ACTA ENTOMOLOGICA SLOVENICA LJUBLJANA, DECEMBER 2018 Vol. 26, št. 2: 151-166 SUR DEUX CIGALES DE LA FAUNE INTERTROPICALE DEDIEES AU CICADOLOGISTE MATIJA GOGALA, COLLEGUE ET AMI Michel Boulard École pratique des Hautes Études, "Biologie et Évolution des Insectes Cicadomorphes" Muséum national d'Histoire naturelle, Entomologie, 45 rue Buffon, F - 75005 Paris; michelcicada@gmail.com Abstract - ON TWO CICADAS OF THE INTERTROPICAL FAUNA DEDICATED TO CICADOLOGIST MATIJA GOGALA, COLLEAGUE AND FRIEND This article gives the illustrated descriptions (including CIA) of two tropical cicadas recorded and collected by the author: Malagasia gogalai n. sp., from Madagascar and Pomponia matijai n. sp., from Thailand (Hemiptera, Auchenorhyncha, Cicadidae). These new species are dedicated to Matija Gogala, cicadologist, bioacoustician and friend. Key words: Cicadoidea, Cicadidae, Cicadinae, Dundubini; Tibicinidae, Tibicininae, Taphurini; taxonomy, sonic ethology, new species, Madagascar, Thailand. Izvleček - O DVEH VRSTAH ŠKRŽADOV TROPSKE FAVNE, POSVEČENIH ŠKRŽADOSLOVCU MATIJI GOGALA, KOLEGU IN PRIJATELJU V članku sta z ilustriranimi opisi, vključno z akustično prepoznavo, predstavljeni dve tropski vrsti škržadov, ki jih je posnel in nabral avtor: Malagasia gogalai n. sp. z Madagaskarja in Pomponia matijai n. sp. iz Tajske (Hemiptera, Auchenorhyncha, Cicadidae). Novi vrsti sta posvečeni Matiji Gogalu, škržadoslovcu, bioakustiku in prijatelju. Ključne besede: Cicadoidea, Cicadidae, Cicadinae, Dundubini; Tibicinidae, Tibicin-inae, Taphurini; taksonomija, zvočna etologija, nove vrste, Madagaskar, Tajska. Résumé - Cet article donne les descriptions illustrées (CIA incluses) de deux nouvelles Cigales enregistrées et colligées par l'auteur: Malagasia gogalai n. sp., à 151 Acta entomologica slovenica, 26 (2), 2018 Madagascar et Pomponia matijai n. sp., en Thaïlande (Hemiptera, Auchenorhyncha, Cicadidae). Ces deux nouvelles espèces sont dédiées à Matija Gogala, ami tout à la fois bioacousticien et cicadologiste. Introduction Avec enthousiasme, je m'associe à nos collègues désireux de marquer leur amitié au Professeur Matija Gogala, soulignant ainsi sa pleine vie, d'attentions et de labeurs, consacrée à la Nature et plus précisément à une surprenante famille d'Insectes « chantant » au Soleil. Lui sont dédiées dans ces pages deux Cigales originales, col-ligées par mes soins dans la ceinture intertropicale du Globe : l'une, à Madagascar, l'autre, en Thaïlande. Par ailleurs, il se trouve qu'elles correspondent à deux tranches s'agissant des résultats taxinomiques, distingués ici « ante- et cum-multicouches », la technique-photos d'aujourd'hui révélant une surnaturelle profondeur-de-champ et l'exécution rapide des prises de vues propres à fixer en images nos précieux types. Dans cette optique, exprimée en tranche « 1 », figurera l'espèce de Madagascar captée en 1997, mais restée inédite (comme bien d'autres dans mes cartons), puis en « 2 », la thaïlandaise capturée en 2014, récente donc et toute aussi nouvelle. Les illustrations, nécessaires dans un tel travail seront assurées : pour l'espèce malgache, suivant la macrophotographie conventionnelle (améliorée tout au long de ma carrière) et, pour l'espèce thaïe, en mettant à profit la technique du "Focus Stacking"* ou empilement de mises au point (multicouches, en français). Enfin, argument décisif confortant mes choix, des mâles des deux Cigales furent enregistrés sur le terrain et leurs premières Cartes d'Identité Acoustique (CIA) ont pu être établies, point important à prendre en considération dans le choix des espèces à dédier à notre ami Matija: non seulement il est un cicadologiste, mais aussi un éco-éthologiste acousticien de renom. 