« Nos…inter nos eruditionis causa disserimus » : Désaccords et conciliations dans les échanges épistolaires augustino- hieronymiens Mohamed-Arbi Nsiri* L’échange épistolaire, plus qu’un mode de communication, devint un véritable genre littéraire quand des auteurs aussi éloquents et fertiles qu’Augustin et Jérôme s’en emparent.1 Par la variété des sujets qu’elle permet d’aborder elle échappe aux règles d’autres genres d’oeuvres, et parce qu’elle est généralement écrite avec sincérité et spontanéité, elle révèle le caractère des personnes qu’elle met en relation. Pourtant, ses avantages sont limités par la définition même d’une epistula : les discussions des correspondants ne sont qu’indirectes, et, par-là, sujettes à toutes sortes de difficultés.2 * Université Paris-Nanterre ; nsiri_2010@hotmail.com. 1 Nos…inter nos eruditionis causa disserimus : Augustinus, Ep. 202A.1.3 (CSEL 57, 303). 2 Cain, The Letters of Jerome : Asceticism, Biblical Exegesis, and the Construction of Christian Authority, 1–12 ; Canellis, « La lettre selon saint Jérôme, 311–332 ; « Les premières lettres familières de saint Jérôme », 189–208 ; Lançon, « Maladie et médecine dans la correspondance de Jérôme », 355–366; Mohrmann, « Saint Augustin écrivain », 123–146 ; Vessey, « From cursus to ductus », 47–103 ; Wan- kenne, « La langue de la correspondance de Saint Augustin », 102–153. doI: https://doi.org/10.4312/clotho.3.2.191-221 clotho 3.2, za tisk.indd 191 14. 02. 2022 23:44:52 MOHAMED-ARBI NSIRI192 Jérôme et Augustin ne s’étant jamais rencontrés, leurs relations ont eu pour principal support cette méthode épistolaire qui en con- ditionna les étapes marquantes. Leurs lettres permettent de mieux saisir leur personnalité, leurs opinions sur les questions dogmatiques controversées de leur époque. Leurs idées se confrontent de telle manière que les principaux traits de caractère des deux hommes apparaissent au fur et à mesure qu’on suit leurs débats.3 De plus, leurs échanges apportent des informations précieuses sur l’histoire de l’Église de la fin du IVème et du début du Vème siècle. Leur correspondance montre également leurs préoccupations, signale la publication et la diffusion de leurs ouvrages, et men- tion ne le nom de plusieurs personnes qu’ils connaissent tous les deux. De cette façon, leurs relations ne reposèrent pas seulement sur les lettres échangées entre eux, mais aussi sur celles de leurs amis communs, et sur les témoignages et messages transmis oralement par les porteurs des messages . Un dernier moyen de communiquer leurs idées fut d’échanger leurs divers travaux. D’une part, ils leur offraient la possibilité de poursuivre les entretiens commencés dans leur correspondance, en y développant davantage leurs arguments ; d’autre part, il y apparaît, plus nettement que ne l’indique parfois le ton de leurs lettres, leur estime mutuelle, et quelques fois on peut y découvrir quelles opinions ils adoptèrent à la suite de leurs longues controverses. Le ton employé dans ces échanges varie de la polémique au panégyrique suivant les différentes phases qu’ont connues les rela- tions des deux protagonistes. Celles-ci furent parfois interrompues pendant des périodes plus ou moins longues : de quelque mois à plusieurs années ; mais la perte de certaines pièces de la correspon- dance impose la prudence pour juger de sa continuité. Pourtant, malgré leurs différents initiaux, les deux hommes se sont écrits pendant un quart de siècle. 3 Asslaber, Die persönlichen Beziehungen der drei grossen Kirchenlehrer ; De Bruyne, « La correspondance échangée entre Augustin et Jérôme », 233–248 ; De Plinval, « La technique du dialogue chez saint Augustin et saint Jérôme », 308–311 ; De Vathaire, « Les relations de saint Augustin et de saint Jérôme », 484–499 ; Fry, « La parole contre la langue », 909–920 ; Haitjema, « De briefwisseling tussen Augustinus en Hieronymus », 159–198 ; Hellenga, « The Exchange of Letters Between Saint Augustine and Saint Jérôme », 177– 182 ; Ratti, Le premier saint Augustin, 245–263 ; Rebenich, « Amicus incertus in re certa », 419–435 ; Nsiri, « Between Jerome and Augustine of Hippo », 98–113 ; Tourscher, « The Correspondence of St. Augustine and St. Jerome », 476–492. clotho 3.2, za tisk.indd 192 14. 02. 2022 23:44:52 NOS…INTER NOS ERUDITIONIS CAUSA DISSERIMUS 193 Leurs relations débutèrent mal. Depuis longtemps Augustin sou- haitait entrer en correspondance avec le moine de Bethléem. Dès 394 ou 395,4 encore simple prêtre, il lui avait écrit pour lui demander, au nom de l’épiscopat africain et au sien, d’activer son travail de tra- duction des exégètes grecs, en particulier Origène.5 Augustin adressa ensuite à Jérôme plusieurs questions, qui concernaient certains de ses travaux. Ses critiques furent ressenties comme des attaques, et placèrent ainsi le Stridonien sur la défensive. En désaccord au sujet de l’opportunité de traduire l’Ancien Te- stament à partir du texte hébreu, ils étaient aussi opposés à propos de l’interprétation à donner d’une controverse entre les apôtres Pierre et Paul, rapportée par ce dernier dans son Épître aux Gala- tes. Leurs discussions n’aboutirent à aucun accord visible dans leur correspondance ; bien au contraire, d’après leurs lettres, ils semblent être restés chacun sur ses positions. Un autre problème, posé par le pélagianisme, fut également abordé par tous deux, mais forma en revanche une sorte de terrain d’entente. En effet, les courriers échangés à ce propos présentent les réactions négatives des deux correspondants à l ’égard des hérétiques. Toutes ces discussions révèlent des divergences de point de vue d’Augustin et de Jérôme ; le ton des lettres montre qu’il s’agit tantôt de débats vifs, tantôt de dialogues pacifiques. Deux aspects ressortent des courriers envoyés par Jérôme : le désir de défendre ses opinions personnelles, au risque d’aboutir à une polémique, côtoie la volonté de soutenir des valeurs communes avec Augustin.6 4 Augustinus, Ep. 28  (CSEL 34, 1, 103–113). Cette première lettre d’Augustin à Jérôme doit être datée de 394 ou plutôt du début de l’année 395. Le porteur désigné de cette lettre, Profuturus, fut sur ces entrefaites ordonné évêque de Cirta, très peu de temps après Augustin, puis ne tarda pas à mourir, de sorte que la lettre d’Augustin ne fut point alors transmise à son destinataire. Cependant ce dernier, ayant été salué incidemment par Augustin, sans doute, à l’occasion d’une lettre envoyée par un de ses amis, lui écrivit une missive assez courte, actu- ellement perdue, où il le mettait au courant de sa pensée sur Origène, à savoir qu’il fallait utiliser ce qu’il présentait de bon et de conforme à la foi, et attaquer ses erreur. 5 Fürst, Von Origenes und Hieronymus zu Augustinus, 344–358 ; La Bonnardière, « Jérôme «informateur» d’Augustin au sujet d’Origène », 42–54. 6 Fry, Lettres croisées de Jérôme et Augustin, XV–LCV ; Fürst, Augustinus-Hiero- nymus, 7–93 ; White, Correspondance (394–419), 1–15. clotho 3.2, za tisk.indd 193 14. 02. 