ABREGfi DE I/HI8T01RE DES INDIENS DE L’AMERIQUE SEPTENTRIONALE. .TJJ1AO .l .a ob «h»mhq(ul_ .ell»H Jt . oncothuB 0£>«W 303/MA- m na ;jik/ > Klil a>U0T8lH P J JJJAKOUITPEIT^L-S a r JOUl3!AA'J M Pariš. —Imprimerie de E.-I. BAILLT, Plače Sorbonne, 2. ABRfiGfi DE i/HISTOIRF. DES INDIENS DE L’AMERIQUE SEPTENTRIONALE, PAR F. BARAGA, Missionnaire au lac Superieur. TRADUIT DE VALLEMAHD , jaa/iai UMnufd aa znam m čaa aa .hjmoi iimnaa aupwto*j t AOta*a .* aA f ABRfiGfi DE L’HISTOIRE DES INDIENS DE L’AMERIQUE SEPTENTRIONALE. L’histoire des peuples d’Amerique com- rnence avec le 12 octobre 149 2 * fdt en ce jour dccisif pour rAmerique, jour le plus important de ses annales , que Chris tophe Colomb decouvrit cette pariie du monde jusqu’alors enticrement inconnue aux peuples de 1’autre hemisphere. Christophe Colomb, genois de naissance,, avait pense qu’en marchant toujours vers Test il arrlverait aux Indes orienlales par une route plus direcle et par consequent beaucoup moins longue que celle du cap de Bonne-Esperance suivie jusqu’aIors; il resolut done de tenter une expcdition, 1 2 pour s’assurer de la possibilite de ceite entreprise. Pour l’executer il cbercha l’appui et la proteclion du gouvernement genois, mais on le traita de reveur, et son plan fut rejete« II se rendit ensutte en Portugal pour solliciter la cooperation de cette cour ou ses dernarches ne furent pas plus heureuses. 11 alors son fr&re Bar- thelemy vers Henri VII, rci d’Angleterre. Mais Barthelemj fut fait prisonnier en route, et languit long-lemps dans lesfcrs, de sorte que plusieurs annees se passerent avant qn’il put remplir la mission dont il avait ete eharge par son bere. Ferme et inebranlable , Chrislophe Co- lomb etait loin de songer a reculer devant tant d’obsiacles; l’execution de son plan etait son unique pensee , et il s’adressa k la cour d’Espague. Le roi Ferdinand ne voulut aucunement erjtendre parler d’une cooperation quelconque a unp telJe en¬ treprise; comme tout le monde, il trai- tait le plan de Colomb de rdverie, et regardait son execution comme entifere- I s ment impossible. Le genie de ee grand homtne s’elevait lellement au deSsus de lesprit de ses contemporains, qu’il ne se trouvait pas metne dans les cours des sou- verains un liomrne en etat de comprertdre ses projets. ApiAsuu delai de qualre ans, capable de rebutertout. hommed’une perseverance lMoins rare, il trouva enfin dans la reine Isabelle, le m me de Ferdinand, un appui et im parlisan žele de ses plans. Eli e vendit une partie de ses bijoux, et lit eqaiper trois balimens nortunes : Sancta-Maria, Pinta et Nigna. Avec cette petke flotte, Colomb s’eloi- gna, le 3 aoftt 1492, des cotes d’Espagne, et s’avansa constamment dans la direction de 1 ’occideiitsur cet ocean immense qu’au- cun vaissean n’avait eneore sillonne. Son but eiait d’aborder aux Indes orientales, tnais la Provideuce lui ouvril le chernin d un nouvea« inonde jusqu’alors entiere- Bient ineojuuu a tous les peuples civi- lises. U etait a petne depuis deux mois en 4 route, que le plus grand decouragement et le plus prolond mccontentemenl sema- nifesterent parmi l’equipagej il lui fallut employer toutes les ressources de son es- prit pour ranimer le calme et obtenir qu’on ne renongal pas a 1’entreprise. Ce~ pendant tous ses raisonnemens et toute son aulorite ne les tranquilliserent pas pour long-temps. Un murmure general se lit bientot entendre, et s’accrut k un tel point ,jue lcur decouragement et leur desolation approcbaient du desespoir. Au miiieu de tant d’obstacles Colomb resta toujours terme el inebranlable, et toujours il par- vint a rcndre le calme aux com- pagnons de son entreprise. Il se vit enfin eontraint de leur promettre que si dans trois jours la terre ne s’offrait pas a leur vue, ils se dirigeraient versle retour. Mais la Providence qui avait decrcte de laire arriver celte conlree k la connaissance du monde civilise, permit qu’avanl l’expira- tion de ce delai, ils decouvrissent le ra octobre 149 -^ une ile k laquelle ils don- nerent le rtom de San Salvador. 5 Un eri de joie general se fit entendre; lis tomberenl tous a genoux, et remercie- rent Dieu de l’heureux succes accorde a leur entreprise. Us conjurerent en meme temps leur capilaine, dont ils reconnais- saient et admiraient maintenant le genie , de leur pardonnerleur coupable conduite. Colomb prit terre le premier, revetu du costurne le plus magnifique, 1’epee nue a la main. et suivi de tout Fequipage. Ils se prosternerent tous de nouveau, baiserent la terre de ce monde nouveau, et Colomb prit solennellement possession du pays au nom de la reine Isabelle. Les Espagnols et leur chef ne 1'urent pas peu etonnes de ne trouver parmi les ha- bitans de 1’ile que des races dliommes toul-a-fait differentes de toutes celles qu’ils avaient vues jusqu’alors. lis elaient d’une couleur cuivree, nus, sans barbe, et portaient de longs cheveux noirs. Mais bien plus grand encore fut 1’etonnement des sau- vages a la vue des Espagnols ; ils les prirent pour des enfans du Soleil, leur principal® divinite. Colomb a.pres a v ©ir emploje quelques semaines a pousser des reconuaissances jus- que dans 1’interieur da pa js qu’il avait de- couvert, el avoir visite plusieursaalresiles voisines, se recfcit en route vers LEurope. Durant le trajet il lat assailli par une tem¬ pete horrible qui faillil le faire perir. Au plus iort de: 1’orage, Colomb ecrivit avec une presence d’esprit admirable un court recit de sonespeditiou:, renferma avec soin son ecrit dans un tormeau qui devait le de- fendre contre la fureur des flots, et langp le tonneau a la mer, dans 1’esp.eranee qu’il tomberait un jour e n tre les maius de quel- que navigateur r et que dans letcas ou lui- meme perirait dans cette tempete, le monde apprendrait au moins son importante de- couverte. La tempete ceda cependant, et Colomb aborda en Espagne le i5 marš i49^* Le chemin du Nouveau-Monde une 1'ois trače par CoAonafa, ne tar da pas it etre par- eouru par des gens de p differentes nations jaloux de faire de nouvelles decouvertes, oud’y creerdesetablissemens. '» Cest unfaitetablipar 1’histoire, qu’k l’e- poque de la decouverte de l’Amerique, toute cette parlie du inonde etait habitee; mais quand et comment ses premiers habh- tans s’y etablirent-ils , c’est ce qu'aucun au- teur n’a demontre. L’histoire des peuples americaius avant la decouverte de leur pajs, nous est enlierement inconnue, et le restera probahlement toujours. La question de Vorigine des Indiens d’A- merique est resolue de differentes manie- resparles historiens anglais. II me semble cependant qu’on ne saurait raisonnable- ment revoquer en doule qu’ils ne soient ve- nus d’Asie, cette contree dont est sortie toute race humaine, d’autant plus que le d&- troit de Behring qui separeTAsie de 1’Ame- rique, n’a en quelques endroits que qua- rante milles d’Angleterre, distance bien Bioindre que celle que les Indiens Iran- cbissaient souvent dans leurs canots; ils pouv aiem done bien facilement passer d’A- sie en Ameriqu$. £ IJt outre, le deiroil de Behring est gele en biver, et. les- Indiens sonl dans rbabitude d p f a *re sur les 8 glaces de leurs lacs des voyages de plus de quarante milles auglais. Les cotes seplentrionales de l’Amerique ne furent explorees qu’eu 1497 P ar John Čabot (1). 11 avait ete envoye en Ameri- que par Henri \II, roi d’Angleterre, qui voulait aussi avoir sa part du monde nou- vellement decouvert. II aborda d’abord a File de laNouvelle-Finlande (New-Found- Land) et ne tarda pas a decouvrir bientot apres la Terre ferme du nord de 1’Ameri- que, et fut le premier Europeen qui visita ce nouveau coniinent; inais il retourna bientot apres en Angleterre, sans avoir fonde aucuue colouie. En 1524, Frangois I« r , roi de France, envoya vers le Nouveau-Monde un Flo- renlin nomme 'Verrazano, pour prendre au nom de la couronne de Fi'ance possession d’une partie de ce pays. II aborda en Flo¬ ride , et apres avoir parcouru et visite les (1) Son vdritable nom est Giovanni Gaboto. II etait Vdnitien de naissance, mais en s’dtablissanl en Angleterre, il prit le nom de John Cabot, et c’estsous ce nom qu’il est connu dans l’histoire. 9 cotes de l’Amerique septentrionale, il re- tourna en France, sans avoir fait aucun essai d’etablissement. L’annee i584 vit la premiere tentative de colonisation dans l’Amerique septen- trionale. VValter Raleigh, gcnlilhomme an- glais, elait a la tete de la colonie; ils s’e- tablirent en Virginie, au nombre de cent quatre-vingts hommes. Mais sa duree fut bien eourte; car les colons aulieu de s’ap- pliquer a Fagriculture, ne songeaient qu’k chercher de Tor et de 1’argent. Leurs pro- visions furent bientot epuisees, et ils se vi- rent contrainls, pour vivre, de commencer des echanges avec les Indiens: cela ne pou- vait se prolonger bien long-temps; ils aban- donnerent done la colonie , et retourne- rent en Angleterre, apres un sejour en Amerique qui n’avait pas dure toutefois deux ans. Ces colons avaient, durant leur sejour, pris des Indiens de rAmerique septentrio- nale l habitude de lumer du tabacjde vneme queles Espagnols 1’avaient prise , bien des annees auparavant, des Indiens de l’Ame- i. 10 rique meridionale, ct a leur retour en Eu- rope, ces colons iransndrenl a leurs com- patriotes cel usage bien digne des sauva-r ges. Toutes les leniatives pour fonder dans rAmerique seplentrionale une colonie du- rable, echouerenl., jusqu’a ce qu’enfin, en 1607, les fondemens d’une colonie sLable furent jetes en Virginie. Aveccelte annee aussi, commence 1 ’bistoire des Indiens de cette parne de l’Atnerique. L’histoire de ces peupies avant celle periode, esi entiere- ment inconnue, laute de toule espece de document hislorique. Christophe Newport a la tete de ceni cinq colons anglais, prit lerre sur la cole de Virginie, preš de Temboucbure d’un grand fleuve, auquel il donna le nom de James, en 1 ’honneur du roi. Ils remontč- rent le fleuve , jusqu’a ce qu'ils fussent ar- rives a une supcrbe vallee, dans laquelle ils rcsolurent de s’etablir. La ville qu’ils commencerent abalir, luL appelee par eux . egalement en 1 ’honnenr du roi d’Angleierre, JumeVTovvn. Dautres Anglais vinrent en- n core augmenter leur nombre, et la colonie pril; un aspect imposant. Les Indiens leurs voisins commenee- reni a concevoirdes inquietudes pour leur pays, en voyant 1’accroissement rapide du nombre el de la puissance des colons. Sans deelarer encore une gnerre ouverie , ils ne cacherent pas leurs intentions hostiles eon- tre la colonie. Les colons se virent done obliges d’entourer Jame’s-Town de palis- sades, pour se metlre eu etat de repousser les altaques de leurs sauvages voisins. Un des principaux colons, nomme John Smith , penetra un jour, avec quelqucs uns de ses compagnons, dans 1’inlerieur du pays. Quand ils furent 'a une certaine dis¬ tance de la colonie, ils se virtent tout-h- coup attaques par les sauvages qui les avaient. epies derriere les broussailles.Une lutte violente s’engagea, mais les Anglais, trop inferieurs en nombre, tomberent sous les coups de leurs ennemis oo birent faits prisonniers. Ge qui arriva h John Smith dans ce tom- bat, merite bien d’eire rapporte. Blcsse, 13 des le commencement de 1’action, par un trait des sauvages, il saisit de la main gau- che son guide, qui etait un Indien , et s’en fit un bouclier contre les fleches de ses ennemisj prenant de la main droite son mousquet, il renversa dans la poussiere quatre Indiens qui s’elaient approclies de lui. Tout en comballant, il batlait toujours en retraile , et il esperait deja echapper au danger,lorsqu’il se trouva tout-a-coup dans un endroit marecageux, ouil s’enfonca tel- lement que loute dcfense devint impossi- ble, et qu’il tomba enlre les mains des In¬ diens elonnes de sa bravoure. Pour echap¬ per a la mort inevitable qui le menacait, il oflrit avec une presence d'esprit admi- rable, aux Indiens qui le tenaient, une ai- guille aimantee renferame dans une boite d’ivoire, et commenga, tant par signes que par des mots entrecoupes, a leur expliquer les proprietes etonnantes de celle aiguille aimantee. Ils lurent Irappes d’etonnement, en considerant attentivement la boke, mais bientot leur altention se reporta sur leur important prisonnier. lis rattacherent i3 a un arbre, et allaient le percer de leurs fleches, lorsque tout-a-coup Plndien qui tenait la boussole dans ses mains, cria aux auires: Laissons-le vi vre encore, et ame- nons-le a notre roi. Ils le detacherent de Parbre, et le conduisirent en triomphe yers leur chef Povvhatan. Celui-ci convoquasori conseil, et le prisonnier fut condarnne en regle a mort, comme un homme qui, par son courage et son habilete, pourrait etre tres dangereux aux sauvages. Smith fut con- duit aussilot sur le lieu du supplice. La se irouvait une grosse pierre sur laquelle le rnalheureux patientfut oblige de meltre sa tete. Powhatan voulut remplir lui-meme les fonctions de bourreau; on lui apporla une enorme massue, et deja son bras vigoureux 1'avait levee sur la tete de 1’Europeen qu’il allait broyer, lorsque tout-a-coup un eri d^ffroi se fit entendre. C’elait la jeune et belle Pokahontas, sa fille, qui etait a ses pieds, et p enchee sur la lete du condarnne. EUe lourna ensuite son regard suppliant vers son pere etonne, et lui demanda par unlangage rnuet,maisbieneloquent, la vie *4 du prisorraier. Le barbare sauvage dont le cceur n’etait pas encore ferme a tout n oble sentiment, se sentit vaineu par cette de- niarehe et son bras retomba sans force. Le meme sentiment s’empara des assistans, Smith fut gracie et bientot apres renvoye en libeiie. Cette circon stance retablit les rapports amicaux et pacifiques entre les colonsctles Indiens ; cette paix dura deux ans. Pojvvhatan fut un des chefs les plus re- marquables de l’Amerique septentrionale. II regnait avecunpouvoiriilimitesur toutes les differentes tribusindiennesdescontrees qui eomposenl aujourd’hui 1’etat de Virgi¬ nie. Leurnombre s’elevail a trente au temps de rarrivee des premiers colons anglais; chaeune d’elles a vait a la veri te son chef par- ticulier, inais Povvhatan etendait sa supre- matie sur toutes. Les chefs des trente tribus lui payaient une rede^auce annuelle en f'ourrures, peaux de chevreuil, ble de Tur- quie, cuivre, etc., et ces chefs se faisaient livrer cette redevance par les membres de leur tribu. Povvhatan avait quatre residences qu’il i5 habltait a differenles epoques de Tannee. Son palaiscousislaitenune cabane indienne iort haute et fort large, d’une longueuF environ de cent pieds. 11 y demeurait avec ses gardes, sa femme et ses serviteurs. Sa garde se composait de quarante a cinquante de ses plus grands et de ses plus vigoureux guerriers- La nuit, quatre de ces guerriers veillaient aux quatre coins de sa residence. De tenaps en tetnps, toul.es les demi-heures environ, ils s’appelaient les uns les autres pour se tenir eveilles. Quand Tun d’eux ne repondait pas, il eLait lrappe cruellement par un aliicier de la garde.. Ce puissant roi indien avait encore une autre cabane tres forte, laite en troncs d’ar- bres joints ensemble et environnee de hau- tes palissades; elle renlermait son tresor. Cette cabane avait a peu preš cent ciasfuante pieds de long et une largeur proportionnee. C’etait la qu’etaient conservees ses fourru- res, ses peaux et auires objets qu’il reče- vait en tribut, aussi bien que son are et ses fleches. son bouclieret sa massue.Pour inspi- fgr a sessujetsun certain respect pour cet i6 edifice, il avait eusoinde faire placer a cha- cune des extremites 1’image d’uneidolc; ces figures grossierement travaillees, represen- taient un dragon,un ours,un leopardet un homme. II avait un grand nombre de femmes dans ses residences. Une de ses femtnes etait toujours assise a sa droite et une autre a sa gauche. Avant chacun de ses repas, une de ses femmes lui apportait de l’eau, dans un vase debois, pour se laver les mains, et une autre lui presentait du duvet, dont il se servait, en plače de servietie, pour se secher les mains. Quand il etait degoule de ses femmes, il les donnait a ses guerricrs, et en prenait d’autres. En 1609, les hostililes recommencerent de la part des Indiens, etPovvhatan congut avec ses sujets un plan dont la reussite de- vait laire perir tous les colons d’un seul coup. Heureusement pour ccux-ci, la noble Pokahontas fut informee ducruel projet de son pere. Les Indiens avaient resolu de tomber, durant la nuit, sur les blancs qui ne soupgonnaient aucun danger , et de les *7 tuer tous sans exception. C’etait une nuit sombre el. orageuse : Pokahontas se glissa secrei cmerit hors du camp de son pere , courul vers Jameks-Tovvn, et decouvrit aux colons 1’horrible plan forme corrlre eux. Ceux-ci se haterent de se met.lre en defense, et quand les sauvages trouverent les vail- lans Anglais prets a les recevoir, ils se ha- tžrent de fuir dans leurs forets. Cctte etonnanie jeuneindlenne resta des lorsa Jarne’s-Towi), etepousabientot apres nn des principaux colons, nomme Rolf. Ce mariage fut celebre avec la plus grande pompe , car c’etait le premier mariage d’nu Europeen dansl’Amenque septentrionale. Quelques annecs apres, elle alla avec son mari en Anglcterre, embrassa la religion chretienne, et regut le bapteme dans une eglise anglicane. Elle revint ensuite en Vir¬ ginie, ou elle mourut bientot apres. Ses descendans appartiennent mainlenant aux familles les plus dislinguees du pays. Le commandant de la colonie qui ne tarda pas a remarquer avec quel plaisir les Indiens avaient vu un Anglais epouser une i8 Indienne, engagea plusieurs colons a con- tracter des mariages de ce genre. Les In- diens, apres le retablissement de la paix, vinrent eux-memes avec leurs filles et les offrirent pour femmes aux colons; mais au- cun de ceux-ci n’en voulut, ce qui affligea ifaaucoup les Indiens, et leur lit conclure naturellement que ces elrangers les mepri- saient et les haissaient. En 1620, fut fondee dans le pays qu’on appelle aujourd’hui le pays de Massachu¬ setts, la seconde colonie anglaise de l’A- merique du Nord. Quand les colons y ar- riverent, ils envoyercnt quelques uns de leurs compagnons pour decouvrir un lieu favoi’able a la fondationde leur colonie. Ils s’etaient a peine un peu avances qu’ils ren- conlrerent une horde de sauvages que leur vue effraya tellement qu’ils s’eloignerent rapidernent et ne reparurentplus aux yeux des colons. Us trouverent aussi quelques paniers de blc de Turquie qu’ils emporte- rent pour le semer au prlntemps. Apres de longues recherches, ils finirent par irouver un endroit qui leur parut favorable poury r 9 form er unelablisserneni,- ils commencerent done h bar.ir une ville, a laquelle ils don- nerentle nom de Pijmouth. Quoique les Indiens ne fissent jamais d’excui sions sur leur nouvelle residence , les colons n’etaient pas rnoins dans une crainte eontinuelle de leurs sauvages voi- sins.Pour sortir decette position desagrca- fcle, ils chercherent a faire un traite d’al- liance avecles Indiens, et ils y parvinrent enfin au mois de marš de 1’annee 1621. Samoset, un des chefs des Indiens voi— sins , fournit Poccasion de conclure ee tratce. II vint un jour de l iuteriejtir du pays, fit cinq journees de marebe pour se rendre a Plymouth , el quandil y fut arri- ve, il cria aux colons, en anglais : Soyez les bienvenus, Anglais! Soyez les bien- venus , Anglais! lis furent on ne peut plus.etonnes de cellesalutation amicale du sauvage , el de 1’entendre exprimee en langue anglaise, II leur raconta alors qu’il avait vecu quel(jue temps avec des pe~ cbeurs anglais, venus sur la cole, et qu’il avail appiis un peu leur langue. 