205 Dávid Szabó* UDK 811.511.141'42:32(439) ELTE Université Eötvös DOI: 10.4312/linguistica.58.1.205-213 Loránd, Budapest LE PREMIER MINISTRE SUR LE SENTIER DE LA GUERRE OU LE CHIEN À DEUX QUEUES. LE LANGAGE NON CONVENTIONNEL DANS LE DISCOURS POLITIQUE (ANTI-)BELLIQUEUX HONGROIS 1. INTRODUCTION. Dans ce travail, nous nous intéresserons au langage politique hongrois du milieu des années 2010, et plus particulièrement à la place de l’argot dans le discours politique bel- liqueux et, surtout, anti-belliqueux. Avant de commencer notre enquête, nous pensions que le langage du premier ministre hongrois Viktor Orbán pourrait être une source inté- ressante d’ « argot de guerre », étant donné qu’il n’a pas peur d’appeler un chat un chat, et, surtout, que sa politique semble reposer en grande partie sur la nécessité d’avoir des ennemis. Les communistes, les Russes, les socialistes, les libéraux, les migrants 1 , les musulmans, les terroristes (confondus consciemment avec les précédents), Bruxelles (en tant que capitale de l’U.E.), le milliardaire américain d’origine hongroise George Soros ou l’Université qu’il a fondée, selon les époques et selon les besoins, sont tous devenus les cibles du gouvernement, les ennemis d’autrefois pouvant devenir des amis par le passage du temps 2 . L’important c’est d’avoir des ennemis, pour resserrer les liens et mobiliser les troupes 3 . Ce n’est pas la peine d’insister ici, dans ce numéro de Linguistica consacré à l’argot de la guerre, sur le rapport étroit entre les phénomènes langagiers de type argotique et l’armée, la vie militaire et la guerre. Nous renvoyons néanmoins à l’analyse de l’argot de la guerre par une des figures majeures de l’argotologie française : Albert Dauzat (1956 : 49). Les liens entre la politique et les argots sont également documentés depuis longtemps : Partridge (1970 : 149) mentionne parmi les principales variétés du slang celui du parlement et de la vie politique. * szabo.david@btk.elte.hu 1 En ce qui concerne l’utilisation consciente du terme hongrois migráns « migrant » à la place de l’équivalent de « réfugié », voir l’article de Körmendy (2017). 2 Citons le cas de la Russie de Poutine, ancienne ennemie devenue une des meilleures amies de la Hongrie orbanienne. 3 Pour la situation politique hongroise, voir par ex., l’article de Dávid Szabó dans l’Année Francophone Internationale 2016-2017 (http://www.agora-francophone.org/afi/afi-no25-2016-2017/article/ hongrie-par-david-szabo?id_mot=27, consulté le 21/06/2017). Linguistica_2018_FINAL_2.indd 205 13.3.2019 13:40:39 206 2. ORBÁN ET L’IDÉE DE LA GUERRE Nous allons illustrer l’idéologie orbanienne de la nécessité de trouver un ennemi contre lequel on peut faire la guerre, par un extrait d’un discours prononcé par le premier ministre hongrois l’année dernière : … ő megadta azt a mondatot, amiről nekem most itt igazából, azt kiindulópontul választva beszélnem kell. Nehémiást idézte: „Ne féljetek, harcoljatok!” De mit is jelent ez? Mert mi ellen kell harcolni? Ha nem tudjuk meghatározni, hogy mi ellen kell harcolni, akkor nem tudjuk meghatározni, hogy mi a harc jó formája, mi az, ami célszerű, és mi az, ami kontraproduktív, nem tudjuk kiválogatni az eszközöket. Ha nem tudjuk megmondani, mi ellen harcolunk, akkor nem tudjuk, hogy melyik a célravezető eszköz, és melyik az, amelyik inkább nekünk árt 4 . Il suffit de lire cet extrait pour voir que l’idée de la nécessité de la lutte y apparaît avant la nécessité de bien choisir son ennemi. Cette lutte « permanente » du gouvernement hongrois semble d’autant plus intéres- sante d’un point de vue linguistique qu’heureusement, il ne s’agit pas d’une vraie guerre, dans le sens physique et sanglant du terme, du moins à quelques exceptions près 5 . Cette guerre se matérialise plutôt sous la forme de brochures de propagande envoyées par la poste aux électeurs hongrois, d’affiches 6 martelant, le long des routes, l’objet de la lutte, ou de nouvelles et articles publiés dans les médias pro-gouvernementaux. La tabouisation consciente de certains termes fait partie de cette guerre par les mots qui devient ainsi une guerre des mots. Ancien libéral 7 reconverti en politicien conservateur, Orbán – et la droite hongroise en général – utilise depuis longtemps les termes hongrois liberális « libéral » et balliberális « libéral de gauche 8 » avec une nuance très péjorative, et les médias publics pro-gouvernementaux, dominants depuis quelques années, suivent son exemple. La stigmatisation de termes a priori neutres comme liberális peut conduire à leur tabouisation dans certaines situations voire dans certains milieux : un locuteur libéral ou de 4 « … il [le pasteur protestant L. Tőkés ; note du traducteur] a prononcé la phrase dont je dois parler ici en la choisissant comme point de départ. Il a cité Nehémie: „N’ayez pas peur, luttez !”Mais qu’est-ce que cela veut dire ? Contre quoi doit-on lutter ? Car si nous ne sommes pas capables de définir ce contre quoi nous devons lutter, nous ne pourrons pas choisir non plus la forme convenable de la lutte, ce qui est adapté et ce qui ne l’est pas, nous ne pourrons pas choisir les moyens. Si nous sommes incapables de préciser contre quoi nous luttons, nous ne savons pas non plus quels sont les moyens les plus adaptés et quels sont ceux qui nous nuisent. » (Discours prononcé à Tusnádfürdő [Băile Tușnad, Roumanie] le 23/07/2016)(traduit par l’auteur). (24.hu. Consulté le 21 juin 2017 : http://24.hu/kozelet/2016/07/24/nem-hitt-a-fulenek-mar-el-is-olvashatja-orban-viktor-beszedet/). 5 Nous pensons notamment à l’accueil brutal réservé aux réfugiés aux frontières méridionales de la Hongrie. 6 Citons la campagne gouvernementale contre la relocalisation des réfugiés qui faisait partie des préparatifs d’un référendum. 7 Précisons que dans le contexte hongrois, les connotations politiques et sociales de « libéral » sont tout aussi importantes que les aspects économiques. 8 Le terme fait allusion avant tout à l’ancienne coalition entre les socialistes et les libéraux. Linguistica_2018_FINAL_2.indd 206 13.3.2019 13:40:39 207 gauche peut avoir du mal à utiliser le terme dans un milieu conservateur, même dans un contexte non politique. Alors qu’il veut dire « favorable aux libertés individuelles », son interlocuteur risque de comprendre « permissif » voire « contraire aux intérêts du pays » 9 . Contre toute attente, les premières enquêtes, conduites sur Internet et dans les mé- dias pro-gouvernementaux, n’ont pas été concluantes. Aussi intéressant que soit ce corpus d’un point de vue linguistique, les discours d’Orbán et la propagande pro-gou- vernementale semblent – dans l’état actuel des recherches 10 – très pauvres en éléments argotiques et non conventionnels. Nous pourrions certainement tirer des conclusions fort intéressantes de cette constata- tion, mais nous avons préféré nous tourner vers les réactions populaires au comportement belliqueux d’Orbán et son gouvernement 11 . Cette réorientation de notre analyse paraissait d’autant plus prometteuse que des recherches menées dans d’autres pays sur des corpus comparables ont démontré les aspects créatifs, ludiques et expressifs du langage que cer- tains appellent anti-sloganique (Woch 2015 : 107-108, Bastian 2017 : 22-27). 