ABRÉGÉ CHRONOLOGIQUE O u HISTOIRE j DES DÉCOUVERTES Faites par les Européens dans loê différentes parties du Monde, Extrait des Relations les plus exactes Cf des Voyageurs les plus vèridiques, Par M. Jean Barrov, Auteur du Dictionnaire Géographique. Traduit de V Anglais par M TOME DIXIE * A P A R 1S f Saillant, rue s. Jean-dc-Beauvaî;^ CheZ\ De Lormel , nie du Foin. J Desaint, rue du Foîn^ L Panckoucke , rue de la Comédie Françoife» M. D C C. L X V I. Avec Approbation Çr Privilège du Rm HISTOIRE DES DÉCOUVERTES Faites par les Européens dans les différentes parties du monde SUITEDES VOYAGES du Docteur Ge mellï CHAPITRE XXIV. Gemelli quitte le Continent de VAmé~ rique , cV pajjè de la Vera- Ci ux À la Havane ; Son voyage en Efpagnejur la flotte des Galions ; Il arrive à Cadix; Defcription de cette Ville; Il Je rend à Madrid en pajfant par Seville ; Defcription de ces deux Villes. ÇtEmelli ennuyé de demeurer fiA xf9J, fi long-temps à Mexico, prit congé .i.mc.li ra„ de Tes amis, & partit de cette ville ,1e 4c ^iexic». Tome X* A Gt if* ' » •s Découvertes *~- jeudi IO d'Octobre, dans l'intention - ciMxxiV ^e s'embarquer fur la barque d'avis: qui va à la Havane, pour fe rendre fkn.itpj. en{u[tQ aux Mes Canaries, parce cju'il n'efpéroit pas que la flotte fut prête à mettre à la voile, dans le temps où il pourroir en profiter. Après avoir fait quatre lieues, il s'arrêta à l'hôtellerie de Chalco, & le lendemain, étant parti avant le lever du foleil, avec quelques autres perfonnes, ils ne purent faire que cinq lieues. Le troifïeme jour , ils firent huit lieues, & pafîerent par la ville de Tlaïcala, que les armes de l'Empire du Mexique; n'ont jamais pu foumettre. .Lelendemain , s'étant affuré qu'il n'y avoit rien à voir dans cette Ville, qui eft devenue comme un fimple village, il continua fa route , & après cinq lieues de marche, il arriva à une heure après midi, à la ville de la Puebla delos Angelos. y)cfcnpt!oiî perte Ville fut fondée par les Efr i"ioseADasc-PagnoIs en Xjc/31, &iïs lui donne-lp„ ° rent ce nom, parce que la Reine d'Efpagne dit , qu'elle avoit vu en fonge plufleurs Anges qui en tra-çoient le plan furie terrein. Les bâV juments font pour la plus grand© Ge.mhi i i i Ch.'.XXlV. des Européens. 3 partie de pie'rre & de chaux, & ne lé cèdent en rien à ceux de Mexico. Les rues font plus propres , & la grande place eft beaucoup plus belle. An-x6^':* Trois des côtés font ornés de beaux portiques, &: l'autre eft occupe* par la Cathédrale, où l'on voit un magnifique portail & une tour très-'élevée. Aux environs de la ville, il y a beaucoup d'eaux minérales. Le lundi 14., Gemelli vifita les Monaf-teres des Carmes déchaufles, des Dominicains, des Frères Hofpitaliers, de la Trinité Se de Sainte Claire. Ce dernier eft très riche, puifqu'il pof-fede en argent mort, cinq cents milles pièces de huit, venant des dots des Religieufes. Il y a encore plu-lieurs autres Couvents, tant d'hommes que de filles, ces Collèges Se des Eglifes , qui donnent une très»-haute idée de la grandeur , de la magnificence, & de la richefle de cette ville. Quand Gemelii prit congé de l'Evcquc, ce Prélat lui fit un pré-fent de la valeur de cinquante pièces .de huit. Le lundi 21, en continuant fon H «riteil* voyage pour la Vcra-Crux , il fity">C:'J~ feulement trois lieues, Se s'arrêta à '4 Découvertes '" la maifon d'un Gouverneur Indien. xxivl ^e lendemain, après fept lieues de marche , il arriva à la ferme d'Iftapa. l parce qu'il faut les tirer de fort loin. La ville -n'a au plus .4.1.1657. qu'une lieue d'Efpagne de tour, ôc l'air y eit aflfez mal fain, particulièrement en été. Il arrive fouvent, quand lèvent de nord y foufrle, que les maifons font à moitié enterrées dans le fable qu'il y apporte ; les murs même de la ville en font tellement comblés , qu'on paife à cheval par-deiïiis. En 1683, elle fut prife 4 & faccagée par un Pyrate du petit Guava.qui defcendit de grand matin à une demi-lieue de la ville, & fur-prit les Habitants, qui ne firent aucune réfiftance. Le château qui eft à une demi lieue de diftance, ne peut fervir à défendre la place, mais feulement à mettre le port en sûreté, ffferendàla Gemelli demeura un mois à la fiauiie. Vera-Cruz, pour attendre l'occafïon d'un bon Vaiffeau qui devoit mettre à" la voile. Pendant fon féjour il alla fouvent à la chafTe, & fut très - incommodé dans les bois par les Ga-rapottas , efpece de vermine qui fe trouve fur les plantes, s'attache aux habits, les perce & pénétre dans la chair, de façon qu'il faut beaucoup des Européens. 7 de peine & d'adrefle pour les en ti- < rer. Le Vaifleau c'tant prêt à partir, ^xxii* le Gouverneur recommanda Gemelli au Capitaine, lui donna aulîi des An-;ûî>7-Lettres de recommandation pour les Capitaines des Gallions à la Havane, & lui lit un préfent en argent. Après avoir pris congé , il s'embarqua le famedi 14. de Décembre , & trouva que le Gouverneur lui avoit lait encore une nouvelle laveur , en empêchant que Tes valifes ne tuilènt ouvertes à la Douane. Vers midi ils fe mirent en route par le c^nal occidental , en paffant près du Château , & ils en fortirent le foir. LeDiman^ che 1 <, , ils continuèrent leur cours , & après un voyage très-orageux de trois cents lieues, ils arrivèrent fans aucun accident à la Havane, où Gemelli débarqua le lundi 30 avec fes équipages , qu'il fit mettre dans une maifon qu'il prit à louage. La Havane eft une petite Ville Dcfcrîpttai dans l'islede Cuba , qui n'a qu'une ciaHavanc. demi-lieue de tour, & eft fituée dans une plaine à la latitude de 23 degrés 20 minutes. Du coté de terre , elle eft prefque toute environnée de mauvais murs peu élevés ; elle contient A iv 5 Découvertes 1 1 environ quatre mille Habiranrs, Ef-ch^xxiv. pagnol* > Mulâtres & Noirs, dont la plus grande partie demeurent dans Am' l697' des maifons très-baffes. Les femmes y font belles, & les hommes fort ingénieux : le Gouverneur a le titre de Capitaine Général de lTfle,& ad* miniftre la juftice, fans le fecours d'aucun AlfeiTeur. Les vivres y font très-chers , trois onces de pain y coûtent quatre fols , & une demi-livre de viande autant : on paye une poule cent fols : le fruit & les autres denrées à proportion ; enforte qu'il eft difficile d'y vivreà moins de deux pièces de huit par jour. Toute l'Iile a environ trois cents lieues de longueur , fur trente de largeur : les Habitants font pauvres , & n'ont d'autre commerce que celui du fucre 6 du Tabac , dont la culture fe fait entièrement par les Nègres, que leurs maîtres inhumains traitent comme des béres brutes. Le Port de la Havane eft très sûr, profond & défendu par trois Châteaux. Dans la Ville, il y a quatre Monafteres & cinq Eglî-fes , outre un Hôpital pour les Soldats , qui jouit d'un revenu de douze milles pièces de huit. Le famedi 11 des Européens. 9 de Janvier 168 , il y arriva une ^ barque venue en vingt-quatre hè*ures chTxîVv. de la côte oppofée de la Floride, & elle mit à terre quelques Indiens de An' l6<>'' Cayo : on leur permit de trafiquer , dans l'efpérance de leur converfion , parce que leur Cacique avoit con-lenti à recevoir quatorze Millionnaires Francifcains dans fon Pays. Le Lundi 13 > il vit un petit Vaif- Grande co»-feau de la Jamaïque apporter la nou- commasç.IC velle de la Paix conclue entre la France & les Allies. Le Jeudi 1 6 on commença à embarquer fur les Gal-lions les cailles de pièces de huit : il y en avoit pour trente millions, dont une partie appartenoit au Roi, Se l'autre aux Négociants , pour les marchandifes vendues à la Foire de Porto-Bello , qui eft l'objet du commerce entre les Négociants de Sé-ville &ceux de Lima. Ils ont réciproquement une très - grande confiance les uns aux autres ; aufli-tôt qu'ils font convenus de prix , ils fe livrent mutuellement les balots de marchandifes, & les caiffes de pièces de huit, fans rien voir de ce qu'elles contiennent ; enfuite on les ouvre en préfence d'un Notaire, & s'il fe Av io Découvertes ——— trouve quelque chofe de moins, les chlxiiv. Compagnies de Séville & de Lima An, i6y*. en dédommagent les Particuliers. Cette année la Compagnie de Lima paya cinq mille pièces de huit pour les marchandifes qui s'éroient trouvées de furpîus à la Foire précédente. G melH ^e ïïlnrsrùthç 1 ^ » l'Amiral fit avquc proclamer au fon de la Trompette, l'o - reveni que la Flotte mettroit à la voile le cnEurroc" jj (jL1 mois fuivant : ordonna que chacun fe rendit à bord le 8 , & défendit , fous peine de mort, à aucune barque de fortir du Port, crainte q;?tf les ennemis n'appriffent que la Fiotre étoit prête à partir. Le famedi 22, le premier Charpentier des Gallions repréfema à l'Amiral, qu'ils avoient été conflruits plus haut que les Vaif-. féaux de Guerre , & que ce feroit les expofer à périr , fi on mettoit hors ,. fans qu'ils euffent une charge luffi-fante. On tint à ce fuiet un confeil de tous les Officiers de mer, & ils décidèrent qu'il falloir bien charger le fonds de cale ; décifion plus avan-tageufe pour eux-mêmes, que pour le fervice du Roi. Comme le temps de mettre à la voile approchoit, les gens des Galions achetèrent ua dés Européens; i ï 'grand nombre d'oifeaux rouges , ■ nommes Cardinaux , qu'ils payoient ch.*XiXV* huit & dix pièces de huit chacun , & par le calcul quien.fut fait, on trou- An,l6*f« va qu'il avoit été depenfé dix-huit mille pièces de huit , uniquement pour le prix de ces oifeaux. Dom Ferdinand Chacon ayant accordé généreufement à Gemelli le palTage iur fon Galion , envoya le dimanche 8 non - feuiement les maifons , mais ' auffi*les clochers étoient ornés de Drapeaux, & tout le rivage étoit' couvert d'une multitude de peuple, qui fortoit pour les voir arriver , mêlant leurs acclamations au fon des-cloches , dont retentiiïbit toute la Ville. Avant qu'on eût jette l'ancre, Gemelli defcendit dans une chaloupe , & prit une chambre dans une Auberge, pour fe repofer de toutes les fatigues qu'il avoir fouffertes. LTfle de Cadix étoit nommée an-Dcfrrîption dénuement ifle de Junon , parce te-cadur. qQ'-j y avo[t un Temple confacré à cette Déefle.On lui a donné enfuite le nom deGadir& Gades, qui, par cor-ruption,s'eft enfin changé en celui de Cadix. La ville eft fituée au nord du détroit de Gibraltar, à trente - fix degrés trente minutes de latitude. Le Port eft un des plus fréquentés de l'Europe. La Ville eft elle-même dans une Ifle ; car du côté de l'Eft, où, eft le continent de l'Ef-pagne, il y a un Canal, qu'on tra-verfe fur un très-beau Pont. Quoique cette Ville foit petite , elle eft r> z s Européens. t y d'une richefle immenfe , & les bâtiments , tant publics que particuliers, ne le cèdent point à ceux d'aucune antre Ville d'Europe; mais les rues An8. i'exceuence des peintures , par la quantité de fontaines, les réfervoirs à mettre le poiiTon & par les parcs. Toutes les Eglifes font bien défer-vies, & ont de très beaux ornements, Entre les bâtiments publics, on remarque particulièrement la grande place, qui eft très-belle. Toutes les maifons qui l'entourent, font bâties fur nn même modèle, à cinq étages, dont chacun a des balcons de ferr d'un très-beau travail, & tous uniformes. C'eft où l'on fait les combats des taureaux, & la place eft alors ornée de riches tapis, & de la pré*: ' fence du Roi, de la Noblefle , des Magiftrats, & des Dames de qualité, magnifiquement parées. Gemelli trompé dans fon attente, de pouvoir fe* rendre en Italie par le chemin d'Alicante, loua deux places, pour vingt-quatre pièces de huit , dans le carroffe de Pampelune, & après avoir pris congé de fesamis, il le difpofa à achever fon voyage. t>es Européens. i£ CHAPITRE XXV. Voyage de Madrid d Touloufe ; Gemelli fe rend d Marfeills, d'où il pajfe à Gênes ; Defcription de cette Ville ; Il continue fa route par Milan , Bologne, Florence &Rome; Il arrive d Naples, où il termine fon voyage du tour du monde. LE lundi 8 de Septembre, Ge- ■ « melli ayant fait fes dévotions, ch^xxrl entra l'aprcs-dîné dans le CarrolTe, où ils ne firent ce jour que trois An- lieues. Us pattirent le lendemain aitGemeirrarrft point du jour,traverferent la rivière[J^,ai?^ Guadarama fur un beau pont de pierre, & après avoir encore fait trois lieues , ils entrèrent dans Al-cala , où il y a une fameufe Univer-lité. Neuf lieues plus loin ils trouvèrent Junquera , & en allant à petites journées , ils arrivèrent le jeudi vers midi à Pampelune. Cere Ville fituée à 43 degrés de latitude eft la Capitale du Royaume de Navarre le Viceroi y fait fa réfidence ordi- 20 Découvertes naire, & l'on y tient toutes les Cours cbTxEr!* ^e Justice. Le fpirituel eft gouverné par un Evêque , qui a vingt - deux mule pièces de nuit de revenu. La Ville eft bâtie fur un terrein inégal au pied des monts Pyrénées , & a environ une demi-lieue de tour. Les maifons en général font bien bâties , mais les Monaftercs & les Eglifes n'y font pas magnifiques. La Citadelle eft très-grande , & les murs fi épais , que deux Carroffes peuvent aifément y paffer de front. !! paffe à -kes habitants de Pampelune , & \flLoncevaujc en général tous les Navarrois, font affables, aiment les étrangers , leurs marquent la plus grande attention , & ont fouvent plus d'égards pour eux, que pour ceux de leur propre nation. Gemelli ayant loué des mules, une pièce de huit chacune, pour le conduire à Saint Jean de Pied-de-Port, partit de Pampelune le vendredi ro , & après avoir pafle des montagnes très-rudes, il arriva le lendemain à Roncevaux , Village où le froid eft très piquant : l'Eglife • dépend du Roi, & il y a douze Cha- Ilarrivcàn°ineS- yoHiottfc On lui fit vo,ir dans cette Eglife &es Européens. 21 deux mail Lies couvertes de fer, dont -■ 11 ■ on fe fervoit autrefois dans les Ar-G^E^v niées, & un des étriers de Roland , fameux champion de France. Après An*l<*9' avoir monté un chemin étroit trcs-dangereux, & defcendu la montagne de l'autre côté , il traverfa une petite rivière, qui fépaje les deux Royaumes de France & d'Efpagne. Il fit encore une lieue , & arriva à Saint Jean de Pied-de-Port, Capitale de la Baffe-Navarre, où. il remarqua de bonnes murailles , un petit Faux-bourg , & un Château fortifié régulièrement fur une hauteur qui commande la Ville. Le lundi 22 , il fe remit en route, & arriva le lendemain à Lefcar , où fe tiennent les Etats de la Province de Bearn , pour éviter les conteftations , avec le Parlement , fur la préféance. Pau , Capitale de cette Province , eft arrofé par la rivière Gave , qu'on paile fur un pont de pierre très-long : la Ville eft divifée en haute & bafle, & ni l'une ni l'autre n'eft murée. Le Château eft bien bâti à l'antique : on y voitla ChapelleRoyalede Henri IV, & la chambre où eft né ce 'Yionai- traire Louis XIV , pour éviter de faire le tour de l'Efpagne par mer. Il eft entretenu par plusieurs réfervoirs, tant dans la plaine, que fur les montagnes ; on a fait des levées pour foutenir les eaux dans les endroits où le terrein eft bas, & les bâtiments montent par-deffus des montagnes avec le fecours desEclufes, quifem-blent former comme autant de degrés. Gemelli ayant loué dix-neuf écus Suîte âe Co* une calèche pour le conduire à Mont- tovage fjuf, pellier , partit de Touloufe le ma- îeiliex, * lin du dernier jour de Septembre; il traverfa plufieurs fois le Canal fur des ponts, ôc arriva le foir à Bazie-gc. Le mercredi premier d'Octobre, il fitiix lieues dans un pays très-peuplé , & alla coucher à Carcaffone. Cette Villeeft grande, murée, & fait un commerce confidérable, particulièrement d'une efpece de gros draps, qui en porte le nom. Les rues font belles , & l'on y remarque principalement la place du Marché.Le lendç* 24 Découvertes »i main il fit encore fix lieues , s'arrêta à crTîxv ' VouÛol, & le vendredi 3,il alla dîner à Beziers, Ville très peuplée, abon- Ab. 169%. ^Qnte & riche,fituée fur une hauteur à trois lieues de la mer. Lefoir il coucha à Pézénas , & le lendemain il arriva à la fameufe ville de Montpellier , Capitale du Bas-Languedoc, qui eft fituée fur une montagne dans l'afpeâ le plus agréable. L'Hôtel de Ville n'eft pas fi beau que celui de Touloufe , & la Cathédrale eft peu ornée.La promenade hors des portes eft un des plus beaux endroits que la nature & l'art ayent formés, la vue sétendant d'un eôté fur la mer, & de l'autre fur une longue plaine déli-cieufe, & ornée des plus charmants payfages. il arriva à Après le dîné , il loua fept écus jdacfMiie. une autre calèche pour le conduire à Marfeille ; fit le même jour quatre lieues , & coucha au Pont de Lunel; Le lundi 6, il partit de grand matin, traverfa deux fois des bras du Rhône , l'une dans un bac, & l'autre fur un pont de bateaux de cent pas de long,pour srriver à Arles , qui eft un Archevêché, & une Ville très commerçante. Le mardi 7 , il fuivit de fameux ces E u n o r É é h $; is y fameux Aqueducs , & après huit ■■*» lieues de marche, il arriva à Salon , Sj^Jxv,* où eft le tombeau du célèbre Aftro-logue Noftradamus. Le lendemain Au-ïP>'* il fît neuf lieues & arriva à Marfeille. Cette Ville, bâtie par les Phéniciens étoit anciennement très - fameufo pour les Ecoles, qui le difputoient à celles de Rome & d'Athènes. A pré-fent, c'eft un des plus fameux ports de la Méditerannée ; mais avec fi peu de profondeur , qu'on eft très-fouvent obligé de le nettoyer, pour y faire entrer même de petits vaiffeaux. La ville n'a détour, qu'environ deux milles d'Italie, & le terrein en eft: fort inégal. Les maifons font belles, mais les rues font étroites ,tortues èc fort fales. L'arfenal où l'on conftruit les galleres, eft afTez grand pour qu'on en' puifïe conftruire autant qu'on en a befoin. Le bafïin qui ferc à cet ufage, a alTez d'étendue pour en contenir deux àla fois. Les magafïns des bois & de tout ce qui fert à la marine, font très-fpacieux , &l'on y entretient auffi de quoi pouvoir armer dix mille hommes. Gemelli défiroit aller voir la Sainte senvcyi£« Baume , Grotte où l'on dit quej^u'; G* ±4 Découvertes m m» ■ Sainte Marie - Magdeieine a vécu ti»» eft tournée au midi, & occupe un dc ^MSt coteau qui, du côté de la mer, forme un magnifique amphithéâtre. Tous les bâtiments , compris dans l'efpace de quatre milles, font ornés de très-beaux marbre, & l'on a conf-truit depuis quelque temps, un nouveau mur de quinze milles de tour, au-dedans duquel on a élevé & l'on élevé encore de nouveaux édifices, qui ne le cèdent pas en beauté aux anciens. Cependant les rues font étroites &obfcures: le port eft d'environ un mille de long, avec un fanal du côté de l'oued, & de bonnes fortifications. Cette ville eft appel* lce la ftiperbe, parce que la Nobleffe 2$ Découvertes > 1 entêtée de fon petit domaine, eft cïxxvï ^un orSu^u qui la rend intraitable, quoique fon territoire ne s'étende en Au, 1*3,5. ]ongueur f qU'à cent quarante mille en iuivant le rivage, & n'en ait pas douze de largeur. Les femmes font belles & fpirituelies ; mais elles ont une manière de parler ii brève qu'elle les rend ridicules. Les hommes font fort fobres, Rattachés au commerce , ce qui leur procure de grandes riehefTes. Le Palais du Doge eft un des plus vaftes & des plus beaux édifices qui foient en Europe. Le phare ou fanal, eft digne de remarque; il eft fondé furie roc, défendu par du canon, & élevé de cent cinquante pieds. On y place toutes les nuits, trente-deux lumières, pour guider les vaifleaux qui navigent fur cette côte. il fe tend Le mercredi 29, Gemelli ayant !