nous avions cn vue. En conféquenec, nous continuâmes â defeendre cc bras, qui court E. N. E., & E. J N. E. Nous apperçûmes de très-belles anfes des deux côtés du rivage. J'arrivai enfin à fon débouquement, dans le détroit, par un canal d'un mille environ de large, & où le flot verfe en un fort & rapide courant ; nous avions obfervé qu'un autre courant defeend le bras, pendant tout le temps que nous y avions été. Il étoit alors près de quatre heures après midi \ &c en moins d'une heure le flot ceflà, &lejuiant commença à reverfer avec la même force. > Le débouquement court S. E. J E. & N. O. { O. & fon giffement avec le Cap Terrawhite cfl dans la direction de l'E. S. E. & de l'O. N. O. Il y a treize braffes d'eau un peu en-dedans de l'entrée , Se un très-bon fond. Il me parut que vu la force du courant dans ce partage, on ne pourroit en for- ^NN" 1 ~74* c it n\ • i • Novembre, tir ou y rentrer que par un vent favorable. Mais la nuit,qui venoit à pas précipités, ne me laiflà pas affez de tems pour faire des obfèrvations fur cette matière, Se je réfolus de retourner à bord. Je négligeai même de vilirer une grande fortereflc, ou Hippa, bâtie fur une hauteur du coté fepten-trional, à la diftance d'un ou deux milles environ du débou-quement. Les Habitans nous y invitèrent par leurs fignes-, mais nous reprîmes la route du vailleau j où nous arrivâmes fur les dix heures; nous n'avions rien mangé de tout le jour: nous apportions avec nous le poiffon que nous avions acheté des Indiens, £e des oifeaux. Entre ces oifeaux, il s'en trouvoit quelques-uns de fefpèce des canards que nous avions vus à la Baie Dusky ; Se nous eûmes lieu de croire que tous les oifeaux de cette Baie le trouvent ici ; car les Indiens les rcconnoiiîbicnt fur le defftn, Se avoient pour chacun d'eux un nom particulier. La journée du 6 fut fombre Se pîuvicufc ; les vents . fbufflerent de la partie du N. E. Nos anciens Amis étoient venus s'établir dans notre voifinage. Un de ces Indiens, appelle Pédéro, homme de confidération, me fit préfent d'un des bâtons de commandement que portent les Chefs. Je le revêtis d'un habit complet, dont il fut très-glorieux. H étoit très-bien de fa perfonne; il avoit des manières ailées Se fa couleur feule le diftinguoit d'un Européen. « Il pap.oÎt qu'il fentoit la fupériorité de nos connoif » fimees , de nos Arts, de nos Manufactures Se de notre ïzsh. » manière de vivre : il ne témoigna cependant jamais le îbrt' " ^C^r ^e vcnu avcc noils 1 ^ miana' nous ^c uu propofâmes, » il refufa. Il préféroit la vie miférable de fes Compatriotes » à tous les avantages dont il nous voyoit jouir. » Comme il étoit de très-bonne-humeur, ainfi qu'un de fes Compagnons, nous demandâmes fi l'Aventure avoit relâché ici pendant notre abfencc. Ils nous firent entendre, d'une manière qui ne permettoit pas d'en douter, qu'auffitôt après notre départ, ce vaiffeau étoit arrivé ; qu'il avoit relâché dix à vingt jours, ôe qu'il étoit parti depuis dix mois. Ils m'affurerent aufii que ce bâtiment, ni aucun autre , n'avoit échoué fur la côte ainfi qu'on l'avoit rapporté. Cette affertion, 8c les détails qu'ils donnèrent furfarrivée ôe le départ de l'Aventure, calmèrent mes craintes fur fon naufrage , fms diffipcr le foupçon du défaftre qui pouvoir lui être arrivé, avec d'autres Indiens du Canal. Outre ce qui a été déjà raconté, on nous dit qu'il y avoit eu ici dernièrement un vaiffeau, &c qu'il étoit allé mouiller à une place , nommée Térato , qui eft fur Je côté feptcntrional du détroit. Cette hifloire avoit-ellcdu rapporr avec la première ? c'eft ce que je nefais