2022 23:44:52 MOHAMED-ARBI NSIRI194 1. LA NÉCESSITÉ DE LA « VULGATE » La traduction de la Bible7 par Jérôme a suscité chez l’évêque d’Hippone des réactions diverses : l’admiration ; quand il s’appuyait sur des textes grecs, le désaccord, quand il fait recours à l’original hébreu. En effet, la question qui opposait Jérôme et Augustin dans leurs discussions épistolaires était de savoir si la réalisation d’une traduction de l’An- cien Testament sur l’hébreu était nécessaire ou dangereuse. Revenir à l’hebraica veritas signifiait pour Augustin la ruine de la divina dispen- satio de la Septante, alors que rien ne pouvait, semblait-il, changer l’avis de Jérôme qui la considère comme une traduction éminemment contingente, liée au contexte historique de sa production.8 Une telle conception explique la méfiance du Stridonien envers la Septante. La force de cette approche hieronymienne procède d’un idéal cicéroni- en.9 Il s’agit de rendre au texte son exactitude et sa clarté originale en dépassant l’imperfection de la traduction grecque.10 Fidèle à la tradition africaine fondée sur une Vetus Latina, Augustin pensa qu’il suffisait d’une édition révisée des Septante, en distinguant, par des signes appropriés, comme dans les exemplaires grecs, les passages qu’il fallait omettre ou ajouter. Jérôme avait fait cela pour Job et l’on s’en trouvait bien. Ainsi restait sauvegardées l’integritas et l’auctoritas de Septante auxquelles il ne fallait pas toucher.11 7 Il faut noter que ce n’est pas Jérôme qui a donné à son œuvre le nom Vulgate, au moment où il traduisait les Écritures en latin de l’hébreu et du grec. Il fallut des siècles pour que, à cause de sa grande diffusion au cours du Moyen Âge, la traduction hiéronymienne reçoive, probablement au XVIème siècle, le nom de Vulgate, nom qu’on réservait auparavant à la Septante ou à la version latine de celle-ci. 8 Hieronymus, Praef. in Isaiam (PL 28, 772) : Vnde conicio noluisse tunc temporis Septuaginta interpretes fidei suae sacramenta perspicue ethnis prodere, ne sanc- tum canibus, et margaritas porcis darent. Quae cum hanc editionem legeritis, ab illis animaduertetis abscondita. 9 Hieronymus, Ep. 57.5 (CSEL 54, 504–505) : Ego enim non solum fateor, sed libera uoce profiteor me in interpretatione Graecorum absque scripturis sanctis, ubi et uerborum ordo mysterium est, non uerbum e uerbo sed sensum exprimere de sensu. Habeoque huius rei magistrum Tullium, qui Protagoram Platonis et Oeconomicon Xenophontis et Aeschinis ac Demosthenis duas contra se orationes pulcherrimas transtulit. Quanta in illis praetermiserit, quanta addiderit, quanta mutauerit, ut proprietates alterius linguae suis proprietatibus explicaret, non est huius temporis dicere. 10 Cain, Jerome’s Commentaries on the Pauline Epistles, 75–101. 11 Bogaert, « La Bible d’Augustin », 33–47 ; « Les bibles d’Augustin », 513–531 ; Fürst, « Veritas Latina », 105–126. clotho 3.2, za tisk.indd 194 14. 02. 2022 23:44:52 NOS…INTER NOS ERUDITIONIS CAUSA DISSERIMUS 195 Critères augustiniens Références dans la correspondance augustino-hieronymienne L’ancienneté Aug., Ep. 28.2 (Hier., Ep. 56.2) La tradition Aug., Ep. 71.4 (Hier., Ep. 104.4) L’inspiration divine Aug., Ep. 82.35 (Hier., Ep. 116.35) Les critères de l’auctoritas de la Septuaginta chez Augustin Étant donné les trop nombreux défauts des manuscrits latins de la Bible, Augustin et Jérôme s’accordaient sur la nécessité de produire un seul texte présentant toutes les qualités requises pour faire l’una- nimité des chrétiens et servir de base à toute étude approfondie de l’Écriture.12 Néanmoins, leurs opinions s’éloignèrent sur la nature du travail : une révision de la version grecque la plus utilisée, ou une traduction de l’original hébraïque.13 Jérôme traducteur des Évangiles se réclama du patronage de Damase, évêque de Rome.14 En revanche, nous ne savons pas si ce dernier est à l’initiative du travail de traduction depuis le texte hébreu. Tout en faisant l’éloge de la traduction des Évangiles en latin,15 Augustin reconnaît lui-même la nécessité d’agir d’une façon similaire pour la version des LXX de l’Ancien Testament.16 Les divergences 12 Augustinus, Ep. 7.6 (CSEL 34, 2, 253–254) : Vnde, si quisquam ueteri falsitati con- tentiosus fauet, prolatis collatisque codicibus uel docetur facillime uel refellitur. Et si quaedam rarissima merito mouent, quis tam durus est qui labori tam utili non facile ignoscat, cui uicem laudis referre non sufficit ? 13 Bouton-Touboulic, « La traduction latine de la Bible selon Saint Jerôme et Saint Augustin », 185–229 ; Jourassard, « Réflexions sur la position de saint Augustin », 93–99. 14 Voir sur ce sujet les renseignements fournis par Jérôme lui-même dans la lettre- -préface Novum opus, en tête de sa version des Évangiles (PL 29, 525–530). Il ne faut pas cependant perdre de vue, comme on le fait parfois, qu’il ne s’agissait nullement d’une entreprise officielle. Le travail se faisait sous l’entière respons- abilité de Jérôme. Il n’y eut ni promulgation ni approbation authentique. 15 Augustinus, Ep. 7.6 (CSEL 34, 2, 253–254) : Proinde non paruas deo gratias agimus de opere tuo, quo euangelium ex Graeco interpretatus es, quia et paene in omnibus nulla offensio est, cum scripturam Graecam contulerimus. 16 Augustinus, Ep. 7.6 (CSEL 34, 2, 254) : Ac per hoc plurium profueris, si eam scripturam Graecam quam septuaginta operati sunt Latinae ueritati reddideris, clotho 3.2, za tisk.indd 195 14. 02. 2022 23:44:52 MOHAMED-ARBI NSIRI196 des traductions latines étaient dues aux corrections, additions et omissions faites par des copistes présomptueux ou négligents. En outre, non seulement les manuscrits comportaient des variantes, mais encore ils se rattachaient à des versions indépendantes, parmi lesquelles l’évêque d’Hippone recommandait l’Itala, pour la clarté de son style, et qui était aussi plus utilisée à Rome. Mais pour ces traductions latines Augustin conseillait de partir des versions grecques, en marquant toutefois sa préférence pour l’autorité de la Septante.17 Sur ce point, l’attitude de l’évêque d’Hippone semble opposée à celle de Jérôme.18 Contrairement à son destinataire, Augustin ne possédait aucune notion d’hébreu, et ne tenta même jamais d’en acquérir les bases. Quant au grec, Augustin, qui ne maîtrisait guère cette langue au sortir de l’école,19 fit ensuite des progrès, même s’il ne fut jamais bilingue comme Tertullien ou Ambroise.20 On remarquera pourtant que si l’évêque d’Hippone ignore l’hébreu, il n’en est pas capable de juger quae in diuresis codicibus ita uaria est, ut tolerari uix possit, et ita suspecta, ne in Graeco aliud inueniatur, ut inde aliquid proferre aut probare dubitetur. 17 Augustinus, De Doctrina Christiana 2.15.22 (BA 11/2, 1997, 168) : In ipsis autem interpretationibus, Itala ceteris praeferatur ; nam est uerborum tenacior cum perspicuitate sententiae. Et latinis quibuslibet emendandis graeci adhibeantur, in quibus Septuaginta interpretum, quod ad uetus testamentum attinet, excellit auctoritas ; qui iam per omnes peritiores ecclesias tanta praesentia sancti Spiri- tus interpretati esse dicuntur, ut os unum tot hominum fuerit. 18 Augustinus, De Civitate Dei 18.43 (BA 36, 1960, 635) : Quamuis non defuerit tem- poribus nostris presbyter Hieronymus, homo doctissimus et omnium trium lin- guarum peritus, qui non ex Graeco, sed ex Hebraeo in Latinum eloquium easdem scripturas conuerterit. Sed eius tam litteratum laborem quamuis Iudaei fateantur esse ueracem, septuaginta uero interpretes in multis errasse contendant : tamen ecclesiae Christi tot hominum auctoritati ab Eleazaro tunc pontifice ad hoc tantum opus electorum neminem iudicant praeferendum. 19 Augustinus, Confessiones 1.14.23 (BA 13, 1962, 312–314) : Cur ergo graecam etiam grammaticam oderam talia cantantem ? Nam et Homerus peritus texere tales fabellas et dulcissime uanus est. Mihi tamen amarus erat puero. Credo etiam graecis pueris Vergilius ita sit, cum eum sic discere coguntur ut ego illum. Vide- licet difficultas, difficultas omnino ediscendae linguae peregrinae, quasi felle aspergebat omnes suauitates graecas fabulosarum narrationum. Nulla enim uerba illa noueram et saeuis terroribus ac poenis, ut nossem, instabatur mihi uehementer. 20 Dal Chiele, « Agostino traduttore dal greco », 200–223 ; Jerphagnon, « Saint Augustin et la diffusion de la pensée grecque », 1–9 ; Pépin, « Attitudes d’Au- gustin devant le vocabulaire », 277–307 ; Salaville, « La connaissance du grec », 387–393. clotho 3.2, za tisk.indd 196 14. 02. 