&iiauCnC ire9u ^cs ma^es> °tui étoient venues par mer de Cadix, les fit mettre fur une felouque, qui alloit à Naples , & prit la réfolution de s'y rendre par terre, à caufe des mauvais temps qui n duroient depuis plufieurs jours. Le jeudi 30, il loua une calèche pour Milan, & partit le famedi premier tjes Européens. as £ de Novembre. Après avoir traverlé — r plusieurs fois la rivière de Polfevera, gwj'ïïv. il entra dans des montagnes arides ; & ayant fait vingt milles cette jour- Aa' 169 * née, il arriva le foir à Taglio. Le lendemain , il alla coucher à Gavi. Le lundi 3 , il pafla par Novi, Tor-tone & Voghera, pour aller coucher dans une mauvaife hôtellerie, à Purana. Le mercredi 4, il partit de grand matin, t rave r fa le Pô & le Tef-iin , & alla dîner à Pavie , qui eft une Ville forte, entourée d'un large fofle rempli d'eau : bien peuplée, riche , ornée de beaux palais , & plus an* cienne que Milan. L'Univerfité eft fameufe pour avoir produit plufieurs Savants, & la ville eft devenue mémorable, pour avoir foutenu le fiege qui y fut mis par le Roi François I, en 1 C2 5* ; Gemelli en partit après le dîné , fit encore dix milles, & arriva avant la nuit à Milan. On croit que la ville de Milan a Dcfcrlptlo* été bâtie par les Gaulois , trois cents dcM,lao* quatre-vingt-quinze ans après la fondation de Rome. Elle a plus de huit milles de tour, & CDntient environ deux cents mille habitants. Elle eft renommée par la multitude de peu- B iij igô' Découvertes f-t-mii l pie s pour la magnificence de la Ca- fciTxxv' tnédrale j Pour 'a farce du château qu'on regarde comme imprenable , 4» ^ pour la fameufe bibliothèque, qu'on appelle Ambrofîenne, &qui contient au moins trente mille volumes. Le château a fix baftions , avec douze pièces de canon fur chacun, outre fix demi-lunes, & le rempart eft environné* d'un foffé plein d'eau , fort large & fort profond. On trouve en y entrant, deux hautes tours, avec des murs de brique, d'environ vingt-quatre pieds d'élévation , & revêtus de pierres dures, taillées en pointes de diamant. Surces murs & fur ceux des courtines, il y a plufîeurs groffes pièces de canon.- On regarde en général ce château , comme le meilleur, le plus grand & le plus sûr de tous les forts de l'Europe , & quoique J'arfenal ne fût pas entièrement complet dans le temps dont nous parlons, on le jugeoit fufnfant pour armer toute l'Italie. Le grand Hôpital, fondé par le Duc de Milan, peut être regardé comme un des meilleurs de toute l'Italie. Le portail extérieur eft majef-ttieux, &au-dedans, on trouve une des Européens. 5 tf grande cour quarrée, avec un dou- 1 ■ 1 » "ble rang de pilliers, qui foutien- c^xxv.' nent des arcades Supérieures & inférieures , ce tant au-deflus qu'au- A*'lt'%% defîous : il y a plulieurs galleries pour les malades , outre les apparte* ments de ceux qui font chargés d'en avoir le foin. On dit qu'il a plus de cent cinquante mille écus de revenu. A un demi mille de la ville, hors de la porte Romaine, il y a un cimetière pour ceux qui meurent dans cet Hôpital, & l'édifice en eft fi grand, qu'il coûtoit déjà deux cents mille tcus , quoiqu'il ne fût pas fini quand Gemelli y paiTa. Le Lazaret, deftiné pour les peftiférés , eft un autre grand bâtiment, avec plus de trois cents chambres. La Cathédrale, qui a deux centsri^màe,Iî^f coudées de long , & cent trente de r large, étoit déjà regardée comme la huitième merveille du monde, pour la grandeur , la magnificence des marbres, la beauté des ftatues, & les autres ornements , quoiqu'elle ne fut pas entièrement finie , malgré le grand nombre d'Ouvriers qui y travailloient depuis beaucoup d'années , &lcs grandes dépenfes qu'on Biy me. %2î Découvertes ■ » ■ n. y avoit faites. Tout l'édifice en* Cewellï de(lans & en dehors, jufqu'au toit, elt orne de tres-beaux buites & An. i6<>8. d'autres ouvrages de fcuplture en marbre. Le mercredi 12 , il partit un car-rofle pour Bologne, & Gemelli y prit une place en payant une piftole. Le lendemain , ils traverferent le Pô, & arrivèrent à Plaifance, ville fituée dans une plaine , & d'environ cinq milles de tour. Les rues & les maifons font très-belles, mais peu peuplée. Il y a le palais du Duc de Parme , qui eft d'une grande magnificence , tant pour l'édifice que pour les ameublements. Deux jours après ils arrivèrent à Parme , fituée dan3 une plaine, fur la voie Flaminia; où l'air eft fi bon , que quelques-uns des habitants y ont vécu jufqu'à cent vingt, & même jufqu'à cent trente ans. Les bâtiments font magnifiques, les Eglifes très-bien ornées, & les rues fort larges. Eile a environ quatre milles de tour , & la rivière de Parme, d'où elle prend fon nom , paflTe au milieu. Le Collège eft un des plus beaux bâtiments qu'on puifïe voir, tant en-dedans qu'en-dehors. ©es E u r o p é g ri s: 3 f ïl y a a nez de chambres pour y lo- i ger deux cents foixante Ecoliers de SpjSf,* bonne maifon , outre les Profefleuts, les Officiers Scies Domeftiques. An- Etant partis allez tard de Parme , il fercndi ils firent cinq milles, paflerent unBcl°SRC' pont, où chaque Voyageur paye dix fols, & entrèrent dans le Duché de Modene. Ils marchèrent dix milles dans des campagnes très-bien cultivées, & s'arrêtèrent à Reggio , ville fameufe par la grande foire qu'on y tient, par la beauté des Egli-ies & des rues, & par la magnificence des palais. Le lendemain „ ayant fait quinze milles, ils arrivèrent de bonne heure à Modene, fituée fur la voie /Emilia, dans un terrein marécageux , plat & arrolé de deux rivières. La ville a trois on quatre milles de tour, & il n'y arien de remarquable dans les bâtiments» non plus que dans les rues, qui font étroites & remplies de boue. On voit au milieu une haute tour, de marbre brut, ce qui en fait connoî-trel'antiquité. Le jeudi 18, ils partirent très-matin , traverferent la rivière de Panaro, trois milles plus loin, entrèrent dans le territoire d© Bv $4 Découvertes m> Ch. XXV. 4». Bologne, & après avoir fait encore quatorze milles, ils arrivèrent à la capitale. Bologne eft une ville fort ancienne, avec une fameufe Université r'elle eft remarquable par la beauté des édifices , par la grandeur, par la richeiTe , par la fituation, & par le nombre des habitants, qui monte à quatre-vingt mille. Les bâtiments font les plus fuperbes qu'on voye en Italie, tous ornés de très-beaux por- tiques. ïi dhrrWe à Gemelli trouvant que le Meiïager oicncc. de Florence devoit partir le lendemain , réfolut de profiter de cette occafion. Il fe remit donc en route le mercredi ip de grand matin , ck après avoir fait feize milles dans les montagnes de TApenin, où les Pay-fans fément beaucoup de bleds , quoiqu'elles foient très-efcarpées, il dîna à Lujano. L'après midi il entra dans les Etats du Grand Duc; mais pour y être reçu, il fut obligé de faire .Voir Ion certificat de fan té. Le jeu- eu. xxv. tan«« Gemelli loua douze piaftres une a'1 9 ' calèche pour le conduire à Rome ; RomeafFe àPart*c ^e dimanche 23 avec le Mef-fager avant midi , & ils traverferent des montagnes bk des collines , naturellement iténles, mais qui font fenilifées par l'induftV.e des Florentins. Le lendemain matin ils arrivèrent à Sienne , Ville antique fituée: fur un coteau, avec peu de bâtiments , mais bien conftruits, le tiers de la Ville étant occupé par des jardins tk des vergers. Après dîné , ils firent dix-huit milles , tk allèrent coucher au Château de Turineri. Le mardi 2 y , ils partirent deux heures avant le jour, & ne firent que monter tk defeendre , toujours avec la pluie où le brouillard , & arrivèrent à Aquapendente, la première Ville de, l'Etat Eccléfiaftique. Le lendemain ils firent vingt-fept milles parla pime & par la neige , pour arriver à Vi-terbe, qui a trois milles de tour. Le jeudi 27 , ils montèrent pendant-cinq milles une montagne glacée, & après avoir fait encore trente-cinq milles, ils s'arrêtèrent à Baccareo ; t) é s Européens. '37 enfin le lendemain à midi , ils arrivèrent à Rome , la reine des Cités, E\lJr- autrefois la capitale du monde. Le famedi 20 , Gemelli partit de grand matin , tk après vingt milles 11 termina de marche , il arriva à Velitri, fituégyW» fur une montagne. Le dimanche 30, il fit vingt-fept milles , & alla coucher à Piperno , Ville fituée fur un coteau , , avec de mauvailes murailles. Le lendemain , il marcha vingt-cinq milles , 8c logea dans la ville deFondi, au Royaume de Naples* Le mardi 2 , il partit de grand matin , fit trente milles , & arriva à Sainte Agathe de Selfa. Le mercredi 3 , il fe mit en route aux Flambeaux quatre heures avant le jour, & alla dîner à Capoue , près la rivière de Vulturne. Cette Ville eft plus ancienne que celle de Rome, entourée d'une bonne muraille , & • oHfendue par un fort Château. Elle fut réduite en fervitude par les Romains , pour avoir reçu Annibal, & devint enfuite une Colonie, quoiqu'elle fut aufïi confidérable que Cannage & que Rome même. L'a-pres dîné , Gemelli fit huit milles par des plaines charmantes qui la; 38 DÉ couverte! conduisent à Averfa, & quatre mil-ch?xxv! *es P^US loin» ^ trouva plusieurs de fes amis , qui venoient le recevoir. Ab. i«s>»« Après les embraOTements réciproques , il monta en carroffe, fit quatre milles, & entra dans la ville de Naples, où il delîroit depuis fi longtemps d'arriver ; ce fut ainfi qu'il termina fon voyage autour du monde après y avoir employé cinq ans , cinq mois & vingt jours. ©es Européens. 3$ RELATION Du Voyage de M. Martin à Saint Kilda , la plus éloignée des Ides Occidentales de l'EcofTe. CHAPITRE I. Monfieur Martin s'embarque pour S* Kilda ; Il relâche à Vifle de Bcrera; Il arrive d Saint Kilda ; Hofpitalité des Habitants ; Médiocrité de leurs bâtiments ; Température de Pair dans tette Ifle ; Difficulté d'y aborder ; Maifon de la Femme guerrière. LIngénieux Auteur de cette marrln, Relation , dit qu'il a plusieurs ckap.x. fois eflayé inutilement de vilîter l'ifle Ari, ,«y7. de Saint Kilda, fans pouvoir y réuf- M Mani-iir : mais qu'en ! 607 , le Laird de $'cmbarqac Mack-Leod ayant fortement recom- P0UI 5' Kïi* mandé les Habitants de cette Ifle à M. Jeaji Campbell, Miniftre de Haï-: ^.o Découvertes' *n■ ries , il entreprit le voyage , & M. ^ehap.i? ' Marcin faififlant cette occafion , ils s'embarquèrent le 20 de Mai à fille An. 16,7., jj'Efiay avec le vent fud-eft. Avant que de fortir du port, M. Campbell remarquant la blancheur des vagues, accompagnée d'un bruit extraordinaire fur les rochers, marqua fa répugnance à fe mettre en mer, parce qu'il regardoit ces phénomènes , comme des avant - coureurs d'une tempête ; mais les Gens •d'équipages les mépriferent, jugèrent feulement qu'ils précedoient une grande chaleur , & dirent qu'L's étoient très-communs durant l'été. Cependant quand ils eurent fait environ deux lieues, & qu'ils furent fur la côte de l'ifle de Pabbav , ils virent les mêmes lignes avec encore plus de force, conclurent unanimement' qu'il y auroit une tempête darîs peu , & fe difpoferent à regagnei le port : mais le vent & la marée leur écant contraires pour y revenir, ils réfo-lurent de continuer leur voyage dans l'efpérance d'arriver à celui qu'ils cherchoient, avant que le vent ou la tempête les en empêchât , croyant qu'elle ne fuivroit pas im- Des Européens. 41 médiatement. Ils furent trompés "■ di \ -iMAHri» ans leur attente : a peine eurent-ils Chap.i. fait encore une lieue, que le vent fe tourna plus au fud, ce qui rompit An*1 toutes leurs melures. Ils firent force de rames pour gagner les rochers da Haw-Sker, qu'ils avoient à quatre lieues fud : mais ils ne purent y réuf-fir. Le vent les avoit tellement pouffes dans l'océan, qu'après un nouvel effort pour leur retour, ils le jugèrent absolument impraticable, d'autant qu'ils ne pouvoient efperer de rencontrer aucune pointe de l'Ecof-fe : ils furent donc obligés de tourner abfolument leurs vues vers Saint Kilda, malgré tous les obftacles que leur oppofoient le vent & la marée. L'équipage étoit exceflîvement fatigué & découragé, n'avant pas vû la terre depuis feize heures, quand un des gens apperçut plufieurs bandes d'oifeaux de Saint Kilda , qui vô-loient du côté du fud , ce qui leur fie connoître à n'en pouvoir douter, qu'ils avoient nerdu leur cours, la violence du flot & du vent, ayant contribué ?. les pouffer au nord , quoique fuivant leur compas de mer, ils fe fulTent toujours dirigés àl'oueft. 42 Découvertes m 1 Peu de temps après, ils décou- Mckap iT ' vru"ent l'ifl'- de Borera, qui eft à trois lieues au nord de Saint Kilda, ce qui An. i<97- leur fut d'autant plus agréable, qu'ils il relâche à n'avoient qu'environ quatre lieues à 1 ine 4c BO' c • • ti e n* wu# faire pour y arriver. Ils y réunirent, quoiqu'avec beaucoup de travail, & femirent à l'abri, dans une ouverture formée par un rocher d'une hauteur prodigieufe, couvert d'un nombre infini d'oies fauvages , qui y avoient fait leurs nids. Quand elles voloient, l'air en étoit obfcurci, de le bord de la mer étoit teint de leurs fientes. On en remarqua deux, qui fervirent à confirmer ce qu'on dit „ que ces animaux fe volent réciproquement l'herbe, dont ils font leurs nids , & nos Voyageurs s'en amufe-tent quelques inftants. Une des oies Voyant que fa voifme étoit abfente de fon nid, profita de l'occafion , lui déroba autant d'herbe qu'elle en pût emporter, prit fon vol vers la mer, Se revint enfuite , comme fi elle apportoit cette herbe de loin. Cette finefia lui fut inutile, l'oie volée l'a-Voit découverte , avant qu'elle fût . hors de la vue ; mais comme elle Étoit trop éloignée pour que cette » e s Européens; 43 dernière la pût joindre, elle attendit — fon retour, & l'attaqua avec fureur.m»»,jM' Le combat fut ianglant ; la victoire Clup" fe décida pour la caufe la plus jufte, An. i«y7« & il fut fatal à l'oifeau voleur, qui tomba mort près de la barque. Les hommes s'en emparèrent &en firent un bon repas, qu'ils regardèrent comme un heureux préfage pour la fuite de leur voyage. Ils comptoient arriver le lende- iiatrîvel main à Saint Kilda , mais leur atten-Sai*tKilil* te fut encore trompée par un violent ouragan , qui les rejetta dans l'océan : enfin le calme étant furve-nu, ils ramèrent avec tant d'activi-té, qu'ils parvinrent à gagner l'iflea Quand ils eurent joint les rochers, quelques - uns des habitants , qui étoient occupes à y dreiTer des tré-buchets, les ialuerenten leur difant «c Dieu vous fauve » , leur compliment ordinaire, de ils parurent dans le plus grand étonnement de les voit avancer contre le vent & la marée. Us marchoient fans aucune précaution furces rochers, prodigieulement efearpés, & faifoient autant de chemin que la barque, pendant que M.Martin ôc fon Compagnon, étoient Découvertes dans l'admirarion & dans la crainte .eâJ"*!** continuelle d'en voir quelques uns tomber dans la mer. Ces gens habi- à«. 1697. tu£s ^ courir fm; ces rochers, nemar-quoient aucune appréhenfion ; ils devancèrent la barque , & allèrent à la ville , d'où ils amenèrent le principal Magiftrat, nommé en Anglois, Steward , avec tous les habitants des deux fexes, pour recevoir ces Etrangers. Les gens de la barque gagnèrent la partie la plus avancée des bas rocs, nommés la Telle, où ils furent reçus par ceux du pavs, qui avoient mis les chauffures dont ils fe fervent en pareille occafîon, & qui ne font autre chofe que de vieux morceaux de drap , attachée avec des plumes, faute de fil. Aufîî-tôt que la barque fut affez proche, ils l'amarrèrent au rocher avec de longues perches , prirent M. Campbelle & notre Auteur fur leurs épaules, quelques uns étant .entrés dans l'eau deux à deux, & ils les mirent a nfi à terre, où ils furent reçus avec toutes les dcmonitrations de joie & d'amitié qu'ils purent exprimer ( *) (*) M. Kennct Macaulcy, qui^vifita ^aint Kilda y des Européens. 45* ÏIs fe rendirent enfuite tous en- "'r femble au petit village , où l'on avoit ' déjà préparé un logement , avec des lits de paille. Suivant l'ancienne cou-tume de l'ifle; l'Officier qui préfide u! j0slp^|" en l'abfence du Stevard , fit une ef-pece de fommation aux habitants, en 17 j 8 , nous donne le récit de rous les danger* qu'il courut pour delcendrc dans cette Ifie. Il cf-luya auilï un terrible ourigan dans fon paiïage, £c ce ne rut qu'avec les plus grandes dirr-cultes, qu'il gagna l'ifle , & put jetter l'ancre devanr la felle. „ Les Habitants de Sainr Kilda, dit ce Mi-t, niilrc.