11 ajouta 20 ensuite que 1’endroit ou ils s’etaient etablis avait ele autrefois tres peuple d’indiens, roais que cinq ans auparavant une peste si affreuse s’etait declarec parmi eux, que pas un seul individu, homme, femuie ou enfant, n’avait cchappe a ses ravagcs. Les colons traiterent cet Indien si bien dispose en leur faveur, avec toute sorte de dislinction, et chercherent a se 1’attacher encore davaniage. Ils rcussirent parfaite- ment. II revinl les voir souvent et aniena un jour avec lui leur chef supreine ou roi, nomme Masassoil. Celui-ci n’osa cepen- dant pas entrcr encore dans 1’etablisse- ment des colons, el s’arreta a une certaine distance avec une garde de soixante In- diens d’elite. Les Anglais de leur cole n’avaient pas pleine confiance dans le sau- yage. Une meliance r^ciproque les tint quelque temps a distance. Enfin les colons envoyerent a Masassoit un Indien de leur connaissance pour 1’assurer de leur amide. Masassoit le renvoya, en leur faisant sa- voir qu’il desirait parler a un Anglais de la colonie. Les Colons lui adresserent un des principaux d’entre eux, charge d’ap- porter a Masassoit de riches presens. Če¬ lni -ci accueillit avec amilie les presens, remit FAnglais entre les mains de sa garde et se rendit dans la vilie des colons. II y recut les plus grands temoignages d’hon- neur et d’ainitie , et on conclut avec lui un traite qui dura plus de cinquante ans. La colonie de Jame’s-Town en Virginie ne fut pas aussi heureuse. Les colons se multipliaient tous les jours, et ils s’eten- daient toujours de plus en plus dans le pays. Leur grand nombre leur donnait une parfaite securite: ne soupgonnant au- cun danger, ils ne songeaient pas a epier les demarches des Indiens, et quoique entoures d’un peuple dont l’experience leur avait 1’ait connaitre Tesprit de malice et de vengeance^ ils negligeaient toutes les precautions que la prudence et la prevoyance prescrivaient dans leur posi- tion. Les Indiens, dont ils se servaient comme chasseurs, obtinrent des armes h feu etne tarderent pas i devenir tres ha- biles a s’en servir. La confiance qu’on 32 leur accordair eiait telle qu’on les laisait veriir a toute h e ure dans les habitations. Cela donna 1 ’idee aux perfides Indiens de former un plan bien digne de leur carac- tere et dont feseculion devait aneantir les colons. Malheureusement pour ceux-ci les Indiens avaient aussi un chef capable de conduire avee une adresse et une habilete etonpantcs un pareil projet de destruction. Ce chef etait Opechankanow, le succes- seurdudangereux Povvhatan qui etaitmort en 1618. Opechankanow avait Aoules les qualites necessaires a un chef de sauvages. 11 joignait a un courage intrepide, a une force et a une talile gigantesque une pru-. dence et une habilete consommees. C elait en outre un hotnme venu d’une tribu plus civilisee duSud, sans doute de 1’empire du Mexique. II jouissait d’une lelle consi- deration parmi les Indiens de Virginie que toutes les differentes tribusde cet e'tat se soumettaient sans opposition a ses ordres. Aussi les ecrivains anglais de ce temps-lk le nomment-iis 1 ’empei’eur des Indiens. a3 Des que Opechankanovv iut parvenu h 1’autorile supreme en Virginie, il resoiut de faire perir a la iois tous les colons anglais de cet etat, car leur presence n’e- tait pas une petite entrave a sonambition. Quatre anslurent eraplojes a mieux medi- ter les mojens d’execu,tion de ce plan meurtrier, et cela avec tant de prudence et de discretion, que les colons n’en eu~ rent pas le moindre soupcon. Toules les tribus indiennes qui vivaient dans le voi- sinage des colons., devinrent peu a peu complices de ce projel sanglant, a l’ex- ception de quelques tribus qui demeu- raient sur les coles de la mer et qui etaient enlierement devouees aux Anglais. II est prodigieux que les preparalifs de l’execu- tion dece plau aientpu etrefaits sisecrete- ment et avec tant de prudence, que durant les quatre ans, pas un individu de ces tribus amies ne s’eu aper^ut le raoins d,u monde. On avait designe a chaque tribu le lieu ou elle devait laire ses operations, car, comme nous 1 avons deja dit, les colons 24 s’etaient etendus fort au loin dans le pays et possedaient deja beaucoup de villages et de petiles villes. Le 22 marš 1622 fut fixe pour l’execu~ tion de ce plan barbare. Le malin de ce jour, chaque tribu se rendil au lieu qui lui avait ete destine. Les colons soupcon- naient si peu la deslruction qui les rnena- $ait que tous les Indiens qui vinrent le matin de ce jour iufortune, observer leurs positions, furent accueillis avec la bienveillance accoulumce. Midi etait 1 ’heure designee pour l’exe- cution de 1 ’horrible projet. Les Indiens n’onl a la veri le pas de montres, mais ils savent tres bien distinguer a la hauteur du soleil,quand il eslmidi. Cessauvages avides de meurtres, consideraienl en ce jour le Cours du soleil avec celte impatience que la passion excite toujours dans ses esclaves quand le moment de la delivrance appro- che ; des qu’il eut atleint le milieu de sa course , ils se precipiterent lout-a-coup de lous cotes sur les victirnes desarmces de leur barbarie, et tuerent sans distinc- tion tous les Anglais qu’ils purent trouver. Plusieurs petits villages des colons furent tellement detruits, que pas un individu n’echappali la mori. En un seul instantpres de trois cent quarante-sept hommes, femmes et enians, regurent le coup de la rnort. La destruction des colons eut ete ge¬ nerale , telle qu’elle avait ete resolue, si un Indien converti a la religion angli- cane, et informe du projet, la veille de son execution, ne l’eut decouvert a un Anglais, et netit par la sauve Jamestown ainsi que plusieurs villages voisins; car dans ces en- droits les colons regurent les meurtriers les armes a la main, et les Indiens qui avaient montre dans leurs preparatifs une discretion et une habilete etonnantes ne deplojerent pas autant de courage dans l’execution de leur plan et prirent la 1'uite des qu’ils rencontrerent une resistance serieuse. Les colons e'chappes a ce massacre s’enfuirent tous vers Jamestown, et ne songerent plus qu’a se venger de leurs ennemis. L’histoire prouve qu’ils surent 26 tres bien imiter et surpasser meme les exemples de trabison, de vengeance et de carnage queleur avaient donnes les sauva- ges. II rcsolurent h leur tour de detruire atltant que possible les Indiens dans toute la Virginie. Ils firent dcs ehasses en regle contre eux comme contre des animaux sauvages, et quand ceux-ci se furent reti- res tout-a-fait dans les Torets, oit les An- glais ne pouvaient plus les poursuivre, ils employferent toutes les ruses imagina- bles p.our les attirer au dehors. Ils leur promirent leur amitie et 1’oubli du passe, avec une apparence si hypocrile de since- rite, que les Indiens, deposant toute crainte, revinrcnt dans leurs demeures. Les An- glais tinrent alors envcrs les sauvages la conduite que ceux-ci avaient tenue a leur egard. Tandis que les Indiens vivaient dans la plus grande securite, voyant que les Anglais les traitaient avec plus d’amitie cncore qu’auparavant, ils furent tout-a- coup assaillis de tous cotes, et tous ceux que les Anglais purent atteindre, pc'rirent. Ils s’enfuirent en petit nombre dans les 2 7 forels, ou beaucoup d’entre eux perirent par la faim, tellement que plusieurs tribus disparurent entierement du sol de 1’Apie'- rique. En i635, se forma nn nouvel eta- blissement dans le pays qui porte aujour- d’huile nom de Connecticutt. Les sauvages du volsinage commence- rentbientot a molesterlescolous, et exerce- rent soutes sortes de cruautes contre ceux qu’ils trouvercnt isoles. Ils tornberent ■ ainsi un jour sur douze Anglais qui s’e- taient un peu eloignes de la colonie, en tuerent trois > et mirent. les autres en fuite. U.ne autre fois, ils attaquerent une troupe de colons qui se rendaient k la culture de leurs champs, leur tuerent six hornmes et trois femmes, emmenerent deux filles et vingt betes a eornes. Deux annees apres la londation de la cplonie, cn 1637 , les sauvages sous la conduite de leur cbef Gassakos, resolu- rent d’aneamir d’un seul coup la colonie dont les progres etaient si rapides. Us se reunirent en un camp de soixante-dix ca- banes qu’ils environnerent de plusieurs 28 rangs de palissades et od ils etablirent une espece de forteresse. Les colons se mirent en etat de defense, et quoiqu’ilsne fussent qu’au nombre de quatre-vingt-dix hommes, soutenus par soixante-dix In- diens attaches a leur parti, ils resolurent de prendre Favance sur leur ennemi etde Fattaquer dans ses retranchemens. Le 26 mai 1637, ilss’approcherent durant la nuit de la forteresse des Indiens. Ils s’avan- gaient dans le plus profond silence,sous les- ordres du capitaine Mason, esperant sur- prendre leurs ennemis, lorsqu’un chien se mit a aboyer si fortement, que les In¬ diens se levercnt efl'rayes, en criant Owa- noks! Ovvanoks! Anglais! Anglais! En un instant tous les Indiens furent sous'les ar- mes etdelendirentleurlorteresse avectant de courage, que les Anglais, au lieu de les entatner, se virenl eux-memes en danger d’etre ecrases par le nombre. En ce moment de perplexite les assiegeans decouvrirent un passage que laissaient les palissades, se precipiterent dans la forteresse, prirent des tisons, et mirent le feu aux cabanes 2 9 des Iudiens. On vent violent communiqua partoul aussitot la flamnie. Un horrible spectacle commenca, soixante-dix cabanes indiennes danslesquelles lesfemmes el les enfans se. tenaient caches, parurent lout en feu,et leurs malheureux habitans devinrent la proie des flammes. Ceux qui voulaient fuir de leurs cabanes etaient immoles sans distinction par les Anglais qui, en cette circonstance, surpasserentles sauvages en inhumanite. La plupart des hommes tout- a-fait transportes hors d’eux-meraes par la vue de cetle scene atroce, et par les cris et les lamentations horribles de leurs femmes et de leurs enfans devores par les flammes, tomberent sous les coups de leurs ennemis; un petit nombre d’entre eux parvint a prendre la fuile. Les Anglais obtinrent alors du secours e t poursuivirent l’execution de leur pi^ojet. Quand ils eurent alteint leurs ennemis, un combat acharne s’engagea. Les Indiens dont la rage etait poussee au dernier de- grese defendirentavec fureur. Mais comme leurs armes etaient trop imparfaites, ils ne purent lulter contre les troupes rcgu- 3o lieres des colons et furent si maltraites par eux qu'e de plusieurs tribus nombreuses , il ne restait etiviron que deux eents indi- vidus qui se livrerent aux Anglais et de- nianderent lapaix. Ceux-ci les partagerent entre les autrfis tribus leurs amies. Apres cette expediuon sanglante , la co- lonie jouit d’uii long repos de la part de ses sauvagcs voisins. Pour etre plus tranquilles encore, toutes les colonies anglaises de l’Anicrique du INord fireiit uh traite d’al- liance entre elles. Les chefs de ces colo- nies travaillerent trois ans a arreter les bases de cette alliance; ils tomberent eafin d’accord, etle traitefutsigne le i6mai 1 643. D’apres ce traite, les colonies s’enga- geaient a se soulenir reciproquemenl de iroupes, d’armes et de provisions, dans le cas ou les Indiens viendraient attaqu.er une partie du territoire des colonies alliees. Quand cette nouvelle parvint a la con- naissance des Indiens, ils virent bieu qu’il n’y avait plus rien a faire contre les An¬ glais , et plusieurs de leurs chefs vinrent demander 1’amitie des colons. 3i Ce repos et cette securite , que les colons s 5 etaient assurcs par cette alliance, dura sans interruption pendant plns de treme ans. Les Indiens ne cesserent pas pour cela de les hair,et de souhaiter leur entiere extirpationj mais ils se sentaient trop fai- bles pour les attaquer , car ils vojaient bien que puisque leurs efforis avaient ete inutiles contre les colonies separees, ils ne devaient qu’en attendre bien moins de succes encore, depuis qu’elles pouvaient comptersur une assistance reciproque. Ils voyaient cependant avec le plus grand meeontentement les Anglais s’eten» dre et se fortifier de jour en jour, et les repousser de plus en plus dans 1’interieur du pays ; ils voyaient leur chasse et leur peche, ces principales ressources de leur subsistance, diminuer et devenir bien plus penibles par l’accroissement si rapide dela population du pays; ils voyaient leur liberte naturelle, a laquellc ils etaient si habitues, resserree sans cesse par le voisi- nage de cet ennemi qui les debordait. Et ce qu’il y avait de plus alFreus, cetait la % 32 conclusion naturelle qu’ils en liraient, que cet etat de detresse ne ferait que s’accroitre long-temps eucore. Tout cela etait bien accablant et devenait insupportable aux fiers descendans des anciens maitres du pays. Comme chacune des tribus prise sepa- rement etait trop faible pour attaquer les colons, elles s’allierent ensemble, a rexempledeleurs ennemis,pour se mettre en etat, en unissant lenrs forces, de de- truire 1’enneini commun, car tel etait leur bul. Cette alliance fut entierement conclue en 1675. Le principal auteur de cette union etait un chef indien fort distingue , pelit-fils et successeur de Masassoit. Son nom in¬ dien n’est pas connu. Les Anglais le nom- maient le roi Philippe. G’eiait un homme doue de grandes qualites naturelles, et fort capable de conduire les sauvages. II joignait a une prudence et a une habilete consommees, une eloquence naturelle prodigieuse. Apres avoir entretenu long-temps l’es- 33 prit des Indiens dans une exasperation continuelle contre les Anglais, et avoir gagne peu a peu a son alliance presque toutes les tribus voisines des colonies, il n’eut pas de peine a trouvev roccasion de commencer ouvertement les hostilites, car il la fit naitre lui-meme. II donna l’ordre a trois de ses sujets de luer un Anglais qu’ils allaient visiter souvent. Ces trois meurtriers tomberent quelque temps apres entre les mains des colons et furent exe~ cutes. Le sauvage en profita pour exciter cbez ses sujets Fesprit de vengeance et une haine irreconciliable contre les Anglais. Les premieres hostilites commencirent le 24 juin 1675. Les Indiens rencontrerent un dimanche une grande quanlite de co¬ lons de Plymouth , qui revenaient de l’e- glise. Ils les attaquerent et en tuerent neuf, les autres ne durent leur salut qu’a la fuite. lous les colons en etat de porter les armes se hatereni de se reunir, et le 28 du metne mois, ils se mirent en campagne contre le roi Philippe, sousla conduite du 2, 34 capitaine Ilulschinson. Les Indiens qui netaient pas encore habitues a se trouver enface d’une si grande quantile d’enuemis, se retirerent, et marquerent leur retraite d’une maniere bien digne d’cux, en niet- tant le feu a toutes les maisons anglaises qu’ils rencontrerent, et en raassacrant eurs habitans sans defense. Le 17 juillet, les Anglais apprirent que Philippe etait campe avec ses guerriers dans la grande foret marecageuse de Po- kasset. lis se haterent de se diriger de ce cote et attaquerent Fennemi tres vivement. Les Indiens se retirerent dans Finterieur du marais, et tuerent bien du monde a leurs ennemis, car des troupes regulieres ne pouvaienl manoeuvrer que bien diffici- lement dans une foret marecageuse, tandis que les legers Indiens n’auraient pu trou¬ ver un champ de batailie plus favorable. Les Anglais, apres avoir attaque inutile- ment toute la journee , et metne avec assez grande perte, les Indiens renfermes dans cette foret marecageuse, firent retraite versle soir. 35 \oyant qu’il leur serait impossible d’e- craser la leurs ennemis, ils prirent le parti de les bloquer el de les affamer. Le roi Philippe decouvrit bientot le plan des troupes angjaises, et se tira rapidement de ce pas avec ses guerriers. II raarcha yers les contrees qui forment aujourd’hui l’eiat de Massachusett, et eut 1’habilete de faire entrer encore d’autres tribus indiennes dans son alliance. Le general anglais envoya alors une de- putation a sa majeste sauvage pour nego- cier la paix. Mais les envoyes furent regus d’une maniere digne de leurs ennemis, c’est-a-dire par une pluie de fleches, Huit d’entre eux tomberent morts sur plače, buit autres furent blesses mortellcment; ceux qui restaient cn pelit nombre prirent la fuite. Mais ce n’etait pas assez pour les sauvages, ils voulaient delruire toute la deputaiiori. Ils poursuivirent les fuyards qui furent assez heureux cependant pour se refugier dans un village anglais, peu eloigne de la. Les habitans du village ef— frayes, se retirerem en toute bate dans 36 une grande maison fortifiee, dans laquelle ils s’enfermerent avec le plus grand soin. Les sauvages arrives dans le village, le ra- vagerent lout entier sans obstacle. La seule faible re'sistance qui pouvait leur etre op- posee, partait des fenetres de la maison dans laquelle les colons etaient enfermes. Les sauvages firent tous leurs efforts pour mellre le fen a cetle maison; mais ils n’o- serenl jamais en approcher assez preš. Ils langaient sur le toit des lisons et des traits enflammes, et durant deux jours et deux nuits, ils epuiserent toutes les ressources de leur imagination. Enfin ils amenerent un charriot qu’ils avaient irouve dans le vil¬ lage , le remplirent de toute espece de ma- tieres inllammables, et apres j avoir mis le feu , le pousserent tout-a-lait contre la maison, a 1’aide de plusieurs perchesatta- chees ensemble. Le feu commenga alorsa se communiquer. Un eri d’elfroi s’cleva, tandis que les sauvages places a 1’entour, tenaient leurs ares tendus pour percer le premier qui se montrerait. Dans cel horrible moment d’un danger 3 7 si imminent, l’on ne pouvait plus compter sur aucun secours humain • la Providence vint en aide aux malheureux colons. Urie pluie si