Eugeen Roegiest CDV 805.90-561 :801.24 Universite de Gand TYPOLOGIE ROMANE ET POSITION DES PRONOMS PERSONNELS CLITIQUES EN ROUMAIN O. Plusieurs auteurs ont decrit de fa<;:on detaillee les problemes lies ala position des pronoms objets clitiques du roumain contemporain. Nous nous referons no­tamment aux inventaires systematiques de A. Lombard (1972), de M. Manoliu (1968) et de M. Iliescu (1975), al'approche typologique romane de A. Niculescu (1973), aux etudes contrastives de R. Marinescu (1974 e.a.), et surtout ala disserta­tion de J. Bredemeier (1976), qui s'inspire de la these de D. Perlmutter, selon lequel les clitiques romans obeissent ades contraintes de surface (SurJace Structure Con­straints). C'est une double preoccupation qui nous incite areprendre en consideration la problematique de la position des clitiques. Nous voudrions examiner la situation du roumain parmi les langues romanes d'une part; afin de tenter d'expliquer, d'autre part, en recourant au principe des correlations typologiques, quelques particularites roumaines apeine elucidees. 1. Le parallelisme avec les autres langues romanes est frappant: (a) les pronoms personnels objets direct et indirect s'agglutinent, avec d'autres mor­phemes, au lexeme verbal, et forment ainsi avec celui-ci une seule unite accen­tuelle; (b) comme tout morpheme agglutine, ils occupent une place fixe et se succedent dans un ordre rigide; (c) d'une maniere generale, la proclise est dominante, l'enclise recessive; (d) les clitiques preferent partout que l'objet indirect precede l'objet direct (01 >OD) et que les personnes du discours precedent la 3e personne (pl/p2>p3) Parmi les traits qui individualisent le roumain, nous retiendrons les faits sui­vants dont la correlation cadre dans l'adequation explicative de cet expose: (a) les clitiques presentent plus d'allomorphes que dans les autres langues romanes; (b) le gerondif employe seul declenche l'enclise des pronoms (vazfndu-mii) (c) le seul clitique o (p.3 acc. fem. sg.) est enclitique dans certains environnements, notamment derriere le part. passe du passe compose (am vazut-o), du futur an­terieur (voi Ji vazut-o), du conditionnel passe (a~ Ji vazut-o), et derriere l'infinitif du futur marque par oi, etc. du conditionnel (a~ vedea-o). II est clair que le roumain, comme toutes les langues romanes d'ailleurs, favori­se l'anteposition des clitiques, en accord avec la tendance romane ala ptedetermina­tion. Mais il y a plus: en limitant l'enclise aquelques contextes specifiques seulement de la forme non-finie du verbe (V), le roumain occupe une position intermediaire entre le franc;ais, ou la proclise est de rigueur1 et les autres langues romanes, ou l'enclise s'observe avec tout le paradigme non-fini du V. Ce comportement est con­forme ala typologie generale de la morpho-syntaxe verbale du roumain qui tend, plus que la majorite des langues romanes, vers la predetermination des morphemes grammaticaux au lexeme verbal: non seulement les auxiliaires (Aux) du passe, du fu­tur, du conditionnel, mais aussi les marques du subjonctif (sa) et de l'infinitif (a) s'anteposent. Comme le roumain se caracterise vraisemblablement en meme temps par un principe sequentiel qui rapproche les morphemes porteurs de l'information sur les personnes (les arguments de la proposition)2' il s 'est cree pour les clitiques person­nels une double contrainte positionnelle, qui n'a guere ete valorisee dans les descrip­tions anterieures. En effet, d'un cote le clitique personnel s'antepose immediatement ala forme verbale finie, avec laquelle la cohesion sera d'autant plus forte que cette forme est un Aux, porteur d'information grammaticale, non lexicale. On notera eritre le clitique et l'Aux non seulement l'impossibilite d'intercaler des adverbes, mais egalement l'effacement des limites syllabiques, deux faits qui sont facultatifs -sous des condi­tions definies -devant le lexeme verbal: II mai arati'I'. * iI mai am aratat il arata I L-arata * iI am aratat / L-am aratat Que l'on compare l'emploi lexical et l'emploi grammaticalise de a avea dans: isi are familia la tara Si-a vazut familia II resulte de la tendance ala predetermination et du principe de cohesion entre les morphemes de personne que de l'autre c6te le clitique suivra forcement les mar­ques verbales anteposees qui ne portent pas sur la personne (sa-1 vad). De cette 1 Dans notre analyse, nous faisons abstraction de l'imperatif affirmatif dont l'enclise se manifeste dans toutes les langues romanes. Le puissant accent d'intensite qlii frappe cette forme expressive, et la di­ stingue ainsi de fa~on supra-segmentale des autres formes verbales empeche probablement les clitiques atones de s'anteposer, amoins qu'ils puissent s'appuyer sur un element dont l'anticipation est inevita­ ble. 2 Ce principe sous-tend peut-etre aussi la generalisation d'un pronom clitique possesseur aupres du V dans une construction non-marquee, plutot qu'un morpheme de possession dans le syntagme nominal (fi spala ma$ina /vi spalii ma$ina lui). fa9on, le clitique roumain se situe, au niveau distributionnel, toujours devant la for­me verbale accompagnee de l'information iterative sur la personne du sujet, et au cas echeant derriere les marques verbales qui n'informent pas sur la categorie de la personne3 • Le principe de la cohesion des marques de la personne implique aussi qu'une marque non-personnelle postposee