à la première nouvelle de notre arrive'e „ fur leurs côtes, accoururent enfouie du villa-„ ge pour nous fecourir, hommes, femmes ôc enfants .... Par la manière dont ils fe compor-,, rcrent fur le roc, que nous avions aborde le plus près qu'il nous avoit été pofiîble ; on vit „ évidemment que les femiraeiusd'humanité qui „ les guidoient , leur iniloient fouftrir de voir ,, des hommes femblaldcs à eux .dans la peine ... Nous ne pouvions entendre ce qu'ils difoient ,, en jettant des cris ; mais nous ne pouvions dou-if ter qu'ils ne fufîent fortement affectes du dan-„ ger auquel nous érions expoféi. .. Par les fi- giinuir qu'ils ne cefloieiu de répéter , nous comprîmes enfin qu'il- nous vouloient faire en-,, tendre que nous pouvions lever l'ancre fans ,, danger.... Nous nous conhàmes en leurs lu- mitres, & nous fuivimes leursavis fans perdre de temps. Ccpen lant qjanJ n.?us fûmes près ^, de la felle , malgré tous nos eflorts réunis, nou» fûmes bien-tôt réduits à la ficheufe ncccifnc de retourner en aniere. il Un peu à l'oued du rocher , eft une petite ;> pointe de tcirc fabloneufc » qu'on ne peutabor> x der que daiis la balle inex.... C'cû'un cfjjccf 46* Découvertes qui convinrent unanimement de fourcha* T'11'1 aux ^tranoei'S ce qui leur étoit néceffaire , comme le pain, le beur- Mai ,, d'endroit de débarquement, mais très-dangé-reux ; au/G ne s'en fcrt-on que rarement, i moins que le temps ne foitbien favorable.. * Les Habitants s'y rendirent après nous avoir fait ,, connoître que nous devions auflï y aller.-- „ Nous leur obéîmes volontiers , 8c avec une in-trêpidité étonnante, ils s'avancèrent dans l'eau ,, à notre rencontre; cmreprife des plus coura-geufe , Si dans laquelle peu de gens , d'autres „ Nation*-, cuflent ofc s'engager , quand ils au-roient vît leurs plus proches parents dans le même danger. Voici les difpofitions qu'ils firent „ pour nous aider. Ils fe partagèrent , & forme-rent deux chaînes , les plus habiles d'entre eux „ marchant en avant dans la mer, à la tête de ,,leurs petits cerps.—— Ceux qui les fuivoient immédiatement, ôc qui croient les plus forts ft après ces precuiers , les tenoient par le milieu du corps , & ainli de fuite , d'un bout de cha-„ que chaîne à l'autre , chacun demeurant forte* „, ment attaché à celui qui le précédoit. De cette manière , ils s'avancèrent dans la mer jufqu'à ce que les premiers euflent d'abord atteint la bar-que fie que tous les autres les y euflènt fuivis. -----Ceux qui vont ordinairement à Saini t, Kilda , prennent toujours ia précaution d'en-tortiller une forte corde autour de la poupe de 5, leur bâtiment, **ffA Harries. L'air y eft fort vif & très-fain ; les tfemçé>at*j montagnes font fouvent couvertes" de brouillards blancs, qui, en hiver, font les avant-coureurs de la neige, quand ils demeurent long temps fut le fammet des hauteurs ; en été , quand ils y reftent, c'eft un figne de pluie, & quand ils defeendent dans les vallées , ils font fuivis d'une chaleur .excedive Dans le temps du folf-tice d'été, la nuit ne dure guère plus d'une heure, particulièrement quand le ciel eftferein: l'automne & l'hiver font fujets à des vents violents & à des pluies abondantes. Saint Kilda n'a que deux milles Bîffiodté de longueur .dp M à loue* m^lSàk mille de largeur du nord au fud, &.ie> cinq milles de circonférence. La nature l'a environnée de rochers très-élevés, excepté dans une partie qui forme une efpcce de baie , du côté du fud-eft ; l'accès en eft ordinaire-tBtot défendu par un? mer prefque toujours agitée , quoique cc.ttei?yi$ l orne X, Q y$o Découvertes - ait un demi-mille de longueur, 5âin.\.*' autant de profondeur. Le feul endroit ou l'on puiiïe defcendre, eft ^fl*I6,7« dans ia partie feptentrionale de la baie, fur un rocher un peu en pente ^ & très-glifiant, parce qu'il eft couvert d'herbes marines, & cette diffi~ culte, jointe à la fureur de la mer^ le rend prefque inaccelîible, excepté dans le temps de la baffe mer , lorsque le vent eft nord-eft ou oueft^ ou quand on trouve un calme par* fait, Lorfque toutes ces circonftan-ces arrivent, la barque, qu'on nom-* me Birlin, eft amenée fur le côté dut rocher, & tirée au-deffus de la marque des plus hautes marées , par le lecours réuni de tous les Habitants, des deux fexes. A la tête de la baie , eft une petite plaine de fable, qu'on ne voit que dans l'été, parce qu'elle eft couverte en hiver par les eaux de la mer, qui s'élèvent jufqu'aux rochers ; mais la néceffité leule peut forcer de tenter à y débarquer. La mer eft très - impétueufe de toutes parts au» tour de cette Ifle , qui eft peut-être un des endroits les plus forts qui (aient au monde.La nature Ta pour- des Européens» '■ yt "vue d'im ample magafîn de muni- ^ 1 '—* tions, pour en défendre l'accès, par ^lwpï* un monceau de pierres fur la hauteur , nommée Oterveaui , direcle- n'l6*7' ment au-deiTus de l'endroit où. l'on peut defcendre. Il eft commandé par •une éminence élevée prefque perpendiculairement, d'où l'on accableroit alternent tous ceux qui y voudroient débarquer. Les quatre grandes montagnes font bordées, du côié de la mer, par des rochers d'une hauteur étonnante: &, du côté du nord, la montagne , nommée Conagir , eft coupée perpendiculairement, déplus de deux cents bralfes au-dellus de la mer. Dans la partie occidentale de l'ifle, Maîfon d«î* eft une vallée en pente du côté defemmeSa(!£-la mer, avec un petit ruiffeauqui cou-le au milieu, & de chaque côté, la hauteur eft d'environ un demi-mille. Tout ce terrein eft nommé, par les Habitants, le Champ de la-Femme guerrière, à caufe d'une Amazone iameufe dans leurs traditions. Sa mai-fon eft encore fur pied, & quelques-uns des Infulaires l'habitent pendant l'été. Elle eft entièrement bâtie de .Ji'erre, fans bois, fans chaux , fan-? '$2 Découvertes *1 terre & fans mortier, pour en for-chap^' mer les liaifons. Elle a la forme d'un cône , avec une ouverture au fom-a- t6*7' met , parce qu'on y fait le feu au milieu du plancher. Les pierres font longues & minces , ce qui fupplée au défaut de bois. La pièce du milieu peut contenir neuf perfonnes aiîifes. XI y a trois lits ou voûtes baffes, à côté du mur, qui peuvent contenir chacun cinq perfonnes, & qui font féparés par un piliier. A l'entrée de l'une de ces arcades, eft une pierre fur laquelle on dit que la Guerrière mettoit fon cafque , & de l'autre côté font deux pierres qui lui fervoient 4 pofer fon épée. Les Habitants rapportent qu'elle fe plaifoit beaucoup à la chatte, & que,de fon temps, tout l'efpace compris entre cette Ifle & celle de Harries, étoit un terrein lec & découvert. des Européens. 5*3 CHAPITRE II. Sources & Fontaines de Saint Kilda ; Qualité du terroir ; Des Animaux ; Fertilité du pays; Des rochers ; De Vijle Soa ; Rocher nommé Stack-Lv ; Chalfè d cher qu'il faut grimper; cependant les Habitants (ont accoutumés à monter & à defcendre des fardeaux par ces précipices. On ne peut y débarquer que dans un leul endroit, encore faut il prendre le temps que le vent d'oueft fouffle & que la marée eft balle ; maisles flots qui battent le rocher font connoître s'il eft accefti-ble. Lorfque les vagues paroiffent blanches de Saint Kilda, les habitants ne mettroient pas leur barque en mer, pour aller ni à Soa, ni à aucune autre ifle ou rocher, quand leur vie en dépendroit. Cette petite ifle a d'excellentes fources : l'herbe qui y eft très-douce , nourrit cinq cents brebis, dont chacune porte deux ou trois agneaux à la fois , & ces animaux font Ci fertiles , qu'ils portent avant d'avoir atteint l'âge d'un an. On remarque le même avantage dans les agneaux des petites ifles voifines de Harries & de North-Wift. On ne tire jamais les brebis de l'ifle Soa, ce qui contribue beaucoup aies rendre auflï fertiles. Elles des EuRO?hiïs; 0 ne peuvent être chaflées que par les 11 habitants, qui les pourfuivent fur ,MC^ [ {£ ' *es rochers avec autant d'agilité & de facilité, que s'ils couroient dans An,I(î97« Une plaine. Cette Ifle eft aulli très-abondante en différentes efpeces d'oifeaux, tels que le fulmar, lelavy, le falk, le boufger& plufïeurs autres. Environ à deux lieues & demie au î^^1"™111* nord de Saint K-ilda , eft le roc , ch»fle de» nommé Stack-Ly. Il a environ deux oics fauv*" cents pas decirconférence, eft d'une 8C'" hauteur très-confidérable, & forme une pyramide triangulaire, dont la pointe eft au fornmet. Quand le temps eft ferein, on le voit de plus de vingt lieues en mer. 11 n'eft couvert ni de terre ni d'herbes, mais il paroit quelquefois tout blanc, par la quantité d'oies fauvages qui s'y arrêtent. Ou croiroit qu'il eft impoflible d'y monter; mais les habitants le font tous les ans, & ils ont élevé près du fornmet,. une petite maifoix de pierre en forme de pyramide,: où ils s'établiffent fouvent pendant tout le mois d'Août-, qui eft dans une faifon très-inconftante. Les habitants ont la prévoyance d'envoyer fur ce roç , un nombre fumiant Ç vj " d'hommes , qu'on tire par le forf,' ^ » quelques jours avant que les oies1 fauva ;es piaffent prendre leur volée; i6s>7- car s'ils négligeoient cette précaution , un jour de vent pourroit leur emporter cinq, fix ou fept mille décès animaux , que ce rocher leur fournit tous les ans. Il y en a un Cv grand nombre, qu'on ne peut fe partager le terrein comme on fait dans* les autres endroits; mais les Chaf-feurs qui y vont, travaillent pour l'intérêt public , en tuent autant qu'ils peuvent ; les portent fur une-pointe élevée, qu'on appelle la pointe à jetter, & ils les jettent de cet endroit danS la mer, jufqu'à ce que-ceux qui font dans la barque crient: « affez v>, de crainte que la mer, qui court avec rapidité, ne les emporte fi l'on en jettoit trop à la fois , comme cela arrive fouvent. Quand la barque eft chargée , on la conduit dans l'ifle ; on fait les partages proportionnellement à la quantité de-terrein que chacun poffede, & ce qui refte au-de flous du nombre dix, appartient à l'Officier, comme faifant partie de fes appointements annuels. .On laifle couver les premiers ccui$ te\t s Euroî ééks. cTi' Aux oies fauvages fur ce rocher ; mais non fur les autres dont nous al-^.ap.n/ Ions parler , parce que (l on les laif-foit couver leurs œufs toutes en An* même-temps, la perte du produit d'un rocher, feroit la perte de tous les autres, d'autant que les petits fê trouveroient de même force, & en état de prendre leur volée dans un* même-temps. L'iile Borera eft à une demi-lieu| Dei'iflcBo* au nord-eft de Stack-Ly. Elle a en»-rcta" viron un mille & demi de tour, 6c nourrit près de quatre cents brebis. Il pourroit y en avoir davantage lî les oies fauvages n'arrachoient pas une grande quantité d'herbes pour faire leurs nids. Cette Ille eft très-élevée, & entourée de précipices qui la rendent inacceflîble , excepté dans les temps de calme, & il n'y a même alors, qu'un feul endroit où l'on puifTe aborder dans la partie méridionale.-A l'extrémité occidentale, eft une maifon nommée Stallir.plus grande que celle de l'Amazone de Saint Kilda ; mais qui paroît être faite fur le même modèle : elle eft toute verte Su dehors, comme une petite moa^ 6*2 Découverte* tagne, & les habitants ont une an* CkzLu, ' cienne tradition , qui rapporte qu'el-• le a été bâtie par un dévot Hermite An. i^7- de Saint Kilda, nommé Stallir, qui avoit voyagé dans tout l'univers, fans pouvoir trouver un endroit plus folitaire, pour y pratiquer la vie mo« naffique ( * ). Pyramide* Il y a dans cette Ifle environ qua-ch«l«S«! rante pyramides de pierre, qui leur fervent à fécher & à préparer leurs 6*i féaux. Ces petites maiions font toutes bâties de pierres légères fans au- ( * 1 M. Maeauley parle différemment de ce curieux refte de l'antiquité. 1! dit que dans les temps recuiés , un homme entreprenant, animé par un efprir patriotique , ou peut être par fon ir.rcrét propre, qui fe r.ommoit Saltfrr, ou l'homme des rochers , fe mit à la téte «l'une révolte, contre le Gouverneur ou Steward, & fe ren fit maître de 5oa , qu'il défendit pendant quelque temps , & où il fe forma une habitation fingulierc pour lui Je pour fes complices. La raaifon a dix-huit pieds de haut ,& le toit eft au niveau du terrein 3ui l'environne de toutes parts C'cll une efpece e cave , de forme circulaire , &;toutes les parties «n font d'fpofées de façon qu'une feule pierre courte le toit.——Quand on ôte cetec pierre, toute la maifon a aiTez'd'air. Au milieu du plancher eft an grand foyer, &: autour du mur, un efpace pivé, où feize perfonnes p uvent être afliies à Jàifi». Il y a quatre lits couverts chacun d'un fort pavillon , ou d'un linteau de pierre , ôt capable de-contenir quatre perfonnes. Chacun de ces iits a' fon entrée partieul iere, 6c les diftances , entre CC4> ©uveimtcs, xctfcinoleni i autant de pilliexs*. des Européens. 6*| cuns bois. Chaque pierre excède m un peu celle qui eft îdamédiacement,>4^5^ dir j , cii3p. il. euus , & ainu par degrés imperceptibles , les rangs les plus élevés font An*l6*7' alfez proches les uns des autres , pour qu'on puiile couvrir le fornmet d'un fample drapeau. Il y a un nombre infini d'oifeaux, l'herbe & les rochers en étant prefque entièrement couverts. A une petite diftance à l'oueft de Borera, eft un rocher nommé Stack-Nannin : il a un demi mille de circonférence, & eftauili inacceilible que tous les autres. Il n'y a que deux endroits où l'on puifle aborder : il faut même quecefoit dans un temps-très-cal m e : après le débarquement, on ne peut monter le rocher qu'en courant de très-grands rifques». Le roc eft entièrement nud fans au--cune terre ni herbe: il y a une fontaine de très-bonne eau , qui torr du milieu du rocher, & dont le cours eft à l'eft : les oies fauvages & les autres oifeaux , y font en grand nombre. Il y a plusieurs pyramides de pierre,, tant pour loger les habitants, qui y viennent dansle^temps où l'on prend 0*4 Découvertes' ces oies, qu<2 pour les préparer & IeS chap. n. laire lécher. Il le forme un courant très-vio* n-1 ÛJ»7- lent> tant dans le'montant, que dans la defcente de la marée , fur toutes les côtes de Saint Kilda & des ifles voifines, ainfi que des rochers. On remarque qu'il eft plus impétueux au printemps que dans le temps des baffes marées : qu'il fe forme des barres fur toutes les côtes, excepté à la pointe, où les marées fuivent leur coursnaturel, enfin que le reflux porte au fud, & le flux au nord. Habitants de Les Habitants de Saint Kilda, SaimKilda. defeendent originairement de ceux des ifles adjacentes , qu'on nomme Lewis , Harries , Vilt feptentrionale, Vif! méridionale & Sky. Les deux fexes font naturellement graves, & ont un très-beau teint : ceux qui vi-voient il y a un fîecle ou deux , n'é-toient pas fî beaux; mais leurs def-cendants l'emportent fur eux. Plu-fieurs feroient regardés comme des beautés du premier lang, s'ils avoient des ajuftements comme les gens des autres pays. .Ou trouve d>s perfonnes des deu* b e s Européens. 6f fexes, qui ont le génie de la poëlie, ■ < & en général, ils font grands admi-McAu*r{£' fateurs de la mulique. La harpe ancienne des Juifs, eft le feul inftiu- Alu l69Z* ment qu'ils connoiffent, & ils dan-fent volontiers à fon harmonie. Ils ont la vue perçante, & diftinguent les objets à une très-grande diftance : leur mémoire eft excellente ; ils font fermes dans ce qu'ils entreprennent, chaftes & honnêtes, mais très-jaloux de leurs femmes. Ils difputent tranquillement , & avec moinsde pailion que les autres Infulaires , ou que ceux qui habitent les montagnes danf le continent. Ils font très adroits dans le commerce, & il eft très-difficile de les furprendre, foit dans les ventes, foit dans les échanges: la voix d'un feul eft la voix de rous, & l'intérêt commun les unit fortement les uns aux autres. Ils fe marient très-jeunes , Se prennent des femmes de treize ou quatorze ans , mais ils font très-exacts à obferver les degrés de con-fanguinité. Les Habitants font Chrétiens , Leurs tc** comme on nous repréfente ceux desplc*« premiers fiecles, également éloigné* Vj6* Découvertes de l'enthoufiafme & de la fuperfti- ^ciiap.ii! ' t*on* ^s ont tr0^s Chapelles , donc chacune a un côté vers l'orient, & *n. i697, {*autre vers l'occident : l'autel ,eft toujours placé à l'orient. La première, nommée la Chapelle de Chrift, eft voifine du village: elle eft couverte comme leur maifons , & fur l'autel, eft un Crucifix de cuivre qui n'a qu'un pied de longueur. Le Chrift en eft très-bien fait, le corps enflé & repréfentant parfaitement fon objet. Ils ont le plus grand refpecl pour ce facré Simulacre, mais ils ne lui rendent ni culte , ni adoration ; ne le prennent point à la main , & ne jettent point les yeux deiïus, excepté quand ils fe marient, ou quand ils font quelque ferment folemnel; cérémonies qui font toujours publiques. Le cimetière a environ cent pas de tour : il eft enclos d'une petite muraille de pierres : ils ont foin d'en entretenir l'intérieur très propre , & d'en interdire l'entrée à leurs beftiaux. Les Habitans , jeunes &: vieux, fe rendent dans le cimetière tous les dimanches au matin, parce que la Chapelle n'eft pas allez grande pour les contenir ; ils y récitent dé- des Européens. 