abondanle tomba, que le feu fut aussiiot eteint.' Les sauvages nerenoncaientpas encore a leur cruel espoir, lorsqu’une compagnie de soldats anglais arrivant tout-a-coup se precipita sur eux et les mit. en fuite apres en avoir tu e un grand nombre. Au mois de septembre, les sauvages ra- vagerent et brulerent un grand nombre de villages dans le pays qui forme aujour- d’hui l’etat de Connecticutt. Un grand nombre de colons perirent dans ces incen- dies. Le i8 septembre, le capitaine La- throp, apres avoir accompagne a la tete de 80 hornmes un convoi de plusieurs voi- tures cbargees de ble pour les habitans des villages ravages , fut assailli a son re- tour par huit cents Indiens qui lui tuerent soixante-dix hommes, et les eussent meme tues tous , si le capitaine Moselj qui se trouvait dans le voisinage avec un corps d’Anglais , ifetait accouru en torne bate, 38 attire par le bruit du rnousquet. Ses sol- dats idetaient pas nombreux , mais ils chargerent avec tant de vigueur, qu’ils mirent bientot les Indiens en fuite, apres leur avoir tue quatre-vingt-seize hommes, et leur en avoir blesse quarante. Au mois d’octobre, 1’armee du roi Phi- lippe regut un puissant renfort par l’arri- vee d’une autre tribu qui vint encore se joindre a lui. Philippe envoya alors trois cents de sesguerriers vers Springfield, une desplus importantes villes des colons,pour lafaire perir par les flammes. II s se glisserent dans la ville avec des torches, a la faveur d’une nuit obscure, et mirent le leu en differens endroits. Mais ils furent bientot decouverts : les Anglais prirent les armes, et la meme nuit, arriverent dans la ville quelques troupes anglaises qui les secou- rurent et preserverent la ville d’uneenliere destruction. Trente-dcuv maisons devin- rent ccpendantla proie des flammes avant que le leu put etre eteint. Le roi Philippe parcourut alors tout le pays avec ses hordes sauvages, tuant et ra- 39 vageant lout ce qu’il pouvait. En tres peu de temps, ils avaient attaque, pilie et brule en partie neuf villes , et fait perir un grand nombre des habitans surpris sans defense. II est vrtu que les Indlens traitaient les Anglais avec une rage barbare, mais 11 est vrai aussi que les Anglais entretenaient les Indiens dans leurrage par des traitemens que ceux-ci consideraient comme les plus grands outrages. Ainsi quelques Anglais entendirent raconter un jour que les en- fans indiens nagent naturellement par ins- tinct. Pour s’en convaincre, ils firent clia- virer un canot dans lequel la femme d’un chefindien traversait avec un de ses enfans une riviere profonde. Ils parvinrent tous deux h se sauver, il est vrai ; mais Pen fant mourut bientot apres, el le chef, furieux et avide de vengcance contre lescolons, en- flamma du metne sentiment tous ses sujets. Les Anglais resolurent d’amener leur ennerni a un combat decisif. Le 19 decem¬ bre 1670,Winslow, gouverneur dePly- niOUth, marcha en Tirginie, a la tete de 4o dix-huit cents hommes de troupes regulie- res, et de cent soixante Indiens qui s’e- taient mis a son Service, contre les forces beaucoup plus nombreuses duroi Philippe qui etait campe non loin de la dans une forteresse indienne. Cette forteresse s’ele- vait sur une coliine , au inilieud’unmarais, et etait environnee d’une double enceintc. L’enceinte exterieure etait formee par une haie d’epines et de branches d’arbres qui avait environ seize pieds d’epaisseur et s’e- levait a une tres grande haut.eur; de hautes et e'paisses palissades formaient Fenceinte interieure. Les sauvages qui s’etaient donne tant de peine pour construire cette forteresse, avaient ete assez imprudens pour laisser dans la cloture un passage as¬ sez considerable et facile a reconnaitre. Les Anglais ne tarderent pas a decouvrir ce passage et se precipiterent comme un tor- rent dans la forteresse. Un cornbat sanglant commenga, mais comme les Anglais ne pouvaient penčirer tous a la lois, les pre- miers furent bientot accables par le nom- 2>re, et les aulres commengaient deja a se retirer, lorsrjue tout-a-coup quelques Au- glais qui avaient trouve un passage du cote oppose, prirentles Indiens en queue. Tous lessoldats anglais penetrerent alors dans la forteresse , et un horrible massacre com- mernja. Les Anglais mirent en meme temps le feu aux cabanes indiennes de la forteresse, et donnerent ici, eo Virginie, le meme spectacle affreux qu’avait offert en 1637 le pajs de Connecticutt, avec celte difference que la scene actuelle etait bien plus horrible encore. Six cents cabanes in¬ diennes etaient en flammes; les cris de de- tresse des malheureuses femmes, des ma- lades et des vieillards, qui retentissaient sous les ruines des cabanes, se melaientaux cris des guerriers blesses et mourans et formaient le plus triste tablean que nous ait offert 1’histoire de ces peuples. II est affligeant d’avoir a citer de pareilles hor- reurs de la part d’une nation civilisee. Le nombre des Indiens renfermes dans Ja forteresse s’elevait a environ quatre milic. Sept cents guerriers furenl tnes, sans compter trois cents blesses qui ne tarderent 4 3 pas aussi aexpirerj trois ceniš furentemme- nes prisonniers avec nn nornbre a peu preš egal de femmes et d’enfans. On ignore combien le feu en fit perir. Quant aux autres qui furent assez heureux pour sol lir de la forteresse, Us chereherent leur salut dans la 1’uite. Parmi ceux-ci se trouvait le roi Philippe. Les Anglais ne perdirent que qualre-vingt-dix hommes, tant tue's que blesses morlellement. Cent cinquante d’entre eux regurent des blessures le- gcres. Cette defaite des Indiens fut decisive. A la verile Us ne eesserent pas encore tout acte d’hostUite, mais Us ne purent plus rien entreprendre d’important j non qu’ils fus- sent tout-a-fait ou presque entierement ecrases, mais parce qu’ils connaissaient et redoutaient maintenant le courage, 1’intre- pidite et la superiorite des Anglais dans la guerre, qu’ils desesperaient par conse- quent de les vaincre et de les chasser du pays, et qu’ils les voyaient au conlraire se multiplier et se renforcer par 1’arrivee de nouveaux colons. Les Indiens u’osant plus 43 attaquer 1’ermemi ouvertefnent, firentsou- vent cles coups de main sur des villages et des pelil.es villcs surprises sans defense et dans lesquellcs j Is exergaient les cruautes les plus atroces. Durant tout l’hiver de 1’annee 1675 et 1676, Us tuerent, plllerent et ravagerent tout ce qui tomba sous leurs mains. Douze vdles et villages des colons furent attaques par les sauvages et detruits en partie , quelques uns metne de fond en comble : et la plus grande partie de leurs habitans perirent cruellement massacres. Au printemps de l’annee 1676, le capi- taine Piercj se trouvant h la tete de cin- quante Anglais et de vingt Iudiens a leur Service, se laissa surprendre par ses enne- mis; tous les cinquante Anglais et la plus grande partie des Indiens furent tues,' quelques uns des derniers par- vinrent seuls a prendre la fuite. Au mois d’avril de la meme annee le capitaine Wadsworth marchant it la tete de cin- quante hommes, se vit tout-A-coup en- vironne par les Indiens. Tous ses soldats furent tues avec lui Sur la plače, ou pris 44 pour perir ensuite a pet.it feu, apres un horrible martjre. L'hiverctle prinlemps furent favorables aux Indiens qui firent souffrir cruellement les colons. Mais Tete suivant mit fin a cette horrible guerre,par la mort du vindicatif roiPhilippe. Afin de reuforcer ses troupes, cet hoinme pervers prit un moyen affreux pour exeiter contre les Anglais et gagner h sa propre cause une tribu indienne qui n’avaitpas bouge jusqu’alors. 11 fit perir en secret plusieurs Indiens de cette tribu , et rejeta ces meurtres sur les Anglais. La ve- rite fut cependant bientot connue, et il se vit oblige de fuir avec les Indiens qui lui restaient encore attaches. Des que les Anglais connurent le lieu de sa retraite, un corps de soldats d’elite marcha vers lui pour mettre fin, s’il etait possible, a sa vie ct a ses crimes. Philippe etait, selon 1’usage des guerriers indiens, cache avec les siens dans un marais. Les Anglais arriverent au marais durant la nuit, et ne voulurent pas avancer davan- tage, mais ils 1’environnerent en attendant 45 le point du jour. Philippe decouvrit bien- tot le danger qui le menagait, et. sans ba- lancer, courut de toutes ses forces vers un endroit. ou il ne remarquait personne. Mais un Anglais et un lndien s’y tenaient ca- ches, et quand il approcha, 1’Anglais la- cha le premier la detente : son mousquet rata; 1’Indien fit feu alors, et sa balle alla percer le coeur du roi Philippe. Quandles sauvages virenl leur roi mort, ils prirenttous la fuite. Le commandant de la Iroupe anglaise donna alors a ses Indiens 1’ordre (plus digne du roi Philippe, s’il eut ete vainqueur, que d’un officier de trou- pes regulieres) de couper la tete du chef indien et de la partager en quatre. L’lndien qui recut cet ordre s’ayanca alors et adressa ce discours au cadavre : « Tu as ete un « bien grand liomme, et tu as fait trem- « bler bien du monde devant toi, mais (< quelque grand que tu aies ete, je ne vais « pas moins maintenant te couper en mor- <( ceaux. » Ainsi perit ce heros indien, doue d’une valeur extraordinaire et des rares qualites 46 naturelles qui font un grand general. Les avantages d’une education militaire bien dirigee et un plus grand theatre a ses ex- ploits eusscnt rendu son nora celebre dans 1’univers. Dans quelques provinees des colons les hostilites deslndiens continuerent encore; mais malntenant qu’ils n’avaient plus de chel’, et qu’ils comprenaientmieux de jour enjour 1’impossibiliie de lutter contre des troupesregulieres et nombreuses, onles vit arriver de tous les cotes dans les villes et deraander lapaix qui fut conclue aveceux. A dater de cette epoque, les Indiens de rAmericjue septentrionale ne sont plus, dans Fhistoire de leur poys, qu’un peuple sans Importance, dont il n’est plus fait mention dans les ouvrages historiqucs et ge’ographiques que pour parler de la sin¬ gularne de leurs moeurs et coutumes. Lorsque dans la suite les colonies an- glaises de FAmerkjue septentrionale furent en, guerre avec les Frangais, et plus tard encore avec la GrandefBretagne leur mere-patrie, les deux partis chercherent a 47 gagner les Indiens pour renforcer leurs troupes. Mais ceux-ci jouerent un role si secondaire dansces guerres, et marcherent toujours tellement meles avec les troupes rcgulieres , et sous les ordres de leurs offi- ciers, que 1’histoire de celte guerre n’en fait jamais mention que pour dire leur nornbre. Les circonstances de ces combats iPappartienncnt pas a 1’bistoire des In¬ diens, rnais bien a celle dcs Anglais et des colonies anglaises de rAmerique du nord.’ Quant aux guerres des Indiens entre eux, ce ne sont poiut des guerres propre- ment dites, mais des excursions de meur- tres et de brigaudages dont 1’histoire ne peut pas prendre one connaissance suivi-e^ comme des guerres des nations civilisees; mais tout ce qu’on en sait est renferme dans le recit de quelques evenemens ex- traordinaires qu’on peutappeler anecdotes Wstoriques, et dont les plus remarquables se trouvent citees dans ce petit ouvrage. Depuis la mort du roi Philippe, dont le genie guerrier et la puissante eloqucnce savaient tenir lcs Indiens reuriis, il ne 48 s’est plus rencontre, dans l’Amerique sep- tentrionale, d’exemple d’une arruee per- mauente. Yoici quelle est leur maniere de faire la guerre. Qu&nd une tribu se trouve en hos- tilite avec Tune des tribus voisines, ce qu> vient ordinairement de quelque meurtre ou d’une atteinte portee a leur droit de chasse, les cliefs des differens endroits et les hommes de la tribu capables de porter les armes, s’assemblent en un lieu ou, apres diverses ceremonies et danses guer- rieres dont il sera parle dans la suite, ils liennent une espece de conseil sur les causes de la division qui s’est elevee, et sur la conduite que les guerriers auront a tenir. Ensuite chacun s’en retourne chez lui, et ce nest qu’alors que s’assemblent par bandes de dix, quinzeou vingt hommes, ceux qui sont tentes d'aller immoler quel- ques uns de leurs ennemis. Ils marchent vers le territoire de la tribu hostile, ou ils cherchent a surprendre et a tner des in- dividus isoles, des familles ou quelque pe- tite bande de cette tribu. Des qu’ils ont 49 reussi, ils reviennent en toule hale dans leur pays, pour ne pas s’exposer 'a etre at- taqucs ou ecrases par unetroupe plus nom* breuse. Parviennenl-ils a faire prisonnier un Indien de la tribu ennemie, ils Tem- menent en trionaphe dans leur pays oii ils le font perir dans les plus affreux suppli- ces, comme nous le verrons plus tard. Les diverses tribus de rAme'rique sep- tentrionale jouissent de peu de repos sous ce rapport, et leur pays est alors sans cesse lemoin d’atrocites de tout genre. Cette annee meme ou j’ecris ces lignes, les Otchipwes qui demeurent dans 1’inte- rieur du pays, a 1’ouest du lacSuperieur, furent atlaques ainsi par leurs voisins, les Indiens de la tribu de Siou. Les hosti- lites avaient ete causees par differens em- pietemens des Indiens de Siou, sur les dis- tricts de chasse des Otchipwes, ernpiete- mens qui causaient a ceux-ci le plus grand prejudice, relativement aux peaux de castor. Avant de terminer cette esquisse rapide des Indiens de rAmeriq^e septentrionale, 3 5o je dois faire quelques observations sur ta - portent avec eux leur pilon qu’ils chargent dans leur eanot. Les Indiens n’ont point de repas regle, et rarement ils mangent tous ensemble. De bon marin, Ton cuit une marmite pleine de ble de Turquie broye, de poissons, de viande, oude ce qu’on a, et on met cela dans un endroit de la cabane destine a cet usage; alors chacun peut en prendre, tani qu’il enveut et autant qu’il lui plast, lis mangent toutsans sel. Oinvoit peu d’indiens qui se soient hobitues au -sel, api čs avoir vecu avec les blancs. Peu leur importe aussi si leur nourilure cst chaude ou froide. On lesvoit, dans leurs voyages surtout, avaler leur nourriture brulante a un tel point qu’un Europeen 9 1 ne pourrait pas seulcment la supporter dans sa bouche; en revanche on les voit souvent aussi, dansleurs navigations, inet- tre lcur marmite dans le canot , el y puiser leur nourriture dans le courant de la jour- nee , quoique souvent elle solt entiereinent couverle de glace, surtout dans les fraichcs matinees du printcmps ou de la fin d’au- tomne , cjuand les gelees commencent dcjh. Ce qu’iin Indien est en etat de manger a la fois parait une chose fabulcuse; mais aussi il est etonnant combien de temps il peut, sans se faire grand mal, se passer de toute nourriture. Resler cinq, six et meme dix jours sans rien prendre n’est pas une chose rarei Jeconnais un jeune Indien qui se per- dit il y a quelques annees dans la focet en vojageant avecson pere. Celui-ci se donna pendant plusieurs jours toutcs les peines du raonde pour l e retrouver, mais ce fut en vain. Enfin il cohtinua sa route et re^- vint chez lui. Il raconta le malheur qui lui etait arrive, et plusieurs jeunes Indien^, de ses parens, resolurent de se mettre a la 92 recherche de l’in fortune. Toutes les peines qu’ils se donnerent pendant plusieurs jours furent egalement inutiles. Quclques jours apres, le pere du jeune homme alla a la chasse et parcourut le pajs bien au loina la ronde. 11 vint un jour du cole ou il avait perdu son fils, el il souhaitait de trouver au moinssa depouillepourlui donner la sepul- ture, mais au licu de depouille 7 il trouvale jeune homme lui-meme encore en vie. Il etaii assis sur untronc d’arbre et son regard fixe etait attache vcrs la terre. lis comp- terent les jours depuis le moment ou il s’e- tait egare , et ils trouverent qu’il avait passc dans la foret vingt journees entieres sans presque aucune nourriture. Les Indiens se noumssent de beaucoup de choses qui repugnent au gout des peu- ples civiiises- Us mangent non-seuiement les chiens et les chats, mais encore les loups et les charognes. Quand ils voient flolter sur l’eau ou jeter sur le rivage un poisson mort, ils le mangent sans degout ; il en est de metne pour tous les animaux morts qu’ils trouvent dans les forets, quel- 93 que repoussante quesoit deja Fodeur qui s"en exliale. J’en ai vu mille exemples dans les courses que j’ai failes dans les missions; mais les Indiens converlis s’ab- stiennent de tout cela. Les Indiens ne mangent jamais ni beurre,ni lait, ni fromage; on en voit peu qui consentent meme a en gouter, lorsqu’on leue en offre. Une des principales ressources de la nourriture des Indiens est le riz sauvage qu’ils recueillent en aptomne, en si grande quantite, qu’ils en ont pour tout leurhiver, el meme pour le printemps. On en trouve abondammcnt, snrlout sur le hord des ri- vieres qui sc jettent dans le lacSuperieur. 