2022 23:44:52 NOS…INTER NOS ERUDITIONIS CAUSA DISSERIMUS 197 de la référence faite au punique par son correspondant,21 même si ses connaissances en la matière reste limitées.22 Vir trilinguis, Jérôme s’appuie dans sa démarche de traducteur sur les exigences de la science philologique ; il usa donc de signes typographiques, obèles et astérisques, pour noter les additions et les omissions de la Septante.23 Cette méthode répondit tout à fait à l’attente d’Augustin, qui le félicita pour sa version de Job, réalisée « avec un soin admirable qu’en certains endroits nous voyons, à chaque mot, des étoiles signifiant que ce même mot est dans l’hébreu, mais pas dans le grec ».24 L’évêque d’Hippone demanda même à son correspondant de lui faire parvenir une copie de cette traduction de l’Ancien Testament ; malheureusement, au dire de Jérôme, celle-ci fut volée ou perdue.25 En agissant ainsi, Jérôme se plaçait à la suite d’Origène dont il s’était servi de l’édition synoptique pour établir ses traductions.26 Les 21 Jérôme s’attache à examiner de façon assez directe ce que peuvent être les rapports entre l’hébreu et le punique. Cette dernière langue était en effet encore pratiquée à l’époque d’Augustin qui avait nommé en 411 Antoninus à la tête du jeune diocèse de Fussala en raison de sa parfaite connaissance du punique (Aug., Ep. 20.3 ; BA 46B, 95–96). En outre, dans ses Quaestiones Hebraicae in Ge- nesim Jérôme indique également que le terme hébreu maria avait pu signifier les « eaux chaudes », du fait que c’était là la signification qu’il avait aussi en langue punique. Il explique par ailleurs cette proximité (vicinia) linguistique par une origine commune. (Hier., Quaestiones Hebraicae in Genesim 36.24 ; CCSL 72, 44). 22 Bordreuil, « Un nouveau mot punique », 1279–1284 ; Lepelley, « Témoignages de saint Augustin », 117–141 ; « L’usage de la langue punique », 531–541. 23 Allgeier, « Die Hexapla in den Psalmenübersetzungen », 450–463. 24 Augustinus, Ep. 71.3 (CSEL 34, 2, 250–251 ; traduction Mohamed-Arbi Nsiri) : tam mirabili diligentia, ut quibusdam in locis ad uerba singula stellas significantes uideamus eadam uerba esse in Hebraeo, in Graeco autem non esse. 25 Hieronymus, Ep. 134.2, 3 (CSEL 56, 263) : pleraque enim prioris laboris ob fraudem cuiusdam amisimus. 26 Hieronymus, Ep. 112.19 (CSEL 55, 389) : Quod autem in aliis quaeris epistolis, cur prior mea in libris canonicis interpretatio asteriscos habeat et uirgulas praenota- tas, et postea aliam translationem absque his signis ediderim, pace tua dixerim, uideris mihi non intelligere quod quaesisti. Illa enim interpretatio septuaginta interpretum est ; et ubicumque uirgulae id est obeli sunt, significatur quod septu- aginta plus dixerint quam habetur in Hebraeo, ubi autem asterisci id est stellae praelucentes, ex Theodotionis editione ab Origene additum est ; et ibi Graeca tran- stulimus, hic de ipso Hebraico quod intelligebamus expressimus, sensuum potius ueritatem quam uerborum interdum ordinem conseruantes. Et miror quomodo septuaginta interpretum libros legas non puros, ut ab eis editi sunt, sed ab Origene emendatos siue corruptos per obelos et asteriscos, et christiani hominis interpre- tatiunculam non sequaris, praesertim cum ea quae addita sunt ex hominis Iudaei clotho 3.2, za tisk.indd 197 14. 02. 2022 23:44:52 MOHAMED-ARBI NSIRI198 Hexaples regroupaient le texte hébraïque, le même texte en caractères grecs et quatre traductions (des Septante, d’Aquila, de Symmaque, et de Théodotion). Or, Origène avait lui-même corrigé la Septante au moyen d’obèles et d’astérisques, sans toutefois donner une traduction de l’hébreu puisqu’il n’en admettait pas la supériorité. Cependant, n’étant pas totalement satisfait de son travail, Jérôme décida lui-même de revenir directement à cette source hébraïque.27 En prenant pour base de révision le texte hébreu, il met en concurrence sa traduction et celle des Septante.28 Cela émeut Augustin, qui y voit une attaque portée contre la valeur de l’ancienne version grecque.29 Tout en reconnaissant les défectuosités des versions latines faites sur le grec, Augustin s’étonne « qu’on trouve encore dans les origi- naux hébreux quelque chose qui aurait échappé à tant de traducteurs si experts en cette langue »,30 et ajoute ce que Jérôme qualifie de novo uteris syllogismo,31 pour le détourner de son entreprise. Par ce geste, Augustin s’inscrit pleinement dans la tradition africaine qui fait de l’écart qui existe entre le texte hébreu et la version grecque de la Bible un don de l’Esprit, dont l’auctoritas est illimitée. Augu- stin pense à ce propos, après avoir fait mine de rejeter la méthode hiéronymienne d’un revers de main, que soit les textes sont clairs et atque blasphemi post passionem Christi editione transtulerit. Vis amator esse uerus septuaginta interpretum, non legas ea quae sub asteriscis sunt, immo rade de uoluminibus, ut ueterum te fautorem probes ! / Hieronymus, Apologia aduer- sus libros Rufini 2.25 (SC 303, 1983, 172) : Quod ut audeam, Origenis me studium prouocauit, qui editioni antiquae translationem Theodotionis miscuit, asterisco et obelo, id est stella et ueru, opus omne distinguens, dum aut illucescere facit quae minus ante fuerant, aut superflua quaeque iugulat et confodit. 27 Bardy, « Saint Jérôme et ses maîtres hébreux », 145–164 ; Barr, « St. Jerome’s appreciation of Hebrew », 281–302 ; Bell, « Jerome’s Role », 230–233 ; Biasi, « Jérôme traducteur et auctor », 161–171 ; Cameron, « The Rabbinic Vulgate ? » 117–130 ; Jay, « La datation des premières traductions », 208–212 ; Lagrange, « La révision de la Vulgate », 254–257. 28 Hieronymus, Praef. In Job  (PL 28, 1082) : Quod si apud Graecos, post Septua- ginta editionem, iam Christi euangelio coruscante, Iudaeus Aquila, Symmachius ac Theodotion, iudaizantes haeretici sunt recepti, qui multa mysteria Saluatoris subdola interpretatione celarunt. 29 Augustinus, Ep. 28.2 (CSEL 34, 1, 105) : De uertendis autem in linguam Latinam sanctis litteris canonicis laborare te nollem nisi eo modo quo Iob interpretatus es. 30 Augustinus, Ep. 28.2 (CSEL 34, 1, 105 ; traduction Mohamed-Arbi Nsiri) : Satis autem nequeo mirari, si alquid adhuc in Hebraeis exemplaribus inuenitur, quod tot interpretes illius linguae peritissimos fugerit. 31 Hieronymus, Ep. 112.20.1 (CSEL 55, 389) : Porro quod dicis non debuisse me interpretari post ueteres, et nouo uteris syllogismo. clotho 3.2, za tisk.indd 198 14. 02. 2022 23:44:52 NOS…INTER NOS ERUDITIONIS CAUSA DISSERIMUS 199 les traducteurs n’ont pu se tromper, soit ils sont obscurs et Jérôme peut lui aussi faire erreur. Ce dernier lui répond en lui appliquant son propre raisonnement : « s’ils sont obscurs, comment as-tu osé interpréter après eux ce qu’ils n’ont pu expliquer ? »32 puis il cite un nombre important d’interprètes célèbres ayant travaillé sur l’ensem- ble des psaumes dont Origène, Didyme d’Alexandrie, Apollinaire de Laodicée, Eusèbe de Césarée, Théodore d’Héraclée, Astérius de Scythopolis, du côté des grecs ; et Hilaire de Poitiers et Eusèbe de Verceil du côté des Latins.33 Aux sources de Jérôme, Augustin oppose deux Occidentaux  : Cyprien de Carthage et Ambroise de Milan, et se réfère à l’auteur même du texte discuté : Paul de Tarse.34 Il met ensuite en cause la compétence de Jérôme à conserver la même fidélité au texte original depuis l’hébreu. En fait, les arguments d’Augustin ont peu de poids parce qu’il reste dans le domaine des généralités et ne cite aucun exemple 32 Hieronymus, Ep. 112.20.2 (CSEL 55, 390 ; traduction Mohamed-Arbi Nsiri) : Si obscura, quomodo tu post eos ausus es disserere, quod illi explanare non potue- runt? 33 Hieronymus, Ep. 112.20.2 (CSEL 55, 390) : Si manifesta, superfluum est te uoluisse disserere, quod illos latere non potuit, maxime in explanatione psalmorum, quos apud Graecos interpretati sunt multis uoluminibus primus Origenes, secundus Eusebius Caesariensis, tertius Theodorus Heracleotes, quartus Asterius Scytho- polita, quintus Apollinaris Laodicenus, sextus Didymus Alexandrinus. Feruntur et diuersorum in paucos psalmos opuscula, sed nunc de integro psalmorum cor- pore dicimus. Apud Latinos autem Hilarius Pictauiensis et Eusebius Vercellensis episcopi. 