6*7 votement l'Oraifon dominicale, le Symbole & les dix Commandements. Chap. ». La féconde Chappelleeft dédiée à , . oainte Columbe, & la tronieme , a Saint Brianan: l'une & l'autre eft bâtie comme l'Eglifc de Chrift , avec des cimetières qui en dépendent , & il y a entre elles environ un quart de raille. CHAPITRE III. Jtfzuvaife opinion qifils ont des Etrangers ; Lvtrs h/lariages ; Gouverne» ment de Saint Kilda ; AdreJJe des1 Habitants ; Le»™ habillements > Preuves d'amour qu\ls donnent à celles qu'ils aiment ; Leur curiofité ; Surprife de ceux qui vont au Continent j Ils veulent emporter des arbres; Leur fétiche. N rapporta à M.Martin, qu'un Mauvaifc \J vaifieau avoit jette l'ancre l'an- 0P»nion née précédente lur cette cote, & des Etun-qu'il étoit monté par des gens des pays-bas, qui n'étoient pas Chrétiens, Notre Voyageur demanda fi 6*8 Découvertes leur Interprète , qu'on lui dit qui McAhRpTuN-parloit mauvais Irlandois, en étoit convenu : on lui répondit que non, An. 1697. mais que ]es Habitants en avoient été convaincus par la conduire des Mariniers ; premièrement , parce qu'ils les avoient vu travailler le dimanche , & emmener plufieurs' fois leur chaloupe pleine de pierre , pour farft du left ; fecondement parce qu'ils avoient emmené plulieurs vaches de l'ifle, fans en donner d'autre prix que quelques pie-ces de cuivre de peu de valeur : enfin , parce qu'ils avoient voulu débaucher leurs femmes , crime inconnu à Saint Kilda , où depuis plusieurs hecles , il n'y avoit pas eu un feul exemple de fornication ni d'a-dultere. On lui ajouta que larécom-penfe offerte à ces femmes pour les débaucher, étoit une pièce de mon-noye de peu de valeur, qu'elles re-gardoient comme précieufe , dans un pays où les habitants ne font pas de diftinéiion entre une guinée & une pièce de fix fols. ï-earsMa- Voici les cérémonies qu'ils ob-fervent dans la célébration de leurs jtoariages. Lorfque deux perfonnes D e j Européens. font convenues réciproquement de i1 fe prendre pour mari & femme , l'Of- * R *£? ' uer qui preiide lur eux , lomme tous les Habitants des deux fexes à Aa*l697. gouverne's pai leur Meijre, mot qui Gouverne Signifie un Officier. Il étoit ancien-«cnt de s. nement choifl , ou , au moins confir-Kiiaa* mé par le peuple , avant que le Steward le mit en poflelTion de fa place ; mais actuellement c'eft le Steward feul qui en a la nomination. Il préfide pour juger de toutes les diipuies ; a foin de faire tirer au fort fans partialité, empêche qu'aucun de ceux auquel il tombe, ne relufe de s'y foumettre, foit que l'affaire regarde le fervice dû au Steward , foit qu'elle regarde celui de la République. Cet ufage-du fort, & le refpeét pour le Crucifix , contribue beaucoup à entretenir la paix & la tran-.quillité,.chacun demeurant dans fes propres bornes. Adre/Tedes ^s ^ont d'une activité & d'une Habitant». adrefTe étonnante à grimper fur Us rochers, pour prendre les oifeaux qu'ils y trouvent en une multitude prodigieufe. Pour mieux réuiîir, ils fe fervent de cordes avec iefquellce ils parviennent aux endroits les plus inacceflibi.es : mais il n'y a que trois tjes Européen j. 71' de ces cordes dans toute l'ifle. Elles ont chacune vingt-quatre bralfes ,M*R'i'^* Xr ~ 1 1 | ' Chap. III. OC on les attache les unes aux autres, ou l'on s'en fert féparément lelon le l6*7« befoin. Ce qui fait la principale force de ces cordes, eft le cuir falé de vache, qu'ils coupent en longues lanières, & ils en entourent les cordes de chanvre , ce qui empêche qu'elles ne foient coupées par les rochers. Ils attachent fouvent en-femble deux cordes, dont chacune eft liée au milieu du corps d'un homme qui grimpe , afin que ces deux hommes le puiflent fecourir réciproquement en cas de chute. Avec ce fecours , ils fe procurent une quantité furprenante d'oeufs & d'oifeaux. Les cordes appartiennent à la communauté ; on ne peut s'en fcrvirque d'un confentement général , & l'on détermine par le fort, le temps, Iç lieu & la perfonne, pour en faire ufa-ge. Ils rafiemblent en trois jours, plus d'ceufs & d'oifeaux que leur barque ne peut en tranfporter, & ils laiffent lefurplus dans les pyramides de pierre,conftruites pour les recevoir. • LeurhaMI- Leur habillement eft compofé1^»"»' 72 Découvertes -d'un pourpoint court qui ne leur def*- MchapT.m 'cer|d que julqu'ù la ceinture : ils mettent par-deflus , un manteau doublé •ft t'97> & plifle, de ceux que portent les Montagnards Ecoflbis & qu'on nomme Plad, dont les deux bouts font joints enfemble avec un os de ful-mar. Ce Plad defcend jufqu'aux ge-nous , & eft attaché au milieu du corps , par une ceinture de cuir : ils portent auffi des capuchons de la même couleur &de la même forme que ceux des Capucins, mais un peu plus courts , tk les dimanches ils mettent des bonnets. Depuis peu, quelques-uns mettent des culottes larges & ouvertes aux genous: ils ont des bas de drap , & ne portent point de fouliersen été. Us préparent leurs cuirs avec des racines de tormentille. Les femmes portent une cocffure de toile étroite par devant, & qui leur tombe par derrière en pointe, au-deffous des épaules; elles ont un pied & demi de longueur, & elles ibcnt .deux trèfles, chacune d'environ foixante cheveux, qui pendent fur leurs joues, tk leur tombent fur la poitrine, où l'extrémité delà trefiç £ut un .gros ncçud, Leur Plad eft attaché DES Eu ROPÊE N*S. 73 attaché fous le col, avec une grofle „ ■« boucle de cuivre ronde , comme M-^RTTTIf!» un anneau : & elles ne porcent ni bas, ni foulicrs en etc. Les fouliers An.i«s7« qu'elles ont en hiver, font faits de cols d'oies fauvages, qu'elles coupent au deflus des yeux , ck la couronne de la tête leur lert de talon. Ces fouliers ne durent pas plus de cinq jours, & quand elies mettent le duvet en dehors , ils ne durent que trois ou quatre. Mais elles n'en manquent jamais, parce qu'au mois de Mars, on en prend toujours, ou, comme elles ditent, on en vole plu-heurs milliers. Us confervent leurs oies fauvages pendant toute l'année , dans les Pyramides , en leur fendant le dos tk les faifant fecher , parce qu'ils n'ont point de fel. Us ont élevé plus de hx cents de ces Pyramides de pierre, pour y mettre leurs ceufs & leurs oifeaux. Us n'ont qu'une feule barque , de feize coudées de long , qui feit à toute la communauté; elle eft partagée foigneufement en différentes parties , proportionnées aux terres & aux rochers. Chacun y a fa place Tome X* D, 74 Découvertes ■ marquée & léparée par un trait qu« Mau Vil ï ^on V0^mi ne Peut pauTer,pour y met- "P tre feulement un œuf. An. i6>7- sur ie penchant d'une colline, au Treuve d'à. fud de la ville , eft un fameux rocher, m»nt qu'ils nommé la Pierre de la Maitrefle. H celles qu'ils eft fait exactement comme une porte muent, placée au front du roc , qui a vingt ou trente brafibs de hauteur perpendiculaire. Sur le linteau de cette porte, tout jeune homme eft obligé, par une ancienne coutume, de donner des preuves de fon affection pour fa maîtrelfe. Il faut qu'il fe tienne debout fur le pied gauche, dont la moite eft en dehors du rocher, qu'il approche dans cette fituation, le pied droit près du pied gauche , forme en arrière un arc de fon corps, 82 paffe fes deux poings au-delà de fon pied droit. Cette action lui donne le plus haut degré de réputation t & on le juge digne enfuite, d'époufer la plus belle fille de l'univers. Ils cioyent fortement que celui qui a bien rempli cet exercice , ne peut manquer de réufîir dans ce qu'il entreprend enfuite. Us connoifTent l'heure du jour par le mouvement du foieil, d'une hau- de s Européens. 7^ teur ou d'un rocher à l'autre, étant -——« habitués à en remarquer la fituation ^£5^ en différentes faifons. Quand le fo-leil ne paroit pas , ils mefurent le An"l6fT* jour par le montant ou par le cé-croifïement de la marée, ce qu'ils connoiilent avec allez d'exactitude, quand même ils n'auroient pas vu le rivage depuis quelque temps. Leur connoiflance de la marée dépend des changements de lune, qu'ils obfervent aufli très-exactement. Les deux fexes font également teur oui*» amateurs de la nouveauté : mais ils . ont rarement occafion de fe tat:steire à cet égard, à moins que quelqu'un n'imagine un moyen extraordinaire de gouverner leurs terres, leurs bef-tiaux', & de conferver les oifeaux. Il y avoit toujours plufieuis habitants autour de M. Martin & du Mi-niitre,->à admirer leur habit & leur manière d'agir. Tout ce que difoient ou faifoient ces deux hommes, leur infpiroit pour eux autant d'eltime Îpe d'étonnement ; mais ce qui les iirprit le plus, fut de voir l'écriture, ne pouvant comprendre qu'il fût Ï>olTibIe à des mortels d'exprimer es conceptions de l'efprit par des Dij vont au Muent. 76 Découvertes m , - caractères noirs fur du papier blanc. Quand ils eurent fait beaucoup de raifonnements à ce fujet, M.Martin An.i6y7. leur dit que s'ils vouloient, en deux années au plus , il 1 eur enfeigneroit à lire & à écrire : mais ils répondirent qu'ils étoient perfuadés , que pour réunir à l'un ou à l'autre , il leur fau-droit au moins un fiecle. , Le mois de Juillet précédent, l'Of-•eux qui -licier avoit ete en Amballade au Con" Continent près de Sky, voyage très-long , pour un homme de Saint Kilda, & peut-être aucun des habitants n'avoit jamais eu occahon d'aller aufli loin dans le monde. Cet Officier & ceux qui l'accom-pagnoient, remarquèrent des merveilles fans nombre dans leur voyage : ils regardoient la maifon de M. Mack-Leod, comme une Cour Impériale , & penfoient qu'il n'y avoit dans tout l'univers, que le Roi au-delTus de lui. Ils dirent que fa femme portoit un habillement fi extraordinaire , qu'il leur étoit impolTïble d'en faire la description : des vitres de fenêtres les jetterent dans l'admiration , & un miroir leur parut un prodige. Ils furent aufli très-étonnés des Européens. 77 de voir mettre des tapilïeries fur des <■ murs de pierre & de chaux, & conV^Viu.' damnèrent cet ufage comme vain Se Superflu. An. ^7. lis comptent les années, les fai-fons & les mois, comme dans la Grande-Bretagne : ils rapportent les différents périodes de temps à la vie de leurs Seigneurs ou de leurs Stc-warts ; confervent une tradition de leurs grandes actions , dont ils parlent avec autant de fatisfaérion & d'emphafe , que pourroient le faire nos Hiftoriens , en rapportant celles des Céfars, ou des plus Huîtres Généraux. Aller à cheval, leur paroît le comble des grandeurs de la terre, & ils dirent à M. Martin , avec admiration , que Mack-Leod n'aîloit point à pied , comme ils croyoient que faifoient tous les autres hommes , & qu'ils avoient vu pluheurs chevaux qu'on n'entretenoit que pour luifer-vir de monture. En débarquant dans l'isle de Har-ries, l'un d'eux ^'informa à qui appar-tenoientles terres qu'il voyoit ? On lui répondit qu'elles étoient à Mack-Leod , ce qui augmenta beaucoup la D iij 78 Découvertes -- haute opinion qu'ils en avoient déjà çhaprm/ conçue. Lorfque cet homme fut en-fuite dans 1 Ifle de Sky , où il fit 0,1 iJ7' quelques milles , il monta un jour fur une hauteur, & regardant autour de lui, il s'imagina qu'il voyoit une partie conhdérable du monde. Il demanda encore à qui appartenoient ces terres; & quand un de ceux qui l'accompagnoient lui eut dit qu'elles .étaient aulli à Mack-Leod, il leva .les mains & les yeux au Ciel, en s'é-.criant dans un tranfport d'admiration: k 6 puiflant Prince! qui eft maî-» tre de tant de vafr.es territoires ! >» ce qu'il dit en 'rlandois avec tant d'emphafe, que ces mots font pafît's en proverbe , quand on veut exprimer une puiiîance très-étendue. Tis milent Un des objets qui les frappèrent >mpo*tcrd« je p|us ^ fur \a grandeur des arbres ; ils trouvoient la beauté des feuilles & des branches au - deflus de toute expreflion , & ne pouvoient comprendre comment ils s'élevoient à, .une telle hauteur au-deflus des plantes. L'un d'eux dit.à M. Martin , que les arbres le repoulToient en arrière, .quand il avoit pafle dans un bois. Jls formèrent un jour le projet d'ea des Européens. 7p emporter quelques-uns des plus pe- ■ tits fur leur dos jufqu'à leur barque , chapViîi!' pour les conduire à Saint Kilda; mais en y faifant réflexion , la longueur du An' l697' voyage les détourna de cette entre-prife , parce qu'ils auroient été obligés de traverler la plus grande partie de l'ifle de Sky ; & quoiqu'ils fuflent en général plus forts que le commun des hommes, ils avoient afTez de peine à marcher long - temps , faute d'ufage. Un autre que l'on conduifït juf-ques dans la partie méridionale de l'ifle de Sky , jugea qu'il avoit fait un voyage prodigieux : il remarqua le continent du Comté d'Invernefl', qui n'en eft féparé que par un canal affez étroit, & demanda fi ce qu il voyoit étoient les bornes de l'Angleterre. Il y en eut un qui but de leau-de-vie un peu trop abondamment , ce qui le rendit péfant, & le fit bien-tôt tomber dans le fommeil. II s'imagina que c étoit le dernier de tous , & dit en fe réveillant à fes compagnons, qu'il n'auroit jamais cru qu? le partage d une vie à l'autre fût fi aifé ; car, dit-il, je n'y ai fouf-fert aucune peine. Enfin leur opi- D iv So Découvertes —-mon fur les objets étranges, eft aufiS cÎiaLluj' éloignée de la façon de penfer des autres hommes, qu'ils font eux-mê-,cr>7. différents des créatures de leur e'pece. Leupfcl:- Si nous en croyons l'Auteur An-■glois , les Habitants de Saint Kilda font plus heureux que tous les autres hommes , parce qu'ils font prelque les feuls qui goûtent les douceurs d'une vraie liberté. Us jouirent ; dit-il, réellement du bonheur imaginaire de l'âge d'or. Us vivent dans l'innocence & la (implicite , dans la pureté du cœur , dans un amour réciproque , Se dans l'amitié la plus cordiale. Libres de toute inquiétude , & exempts des foins qui accompagnent l'avarice ; fans envie, fans tromperie , fans diflimulation , fans ambition & fans orgueil, ils ignorent les fuites funeftes de tous ces vices. Ceux des nations étrangères leurs font inconnus , & ils font uniquement gouvernes par les lumières dé la raifon & par celles du chriftianifme, comme elles leur ont été portées par ces ames héroïques , qui ont rnéprilé tout les dangers pour étendre cette divine religion aux des Européens. Si extrémités les plus reculées de Tu- —— nivers. "çtaluiî Us feroient certainement le peuple le plus heureux de notre globe, Au' l6'7' s'ils connoiffoient leur félicité , & combien ils font au-deflùs des autres hommes livrés à l'avarice & à l'efclavage. Leur façon de vivre leur fait méprifer l'or & l'argent, comme au-deho:s de la dignité de la nature humaine: ils vivent des bienfaits du Ciel, & n'ont d'autres delTeins les uns fur les autres , que ceux qui leur font dictés par la juftice & par la bien fa i fan ce. Dv #2 Découvertes .Autour du Monde , commencé en .171-8 , par le Capitaine WOGDESROGERS. CHAPITRE I. Ce qui a donné Heu à cette expédition ; les bâtiments, le Duc & la Ducfuffe mettent d la voile delà Rade Royale, dans le canal deBrijlol : ils arrivent à CorK : ils font en danger par l'ignorance d'un .Pilote : noms des Ojfi~ ciers des deux Vaifjeaux : conduite de l'Equipage d Cora : politefje du Capitaine du Haftings : il fe fépare des autres : prijè d'un Va'iffeau Suédois : mutinerie au fujet du partage de cette prife : moyen dont on fe Jert pour l'appaifer : le Bojfeman Hollandais eft envoyé dans les fers à Madère: prife d'une Barque Ejpagno-le ; délais pour la rançon ; Cérè- des Européens. 83 monte du Baptême fous Us Tropiques : Us arrivent aux ifles du Cap rerd : Remarques fur ces Ifles : dé-fertion d'un Interprête : Règlements au fujet du pillage : un homme fe mutine , & ejl puni : ils jettent l'ancre à l'ifle Grande : les Portugais les prennent pour des François : Jùc-ces des Pyrates François : on tue un Monflre : deux Déferteurs jont effrayés par les Singes : un Canot Portugais eft brûlé par erreur : Pro-ceffion à la Conception : Dejcription de cette Ville : les Habitants font régalés à bord du VaiJJ'eau. JE ne connois aucune Ville com-RoCE RS> merçanre en Angleterre qui ait chap 1. formé autant d'entreprifes pour l'en- An* ,7°8, couragement du commerce, & pour , Ce 3"; î , , ° . . ' r donne lieu * découvrir de nouveaux pays, que la l'expédition Ville de Briftol. Les richefles amaf-^ c^f°°dcf fées par un grand nombre de particu-^02"*' liers,qui s'y font attachés au négoce, prouvent évidemment que la fortune n'eft pas toujours aveugle, & qu'elle eft fouvent la récompenfe de l'in-duftrie. Entre un grand nombre de Vaif-feaux que cette Ville a équipés pour D vj $4 Découvertes aller aux aventures , il y en a peu chap-V' Çûfcayeni fait un voyage auflï remarquable que le Duc &c la Du- in, 1708. cJrjgfïe ,f envoyés de conlerve aux frais d'une Compagnie de Marchands pour croifer dans la mer du fud , & montés par les plus habiles Marins qu'il fut pofliblederalTembler. Woo-des Rogcrs tut choih pour Capitaine du Duc ; & pour commander les deux bâtiments dans ce voyage. Le Capitaine William Dampicr, qui avoit déjà fait deux fois le tour du mon--de , & qui avoit été trois fois dans la mer du fud , y monta en qualité de P.lote : Thomas Dover, Docteur en Médecine, homme de beaucoup de cap xiré & d'un excellent jugement, fut choifi pour fécond Capitaine du. même bâtiment : la DuchelTe eut pour premier Capitaine , Etienne Courtenay, & pour fécond Edouard Cooke. Les équipages des deux Vaiffeaux furent compofés de gens de différentes nations , ainti que de divers • métiers , au nombre de trois cents trente-trois hommes. Le Duc étoit du port de trois cents vingt ton-: neaux, & portoit trente canons i la des Européens. £j* DuchelTe en avoit vingt-(ix, & deux ———« cents (oixunte tonneaux de charge. K&£f*£' Le premier Août 1708, ils mirent à la voile de la baie Royale, & le r Vers midi , ils jetterent l'ancre à la ^ rn,c(^ Vue de K.iniale. Comme le temps ^«^ot l\l étoit très-calme, un Pilote vint à it dd! s une autre baie , à l'oueft de Coik , ce qui auroit pu les expo-fer à quelque danger; ma.s le Capitaine Rogers , qui, heurealemenr, connoiffoit bien cette core , châtia ce Pilote , l'empêcha de continuer à les conduire , & les mena dans l'An<è, où ils jetterent l'ancre I après-midi. Pendant qu ils demeurèrent dans ce port, ils mirent leurs vaiîleaux en bon ordre autant qu'il leur tut pollible, y chargèrent une grande quantité de provifions, enrôlèrent plu (leurs bons Matelots, tk fedébar-raflerent de plus de quarante Sujets parelïeux, dont ils renvoyèrent quelques-uns, tk les autres délerterent. Le premier de Septembre, ili 1«- S5 Découvertes verent l'ancre de Cork ; mais pen-^chap Y' ^ant qu'ils y demeurèrent, pluheurt Matelots s'y marièrent, particuliere-An. 170s. ment un Danois, qui époufa une Ir-landoife. Ils ne s'entendoient pas l'un l'autre, cependant il marqua la plus grande affliction quand il fe fépara de fa femme, & fit pluheurs jours en mer, avant d'avoir bien recouvré fes efprits. Toliteffe du Le Haftings, vaifîeau de Roi, alla capitaine de eonferve avec eux, jufqu'au 6\ Le * Capitaine Paul, qui le commandoit, leur avoit fourni plusieurs chofes né-ceflaires, qui avoient été oubliées; comme une trompette parlante ou porte-voix , des ratiflbires, des grattoirs de fer pour le fond du vaifleau, & plufieurs autres uftenhles , fans vouloir rien accepter en retour, à caufe de la longueur de leur voyage. Il demanda feulement qu'on fît con-noître fa politelfe aux Intérefles, dont il recevroit les mêmes outils qu'il avoit donnés. En conféquence, on le chargea d'une lettre pourl'AI-derman Batchelor & Compagnie, ainfï que pour les autres Propriétaires des navires, le Duc & la Dur chelfe. des Européens. 