11 en croit cgalernent beaucoup sur les ri- ves des lacs et des fleuves du Nord. Le riz sauvage ressemble beaucoup a 1’avoine, avec cette difference qu’il est veri au lieu d’elre jaune , lors meme qu’il est deja sec. Cc riz est une nourriture cxcellenle, quoique lort lcgere. Jc trouve qu’il res¬ semble beaucoup pour le gout a notre orge. La chasse, comme nous 1’avons dit, est 94 une des principales ressources pour l’en- tretien des Indiens; il en est, dans 1’inte'- rieur, qui ne vivent que de la cliasse; ils sont fort miserables, et sont exposes h. la plus cruelle famine; il n’est pas rare alors qu’ils se mangent enire eux, ou qu’un grand nombre meurent de faim. Nous par- lerons plus tard de la chasse des Indiens. Les Indiens qui habitenl sur les bords des grands lacs de rAmerique du INord ne vieur pour la chair bumaine. Ce qui a donuč sans doute lieu a celle opinion , c’est que 100 l’on a quelques exemples pour demontrer que les Indiens ont mange quelquefois de la chair humaine ; mais ce cas ne s’est ja- mais presente que dans les plus grandes famines ou la vle d’un homme n’etaitsacri- ilee que pour sauver celle de plusieurs au- tres. On pourrait citer des traits de la meme nature chez les peuples civilises auxquels on n’a jamais imagine de donner pour cela le nom de cannibales. Un triste exemple de ce genre s’est pre¬ selite ily a deja bien des annees dans 1’Ame- rique du NoM» Une Indienne avaitentre- pris, au fort d’un liiver rigoureux, un long vojage pour visiter quelques uus de ses parens 7 la neige eiait deja. protonde lors- qu’elle se mit en route, mais rien ne put la detourner d’executerson projetinsense.Ce •qu’elle fit de plus imprudentencore, cefut d’emmener avec elle tous ses enfans au nombre de trois. Us eurent beaucoup a soufirir dans leur marche a travers les nei- ges prolondes, et vecurentbienmiserable- ,jnent 7 car ils n’avaient emporte avec eux que tres peu de provisions. lis avaient deja 101 fait plusieurs journees de marche lorsquela neige tomba en si grande abondance qu il leur fut impossible de continuer. La femme lit alors une cabane avec des branches d’arbres, alluma au milieu un bon feu et resolut d’y attendre un temps plus favo- rable, ou du moins que la neige fut gelee, et qu’ils pussent par cOnsequent continuer leur voyage. lis eurent beau economiser autant que possible leurs petites provi- sions , elles finirenl par s’epuiser entiere- ment. Elle se vit done obligee de cuire de lamousse des racines, des herbes et des ecorces d’arbres pour s’entretenir elle et ses enfans. Quelque miserable que fut celte nourri- ture , elle avait suffi cependant pour sou- tenir leur vie jusqu’au printeinps ; mais la neige recommenca k tomber avec lant d’a- bondance et si long-temps qu’elle s’elevait a la hauteur de six pieds. Il devenait im- possible de se procurer aucun moyen de subsistance , il lui fallait dVdleurs tout son. temps et toute sa lorce pour rassembler le bois necessaire a 1’entretien de leur feu. 103 Ajoutez a cela que des loups affames r6- daient nuit et jour autour de leur cabane , et que leurs cris terribles les lenaient lou- jours, elle et ses enfans, dans la crainte de se voir de'chires par eux. Dans cette affreuse position, apres avoir deja passe, avec ses enfans, plusieurs jours sans prendre aucune espece de nourrilure, et se trouvant en danger manifeste de mourir de faim avec eux, clle prit le parti de tuer un de ses enfans pour sauver sa vie et celle des deux autres. Apres une longue et horrible deliberation, elle se decida enfin pour le plus petit, et lui donna avec un eri de desespoir le coup de la mort. Elle avait maintenant, il est vrai, ■un moyen d’entretien et pouvait lutter en- core long-temps contre les rigueurs de la faim, dans 1’esperance d’etre sauvee par un changement de temperature, ou par quelque chasseur indieri qui viendrait h pas- ser aupr&s d’eux. Mais cela ne fit qu’accroi- tre le danger dans lequel elle se trouvait d’etre devoree par les loups. Ceux-ci, que 1’odeur de la chair humaine rotie atti- io3 rait encore en plus grand nombre, se preci- pitaient avec tant de rage sur la petite cabane que les tisons qu’on leur langait. sans cesse purent seuls les empecher d’y penetrer. L’horrible moyen auquel elle s’etait de- terminee pour soutenir son existence finit lui-meme par s’epuiser, et elle se trouva de nouveau dans Faffreuse position que la rage toujours croissanle des loups ne faisaitque rendreplusepouvantableencore.Ellenour- rissait deja la pensee d’immoler son second ffls, et deja elle allait Fesecuter lorsque tout- a-coup une voix humaine retentit a ses oreil- les. C’etaient deux Indlens qui sur des ra- quettes se dirigeaient precisement vers la cabane. La joie avec laquelle elle regut ses sauveurs est impossible a decrirg* lis se ba- terent de lui falre aussi une paire de ra- queltes, prirent dans leurs bras les deux enfans qui etaient dans repuisement le plus absolu, et arriverent en peu de jours a la demeure des parens de la femme. On entend citer encore aujourd’hui d’autres exemples de pareilles necessites 104 dans lcsquels les Indiens se tuent et se mangent enlre eux. Mais cela nempeche point, qu’ils n’en aient la plus grande hor-- reur, et la faim la plus horrible peut seule les y pousser. Des voyageurs qui viennentdes contrees les plus septentrionales, apres y avoir vecu plusleurs anriees parmi les Indiens, attes- tem unanimement que meme chez les peu- pladcs barbares du Nor d, ils regardent Comme une grande tache dans un de leurs camarades qu’il ait mange de la chair hu- maine. Ils aLteslent aussi qu’un Indien qui en a mange une fois, est regarde par les au- tres comme un homme dangereux dont il faul se defier, parce 113 l’equipage compris. Quand les Indiens veulent charger fortement un canot, ils couchent dans le fond quinze a vingt lon- gues perches pour que leur poids se re- pande plus egalement sur tous les points. Les Indiens peuvent enfin voyager avec beaucoup plus de rapidite sur ees canots legers que sur les lourdes masses qu’avaient a remuer leurs ancetres. Sur les plus grands s’e'leve un pelit mat et une voile de quinze pieds de haut environ sur douze de, large. a 1’aide de laquelle ils l om, quand le veni csl favorable, de cinquante a soi- sante ruilles par jour. Ces canols sont aussi beaucoup plus surs que les canots debois, quand une tempete s’eleve sur ces grands lacs. Quoique ces tempetes soient de la plus grande violence sur le grand lac du Michigan, el plus terribles encore sur le lac Superieur, il n’y a aucun danger de perir dans un canot d’ecorce, lorsqu’on sait bien le diriger, et les Indiens excellent dans cet art. Quand ils approchent du rivage, il faut la plus grande prudence pour eviter que n4 ]e frele navire ne heurte une pierre. Aussi, quand le rivage est rocailleux, ils s’arretent a une certaine distance, sautent dans 1’eau et dechargent le canot, sans rapprocher clu bord. Lorsqu’ils ont dans leur canot des Europeens pour passa- gers, ils les portent sur leurs epaules jusqu’au rivage. Quand le dechargement est acheve, ils transportent dans leurs mains le canot qu’ils posent ensuite par terre avec la plus grancle precaution. Si par suite de leur imprevoyance, le canot vient a toucber une pierre, 1’ecorce se brise, et l’eau commence a y pene'trer. Ils sont forces alors de se diriger en toute hate vers la rive pour operer le de r charge- ment. Puis ils allument du leu pour se'cher la partie endommage'e du canot, recousent dessus un nouveau morceau d’ecorce de bouleau ( de la meme manifere qu’onremet une piecc a un habit), recouvrent les cou- tures de poix, et se remetlent en route. Aussi les Indiens identreprennent jamais un voyage de quelque etendue sans empor- ter de la pok et des e'corces de bouleatt. il5; Les Indiens de la trlbu de Sioa, et en ge¬ neral tous ceux qui habitent les contrees ou l’on rencontre un grand nombre de buffles, se servent des peaux de ces ani- maux pour faire leurs canots. La forme en est k peu preš la meme que celle des ca¬ nots d’e'corces. Les canots en peaux de buffle ont 1’avantage de n’6tre pas aussi fragiles que ceux en ecorce. Une autre invention tres ingenieuse et tres importante des Indiens de l’Amerique septentrionale est celle des raquettes., sans lesquelles, surtout dans le nord, ou les neiges s’elevent souvent jnsqu’a sixet huit pieds de haut, il leur serait impossible de soutenir leur vie, car la chasse leur serait entierement fermee. Au lieu de cela 7 ils parviennent, a 1’aide de leurs raquettes, a parcourir les distances aussi facilement et aussi vite, lorsque la neige a huit pieds de haut, que lorsqu’ell e n’a qu’un dem« pied. Quand la neige est seulement un peu ras- sise , les pas ne s enfoncent pas plus de deux pouces; et lors meme qu’elle vient de tomber Iraichement et que par conse- lis quent on ne manquerait pas d’enfoncer jusqu’a terre , les raquettes ne penetrent pas h plus de trois pouces de profondeur. Les Indiens vojagent tres rapidement sur ces raquettes; j’en ai vu qui parcou- raient cinq.uanl.e milles en un jour. Pour s’en servir, il faut cependant y avoir ete habitue des 1’enf’ance. Un Europeen qui n’en a point 1’habilude ne fait que se fati- guer extremement. La raquette, dont se sert un Iiomme, a environ qualre pieds de long sur un pied de large au milieu. Elle consiste en un fort cercle de bois dur, dans 1’interieur duquel se trouvent deux fortes barres lixees dans les coles du cer¬ cle , et unies enseroble par des entre-lacs de nerfs de chevreuil. Une raquelte de ce geni’e ne peut qu’etre fort legere et cn meme temps la neige qui peut tomber des- sus, passe facilement a travers, et ne charge point par consequent la raquette. Des bandes de cuir servent h attacher le pied k la raquelte, de maniere cependant que les talons ne soient pas genes, et cjue la pointe dn pied seule agisse sur la raquette. rI 7 Une autre invenlion, fort utile quoique moins ingenieuse, est ce qu’on appelle des traineaux a chiens. Ces traineaux consis- tent en une legere et large planche de sept pieds de long sur un pied de large. Cette planche a une forme courbe, et sur chaque cote sont enfonces de petits batons desti- nes h maintenir sur le traineau la charge qu’il porte. Ces lraineaux etroits sont fort utiles dans un pays ou il faut vojager sans cesse a travers des forels dans lesquelles aucun cheminn’est encore fraye. Les Indiens y attelent souvent des chiens. (Souvent aussi ils les trainent eux- memes). On ne pourrait croire quelle charge ces petits animaux parviennent a transporter sur ces traineaux. II n’est pas rare de voir deux individus grands et fort« traines avec l a pj us g rafl de rapiditc par deux chiens seulement. Les Canadiens qm vieunent laire le coftmerce des pelleteries, se servent, en¬ core bien plus que les Indiens, de ces traineaux a chiens. Une paire de chiens forts et dresses fait parcourir a un honune, Il8 ayant un bagage assez considerable , de quarante-cinq a cinquante milles en un jour. Ils peuvent meme parcourir cette distance six ou sept jours de suite, ce dont j’ai pu me convaincre cet hiver, lorsque je regus un courrier qui, dans 1’espace de quatre jours, avait franchi cent quatre- vingt milles sur un traineau attele de deux chiens,- et ces chiens paraissaient si peu fatigues qu’il eut pu voyager encore quel- ■ques jours avec eux. II s’cu retourna en efFet apr&s un seul jour de repos. On rencontre ici dans, rAmerique du Nor d, un grand nombre de rennes, sur- tout a mesure que Fon avance davantage vers le pole. Les Indiens ne se sont ce- pendant jamais servis, pour le meme usage que les Lapons, de cet animal si utile aux babitans du Nord de notre hemisphere. 11 ne faut en attribuer la cause qu’a leur paresse et k leur indolence ,* car les blancs les y ont souvent engages, et ils savent tres bien tout le parti qu’en lirent les au- ires peuples septentrionaux. chapitre v. Chasse des Indiens de I’Awerique Septentrionale.- Comme la chasse est 1’occupation prin- cipale et meme dans certaines tribus Foc- cupation unique des Indiens, ils s’y exercent des leur enfance. Les anciens Indiens ne se servaient en general 39 eents livses', et si gras qu’en bien des en- droits, sa graisse avait six pouces d’epais~ seur. t CHAPITRE Vi; De la Chasse. (Suite.) Outre les ours doni il se tvouveune mul-' titude incroyable dans les immenses forets de FAmerique septentrionale, voici quels sont encore les animaux h la chasse des- quels se livrent les Indiens : le casior, la loutre, le porc-epic, le chat sauvage, le loup, lechevreuil, le cerf,le petit elan, le renne, le graud elan d’Am6pque, ou ori- gnal, le bufil 6 et i e taureau sauvage; sanj parler d’une foule de petits animaus que les Indiens prennent plutot qu’ils ne le$ chassent au fusil. Le castor est, h. cause de sapreeieuge lourrure,un des principaux objets de la chasse indienne ; on en rencontre en tres i32 grande quantite dans les contrees les plus septenirionales. 11 est deja devenu plus rare dans les pays du centre de TAmeri- que septentrionale ; les Indiens en tuent cependant tous les ans encore urte quan- tite assez considerable; mais on n’en voit plus vers le midi et du cote de 1’Orient. Le castor a les sens extraordinairement delieats, et les Indiens sont obliges de prendre les plus grandes precautions pour le prendre ou pourle tirer.Tout lemonde sait que cet animal se b&iit une maison dans laquelle il demeure; il etablit cette habita- lion conire le bord d’une riviere ou d’un petit lac et il n’y laisse qu’une seule ouver- ture du cole de l’eau. Des qu’il entend le irioindre bruit dans le voisinage, il se jette a l’eau , plonge jusqu’au lond , et nage vers la rive opposee ou vers tout autre endroit eloigne ou il se tient cache jusqu’a ce que le danger soit passe. Quand un castor prend la fuite, il lait un grand bruit, qui donne 1’eveil et le signal de la fuite a tous ses voisins. Aussi les Indiens chercbent-ils bien plus i33 a prendre le castor qu’a le tirer. Les In¬ diens d’aujourd’hui ont presque tous des pieges de fer, dans lesquels ils mettent des appats, et qu’ils arrosent d’eau de Cologne ou de lout autre eau odoriferante, ce qui aitire le castor de bien loin. Quand les rivieres et les lacs sur les bords desquels demeurent les castors sont geles, ils creusent un trou dans la glace, par lequel ils se refugient dans l’eau, en caš de danger. Les Indiens pra- tiquent alors plusieurs trous dans la metne glace , a une certaine distance des habita- tions des castors. Ils s’eloignent ensuite, et apres leur avoir doime le temps de rentrer dans leurs maisons, ils reviennent sur leurs pas les castors se reiugient de nou- yeau sous la glace, landis que les Indiens se ticnnent avec des massues aupres des ou- vertures. Comme le castor ne peut pas restcr long-temps de suite sous l’eau , il ne tarde pas a chercher un pen d’air; mais džs gubi se presente pour respirer, un coup as- sene par 1 Indien le tue a Tinstant merae. Apres le castor vient la loutre dont la t34 fourrure est aussi tres recherchee. Les In¬ diens en font une tres grande chasse. On ne saurait eroire a quel point est dure la vie de ces animaux. Les Indiens pretendent que 1’homme le plus fort ne viendralt pas k bout sans armes de tuer une loutre. Un blanc qui a vecu long-temps parml les In¬ diens 1’entendit dire un jour , et voulut s’en convaincre par sa propre experience. II parvint a prendre une loutre vivante, et chercha a la tuer uniquement avec ses mainsil fut assez eruel pour etouffer et etrangler le pauvre animal pendant une beure entiere; mais ses efforts furent inu- tiles, et il fut oblige de reconnaitre qu’il fallait des armes pour tuer cet animal. Le porc-epic d’Amerique est de la gran- deur d’un chien de moyenne taille ; seuler mentil a les jambes tres courtes. Ses aiguil* lons sont blancs et d’une longueur de troig trn quatre pouces. Les Indiens en prennent un assez grand nombre, et meme sans piege», car cet animal est si extraordinai- rement paresseux et borne qu ilneckerche pas metne k luir quand il voit veinr son i35 ennemi, II reste a la meme plače deux et trois semaines enlieres, et apres avoir ronge 1’herbe ou les pelites plantes qui se trouvaient preš de lui, il passe souvent plusieurs jours saos aucune nourriture, avant de se determiner h la cbercher plug loin. Quelquefois il grimpe jusqua la branche la plus basse d’un arbre et la ronge jusqu’& ce qu’elle lombe avec lui par terre. Les In diens qui le rapportent en ont e'te te'moins oculaires; aussi la paresse et Hm- becillite de cet animal ont-elles passe en proverbe chez eux. La chair du porc-epic esttres savoureuse; leslndiensremarquent cependant que ceux qui en mangent sou- vent ressentent un grand abattement dans leurs membres et une grande propension au sommeil. Les Indiennes teignent de diverses con." leurs ses aiguillons qu’elles fant servir aux ornemens de leurs chaussures ou de difft> rentes autres choses. Un chien indien ne s’approche jamais qniine fois d« porc-epic; car, des que ce»* lui-ci Yoit un chien a sa portee, il dresse ses 136 aiguillons et lui met le museau et meme les yeux dans le plus triste etat. Le cliat sauvage est aussi un des objets de la chasse des Indiens. II est en ge'neral excessivementgras. Les Indiens, aussi bien que les Blancs qui vivent parmi eux, re- gardent sa chair comme un morceau fin, et en eflet, elle a un gout tres delicat. Les Indiens chassent souvent le loup, et sont fort contens quand ils en ont tue un, car ces animaux carnassiers leur font bien du tort en empietant sur leur droit de chasse. II a dejk ete dit que les Indiens mangent la chair de loup, non seulement quand la lamine les presse, mais toutes les lois qu’ils peuvent en avoir. On rencontre ici une foule innombra- ble de betes fauves. Les chevreuils surtout sont en si grand uombre dans tout le con- tinent de l’Amerique septentrionale que dans certaines contrees, les Indiens ne vi¬ vent presque pas d’autre chose, et qu’ils en tuent souvent six ou huit dans un jour. Parmi les Indiens du nord et de 1’ouest, qui sont encore tres barbares, il en est ! 