1) Malagasia gogalai n. sp. (fig. 1 à 9) HOLOTYPE : Madagascar, Réserve forestière de La Mandraka environ 70 km à l'est d'Antananarivo), 7.II.1997, Michel Boulard réc. (au filet, après enregistrements). PARATYPES : allotype Ç, 25.I.1997; 3 2 Ç, idem holotype, au Muséum national d'Histoire naturelle, Paris (MNHN). Dimensions principales en millimètres du mâle holotype. Envergure = 76 ; longueur totale, ailes comprises = 37,5 ; longueur de l'avant-corps = 12 ; longueur de l'abdomen = 12 ; longueur du corps = 24 ; longueur Lh des ailes antérieures = 32 ; plus grande largeur lh des ailes antérieures = 10 ; rapport Lh/lh = 3,20 ; largeur t de la tête, yeux inclus = 8; largeur m du mésonotum = 7,5 ; * Focus Stacking : Les prises de vues sont réalisées sur un statif Kaiser RTX avec un boitier Canon EOS 6 D équipé d'un Macrolens Canon EF 100 mm f/2.8 et géré avec le logiciel Canon EOS. Les photos multicouches sont assemblées avec le logiciel Helicon focus 6 et retouchées avec Adobe Photoshop CS4. Aux manettes, au Muséum national d'Histoire naturelle de Paris (MNHN), notre technicien et ami M. Laurent Fauvre [LF]. 152 Michel Boulard: Sur deux cigales de la faune intertropicale dediees au cicadologiste Matija Gogala, collegue et ami Figures 1 à 3: Malagasia gogalai n. sp. 1 & 2) Holotype S, recto-verso et 3) paratype S de profil ; (MB Phots). rapport t/m = 1,07 ; plus grande largeur de l'abdomen : 9 ; distance d1 entre un oeil composé et l'ocelle le plus proche = 1 ; distance d2 entre les ocelles latéro-postérieurs = 0,5 ; rapport d1/d2 = 2. Description de l'holotype mâle (fig. 1 à 7). [Spécimen sec et desséché, aux couleurs dénaturées]. Espèce appartenant au genre Malagasia créé par W.L. Distant en 1882, pour M. inflata, grosse Cigale aux mâles ventrus, lesquels cymbalisent en basses fréquences. Genre restant à ce jour endémique et ne répertoriant actuellement que 5 ou 6 espèces quelque peu disparates et en cours de révision. Tête. Plus large que le mésonotum (rapport t/m = 1,07), au postclypéus large, la plage dorso- clypéale quelque peu proéminente en un arrondi souligné en noir. Vertex ocré y compris le territoire ocellaire ; ocelle anté-médian en position subfrontale, cerclé d'un liseré noir ; ocelles latéraux plus largement entourés de noir d'où s'échappent, en oblique un mince trait noir rejoignant chaque oeil en s'élargissant, puis un court et large trait noir s'élargissant jusqu'à atteindre, quelque peu latéralement, le bord du pronotum. Arcades antennaires et scapes ocrés, pédicelles et flagelles brun noir, puis se terminant en blanchâtre. Yeux bistre, faiblement saillants sur le liseré 153 Acta entomologica slovenica, 26 (2), 2018 Fig. 4 : Malagasia gogalai n. sp. Holotype Vue mettant en évidence le graphisme de l'avant-corps et la cymbale du côté gauche. La Mandraka [MB Phot.]. noir des cupules, celles-ci surplombant étroitement les angles antérieurs du pronotum (fig. 1). Face clypéale ocrée, peut bombée, portant 7 paires de faibles bourrelets de part et d'autre du sillon clypéal étroit et peu profond ; joues, lames buccales et anté-clypéus ocre, une petite plage s'étirant sous la courbe antéro- externe de la bordure de chaque lame ; rostre long, ocre, puis bistre, terminé de noir, son apex rejoignant l'extrémité des trochanters moyens (fig. 2). Thorax. Pronotum près de deux fois plus long que la tête, l'aire interne ocre (encore mêlée de vert), marquetée de noir sur les bourrelets profondément délimités par les sillons endophragmiques ; collerette (pronotum collar) de même teinte, s'élargissant de chaque côté en des paranota moyens, arrondis et stridulés en surface. Mésonotum ocre, les plages triangulaires antéro-médianes bien délimitées de noir, un trait se décrochant de l'arrondi de leur apex pour rejoindre les banches antérieures de l'x scu-tellaire (élévation cruciforme), celles-ci délimitant une large plage noire ; en revanche les longues plages externes (encore vertes) ouvertes avant d'atteindre le pronotum, leurs limites devenues fragmentées (fig. 1 et 4). Absence totale, comme chez