pas. Toutes les fois que je propofai à ces Indiens des queftions fur ce fujet, ils répondirent toujours qu'ils n'en avoient aucune con-noifïànec -, 8c, depuis quelque tems , ils avoient évité d en parler. Quelques jours auparavant un Infulairc reçut un foufflet, pour en avoir fait mention à quelques perfonne* çlc l'équipage. Après le déjeuner, je defeendis fur l'Ifle longue, Moa '^effein étoit de faire prendre la truie , & de la faire tranf, porter en quelque mitre endroit avec un verrat; mais je revins Tans l'avoir vue. Des feux qui brûloient encore, an- ^oVembr^' nonçoient que les Indiens cn étoient partis n'agueres, 5e probablement il l'avoient emmenée. Pédéro vint dîner à bord; il mangea de tous les mets qu'on fervit fur la table, ôe but plus de vin qu'aucun de nous, fans cn être affecté. Le 7, nous eûmes des vents frais du N. E,, ôe une pluie -r continuelle. « Pkdéro (a) revint nous vendre du poiifbn. Nous » l'entendîmes fouvent chanter à terre, ôe quelquefois à » bord, ainfi que le refte des Naturels. Leur mufïque eft » beaucoup plus variée que celle des Mes de la Société &r des » Ifles des Amis, 8e je crois que les Infulaires deTanna peuvent » feuls entrer en concurrenceVvec eux fur cc poinr. L'Ami » éclairé , le Lieutenant Burney , qui a eu la bonté » de me noter les chanfons de Tonga-Tobboo, m'a noté 3> aufîi celles de la Nouvelle-Zélande: elles fuffiront pour » donner une idée du goût du peuple. Il n'a point été à » Tanna, mais il m'a allure qu'il fembloit y avoit quelque » étincelle de génie dans les tons de la Nouvelle-Zélande, » qui furpalTent de beaucoup les miférablcs bourdonne-» mens des Taïtiens, ou même les quatre notes du peuple » de Ifles des Amis. (a) M. Forfter l'appelle Ptttt'ric. ~—■ » Ils chantent les deux premières barres de ce ton,1 Novembre' * jufqu'à ce que les paroles de leurs chanfons foient prêtes » à finir , & alors ils finiilênt avec la dernière. Quelquefois » ils chantent un fécond deffus qui eft d un tiers plus bas, » excepte les deux dernières notes qui font à l'uniflbn. » Le même , M. Burney, y a remarqué aulfi une efpèce ai de chant funèbre fur la mort de Tupia; fur-tout dans 33 les environs de la Baie de Tolaga, fur la côte fepten-33 trionalc , où les Zélandois fembloient avoir beaucoup 33 de refpecf pour ce Taïticn. Les paroles font d'une fim-33 plicité extrême, mais elles paroiflent fymmérriquement 33 arrangées, & par la lenteur de leurs mouvemens, elles 33 expriment l'affliction des pleureurs. Aghee j Matte awkay Tupaya ! Paru y mon, hclas > Tupaya ! « Dans les premières effufîons de chagrin, on ne ba-» bille point: on n'eft occupé que de fa perte, & cette » feule idée prend la forme de la plainte. Je ne prétends » pas décider fi la fîmplicité du ton eft agréable 6e bien 33 imaginée. d A-gkée Mat-tc-a-whay > Tupaya. » A la finale, » A la finale, ils defccndcrit d'ut à l'octave d'en bas, „, » par une progrcfîion qui rcffcmble à celle d'un doigt qui ^NN- i77 4~ » gliffe le long d'une corde, fur le manche du violon. Je Novembrc- » finis cette matière par l'obfcrvation fuivante. Le goût » qu'ont les Zélandois pour la mulîque , 6c leur fupériorité » en ce point fur les autres Nations des mers du Sud, font » pour moi de fortes preuves en faveur de la bonté de » leur cœur: ils ont des pafïîons violentes; mais il feroit 33 abfurde de fuppofer qu'ils fe livrent fans motif à des 3» excès de barbarie. » Le 8 , la matinée fut pluvieufe, £e le refte du jour beau. Je g fis conduire une truie &un verrat fur le rivage de l'anfe, qui cft derrière celle des Cannibales. Il feroit difficile que, par