n'attire le clitique asa droite que lorsque la for­me finie est egalement postposee (vazutu-1-am), ou qu'il n'y a pas de forme finie. Ainsi l'enclise au gerondif (aratfndu-le-o) n'apparalt plus comme exceptionnelle, mais correspond au contraire a la double contrainte distributionnelle. Inversement, la double contrainte implique que l'anteposition du clitique au V aura toujours lieu, des qu'une forme verbale est precedee soit d'une forme finie sans marque interposee (fl voi vedea !vi am sa-1 vad), soit d'une marque modale, comme c'est le cas de a pour l'infinitif (a-1 vedea) ou de sa pour le subjonctif (sa Ji-/ Ji aratat). On comprend en meme temps la position des clitiques dans les variantes du futur avec osa et am sa, ou le clitique se place, conformement a la double contrain­te, entre la marque non-personnelle et la forme finie du complexe morphologique ver bal. L'existence de la double contrainte rend plus evident, enfin, le parallelisme avec le fran9ais et l'ecart avec les autres langues romanes. Tout comme en fran9ais la presence quasi generale d'un clitique sujeta gauche, qui constitue avec le V un seul mot phonetique et est domine ainsi par le noeud V plut6t que par le noeud SV4 , ex­pliquerait en partie la generalisation absolue de la proclise, le developpement diachro­nique de morphemes verbaux a gauche du lexeme verbal favorise la proclise en roumain (tendence a l'homogeneite syntaxique), a tel point que l'enclise ne se limite plus qu'aux quelques formes non-finies postdeterminees. 2. C'est dans cette optique qu'il convient d'evaluer le comportement aberrant du pronom o qui n'obeit ni au principe de la cohesion des morphemes de personne, ni a la double contrainte distributionnele dans quelques environnements avec l'infinitif ou le participe passe, ou o est obligatoirement enclitique: Am vazut-o Ion ar cunoa~te-o ~fi vazut-o Oi cunoa~te-o 3 Que !'on compare avec les descriptions de R. Marinescu (1973: 233), qui ctefinit les clitiques roumains agauche par zero, en opposition avec le frani;:ais. 4 Nous faisons allusion ici al'analyse proposee par R. Kayne (1977: 86sv.). L'agrammaticalite de o en proclise tient -on le sait --au voealisme initial de l'Aux. Des que l'Aux eommenee par une eonsonne, l'interdiction est levee: Ion o va eunoa~te5 A~ fi vrut s-o fi vazut C'est que la eontrainte qui bloque l'applieation des regles syntaxiques formu­lees ci-dessus, est de nature phonologique. Ce n'est pas neuf. J. Bredemeier (1976: 37-42) insistait o) et l'information semique dominante (o>a Aux), entre les possibilites d'allomorphisme d'une forme abase/+ consonantique/ et d'une forme abase / + vocalique, -consonantique/. On deduit de cet ensemble complexe de principes en conflit, que o abandonne l'enclise des que sa base vocalique n'est plus guere menacee: (a) devant un Aux ainitiale consonantique (o voi vedea, s-o ji vazut); (b) devant un lexeme verbal, ou la limite syllabique est facultative et ou le clitique n'a pas de choix, selon sa definition distributionnelle (o ajutif, o opre§te come mii ajuta, mil opre§te); (c) eventuellement, devant un Aux ainitiale vocalique, acondition que o soit prece­de d'un autre clitique personnel, avec lequel il forme une syllabe apart entiere11 • En revanche, en cas d'inversion del'Aux, les regles de placement clitique, telles qu'on vient de les formuler' interdisent ao une autre position qu'entre le participe passe (postposition au morpheme personnel): cf. les exemples archa1ques du type vazutu-1-am. Aussi o est-il rare dans cette construction, relativement aux autres pronoms cli­tiques (cf. J. Bredemeier 1976: 41). Enfin, les cas d'enclise facultative ne peuvent s'expliquer que par une tendance naturelle ala regularisation de la structure de surface "AUXfut + V non fini + o" et "lnf + o" (a ve_dea-o, voi vedea-o, cf. note 5 ci-dessus) 3. Nous avons essaye de demontrer qu'une double contrainte distributionnelle (anteposition avec forte cohesion aux formes verbales finies; postposition aux mor­phemes non-personnels) est responsable du comportement syntaxique des clitiques, auxquels seulement la forme o fait exception, par ses proprietes formelles particulie­res. De cette fa9on, le roumain favorise la proclise, atel point que l'enclise se limite aux formes non-finies postdeterminees (notamment le gerondif d'une part, et ades conditions d'ordre phonologique (valables pour o) d'autre part. 11 Cf les exemples archai"ques de J. Bredemeier (1976: 38-39: cu urzici i-o am frecat) qui souligne le lien entre la proclise de o et la presence d'un autre clitique. BIBLIOGRAPHIE Bley-Vroman, R. 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Imamo pa vendar dve izjemi: a) za!lostavljanje za gerundijem; b) zapostavljanje zaimka 3.os.ed.ž.sp. o, še prav posebej v sestavljenem preteklem času. Prvo odstopanje je mogoče razložiti z dvojno prisilo: stava spredaj je značilna pri osebnih glagolskih oblikah, pri čemer je kohezija močnejša, stava zadaj je značilnost neosebnih glagolskih oblik v več ro­manskih jezikih. Odstopanje v stavi zaimka o je pogojeno s fonotaktičnimi načeli. Z ene strani je tako zagotovljena jasnost: ob trčenju samoglasnikov o in a zmeraj prevlada a in potemtakem o am vazut ne bi bilo razumlji­vo, am viizut-o 'videl sem jo' pa je. Z druge strani pa gre za'priobčevalno strategijo, saj zapostavljeni zai­mek o posreduje dominantno informacijo, pomembno za ves sestavljeni glagol.