3. LE PARTI DU CHIEN À DEUX QUEUES Dans la campagne qui précédait le référendum du 2 octobre 2016 sur la relocalisation des réfugiés, le seul parti à s’être réellement opposé à Orbán et le mécanisme gouvernemental était un petit parti parodique tout jeune, le parti du chien à deux queues. Ce parti luttant avec les armes de l’humour, issu d’une association créée en 2006, a été fondé en 2014 12 . La citation suivante illustre bien l’idéologie du parti, c’est-à-dire l’approche sati- rique et humoristique, ainsi que sa prise de position pacifiste, anti-belliqueuse : Az alábbi videókban összeszedjük azokat a recepteket amikből főzni szoktunk. Azokat a hasznos információkat tartalmazzák, amiből Te magad is kifőzheted a saját kutyapártos- vagy kutyapártfüggetlen forradalmadat! A szakácskönyv-metaforát azért használjuk, mert meggyőződésünk, hogy a jobb atmoszféra érzéki, esztétikai kérdés, mint az ízek és a hangok – de ha harciasab- bak lennénk, akkor nevezhetnénk fegyvertárnak is, ha meg mókusok lennénk, akkor mogyorónak 13 . 9 Cf. Szabó (2017) « Tabous linguistiques de la vie politique hongroise ». Acta Romanica Lodziensis, Folia Litteraria Romanica 12, 165. 10 Nous devons insister sur l’aspect préliminaire de ces recherches. 11 « Envoyons un message à Bruxelles, pour qu’ils comprennent aussi », disaient les affiches du gouvernement protestant contre la relocalisation des réfugiés. Sur certaines affiches, des mains inconnues ont ajouté : « Dans les écoles, il n’y a pas de papier toilette aux W.-C. » 12 Pour plus d’informations, voir http://ketfarkukutya.com/?page_id=1233 (consulté le 21/06/2017). 13 « Les vidéos suivantes illustrent les recettes que nous avons l’habitude de préparer. Elles contiennent les informations utiles suivant lesquelles tu peux préparer toi-même ta révolution avec ou sans le parti du chien à deux queues ! Nous employons cette métaphore de livre de recettes car nous sommes convaincus qu’une meilleure atmosphère, c’est une question de sens et d’esthétique, comme les goûts et les sons – mais si nous étions plus combatifs, nous pourrions parler d’arsenal, alors que si nous étions des écureuils, nous parlerions de noisettes. » (traduit par l’auteur)( http://ketfarkukutya.com/?p=1829. Consulté le 21/06/2017). Linguistica_2018_FINAL_2.indd 207 13.3.2019 13:40:39 208 3. 1. La campagne du parti du chien à deux queues. Comment un petit parti parodique qui s’autodéfinit comme pas très combatif fait-il la « guerre » contre les brochures, les affiches et les slogans du gouvernement ? A coup d’affiches anti-sloganiques, satiriques et absurdes. Aux affiches gouvernementales met - tant la population en garde contre les migrants (« Le saviez-vous? A partir de la seule Libye, près d’un million de migrants veulent venir en Europe 14 . »), le parti parodique a opposé des affiches (certes bien moins nombreuses mais d’autant plus voyantes) di- sant « Le saviez-vous? Le Hongrois moyen voit plus d’ovnis que de migrants dans sa vie 15 . » Le fait que les affiches gouvernementales étaient tellement nombreuses que cer- taines d’entre elles étaient à peine visibles, inspirait aux activistes (appelés passzivista, « passiviste ») l’anti-slogan suivant : « Le saviez-vous? Si vous mettez un texte trop long sur une affiche, personne n’aura le temps de le lire 16 . » La dernière série d’affiches commandée par le gouvernement disait simplement « Ne kockáztassunk ! Szavazzunk nemmel ! » (Ne prenons pas de risques ! Votons contre ! 