3 7 beaucoup qui sont dans 1’usage de boire Je sang chaud qui decoule de la plaie inortelle du chevreuil. Les Indiens foni aussi la chasse du che¬ vreuil durant la uuit ; en bien des endroils ils en tuent meme beaucoup plus pendant la uuit que pendant le jour, et plus la nuit est obscure, mieux cela vaut. Voici com- ment ils s’y prennent. Apres avoir pre- parc des flambeaux qui brulent lentement en jelam toutefois une-luraiere claire, ils se meltent deux dans im pelit canot, sur le dcvant duquel ils attachent leur flambeau; des branches epaisses disposees derriere le llambeau servent a cacher Fun d’eux arme de son fusil; Fautrc.se met a la par- tie opposee du canot qu’il dirige avec la plus grande precaution, et dans le plus prolond silence. Les chevreuils ont, sur les bords des rivieres, certaines places aux- quelles ils viennent la uuit se rafraichir et chercher un abondant paturage. Les Indiens epient de loin ces endroits, et quand ils apergoivent un chevreuil, ils s’en approchent en silence. LAniroal est ravi 138 de vok la liamkre, et comme dans son cblouissement il ne vok autre chose que le flambeau, 11 reste immobiie dans sa de> lideuse contemplation jusqu’a ce que l’In- dien arrive plus preš, lui fak pajer bien cherement son plaisir. Le cerf est rare dans rAmerique sep- tentrionale, il n’y en a pas du tout vers le nord; on en rencontre quelques uns sur le territoire de Michigan. L’elan est bien plus nombreux , surtout sur les cotes occidentales de ce continent. On rencontre des troupeaux entiers de ces beaux et superbes animaux. Le bois de 1’elan est plus long et a des jets plus nomhreux et plus grands que celui du cerf. Cet animal devient dangereux quand il est blesse. Les chasseurs indiens en eprou- vent les accidens les plus graves. Sa course est d’une velocite prodigieuse, mais ne dure pas long-temps j aussi des voyageurs anciens etmodernes avancent-ils que les Indiens forcent l’elan h la course, non qu’ils l’egalent en velocite , mais parcequ’ils peuvent courir beancoup plus long-temps, et qtt’en s!attachant & ses traces ils parvien* nent enfin a 1’atteindre. Quand un elan apergoit un Indien, il s’enfuit avec une telle rapidite qu’en un clin d’oeil le chas- seur Fa perdu de vue et est reste en arriere de plusieurs, millea ; et un Europeen qut n’en a pas ete temoin oculaire ne pourrait croire qu’il fut possible a un homme d^ar- river sur les traces de cet animal si leger. Mais 1’Indien le poursuit d’une course egale jusqu’a ce qu’il le decouvre de nou- veau, seulement quelques heures apres, L’elan reprend sa course, Flndien dou- ble la sienne , et Fatteint de nouveau plus promptement que la premiere lois. La chasse se poursuit ainsi duranltoutle jour, jusqu’a ce qu’enfin la mallieureuse bete ne puisse plu s courir aussi vite que Fln¬ dien qui arrive preš d’elle et la 1‘rappe. II n’en est pas de meme pour la chasse aux rennes, car cet animal court beaucoup plus long-tempS- II habite dans les contrees septentrionales. En Amerique on n’en trouve pas au dessous du lac Superieur, mais plus on avance vers le nord, plus nombreux sont les troupeaux de rennes qu-on rencontre. II nest pas rare d’en voir plus de mil le a la fois. Les Indiens de FAmerique seplentrionale n’ont jamais voulu faire des rennes le meme usage qu’en lont les Lapons; ils ne laissent pas d’etre un des objets les plus importans de leur chasse, et dans les contrees tout-a-fait septentrionales, la chair des rennes est la noumture la plus ordinaire des habi- tans, de iaeme ; que leur peau leur sert de vetement. Les Indiens des pays ou Fon rencontre les rennes en grand nombre connaissent par une longue experience les habitudes de ces animaux. Ils savent qu’en ete ils re- moutent davantage vers le nord, et souvent ]usque sur les bords de la merGlaciale j en automne on les voit redescendre dans les forets plus meridionales. Les Indiens ont remarque que les rennes font reguliere- ment tous les ans par grauds troupeaus cette double migration. Ils ont remarque aussi que dans leur trajet ces animaux ne manqnent pas de passer regulierement k i4i de certaines places. Les Indiens se reunis- sent alors en bandes nombreuses et atten- dent ces animaux de passage dont ils font souvent un horrible carnage. Les Indiens ont invenle loutes sortes de moyens pour tuer a la fois un grand nom- bre de rennes. Quand ils ont decouvert par exemple unendroit ouces animauxsont dans l’habilude de passer, ils preparent une forte et haute cloture en palissades et en branches d’arbres, aumilieu delaquelle le chemin passe. Ces clotures sont tres etendues et ont souvent deux ou trois milles de tour. Au passage du chemin, les Indiens ont soin de laisser une ouverture. Des deux cotes du chemin qui mene a cetle ouverture, les Indiens disposent des branches d’arbressous la forme d’une alle'e qui s’elargit a mesure qu’elle s’eloigne de la dite ouverture. Dans 1’interieur de la cloture ils font de nouveau de petites baies et des allees dans lesquelles ils len- denl de lorts lacets. Quand tout est acheve, ils etablissent a une certaine distance leur cabane etyattendent leur proie.Des qu’ils t4a apergoivent quelques rennes suivre letrr route ordinaire et entrer dans 1’allee qtu jnfene a la porte de la clotui'e, ils s’avan~ cent lentement et commencent a se mon- trer. Les rennes luient alors rapidement dans le chemin qui leur est ouvert et se jettent precipitamment dans la clfilure on ils esperent trouver une retraite. Les In- diens j entrent avec rapidite en referment Tentree et donnent la chasse dans l’in- terieur de la cloture aux rennes qui tom- bent en foule, atteints par les balles des chasseurs, ou restenl pris dans les lacets. On parvient ainsi a tuer en une seule fois des troupes nombreuses de ces animaux. Une cloture de ce genre sert pour plusieurs chasses. Laplusgrande de toutesles betes fauves de cette partie du monde est sans contre- dltlegrand elan d , Amcrique, ou orignal, dont la taille s’eleve au dessus de celle du cheval le plus grand. Son bois seul pese plus de cinquante livres. Cest aussi l’ani- mal le plus timide, le plus rapide dans sa course, et le plus difficile k atteindre. J’ai souvent entendu les Indiens eux-me~ mes avouer qu’il y a parmi eux peu de chasseurs assez habiles pour tuer un de ces elans. Sa vue, son ouie et son odorat sont egalement prodigieux et plus exerces que ceux de tout autre animal de cette contree. Quand le moindre vent souffle du cote ou se trouve le chasseur, il sent son en- nemi, bien avant que celui-ci ait pu le voir et 1’entendre, et s’enfuit avec la rapi- dite de Feclair. Aussi les Indiens taclient- ils, lm’squ’ils ont decouvert les traces d’un grand elan, de s’en approcher du cote op- pose au vent. La velocite de 1’orignal a quelque chose d’incroyable. Quoique le plus rapide de tous les animaux de cette contree, il ne galoppe jamais et trotte toujours. Les chas¬ seurs parviennent a le tuer surtout dans les endroits ou C et animal est dans l’u- sage de venir se desalterer tous les jours. Quand ua Indien a decouvert un de ces endroits,il se cache quelque part, et tire sur Torignal lorsqu il vient vers 1’eau; rnais ?44 souvent. celui-ci sent deja debien loin son ennemi etprend la luite. Vers 1’ouest et le norci de ce continent, / les buffles sont le principal objet de la chasse des Indiens. II y a dans ces con¬ trees , de si grandes plaines , que quand on se trouve au milieu, on n’apercoit tout autour de soi c]ue la verdure et le ciel. L’oeil le plus pergant ne peut decouvrir dans tout 1’horizon, ni collines, ni raerae aucun arbre. Dans ces plaines sont repan- dus des troupeaux innombrables de buf¬ fles qui s’elevent souvent a plus de dix mille. Les Indiens de ces contrees se tien- nent dans la foret, sur lc bord de la plaine, et font la chasse de ces animaux doni ils vivent exclusivement. II y a aussi dans ces contrees des plai¬ nes plus petites et des paturages ou s’ar- retent des troupeaux moins nombreux. Les Indiens des cotes de 1’ouest ont des chevaux qu’ils montent communement sans sellc. lis s’en servent tres avantageu- sement dans la chasse du buflle j car cet animal, qui esl tres lourd, quoi qu’il coure encore assez rapidement, n’a cependant pas une velocitž egale a celle des che- yaux indiens, dresses expres pour celte chasse. Les buffles emigrent souvent en trou- peaux enormes, d’une plaine a une autre, pour chercher de meilleurs paturages, et les Indiens les suivent. Quand ces animaux rencontrent dans leur marche une riviere, tout letroupeau la passe a la nage et cori- tinue sa route. Durant 1’hiver, ils se tien- nent ordinairement dans les forets pour etre moins exposes aux vents quc dans la plaine, et parce qu’ils y trouvent nussi unenourriture plus abondante. Quand ils voyagent durant 1’hiver, etqu’ils viennent a rencontrer une riviere, ils veuient torrs traverser la glace, en quelque grand nom- bre qu’ils se lrouy en t; mais, quelque fortement gelees que soient en hiver les rivieres de 1 Amerique seplentrionale , la glace la plus lorte ne parvient pas a sup- porler le poids d un de ces troupeaux , quand il est bien nombreux; aussi se brise- 7 *46 t-elle ordifcairement, et la plus grande partie de ces anmiaux perit alors. II est facile de comprendre quedans uti« pareille marcheou destroupeaux eritiersd« ces lourds animaux s’avancent en colonnes serrees, les premi ers se trouvcnt obKges de marcher bon gre mal gre, surlout quand le troupeau est poursulvi. Cette circonslance est souven l mise a pro¬ fit par les Indiens, quand ils poursuivent un troupeau de buffles, preš d’un licu ou se irouve un precipice forme par les ro- chers. lis choisissent alors le mcillcur cou- reur d’entre eux ; celul-ci s’cnveloppe d’une peau de buflle ayant encore ses cornes et scs oreilles, et se glisse ainsi de- guise devanl la troupe du cote ou se trouve le precipice. Les autres Indiens entourent de loin le troupeau , excepte du cote du- cjuel se trouve 1 homme deguise sous Ja peau de buffle , et s"approchentpeu a pcu. Quand les buffles commenceut a aperce- voir les Indiens, ils deviennent inquiels et se preparent a la fmte. LTIndien de¬ guise court alors en toute hale vers le pre- 'M 7 eipicc, et les autres jcltent tm eri terrible qui epouvante lellement les bulllcs, que tout le troupeau iuil avec precipilation, en prenant toujoursla direction du masque qui les precede et qu’ils prennent pour uii des leurs. Quand 1'Indien est an-ive asu precipice, il se cacbe dans unč lente de rocher qu’il avait destinee d’avance a le recevoii'. Les premiere bullles arrivent au precipice, devant lequel ils rccuient, a la verite effrayes; mais il nj a plus mojen de s’arreter. La grande masse qui les presse par derriere ne manque jamais dc fairc tomber les premiere dans le precipice ou ils troti ve n t une mort certaine. Les barbares sauvages detruisent ainsi souvenl. a plaisir des lroupeaux entiersj car ils Tt’en consomraent pas la ccmieme pa:tie, et ne tardent pas a s’en eloigner pour avoir toujours de l a viaude 1'raiche. Les Indiens de Poucst , comme nous venons deja de le dire, cbassent comnm- nement le buffle montes sur leurs t hevaux« Ils se scrvenl alors de Lare el des flecbes, -parce qu’ils Irouvcrrtancommode de cbar- i48 ger un fusil a cheval. Viennent-ils a ren- contrer un troupeau dans la floret; Jls le pousscnt lentement devant eux jusque dans la plaine. Us se precipitent alors au milieu du troupeau, le dispersent, et choi- sissent les plus groš pour les percer de leurs fleches. Ils continuent leurs pour- suites jusqu’a ce que leurs traits soient epuises. II y a encore aujourd’hui, dans le nord et dans 1’ouest de l’Amerique, des tireurs d’arc assez forts pour percer un boeuf d’outre en outre avec une de leurs fleches. Quand les Indiens sont a la recherche d’un troupeau de buffles, ils se couclient souvent par terre pour ecouter j et quand un grand troupeau est dans le pays, ils reconnaissent ses mouvemens a une dis¬ tance de r quinze a vingt milles. Un An- glais qui a vecu trente ans parmi les In¬ diens, raconte qu’etant alle une fois avec eux k la chasse aux buffles, ils avaient, durant la nuit, distingue la marche d’un troupeau qui se trouvait a une distance de dix-huil milles. Le lendemain, ils diri- gerent leurs chevaux juste vers le lieu du cote duquel ils avaient entendu le bruit, et arriverent dans une plaine immense, dont 1’aspect ressemblait h la mer. Ils elaient encore eloignes de dix milles du troupeau qu’ils 1’apercevaient deja,inais seulement comme une longue ligne noire a 1’horizon. Les iritrepides Indiens, quoi- que peu nombreuxmarcherent droit vers le troupeau, qu’ils eurent blentbt atteint sur leurs coursiers rapides : ils en tuerent alors un nombre fort considerable, et meme tout-a-lait a plaisir, car ils les lais- serent couches et ne chercberent plus qu’a tuer quelques vaches, dont les Indiens prelerent la chair, en certaines saisons, a. celic du buflle. On peut dire , sans exageration, que les Indiens tuent autant de buffles par plaisir qu’ils en consomment pour leur nourrilure. (Juti e les bufiles, on trouve aussi , dans les forets vierges de l’Amerique du nord, des taureaux sauvages, mais ils sont tres rares. Quand uu Indien a decouvert la i5q trače d’un de ces animaux, il prend tou- jours quelques compaguons avec lui,car uu seul homine ne scrait pas en etat de tuer cette bete monslrueuse. Un Indien d^rbre-Croche, qui a passe quinze an« uees de sa vic parmi les sauvagcs barbares du nord, m’a raconle que les Iudiens parmi lesquelsil vivait, luerent un jour un taurcau sauvage, dont la peau etait si grande, qu’elle couvrait toute la terre de la cabane qu’ils liabitaient. J’en conclus que, le col compris, clle pouvait avoir douzc picds de long et huit de large. CHAPITRE VIT. Pecho des Indiens de rAmefique Septentrionale. A preš la chasse, la peche est une des princi pales et des plus abondanles res- SOurccs de lavie des Indiens. L’Amerique septentrionale compte des lacs nombreux et imtnenses, rempiis des poissons les plus beaux et les plus delicats. Les Indiens qtii demeurent sur les bords de ces lacs, ne se nourrissent en quclque sorte que de poissons. Les lijstrumens dont ils se ser- vent pour la p^chc sont des lances, ou espeees de petits harpons, des hamegons ou des blets. Les aneiens Indiens, cjui ne connaissaient point le ler, faisaient leurs hame^ons avec des os d’animaux ou des aretes de poissons. Ils preparaient leurs i5a Iiiets avec les filamens delicats de 1’ecorce inlerieure destilleuls dom ils faisaient des tresses. Les Indiens de Fouest et du nord font souvent encore aujourd’hui leurs fi- lets de celte maniere. Les Indiens d’aujourd’hui se servent de lances et de hamegons en fer qu’ils obtien- nent des blancs dans leurs echanges, et leurs iiiets sont en lil fabrique. Les Indiens qui habitent sur les bords des lacs vivent de poissons, biver comrne ete. Lorsque les lacs sont geles, ils font dans la glace des trous d’environ trn pied de diametre, se couchent sur les bords de 1’ouverfure en tenant leur Jance en arret, et quand un poisson vient a passer, ils le percent. Ces lacs sont si poissonneux qu’un Indicu prend communement ainsi douze ou quinze groš poissons par jour. II lui arrive quelquefois d’en prendre trenle, cinquante et meme cent. Je conuais un Indien dans cette ile, qui, il y a quel- ques annees, perga trois cents poissons en un jour. Ces poissons sont fort grands et de Fespece des brochels ; les plus petits p£- i53 sent de dlx a douze livres ; les grands de vingt a trenle. Pour mieux attirer ces poissons de proie,les Ifidieuš font des pelits poissons de bois de six a huit pouces de. long qu’ils creusent, et dans 1esquels ils mettent du plomb. Us altaclieot ensuite ces petits pois¬ sons a une forle ficelle, et les plongent dans l’eau, par 1’ouverlure qu’ils oni prali- quee dans la glace; ils ont soin de tirer de temps en temps la ficelle pour tenir l’ap- pat dans un mouvement continuel. Quand un brochet vient a passer preš de la, il ne manque pas de se precipiter sur ie pretendu poisson • mais 1’adroit Indien le perce avant meme qu’il ait eu le temps de se con* Vaincre de son erreur. Ils tendent aussi leursfilets sous la glace et prennent ainsi une grande quantite de poissons. Ces fd ets ont en general trois cent soixante pieds de long sur cinq de large. Ce nest pas chose facile de tendre cet enoime filet sous la glace. Je n’ai pu bien le comprendre qu’apres en avoir ete temoin moi-meme. Ils pratiquent d’abord 7- *54 d&ns la glace unc large ouverture, et font ensuite, dans unc ligne droile de trois cent soixante pieds, plusieurs trous plus petits, en vi ran a ime distance de douae pieds l’un de Tantre. Ces trous servent i faire passer, h 1’aide d’uue perche, une longue ficelle sous la glace jusqu’a la der- niere ouverture. La , on retire la perche & laquelle est atlachee la ficelle. A 1'autre extre'mite la ficelle est altachce a Tun des bouts du filet, dontTauire bout est cgalc- tneut retenu par unc autre ficelle qui se trouve entre les mains d’un Indicu plače preš de la premiere ouverture. On laisse alors glisser avec precaution dans 1’eau le filet que 1’Indien, qui se tient preš dela derniere ouverture, tire peu a peu, a 1’aide de la ficelle, jusqu’ace que le filet tout entier se trouve sous la glace. Comme les poissons no nagent pas en general sur la surface de 1’eau, on tend le filet h une profondeur de dix h quinze pieds. Pour y parvenir, les Indiens altan- ehent a Tcxtremite inferieure du filet,A une certaine distance Tune dq 1’autre, des pe- i55 lites pierres dont le poids fait descendr« le filet, et a l’extremild superieure, en lace de chacuue de ces pierres, ils fixenl des morceaux de bois sec leger qui doivent faire renionier le filet eL pareonsequent le tendre. Les deux fieelles sonl fixees a des percUes placees aux ouvertures des dcux extremiies. Les mailles da filet sonl telles qu’un poisson de inojenne grandeur puisse y entrer sa lete jusqu’aux branehies , sans pouvoir toutelois la retirer. Ils tendent leur filet vers le soir, et le retirent le len- demain malin ; ils ne maiujuent jainais d’y trouver dix, vingt, et jusqu’a cin- quante poissons. Les Iudiens de 1’Ouest connaissent une cerlaine racine qu’ils broient apres 1’avoir faitsecher, e t qu’ils font ensuite dissoudre daps l’eau. ll s repandent alors cctte eaij dans un endrou fort poissonneux d’un lac ou d’unc riviere , et en peu d’inslans , les poissons sont tellement etourdis qu’ils re- montent comme morts a la surface de l eau. Les Iudiens les prennent alors avec leurs mains, et les jeitenl dans leurs canots jus- i56 qu’a ce qu’ils en aient assez ; ils laissent les autres dans leur etouruissement qui ne ta rde pas a cesser. Quelqucs petites tribus des Indiens de rOuest, qiil detneurent sur les rivages de rOcean pacifique, prennent. des baleines,: a Taide de grands harpons, relenus par de longues cordes. A ces coi des , les In- diens altachent, de distance en distance, vina trente peaux de chiens de mer, goullees comme des vessies, ct destinees a empechcr la baleine blessee de fuir avec rapidite, et de plonger au fond de Feau. Un vojageur donne des details sur l’in- trepidite des Indiens des cotes Occiden¬ tal es dans la prise d’un grand poisson de proie. Ce poisson vit dans la mer et est tres grand et tres dangereux. Durantl’e'te, il se tient preš des cotes , entre les rochers, derriere lesquels il epie.sa proie. Quand un Indien est a la recherche d’un de ces poissons, il prend un rnorceau de drap rouge et nage sous l’eau, jusqu’a ce cpdil en aper§pive un. [1 tient alors son drap rouge devant le poisson qui ouvre sa large gueule pour saisir la proie qu’il croit voir. Mais en merae temps 1’Indien lui enfonce son bras dans la gueule , le saisit, et apres un combat acharne, le traine en tre les rochers jusqu’au rivage. Quelques Indiens se serventaussia cer- taines epoques de l’annee de petits filets ronds qui ant environ cinq pieds de dia- roetre et trois pieds de profondeur. A l’aide de ces filets ils prennent souvent en certains lieux et a certaines e.poques plu- sieus centaines de poissons de cinq a buit livrcs, dans Fespace de quelques heures. CIIiPITRE VIII. Mariage et education des enfans chez le« Indien* de l’Amčri constance importante dans laquelle ils se sont trouves. Les Indiens ne se donnent pas la peine d’enseigner quoi que ce soit a leurs en- fans, qai n’ont dautres maitres que leurs yeux et leurs oreilles. Quand les chasseurs et les guerriers font le recit de leurs aven- tures, les jeunes Indiens ecoutent avec beaucoup d^ttention, et sont inities aiusi a ia connaissance des occupations qui de- viendronl unjour les leurs. Quand le pere fait un canot d’ecorce de bouleau, des raquettes ou toutc autre chose, ses enfans le regardent faire , et cherchent ensuite a 1’imiter; il en eS [ de meme des petites filles, quand elles voient leur mere oc- ■cupee deS travaux de son sexe. CHAPITRE IX. Religion jfes Indiens de I’Amerique Septentrionale. Tous les voyogeurs ont remarque cette fcaute verite, qu’il n’existe aucun peuple surla terre sans aucune espčce de religion. Les Indiens de toutes