34 Augustinus, Ep. 82.23–24 (CSEL 34, 2, 375–376) : Sed cum sint ferme sex uel septem, horum quatuor auctoritatem tu quoque infringis. Nam Laodicenum, cuius nomen taces, de ecclesia dicis nuper egressum, Alexandrum autem uete- rem haereticum ; Origenem uero ac Didymum reprehensos abs te lego in recen- tioribus opusculis tuis, et non mediocriter nec de mediocribus quaestionibus, quamuis Origenem mirabiliter ante laudaueris. Cum his ergo errare, puto quia nec te ipse patieris, quamuis hoc perinde dicatur, ac si in hac sententia non errauerint. Nam quis est qui se uelit cum quolibet errare? Tres igitur restant, Eusebius Emisenus, Theodorus Heracleotes etquem paulo post commemoras Ioannes, qui dudum in pontificali gradu Constantinopolitanam rexit eccle- siam. Porro si quaeras uel recolas, quid hinc senserit noster Ambrosius, quid noster itidem Cyprianus, inuenies fortasse nec nobis defuisse, quos in eo quod asserimus sequeremur. Quamquam, sicut paulo ante dixi, tantummodo scrip- turis canonicis hanc ingenuam debeam seruitutem, qua eas solas ita sequar, ut conscriptores earum nihil in eis omnino errasse, nihil fallaciter posuisse non dubitem. clotho 3.2, za tisk.indd 199 14. 02. 2022 23:44:52 MOHAMED-ARBI NSIRI200 précis pour appuyer ses propos.35 Cependant, ce n’est pas l’aspect technique du problème qui heurte l’évêque d’Hippone mais c’est le souci pastoral qui semble, pour lui, le plus important. Par conséquent, ce qui serait primordial dans cette perspective augustinienne, ce serait l’encadrement des fidèles à travers un texte stable, exempt de changement. Or, la traduction effectuée par Jérôme d’après l’hébreu engendre des modifications notables et, de surcroît, les prédicateurs n’ont pas les compétences nécessaires pour consulter l’hébreu en cas de contestation.36 Un exemple concret vient appuyer les craintes d’Augustin ; il s’agit de la mésaventure survenue à l’évêque d’Oea, très probablement Ma- rianus, qui utilisa un passage de la version hiéronymienne, traduite de l’hébreu, du livre de Jonas. À la lecture publique de la récente version, un passage insolite et étrange aux oreilles ne passa pas inaperçu au peuple d’Oea qui en fut scandalisé. Il s’ensuit un tumulte tel que, pour le calmer, il fallut en appeler à l’autorité des juifs de la cité.37 Augustin souligne à propos de cet incident les inconvénients de changer un vocabulaire en usage depuis longtemps. En effet, c’est, semble-t-il, parce que Jérôme avait appelé lierre ce qui était habituellement traduit par citrouille que cette agitation se produisit.38 35 Augustinus, Ep. 71.3 (CSEL 34, 2, 251) : Aliquid inde exempli gratia ponere uolui, sed mihi ad horam codex defuit qui ex Hebraeo est. 36 Augustinus, Ep. 71.4 (CSEL 34, 2, 252) : Quisquis autem in eo quod ex Hebraeo translatum est aliquo insolito permotus fuerit et falsi crimen intenderit, uix aut numquam ad Hebraea testimonia peruenietur, quibus defendatur obiectum. Quod si etiam peruentum fuerit, tot Latinas et Graecas auctoritates damnari quis ferat ? Huc accedit quia etiam consulti Hebraei possunt aliud respondere, ut tu solus necessarius uidearis, qui etiam ipsos possis conuincere, sed tamen quo iudice mirum si potueris inuenire. 37 Augustinus, Ep. 71.5 (CSEL 34, 2, 251) : Nam quidam frater noster episcopus cum lectitari instituisset in ecclesia cui praeest interpretationem tuam, mouit quiddam longe aliter abs te positum apud Ionam prophetam, quam erat omnium sensibus memoriaeque inueteratum, et tot aetatum successionibus decantatum. Factus est tantus tumultus in plebe, maxime Graecis arguentibus et inflammantis calum- niam falsitatis, ut cogeretur episcopus – Oea quippe ciuitas erat Iudaeorum tes- timonium flagitare. Utrum autem illi imperitia an malitia hoc esse in Hebraeis codicibus responderunt, quod et Graeci et Latini habebant atque dicebant ? Quid plura ? Coactus est homo uelut mendositatem corrigere, uolens post magnum peri- culum non remanere sine plebe. Unde etiam nobis uidetur aliquando te quoque in nonnullis falli potuisse. Et uide hoc quale sit in eis litteris quae non possunt collatis usitatarum linguarum testimoniis emendari ! 38 Il s’agit, en fait, du ricin (Jonas 4, 6) mais le mot ricinus était très rarement uti- lisé. Pour Jérôme, lierre correspondait mieux à la définition du mot hébreu Kika- clotho 3.2, za tisk.indd 200 14. 02. 2022 23:44:52 NOS…INTER NOS ERUDITIONIS CAUSA DISSERIMUS 201 C’est donc avec beaucoup de difficultés que la Vulgate de Jérôme commence à être utilisée. Une conséquence plus importante que celle survenue à Oea, quoique celle-ci soit révélatrice de l’accueil réservé à la traduction de Jérôme, est pressentie par Augustin : un motif supplémentaire de division au sein de l’Église.39 En réalité, la valeur de la traduction de Jérôme s’oppose directe- ment à celle de la Septante qu’Augustin tient pour inspirée.40 Pour l’évêque d’Hippone, la version des soixante-douze interprètes fut l’objet d’une révélation ; c’est pourquoi porter atteinte à la valeur de leur traduction signifie la diminution, voire la ruine, de la por- tée dogmatique de cette tradition. De plus, cette remise en cause s’accompagne d’un nouveau problème : à savoir sous quelle autorité placer les deux versions ? En ce qui concerne la traduction grecque la réponse est claire pour Augustin, alors que le travail hiéronymien n’a en sa faveur que la réputation d’orthodoxie de Jérôme. En effet, si le pape Damase l’avait chargé d’une révision du Nouveau Testament, aucune demande officielle n’est responsable de la version sur l’hébreu, d‘autant que la connaissance de cette langue était effectivement rare. Ainsi la vérification d’une traduction latine sur le grec était d’autant plus aisée que l’enseignement de cette langue était fréquent en Occident. À l’opposé, revenir à l’hebraica veritas obligeait celui qui voulait contrôler l’exactitude du texte biblique à recourir au témoignage des Juifs ; or, pour beaucoup, cela ne présentait qu’une garantie aléatoire.41 jon. Cf. Duval, « Saint Augustin et le commentaire sur Jonas », 9–40 ; Fraïsse, « Comment traduire la Bible ? » 145–165. 39 Augustinus, Ep. 71.4 (CSEL 34, 2, 251) : Ego sane mallem Graecas potius canon- icas te nobis interpretari scripturas, quae septuaginta interpretum perhibentur. Perdurum erit enim, si tua interpretatio per multas ecclesias frequentius coeperit lectitari, quod a Graecis ecclesiis Latinae ecclesiae dissonabunt, maxime quia facile contradictor conuincitur Graeco prolato libro, id est linguae notissimae. Quisquis autem in eo quod ex Hebraeo translatum est aliquo insolito permotus fuerit et falsi crimen intenderit, uix aut numquam ad Hebraea testimonia peruen- itur, quibus defendatur obiectum. Quod si etiam peruentum fuerit, tot Latinas et Graecas auctoritates damnari quis ferat ? Huc accedit quia etiam consulti Hebraei possunt aliud respondere, ut tu solus necessarius uidearis, qui etiam ipsos possis conuincere, sed tamen quo iudice mirum si potueris inuenire. 40 Augustinus, Ep. 28.2 (CSEL 34, 1, 106) : Omitto enim septuaginta, de quorum uel consilii uel spiritus maiore concordia, quam si unus homo esset, non audeo in aliquam partem certam ferre sententiam. 41 Hieronymus, Ep. 112.21.1 (CSEL 55, 391) : Dices : « Quid si Hebraei aut respondere noluerint aut mentiri uoluerint ? » clotho 3.2, za tisk.indd 201 14. 02. 