17 ). Le parti du chien à deux queues a réagi par un jeu de mots absurde : « Ne kockáztassunk! Savazzunk menyéttel ! » (Ne prenons pas de risques ! Répandons de l’acide avec des belettes !). Jeu de mots qui reposait sur la proximité formelle des verbes hongrois szavaz « voter » et savaz « répandre de l’acide » et la proximité relative entre nem « non » et menyét « belette ». Sur d’autres « contre-affiches », le message du chien à deux queues était encore plus simple : « Hülye kérdésre hülye választ ! Szavazz érvénytelenül ! » (A question stupide, réponse stupide ! Vote nul !). Figure 1. « Marilizáljuk a legahuánát ! » (Légalisons la marijuana !) 18 14 Tous les exemples en français ont été traduits par l’auteur. L’affiche originelle disait en hongrois : « Tudta ? Csak Líbiából közel egymillió bevándorló akar Európába jönni. » 15 En hongrois : « Tudta? Egy átlagos magyar több ufót lát élete során, mint bevándorlót. » 16 En hongrois: « Tudta? Ha túl hosszú szöveget ír egy plakátra, akkor senkinek sem lesz ideje elolvasni. » 17 Il s’agissait de dire non à la relocalisation des réfugiés voulue par l’U.E. 18 http://ketfarkukutya.com/?page_id=66. Consulté le 25/06/2017. Linguistica_2018_FINAL_2.indd 208 13.3.2019 13:40:39 209 Ajoutons encore qu’en dehors des affiches parodiant des affiches pro-gouvernemen - tales de la campagne du référendum du 2 octobre 2017, le parti du chien à deux queues avait également des affiches moins occasionnelles qui semblaient se moquer de la déma - gogie politique en général (« Vie éternelle. Bière gratuite. Baisse des impôts 19 ») ou pro- posaient des objectifs politiques alternatifs (« Légalisons la marijuana ! »). Cette dernière proposition est particulièrement intéressante d’un point de vue linguistique : l’anti-slogan « Marilizáljuk a legahuánát ! » est un néologisme obtenu par un procédé morphologique (métathèse) à partir du hongrois usuel « Legalizáljuk a marihuánát ! ». (fig. 1) 3. 2. La réaction du gouvernement hongrois En conséquence de l’anti-campagne du parti du chien à deux queues, le gouvernement s’est trouvé dans une situation embarrassante. D’une part, il est difficile de lutter contre l’humour, d’autre part, le parti du chien s’était positionné en dehors du clivage tradi- tionnel entre gauche et droite, donc, la communication gouvernementale habituelle ne semblait pas avoir prise sur eux. Le gouvernement a apparemment opté pour la solution d’ignorer ce nouvel ennemi. En tout cas, les médias publics et pro-gouvernementaux, particulièrement actifs dans la campagne contre la relocalisation des réfugiés, ne par- laient pratiquement pas de l’anti-campagne du parti du chien. D’où le message suivant sur le site de ce dernier : Nem akarok ezen nagyon pörögni 20 , csak gondoltam érdekeségképpen (sic) me- gemlítem, mégis csak a ti pénzetekből van a közszolgálati televízió. Egyelőre a koreai médiafogyasztók többen tudnak rólunk, mint akik csak m1-et néznek.:) Szóval kezd vicces lenne (sic), hogy az m1-en nem lehet rólunk beszélni, itt van pár külföldi cikk/videó, majd még bővítjük a listát. Amiben segíthetnétek is, ha láttok rólunk külföldi anyagot, akkor plíz küldjétek a linket a ketfarkukutya@gmail.com-ra 21 ! Outre quelques fautes d’orthographe caractéristiques du langage d’Internet (érdekes- ségképpen