87 Le foir du jour précédent, il avoit "» été tenu à bord du Duc , un con-R J,^'* feil de tous les Officiers des deux vaifleaux, & l'on y avoit réfolu de An* I7*K déclarer aux hommes d'équipage , quel étoit l'objet de leur voyage, pour qu'on fût en état d'échanger avec des hommes du Capitaine Paul, tous ceux qui auroient de la répugnance à entreprendre un cours auflï long & aulîi dangereux. Il eft remarquable qu'il n'y eut qu'un feul homme à bord du vaifîeau de Rogers, qui en parut mécontent , parce qu'il avoit été choili cette année pourDi-fcainier dans fa Paroifle , & que fa femme, à caufe de fon abfence, iê-roit fujette à payer une amende de quarante livres: cependant il fe remit bien-tôt , en confidérant qu'il les regagneroit avec avantage, par les profits du voyage, s'il arrivoit qu'il fût heureux. Le 10 de Septembre, vers trois Mutinerie eures après midi, après neut heures unsdcihe»i de haiïè , ils atteignirent un vaifieau mes. Suédois, qui amena , ayant elluyé deux volées. Quelques paroles que dirent deux ou trois hommes ivres, donnèrent lieu de juger qu'il y avoit SS Découvertes —~- à bord quelques marchandifes d© chapRi.S> contrebande : mais après que les Anglois eurent examiné très-exac- Ln' ,7°8' tement le Maîtte & plufïeurs dés gens, ils virent qu'il étoit difficile de prouver que ce navire fût de bonne prife ; & ne voulant pas perdre de temps à le conduire dans un port, ils le lailTerentaller fans aucune difficulté. Le Maître parut très-recon-noifîant de n'avoir été retenu que fi peu de temps: & à fon départ il fit préfent à Rogers, de bœuf laïc & de deux jambons: le Capitaine Anglois de Ion coté , lui envoya douze bouteilles de cidre , qu'on appelle de rouget. Ce vaiffeau quiétoirde Sta-den , avoit vingt-deux canons, étoit du port de deux cents foixante & dix tonneaux , & avoit fait le tour de l'E-cofle & de l'Irlande. A fon départ, il falua les vaiffeaux de quatre coups de canon. Pendant qu'il étoitarreté, le Bolfeman du Duc & trois Officiers fubalternes, s'é^oient mis à la tète d'un complot formé feciérement, en« tre les Gens. pour s'en rendre maîtres ; & quand ils virem cu'on l'avoit JaifTé rMrtir, i's furent prêts de fe ma-•tiner.Cependan. ils furent réprimés, des Européens. Sp en mettant aux fers dix d'entre eux, en ôtant la place au Bofleman , nom-mé Giles Cash, qui eut pour fuccef-feur, Alexandre Winter, & en fuf- An-'"»*» tigeant un autre des principaux mutins. Peu de jours après ces exemples, tout rentra dans fon cours naturel. Il avoit auffi paru quelques mouvements à bord de la Duchefle ; mais ils s'appaiferent naturellement, au(li-tôt que tout fut tranquille fur le Duc. Le 14 de Septembre, quelques Rogertfa't Ge-s du vaifleau avec un hardi Ma- îouct Découvertes • lées, où il y a autlî quelques vignes: *chap.V' ma*s 'es principales productions (ont l'indigo , le f&cre , le tabac , & les *7C*- peaux de chèvre, dont ou fait de très beau maroquin. Ces chèvres font grades & de très-bon goût ; elles portent une fois en quatre mois , & produifent tiois ou quatre perits à chaque portée, beaucoup de Vaiffeaux prennent du fel à 1 ifle de JVIayo , où il eft produit naturellement par l'action du loieil fur l'eau de la mer. ffletîe saint L'ifle de Saint Vincent a une Vincent. meilleure rade pour les vaiffeaux que celle de Saint Jago : on y trouve en quantité des poules de Guinée , des corlieas , & diverles elpeccs d'oifeaux de mer. Le feul gibier que quelques-uns des gens d'équipage du Duc , qui étoient defeendus pour chaffer , y trouvèrent, fut un âne fauvage , qui s'échappa quoique bïefle , après leur avoir fait faire une courfe très fatiguante. Cette Ifle étoit autrefois habitée , & avoit un Gouverneur particulier ; mais elle eft abandonnée depuis un certain nombre d'années, excepté par quelques Nègres , qui y fubfiftent de tortues, des E u r 9 t É e n s. $J tortues & de chèvres fauvages. Le terrein eft montueux & ftérile ; l'air allez peu fain, parce qu'une grande r*' partie de l'ifle eft couverte de bois, ^f«fttl qui ne peut être prefque d'aucun autre ufage qu'à brûler.Entre les arbres, on trouve des toiles faites par une groile elpece d'araignée,fi fortes & fi épaifles, qu'il eft affez difficile de les rompre. La chaleur du climat fait une très forte imprefïïon fur les Matelots qui n'y ont jamais été ; mais la faignée leur donna beaucoup de foulagement. * Le 8 d'Oétobre, on débarqua le > M«înerfc Lieutenant du Gouverneur , près■l2J^"tlC1 d'une caverne formée dans un rocher, où il dit qu'il pafferoit la nuit, parce qu'il n'y avoit aucunes mai-ions dans le voifinage,& les vaifïeaux remirent à la voile. Le 22,M.Page, fécond contre - Maître de la Du-cheffe , ayant reçu ordre d'aller exercer le même emploi à bord du Duc, refufa de changer de vaifléau, frappa le Capitaine Cooke qui vou-loit l'y obliger : mais on s'en rendit maître, & on le mit dans la chaloupe. Le Capitaine Rogers le condamna au châtiment, nommé en terme Tome. X, JE o 8 Dé couvertes _ de marine , le bilboe, qui eft une Roge rs, efpece de carcan : mais avant que chap.i. jasent:ence pût être exécutée, il fe An. 1708. jetta en mer, dans l'intention de regagner la Duchefle. II auroit peut-être caufé beaucoup de trouble , en excitant les hommes à fe mutiner , pendant que tous les Officiers étoient à bord du Duc ; mais la chaloupe qui étoit à côté du bâtiment ; le fuivit & l'atteignit. Il fut ramené devant les Officiers fupé-rieurs , qui le firent lieraux manœuvres : on le châtia rigoureufement, & on le mit aux fers à fond de cale du Duc, où il demeura jufqu'au 20, qu'on le remit en liberté, fur la pro-meiTe qu'il fit de fe mieux comporter à l'avenir. S» abordent Le deux de Novembre , deux èiflcGrande. hommes furent condamnés au bilboe , pour avoir caché deux chemi-fes.une perruque, & une paire de bas, qui faifoient partie du pillage de la barque des Canaries : mais ils en furent quittes pour demander pardon. Le 14, on apperçut la terre du Brefil, & le ï8 , on jetta l'ancre à l'entrée de l'ifle Grande , à onze bralTes de profondeur , ne faifant des Européens. oo prefque aucun vent. Le 20 , on en- » voya deux chaloupes, dans l'une"Y deiquelles étoit un Lieutenant , & dans l'autre M. Dampierre , pour Al1, ,T°8, reconnoître Ci l'endroit où l'on vou-loit faire de l'eau étoit fans ennemis. Ils y trouvèrent une chaloupe Portugaife, dont les gens fe plaignirent qu'ils avoient été volés depuis peu par des François. Il tomba tant de pluie toute la journée , que les hommes ne purent travailler. Vers quatre heures après midi , le Capitaine Courtenay lit mettre aux fers plufïeurs hommes, pour avoir défobéi aucommandement, & parce qu'il avoit remarqué qu'ils étoient toujours les premiers difpofés à fe mutiner. Le foir le temps s eclair-cit, on envoya, dans une pinaiïe, le Capitaine Cooke & le Lieutenant Pope à Angre de Reys , Village éloigné de trois lieues , & que les Portugais nomment Notre-Dame de la Conception , avec un préfent de beurre & de fromage pour le Gouverneur, eu lui demandant fon amitié. Quand ils furent près du rivage, les Habitants les prirent pour des François, & tirèrent plufïeurs fois Eij ioo Découvertes ■ ' fur eux, fans leur caufer aucun dom- Rooers, mage. Us leur demandèrent pardon , ch;)p. i. & • r » quand ils eurent reconnu leur erreur, An. 170g. jjs furern; reçus avec beaucoup de politefife , par un Moine, parce que le Gouverneur étoit allé à Rio de Janeiro , qui eft à douze lieues plus loin ; ce Religieux leur dit que les Habitants avoient été depuis peu pillés & trompés par les François. Soin que ke 22, plufieurs des Habitants vin-prennent lesrentde la Ville dans des canots, pour peut''cachetaPPorter aLlx vaiffeaux des limons , icsmincs. de la volaille, du bled ,& plufieurs autres denrées , qu'ils échangèrent pour des bagatelles. Les Capitaines Rogers & Courtenay les traitèrent avec beaucoup de politeffe, & promirent une bonne récompenfe à ceux d'entre eux, qui pourroient fe rendra maîtres de quelques-uns des gens, s'il y en avoit qui défertaffent. On trouve plufieurs mines d'or dans l'intérieur du pays, & un vaiffeau Portugais qui jetta l'ancre le 23 , amena un grand nombre de Nègres, pour y travailler. La pinafïe des Anglois fut mife en mer & armée , pour s'informer d'où ils venoient. Le Capitaine, fit une réponfe fatisfaifante, dés Européens, ioi & envoya un pot déconfitures , avec — de très beau fucre , en préfent auxR J Commandants Anglois. Les Portu- gais ont beaucoup d'attention pour An•»70,• cacher leur or aux autres nations , ainfique les chemins qui conduifent aux mines : les uns difent que c'eft un voyage d'un mois , & les autres de quinze ou vingt jours pour aller de Sanetas , Ville où eft un port de mer, à ces vaftes fources de leurs richelïes. Quelques Boucaniers fran-çois, qui y avoient abordé peu de temps avant, pour faire de l'eau , s'é-toient emparés, en moins d'un mois, de plus de deux mille quatre cents marcs d'or, qu'on tranfportoit dans des barques, parce que la route par terre , depuis les mines jufqu'à Rio-de - Janeiro eft très - mauvaife , & prefque impratiquable. Le 24,, après que les vaiffeaux eu- An;ma[ ^ rent été nettoyés , Mefîieurs Dover hc puantem & Van-Brugh allèrent fe promener infu?orublc avec la pinaffe, & ils apportèrent à leur retour un animal d'une puanteur infupportable. La peau étoit comme une fourrure , entremêlée de tuyaux ou de piquants , comme un hcriiîbn, & la tête reflembloit à £ iij 102 Découvertes 1 " à celles des Singes. Les Portugais, *°PRRfs' entre lefquels il y avoit trois ou qua-tre rrancilcains, qui vinrent poli-An. ïjo%. menc aux bords des vaiffeaux, af-furerent les Anglois que cet animal étoit un manger délicieux , & que cette mauvaife odeur ne venoit que de la peau ; cependant aucun des Mariniers ne fut affez gourmand pour en vouloir-goûter. f(î?efcrtçurs Le 2y, deux hommes de la Du-^siajes^^hefle déferterent ; mais ils furent tellement effrayés par le bruit des Singes & des Babouins , qu'ils crurent entendre des heurlements de Tigres : coururent pendant la nuit juiqu'à la mer, fe jetterent dedans, & crièrent au vaifïeau , en priant qu'on les reprit à bord. Deux lrlan-dois nommés Michel Jones,& Jacques Brovn , déferterent aufli le même jour du Duc , & s'enfuirent dans les bois; mais deux jours après, ils furent furpris fur le rivage 't où ils at-tendoient un Canot Portugais, pour les conduire autre part. On les ramena au Capitaine Rogers, qui leur fit une fevere réprimande, les fit bien fouetter, 6c enfuite les mit aux fers. des Européens. 103 Le joui d'avant qu'on eût repris ■ ces deux hommes, la Pinafle & ^gji^'» Gabarre, furent envoyées après un canot, qui faifoit tous fes efforts An"170*" pour s'éloigner ; ce qui fit foupçon-ner au Capitaine qu'ils y étoient cachés. La Pinafle tira deflûs, & blefla un Indien qui ramoit, & qui mourut deux heures après. Il appartenoit à un Moine, qui gagna le iivage, & prit la fuite dans les bois ; mais il fut ramené par un autre Portugais, qui lui dit, que ceux qu'il fuyoit étoient des Anglois. Les Gens de ce canot furent amenés à bord du Duc, & très-bien traités par le Capitaine Rogers; mais le Moine ne pouvoit fe .confoler d'avoir perdu fon Ef-clave, & un peu d'or qu'il avoit raf-femblé en vihtant les mines, quoiqu'il en eût caché une partie dans les broufïailles, ou qu'il l'eût enterré près de l'endroit où il avoit fait échouer le canot. Cet homme menaça d'en porter fes plaintes, & de fe faire rendre juflice en Portugal, ou même en Angleterre. Le 27, le Capitaine Rogers, le pro«/fio»t Capitaine Courtenay , & quelques g^S," autres Officiers , allèrent dans la Eiv 104 Découvertes ■ i - chaloupe à Angre de Reis, pour y ^chW' vo*r ^a P1-006^1011 qu'011 y lait cous les ans le jour de la Conception de An. 1708. ]a Sainte Vierge. Le Gouverneur les reçut avec beaucoup de poli telle , & les pria de permettre que leur mufi-que , compolee de deux tompettes éc d'un hautbois, afliftâr au fervicc Divin, pour y tenir lieu d'orgues, ce qui lui fut accordé. Quand on fortit de l'Eglife, les Muficiens demi-ivres , marchèrent à la téte de la Pro-ceiïion , luivis des eneenfoirs, du Saint Sacrement, d'une ftatue de la Sainte Vierge , ornée de rieurs & de bougies allumées , & portée dans un brancard,par quatre hommes. Après elle, marchoient le Pere Gardien, environ quarante Prêtres & Moines, le Gouverneur de la ville, le Capitaine Rogers , le Capitaine Courte-nay , & les autres Officiers des vaiffeaux , dont chacun avoit pris un cierge par complaifance : la marche étoit fermée par quelques jeunes Prêtres, & par leb principauxHabitants, qui portoient auffi des cierges. Après la cérémonie, il y eut un grand repas pour les Anglois dans le Couvent ; & le Gouverneur, qui demeure. .des Européens. 105* trois lieues plus loin, en donna un-——— autre au Corps-de-garde, où réfideKchap.V' u" Lieutenant, un Enfeigne & vingt Soldats. An. i7ol. La ville d'Angre de Reis ou de la d«fcr?p*»»b Cn. f J» de la Cou-, onception, elt compolee a environ CCption. Soixante maifons fort balles, couvertes de feuilles de palmier, mal bâties & aufli mal meublées. Peut-être avoient-ils alors caché leurs meilleurs effets , parce qu'ils avoient été ravagés peu de temps avant par les François. Il y a deux Eglifes & un Monaftere de Francifcains, propre, décent , & très-bien meublé. Les Pères avoient quelques pièces de gros bétail ; mais ils ne voulurent s'en défaire d'aucune. Le Duc rejoignit la Ducheffe à l'entrée du port de Grande, & l'on envoya la chaloupe à terre , tant pour y acheter du vin , que pour inviter les principaux de la ville à venir à bord. Us s'y rendirent volontiers , & marquèrent beaucoup de gaieté : ils burent à la fanté du Pape ; & le Capitaine Rogers après leur avoir faitraifon, bût à l'Archevêque de Cantorbery , ainfi qu'à Guillaume Penn, le Chef des Quakers> à Ev i o6* Découvertes ' quoi ils répondirent de très-bonne ehap.V* £race* En partant, le Capitaine fit un préfent de beurre & de fromage M.170& aLlx peres: & comme le temps étoit fort couvert, toute la Compagnie palfà la nuit à bord, mais le matin on les renvoya dans la chaloupe , très-fatis'aits de la façon dont ils avoient été traités, & ils promirent d'avoir grand foin de faire rendre les lettres dont les Anglois les chargèrent, des Européens. 107 CHAPITRE II. M. Van - Brugh paffe à bord de la Ducheffe ; les Vaiffeaux quittent l'ifle Grande ; Def'cription de cette Ifle ; Dtjcription de la Rivière des A na\onts ; Première découverte de atte rivière par François Orellana; Diverfes aventures qui accompagnèrent fon expédition 5 Sa Mort. E 90 de Novembre, il fut tenu * un Comité à bord de la Du-rl>ge*ts cnelle: on examina la conduite que M. Van Brugh avoit tenue, en tirant AB- f7°* fur le canot Portugais, & elle fut impartent unanimement condamnée. On con-1,lflcG"nJ vint enfuite que pour prévenir l'aigreur des efpiits, cet Officier pafïe-roit fur la Duchefle, &que M. Guillaume Bath , Agent de la Compagnie f ir ce bâtiment, viendroit en exercer l'emploi fur le Duc. Les deux vauTeaux levèrent enfuite les voiles; mais comme il ne faifoit pas de vent, ou au moins très peu , ils jetteren* l'ancre deux heures après. Le 3 de Décembre, ils profitèrent Evj io8 Découverte s ^. f , d'un vent frais eft quart au nord, Se ciwp.ïi! ' s'éloignèrent de l'ifle Grande , en dirigeant leur cours à celle de Juan An-,7°3 Fernandcz. ^Dcfcription L'ifle Grande eft très-élevée, Se cette ifle. couverte ^qjj 5 habitée par les linges , & par d'autres bétes féroces : on y trouve des limons , des oranges & des guavas fauvages : il y a aulli des plantains , des bananes , des pommes de pin, du maïz & de la caflave: la volaille Se les cochons y l'ont rares; mais il y a des moutons" & des boeufs, quoique le nombre n'en foit pas considérable. Le vent demeura prefque toujours du nord à l'eft , tant que les Anglois y refte-rent & la chaleur fut exceflive. Nous avons donné une Defcription allez étendue du Brefî! , dans les Découvertes de M. Nieuhoff ; & comme l'ifle Grande , peut être regardée comme en faifant partie, nous ne répéterons pas ce que nous en avons dit (* ) Nous nous arrêterons davantage fur ce qui concerne la rivière des Amazones, qui borne ce pays (*) Voyez le T»'tie V de cette Hifioirc, de.