2022 23:44:52 MOHAMED-ARBI NSIRI202 À la tradition, Jérôme oppose une innovation de grande envergure. Pourtant, il ne désire pas attaquer la Septante directement, mais plutôt offrir un texte non corrompu.42 Son propos est donc différent des craintes d’Augustin, mais cette entreprise implique toutes sortes de conséquences fâcheuses, qui pourront apparaître au moment de l’utilisation de la nouvelle version. On a vu comment la recherche de l’hebraica veritas ruinait, selon la vision augustinienne, l’autorité de la Septante ; cepen- dant, sa supériorité ne provenait pas seulement de son origine miraculeuse, elle s’appuyait aussi sur son utilisation ancienne et traditionnelle. Augustin, en tant qu’évêque, redoutait les troubles que pouvait provoquer l’introduction d’un texte, quelque peu différent, de la Bible. En effet, l’habitude était un argument en faveur des versions lati- nes réalisées à partir du grec, qui étaient en usage depuis longtemps. L’élément principal du propos d’Augustin venait de l’utilisation et, par conséquent, de l’approbation par les Apôtres de la Septante.43 Jérôme lui-même reprit cette idée pour souligner l’importance et l’urgence de la correction apportée par sa traduction, face à la diffusion des manuscrits corrompus.44 Malgré toutes ses réticences, la position d’Augustin à l’égard de la Vulgate évolua un peu.45 D’une part, il en reconnaît l’utilité, mais il reste attaché à la version grecque. Ce qui fait que l’opinion de l’évêque d’Hippone à l’égard des travaux hiéronymiens demeure mesurée ; l’appréciation qu’il leur porte, si favorable soit-elle, ne peut résister à une comparaison avec la Septante. Pourtant, Augustin a utilisé la traduction de Jérôme ; mais cette nouvelle attitude fut tardive et n’ap- paraît pas dans leur correspondance. Anne-Marie La Bonnardière a relevé au moins six citations de la Vulgate de Jérôme dans le Civitate dei,46 mais Augustin n’évoque généralement leur auteur que par 42 Hieronymus, Ep. 112.19.2 (CSEL 55, 389) : Vis amator esse uerus septuaginta interpretum,non legas ea quae sub asteriscis sunt, immo rade de uoluminibus, ut ueterum te fautorem probes ! Ac per hoc plurimum profueris, si eam scripturam Graecam quam Septuaginta operati sunt Latinae ueritati reddideris. 43 Augustinus, Ep. 71.6 (CSEL 34, 2, 251) : Neque enim paruum pondus habet illa, quae sic meruit diffamari, et qua usos apostolos non solum res ipsa indicat, sed etiam te adtestatum esse memini. 44 Hieronymus, Ep. 112.19 (CSEL 55, 389) : Quod si feceris, omnes ecclesiarum biblio- thecas condemnare cogeris ; uix enim unus aut alter inuenietur liber qui ista non habeat. 45 Cavellera, « Les Quaestiones Hebraicae », 359–372. 46 La Bonnardière, « Augustin a-t-il utilisé », 303–312. clotho 3.2, za tisk.indd 202 14. 02. 2022 23:44:52 NOS…INTER NOS ERUDITIONIS CAUSA DISSERIMUS 203 allusion.47 C’est donc dans ses autres ouvrages qu’on trouve l’issue de leur discussion. Les objections d’Augustin, à la version latine de l’Ancien Testament sur l’hébreu, sont émises dans ses lettres ; elles se concentrent sur les conséquences dangereuses qu’une utilisation fréquente et généralisée pourrait provoquer. La valeur elle-même de cette nouvelle Vulgate n’est prise en considération, dans son argumentation, que pour souligner la supériorité inégalable de l’autorité des Septante. Son point de vue est donc très différent de celui de Jérôme qui fait preuve d’innovation, en cherchant à restituer l’hebraica veritas. 2. LA CONTROVERSE DE L’ÉPÎTRE AUX GALATES  L’exégèse d’un passage de l’Épître aux Galates (Ga 2, 11–14), où Paul reprend Pierre au sujet de l’observance de la loi, est à l’origine d’un désaccord sérieux entre Jérôme et Augustin. Celui-ci commença leur discussion en formulant de telles réserves, à l’égard du commentaire de son correspondant, qu’il exhortait à se rétracter.48 Dans leur échange épistolaire, le moine ne répondit qu’une seule fois aux propos de l’évêque, après quoi Augustin traita une dernière fois de cette question. Leurs opinions s’opposent par le point de vue duquel chacun d’eux se place : le premier s’attache à ce qu’ont écrit ses célèbres prédécesseurs, tandis que le second apporte une inter- prétation plus personnelle. Augustin s’oppose au commentaire sur l’Épître aux Galates de Jérôme, en considérant dangereuses les conséquences qu’il implique. Sa façon d’envisager le problème posé est philosophique, alors que son correspondant s’appuie sur le contexte historique, pour justifier son interprétation.49 47 Augustinus, Quaestiones in Heptateuchum 1.25.2 (PL 34, 553): Quamquam et aliter ista quaestio a quibusdam soluatur : ex illo computari annos aetatis Abrae, ex quo liberatus est de igne Chaldaeorum, in quem missus ut arderet, quia eumdem ignem superstitione Chaldaeorum colere noluit, liberatus inde etsi in scripturis non legitur, Iudaica tamen narratione traditur. 48 Auvray, « Saint Jérôme et saint Augustin », 594–610 ; Cole-Turner, « Anti-He- retical Issues », 155–166 ; Davis, « The scriptural Controversy », 103–116 ; Dorsch, « St. Augustinus und Hieronymus », 421–448 et 601–664 ; Hennings, Der Brief- wechsel ; Siat, « La controverse », 259–273 ; Simard, « La querelle de deux saints », 15–38. 49 Hieronymus, Ep. 112.5.2 (CSEL 55, 372) : Ego in paruo tuguriolo cum monachis, id est cum compeccatoribus meis de magnis statuere non audeo, nisi hoc ingenue clotho 3.2, za tisk.indd 203 14. 02. 2022 23:44:52 MOHAMED-ARBI NSIRI204 Ne tenant pas compte de l’historique fait par Jérôme, l’évêque d’Hippone fonde son opinion sur les conséquences qui résulteraient d’une telle démarche. En effet, selon lui, la reconnaissance d’un men- songe dans la Bible équivaut à la ruine de l’autorité des Écri tures, et permettrait aux hérétiques d’argumenter contre l’Église.50 De plus, si l’on accepte le commentaire hiéronymien qui donne raison à Pierre, quand il veut continuer à accomplir les rites juifs, alors, pour l’évêque d’Hippone, on favorise les hérésies qui mêlent les cérémonies chrétiennes et juives.51 L’interprétation de l’incident d’Antioche, qui affirme que Paul et Pierre simulaient une discorde tout en étant parfaitement d’accord, introduit le problème de la sincérité de l’attitude de Paul. Jérôme cite le passage des Actes des Apôtres, où Paul a sacrifié aux rites juifs, afin de prouver à son correspondant que, puisque les deux hommes ont agi de la même façon, la réprimande publique était feinte.52 confiteri, me maiorum scripta legere et in commentariis omnium secundum con- suetudinem uarias ponere explantiones. 50 Augustinus, Ep. 82.6.2 (CSEL 34, 2, 356) : Itane non intellegit prudentia sancta tua quanta malitiae illorum patescat occasio, si non ab aliis apostolicas litteras esse falsatas sed ipsos apostolos falsa scripsisse dicamus ? 51 Augustinus, Ep. 82.8 (CSEL 34, 2, 357–358) : Ego quidem illud Petrum sic egisse credo, ut gentes cogeret iudaizare. Hoc enim lego scripsisse Paulum, quem mentitum esse non credo. Et ideo non recte agebat hoc Petrus ; erat enim contra euangelii ueritatem, ut putarent qui credebant in Christum sine illis ueteribus sacramentis saluos se esse non posse. Hoc enim contendebant Antiochiae qui ex circumcisione crediderant, contra quos Paulus perseuer- anter acriterque conf ligit. Ipsum uero Paulum non ad hoc id egisse, quod uel Timotheum circumcidit, uel Cenchreis uotum persoluit, uel Hierosolymis a Iacobo admonitus cum eis qui uouerant legitima illa celebranda suscepit, ut putari uideretur per ea sacramenta etiam christianam salutem dari ; sed ne illa quae prioribus, ut congruebat, temporibus in umbris rerum futurarum deus fieri iusserat, tamquam idololatriam gentilium damnare crederetur. Hoc est enim quod illi Iacobus ait auditum de illo esse, quod discissionem doceat a Moyse, quod utique nefas est, ut credentes in Christum discindantur a propheta Christi, tamquam eius doctrinam detestantes atque damnantes, de quo ipse Christus dicit : “Si crederetis Moysi, crederetis et mihi ; de me enim ille scripsit.” 52 Augustinus, Ep. 82.17.1 (CSEL 34, 2, 368) : Fateor sanein eo quod epistola mea continet, quod ideo sacramenta Iudaeorum Paulus celebranda susceperat, cum iam Christi esset apostolus, ut doceret non esse perniciosa his qui ea uellent sicut a parentibus per legem acceperant custodire, minus me posuisse : “illo dumtaxat tempore quo primum fidei gratia reuelata est” ; tunc enim hoc non erat pernicio- sum. Progressu uero temporis illae obseruationes ab omnibus Christianis dese- clotho 3.2, za tisk.indd 204 14. 02. 