toi; s les moyens que j'ai employés, la race de ces animaux ne fc multipliât pas dans cette Ifle. Nous ne pûmes guères douter ' que les poules & les coqs, que nous y avions laiffés, n'y fuffent encore, quoique nous ne les cufîions pas vus ; c'eft du moins ce que devoit nous faire préfumer un œuf de poule, qu'on avoit trouvé dans le bois, tout récemment pondu. futailles, qui fervirent de provifion durant notre pafîage » à la terre de feu, & qui fc conferverent très-bien. Nous » eûmes foin d'embarquer auffi des nigauds & les autres »> oifeaux que nous pouvions trouver, afin de manger le plus » long-tcms pofîible des nourritures fraîches. » 9. Le 9, les vents de l'Oueft ou du N. O. foufflerent par grains, accompagnes de pluies. Dans la matinée, on démara, fie nous allâmes mouiller plus loin en dehors de la Baie, afin de pou^ir. plus fûrement faire voile le lendemain, car le calfatage, qui retardoit notre départ, étoit enfin achevé. Nos Amis, nous ayant apporté une provifion con-fidérable de poiffon, je fis préfent d'une jarre à Pédéro -, 6e cc léger don parut le rendre aufîi heureux qu'un Prince. Les Infulaires quittèrent bientôt les bords de l'anfe, & ils emportèrent dans leur ancienne demeure, tout ce qu'ils avoient reçu de nous. Je crois que, de toutes les chofes qu'ils obtinrent en différens tems, ils en donnèrent plufieurs à leurs amis 6V: à leurs voifins , ou qu'ils les partagèrent avec leurs plus puiffans ennemis pour avoir la paixi car, dès qu'une fois elles avoient été en leur poiTefîîon, nous n'en revoyions jamais rien ; &, dans toutes les vifîtes que nous leur fîmes, nous n'apperçûmes ni haches, ni clous, ôcc. Je suis persuadé que les Habitans des bords du Canal qui forment une peuplade nombreufe, vivent fans aucune forme régulière de gouvernement. Le Chef de chaque Tribu ou de chaque famille paroît être refpeéfé j & cq refpect commande, en quelques occafions l'obéiffance ; mais ss^s^ss ic doute qu'un Indien puiflc forcer les autres à lui obéir, -v»*! l'{7Af * 1 r v Novembre. Le jour que nous nous trouvâmes avec Tringo-Boohée , les Habitans vinrent, de toutes parts, pour nous voir; de c'eft ce qu'il auroit voulu pouvoir empêcher. Mais, quoiqu'il s'emportât jufqu'à jeter des pierres à quelques-uns , on n'eut égard ni à fes paroles, ni à fes actions, de cet homme cependant étoit un Chef de quelque réputation. J'ai déjà fait quelques remarques fur les malheurs que le défaut d'union caufe à ces peuples; Se c'eft ce que j'ai vérifié de plus en plus, à mefure que je les ai mieux connus. J'ofe dire que, pour des hommes antropophages, ils montrent un très-bon caractère, Se qu'ils comioiflcntles fentimens de bienfaifance de d'humanité. ' Aprks midi, nous allâmes débarquer dans une des anfes^ où étoient deux familles d'Indiens: les uns dormoient, les autres faifoient des nattes, quelques-uns grilloient du poiffon, de une fille que j'obfervai, étoit occupée à chauffer des pierres : curieux de lavoir l'ufage auquel elle les deftinoit, je reftai près d'elle : dès que ces pierres furent fuifi fa friment chaudes, elles les retira du feu, & les donna à une vieille femme affile dans la cabane. La vieille cn fit un monceau qu'elle recouvrit d'une poignée de céleri &: enfuite d'une natte grofîicrc; dccïïc fe tapit elle-même partie/lus, faifant ainfi de ce tas de pierres une efpèce de chaufTrcttc Hollan-doiie, où elle fe tint accroupie, ou ramafîéc comme un lièvre fur Ton gîte. Je n'aurais pas parlé de cette opération fi je croyois qu'elle fût fimpîement deflinéc à réchauffer une vieille femme. Je peine que ce toit un remède pour A