* ptj'15 U jpags ni, juiqu'àla page 4» 8. des Européens, ic£ au nord, d'autant qu'elle eft de la 1 ** plus grande importance pour le com-R chap.n.' merce, & nous croyons que quelques de'tails fur la fituation & le cours An* 17*î"' de cette rivière, & fur les différentes Nations qui en habitent les bords, ne feront pas inutiles ni ennuyeux. La rivière des Amazones eft cer-^cfcnptiora tainement une des plus grandes qui^s'abuS fo icnt au monde. Elle a été ainfiQ«-nommée des Femmes courageufes & guerrières, qu'on difoit qui en habi-toient les bords. M aïs on a reconnu depuis, après un mûr examen, qu'elles n'exiftorent que dans l'imagination : & il paroît que toutes les hif-toires qu'on en a faites, étoient une invention des Naturels du pays , pour détourner les Efpagnols d'y pénétrer plus avant. Cette rivière prend fa fource aux pieds des montagnes qu'on appelle les Cordiliieres, à huit ou dix lieues eft de Quito dans lePerou: fuit un cours tortueux, d'environ dix huit cents lieues, & tombe da-^s l'O éan Atlantique, par quatre vingt-quatre embouchures. Dans l'excurfion de Gonzalez , première frère de François Pizarre , furies af-jfSJ'J freufes montagnes qui bornent lavi««. no Découvertes Province de Los Quixos du côté du cuap* îi!' nord , il trouva le froid h infuppor-table, qu'il fut obligé d'abandonner -4h. 170». f£S troUpeaux> avec la plus forte partie de fon bagage & de fes provifîons, qu'il laiiïa en arrière, & il defcendit dans la vallée de Zumaque, d'où il pourfuivit fon chemin par la Province de Coco. Le Cacique le reçut très bien , lui fournit autant de provifions qu'il en putamaffer, & l'af-fura que s'il s'embarquoit fur la rivière qui arrofoitces plaines, ou s'il en fuivoit les bords, elle le condui-roit en peu de temps dans un des pays les plus abondants & les plus riches de tous ceux que le foleil éclaire, ôc dont les habitans étoient couverts de plaques d'or. Eatigucqnc Ce discours fuffit pour encoura-Gnnzaiczpi.grgj. Gonzalez à entreprendre ce taney avo.t0 j 1 r 1 J r t£xouvée. voyage, dans la feule vue de le rendre , s'il étoit pjfîible , auffi confi-dérable que fon frère, par de nouvelles découvertes & par fes conquêtes. Il fit pré (en- d'une très-belle êpéè au Cacique , p iv reconnoiffan-ce de fa poli telle ; fe mit à la tête de fa Cavalerie, 6c commença à fuivre les bords ue la rivière Coca , par un des Européen s. nr pays , qui de touces parcs lui préfen-toit l'image d'un nouveau ParadisKc£«.u:' terreflre. La fcène changea bien-tôt de face : au lieu de la verdure & des iin-170^ bois qu'i's quittoient, ils ne virent plus que des fables & des déferts : le pays devint raboteux & inégal, coupé par des ruiflfeaux & des torrents , qu'ils étoient fouvent obligés de traverfer à la nage, ce qui fatigua excedivement les Efpagnols , qui n'avoient pas de canots , ne trou-voient point de gués , ne rencontraient aucuns Habitants ; & ce qui étoit le plus fâc he x , n'avoient plus de vivres que pour quarante-trois jours. A la fin de ce temps, ils fe trouvèrent à un endroit où la rivière n'avoit que vingt pieds de largeur , à caufe des rochers qui la bornoient de part & d'autre . & d'où elle fe pré* cipitoit dans une vallée , par une cataracte de deux cents bran* es de hauteur. Gonzalez enrrepnt de jetter un pont fur cet endroit : ouvrage dont la ftructure admirable a mérité les plus grands éloges de la part des Ecrivains Efpagnols; Srs coupes paflerent He l'autre côté , mais laf-pect du pays ne leur préfenta rien H2 Découvertes* J * ^ * de moins affreux : toujours des dé-çhap.iL" ^ercs auu** arides, fans aucune efpé-rance d'un avenir plus favorable, A"'X7°8' pendant que leurs befoins augmen-toient de jour en jour, à proportion qu'ils fe trouvoient dans une plus grande difette de provifîons. il confie une Cette fuite de traveifes engage-• p.irr«cdc i"rent Gonzalez à employer tout fon gens a Oiel- . n -\ • i> t-> îana, qui l'a-monde à la conftrucuon d un Bri-tandoane. gantm > qlx[ pûc fervir à tranfporter plus aifément les malades, en Suivant le cours de la rivière, & il embarqua avec eux tout fon bagage, fes provifîons & fon or ; il y mit aulïï une garde de cinquante Soldats , Tous les ordres de François Orella-na , Officier d'une bonne famille de Truxillo , dans l'ancienne Efpagne. Il lui enjoignit expreflcment de ne pas perdre de vue le gros des Aventuriers ; mais de s'arrêter tous les foirs au même rivage, & de fe rendre exactement au camp, Orellana obéit pendant quelque temps aux ordres de fon Général, iufq.u'à ce que leur état devenant de iour en jour plus fâcheux , il lui commanda de defcendre la rivière pour chercher des provifîons & du habitants. En conféquen- des Européens. 113 ce de ce nouvel ordre, Orellana s'a- .< ,m vança dans le milieu du courant .^c^û!1 dont la rapidité l'emporta en trois jours, à plus de trois cents lieues, Au|7°8, fans avoir fait ufage de voiles ni de rames. Il arriva enfin à une autre rivière beaucoup plus large , mais moins rapide, Se il en fuivit le cours pendant un jour. Voyant qu'elle s'é-largiifbit de plus en plus , il fe détermina à continuer de defcendre jufqu'à ce qu'il trouvât la mer, & ferma les yeux fur ce qu'il devoit à la re-connoiffance , & à l'état fâcheux où il avoit laine fon Général. Quelques-uns de fes Gens lui en firent des remontrances ; mais il leur fit obfer-ver qu'il leur étoit impoflible de remonter en plufieurs mois., le même efpace qu'ils avoient parcouru en peu de jours. Il ajouta que vraifem-blablement, leur Général les join-droit fur les bords de cette nouvelle rivière, qu'il ne pouvoir manquer de rencontrer. Cependant il trouva une très forte oppofition de la part d'un Mo.ne nommé Gafpardde Car-vajal, & de Ferdinand Sanchez de Vaf jas, qui, pour 1'empèi.her d'aller plus loin , formèrent un parti R o g b K s Chap. II. ti4 Dec ouvertes dans fon petit bâtiment; &auroient réulli dans leur deflein de retourner à Gonzalez , avec les provisions Ah. 1708. qu'ils avoient raffemblées , fi Orel-lana ne les eût prévenus, en mettant à terre Ferdinand , dans un défert affreux , borné d'un côté , par des montagnes très élevées, de de l'autre , par une large rivière, fans armes & (ans provifîons ; où il eft probable qu'il périt de mifere. Orellana étoit trop prudent pour traiter de même le Moine, à caufe de fon habit; mais il lui déclara que quiconque voudroit pénétrer dans les def-feins de fon Commandant, attireroit fur foi le plus févere châtiment. 11 defe-nd la Après avoir ainfî étourfé toutes les Rivicrc des femènees de révolte parmi fes gens , Amazones, -j cornmença à leur faire connoître fes intentions , en leur difant que la fortune les avoit, en quelque forte, conduits à la découverte la plus importante qu'on eût encore faite dans les Indes : que la grande rivière fur laquelle ils étoient, ayant fon origine dans le Pérou, & coulant de l'oueft à l'eft, formoit indubitablement un pafïage de la mer du fud à la mer du nord, par le plus beau ca- des Européens. 115* nallquil y eût au monde: qu'il leur ■ t donnoit I'occafion défaire une am-K£h^ J*» pie moiffon des richefles que les pays vo'ifins ne pouvoient manquer de An> 170,1 leur fournir: que ce feroit leur faire a tous la plus grande injuftice, s'ils lespartageoient avec d'autres, & s'ils renonçoient aux faveurs dont le ciel les combloit particulièrement. Ces difcours, non - feulement, appaife-rent les murmures de fes gens,maisen-core ils enflammèrent chacun d'eux d'une portion de l'avarice & de l'am-bit ion dont leur Chef étoit dévoré. Cependant la néceflïté l'obligea d'aborder au rivage , fept de fes gens étant morts de mifere, après avoir mangé tout le cuir qu'ils avoient à bord. Il y eut une efcar-mouche très-vive entre eux tk les habitants, qui combattoient avec de grands boucliers , des arcs & des flèches : les Efpagnols eurent l'avantage , tk remportèrent une grande quantité de provifîons; mais ils furent pourfuivis par huit mille Indiens, dans cent trente canofs, iuf-qu'à ce qu'ils fufient hors des frontières du pays, nommé Machiparo. Ils eurent dix-huit hommes de bief- 116* Découvertes ...... fés y mais ils furent bien - tôt ré- C°hap!U' tabHs" Après être reliés trois jours dans An. 1708. une vine que les Habitants avoient abandonnée , & qui étoit allez éloignée de Machiparo, ils remirent leur brigantin au milieu du courant, Se le lendemain , débarquèrent à un village, où ils trouvèrent de très-belle porcelaine bien peinte, quelques Idoles d'une figure monftrueu-fe, & une petite quantité de provifîons, qu'ils emportèrent par force. Us y virent aufli un peu d'or & d'argent ; & quelques habitants , qui leur tombèrent entre les mains , leur firent connoître qu'il y avoit de ces métaux en abondance dans leur pays. Après avoir encore defeendu le fleuve , l'efpace de cent lieues, ils arrivèrent dans un pays nommé Pagna-na , où ils furent très-bien traités, Se où on leur fournit avec joie, tout ce qui leur étoit néceffaire. Suitcdcfc* Quelques jours après, ils arrive-Pccouvextcs.rent à l'embouchure d'une rivière, dont l'eau étoit aufli noire que de l'encre, & il rapide, que pendant plus de vingt lieues, elle ne fe mê-loit pas avec celle de la rivière des des Européens. 117 Amazones. En continuant leur cours ^ dépendirent à plufieurs villes,R u, OE R s* , -i^ * ■ Chap. 11. uont une , particulièrement , etoit environnée de murailles de bois, & An- *7°*i où ils trouvèrent beaucoup de poif-fon. Dans une autre, ils ne virent que des femmes ; & Orellana réfo-lut de demeurer quelques jours avec elles ; mais leurs maris , qui étoient allés à quelque expédition , revinrent le foir , attaquèrent les Efpa- 1 gnols , & les obligèrent de fe réfugier à bord de leur brigantin. Us continuèrent leur voyage, & virent plufieurs grandes villes, avec des chemins pavés, & plantés d'arbres fruitiers. Ils voulurent defcendre , & trouvèrent une vive oppofition de la part des Naturels ; mais leur Chef ayant été tué , ils furent difperfés & Orellana eut la liberté d'emporter toutes les provifîons qu'il put trouver. On lui fit entendre plufieurs fois; qu'il y avoit aux environs, des hommes blancs, & par ce qu'il en put apprendre, il jugea que ce dévoient être des Efpagnols. II avoit déjà fait, fuivantfon calcul, près de qua- ti8 Découvertes m torze cents lieues, fans rencontrer Ko g e rs . ja mer quanu il fût attaqué une nuit Cliap. 11 T; '.1 s .. t. lur le rivage, ou il setoit campe, À». i70,« par un gros corps d'habitants, avec douze femmes blanches à leur tète. Ils étoient de très-haute taille , &c combattirent avec beaucoup de courage ; mais fept d'entre eux ayant été tués, les autres prirent la fuite ainfi Femmes qui que leurs Commandants. tSSSS II eft très-probable que ces Guer-jwoimcs. rieres étoient les femmes des Généraux de ces peuples, d'autant qu'il eft très commun aux Indes, que les femmes accompagnent leurs maris dans les combats, & qu'elles fe battent à leurs côtés comme les hommes. Cependant ce léger incident agit avec tant de force fur l'efprit romanefque de notre Efpagnol , qu'il a imaginé un pays habité par des femmes guerrières , fur les bords de cette rivière, & il entre même dans un détail très - circenftancié de ce qui les concerne; mais comme cette Nation eft demeurée invifible pour tous les autres Voyageurs, il eft vraifemblable qu'elle n'a jamais eu d'autre exiftence, que dans le cer- des Européens. ïio veau vuide d'Orellana. Cette rivie- ■■.....■ re, qui auroit dû rendre fon nom R^ 0 fc V immortel, a toujours reçu depuis, celui de rivière des Amazones. An"r7*8. Dans un pays où il arriva le jour,.11 arnve j o • r * ' • i • ri cmbouchi de bamt Jean , ce qui lui en ht don-du fleuve.; nef lè nom, il eut une efearmouche . avec les habitants ; perdit plufieurs de fes gens, & fon Chapelain y eut un œil crevé d'un coup de lance. Peu de temps après , quelques Infu-laires l'attaquèrent dans des canots , où ils avoient des tambours , des trompettes & d'autres inffruments,, pour les animer au combat ; mais quoiqu'ils fulfent fept à huit mille, il les tint écartés avec fes armes à feu. Dans une autre Province où il paffa enfuite, & où il vit plufieurs grandes villes, fur la rive gauche du fleuve, les habitants vinrent dans des canots pour l'obferver, & lui tirèrent des flèches empoifonnées , dont ■mourut un de fes hommes. Pour fe garantir de ces inftruments de mort, il fut obligé de fe barricader dans fon brigantin. Il diftinguoit alors la marée, & quand il fut à l'embouchure de la rivière, ayant perdu 120 Découvertes nm..... ■ ! plufieurs hommes dans ce voyage; ll/^uG fc Par les flèches empoifonnées , il trouva une JNation plus civihlee f An. 1708. ^ cJijpofée à lui fournir des provifîons. îly retourne Au mois dAoÛt i 5*41 , il trouva ^^en"rtdcun paflage libre pour gagner la mer, & après avoir fuivi la côte en faifant le tour du Cap nord, il arriva à l'ifle delà Trinité, où il acheta un vaif-feau, & mit à la voile pour l'Efpa-gne. Il y fit un li magnifique récit de la richeffe & de la beauté des pays qu'il avoit découverts , que l'Empereur Charles-Quint lui accorda des Lettres - Patentes très-étendues, pour y établir des Colonies. En conféquence, ilretournaen 15*40, à la rivière des Amazones ; mais cette expédition fut malheu-reufe dès les commencements. Une maladie contagieufe lui enleva un grand nombre de fes gens, ce qui l'obligea d'abandonner deux vaiffeaux, des trois qu'il avoit emmenés d'Efpagne : quelque temps après, fon équipage fut réduit à une petite barque, qu'il perdit fur la côte de Caracca, & il mourut enfuite dedé- fefpoir : des Européens. 121" fefpoir: ayant perdu le plus grand 1 ■ nombre de ce qui étoit refté de fes ^JJ' Compagnons. Quelques Auteurs Espagnols nomment encore Rivière Atl l79%* d'Orellana , celle que toutes les autres Nations appellent Rivière de* Amazones* Tome K, E 122 Découvertes CHAPITRE III. Louis de Mello fe 'rend à la Rivière. des A ma joncs , pour faire des découvertes; Il ne peut réuffir dans fon entuprije ; Pedro de Orfua veut fuivre la même expédition ; Il eft af-fafjîné ; Un de fes Meurtriers prend le titre de Roi, fcV eft tué par le Tyran Lope\, qui s'empare du même titre. Ce dernier tue fafille 9 eft pris, jugé, condamné & exécuté ; Quel- Îues Ayanturiers de Cufco , & deux èfuites y Jont des voyages fèparé-ment Jur les bords de la Rivière des Amazones; Us n'ont aucun fuccès; Expédition du Capitaine Jean de Palacios ; Sa mort ; Le Comte Chincon & le Gouvernement du Bré-fil t donnent du fecours d fes Gens j Produirions des pays jitués fur les bords de cette rivière ; Coutumes & Mœurs de ces Peuples ; Progrès des défaites parmi eux ; leur Mijfion ; Température du climat, & dejcrip-tion du cours de la rivière* des Européens. 12$ E peu de fucccs d'Orellana, ne put empêcher d'autres Avantu- *?GB,V' riers, de luivre les mêmes traces. Suivant les Traités paifés entre les An**7V* Européens, il fut accordé au Por- Mauvaisfuc. tugaî, l'étendue de pays comprife ^ÂÎcU*"^ entre la rivière de la Plata & l'embouchure de celle d'Orellana, ce qui détermina le Roi Jean III, à y envoyer Louis de Melio . avec dix vaifleaux. Il en perdit huit à l'embouchure de cette rivière, alla avec les deux autres, dans l'ifle de Sainte Marguerite, pour fe radouber, & y fut abandonné par la plus grande partie de fes gens, ce qui renverfa totalement fes projets. Quelques Capitaines de la rou- JedroJS« t. ^n j r r ■ i Orfna for- velle Grenade, formèrent eniuite la mela m£mc même entreprife, fans avoir plus de cn.rcpr.fc. fuccès. Tant de tentatives infruc-tueufes , ne purent détourner Pedro de Orfua, Navarrois, d'éprouver aufïi la fortune. Il étoit de bonne famille, avoit reçu une excellente éducation ; fon courage ér^it hors de doute, & il avoit donné plufïeurs preuves de fa prudence. Ce Gentilhomme forma mûrement tout • Fij 124 Découvertes m le plan de fon entreprife, avant de la *B*J|'mettre à exécution: quand il le pu-P" ' blia , l'eftime qu'il s'étoit acquife An. 170». étoit ii grande, & fa rép tation fi univerfellement répandue , que des perfonnes de tons états, s'interreffe-rent pour le féconder, & que des Soldats d'une valeur éprouvée , vinrent de toutes parts s'enroller fous fes drapeaux. Il partit de Cufco en iyô'o.avec fept cents hommes , & un bon nombre de chevaux, aux acclamations de tous les habitants, qui prioient le ciel pour leur réullite. Jamais aucune expédition formée dans ces pays', ne promit un fuccès plus heureux, & fon plan étoit Ci bien dref-fé, que s'il n'eût été détruit par la trahi fon , lui & fes Compagnons euflent acquis un honneur immortel, & gagné d'immenfes rieheffes. r«fidiede A fa fuite étoient ce jeune Efpa-itax de fc'gnol y nommé Ferdinand de Guz-,ornfasnonSfman, & un Scélérat Bifcaycn , nommé Lopez de Agira, qu'il avoit fait Enfeigne. Ces deux perfides Compagnons devinrent amoureux de la femme d'Orfua , qui, par un exemple qu'on ne peut trop louer, de la p t s Européens. 125* fidélité & de la tendreûe conjugale,-1 fuivoit par-tout fon mari. Us enga- ^pf^ ' gèrent une partie de l'armée à fe révolter; & dans la confuiion , le mal- A**17*** heureux Orfua périt par la main d'un aiTaiïin. Les Hiftoriens ne nous di-fent point 11 leur infâme paflion fut ^ fatisfaite après ce meurtre; mais ils nous apprennent que Ferdinand de Guzman, prit aufli-tôt le titre de Roi. Il ne jouit pas long-temps de cette dignité imaginaire; il fut alTaf-fafliné par ceux mêmes qui l'avoient élevé,& Lopez de Agira qui lui fuc-céda , dit aulîi-tôt à fes Compagnons que fon intention étoit de s'emparer de la Guyane, du Pérou & de la nouvelle Grenade, pour en partager les richefles avec eux. Il eft difficile de trouver une do- Tyrannie cî« mination plus fanguinaire & Plusfcur Lopw tyrannique que celle qui fut exercée de Agira, par Lopez ; & même à préfent, on ne parle encore de lui en Efpagne, que fous le nom de Lopez le Tyran. Né dans l'obfcurité, il avoit unean-tipatie naturel'e contre la NoblelTe, & rit mafïacrer prefque tous ceux qui avoient droit à cette diflinclion dans fon armée. Il avoit continuellement F iij 126" Découvertes ■ 1 autour de lui, une troupe de Scélé- çhattfltt! 