2022 23:44:53 NOS…INTER NOS ERUDITIONIS CAUSA DISSERIMUS 205 À plusieurs reprises, l’Apôtre des Gentils est amendé à obéir à la loi juive. Pour le moine de Bethléem, le motif de la conduite de Pierre est aussi celui de Paul.53 Leur désaccord permettait alors de montrer aux Juifs que l’observance de la loi mosaïque n’était plus obligatoire. Jérôme explique que Paul n’a pu reprendre chez Pierre ce qu’il avait fait lui-même ; Augustin, au contraire, distingue les attitudes des deux Apôtres. L’évêque accorde également une valeur excepti- onnelle à la conduite de Paul ; celle-ci serait mue par la compassion non simulando… sed conpatiendo.54 En ce qui concerne l’incident d’Antioche lui-même, Augustin estime que Paul s’est comporté fraternellement quand il a repris Pierre : « si Paul lui-même avait déjà fait une telle chose, je penserais plutôt que ayant été lui-même aussi corrigé, il n’a pu manquer de corriger son collègue dans l’apostolat ».55 L’évêque d’Hippone refuse ainsi toute interprétation conduisant à admettre d’un mensonge dans l’Écriture. Les opinions des deux correspondants à l’égard de la simulation paraissent bien divergentes dans leurs courriers. Jérôme en se rappor- tant aux exégètes orientaux, fait une distinction quant aux intentions de celui qui feint.56 Dans l’autre sens, l’attitude tranchée de l’évêque d’Hippone est en faveur de la vérité pure. Aucun mensonge n’est dès lors tolérable.57 En outre, il appuie son opinion sur les textes bibliques où la simulation rerentur, ne si tunc fieret non discerneretur, quod deus populo suo per Moysen praecepit, ab eo quod in templis daemoniorum spiritus immundus instituit. 53 Hieronymus, Ep. 112.11 (CSEL 55, 380) : Didicimus quod propter metum Iudaeo- rum et Petrus et Paulus aequaliter finxerint legis se praecepta seruare. Qua igitur fronte, qua audacia potest id Paulus in altero reprehendere quod ipse commisit ? Ego, imo alii ante me exposuerunt causam quam putauerant, non officiosum men- dacium defendentes, sicut tu scribis, sed docentes honestam dispensationem, ut et apostolorum prudentiam demonstrarent et blasphemantis Porphyrii impuden- tiam coercerent, qui Paulum et Petrum puerili dicit inter se pugnasse certamine, immo exarsisse Paulum in inuidiam uirtutum Petri, et ea scripsisse iactanter uel quae non fecerit, uel si fecit, procaciter fecerit, id in alio reprehendens quod ipse commiserit. Interpretati sunt illi ut potuerunt. Tu quomodo istum locum edis- seres ? Vtique meliora dicturus, qui ueterum sententiam reprobasti. 54 Augustinus, Ep. 82.16 (CSEL 34, 2, 367). 55 Augustinus, Ep. 82.7.3 (CSEL 34, 2, 357 ; traduction Mohamed-Arbi Nsiri) : si tale aliquid Paulus ipse iam fecerat, correctum potius etiam ipsum credam coapostoli sui correctionem non potuisse neglegere. 56 Hieronymus, Ep. 112.11 (CSEL 55, 380) : non officiosum mendacium defendentes, sicut tu scribis, sed docentes honestam dispensationem. 57 Augustinus, Ep. 82.21 (CSEL 34, 2, 373) : An si officiose mentiatur quisque culpan- dus est, si dispensatiue adprobandus ? clotho 3.2, za tisk.indd 205 14. 02. 2022 23:44:53 MOHAMED-ARBI NSIRI206 est réprouvée, alors que Jérôme, dans sa lettre 112, renvoie son cor- respondant aux auteurs dont il s’est fait le porte-parole. On ne possède pas de réponse à la lettre 82 d’Augustin ; néanmoins, son argumentation se référant à certaines réflexions hiéronymiennes, elle montre, ainsi, que leurs opinions se rejoignent parfois. Par exemple, l’évêque écrit au sujet des attitudes de Paul : « Mais tu m’as semblé avoir peu fait attention au fait que j’aie dit que celui-ci avait agi envers les juifs en tant que juif et en tant que gentil envers les gentils non avec la ruse du mensonge, mais avec l’affection d’un compatissant, mieux, moi peut-être, je n’aurais pas pu l’expliquer suffisamment. En effet, je n’ai pas dit cela pour la raison qu’avec miséricorde, il aurait simulé cela, parce qu’il n’a pas simulé ces semblables choses qu’il faisait aux juifs, de même qu’il ne simulait les choses semblables qu’il faisait aux gentils, que toi aussi, tu as rappelées et qu’en cela, tu m’as aidé, ce que je dis non sans gratitude ».58 C’est pourquoi, on peut supposer que Jérôme se rangea à l’avis de son correspondant. Le désaccord, qui eut lieu à Antioche entre Paul et Pierre, avait pour objet la pratique des préceptes de l’Ancien Testament. Paul critique la conduite de Pierre qui tend à forcer les gentils à devenir de vrais juifs pour devenir chrétiens. Cette dernière a été expliquée par la crainte des Juifs.59 Pour Augustin, comme pour Jérôme, les deux Apôtres étaient d’accord sur ce sujet.60 Cependant, leur dialogue épistolaire crée un certain malentendu momentané. Alors qu’ils reconnaissent tous deux la conformité des opinions de Paul et de Pierre, Jérôme réagit contre certains propos d’Augus- tin, relativement à l’observance de la loi.61 Il considère que c’est là un 58 Augustinus, Ep. 82.26 (CSEL 34, 2, 378 ; traduction Mohamed-Arbi Nsiri) : Quod autem dixi eum factum Iudaeis tamquam Iudaeum et tamquam gentilem gen- tilibus, non mentientis astu sed compatientis affectu quemadmodum dixerim, parum mihi uisus es attendisse, immo ego fortasse non satis hoc explanare potuerim. Neque enim hoc ideo dixi quod misericorditer illa simulauerit, sed quia sic ea non simulauit quae faciebat similia Iudaeis, quemadmodum nec illa quae faciebat similia gentibus, quae tu quoque commemorasti atque in eo me, quod non ingrate fateor, adiuuisti. 59 Hieronymus, Ep. 112.9.1 (CSEL 55, 377) : Sicut igitur ostendimus Petrum bene quidem sensisse de abolitione legis Mosaicae, sed ad simulationem obseruandae eius timore conpulsum. 60 Augustinus, Ep. 82.11.2 (CSEL 34, 2, 361) : Neque enim negamus in hac sententia fuisse iam Petrum, in qua et Paulus fuit. 61 D’après sa lettre 67 (CSEL 34, 2, 237–239) Augustin affirmait que la pratique de la loi mosaïque était pour les Gentils, mais il laissait aussi entendre qu’elle était acceptable pour les Juifs convertis. clotho 3.2, za tisk.indd 206 14. 02. 2022 23:44:53 NOS…INTER NOS ERUDITIONIS CAUSA DISSERIMUS 207 écueil de plus à éviter dans l’exégèse du passage difficile de l’Épître aux Galates.62 Cette méprise, sur les intentions de l’évêque, fut promptement dissipée par la réponse augustinienne à cette lettre 112 du moine. Ainsi, pour Augustin comme pour Jérôme, l’attitude à adopter envers la loi mosaïque est bien la même.63 Il apparaît clairement, dans le dernier courrier envoyé d’Hippone sur ce sujet, que les deux hommes sont du même avis. Bien qu’au début Augustin et Jérôme paraissaient très opposés, il est vraisemblable que ce dernier ait, par la suite, partagé l’opinion de son correspondant, sur l’ensemble des problèmes posés par le récit de l’incident d’Antioche. L’opposition, née de l’interprétation d’un passage de l’Épître aux Galates, montre bien, quand on la rapproche de la précédente, les centres d’intérêt des deux correspondants. Pour Jérôme, auteur d’un livre sur les écrivains ecclésiastique et d’une traduction de l’Histoire ecclésiastique d’Eusèbe, l’important est de rechercher la vérité en remontant aux origines. Cela implique l’étude des exégètes et nécessite d’avoir un esprit ouvert à la démarche historique.64 En revanche, Augustin semble, en tant qu’évêque, plus préoccupé par les conséquences présentes des interprétations de l’Écriture. Ces deux attitudes se retrouvent aussi dans le combat qu’ils ont mené contre le pélagianisme. 3. LA LUTTE ANTI-PÉLAGIENNE Le pélagianisme occupe toute la correspondance qu’Augustin et Jérôme ont développée durant ce qui a été considéré comme la troi- 62 Hieronymus, Ep. 112.13.1 (CSEL 55, 381) : Si hoc uerum est, in Cerinthi et Hebionis haeresim delabimur, qui credentes in Christo propter hoc solum a patribus anathematizati sunt, quod legis cerimonias Christi euangelio mis- cuerunt. 63 Augustinus, Ep. 82.15.4 (CSEL 34, 2, 366) : Quod Paulus utique non cogebat, ob hoc illa uetera ueraciter ubi opus esset obseruans, ut damnanda non esse monstraret, praedicans tamen instanter non eis sed reuelata gratia fidei fide- les saluos fieri fideles, ne ad ea quemquam uelut necessaria suscipienda com- pelleret. Sic autem credo apostolum Paulum ueraciter cuncta illa gessisse, nec tamen nunc quemquam factum ex Iudaeo Christianum uel cogo uel sino talia ueraciter celebrare, sicut nec tu, cui uidetur Paulus ea simulasse, cogis istum uel sinis talia simulare. 