lcstribus de l’A- merique septentrionale ont aussi leur re¬ ligion qui n’est cependant pas la metne dans quelques unes d’entre elles. Ils croient tous a l’existence d’un £tre Su- preme qu’ils nomment le grand esprit ou le seigneur de la vie ; mais les autres points de leur croyance et leurS usages et ceremonies religieuses differentbeaucoup. Leurs traditions sur la creation de la terre , sur le deluge et sur quelques autres ij5 čvenemens de 1’Ancien Testament varient autant que differait rimagination de leurs ancetres qui leur ont transmis ces tra- ditions. Les Indiens de la tribu de Delavvare ( tribu fort peu importante aujourd’hui ) croient qu’ils vivaient autrefois dans la terre, dont un heureux hasard les avait fait seulement sortir plus tard. Un Indien de leur tribu decouvrit un jour une ouver- ture dans la partie superieure de la terre. II grirnpa vers cetle ouverture, et y grimpa si long-temps qu’il linit par arriver a la surface de la terre. II fut frappe d’etonne- ment en voyant ce beau pays qu’il venait de decouvrir, et s’etonna bien plus en- core en voyant les animaux de toute es- pece qui vivaient sur la terre. II s’avanga pour explorer un peu ce beau pays, et fut assez heurenx pour trouver un che- vreuil, qu’un lonp venait de prendre et qui etait preš de perir. II accourut, tua le chevreuil et 1 emporta avec lui au sein de la terre. Ses voisins se rassemblerent autour de lui, et il leur ftt part des mer- 176 veilles qu’il avait vues. Ce recit, mais bien plus encore la chair du chevreuil qu’ils avaient trouvee excellente, les determina a quitter leurs sombres demeures pour grimper jusqu’a la surface de la terre, et aller chasser les animaux qui vivent sur la terre. Les Indiens d’une aulre tribu du pays de Missouri, crolent e'galement tirer leur odgrne du seln de la terre, mais lis ne raconient pas de la raeme maniere le mode de leur delivrance de cette sombre demeure. Us croient qu’une vigne plantee par leurs ancetres s’eleva a une hauteur si prodigieuse qu’elle atteignit une grande ouverture qui se trouvait au sommet de leurs demeures souterraines, et que per- sonne n’avait encore pu alteindre. Ce pled de vigne etait en metne temps tres fort, etun jour un jeune homtne eut le cou- rage de grimper par la jusqu’a Touver- ture. II parvint meme a s’elever jusqu’au dessus et descendit sur la surface de la terre. II admira la beaute de la nature et 1’eclat du soleil, mais surtout les trou- »77 peaux de buffles qu’il apercevait autour de lui dans la plaine. II pafvint a tuer un de ces buffles, dont il emporta un morceau avec lui. 11 se hata alors de revenir dans sa demeure et fit a sa tribu un ta- bleau brillant de la beaute et de la ferti- lite de la tetre et de la belle chasse qu’on y rencontrait. Toute la tribu resolut aussi- tot de s’echapper de ša sombre demeure, et le projet fut mis en execution. Malheu- reusement il se renconlra dans le nombre nne femme tres forte qui voulut aussi ar- river dans la terre promise; elle saisit le ^picd de vigne et se mit a grimper; mais son poids extraordinaire brisa le ceps qui lut renverse.Les Indiens qui n’etaientpas encorc sortis, se vircnt done prives de leur unique moyen de salut et furent obb- ges de rester dans la terre ou ils vivent en- core aujourd’hui. La tradition du deluge s’est conservee generalement parmi les Indiens , mais si defiguree et sous tant de formes qu’on a de la peine a la reconnaitre. Quelques tribus croient qu’apres trois 8 . generations de, la premiere famille % uue jnondation universelle engloutit la terre etdetruit toutela race humaine; et qu’a- lors, lorsque les eaux se furent retires, quelques animaux (sans doute de ceux qui vivent dans l’eau ), fui'ent changes en Jhommes, pour que la terre fut de uou~ veau peuple'e. D’autres tribus racontent qu’un Indien distingue fut prevenu en ’ songe par le grand Esprit qu’une grande inondation desolerait lai terre. Cet liomme plein de sagesse et prevojance construisit aussitot un radeau avec des troncs d’arbres, etlors- que Tinondation devint generale, prit axe& lui sur le radeau des animaux de toute espece. II passa plusieurs mois sur le ra¬ deau, jusqu a ce qu il cornmen^a a perdS^, courage et que les animaux qu’il avai pris avec lui, anunaux qui avaientle don de la parole, se mirent k murmurer tout haut contre lui. Ce grand Esprit crea enfin une nouvelle terre alaquelle rhormne vint aborder avec ces animaux. Ceux-ci perse- verereut dans leur mecontenteinent a l’e- m gard de 1’homme, et etaient deja sur le pointd’exeiter une revolte contre lui, sous la conduite*de 1’ours, lorsqu’ils perdirent lout a coup le don de la parole , et tomberent dans l’etat ou ils sont encore aujourd’hui. Tous les Indiens de rAmerique septen- rionale , a l’exception de quelques indi- vidus , croient a 1’immortalile de 1’ame ; mais ils difierent bien enire eux, quant au sort qu’ils assignent a 1’ame, apres la mort de rhomme. 11 en est qui croient qu’a- pres la mort de rhomme son ame reste encore long-temps sur la terre, dans la societe de ses proches parens qu’elle voitet entend tout, quoique personne ne puisse 1’apercevoir, et qu’en cas de dan- ger elle vient au secours de ses proches. Mais tot ou tard elle est obligee de com- mencer un long V oyage vers le pays des esprits, du cote du soleil couchant. Ce vojage est trfes penible et dure plusieurs inois. L ame est obligee de passer plus d’une lois des fleuves tres rapides sur une seule poutre, et se trouve attaquee sou- vent par des chiens sauvages et dautres i8o animaux feroces (i). Comme les Indiens s’imaginent que l’ame, duram ce voyage, eprouveencore touslesbesoins deThomme sur la terre, ils ont soin de pourvoir leurs proches de tout ce qu’ils emportent eux- memes dans leurs voyages; aussi mettent- ils dans le tombeau, des provisions de bouche, des armes , un fusil, une pipe et du tabac. Cet usage est gene'ral parmi les peuples derAmerique du Nord. Quelques Indiens ont 1’habitude d’y ajouter une bouteille d’eau-de-vie. Tous les Indiens, a quelques exceptions individuelles preš, croient aussi aux re- compenses et aux chatiniens de 1’autre monde.Mais les opinions different, tant sur la qualite que sur le mode de ces recom- penses et de ces chatimens. Quand un In- dien est un habile chasseur et un guerrier intrepide, il est, dans leur opinion, digne des recompenses eternelles. La compas- sion pour les malheureux, Thospitalite, comme aussi la constance dans les souf- (i) Les Indiens croient a une espice daperson- nification de Pžime dans l’autre inonde. i8i frances assurent egalement des droits a une recompense. Les Indiens croient aussi que les animaux memes revivront pour servir au plaisir de la chasse; cai’, tel est le tableau que les Indiens se figurent en general, du bonheur de l’autre monde : on y vivra dans un pays ou regne le cli- matle plus doux. La terre y est toujours couverte d’une verdure eternelle, de fleurs qui ne se fletrissent jamais el des parfums les plus odoriferans; de superbes forels reniplies de gibier de loute espece, et des lacs aux ondes limpides, ou se nourrissent les meilleurs poissons, coupent tour a tOur les vertes plaines dc ce pays fortune. Les elus indiens y pechent ct y cbassent ctertieiltineru, et tout cela, non avec peiue et fatigue comine sur celte terre, mais avec un plaisir toujours renaissant. Avant d’arriver dans ce pays, l’ame est obligee de passer sur une faible poutre, au dessus d un precipice incommensura- ble. Les bons lont ce trajet sans peine et sans chanceler, et entrent alors dans la demeure du bonheur. Mais les mechans, 182 tels que les meurtriers, les voleurs, les laches, etc., portent avec eux le poidg de leurs iniquites : ce poids pese sur eux er. les fait chanceler a un lel point qu’ils fi- nissent par perdre l’equilibre et par tom- ber dans 1'horrible precipice ou lis restent engloutis a jamais. Cest la 1’idee qu’ils se font de 1’enfer. Mais quant aux tourmens que les mechans endurent dans ce preci¬ pice , les Indiens n’ont point d’idee ar- retee. Ils disent seulement en general que les mechans j souffrent eternellement. Dautres croient au contraire que la poutre sur laquelles les ames doivent pas- ser s’eleve au-dessus de l’eau profonde de la m ort. Les bons traversent heureusement et arrivent dans le pajs de la felicite, on ils eprouvent eternellement des jouissances de toute espece; les mechans, au con- iraire, tombent dans l’eau, ou ils s’en- foncent jusqu’au cou et ou ils restent eter- nelleaaent dans cette position. Ils voient le payš de la lelicite, sont temoins de loutes leurs delices et detoutesleurs jouis¬ sances, mais ils ne peuvent parvenir a j83 sortir de 1’eau pour partager leurs plaisirs. Quelques uns croient encore que l’ame doit traverser sur un tronc creuse, un tor- rent impetueux. Les bons qu’aucun poids ne relient, s’elancent facilement et rapi- dement vers 1’autre rive et entrent dans Je pays de la lelicite. Les mechans, au contraire, qu’accable le poids de leurs iniquites, ressemblent a de faibles vieil- lards; ils s’elevent peniblement hors du creux de leur arbre qui leur echappe etles laisse tomber dans l’eau; ils sont changes alors pour toujours en crapauds affreux. Les peuplades du nord qui souffrent extremement du froid croient que le pays de la felicite joint aux avantages deja men- tionnes p] us baut, Tagrement d’un «ite eternel, et q ue le pays des mechans, au contraire, est extraordinairement froid, aride et couvert de neige. Dans ce pays, les mechans ne parvienuent qu’au moyen des fatigues les pl us penibles a tuer le gibi er necessaire pour soutenir misera- blement leur vie. Les Indiens de l’Amerique septentrio- »84 nale ne croientpas seulement al'existence d’un grand esprit qu’ils appellent aussi le bon Esprit et qu’ils s’imaginent vivre dans l’air j ils croient encore a un esprit me- chant qui demeure dans 1’interieur de la terre et jouit d’une grande puissance. Leurs sacrifices sont offerts, tantot a l’un tantot a l’autre. Ils croient aussi a l’exis- tence d’esprits d’un ordre inferieur, char- ges de proteger certaines personnes ou cerLains lieux. lis oflrent du tabac a ces esprits tutclaires, quand ils arrivent dans les lieux qu’ils supposent etre sous leur protection. J’ai eu occasion de voir une foule de ces endroits honores ainsi, dans mes voyages sur le lac superieur. Ainsi Ton rencontre, sur le rivage de ce lac, des muraillesmajestueuses et des massesenor- mes de rochers qui, de loin , presentent les formes les plus variees et 1’aspect le plus imposant. Ces masses prodigieuses de rochers sont 1’objet d’un culte special. Quand un Indien vient a en approeher, U alluine sa pipe, jette un morceau de • i85 tabac dans l’eau, et continue sa route dans un silence solennel. Ilarrive souvent aussi que 1’Indien aborde, et , prenant un long detour, parvient a grimper jusques sur le sommet desrochers, ou il depose, comrne offrande, un morceau de tabac; plein de confiance alors dans la protection de l’es- prit tutelaire de cette contree, il remonte dans son bateau, quelque orage qui le menace, et continue tranquillement sa route. Les Indiens d’une tribu, qui vit au dela du Mississipi, font encore aujour- d’hui, une fois tous les ans, certaines horribles ce’remonies qui ressemblent aux usages religieux de quelques peuples des Indes orientales. Un voyageur anglais qui a passe chez les Indiens l’ete de 1832^ raconte ce qui suit : Au milieu du village qu : il habitait, se trouve une plače ronde de cent cinquante pieds de diametre environ; a l’extremite s’eleve une grandc cabane pour les sacri- fices, ayant soixante-et-dix a quatre-vingts pieds de diametre. Le matin du jour qui i86 precede les ceremonies, parait dans le lointain, un Indien qui represente le pre¬ mier homrae. Cet Indien est peint en rouge; ses vetemens consistent en quatre peaux blanches de loups. Les plumes de deux corbeaux iorment sa coiffure, et il tient dans sa main droite une pipe d’une grandeur extraordinaire ; il s’approche Jentement du village dans lequel il finit par entrer apresune foule de ceremonies. JI inarche ensuite de cabanc en cabane, ou il demande partout un couteau ou un autre instrument tranchant, en remar- quant que ces inStrumens doivent servir a former le grand radeau (1 arche). A la fin de la ceremonie, ces couteaux sont jetes comme offrande dans l’eau. Le lendetnain matin, ils se rendent dans la cabane dcs sacrifices dont 1’enceinte circulaire est orne'e de cranes d’hommes et de buffies. Une foule de jeunes Indiens le suivent pour s 'y faire torturer. Us sont presque enlierement nus et peints d’une maniere horrible. Ils se couchent sur Jes cotes de la cabane et attendent le maitre 187 des ceremonies qui ne tarde pas 'a pa- raitre. Son corps est peint en jaune;il porte une ceinture jaune et une coiffure blanche. Le premier homme lui offre alors sa grande pipe, et s’en va pour ne repa- raitre qu’a la premiere fete annuelle. Le maitre des ceremonies reste dans la cabane quatre jours et quatre nuits sans boire ni manger, et durant tout ce temps fait entendre les cris etles gemissemens les plus affreux. Les jeunes Indiens qui se trouvent avec lui dans la cabane restent aussi quatre jours et autant de nuits sans aucune nourriture etsans aucune boisson, Durant les trois premiers jours, les In¬ diens qui se trouvent en dehors de la ca¬ bane, mais uon eeux qui y sont renfermes, executent dift4 .Apreš la danse, commence le festin du sacrifice ; et quand ils nont pas d’autre ressource, ce qui leur arrive souvent, Us tuent pour ce repas quelques uns de leurs chiens. Quelques tribus ont encore une espece d’autre danse religieuse. Ils se reunissent le soir dans une grande cabane, construlte «xpres. Une femme et une jeune fille ou- vrent la danse. Vient ensuite un homme d’un age moyen, portant un bonnet et un manteau en peau de betes; cet homme fait des sauts prodigieux en parcourant de haut cn bas la cabane el en poussant des cris. Ensuite se prešerne a la cabane, un jeune homme qui se precipite sur le premier, et lutte avec lui, coinme s’il vou- Jait le terrasser. L’homme plus ag^ saisit alors un claquet avec lequel il fait un ibruit epouvantable; le jeune homme suit s- banes particuliir.es, et consistent en un grand poteau surmonte par jine forme de visage humain. A ces poteaux ils atta- chent des lambeanx, des rubans et des ig6 plumes de couleurs. Us ont leurs petites idoles dans leurs cabanes, ou les portent souvent avec eux. Ce sont de petites statues de trois a quatre pouees qui representent d’une maniere informe un etre humain. lis n’ont. cependant point de temples d’idoles, et 11 ’offrent aucun sacrifice a leurs idoles qu’ils ne regardent que comme la figure de leurs esprits protecteurs. LesIndienssacrifient plus souvent a l’es- prit mechant qu’au bon, car ils croient que le mechant esprit, independant du bon esprit peut leur nuire; ils cherchent par consequent a 1’apaiser par de nombreux sacrifices et a se concilier sa laveur. Les Indiens professent encore un culte particulier pour cerlains animaux et metne pour certains serpens. Ils ne tuent jamais ces animaux. Ils honorent par exemple le serpent a sonnettes, lui adres- sent souvent la parole et 1’appellent leur grand-p&re. Un voyageur rapporte le trait suivant des Indiens qui viveot dans la par¬ ne meridionale du pays de Michighan, Un jour, dit-il, que j’allaisavec un Indien sur ] 97 dans la foret, j’aperc;us tout-a-coup m o n chemin un serpenl a sonneltes. Je me rnsUais en devoir de le tucr lorscpe 1’Indien m’en empeclia en me disant que le serpent a sonnettes etait le grand-pere de lous les Indiens , et qu’il les preservait contre leur malheur, en les avertissant tou- jours par le bruit qu’il la it, de regarder au- tour d’eux et de sc ten ir sur leurs gardes. Si nous tuiions un de ces scrpens, me dit- il, les autres ne manqueraient pas de 1’ap- prendre bienldt, se leveraient contre nous et nous aneauliraieut. Je lui dis a cela que les blancs tuaient tous les scrpens a son- nettes qu’ils rencontraient, il me demanda alors si les blancs avaient jamais ete mor- dus par ces serpens, ce a quoi je lui re- pondis allirmativement. Rien d’etonnapt, cn cela, i'čp 0n dit le sauvage; vous leur avez declare la guerre, et ils sont devenus vos ermemis a loujours. Ne faites pas la merne cbose icl dans no tre pajs; nous sommes bons amis avec eux, et nous ne nous faisons jamais de mal les uns aux autres. 