M. inflata, de "palettes sternales" (Boulard, 1980), processus cuticulaires bifestonnés, mis en évidence chez plusieurs espèces, dont certaines dites aussi "Malagasia", sont destinées à être replacées dans un autre genre (Boulard, in lit.). Opercules fort courts, en courte demi-lune, très largement séparés entre eux et masquant peu l'espace la-téro-ventral des chambres acoustiques (fig. 2 et 4). Pattes. Ocre, les hanches et les fémurs antérieurs plus ou moins envahis de noir, ainsi que l'apex des tibias et les tarses ; fémurs antérieurs normalement renflés, ne 154 Michel Boulard: Sur deux cigales de la faune intertropicale dediees au cicadologiste Matija Gogala, collegue et ami UVIII Ipy v Hyp Fig. 5 : Malagasia gogalai n. sp. Paratype Vue rapprochée de l'apex génital légèrement ouvert : bl a, bloc anal ; Hyp, hypandrium ; l py, lobe pygophorien ; PC, processus caudal ; Phal, phallus ; Un, phallicophore (uncus) ; U VIII, urite 8 ; U IX, urite 9 ; U X, urite 10, ou pygophore (Microphotographie MB). portant que deux faibles épines sous-carénales, la basale courte et couchée vers l'avant, la subapicale plus forte et dressée. Ailes. Totalement hyalines, (fig. 1). Les antérieures très élancées, leur longueur comprenant 3,2 fois leur largeur ; cellule basale allongée, cellule radiale et cellule post-costale équivalentes en longueur, la moitié proximale de la seconde, quasi virtuelle ; aire apicale octoloculée nettement supérieure à la surface occupée par les trois cellules ulnaires ; nervules subapicales très obliques et parallèles. Ailes postérieures moins longues que la moitié des antérieures et relativement larges ; six cellules terminales. Abdomen. Subcylindrique, aussi long que l'avant-corps (fig. 1 et 3), à dominante brunâtre, hormis la plage noire sur les latérotergites II (en regard des cymbales) et les 3/4 d'une ceinture grisjaunâtre teintant le sternite et les latérotergites de l'urite III ; 155 Acta entomologica slovenica, 26 (2), 2018 Fig. 6 : Malagasia gogalai n. sp., mâle "immortalisé" au télé-objectif de 400 mm. La Mandraka, 7 février 1997 [MB Phot. & Rec.]. latérotergites suivant noir, puis brun rouge ; Cymbales totalement exposées, composées d'une large et longue plaque dorso-médiane et de quatre baguettes de longueurs inégales et plus ou moins parallèles (fig. 4). Avant du sternite II totalement simple (fig. 2), "palettes sternales" manquantes, comme chez l'espèce type (mais telles que chez des espèces considérées comme voisines, cf. Boulard, 1980a). Cône pygophorien légèrement plus clair et dorsalement prolongé par un processus caudal effilé à apex aigu (PC) ; ceux-ci repris, figure 5, chez un paratype et détaillés selon la nomenclature proposée par Boulard en 1990, confirmée en 1995/1996. Cette espèce se range dans la Tribu des Taphurini, Sous-famille des Tibicininae (Distant, 1905). Notes éco-éthologiques et CIA le type de cette espèce riche en couleurs (fig. 6), fut enregistré et capturé avec quelques autres, mâles et femelles, en « la Mandraka », propriété de l'entomologiste André Peyriéras, Correspondant scientifique du MNHN. André, éminent spécialiste des Coléoptères malgaches, fut un « ancien » formidable, naturaliste et gestionnaire, 156 Michel Boulard: Sur deux cigales de la faune intertropicale dediees au cicadologiste Matija Gogala, collegue et ami Fig. 7 : Malagasia gogalai n. sp. MB CIA, Carte d'identité acoustique indicative, ainsi commentée : (a) Oscillogramme temporel transcrivant en temps réel, environ 13 secondes du plein appel comportant cinq phrases très semblables, mais inégales en durés et séparées par de courtes phases silencieuses presque égales entre elles, bien qu'enserrant plus ou moins un très court signal. (b) Tracé du spectre moyen plaçant fondamental et formants immédiatement efficaces en un sommet commun culminant entre 6000 et 7500 Hz. (a') Oscillogramme obtenu pour un espace-temps