64 Inglebert, Les Romains chrétiens, 213–215 ; Jeanjean, « Saint Jérôme, patron des chronique », 137–178. clotho 3.2, za tisk.indd 207 14. 02. 2022 23:44:53 MOHAMED-ARBI NSIRI208 sième période de leur échange épistolaire.65 Bien qu’ils vivaient dans des régions fort éloignées l’une de l’autre, c’est ensemble qu’ils ont lutté contre les idées pélagiennes qui se propagèrent en Afrique et en Palestine. Le combat mené par les deux correspondants d’Hippone et de Bethléem, fut bien sûr dirigé contre les propos tenus par l’hérési- arque et ses adeptes, mais il visait aussi, dans une certaine mesure, la personne de Pélage. L’ascète breton considérait que la grâce principale qui avait été accordé à l’homme était le libre arbitre ; il enseignait aussi qu’elle lui permettait de pratiquer la vertu, de sorte que l’homme pouvait, s’il le voulait, ne pas connaître l’impeccantia, et atteindre la perfection. Sa pensée, qui s’appuyait surtout sur la volonté humaine, aboutissait à minimiser le péché originel. En face de lui Pélage trouva deux adver- saires dans les personnes d’Augustin et de Jérôme. Les charges qu’ils énoncèrent contre lui sont révélatrices des centres d’intérêt de chacun. Augustin rétorque, aux pélagiens qui niaient le péché originel et, ainsi, rendaient inutile le salut apporté par le Christ, que le baptême des enfants était en usage pratiquement dans toute l’Église.66 En ou- tre, la question de l’origine de l’âme mettait en évidence le problème du moment où avait été commis le péché. Plusieurs hypothèses ont été avancées, parmi lesquelles la création individuelle permettait, éventuellement, de réduire l’importance du péché originel. Devant ce danger, Augustin met en garde Jérôme surtout dans sa lettre 166 où il réaffirme la nécessité du baptême.67 Le pélagianisme se rattache, selon Jérôme, à plusieurs courants anciens. Le moine de Bethléem, lorsqu’il le combat dans son épître 133 met en avant cet aspect. Non seulement il le considère comme une nouvelle forme de stoïcisme, mais il le qualifie comme une ramification de l’origénisme  (Doctrina tua Origenis ramusculus est),68 hérésie contre laquelle il avait lutté dans les années 400.69 65 Dalmon, « Entre pragmatisme », 239–257 ; Duval, « La correspondance », 363– 384. 66 La découverte de nouvelles sources – notamment la lettre 19* d’Augustin (par Johannes Divjak) et le texte complet du sermon 348A du même (par François Dolbeau) – a permis une reconstruction plus précise du cours des événements, particulièrement de la controverse entre Augustin et Pélage entre 411 et 418 qui aboutit à la condamnation du pélagianisme. 67 Augustinus, Ep. 166.28.2 (CSEL 44, 585) : qua Christi ecclesia nec paruulos homi- nes recentissime natos a damnatione credit nisi per gratiam nominis Christi, quam in suis sacramentis commendauit, posse liberari. 68 Hieronymus, Ep. 133.2 (CSEL 56, 247–248). 69 Malavasi, « Erant autem ambo iusti ante Deum », 247–254. clotho 3.2, za tisk.indd 208 14. 02. 2022 23:44:53 NOS…INTER NOS ERUDITIONIS CAUSA DISSERIMUS 209 Pélage exaltait la volonté et le libre-arbitre, liberum arbitrium, chez l’homme. Il fait ainsi preuve d’un orgueil démesuré aux yeux de Jérôme.70 De plus, le pélagianisme s’exprime en un combat plus concret ; à l’automne 416 des fanatiques s’attaquèrent aux monastères de Jérôme. Le problème pélagien fait apparaître des différences dans les analyses des deux correspondants ; il révèle aussi les divergences de leur caractère, et de leur attitude à l’égard de l’hérésiarque. Divers auteurs ont montré dans des études récentes que le débat fut une lutte entre Pélage d’une part, et, Augustin et Jérôme d’autre part.71 L’attitude qu’ils ont adoptée est visible dans leur correspondance et leurs autres ouvrages. Il semble que Pélage se soit dès le début opposé à Augustin, mais qu‘il aurait cherché à rencontrer son ennemi lors de son court séjour en Afrique.72 L’accusation qu’il porte contre l’évêque d’Hippone est principalement celle de son attachement passé au manichéisme. Ainsi Giovanni Martinetto estime que « les pélagiens, qui rétorquent constamment à Augustin ses écrits de jeunesse, le confirmeront de plus en plus dans la certitude qu’il a à affronter sa propre pensée de jadis et ses propres erreurs ».73 Si Pélage paraît tout à fait hostile à l’évêque d‘Hippone, néanmo- ins ce dernier a conservé, jusqu’en 419 environ, une attitude presque bienveillante envers lui.74 Dans ses ouvrages, on ne trouve pas chez Augustin d’allusion directe à la personne de Pélage : il veut lui laisser 70 Hieronymus, Ep. 133.1 (CSEL 56, 241) : ut per simulatam humiliate, superbiam discerent. 71 Canellis, « La composition du Dialogue », 247–288  ; Dolbeau, « Le sermon 348A », 37–63 ; Koopmans, « Augustine’s First Contact », 149–153 ; Pietri, « Les difficultés », 453–479. 72 Trace a été gardée de quatre lettres d’Augustin à Pélage, mais seule une lettre de Pélage a été conservée dans le De gestis Pelagli, devenu l’Ep. 146 dans la cor- respondance d’Augustin. Cette dernière lettre a été écrite en 410, et non en 412 ou 413 comme cela est le plus souvent affirmé. La lettre 146 d’Augustin est une réponse à la lettre de courtoisie que lui avait envoyée Pélage lors de son arrivé à Hippone, alors que l’évêque était absent de sa ville. La réponse d’Augustin se comprend sans peine, ainsi qu’il le raconta en 416/417, lorsqu’il dit avoir déjà entendu parler des discussions que le moine breton avait tenues à Rome contre ses Confessions. 73 Martinetto, « Les premières réactions antiaugustiniennes », 83–118, en particu- lier 105. 74 Brown, Augustine of Hippo, 340–352 ; Lancel, Saint Augustin, 457–486 ; Winrich, Pélage et le pélagianisme, 18–62. clotho 3.2, za tisk.indd 209 14. 02. 2022 23:44:53 MOHAMED-ARBI NSIRI210 la possibilité de revenir sur sa doctrine.75 En revanche, l’opinion de Jérôme à l’égard du moine breton est radicalement différente de celle de l’évêque d’Hippone.76 Ainsi, on apprend par Augustin que Pélage proclamait qu’il le jalousait comme un rival.77 Paul Antin remarque à ce propos : « ce qu’il lui faut, c’est être aux prises non avec une thèse, mais avec quelqu’un ».78 C’est pourquoi on peut considérer que, pour Jérôme, cette querelle « pélagienne » devient, comme autrefois contre l’origénisme, un conflit personnel.79 L’attitude d’Augustin, vis-à-vis de l’énergie que met Jérôme à combattre Pélage, apparaît dans ses lettres. Au moment de la querelle origéniste, il l’engageait à ne pas tenir de propos qui l’empêcheraient de revenir à des relations amicales avec Rufin d’Aquilée. En ce qui concerne Pélage, Augustin fait allusion à la possibilité d’un pardon.80 Cette opposition dans leur façon d’envisager la lutte contre le pélagi- anisme ne nuisit pourtant pas au front commun qui s’établit dès 415. L’important était pour Augustin et Jérôme d’unir leurs forces.81 C’est 75 Augustinus, Ep. 19*.3 (BA 46B, 1987, 288–290) : Nunc ergo occasione Lucae serui dei perlatoris inuenta quem sibi optime cognitum Palatinus mihi diaconus inti- mauit eumque ad nos quantocius rediturum esse promisit ac pro illo mihi fidem fecit, quod ei dubitare non deberem portandas quaslibet litteras tradere, misi per eum librum eiusdem Pelagii. Quem mihi dederunt serui dei Timasius et Iacobus, quos per operulam meam dominus ab illo liberauit errore. Erant autem auditores eius multumque carissimi. Misi etiam eum [librum] quo ei respondi – hoc enim me impendio rogauerant et hoc eis utile ac salubre esse praeuideram – ad eos sane scripsi non ad Pelagium, illius tamen operi uerbisque respondens eius adhuc tacito nomine, quoniam sicut amicum corrigi cupiebam, quod fateor adhuc cupio, quod nec tuam Sanctitatem ambigo optare. 76 Jeanjean, Saint Jérôme et l’hérésie, 63–73 et 387–431. 77 Augustinus, Contra Iulianum Pelagianum 2.36 (PL 44, 699–700) : De illo…sancto presbytero…non solet Pelagius iactare, nisi “quod ei tanquam aemulo inuiderit”. 78 Antin, Essai sur saint Jérôme, 214. 79 Moreschini, « Gerolamo tra Pelagio e Origene », 207–216. 