megemlítem « il est intéressant de signaler » avec un seul –s, lenne à la place de lenni « être »), ce texte contient quelques éléments d’argot commun : pörög « s’en faire » (par glissement sémantique, du hongrois usuel « tournoyer » → hongrois argotique « s’ac- tiver », suivi de vmin « sur qc ») ; plíz « s’il vous plaît », de l’anglais please, même sens. 3.3. Les résultats de l’anti-campagne du parti du chien à deux queues La campagne parodique du parti du chien a porté ses fruits. Si le référendum du 2 octobre 2016 n’a pas pu être validé avec une participation nettement en-dessous du 19 En hongrois : (« Örök élet. Ingyen sör. Adócsökkentés ». 20 Les termes non conventionnels sont en gras. 21 « Je sais qu’il faut pas s’en faire, mais je peux pas m’empêcher de noter que la télé publique, c’est vous qui la payez. Pour le moment, le public coréen nous connaît mieux que ceux qui ne regardent que m1  En tout cas je commence à trouver ça drôle qu’on peut pas parler de nous sur m1, voici quelques articles/vidéos étrangers, la liste sera mise à jour progressivement. Pour nous aider, si vous voyez des documents étrangers sur nous, envoyez svp le lien à ketfarkukutya@ gmail.com. » (Traduit par l’auteur. http://ketfarkukutya.com/?p=1802. Consulté le 22/06/2017.) Linguistica_2018_FINAL_2.indd 209 13.3.2019 13:40:39 210 seuil des 50 %, et si les votes nuls et blancs n’avaient jamais été aussi nombreux, c’était en partie dû à l’intervention critique, satirique et souvent absurde de ce nouveau parti. Les bulletins de vote nuls, photographiés dans l’isoloir ou sortis du bureau de vote, témoignent souvent de la créativité langagière des sympathisants du parti du chien à deux queues 22 . Sur les photos, on voit par exemple un bulletin non orthodoxe : unor- todox szavazólap = « bulletin de vote non orthodoxe », d’une épithète utilisée par le gouvernement pour qualifier sa politique économique (surtout celle du président de la Banque de Hongrie) s’écartant des principales tendances européennes (fig. 2) ; sur un autre, nous trouvons la phrase Mongyon le !, variante de Mondjon le ! « Qu’il démissionne! » (souvent entendu dans les manifestations), écrite avec une orthographe non conventionnelle. Aux deux options, oui et non, l’électeur a ajouté une troisième : talán « peut-être ». Un troisième bulletin, en dehors d’une tête d’extraterrestre, contient l’expression argotique anglaise reality sucks, « la réalité, ça craint. » Figure 2. Bulletin de vote nul « non orthodoxe » 23 . 3.4. Le chien à deux queues fait ses comptes Alors que le gouvernement hongrois a utilisé une somme faramineuse pour sa cam- pagne 24 , l’anti-campagne proportionnellement bien plus efficace du parti du chien n’a coûté qu’environ 110 mille euros. Vous trouverez ci-dessous les comptes du parti paro- dique, intéressants non seulement d’un point de vue financier : Bevételek : Emberektől kapott adományok: 34 530 099 Ft Utalások gyíkemberektől: 734 532 411 Ft Itt a részletes lista, a gyíkembereket természetesen titkosítottuk. Kiadások : 22 Pour des photos de bulletins de vote nuls voir par ex., index.hu : http://index.hu/belfold/2016/10/02/ kvotareferendum_ervenytelen_szavazatok/. Ou la page Facebook du parti du chien à deux queues : https://www.facebook.com/pg/justanotherwordpresspage/photos/?ref=page_internal. Consultés le 24/06/2017. 23 https://www.facebook.com/pg/justanotherwordpresspage/photos/?ref=page_internal. Consulté le 25/06/2017. 