arbitraire, transcrivant et amplifiant 1/50 s du plein signal (plage inversée, particulièrement choisie en a) mettant en évidence le passage fracturé d'une phrase à l'autre, ainsi que l'ultrastructure aux motifs quasi égaux entre eux. (c) Spectrogramme étiré conforme à l'oscillogramme (c) et évoquant, par l'image, le spectre moyen. L'efficacité optimale du signal se trouve étroitement condensée de part et d'autre du curseur des 7000 Hz. Cependant d'autres éléments graphiques s'avèrent présents, dont on ne sait estimer la valeur opérationnelle : d'abord largement en de ça de la plage des 7000 Hz, puis au-delà et, pour certains, individualisés au-dessus de 9000 Hz. ayant assuré la réception chez lui, en famille, des naturalistes en mission sur la Grande Île*. * Grande Île qu'André quitta en 2005, se retirant en France montpelliéraine. 157 Acta entomologica slovenica, 26 (2), 2018 Fig. 8 et 9 : Malagasia gogalai n. sp. : (8) Allotype, vue dorsale, ailes gauches étalées ; (9) Paratype femelle, vue ventrale grossie [MB Phots]. Le territoire de la Mandraka, que j'eus la chance de parcourir quelque peu, englobait une très vaste partie d'une exubérante forêt primaire tropicale. Les Cigales colligées sur place sont, à ma connaissance, toutes endémiques. C'est assurément le cas de Malagasia gogalai n. sp., espèce dendrophile et héliophile, vigilante et peu facile à prendre au filet. La cymbalisation des mâles fut captée avec un 'Sony Professional Cassette-Corder WM-D3, équipé d'un micro super-directionnel Sennheiser". Voici, Figure 7, la CIA, Carte d'Identité Acoustique de cette nouvelle espèce, transcrite suivant le protocole exposé par mes soins, notamment en 1995/96 et plus largement en 2005 et 2006. Allotype femelle (Fig. 8 et 9) : Taille tout à fait comparable à celle du mâle. Avant-corps et envergure identique à celui et celle du mâle. Abdomen à la fois plus dense, plus conique et plus court. Pygophore en cône trapus, la tarière et sa gaine, courtes, ne dépassant pas le bloc anal et, un peu moins encore, le processus caudal. 2) Pomponia matijai n. sp. (fig. 10 à 17) HOLOTYPE Thaïlande centrale, Nakhon-Rachasima Province, colline du Temple de Pak Tchong, 7 avril 2014, Michel Boulard, Khuankanok Chueata et Porn-napa Boonyu réc. (au filet, après enregistrements). 158 Michel Boulard: Sur deux cigales de la faune intertropicale dediees au cicadologiste Matija Gogala, collegue et ami 11 Fig. 10 et 11 : Pomponia matijai n. sp., Holotype mâle. 10 a et b ) Vues dorsales : totale et particulière plus agrandie ; 10 c) Vue ventrale. 11) Vue de profil [Paris, LF Phots]. 159 Acta entomologica slovenica, 26 (2), 2018 PARATYPE : Ç allotype, idem holotype. Muséum national d'Histoire naturelle, Entomologie, N° EH 22113 ($) et 22114 (Ç), Paris. Dimensions principales en millimètres du mâle holotype. Envergure = 62; longueur totale, ailes comprises = 34; longueur de l'avant-corps = 9,5; longueur de l'abdomen = 13; longueur du corps = 33; longueur Lh des ailes antérieures = 28; plus grande largeur lh des ailes antérieures = 8; rapport Lh/lh = 2,66; largeur t de la tête, yeux inclus = 7; largeur m du mésonotum = 6; rapport t/m = 1,7; distance d1 entre un oeil composé et l'ocelle le plus proche = 1,65; distance d2 entre les ocelles latéro-postérieurs = 0,56; rapport d1/d2 = 2,94. Description de l'holotype mâle (Fig. 10 à 15). [Spécimen sec et desséché, aux couleurs dénaturées]. Proche de Pomponia quadrispinae Boulard, 2002, mais de taille nettement moindre, cette nouvelle espèce s'en distingue ensuite par sa tête triangulaire plus longue accentuant la saillance des yeux, la livrée de l'avant-corps moins densément fasciée de bistre, tandis que l'aire apicale des ailes antérieures ne présente aucune des six macules terminales, appréciables chez l'espèce voisine. Fig. 12 et 13 : Pomponia matijai n. sp., Holotype mâle, aspect et nomenclature des genitalia externes, vus de profil (12), puis de l'arrière (13). Explication des lettres : b a, bloc anal ; Hyp, hypandrium, ou sternite 8 ; l py, lobes pygophoriens ; UVIII, urite 8 ; UIX, urite 9, ou phallicophore (uncus) ; UX, urite 10, ou pygophore. [Paris, LF Phots]. 