198 La meme superslition se retrouve chez les Indiens du nord. Un blanc qui voja- geait avec ces Indiens,- voulut un jour de- charger son fusil sur un serpenl a sonneltes qu’il rencontra sur son chemin; mais les Indiens lesupplierentavecinstance de n’en rien faire, et pour ne pas les desobligeril laissa vivre le serpent. Les Indiens firent alors, toutefois a une certaine distance, un cercle autour du serpent ; ils lui adresse- rent la parole, l’un apres 1’autre, en lui donnant toujours le titre de grand-p&re. Ils allumerent en meme temps leurs pipes, et en dirigerent la fumee vers le serpent. Ces ceremonies durerent environ une demie-heure et se seraient prolongees plus long-temps encore, si le serpent, ennuye de ces lionneurs, ne s’etait eloigne. Les Indiens le suivirent avec respect et le conjurerent de continuer a les proteger, eux et leurs familles restees dans leurs maisons. L’un de ces Indiens le pria , entre autres, de ne pas se formaliser du peu de rcspect que 1'etranger avait montre pour lui, et d’oublier que cet insense 1’aurait tue, si i99 les Indiens n’avaient intercede pour sa vie. Les songes sont aussi l’objet de la su- perstition de tous les Indiens de 1’Ameri- que Septentrionale. Ils se livrent avec passion a l’explication des sbnges, etsou- vent toute leur vie et leurs actions sont reg lees d’apr£s ces songes. Quand ils sont restes quelque temps sans reve important, ils jeunent pendant plusieurs jours pour en obtenir un nouveau. Outre cette espece de jeune, les Indiens ont encore ce qn’ils appellent le jeune de la destinee, par lequel ils obtiennent des songes qui leur font connaitre, a ce qu’ils croient, leur avenir. Ce jeune est tres dur. Des qn’un petit gargon indien pu une petite fille a atteint sa dixieme ou sa dou- zieme annee , ses parens ou ses autres pro- ches 1’avertissent de se soumettre a ce jeune. Cet usage est cependant moins ge¬ neral pour les lili e s q U e pour les gargons. Le jeune indien se dirige alors vers la fo— ret et se conslruit avec des branches une petite cabane dans laquelle il reste sans 300 boire ni manger, aussi long-temps qu’il peut le supporter. II en est qui jeunent ainsi pendant six ou sept jours sans la moindre nourriture. Ce jeune est fait dans le but d’obtenir des songes singuliers et importaus. On peut bien se figurer que par un moyen si violent, les Indiens ne peuvent manquer d’avoir des songes ext.ra- ordinaire. D T apres ces songes, les jeunes Indiens batissent dans leur itnagination, ou a 1’aide de leurs proches une certaine deslinee qui doit etre celle de leur vie, et croient fermement quece qu’ils ont reve, leur arrivera ponctuellement. On čile par exemple une jeune fille In- dienne qui entreprit a l’age de douze ans cejeune de destinee, et le prolongea dix joui's entiers. Durant ce lemps elle reva qu’un homme se presentait devant elle et lui remeitait deux bequilles enlui disanl: Je te donne ces deux bequilles afin que tu puisses marcher, et je rendrai tes cheveux blancs comme la neige. Elle expliqua son reve d’une maniere favorable eteut enlui une telle confiance, quelorsqu’elle se trou- 201 va dans le danger le plus imminent, elle resta toujours a 1’abrl de toute crainle, persuadee cju’elle etait, qu’el!e parviendrait a un age avance puisqu’elle devait mar- cher avec des bequilles, et que ses cheveus devaient blanchir. Un Indien Oschipvve demeurant a Fond du Lac, reva dans sonjeune de destinee qu’il lui arriverait de tuer cinq personnes dans le cours de sa vie. II crut si ferme- rnentalanecessite de raccomplisement de son reve que quand il fut devenu homme, il chercha l’occasion de ne pas manquer asadestinee.il avaitdeja, a diverses epo- ques, tue trois indiens, et cherchait cn- core une autre occasion qu’il ne tarda pas ■a trouver. Un raarchand' de peaux 1’offensa; le malheureus sauvage prit aussitot un grand couteau et tua, de sang froid, le Canadien. Les aulres Canadiens s’etant empares du meuririer, 1’interrogerenl. Ge- lui-ci avoua aussi ses meurtres precedens, et leur fit part de son reve, en ajoutant qu’il devait necessairement ep. agir ainsi parce que s’etait sa destinee, et que pour 9 - 202 la remplir entierement, il avait encore un meurtre a accomplir. Quand les Ca- nadiens entendirent les paroles de ce sau- vage ; ils le mirent a mort pour le punir de ses forfaits, et lul eviter au moinsle der- nier meurtre auquel il se croyait oblige. CHAP1TRE X: De la Religion. (Suite) Les Indiens sont, corame tous les peu-* ples sauvages, pldps de superslition. Cette disposition naturelle est exploitee habilement par quelques uns d entre eux qui trouvent le moyen d’en profiter pour vivre agreablement. Oa reticontre dans loutes les tribus in- diennes quamite de jongleurs et de cliar- latans qui se fant passer pour des gens illumines ou donnes au diable , et em- ploient toute espece de prestiges pour persuader aux auii- es Indiens qu’ils posse- dent une Science et une vertu surna- turelles , et qu ils exercent une certaine puissance sur les esprits mechans. 204 Ces charlatans vivent tres confortable- menL, car ils ont som de faire pajer bien eher leurs jongleries a leurs compatrioles simples et superstitieux. Ainsi par exemple, lorsque durantFete, la pluie cesse, pen- dant quelque temps, de tomber, les In- diens qui se livrent a la culture de la terre, vont trouver uu de leurs rnagiciens, en le priant de leur obtenlr de la pluie. II se monlre aussitot dispose a exaucer leur priere, a la condition exprcsse qu’ils le paieront d’avance. L<^fernmes (carcomme nous Favons dit, c ir sont elles qui for- ment la classe des cultivateurs ) , font aus- sitot ur;e quete dans lout le village. Cette quete sc compose de tabac, de morceaux de verre , de boucles d’oreilles d’argent, d’amieaux pour le nez et pour les doigis , de velemens, deprovisions de bouche, etc. Ire produit de cette collecte, qui est sou- vent tres considerable , est rernis entre les mains de l imposleur qui commence immediatement ses operations. Quelque- fois ll se rencontre que la pluie tombe peu de temps apres ces jongleries, et le jon- 205 gleur est considere alors comme un des homrnes les plus distingues de la tribu. Mais il arrive souvent aussi qu’en depit de tous ses efforts la secheresse continue. Dans ce cas, il a toujours une excuse et une porte de derriere loutes pretes. Il n’a pas lionie de dire souvent qu’une des principales causes de la non-reussite de ses operations, est qu’il n’a pas ete fortifie suffisamment pour repousser les vents qui eloignent la pluie ; cela veut dire qu’il na pas ete paye assez richement; ct les Indicns sont assez simples pour recora- mencer une seconde collecte plus abon- dante que la premiere, afin de mieux fortifier lcur magicien. Uu voyageur raconte 1 ’anecdote sui- vanle d un vieux jotigleur indien, fort ce- lebre pour la connaissance qudl avait du temps. En 1799, l a secheresse etait si ex- cessive dans certaines contrees de 1 ’Ame- rique Septentrionale, q ue tous les fruits de la terre etaient menaces de peric en- tierement. Dans cette extrenute les lem- mes allerent trouver le vieux jongleur, et 206 le prierent avec instance de leur procurer de la pluie. Elles le pay6rent tres bien , etil commenca ses ope'rations ; mais apres bien des efforts inutiles , il fut oblige de renoncer a toute esperance desucces. Les femines firent trne nouvelle collecte plus forte que la premiere, et le magicien com- menga une seconde tentative. II Se fit une petite cabane en ecorces de bouleau, y pratirjua une petile ouverture vers le n or d et une autre vers le tnidi; puis il se tourna vers le nord et murmura par cette ouverture quelques paroles iniatelligi- bles; il fenna ensuite cette ouverture, et se tournant vers celle du midi , murmura de nouveau quciques paroles, apres quoi il la fertna de meme. Queique temps apres on 1’entendit s’ecrier : Ailons , la pluie ne tardera plus long-temp« ! Quelques Indiens vinrent a passer preš de la dans un canot de pecheur. Le jon- gleur ayant entendu dans sa cabane le bruit des rames des pecheurs, demanda ce que c’etait. On lui repondit que c’e- taient des homines allant a la pechc. Dites- a 07 leur, cria le jongleur de sa cabane, qu’ils s’cn retournent chez eux; on ne prend pas de poissons en temps de pluie. Les pe- cheurs n’en continuerent pas moins leur expedilion , et crierent au jongleur : Pere, donne-nous de la pluie, nous ne deman- dons pas mieux que d'etre mouilles et de nous en retourner h vide dhez nous. Le voyageur qui rapporte ce fait le vit de ses propres yeux et 1’entendit. de ses propres oreilles. II s’eloigna alors et se rendit dans un village voisin, ou il raconta au chef de ce village ce qu’il avait vu et entendu. II ajouta en meme temps, qu’il etait bien cerlain que le jongleur , avec tout son art, ne parviendrait pas a ame- ner une seule goutte de pluie, car le temps etait trop beau. Le chef lui repondit qu’il connaissait cet homme depuis fort long- temps,etqu’il avait la conviction, lui, que le temps ne manquait jamais d’etre con- forme 1» sa prediction. Ce fut en effct ce quiarriva cette fois. Quoique ratmosphere fut restee pure tout le jour, quelques nuages grossirent avec rapidite', etne tar- 208 derent pas a tomber en une pluie abon- darite de plasieurs heures. Ces jougleurs iudiens rendent aussi des oracles et pretendent connaltre Favenir aussi bien que les evenemens qui se pas- sent a une grande distance d’eux. Nous allons en citer deux exemples, 1’un des temps anciens, et Fautre d’une epoque re- cenle. En 1764 , un an apres la guerre que les Anglais firent aux Frangais dans le Canada , et durant laquelle les deux puis- sances avaient rivalise d’efforts pour ga- gner les Indiens, le general anglais Johson envova aux Indiens sur les bords du lac superieur, la nouvelle de la paix signee entre FAngleterre et la France , et les en- gagca aussi a enlrer dans Falliance. A cette nouvelle, les Indiens s’assemblerent, et firent venir un de leurs plus celebres magicicns pour consulter 1’oracle sur ce qu’ils avaient a faire. Le jongleur vint, et on lui prepara aussitot une cabane en peaux de betes. 11 choisit la nuit pour ses jongleries. Les Indiens allumerent plu- sieurs feux autour de sa cabane. Mais a 209 peine y iut-il entre qu’il commenga a chanceler et a pencher de tous cotes, et l’on distingua toutes sortes de voix diffe- rentes dans cette cabane ou lejongleur se trouvait seul. Tout a coup ces voix cesse- rent de se faire entendre et furent suivies d’un silence parfait qui ne dura que peu d’instans. On ne tarda pas a distinguer de nouveau des voix diverses qui se faisaient entendre tour a tour et de temps en temps; mais les Indiens qui ctaient en de- hors ne paralssaient pas tres conlcns, et disalent que ces voix etaient celles des es- prits de raensonge. Enfin l'on entendit une petite voix 1'aible , et a peine parvint- elle aux oreilles des Indiens qu’un eri de joie generale retentit; car , disaient-ils , le chef des Esprits^ celui qui dit toujours la \erite, est arrive dans la cabane du nia- gicien. Us commencerent alors des chanls joyeux qui durerent une demi-beure. Quand les cliants eurent cesse, on distingua la voix du jongleur q u J cr j a aux Indiens que le maitre Esprit etait dans sa cabane, 2101 etdispose arepondre a toulesles demandes qui lui seraient adressees. Le chef de 1'endroit fut invite a presen- ter ses demandes. II prit alors une grande quantite de tabac et Poffrit h TEsprit, en la faisant passer dans la cabane par une petite ouverture qui se trouvait preš de la terre. 11 demanda ensuite a 1’oracle si les Anglais etaient dispose's a faire la guerre aux Indiens, et si leur garnison etait nom- breuse dans la forteresse du Niagara. Aussitot la cabane de 1’adroit imposteur fut lellement ebranlee, que les Anglais, temoins de cette scene, crurent que la ca¬ bane ne manquerait pas de tomber. Au dire du jongleur, c’etait un signe que I’es- prit avait quitte la cabane pour voler vers le Niagara, (a une distance de plus de trois centslieues) , pour se mettre en etat de donner une reponse precise a la ques- tion. Un silence general s’en suivit, et le jongleur donna a son esprit environ un quart d’heure pour aller et revenir. Apežs un quart d’heure d’attente , ou entendit 21 I done une voix extraordinaire et tout-a-fait inintelligible. C’ctait, a en eroire les In¬ diens, 1’esprit de 1’oracle cjui racontait au jongleur ce qu’il avait vu au Niagara. L'imposleur eleva alors la voix et dit aux Indiens que le maitre esprit lui disait avoir vu fort peu de soldats Anglais a Nia¬ gara , mais qu’enlre Niagara et Mont- Real (capitale du Canada ), il avait apereu sur le fleuve de Saint-Laurent une mul- titude innombrable de bateaux charges de troupes anglaises qui remontaient le fleuve et etaient disposees a faire la guerre aux Indiens. Le chef lui adressa encore plusieurs autres questions; il lui demanda entre autres, si le general anglais, qui avait demande leur alliance, les recevrait avec bienveillance, dans le cas ou ils iraient a sa rencontre dans leurs canots. Le jongleur repondit aussitot, sans balan- c er, au nom de 1’espru de 1’oracle , que le general reraplirait tous les canots des Indiens qui viendraient au devant de lui, de couvertures de laine, de chaudieres, de 1'usils , de poudre , de plomb et de ton- 212 neaux d’eau-de-vio. Les Indiens, en en- tendant ces paroles, se mirent tous a crier : J’i-rai, j’irai! Apres ccs questions relatives a 1 ’inieret general il 1ut aussi permis a quelques in- dividus d’en adresser concernant leur pro- pre personne ; et Fadroit imposleur avait toujours le talent d’arranger les reponses, de maniere a se tirer d’affaire, quoi qu’il arrivat. Oo a ete Lemoln en 1826, a Fond du Lac, d an nouvel exemple d’oraeles rendus par itn jongleur Indien, au moyen d’un esprlt qu’il pretendait avoir fait venir dans sa cabane. Ladite annee (comme 011 le dira plus au long dans la suite) plusieurs fonc- tionnaires dislingues de cette republique, vinrent a Fond du Lac pour negocier avec les Indiens. Ces envojes furent engages un jour par les Indiens, a venir etre te- raoins de la lete de 'leur Oracle, lis se ren- dirent au lieu indique, et trouverent une petilc cabane qui idavait d’ouverture qu au sommet et qui du reste paraissait 1’ermee tres solidemenl. Tous les Indiens etaient 2 I 3 assis par lerre, lorsqu’un d’eux se leva, monta au sommet de la cabane, s’assit et commenga a murmurer d’un ton bas quel- ques paroles inintelligibles. II eieva peu apen la voix, jusqu’a ce qu’il finit par crier de toutes ses forces; et alors sa voix baissa de nouveau par degre jusqu’au ton le plus bas et seperdit raeme enliereraent. C’etait une invocation au grand esprit qu’il priait de lul envojer quelques diables et de les soumettre a sa puissance. Puis il commenga a chanter et penetra par l’ou- verture dansla cabane, pronongant encore quelques paroles; la cabane irembla vio- lemment et le son d’une chute se fit enten- dre. Les Indiens qui etaient autour, dirent que c’etalt le signal de 1’arrivee d’un esprit. Ce tremblement et cette chute se repete- rent successivement quinze fois. Le pauvre jongleur se trouva ainsi entoure de quinze diables dans sa cabane. II parut en avoir assez; car il annonga hautement qu’il etait pret maintenant & repondre h toutes les questions quon lui adiesserait. Les envoyes lui demanderent ce que 21,4 le president des Etats-Unis faisaii en ce moment. La cabane chancela aussitot, et les lndiens apprirent aux etrangers que le magicien avait envoye un diable dans la demeure du president pour voir ce qu’il faisait. Cetevenement futsuivi d’unsilence general. Mais bientol un tremblement vio- lentagita de nouveaula cabane. Le diable revenait de Washington et annontjait que le president ne faisait rien, mais qu’il etait assis lranquillement Fesprit occupe des ncgociaiions qui se faisaient a FondduLac,; qu’il avait autour de lui fplusieurs per- sonnes toules occupees a des paperasses. Cette niaiserie suffit aux envoyes, et ils rentrerenl dans leur teme. L’anecdote suivante d’un marchand de pellelcrie pcut servira prouvcr combiem fistcnracinee la croyancedes lndiens dans la vertu snrnaturelle de leurs jongleurs. H sfappeJJlait Anderson, il etait connu ,panmi les lndiens pour son honnetete et sime general etnent. C e brave hamme es- sayait souvent de eonvaincre les Lndiens 4es superclnmies, a l’aide desquelles leurs ai5 malins jongleurs vivaient agreablement aux depens de leur credulite; mais tous ses efforts resterent inutiles et les Indiens ne furent pas ebranles le inoins du monde dans leur croyance. Enfin 1’honnete homme prit la resolu- tion de leur prouver par un essai fait sur sa propre personne que ces impos- teurs, avec tout leur art, navaient aucune puissance. 11 proposa done aux Indiens de faire venir a deux jours differens, deux de leurs plus celebres jongleurs et de leur accorder plein pouvoir de lui faire par leurs arlifices tout le tnal qu , ilspourraient., pourvu que ce lut publiquement_, en pre- sence de tous les habitans de 1’endroit. Les Indiens qui aimaient 1’honnete mar- chand, trenablerent pour ses jours et firent tous leurs elforts pour le detourner de son projet, mais celui-ci y pei’severa, dans 1’esperance que les Indiens acquerrai«nt ainsi la preme de toute 1’iinposlure de leurs jongleurs, Le jour fut fixc; tous leslndiens s’assem- blerent autour du mareband de peaux, et 21 6 un des magiciefis les plus distingues fat amene. II s’avan Mais les autres tri- bus portent toutes aujourd’hui des lusils et achetent leurs javelots, leurs lances et leurs haches des marchands de pellete- ries, qui les tirent des ateliers des hommes civdises. Ils ont aussi des poignards , ou 2 22 du moins de grands couteaux attaches k leur ceinture. lis ne portent le sahre et Fdpe'e (jue lorsqu’ils servent d’auxiliaires dans les troupes des blancs. De toutes leurs anciennes armes, ils n’ont conserve que la massue qui leur sert toujours pour le meme but. Jfous avonsdejadlt qu’onne voitplusau- jourd'hui (Tarmees en permanence chez les Indlens ; mais apres avoir tenu leur conseil de guerre et execute leurs danses , ils ne foni plus que par petites bandes quelque descentemeurtriere etdevastatrice dans le territoire de leur ennemi et se retirentaus- sitdt. Les danses des Indlensfont une partie ■essentielle de leurs guerres. Les guerriers s’assemblent , avant de rnarcher contre Fennemi, sur une plače unie,et dansent au son du tambour ; autour d’un arbre ou d*un poteau qu’ils ont eleve. Dans les in- tervalles de ces danses, les vi'eux guerriers racontent leurs faits d*armes pour enflam- mer les jeunes guerriers etles faire sou- pirer aprčs la meme gloire. Dans ces recits «23 glorieux, les Indiens ont soin cependant de n e point exciter la jalousie d’un riraL Ainsi il arriva un jour qu’a ime danse guerriere, un Indien parla avec trop d’ein- phase de ses hauts faks dfarmes, ce epi anima teilement contre lui un autre In*- dien qui sans doute se trouvait humilie > qu’il savan^a vers lui et lui proposa ua combat qui mit aussilot fin a ses lorfante- ries et a sa vie. Les danses guerrieres des Indiens de rAmerique Septentrionale ont differens noms. La premiere est la danse de recru- tement. Celte danse se fait autour d’un po- teau peint en rouge. File est ouverte par les vieux guemers qui invitent les jeunes Indiens a s 7 unir h eux. Quieonque s’a- ■vance alors dans leur cercle et danse avee eux, est considere comme recrue et prend 1’engagement de marcher avec eux contre 1’ennemi. La seconde est la danse guer¬ riere proprement dite, qui n’est autre chose que le recit des actions d’un gr and. guerrier indien, et quL n 1 est jamais execu~ tee que par un seul guerrier vieifii da^& les armes. Le danseur s"avance d’abord en sautant tres legčrement et s’arrete au mi- lieu dc la plače de danse. II fait alors dif- ferens sauts et mouvemens qui figurent la marche contre rennemi. II se glisse alors tout doucement ga et la, s’arrete de temps en temps, puis s’elance tout-a-coup vers un certain endroit, fait tous les gestes d’un homme qui se bat et qui tue son ennemi, saisit un des assistans , cornrae s’il voulait le iaire prisonnier , elc. Apres cetle repre- sentation, il se tient debout au milieu de la plače et fait le recit de ses exploits. Une autre espece de danse guerriere se fait autour de plusieurs poteaux disposes en cercle et presentant tous a leur extrc- mite la forme d’une figure humaine. Les danseurs sont presque entierement nus , tenant d’une main unc citrouille remplie de petites pierres, et de 1’autre une bran- cbe d’arbre ; ils sautent en faisant les gestes les plus etranges et le tapage le plus effrojable autour de ces poleaux, jusqu’a ce que leurs forces soient entierement epuisefis. 