24 Selon certaines estimations la campagne du gouvernement hongrois a coûté plus cher que la campagne autour du Brexit au Royaume-Uni. Linguistica_2018_FINAL_2.indd 210 13.3.2019 13:40:39 211 Embereknél elköltött pénz : 35 126 432 Ft Gyíkember-közeli alapítványoknak átjátszott pénz : 734 532 411 Ft Részletes kiadási lista gyíkemberek nélkül. Számlák beszkennelve itt. A gyíkemberes számlákat a Szíriuszon tekinthetik meg minden nap 173 és 174 óra közt. A különbséget hozzáraktuk pártpénzből, úgyhogy megint csórók vagyunk. Ebben értelemszerűen nincs benne a rengeteg ember rengeten (sic) önkéntes melója. Azzal együtt (ha fizettünk volna nekik) kb dupla lett volna a kiadás, próbáljuk még azt is kiszámolni, és közzétesszük. Még majd kiszámoljuk azt is, hogy mennyibe került volna a kampányunk ha a Kormány csinálja, ők ugye kétszer annyiért szoktak óriásplakátokat bérelni, mint mi, plusz ugye a habonyi juttatások 25 . A part les hommes-lézards, une légende urbaine connue en France aussi, ces comptes mentionnent également le système de l’étoile Sirius lequel, selon une légende urbaine plus particulièrement hongroise, aurait des liens avec les origines de Magyars… Nous y trouvons aussi quelques éléments d’argot commun : csóró « fauché », adjectif d’origine tsigane, et meló « boulot », substantif d’origine yiddish. 4. EN GUISE DE CONCLUSION Contrairement au langage belliqueux du gouvernement hongrois et plus particulière- ment à celui de la campagne contre la relocalisation des réfugiés conduite en été et automne 2016, très pauvres en éléments non conventionnels, le langage du parti hon- grois du chien à deux queues et de sa campagne anti-belliqueuse est très créatif et riche en néologismes. Les textes du parti parodique recèlent également des éléments argotiques, surtout des termes d’argot commun, sortis depuis longtemps de leurs mi- cro-argots d’origine, qui, outre leur fonction ludique évidente, n’ont plus de fonction 25 « Recettes : Dons d’êtres humains : 34 530 099 Ft Virements de la part d’hommes-lézards: 734 532 411 Ft Voici la liste détaillée, les noms des hommes-lézards ont naturellement été cryptés. Dépenses : Argent dépensé sur des êtres humains : 35 126 432 Ft Argent passé à des fondations liées à des hommes-lézards : 734 532 411 Ft Liste détaillée sans hommes-lézards. Factures scannées ici. Les factures des hommes-lézards peuvent être consultées sur Sirius chaque jour entre 173 et 174 heures. La différence a été complétée grâce au budget du parti, donc nous sommes redevenus fauchés. Ces comptes ne comprennent évidemment pas le taff bénévole de tout un tas de gens. Avec ça, si nous les avions payés, nos dépenses auraient augmenté à peu près par deux, nous essaierons de faire des calculs, pour les publier ici. Nous calculerons aussi combien notre campagne aurait coûté si elle avait été faite par le gouvernement, comme on le sait, ils ont l’habitude de louer des placards deux fois plus chers que nous, sans oublier l’argent versé à Habony [conseiller du premier ministre ; note du traducteur]. » (traduit par l’auteur, http://ketfarkukutya.com/?m=201610, consulté le 24/06/2017. Linguistica_2018_FINAL_2.indd 211 13.3.2019 13:40:39 212 cryptique ou identitaire proprement dite, mais qui, avec les jeux de mots et les néolo- gismes, arrivent tout de même à créer des liens entre des gens paisibles et pacifistes qui aiment bien l’humour et n’apprécient pas le langage trop sérieux de ceux qui ne pensent qu’à faire la guerre. Bibliographie Corpus http://ketfarkukutya.com/. Consulté le 