160 Michel Boulard: Sur deux cigales de la faune intertropicale dediees au cicadologiste Matija Gogala, collegue et ami Fig. 14 : Pomponia matijai n. sp., CIA, Carte d'identité acoustique indicative, commentée comme il suit : (a) Oscillogramme temporel fondé sur l'enregistrement d'une quinzaine de secondes de la cymbalisation d'appel, transcrivant en temps réel un train de séquences habituellement émises d'un même point, chacune plus ou moins prolongée et lancée sans alternance précise, par un mâle apparemment sans inquiétude. (b) Tracé du spectre moyen, précisant une efficacité sonore maintenue longuement autour d'un maximum étonnamment étalé, de 3500 Hz jusqu'à passer quelque peu les 18000 Hz, la fréquence domainante se situant aux alentours des 6500 Hz. (a') Oscillogramme partiel, étiré dans un espace-temps arbitrairement choisi de manière à détailler l'une des courtes séquences (plage inversée en a) en faisant apparaître distinctement les composantes ultra-structurales, plus rapides (motifs télescopés) au moment de l'attaque et de la reprise, durant quelque 0,15 seconde, pour ensuite laisser l'individualisation de motifs forts, puis de plus faibles... Jusqu'à un court arrêt total, et relancer un appel avec force. (c) Spectrogramme fondé sur le sonogramme (a') et retranscrivant l'occupation fréquentielle des sons alors émis par P. matijai n. sp. Le fondamental est assez bas et court, entre 3200 et presque 3400 Hz, que rehaussent des harmoniques s'échelonnant de 4000 en 4000 Hz jusqu'aux 18000 Hz. Il est par ailleurs remarquable, et apprécié spécifique, que la première composante, où les motifs télescopés n'apparaissent pas, se montre spectaculairement incurvée. 161 Acta entomologica slovenica, 26 (2), 2018 Tête. Vue de dessus, plus large que le mésonotum (t/m = 1,7), nettement triangulaire en rendant plus oblique les marges du vertex avec le clypéus proéminent ; longueur sagittale de la plage dorso- clypéale équivalente, axialement, à celle du vertex. Yeux subsphériques, fort saillants (fig.10 a, b), bistre multi-pointé de noir. Ocelle médian occupant une position subdorsale ; ocelles latéro- postérieurs beaucoup plus rapprochés entre eux que chacun de l'oeil correspondant (d1/d2 = 2,94). Arcades antennaires noires, très obliques, en courbe à fort rayon ; scapes noires, pédicelle et flagelle brunâtres. Plage dorso-clypéale plate, marquée d'un épais v noir, marginé de 2+2 bourrelets noirs axialement jointifs ; face clypéale fortement globuleuse, foncièrement noire, mais striée de 10 paires de bourrelets ocrés transversaux, la dernière très courte ; sillon médian à peine creusé, mais relativement large ; antéclypéus et lames buccales largement envahis de noir plus ou moins masqué par une pruine cireuse rousse, de même que les joues; rostre ocreux et long, son apex, noirâtre, atteignant à mi-hauteur les hanches postérieures. Thorax. Pronotum à peine moins long que la tête ; aire interne brune, faciée de noir selon les sillons endophragmiques et deux épais traits parasagitaux se rejoignant juste avant l'aire externe (collerette), celle-ci médialement ocre, puis maculée de brun sur les lobes suprahuméraux ; ceux-ci relativement développés, le bord latéral produisant une petite dent (fig. 10b) à direction postérieure (absente chez l'espèce voisine). Mésonotum ocre, le scutum longitudinalement rayé de sept facies plus ou moins longues, épaisses ou incomplètes ; x scutellaire (élévation cruciforme) ocre, les branches antérieures englobant deux macules noires. Opercules subtriangulaires, courts, ocreux, ourlés de bistre sur leur côté externe et largement écartés l'un de l'autre (fig. 