325 Des qu’une horde de guerriers indiens rentre dans ses fojers, apres une expedi- tion heureuse, ils executent une danse d’actions de graces, a laquelle les femmes viennent meler leurs chants, en reconnais- sance du retour de leurs maris. Apres la danse, les guerriers indiens commencent la marche qui est toujours ouverte parun chant de guerre. Ce chant conlient un adieu des guerriers a leurs femmes, h leurs enfans et a leurs proches qu’ils laissent dans leurs fojers et qu’ils plaignent par conse'quent, d’etre prives du bonheur et de 1’honneur de marcher avec eux contre 1’ennemi. Dans leur marche, ils observent une foule de ceremonies qui sont surtout pe- nibles pourles jeunes guerriers. Les trois premieres lois q u ’un jeune homme fait partie d’une horde marchant contre 1’en- nemi, il doit avoir le visage peint en noir, et marcher toujours derriere un vieux guerrier dont il est tenu de suivre exacte- ment les traces. Durant toute la marche, il lui est defendu de se gratter la tete , ce 10 . 226 tjui ne cfbit pas žtre nrie petfte' priva- tfon pour les Indiens qui sont loin cTgtre propres. Les guerriers indiens jeunent, dans leur marche, pour s’endurcir , a un tel point que ]orsqu’iTs arrivent dans un pays en- iremi, ils sont bien plus epuises par le jetlne que par le voyage. Durant toute la marche, ils ne se reposent jamais h l’om- bre, quelque brulant que soit le soleil. Les Indiens deviennent d’une prudence extraordinaire quand’ ils commencent h approcher du territoire ennemi. Pour rendre la poursuite plus difficile a 1’enne- mi, en cas de retraile , ils font toute es- pece de de'tours, de marches et de contre- marches afin de le tromper sur leurs traces. Souvent ils attachent a leui-s pieds les grilFes d’un buffle ou les pattes d’un ours, afin de faire prendre leurs traces« pour celles d’un buffle ou d*un ours. Quand ils entrent dans le pays ennemr, et qu’ils decouvrent une troupe de leurs adversaires , le chef donne un signal, et le combat commence. Les Indiens se dis— 227 *, * persent alors en un instant ; se metlen* derrižre des arbres, et d’arbre en arbre poursuiventleur ennemiqui fait dememe. Hs poussent en memc temps les cris et les gemissemens les plus horribles. Le plus leste remporte la rictoire sur son adver- saire. Des qu’un hoinme tombe mori on blcss^, son ennemi; se precipite sur lui y et lui enlčve la peau dn crane; car ces peaux sont le signe le plus glorieux de la victoire, et le butin le plus precieux qu’un guerrier indien puisse conquerir. lis se poursuivcnt ainsi ga et lh au milieu du retentissement continuel de leurs horri¬ bles cris de guerre, jusqu’a ce que L’u» des deux partis soit entierement ecrase ou mis en deroute. La fuite les sauve ce- pendant rarement; car les vainqueurs ne manquent jamais de les poursuivre, et les eoureurs les plus legers et les plus infa- rigables parviennent seuls a dchapper a la mori. L’usage d’enlever aux ennemis vaincus la peau du crane est si repandu parmi les Indiens de l’Amerique septenirionale, p 228 qu’on ne pourrait pas citer une seule tribu qui ne le fasse. Ce sont la leurs tropbees, et celui qui peut e'taler le plus grand nombre de ces peaux esl regarde comme le guerrier le plus illustre. Aussi dans un combat ne soneenl-ils a autre O chose qu’a la conquete de ces trophees , et s’exposent-ils & bien plus de dangers potil’ s’en emparer que pour tuer leur en- nemi. lis ont a cet effet des couieaux tres tranchans. Des qu’un Indien tombe, son vainqueuv se jette sur lui, lui met un pied sur la gorge, salsil d’une mam la chevclure de son ennemi et la tire de ma~ niere a tendre la peau autant cjue possi- ble; de 1’autre il prend son couteau avec lequel il trače un cercle sur le crane, et enlčvela peau. Quelquelois 1’ennemi lom¬ be n’est que blesse , et a encore toute sa connaissance lorsque son adversaire vient lui faire subir celte operation barbare. Quand il l’a termlnee, celui-ci brise en¬ core avec sa massue la tete de son en- nemi, si loutelois il en a le temps. Si l e danger est trop imminent, il laisse la son 2 3 9 ennemi el va se refugier derriere un ar- bre. 11n’est pas rare qu’un Inclien mulile de la sorte se retablisse et vive long-lemps encore. II en est plusieurs dans cette con- tree qui ont perdu , il y a deja bien des annees, la peau de leur crane. Les guerriers rentres dans leurs foyers font sccher ces peaux, les peignent avec diverses couleurs, etles conservent comme leur tresor le plus precieux. Quelquefois ils les suspendent a de longues perches, et les porient partout en triomphe. Quelq‘uel’ois de jeunes guerriers avides de gloire , se rendent seuls ou deux en- semble dans le pays ennemi pour luer des hommes isoles et leur cnlever la peau du orane. Ainsi deux jeunes Indiens s’en allerent il y a quelq ues annees dans le territoire d’une tribu ennemie. Arrives dans le voi- sinage d’un de leurs villages, ils surent si bien se cacber que, durant qualre mois, ils lurent a 1 alFut de leurs ennemis, en luerent plus de vingt a differentes epoques, el leur enleverent la peau du crane, sans 23 » jamais etre pris ou decouverts, avec quel- que acharnement qu’on se mit sur leurs traces. Un jour qu’une horde considerable etait h leur poursuile, les deux jeunes temeraires se reiugierent dans les monta- gnes les plus voisines, en flrent le tour et revinrent prendre en queue ceux qui les poursuivaient, tuerent un nombre con¬ siderable de ceux qui etaient restes le plus en arriere et echapperent heureusement. Us continuerent cncore long-temps a har- celer leurs enncmrs, jusqu’a ce q^ils eus- sent remporte un nombre considerable des plus precieux trophees de vietoire. Us resolurent alors de revenir dans leur patrie j tnais pour couronner leur entre- prise, ils voulurent emmener un prison- nier avec eux pour procurer a leurs com- patriotes le spectacle du supplice d’un ennerni. Cette tentative ne leur reussit pas cependant et leur couta la vie; car comme ils s’approchaient d’un village, ils furent decouverts, malgre toutes leurs pre'cau- tions. Les Indiens du village se glisserent de tous cotes, derriere leurs temeraires 2 3i ennemis, se formerent ensuite en demi- cercle et sVvancerent airisi versle village, de inaniere que pour i'uir, les deux guer- riers eussent ete obliges de passer au milTeu d’eux ou par le village. D’autres Indiens sortis du village, s’avancerent aussi peu h peu; ils ne tarderent pas h se join- dre, et les deux imprudens Indiens se trouvaient maintenant au milieu de leur cercle qui s’epaissisaitde plus en plus. Ils elaient caches sous les branches d’un arbre renverse. Quand ils se virent entoures, ils s’elancerent en poussant le eri de guerre, et se precipiterent sur leurs ennemis; mais ils succomb&rent sous le grand nombre, furent charges de liens et conduits au sup- plice. Les tortures que les Indiens faisaient subir et qu*il s f on t encore quelquefois subir aujourd’hui £ l eurs prisonniers, sont tres cruelles et de la plus atroce barbarie. Bans chaque endroit se trouve un lien destinc au supplice des prisonniers. Ici, sur cette ile, se trouvait sur une petite hauteur, a quelqucs centaines de pas de 232 1’endroU ou s’elčve inaintcnant 1’egllse de la mission, la plače destlne'e au suppli ce chez les anciens Indiens. Ces places sont devenues baucoup plus rares aujourdhui. On y aper^oit un grand poteau, aupres duquel on amene le malheureux prison- nier. On le depouille de lout vetement; de fortes cordes atlachent ses mains der- riere son dos, et autour de son col est tordu un fort ccp de vigne sauvage, doni l’extreinite est lixee au sommet du poteau. 11 n’est pas altache lout-a-fait contre ce poteau; la vigne a au contraire huit a dix pieds de long, et le prisonnier peut par- courir encore un eertain espace. Les en- neinis, hommes et femraes, tiennent prdts des torches et de petits lagots de branches sžches de sapin ; ils les alliunent et les ap- pliquent de tous cotes au corps de la mal- beureuse victime de leur cruaute'. Cest alors que se montre la constance heroique d’un guerrier indien. Loin de se desesperer et de se plaindre, il entonne a haute voix un chant de guerre , court comme un animal furieux dans le cercle 233 qui lui est trače, et quelquefois il lui arrive (Tassouvir encore sa dcrniere vcngeauce , en mordant un ennemi qu’il atteint dans sa course. On le poursuit et on le brule ainsi jusqu’a ce qu’il tombe sans vie: c’est lit la maniere la plus ordinaire de torturer un prisonnier de distinction. Quel- quel’ois on 1’attache tout-a-fait serre contre le poteau, on allume un petit feu autour de lui, et le nialheureus prisonnier est roti a long feu, jusqu’a ce qu’il expire dans les plus horribles tourmens. La cons- tance liero’ique dcs Indiens au milieu de ces supplices, a toujours ete 1’objet de 1’admiration dcs peuplcs civilises. II y a bien des annees qu’un lieros indien fut fait prisonnier par ses ennemis dans le pays Illinois. Au milieu des plus horribles sup¬ plices, il i usu ltaittoujours ses ennemis et les accablait de son mcpris. Dans la foule des assistans se trouvait aussi un Canadien que le prisonnier connaissait. Quand il le vit, il lui cria: Camarade, je suis charme de tevoir ici; aide done aux Illinois ametor- lurerlEt pourquoileur aider? demandale 4 Canadien. C’est, repondit le prisonnier, pour que j’aie du moins la consolation de rnourir de la inain d’un honraie. Mon grand regret est de navoir jamais tue un homme. 11 n’en est tombe qu’un trop grand nombre sous ton bras, s’ecria un des assistans. !N’as- tu pas tue cet Illinois et cet autre encore? Ah! ah! des Illinois, s’ecria le prisonnier h demi brule; des Illinois! oh! j’en ai bien tue, des Illinois, mais je n’ai jamais tue un homme. C’est ainsi qu’il insultait ses ennemis , au milieu de ses tourmens, jusqu’a ce que la mort mit fin a ses dis— cours. Un autre guerrier indien fit voir plus d’hero'isme encore durant son supplice. Ses ennemis eleverentun thc'atre, afin que tous les assistans pussent mieux le voir. Us le depouillerent et avec des torches lui brulerent tout le corps ; de maniere cepen- dant a ne pas mettre sa vie en danger. II supporla, sans meme sourciller, cet hor- rible supplice , comme s’il eut eu une na¬ ture de fer. Ses ennemis, que sa constance heroique ne laisait qu’irnter davantage, 2 35 exercerent sur Itn toutes sortes d*atrocites auxquelles il parut insensible comme au- paravant. L’un d r eux s'avanca alors avec un couteau tranchant, et aprčs lui avoir coupe tout autour la peau de la tete, la lui arracha. Le guerrier tomba sans con— nalssance. Ses ennemis le croyant mort, s*eloignerent un peu et le laisserent cou- ebe. II ne tarda cependant pas a recouvrer ses esprits, et ne vojant plus personne au¬ tour de lui il se leva, saisit un tison et pro- voqua ses ennemis etonnes a revenir preš de lui. Effraye’s par 1’aspect horrible du beros, aucun d’eux n’osa s’approcher. Ils flriirent cependant par se reunir en une troupe nombreuse et se precipiterent sur lui avec des tisons et des barres de fer rouge. Il se defendit l 0 ng- temps contre toute la bande, et les maintint tous h une certaine distance; la lutte aurait dure plus long- temps encore , si en faisant un faux pas, pour eviter nn tison dirige contre lui, il ne fut tombe par terre , et mis aussitdt en pieces. Je ne puis non plus omettre !e traft sui- a36 vant. II j a environ soixante ans quelques Indicns, dans un combat livre a une tribu voisine, firent prisonnier un de leurs en-, ne m is renomme par sa cruaute et son amour pour le carnage j il avail passe trente annčes de sa vie a faire toute espece de torts a ses voisins, etunefouled’entre euxetaient lombes sous ses coups. Ils le nommaient le vicux Skrany , et ne desiraient rien tant que de le voir tomber un jour entre leurs mains, pour avoir le plaisir de le torturer. lis y parvinrent done enfin, et son arret fut aussitot prononce; il devait etre brule a peiit feu. On le conduisit au milieu de cris sauvages de triomphe, au lieu pre- pare pour le supplice; on 1’attacha a un poteau, et le leu lut allume preš de lui. 11 endura long-temps cet horrible martyre sans laisser paraitre la nioindre emotion, sans faire entendre la moindre plainle. 11 commenga enfin a insulier ses ennemis, les provoqua a le tourmenter davanlage, et leur dit, d’un air plein de mepris, q u ds 11 ’entendaient rien a faire souffrir un heros et qu’il voulait par compassion pour leur inexperience leur montrer comment il fal- lait s’y prendre, s’ils voulaient seulement le detacher nn instant, et lui remettre en main le canon de lusil rouge qui etait dans le feu. La proposition čtait si etrange qu’elle excita la curiosite de ses bourreaux; ils fi- rent un cercle serre autour de lui, et le detacherent pour etre temoins de la le^on qu’il voulait leur donner. II leur montra en effet qui il etait; car a peine se senlit-il libre qu’il saisit dans ses mains le canon rougi au feu et en frappa avcc tant de fu- reur ceux qui se trouvaient aupres de lui, qu’il se fut bientot fraye un chemin a tra- vers la lonle etonnee. Il courut avec pre- cipitation vers la riviere qui coulait iion loin de la, s’elanca de ses hautes rives dans les flots, plongea, et arriva enti’e deux eaux a une lle quj se trouvait au milieu du courant; il passa encore a la nage l’au- tre bras de la riviere, et malgre la foule de ses ennemis qui le poursuivaient, malgre les balles et les trails qui pleuvaient au¬ tour de lui, il parvint a un marais dans *38 lecjuel il se lint cache jusqu’a ce que le danger fut passe. Il continua ensuite §a fuite etrevint heureusement dans sa patrie, blesse a la verite et brule, raais iriom- phant de ses ermemis pour Iesqucls il fut bien long-lemps encore le terrible vieux Skrany, eomme il 1’avait deja ete depuis trente ans. Quand les Indiens., apres avoir rem- porte une vicloire, retournent. cliez eux avee leurs prisonniers, et qu’ils ne parvien- nent pas a faire perdre leurs traces a leurs ennemis, qui reviennent souvent les pour- suivre en grand noinbie, ils tuent tous leurs prisonniers et leur enlevent la peau ducrane, puis ils se dispersent, et chacun cherche son salut dans la fuite. Ce qui a ete dit jusqu’ici a rapport ata guerres ou pluidtauxexcursionsde brigan- dage que les Indiens font cntre eux. Mais quand les Indiens Ioni la guerre avee les blancs, ce qui arrive lorsque les nations civilisees les appellenta leur secours, leur conduite est differente. Quand ils trouvent une bonne OGcasion d’attaquer les blancs, a3g ils le font presque toujours avantle point du jour, heure a laquelle, d’apres l’opl- nion des Indiens, les blancs dcrraent le plus profonderacnt. Quand ils sont pour- suivis, ils se retirent toujours dans des marais, parce qu’ils savent, par cxpe~ rience, que des troupes regulieres ne peu- vent pas bi en. manoeuvrer sur tin pareil charnp de bataille. Le plus haut degre de l’art de la guerre consiste, chez les Indiens, a tomber habi- lement sur les ennemis, au moment ou ils s’y attendent le moins. Ils escellent admi- rablement en ce point, et plus d’une Ibis ils ont fait eprouver ainsi aux blancs des pertes considerables. On peut citer a ce sujet le trait suivant. Dans unc guerre des Frangais cohtre les Anglais, le ge'neral Anglais Bradock, en traversant une foret, se vit tout-a-coup assailli par les Indiens qui combattaient p 0U r les Frangais. Les Indiens etaient si bien caches, que les Anglais savaienl a peine de quel cole par- taitrallaqueetquels etaient leurs ennemis, L’armee anglaise se composait de deux milic hommes courageux et bien armes j tnais avant meme qu’ils pussent voir la puissance ennemie qui les aneantissait, et avant d’elre en mesure de repondre a une attaque si lerrible, ils furenl si mai- traites que le petit nombre d’entre eux que la mort avait encore epargnes, n’eurent que le teinps de chercher leur salut dans une prompte fuite. Les Indiens n’eurent que trois hommes blesscs. Quand les Indiens font des prisonniers dans mi combat avec les blancs , ils les torturent aussi de toutes manieres, sur- tout quand ce sont des guerriers de dis- tinctiou. Le gcnre de supplice qu’ils adoptent le plus ordniairetnent est de les bruler apetitfeu,ce a quoi s’occupent surtout les iemrncs potir plaire a leurs maris. Un autre genre de supplice qu’ils font subif a leurs prisonniers, est cclui des baguettes, supplice qui a souvent aussi la mort pour resultat. Quand ils ont amene le prisonnicr dans leur village, iJ s e n- foncent a une certaine distance un poteau dans la terre, se mettent, hommes, fcmmes 2 4 t et enfans sur deux lignes paralleles, armes tous de batons, et le malheureux prison- nier est oblige de courir vers le poteau, entre lesdeux rangsdes Indiens qui lefirap- pent sans pilie. Quand alors le prisonnier montre un grand courage, et que sans balanceril prend rapidement sonelan,il arrive souvent beureusement sans avoir i'egu un seul coup assene avec vigueur, et les Indiens 1 ’epargnent a canse de son courage. Mais malheur au laclie qui liesite et laisse voir de la crainte , avant de com- mencer sa course ; il reqoit des coups ef- lrayans et souvent mortels. En 1782, Heckevelder fut tcmoin d’un supplice de ce genre qu’il raconte de la inaniere suivanie. En jour quatorze guer- riers indiens ramenerent avec cux trois Anglais qu’ils avaient lails prisonniers. Quand ils iurent afrives, les Indiens de l’endroit se mirent sur deux rangs, dans la direclion d’un poteau, et Pon dit aux trois prisonniers quils devaient chacun h leur tour franchir la distance. Le plus jeune cPentre eux,homme brave et deierinine, 11 a 4 a s’elanQa aussitot, et alieignit le poteau, avant que les Indiens ne fussent encore bren prets a le recevoir, de sorte qu’il ne ree la Socičte St« flons Ciures. L’objct de la Societe csl de faire imprimer et rčim- prirnur des bon« livres, d’eu operer la dlslribution k bas pril. Le fonds capital de la Societe est forme au moyen de Sou9criptions ouvertcs dans les divers departemens du Rovaumc. Le prix do chaqwc Souscriptinn est de 20 francs par an. Chaijuc Sciscripteur rccevra, dans le cours de l’an- nee, IO ouvragcs en triple exemp/aire: ces ouvrages donneront au mo.ns 3oo feuilles, 7,200 pages, format in-12, ou 34o feuilles, 8,660 pages, format in-18. On souscrit a Pariš, rue des Saints-Peres, 69. On s’abonne aussi chez les priucipaui libiaires des dčpartcmeus, et chez tous les directeurs de poste. Les Souscriptions, pour la treizieme annec, datent du premier septembre i836. Lespersonnes qui desire- raienl les collcctions des annecs precedentcs, ou de Pune d elles seulement, les rccevront sar leurs de- mandes, et a raison eut aussi demandcr des volumes sčpares. On doit cnvover le9 lettres ct les paquct9 francs de pori a l’Administrateur, rue des Saints-Peres, 69, h Pariš. IMfBIMERIE DE E.-J. BAH,EY , TI-ACK SOEBONMK, 2.