25/06/2017. https://www.facebook.com/justanotherwordpresspage/. Consulté le 25/06/2017. Références bibliographiques BASTIAN, Sabine (2017) « Le discours de l’immigration : langue de bois vs jargons et néo-argots. » In : Montserrat Planelles Iváñez/Jean-Pierre Goudaillier (éds.), Argot et crises. Frankfurt am Main : Peter Lang Edition, 13-30. DAUZAT, Albert ([1924 ] 1956) Les argots. Caractères – évolution – influence. Paris : Delagrave. KÖRMENDY, Mariann (2016) « Migrer, émigrer, immigrer ou le sens du mouve- ment. » Revue d’Etudes Françaises 21, 85-89. PARTRIDGE, Eric ([1933] 1970) Slang To-day and Yesterday. London: Routledge and Kegan Paul. SZABÓ, Dávid (2017) « Tabous linguistiques de la vie politique hongroise. » Acta Romanica Lodziensis, Folia Litteraria Romanica 12, 161-170. WOCH, Agnieszka (2015) « L’expressivité et l’identité dans le langage anti-sloga- nique : le cas de l’anti-publicité politique sur Internet. » Acta Romanica Lodziensis, Folia Litteraria Romanica 10, 101-108. Résumé LE PREMIER MINISTRE SUR LE SENTIER DE LA GUERRE OU LE CHIEN À DEUX QUEUES. LE LANGAGE NON CONVENTIONNEL DANS LE DISCOURS POLITIQUE (ANTI-)BELLIQUEUX HONGROIS Ce travail analyse les aspects argotiques et non conventionnels du langage politique hongrois contemporain, et plus particulièrement le langage anti-belliqueux d’un petit parti parodique tout récent, le parti du chien à deux queues. Alors que le discours habi- tuellement belliqueux du gouvernement hongrois était, lors de la campagne contre la relocalisation des réfugiés, en 2016, pauvre en éléments argotiques ou en néologismes, la campagne du parti parodique était, d’un point de vue linguistique aussi, bien plus créative et non conventionnelle que celle du gouvernement. Notre analyse est fondée en majeure partie sur un corpus recueilli sur Internet en 2016-17. Mots-clés : argot politique, langage politique, langage anti-sloganique, néologie Linguistica_2018_FINAL_2.indd 212 13.3.2019 13:40:39 213 Abstract THE PRIME MINISTER ON THE TRAIL OF WAR OR THE DOG WITH TWO TAILS. NON-CONVENTIONAL LANGUAGE IN HUNGARIAN ANTI-WAR POLITICAL DISCOURSE In this paper I analyse Hungarian political slang, or slang as it is used in Hungarian politics, especially as it appears in the pro-refugee campaign of a recently created mock party, the Hungarian Two-tailed Dog Party. While the Hungarian government, during its campaign against the relocation of refugees, used very few slang or colloquial terms, the language of the Two-tailed Dog Party is rich in slang words and neologisms. The analysis is mostly based on data gathered on the Internet in 2016-17. Keywords: political slang, political language, anti-sloganic language, neology Povzetek PRENIER NA VOJNEM POHODU OZIROMA PES Z DVEMA REPOMA. NEKONVENCIONALNI JEZIK V (PROTI)VOJNEM MADŽARSKEM POLITIČNEM DISKURZU Članek analizira argojevske in nekonvencionalne prvine v sodobnem madžarskem političnem jeziku, še posebej pa protivojni govor manjše parodične stranke, ki se je nedavno pojavila: »stranke psa z dvema repoma«. Če je bil govor madžarske vlade, ko je šlo za begunsko krizo v letu 2016, zelo borben in je vseboval malo argojevskih elementov in neologizmov, je bila kampanja parodične stranke tudi z jezikoslovnega vidika bolj inovativna in manj konvencionalna kot vladna. Naša analiza se v največji meri opira na korpus, pridobljen na internetu v letih 2016–2017. Ključne besede: politični argo, politični jezik, jezik proti sloganom, neologija Linguistica_2018_FINAL_2.indd 213 13.3.2019 13:40:39