11). Pattes. Entièrement ocreuses, les tarses légèrement plus sombres ; fémurs antérieurs normalement renflés, ne dressant que deux faibles dents claires sur une arête sous-ca-rénale noirâtre. Ailes. Hyalines (fig. 10a), les antérieures très élancées, leur longueur comprenant près de trois fois leur largeur (Lh/lh = 2,66) ; cellule basale en trapèze allongé, non parcheminée ; cellule radiale juste moins longue que la cellule postcostale, cette dernière très étroite, presque virtuelle ; nervuration ocreuse, les nervules subapicales, la r (suborthogonale) et la r-m très surlignées de brun ; aire apicale octoloculée, les nervules fortement obliques, sans macules subapicales (contrairement à l'espèce voisine). Ailes postérieures transparentes, moitié moins longues que les antérieures ; six cellules terminales. Abdomen. Subcylindrique, un peu plus long que l'avant-corps, portant des alignements de taches noirâtres au contour irrégulier axialement et sur chaque latérotergite. Cymbacalyptes seulement développés dorsalement, en plaques à peine bombées, leur limite latérale étant largement distante des opercules, laissant ainsi apercevoir les cymbales (fig. 12). Pygophore (U X) dépourvu de pointe caudale, lobes pygophoriens (l py) parfaitement développés, mais à peine sclérifiés, larges et terminés en pointes ; 162 Michel Boulard: Sur deux cigales de la faune intertropicale dediees au cicadologiste Matija Gogala, collegue et ami Fig. 15 à 17 : Pomponia matijai n. sp., Allotype femelle vu recto (fig. 15) - verso (fig. 16), puis de profil (fig. 17) (LF Photos). 163 Acta entomologica slovenica, 26 (2), 2018 phallicophore (uncus) isolant, de part et d'autre de sa base, une forte protubérance chaussée d'une pointe trapue sclérifiée en noir (p e), puis se terminant par une paire de longs et robustes crochets (cr) de même sclérifiés (fig. 12 et 13), l'ensemble évoquant les quadrispicules de l'espèce voisine. Cette espèce se range dans la Tribu des Dundubiini, Sous-famille des Cicadinae (Boulard, 2013). Notes éco-éthologiques et C.I.A. Héliophile et de basse futaie, Pomponia matijai n. sp. est une espèce rencontrée dans le vaste environnement épargné d'un temple bouddhiste dans la cité de Pak Chong (Thailand, Nakon-Rachasima Province), où fut historiquement décelé le mâle de l'exceptionnelle Cigale-marteau, Cicadmalleus micheli Boulard et Puissant, 2013 (Boulard & Puissant, 2016). Dendrophiles, privilégiant les branchettes, les P. matijai mâles se manifestent de loin en loin, les pleines journées ensoleillées, par une cymbalisation au timbre rauque, le plus souvent émise de concert. Pour cymbaliser, les mâles abaissent quelque peu les ailes, en tendant rythmiquement l'abdomen. Suivant l'un des caractères apparemment génériques, les mâles changent de place après avoir émis plusieurs phrases d'appel. Captée à l'aide d'un « DAT Sony TCD-D8, équipé d'un micro super-directionnel Sennheiser », voici (Figure 14) la transcription sonographique de la cymbalisation d'appel de Pomponia matijai n. sp. Allotype femelle (Fig. 15 à 17) : Taille comparable à celle du mâle, mais légèrement plus forte. Avant-corps et envergure quasi identique à celui et celle du mâle. Abdomen à la fois plus dense, plus effilé et plus long. Pygophore en cône trapus, terminé dor-salement par un éperon noir ; la tarière et sa gaine, relativement longues dépassent nettement le bloc anal ; de longs poils raides garnissent l'apex visible de la gaine (fig. 16). Summary With enthusiasm, I join our colleagues who wish to mark their friendship with Professor Matija Gogala, thus highlighting his full life, attentions and labors, devoted to Nature and more specifically to a surprising family of insects "tymbalizing" under the sun. To him are dedicated in these pages two original Cicadas, collected by me in the inter-tropical belt of the Globe: one in Madagascar, the other in Thailand. Moreover, it