'racs » hri lervoient de Gardts-du-Corps; devint iî jaloux de fa nou-*7°*' velle dignité, & fi craintif pour fa Vie, que il quelques-uns de fes gens fe parloient en fecret, il les foup-çonnoit de former des complots contre lui* & les faifoit bien-tôt périr par quelque trahifon. Les femmes mêmes n'étoient pas à couvert de fa cruauté : plufieurs que la fatigue du voyage avoit affoiblies & rendues malades, furent abandonnées aux fauvages habitants , fans aucun fe-cours , & fans leur rien lailTer de ce qui pouvoir leur être le plus nécef-laire. ^îimaflacre II s'embarqua dans le vaifTeau ic^Pp7i$fi& d'Orfua, fur la rivière Coca , qui le m» à mort, conduifit bien-tôt dans celle des Amazones , dont la force du courant l'emporta malgré lui dans le grand canal, qui conduit au cap nord, d'où il fit voile à l'ifle Sainte Marguerite, & débarqua dans l'endroit , qu'on a depuis nommé le Port du Tyran. Le Gouverneur le regardant comme un fidelle Sujet du Roi, le reçut avec refpecït, & lui marqua la plus grande hofpitalité. La recon- des E-oropééns. 127 noilTance qu'il en eut, fut de mafia- — crer ce Gentilhomme, ainfi que fon frère & tous fes amis. Enfuite , aidé par un autre Sce'lérat, nommé Jean Ao' Burg , il ravagea toute l'ifle , y commit les cruaute's les plus horribles, de même que dans celle de Cumana, d'où il paffa à la côte de Caracca, qu'il ravagea également, avec toutes les Provinces fituées fur la rivière de Venezuello & de Bac-cho. Il entra enfuite dans Martha , où il pafTa tout au fil de l'épée ; & ayant formé des. projets fur Quito, il continua fa marche par le Royaume de la nouvelle Grenade. Il y lut attaqué par les Troupes Royales , qui lui livrèrent une fanglante bataille ; fon armée fut entièrement défaite , & il fe trouva pouffé, pour ainfi dire, dans les toiles comme une bête féroce : alors voyant qu'il ne pouvoit échapper, & que tous les palTages lui étoient fermés, il s'adrefla à fa fille bien-aimée, qui l'avoit fuivi dans toutes fes avantures, & lui dit, » Jamais aucune tendrefie paternel-33 le n'a approché de celle que j'ai 33 pour toi, ma chère fille : te pla-* cer fur le Trône, étoit l'objet de F iy ïaS Découvertes — » tou? mes vceux, & le but de tou-«h. iiî.* n t€S mes entreprifes ; mais puifque » la fortune a cruellement traverfé ** *101, >3 mes delfeins , il feroit injufte de te » laifFer vivre dans l'efclavage au mi-» lieu de nos ennemis triomphants , » qui te regarderoient comme la 33 fille d'un Traître & d'un Tyran. » C'eft avoir pitié de toi, ma fille, 33 que de te fauver de cette ignomi-33 nie: c'eft dans les bras de la mort 33 qu'il faut chercher ton falut : fi tu 33 n'as pas affez de courage pour que 33 ta propre main t'adminiftre ce re-33 mede , le bras d'unpere te donnera 33 cette dernière preuve de tendref* 33 fe 33. La fille frappée de ce dif-cours comme d'un coup de foudre , lui demanda quelques inftants pour fe recueillir; ce qui lui fut accordé : mais le pere trouvant trop long fon entretien avec le ciel, la perça d'un coup de carabine, pendant qu'elle étoit encore à genoux , & acheva en-fuite de la tuer à coups de poignard. Peu de temps après ce parricide, il fut fait prifonnnier , & conduit à l'ifle de la Trinité, où il avoit un bien affez confidérable. Son procès fut bien-tôt inftruit; on le condamna à dfs Européens. 120 être écartelé ; les maifons qui lui ap- ——. partenoient, furent rafées jufqu'aux K"^J J Js • fondements , & on fema du fel fur le même terrain, pour qu'il ne reliât Aa-170». aucunes traces de ce qui avoit appartenu à cet ennemi du genre-humain. En iy66, quelques Avanturiers Neuve Ile* de Cufco, rirent une nouvelle tenta- înircPr>f« , . r, inlruflucu- tive pour découvrir les pays arroles fes fur k rî-parla rivière des Amazones; mais\"crc dcs elle fut encore infruclueufe par la divifion qui fe mit entre les Chefs j ils devinrent la victime des habitants, qui les taillèrent en pièces, & il ne fefauva que deux Piètres, avec un des Capitaines, nommé Aialdo-nado , qui eurent même beaucoup de peine à conferver leur vie. Le Roi d'Efpagne donna enfuite des ordres , pour envoyer deux Généraux fur cette rivière; mais ils furent traverfés par tant d'accidents, que leur entreprife fut égalementïn-fruclueufe. Ovalle rapporte que vers l'an 16*06", deux Jéfuites partirent de Quito, pour faire une million dans ces Provinces : que l'un fut maflacré Par les habitants, & que l'autre eut beaucoup de peine à fauver fa vie. Fv K o g b r s 130 Découvertes En 163 5% Je Capitaine Jean de ciiap. il 1! ' Palacios, ai la de Quito fur cette rivière , avec un nombre d'hommes An. /70s. arme's - & que]qUes Religieux Fran- cifcains : il fut tué à Annete , en 1636, avec tous ceux qui le fui-voient, excepté deux Moines & fix Soldats. Ils fe rendirent dans un petit vaiileau à Para, capitale du Bréhl & le Gouverneur de cette p.'ace,. ajoutant foi à ce qu'ils lui rapportèrent, delà fituation des affaires dans ce pays, leur donna quatre canots, foixante & dix Efpagnols, & douze cents Indien^ , pour reprendre cette expédition. Us reçurent aufli des (e-cours confidérables l'année fuivante, du Comte- de Chinchon , Viceroi du Pérou , & ce fut par fes foins, que le Pere d'Acunha , Recleur du Collège de Cuença , & un autre Jéfuite partirent pour Para, où ils raflem-blerent toutes les infiruétions qu'il étoit pofîîble d'avoir fur ce pays, & fur ce qui concernoit la dernière expédition, lis s'embarquèrent pour î'Efpagne en 16*40, & y publièrent 7toà ctionsce qu'ils avoient pu favoir de cette Habitants. Nous trouvons dans la Relation des Européens. ï 5 f du Pere d'Acunha, qu'il croît fur—" les^ bords du fleuve, un arbre nom- ^ nié Andirova, excellent pour guérir les bleflures: qu'il y a beaucoup de An-*T%' bois rouge : des cèdres d'une grof-feur prodigieufe , du bois de Bréfil, du bois de campêche , du bois de fer, ainfi nommé à caufe de fa dureté , toutes fortes d'arbres propres à faire du bois de charpente, d'autres , dont lecorce fert à faire des cordages & des voiles, avec beaucoup de cotonniers. Les habitants font des haches dont les tranchants font garnis d'écaillés de tortues, ou de pierres dures , qu'on rend coupantes par un grand travail. Us ont aufli des cifeaux & d'autres inftruments pour les ouvrages de charpente , qu'on fait de dents & de cornes de bétes fauvages. Ils regardent les Chefs & les Directeurs de leur culte religieux , comme forciers , parce qu'ils leur enfeignent que la vengeance eft méritoire , & leur apprennent les moyens les plus ingénieux pour empoifonner leurs ennemis. Quelques-uns confervent dans leurs naaifons, les os de leurs amis décèdes : d'autres les brûlent avec tout ce qui F vj 132 Découvertes - leur a appartenu ; & après avoir pleij^ chapfiir 'r^ Peu ^e temps leur mort, ils terminent leurs lamentations en buvant'; an, 170». manière d'exprimer leur douleur, qui les conduit ordinairement jufqu'à i'i-vrefle. Quelques-unes de ces Nations, par exemple les Ouraguas, dont la pays eft très-peuplé, & à près de deux cents foixante lieues de long, vivent de leur commerce avec leurs voiftns, & s'habillent décemment de -toiles de coton. D'autres portent des plaques d'or à leurs oreilles & à leurs narines, & font adroits aux ouvrages de main, tels que des chaifes , toutes fortes de meubles, & des re-préfentations d'animaux. Les Jéfui-tes nous apprennent que les Naturels du pays des Amazones, font en général, bons & polis -, ils difent aulîï que les bords de cette rivière-, de chaque côté, depuis la ville de Jaen , dans la province de Bracamo ros, où elle commence à être navigable jufqu'à la mer, font couverts de grands arbres de diverfes fortes, très utiles, entre lefquels ils nomment une efpece de gérofliers. Il y a aufli beaucoup de falfepareille ; les »es Européens. 133 sois font remplis de tigres, de but- » Ces, de fangliers & d'autres bétes ^1OOEIfF'r ieroces. Ces Religieux commencèrent en An »7of» Ï638 , à y prêcher l'Evangile, & Progrès ils y ont 6ft depuis, de. progrèsSLSftJ étonnants: leur million, qui augmente de jour en jour, s'étend fur les bords de trois autres grandes rivières; leur capitale nommée Saint François de Borgia , dans la Province de Manos , elî à trois cent» lieues de Quito , d'où font partis les premiers Millionnaires. Ils ont fouvent fait des voyages très-dangereux dans des canots fur ces rivières, & plufieurs d'entre eux ont été fréquemment les victimes de la cruauté des Sauvages, comme il arriva à huit de ces Pères , qui furent maflacrés en 1707. Avec une habileté furprei-nante, ils ont réuiïi à fonder trente-neuf villes, & à civilifer par leurs prédications & parleurs inflructions, les peuples qu'ils ont en. renres Provinces qui font fous leur domination. Comme ils favent faire ufage à propos de la vertu de libéralité , les Gouverneurs Efpagnols n'entrent point eqjconnoiffance de la valeur de leurs pofleiîions : les Négociants qui ont quelques affaires dans-ce pays, connu fous le nom de Paraguay, ne peuvent y faire aucun féjour, fans doute pour les empêcher de faire connoître à Tuniyers étonné, le luxe & les richeffes de ces Pères, qui s'y font d'abord introduits fous le prétexte fpécieux de réduire les Indiens au Gouvernement Efpagnol ; mais ils font parvenus à les gouverner eux-mêmes de la manière la plus defpotique. Comme les Jéfuites font compofés de différentes Nations, fans aucun attachement particulier pourl'Efpa-gne, &que toutes leurs vues ne tendent qu'à l'agrandiiTement de la Société , il n'eft pas étonnant qu'ils maintiennent avec autant de facilité, leur Jurifdiction fur ces Nations. Ils y ont dix Collèges, dont quelques-uni des Européens. î 4 y uns étendent leur domination lur . cinq cents lieues de terrein ; & le ■ * ». nombre des Jéfuites qui y réfident, )3P-IV-n'efl: pas de plus de cent foixante. Aa- »7°*. Ils ont partagé tout le Paraguay en vingt (ixcantons ou peuplades, dont chacune elt confiée aux foins d'un ou deux Millionnaires, & peut contenir fix ou huit mille habitants 1 *). Ces peuplades font divifées par des (*) On doit toujours être en parde contre te 911e les Auteurs Procettants écrivent au fujet des Miiîîonn.iires, particulièrement quand ils parient d'une Société' dont les Membres ont toujours &é regardés comme les plis icJoutables de leurs Antagoniltes. M de Montefquieu peut erre cité d.sns le fitgerocnt qu'il ponoit de ces fameufes Millions. Nous allons rapporter ce qu'il en dit dans TEfprit des Loix, Livre IV. Chapitre VI. Ceux qui voudront mieux connoître le Gouvernement de ce'pays, pourront en lrc le détail dans Maffce ôc dans le P. Charlcvoix. Quoique ces Auteurs foicntde la meme Société , on peut s'en rapporter à leur témoignage, tant qu'on n'a pas de preuves contraires. Le Paraguay, dit M. de Montefquieu , peut „ nous fournir un autre exemple d'une bonne lé-giflation On a voulu en faire un crime à lt Société , qui regarde le plaifir de commander, „ comme le feul bien de la vie : mais il fera tou-1, jours beau de gouverner les hommes en les ren-„ dant plus heureux.—— Il eft glorieux pour elle d'avoir été la première qui ait montré , dans cet contrées, l'idée de la JLcligion, jointe i celle „ de l'humanité. En réparant les dévaluations det Efpagnols , elle a commencé à guérir une des „ grandes plaies qu'ait reçu le genre humain.»Uni Tome X, G i^ô* Découvertes —-- rues, compofées de huttes de terre 1aia/îV 'S^Ue, fans fenêtres & fins cheminées , enforte que la fumée pourrait An. i7os. étouffer quiconque n'efl pas accoutumé à les habiter. Leurs principaux meubles font une gourde pour mettre de l'eau , une peau de tigre ou de bœuf, pour leur fervir de lit, & une pierre qui leur tient lieu d'oreiller. Les nlus diftingués couchent dans un filet fufpendu en forme de ha m mac , en travers de la chambre» Leur porte eft une peau épaiffe , ils font rôtir leur viande à une broche de bois, &ils en coupent des tranches à mefure qu'elle cuit ; mais ils la mangent fouvent avant même qu'elle foit échauffée. Mœurs des Toute la famille, pere, mere, ?^™da enfants , chiens & chats , font en Paraguay. > „ , commun dans une même chambre, „-fentiment exquis qu'a cette Société', pour tout ce qu'elle appelle honneur ; Ton zelc pour une ,, Religion qui humilie bien plus ceux qui l'c-„ coûtent que ceux qui la prêchent, lui ont fait entreprendre de grandes chofes, ôc elle y a „ réuflî. Elle a rcâré des bois, des peuples difper- (es , elle lc;ir a donné une fubfiftance aiTuréc , ,, elle les a vécus ; Ck qnand c'.Ie n'auroit fairpai-,. là , qu'augmenter l'induftrie parmi les hom- mes, clleauroit beançonp fajr M. des Européens. 147 & ils n'ont pas l'ufage de partager < « leurs huttes. Les paies marient ordi-R ° GE*s» , _\ Cliap. IV. nairement leurs filles a quatorze ans, & les garçons àfeize, autrement ils An«l70s» préviendroient leuffi parents , Se ha-biteroient enfemble, comme cela arrive encore afiez fouvent, malgré toutes leurs précautions. Il n'y a jamais de difputes pour le douaire la convenance mutuelle eft le feul objet auquel ils fa lient attention ; c'eft la fille qui fait les premières démarches, elle déclare fa penfée au Millionnaire du canton , fouvent après avoir déjà eu des liaifons particulières avec le jeune homme qu'elle affectionne : on le fait venir aufîî-tôt : le Révérend Pere lui demande s'il veut prendre cette fille pour fa femme : quand il .répond oui , le mariage eftaufli-tôt conclu: le mari promet de fournir du bois pour le foyer, & la femme, de ne point lait 1er manquer d'eau à la maifon. Après cette cérémonie, le Millionnaire leur donne une cabane , cinq aunes d'étoffe pour fe faire un habit de noces, une vache graffe, un peu de fel, & du pain, ce qui leur ferr à régaler leurs parents ; mais on ne leur permet Gij l\ O (. E R S Chap. IV. 14.8 Découvertes alors ni mulique, ni danfe, ni aucun.» des amufements qui peuvent conduire à quelques excès. Art.1708. j_,eur couleur eft olive foncée : les i.eur figure hommes ont le vilage plat & rond, Wiemwts?"Ies îambes groflcs , ainfi que les jointures , & les cheveux torts Cv mbirs. Ceux des femmes, leur tombent fur le front, & elles en treffent yne partie qui leur defcendent juf-qu'aux hanches: elles ont les bras, les épaules & le fein nuds ; autour ' de leurs cols, de leurs mains & de leurs bras , elles portent des chaînes d'os de poiffon, ou de nacre de perle : &de triples couronnes de paille, fervent à diftinguer les femmes de leurs Caciques ou petits «Princes, Ces Caciques jettent une peau de dains fur leurs épaules, mettent autour de leur ceinture, une autre pie-ce de la même peau, qui leur def-cend plus bas que les genoux: autour du col, ils ont des colliers de plumes colorées, de femblables plumes, ou des arrêtes de poiffon aux oreilles & au menton , qui font percés pour recevoir ces ornements. Les enfants font entièrement nuds ; Ils les enveloppent dans des peaux de s Européens, i'qà de tigre \ & leur donnent la mamelle « ■ ■-auflï-tot qu'ils font nés ; mais ils laR°CER*' \a A i • ^ « i i Chap. IV. leur otent bien tôt, & leur donnent a la place, de la viande demi-crue, An* I7cS' qu'ils leur font fuccer. A la mort d'un proche parent, ils fe coupent un doigt de la main droite, & quand if meurt une fille remarquable par fa beauté, ils en confervent le crâne pour boi. e dedans. Suivant ce qu'en rapporte le Pere coima-Sepp , ces peuples font fi ftupides , \\ pô™,'"" que fi l'on négligeoit un feul jour qu'en fait ira de les inftruire, ils oublieroient a faire le ligne de la croix, & il n'y a prefque aucun ouvrage que le Mif-fionnaire ne foit obligé de faire lui-même, ou au moins de faire faire fous fes yeux. Il faut que fes foins s'étendent même jufqu'à faler fa fou-pe, & nettoyer l'argenterie de l'E-glife ; enforte qu'il doit être Clerc, Cuifinier , Médecin , Architecte , Jardinier, Forgeron & Peintre. Cependant cette ftupidité ne s'accorde guère avec ce que dit le même Pere, du talent qu'ont ces peuples pour 1 imitation, puifque fi on l'en veut croire, ils font des montres', des inftraments, & d'autres ouvra- iyo Découvertes ——r—- ges de méchanique, après en avoir çrjap.iy* bien examiné la conltruclioh , & avec tant d'exactitude, qu'il eft pref-An. 1708. que impoffible de diftinguer la copie de l'original : il rapporte aufli qu'un de ces Indiens copia li exactement un Mifïel imprimé, que féparément on les prenoit l'un pour l'autre. Les principales maladies auxquelles ils Font fujets, font les fièvres pourprées, le flux de fang, & les vers ; ce qui en enlevé tous les ans un grand nombre. Les remèdes qu'on leur fait prendre contre les vers ,font un vomitif de feuilles de tabac & du lait nouveau avec du jus de limon , dans lequel on met infufer de la rue & de la mente. teurindo- Il font fi indolents, qu'il faut né-Itocc. ccîTairement les battre pour les faire travailler ; mais ils le fouffrent avec grande patience, remercient les Pères , & crient Jefits , Maria à chaque coup qu'ils leur donnent ; auflï peut-on les regarder comme de parfaits profélytes de l'obéi {Tance paflive. Ils font faiiïs d'admiration par le goût, l'élégance & la fplendeur des ornements qu'ils voyent dans les Eglifes, ce qui n'eft pas.