a a 2 37^ Vo Y A G E gucrir quelque maladie, contre laquelle la vapeur du céleri Novembre*" PeUt ^trC 1111 ^C]^c\uc ' cn c^ct > on rrouV°ic à peine quelques tiges de céleri dans cet endroit: nous y avions cueilli, long-tems auparavant, tout ce qu'il y en avoit, 5e les gramens qui y font très-abondans, auroient également empêché les pierres de brûler les nattes : d'ailleurs la femme me paroiifoit malade. « Dans les trois relâches que nous fîmes à la Nouvelle-» Zélande, le pays nous fournit des ratraîchiffemens qui » diiïipcrcnt tous les fymptomes du feorbut ôe nous don-» nerent de%forccs. Le poiifon fut pour nous un aufîi bon » reftaurant que les plantes anti - feorbutiques : l'air vif » qu'on y relient, les beaux jours , ne contribua pas peu â » raffermir nos fibres relâchées par une longue campagne, » dans des climats plus chauds, 6e l'exercice que nous y » limes ; nous fut d'ailleurs avantageux à plufieurs égards. » Nous arrivions fur cette cote pâles 6e défaits, 6e la fânté » rcparoifïbit bientôt fur nos vifiiges, & nous retournions » au Sud, auffi forts 6e aufîi fains que jamais. Si les Naturels . » ont une grande ftature, s'ils font nerveux ôe bien pto-» portionnés (a), il faut l'attribuer en partie à la pureté » de l'air, ôe à la fïmplicité de leurs alimensqui font faciles » à digérer. Plufieurs circonitances lemblent prouver que n le poiffon cil allez abondant fur leurs côtes, pour les » nourrir toute l'année : car nous avons obfervé, ainfi que « M. Crozec, des amas prodigieux de poiffons fecs pour » f hiver. » (O « U en faut excepter leurs jambes, qui font mal faites, à caiife » vie leur manière de s'aflcolr. ».•■'- M. Wales m'a communique, de tems cn tems, fes sssëèssBSSi obfèrvations pour déterminer la longitude : les réfultats- 1.774, moyens donnent 174e1 25' 7" \ Eft pour le fond de ianfc du vaiffeau, lieu où fe firent les obfèrvations, & 41e1 5' 5 6" J de "latitude S. Dans la carte qui accompagne la Relation de mon premier Voyage, cet endroit eft marque par 184* 54' 30" Oueft, ce qui équivaut à 175e' 5/3o" Eft. L'erreur de la carte cft donc od 40' o" 6e à-peu-près égale à celle qu'on a trouvé à la Baye Dusky, d'où il s'enfuit que toute l'Ifle de Tavai-Pocnnamoo eft placée 40' trop loin à l'Eft dans cette carte, ainfi que dans le journal: mais l'erreur touchant la partie d'Eachci-no-Mauwe n'eft que d'un demi degré, ou de 30 minutes-, parce qu'on a reconnu que la diftance, entre le Canal de la Reine Charlotte 8e le Cap Pallifer, cfl plus grande de ro' de longitude que ne l'indique la-carte. Nos derniers réfultats font très-sûrs : d'après la multitude d'obfervations qu'a faites M. Wales, il y a peu de parties du monde, dont la pofition foit mieux déterminée que celle du Canal de la Reine Charlotte : je pourrais en dire autant de tous les autres lieux où nous avons refté quelque teins* car M. Wales, dont les talons égalent la confiance 6e l'affi-duitc, n'a laiffé échapper aucune des occafions qui fc font préfentées. Le giffement de ces Ifles, que nous dépaflâmes finis y toucher , cft fixée avec la Montre marine de Kcndal prefque d'une manière auffi exacte. L'erreur de la Montre de Taïti à cette place, fut feulement de 43' 39" J en longitude, en comptant fur la marche qu'elle avoit à cette Ifle 6e à Tanna -, mais en comptant fur la marche qu'elle avoit, lors de notre dernière relâche au Canal de la Reine Charlotte, & depuis notre départ jufqu'au moment de notre 374 Voyage du Capitaine Cook. ~5™25 retour, c'eft à-dire , dans l efpace de près dune année, l'cr> Novcralre.' rcur fut clc l9' *[" M/{uL" lc ccms v^^oude 4