turns out that they correspond to two periods in regard to the taxonomic results, here distinguished "ante- and cum-multilayer", the photo-technic of today revealing the supernatural depth-of-field and the fast execution of the photos for the visual fixation of our precious types. In this perspective, the period expressed in part "1", is illustrated by the species of Madagascar captured in 1997, but remained unpublished (like many others in my files); then in "2", the Thai species captured in 2014, recent and also new. The necessary illustrations in such a work are ensured: for the Malagasy species, following conventional macrophotography (improved throughout my career) 164 Michel Boulard: Sur deux cigales de la faune intertropicale dediees au cicadologiste Matija Gogala, collegue et ami and, for the Thai species, using the multilayer technic. Finally, decisive argument supporting my choices, males of the two Cicadas were recorded in the field and their first CIA (Acoustic Identity Cards) are established: not only Matija is a cicadologist, but he is also an acoustician eco-ethologist. Auteurs cités Distant, W.L., 1882: Description of new species and new genus of Cicadae from Madagascar.- Transactions of the Entomological Society of London 1882.- Part II: 335-338, Pl. XV. Distant, W.L., 1905: addition to a knowledge of the Homopterous Family Cicadi-dae.- Transactions of the Entomological Society of London 1905.- Part I: 191202, Pl. XI. Boulard, M., 1980: un dispositif protecteur secondaire inédit pour le système acoustique chez quatre Cigales malgaches (Hom. Cicadoidea).- Bulletin de la Société entomologique de France, 85 (12), 1980: 44-53, 10 fig. Boulard, M., 1990: appareils génitaux des Cigales, dans : Contribution à l'Entomologie générale et appliquée, 2, Cicadaires (Homoptères auchénorhynques), 1ère partie : Cicadoidea.- EPHE, Travaux du Laboratoire Biologie et Évolution des Insectes, 3, Janvier 1990: 55-245, Pl. 5-26 (2 en couleurs) et 41 fig. dans le texte. Boulard, M., 1995: Vies et Mémoires de Cigales.- Barbentane (Bouches du Rhône), Éditions de l'Équinoxe, 157p., 250 figs. Livre accompagné d'un disque compact original : "Chants" de Cigales méditerranéennes (17min.). [Collaboration de Bernard Mondon pour la partie « Cigales et Symboles »]. Boulard, M., 1996: Vies et Mémoires de Cigales. Provence, Languedoc, Méditerranée.- Éditions de l'Équinoxe, Seconde édition revue et augmentée, 160p., 336 fig. [Audio CD et Apport de B. Mondon, non modifiés]. Boulard, M., 2002: Éthologie sonore et Cartes d'Identité Acoustique de dix espèces de Cigales thaïlandaises, dont six restées inédites, ou mal connues (aucheno-rhyncha, Cicadoidea, Cicadidae).- Revue française d'Entomologie (N.S.), 24 (1), 2002: 35-66, 19 Pl. Boulard, M., 2005: acoustic Signals, diversity and Behaviour of Cicadas (Cicadidae, Hemiptera).- In drosopoulos & Claridge M.F., Insect Sounds and Communication, Chapter 25: 331-349 (also in DVD). Taylor & Francis Publisher. Boulard, M., 2006: Facultés acoustiques, éthologie sonore des Cigales, entomopho-nateurs par excellence / Acoustic faculties and sonic ethology of cicadas, ento-mophonators par excellence.- EPHE, Biologie et Evolution des Insectes, 16, 2006 [édition bilingue] : 1-182, 117 figs., 1 colour Pl. + 1 audio CD bringing together the tymbalisations issued by 99 species. Boulard, M., 2013: The Cicadas of Thailand. Volume 2, Taxonomy and Sonic Ethology.- Manchester, Siri Scientific Press: 436 p., 487 B. & W. figs, 96 colour Plates, 111 audio tracks available in line. 165 Acta entomologica slovenica, 26 (2), 2018 Boulard, M. et Puissant S., 2016: Description du mâle de la Cigale-marteau, Cicad-malleus micheli Boulard & Puissant, 2013 et position systématique de l'espèce (Hemiptera, Cicadoidea, Cicadidae). Bulletin de la Société entomologique de France, 121 (3): 313-321, 10 figs. Received/Prejeto: 5. 3. 2018 166