80 Augustinus, Ep. 19*, 4 (BA 46B, 1987, 290) : Denique nunc scripsi et ad ipsum quod, nisi fallor, acerbe accepturus est, sed ei postea fortasse proficiet ad salutem. Scripsi etiam de illo prolixam epistolam episcopis Eulogio et Ioanni, et breuiter sancto presbytero Passerioni ; quae ita in mandatis dedi, ut ad tuam sinceritatem omnia perferantur. Quaecumque autem mihi occasio proxima occurrerit omnium earumdem epistolarum exemplaria manu mea subnotata, quam confido tibi esse notissimam, tuae germanitati, adiuuante domino curabo dirigere, ut scias mihique rescribas, utrum ad te non solum cuncta sed etiam integra et uera peruenerint. 81 Hieronymus, Ep. 134.1.1 (CSEL 56, 262) : nos enim inter nos eruditionis causa disserimus. Ceterum aemuli et maxime heretici, si diuersas inter nos sententias clotho 3.2, za tisk.indd 210 14. 02. 2022 23:44:53 NOS…INTER NOS ERUDITIONIS CAUSA DISSERIMUS 211 d’abord par une meilleure connaissance des événements et des actions de chacun qu’ils peuvent lutter efficacement contre Pélage. Augustin et Jérôme partagent leurs opinions en se communiquant mutuellement leurs ouvrages. L’échange de leurs travaux et de leurs impressions se fait aussi oralement, par l’intermédiaire des porteurs, qui, dès lors, ont un rôle plus important.82 Ainsi Paul Orose fut plus qu’un messager : il a sans doute apporté plusieurs ouvrages d’Augu- stin, quand il se rendit en Palestine, dont le De peccatorum meritis et remissione ; de même, à son retour, il semble qu’il ait apporté le Dialogus adversus Pelagianos.83 Une conjonction de leurs efforts a bien lieu, et des liens s’établissent entre l’Afrique, la Palestine et la Gaule ; en effet, Heros d’Arles et Lazare d’Aix se sont manifestés contre Pélage en Orient, et ont provoqué le synode de Diospolis en 415. L’évêque Lazare porta aussi une lettre de Jérôme à Augustin. La lutte engagée contre le pélagianisme aboutit à une condamnation ratifiée par l‘évêque de Rome. Leur victoire est célébrée par Jérôme dans une épître adressée à Augustin et Alypius de Thagaste.84 La contribution des Africains à l’issue de cette polémique est évidente, et Augustin apparaît comme le principal adversaire africain des pélagiens.85 Les participations de Jérôme est, elle aussi, assez importante. Il s’agit de deux ouvrages qui parurent vers 414/415 : l’épître 133 à Ctésiphon, et son Dialogue contre les Pélagiens, qui eurent un grand retentissement. Quoique le moine n’ait pu intervenir lors des assemblées de Diospolis et de Jérusalem, il a permis, conjointement à l’action d’Orose, de faire connaître le point de vue des évêques africains dans cette affaire, qui, en Orient, paraissait être un problème essentiellement latin. Cette situation favorisait les projets de Pélage, car les Orientaux qui connaissaient parfaitement le latin étaient peu nombreux, et, à Jérusalem, les propos d’Orose furent mal traduits. À cette occasion, alors que le prêtre espagnol venait de faire état de l’opinion augus- uiderint, de animi calumniabuntur rancore descendere. 82 Letourneur, « La circulation des messagers », 127–137 ; Sotinel, « La circulation de l’information », 177–194 ; Paoli-Lafaye, « Messagers et messages », 233–259. 83 Hieronymus, Ep. 134.1 (CSEL 56, 261) : Virum honorabilem, fratrem meum, filium dignationis tuae, Orosium Presbyterum et sui merito et te iubente suscepi. 84 Hieronymus, Ep. 143.1.2 (CSEL 56, 292–293) : quia cooperatoribus et auctoribus uobishaeresis Caelestina iugulata est. 85 Dalmon, « Les lettres échangées », 791–826 ; Salamito, Les Virtuoses et la multi- tude, 169–205. clotho 3.2, za tisk.indd 211 14. 02. 2022 23:44:53 MOHAMED-ARBI NSIRI212 tinienne et de la condamnation qui avait été prononcée à Carthage, Pélage fit cette réponse : Quid est mihi Augustinus ? Même s’il est vrai que le jugement africain concernait Célestianus, cette parole montre bien de quelle façon on estimait l’autorité d’Augustin et des évêques africains en Orient. La collaboration d’Augustin avec Jérôme a contribué à la lutte contre le pélagianisme, en permettant d’établir une défense commune en Palestine et en Afrique. Plus qu’un simple sujet de conversation, cette hérésie fut l’occasion pour les deux correspondants de s’engager ensemble dans un même combat, et d’échanger lettres et travaux divers, plus fréquemment qu’auparavant. 4. CONCLUSION Les relations entre l’évêque d‘Hippone et le moine de Bethléem leur ont permis d’aborder des questions ecclésiastiques. Quoiqu’ils ne furent pas toujours d’accord, l’intérêt de l’Église et le souci de préserver son unité primèrent dans leurs controverses. Les trois sujets, sur lesquels ils dissertèrent, prouvent la diversité des moyens dont ils disposaient pour communiquer, et la richesse de leurs lettres. Néanmoins, malgré ces avantages, leur correspondance fut aussi un obstacle qui les empêcha d’aborder toutes les questions qui y étaient suggérées. clotho 3.2, za tisk.indd 212 14. 02. 2022 23:44:53 NOS…INTER NOS ERUDITIONIS CAUSA DISSERIMUS 213 BIBLIOGRAPHIE Allgeier, Arthur. « Die Hexapla in den Psalmenübersetzungen des heiligen Hieronymus ». Biblica 8 (1927) : 450–463. Antin, Paul. Essai sur saint Jérôme. Paris : Letouzey et Ané, 1951. Asslaber, Peter. Die persönlichen Beziehungen der drei grossen Kirchenlehrer Ambrosius, Hieronymus und Augustinus. Vienne : Mayer & Comp, 1908. Auvray, Pierre. « Saint Jérôme et saint Augustin : La Controverse au sujet de l’incident d’Antioche ». Recherches de Science Reli- gieuse 29 (1939) : 594–610. Bardy, Gustave. « Saint Jérôme et ses maîtres hébreux ». Revue Bénédictine 46 (1934) : 145–164. Barr, James. « St. Jerome’s appreciation of Hebrew ». Bulletin of the John Rylands Library 49 (1967) : 281–302. 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Leurs échanges, très orageux parfois, restèrent respectueux à la co- dification de l’épistolographie du temps. En somme chacun gardait ses idées, et Jérôme se refusait à toute discussion ; mais ni l’estime, ni l’affection réciproque ne reçurent d’atteinte et il viendrait un temps où la collaboration intellectuelle si désirée s’établirait d’elle-même pour faire front devant l’ennemi commun, Pélage. MoTS-CLÉS: Augustin d’Hippone, épistolographie, lettre, Jérôme de Stridon, Pélage, hérésie clotho 3.2, za tisk.indd 219 14. 02. 2022 23:44:53 MOHAMED-ARBI NSIRI220 “NOS… INTER NOS ERUDITIONIS CAUSA DISSERIMUS”: DISAGREEMENT AND RECONCILIATION IN THE CORRESPONDENCE BETWEEN AUGUSTINE AND JEROME ABSTRACT The paper focuses on the history of concepts by studying the key theo- logical themes in the correspondence between Jerome and Augustine. Their otherwise fierce debate remains respectful within the literary genre of epistolography and its confines that were characteristic of the period. Although each of them stood by their beliefs that Jerome frequently refused to even discuss, their respect and mutual affection were not in question, particularly when they were both intellectually focusing on the front against their common adversary, Pelagius. KEYWoRdS: Augustine of Hippo, epistolography, letters, Jerome of Stridon, Pelagius, heresy clotho 3.2, za tisk.indd 220 14. 02. 2022 23:44:53 NOS…INTER NOS ERUDITIONIS CAUSA DISSERIMUS 221 »NOS … INTER NOS ERUDITIONIS CAUSA DISSERIMUS«: NESOGLASJE IN SPRAVA V KORESPONDENCI MED AVGUŠTINOM IN HIERONIMOM IZVLEČEK Prispevek se posveča zgodovini konceptov skozi raziskovanje glavnih teoloških tem v epistolografski korespondenci med Hieronimom in Avguštinom. Njuna mestoma sicer zelo burna razprava ostaja znotraj literarne zvrsti, značilne za ta čas, in ohranja spoštljivo vljudnost. Čeprav je vsak izmed njiju stal za svojimi prepričanji in je Hieronim ponekod celo zavrnil razpravo, sta ohranila medsebojno spoštovanje in vzajemno naklonjenost, še posebno v času, ko sta morala na inte- lektualni ravni združiti moči proti skupnemu nasprotniku, Pelagiju. KLJUČNE BESEdE: Avguštin iz Hipona, epistolografija, pismo, Hieronim iz Stridona, Pelagij, herezija clotho 3.2, za tisk.indd 221 14. 02. 2022 23:44:53