étonnant, des Européens, ici d'autant que la plupart font déco-rées de très-belles peintures , de fta- ' tues, faites par de très-bons Mai- ,j£,i" très, de chandelliers & de calices Ani7-J-d'argent maflîf, de cloches harmo-nieufes , & d'orgues, que les gens du pays accompagnent de divers inftru-tnentS, auxquels ils joignent leurs voix. C'eft à les rendre experte dans ces agréables talents, que les Pères employent leurs heures de diiîipa-tion dans les jardins les plus délicieux que l'imagination puiffe fe re-préfenter, & dans des Ifles dont la beauté furpafle tout ce que les Poètes nous ont rapporté de celle de Calypfo : Ifles que la nature parfume continuellement des odeurs les plus douces, & que le laurier, le palmier, le limon & le citron , couvrent d'une éternelle verdure, &em-bâ ument de fleurs immortelles. Lorfque le Pere Sepp, Jéfuite Al- t Re'cfprîmi Jemand, duquel nous tirons cette d'unMiffiwi. j r' • • j - j- t Mire delcnptjon ,deicendit avec quelques autres Pères de la même Société , à, Japegtl, diftricléloigné environ d'une journée de Buenos-Ayres, ils furent reçus au fon mélodieux d'un concert charmant, & on leur fervit G iv iya Découvertes ■■ pour rafraîchiffements , une grande kCo»*lVV variété de fruits, & de diverses for-tes de confitures. La rivière étoit a». 1708, COUverte de barques pleines d'Indiens, avec des armes à feu & des trompettes : ils formèrent une ef-pece de combat naval , & procurèrent aux Pères différents divertiffe-ments, par leurs luttes, leurs danfes, tk par d'autres jeux innocents, où ils firent paroître toute leur activité. Le Supérieur tk le Procureur parurent bien-tôt à quelque diftance, chacun à la tête d'une troupe de Cavalerie Indienne, & de plufieurs Compagnies d Infanterie, armés de cimeterres , de frondes, d'arcs & de flèches , habillés à l'Efpagnole , & ils firent toutes les évolutions tk les exercices militaires, avec la plus grande régularité. Du rivage, les Pères furent conduits par des milliers d'Indiens qui pouflbient des cris de joie : on les fit paner fous un arc d? triomphe de verdure, élevé pour les recev >ir , Se ils entterent dans l'E^life , oy is virent plufieurs femmes du pays, tellement attentives à leur? acles de dévotion , qu'à peine détournoient- des Européens t53 elles les yeux pour voir arriver les--. nouveaux Jéfuites. Quand on eutv\**> fini le lervice, le Chef des Indiens, ,ap ' fes félicita de leur arrivée, par une An-I7«8' harangue courte, mais emphatique, & il fut fuivi d'une Indienne, qui joi-gnoit l'élégance de l'exprelfion , aux grâces de la déclamation. Le lendemain fut employé en divertiffements: le foir, ils virent une dan fe de jeunes garçons , qui figuroient avec des piques & des lances -, elle fut fuivie d'une autre, de Maîtres en fait d'armes, d'une farabande de fix Matelots , d'un tournois de fix jeunes gens à cheval, & la place fut illuminée avec des cornes de bœuf enchaffées en argent & remplies de fuif, parce qu'ils n'ont ni huile ni cire. Les vignes viennent très - bien Pr^uf5^ des . , au payj, ans ce terroir, & lans la quantité prodig.eufe de fourmis qui dépouillent les grappes de leur fruit , le vin y feroit en abondance. En général il y eft très-bon , mais il aigrit promp-tement , à moins qu'on ne le prépare avec beaucoup de chaux , & il y coûte quelquefois vingt ou trente-écus la barique. La terre eft très-fertile , le bled de Turquie eft le feul Gv 25*4 Découvertes grain qu'ils cultivent: après la reV coite , ils le portent dans les greniers des Millionnaires , qui le diftribuent ,7o8« au peuple à mefure qu'il en a befoin ^ ks Indiens le pilent dans des mortiers, taute de moulins, & en font des efpeces de gâteaux qu'ils cuifent lur les charbons, ou i.'s le font bouillir avec leurs autres mets. Les Pères ont cependant quelques arpents de terrein où l'on feme du froment, mais ils le gardent avec tant de loin, que fi les Naturels en veulent avoir, il faut qu'ils donnent deux ou trois chevaux pour un pain. Les Jéfuites recherchent peu ces échanges, puit qu'ils font les maîtres ablolus de tout; ils attachent à eux les jeunes habitants, en les appellant mon fils ou ma fille , & aflïgnent à chaque famille, fa portion déterre, & la quantité de bœufs & de vaches qu'elle doit polTéder , quoiqu'il y ait des troupeaux nombreux des mêmes animaux, fans aucun maître. Depuis Buenos - Ayres iufqu à Ccrduba » dans le Royaume de Tucuman, on trouve une plaine continuelle de deux cents milles de long , fans aucun arbre & (ans cabanes : le patu- des Européens, i$ï rage y eft excellent & rempli de gros-• bétail; chacun eft libre de pafTer R ° ° \Vr une corde aux cornes des betes qfli lui conviennent, & de fe les appro- Att- ÏJo8w prier , fans aucune contradiction. On en tue fouvent, pour en avoir la langue , ou la peau, ou le fuif, & les corps deviennent la proie des tigres & des aigles , qui enlèvent quelquefois de jeunes veaux jufques dans les villes. On peut avoir un beau bœuf pour deux ou trois aiguilles, ou pour un couteau ;un cheval, pour des bagatelles qui ne valent pas un écu , & quelquefois des habitants ont donné jufqu'à vingt chevaux, pour des ha -meçoiis, des aiguilles, des clous» & des couteaux, dont le tout ensemble n'avoit pas coûté fix francs er* Europe. Les bois font remplis de pêchers,; d'amandiers, de figuiers , & de pref-que toutes les autres elpeces de fruits. On y trouve aufli en abondance des: cerfs , des fangliers, des chèvres, & une fï prodigieufe quantité de perdrix & de pigeons fauvages, qu'on* peut faire une chafle très-ample fan* autre arme qu'un baron. Leur miel ai «ies vertus médicinales, & ils s'enfôffr i$6 Découvertes ——— vent dans la falade , au lieu d'huile Rcï»aViV. ' ^ ^e vmaigre« E11 1 $9* > 'argent y étoit à plus bas prix que Je 1er: un An. 1708. Couteau de quatre fols , y étoit vendu un écu; pour un mords de bride on avoit trois chevaux; un chapeau de cinquante fols (e payoit douze écus, tk un fufil qui pouvoit valoir quinze francs en Europe, y fut vendu trente écus. Le vaifleau qui y conduifit le Pere Sepp tk quelques autres Millionnaires , rapporta en Efpagne trente mille peaux de bœuf, dont la moindre valoit fix écus en Europe , & qui n'avoient coûté que la peine de chafler &de tuer ces animaux. Les tigres padent quelques-fois par-defTus leurs enclos , tk leur caufent beaucoup de dommage ; mais fi l'on en veut croire les MiflionnaiT-res, ils ont tant de refpect pour le Clergé, que jamais ils ne lui font au* cun mal. (Sans recourir au miracle, on peut croire qu'ils font en général mieux enclos que les Indiens). Ces tigres s'attachent- à la première jointure du col des bœufs ou des vache» qu'ils déchirent en pièces : ils per* cent la téte des veaux, en la rongeant peu à peu, pour leur fuccerei*. fuite tout le (àng. r> e s Européens, i 5*7 Les coqs, les poules, les cochons, les chèvres & les brebis y multi- VwAr? plient exceflivement, & l'on y fait beaucoup d'eftime des mulets. Les An" I7CÔ* rivières y fourmillent de poifïons délicieux que les Indiens pèchent avec des clous recourbés & quelquefois avec leurs mains , faure de hameçons, qui y font tort chers. Les Millionnaires enfeignent à lire &à écrire aux jeunes gens des deux fe-xes , & lis y deviennent bien tôt experts , ainh qu'à plufieurs autres occupations également utiles. L'habil- . lement des Jéfuites confifte en une foutane de toile noire, un bonnet quarré, des fouliers de cuir fans ta^ Ions, & des bas de peau de brebis teinte en noir. * Iy8 Découverte» CHAPITRE V. Le Capitaine Rogers arrive à l'ifle de Juan Fernande^ ; Hifloire d'Alexandre elkirk ; Dejcription du fer™ roir & des productions de cette Ifle. PE ut-etre avons nous abufé delà patience de nos Lecteurs, ciup v. par une trop longue defcription de Roncrs arri- la Plata & de la rivière des Amazo-vcà nfle de nes & [\ gH terrips que nous reve-dcz. nions aux vaifleaux de rvogers, que nous avons Iaifiés à la voile pour An. x7o9. ™e de Juan Fernandez. Us la reconnurent le 3 r de Janvier 1705? ; I9 lenderaairî, le Capitaine Dover & l'équipage de la chaloupe, fe mirent dans une Pinafle pour aller à terre, mais ils changèrent de deflein à la vue d'un grand feu qu'ils apper-çurent dans l'ifl'e, & craignirent que des ennemis ne s'en fuflent rendus maîtres. Ils revinrent à bord très-fatigués , affez avant dans la nuit. ti prouve Le 2 de Février, les vaiffeaux ap-*"i y"c'oitProcnerenc du rivage, mais il en leâc. ' venoit des coups de vent fi forts â& ces Européens, ko fi fréquents, qu'ils furent obligés de ■ ferler les voiles de perroquet, & de^^^.V.* les (errer contre les mars, crainte qu'elles ne fuflent emportées. Voyant An-1?°9* que la côte étoit dégagée, & qu'il n'y avoit aucun vaifleau dans la baie, le Capitaine Dover & M. Frye, avec fix hommes armés, fe hafarderent à gagner la terre dans la gabarre , 8c comme ils ne revinrent pas promp-tement, ils furent fuivis de la pi-nalfe, avec des troupes en bon ordre. L'une & l'autre revinrent le foir aux vaifléaux , où elles amenèrent: un homme habillé de peaux de chèvres , qui leur fembla plus fauvagc que les chèvres mêmes. Il parut très-fatis ait de fe trouver avec eux;: mais il ne pouvoit d'abord parler nettement, & difoit feulement quelques mots Anglois, prefque fans aucune liaifon. Cependant en deux ou trois jours, il commença à mieux parler , & leur fit connoître que fon iilence avoit été involontaire, parce qu'ayant éré quatre années & autant de mois dans cette Ifle, fans aucune créature humaine, avec qui il pût converfer, il avoit oublié la langue» Pendant tout ce temps „ il n'avoir 16*0 Découvertes * ■« ■ bû. que de l'eau, & n'avoir. mang£ ejs> que les nourritures inlipides qu'il avoit pû trouver; auflï fut-il quel-As 1709. qUe temps- avant de s'accoutumer aux vivres & à la boifïon du \a\C-feau. SonHiûoire. Cet homme étoit de Largo, datif le Comté de Fife en Ecoffe; il fe nommoit Alexandre Selkirk, & le Capitaine Dampier, qui le connoif-foit très bien , ayant afluré qu'il étoit habile marin , on lui donna una place de contre Maître à bord du Duc. Il avoit appartenu à un vaif-feau nommé les cinq Pons, commandé par Stradling ,qui, fur quelque différent , l'avoit mis à terre dans cette Ifle, où ils avoient abordé pour faire du bois &de l'eau, eq lui laiflant un briquet, une livre de poudre , des balles , un couteau-, une hache, un chaudron, quelques inftruments de Mathématiques, une bible & deux ou trois autres livres d'ufage , avec une petite quantité de tabac, un lit, & quelques autres uf-tenciles. D'abord la terreur & la fo-Jitude de cet endroit, affectèrent profondément fesefprits , mais il s'y accoutuma avec le temps , & furmonta. !>e s Européens, \C\' la mélancolie. Il avoit élevé deux t huttes, dont une lui fervoit de cui-Rc° ^ kjs » hne , & l'autre, de falle à manger & de chambre à coucher. Il les conf- liQ* truifit en bois de piment, qui lui fo.irnifloit en même-temps du feu & de la lumière , d'autant que ce bois fait une flamme très-claire, & répand une odeur agréable. Il les couvrit de longues herbes ou de jonc , Si les tapilla de peaux de chèvres, ayant tué près de cinq cents de ces animaux , Se en ayant pris à peu près le même nombre , qu'il avoit marqués aux oreilles Si remis en liberté. Quand fes munitions furent épui- Eiiccftiro* fées, il s'exerça à les pourfuivre $rfginc*u«i* r > -i • in i • mai ae Ko- la courle, U il acquit tant a nain-b nfjn Uv t ide à cet exercice, que la chèvre^, la plus vive de fille, nepouvoit lui échapper. Le Capitaine Rogers dit que pendant le féjour que les Anglois y firent, M. Selkirk alla fouvent à la chaffe avec des chiens ; mais qu'il les furp.ifloit toujours, & les raraenoit épuifés de fatigue. Dans les commencements , il mangeoit avec quelque dégoût, faute de fel, de la chèvre bouillie & des écre-vifles de rivière; mais peu-à-peu ^ K o g e r s , Chap. V. I62 DÉCOUVERTES fon goût s'y accoutuma, & il prît plaifir à l'affaifonnement du piment, qui reiTemble beaucoup au poivre Au 1709. no]r fe la Jamaïque. Quand fes habits furent ufés, il fe couvrit de peaux de chèvres jointes enfemble , par des couroies , qu'il avoit taillées avec fon couteau , & pour les paiTer, il avoit fait des trous avec un clou, faute d'aiguille. Il avoit une pièce de toille , dont il s etoit fait des ef-peces de chemifes qu'il avoit coufues de même, & qu'il portoit fur la peau. Il n'avoit fait ufage de fouliers, que le premier mois ; & fes pieds toujours nuds, s'étoient tellement endurcis, qu'il fut quelque temps'à bord , fans pouvoir mettre de chauf-fure, parce que fes pieds enfloient aufli-tôt qu'ils étoient gênés. Les . rats l'incommodèrent beaucoup dans les commencements, & étoient fi hardis , qu'ils venoient lui mordre les pieds & ronger fes habits pendant qu'il dormoit ; mais il réunît bien-tôt à les écarter avec le fecours de quelques chats, que les vaiffeaux avoient laifles à bord. Ces animaux & quelques petits chevreaux, lui formèrent un amufement : il danfoit des Européens. 163 Jes olivettes avec eux, & leur avoit—-— enfeigné cet exercice, ainfi qu a faire *£w"' plufieurs tours. Lorfque M. Selkirk ap" fut de retour en Angleterre, il donna An*17°9, fes Mémoires à Daniel Deloe, qui depuis à été pillorié, afin qu'il les rédigeât pour les rendre publics : mais cet honnête Ecrivain fe les eft appropriés, & en a compofé le Roman de Robinfon Crufoé; & quand il a rendu les papiers de M. Selkirk, ce Voyageur a été prefque totalement privé, par cette tromperie, du bénéfice qu'il en auroit dû retirer. Le* climat de l'ifle de Juan Fer- rempé:?ta-nandez eft fi favorable, que Jes ar- pel^J.ua" bres y demeurent verds pendant ton- w"*an te l'année. L'hiver ne "dure que pendant les mois de Juin & de Juillet, & il n'y eft jamais fort rude : on y relient feulement quelques gelées 1er gères , fuivies d'un peu de grêle ; mais il y a fouvent des pluies abondantes. En été la chaleur eft également modérée : on n'y entend jamais de tonneres violents , & l'on n'y éprouve aucune forte de temps orageux. M. Selkirk auquel les gens d'équipage donnoient le nom de "i 6*4 decouvertes ' Gouverneur, n'y a jamais vu de bêté Çhap V ' venimeu^e> "i d'auires animaux ter* reftres, que des chèvres. Les pre-An. 170p. mjeies y ont été apportées à delTein de les faire multiplier , par Juan Fernandez, Efpagnol, qui s'y établit quelque temps, avec plufïeurs familles; mais quand le continent du Chili, qui eft un pays excellent, fut fournis à la domination de l'Efpa-gne, les Colons de Juan Fernandez quittèrent cette Ifle, quoiqu'elle fût capable de nourrir un grand nombre d'habitants, & qu'on eût pû la rendre très-forte. La mer eft très-profonde dans la baie, & l'on peut conduire les vai£ féaux jufqu'aux'pied des rochers, s'il eft nécefïaire. Le vent y foufiïe toujours de terre, & il eft plus fort près du rivage, mais il n'y a jamais, ou prefque jamais de vents de mer, Le calme y règne toutes les nuits , & il y a feulement de temps en temps quelques raffales , ou bouffées de 'vent de terre. On trouve près des rochers , de très-bons poiftons, de différentes fortes, particulièrement de groffes écreviffesqu'on prend facile-• -rient, des cavallis, des tâtonneuia» des Européens, i6f & de plufieurs autres, prefque en m yuffi grande quantité , qu'on en voitKoolRS» a lerre-neuve dans le temps delà Uup'Y' meilleure pèche. 170^, Le piment eft le plus bel arbre de l'ifle, & celui dont on peut faire le plus d'ufage; mais il le fend aifé-ment quand il n'eft pas fec : on choi-iit les plus longs & les plus unis, pour le chauffage. Les arbres à choux, qui portent des têtes excellentes, font environ à trois milles dans les bois , fur les fommets des montagnes les plus proches & les plus baffes. On y trouva aufli une grande quantité de navets» très-bons dans la faifon chaude, 8c les fontaines fournilTent beancoup de creflbn, qui eft d'un grand fervice dans les maladies feorbutiques. Le fol eft une terre noire & lé- Q„aiite 4» gère ; les rochers font très-rompus ,t«icin. &: il faut y monter avec beaucoup de précaution .quand on va couper les têtes des arbres à choux. II y a aufli un grand nombre de trous, que font une efpece d'oifeaux, fembla-bles à des poulîins , & qui s'écroulent aifément, ce qui met en danger de fe brifer les os en tombant, M. 166 DkoïVERTts - Selkirk dit qu'il y avoit vu de la Rchah R S ' ne*3e ^ ^e *a S*ace au mois de Juin ; ap'v* mais les mois de Septembre, d'Oc-An.t7o9. tobre& de Novembre, qui forment le printemps, font très-agréables. Il y croît alors du perfll, du pourpier, & une herbe, qui vient au bord de l'eau, très-bonne pour faire des fomentations , & qui reflembleà la ma-tricaire. L'odeur en eft beaucoup plus forte & plus agréable que celle du baume: on Iaramafleen paquets, on la met fecher à l'ombre, & les Anglois en jonchèrent leurs tentes, ee quifervit à rétablir promptement les malades, dont il ne mourut que deux, de l'équipage de la Ducheffe. Prodigieux Au mo*s ^e Novembre, les veaux Quantité ^marins viennent à terre, pour met- lement couvert, à la diftance d'un jet de pierre de la mer, qu'il eft prefque impoflïble d'y paffer. Ils font alors fi hardis, qu'ils ne fe rangent pas du chemin , mais ils courent fur les hommes, comme des dogues en colère, quoiqu'ils les voyent armés d'un fort bâton , auflï eft-il très dangereux d'en approcher. Dans les autres temps, ils luyent à la vue des des Européens. 16*7 hommes, & s'ils ne le faifoient, il -feroit fouvent impollible d'appro-R OGER s» cher du rivage, où ils s étendent juf- Uup•v, qu'à un demi mille autour de la An'»7o«» baie, faifant un bruit continuel le jour & la nuit. Quelques-uns bêlent comme des agneaux, d'autres heur-lent comme des chiens ou des loups, & on les entend à plus d'un mille de diftance. Leur tourrureeft très belle, & beaucoup au-deilus de celle des loutres. Le lion marin eft un animal fort r>« lions extraordinaire&commun dans cettemannï' Ifle : fuivant le rapport de Selkirk, il y en a de vingt pieds de long , & qui pefent jufqu'à quatre milliers. On les ccor he comme les chiens de mer', mais ils ont la peau différente : leur tcte eft d'une grolTeur qui n'a pas de proporcion avec*le corps , la Douche, d'une largeur énorme , les yeux fixes & monftrueux, la face femblable à celle du lion, avec de grofles mouftaches, dont le poil eft fi dur , qu'on en peut faire des cure-dents. Ces animaux viennent fur le rivage, pour taire leurs petits vers la fin de Ju:n , 6c ils y demeurent jufqu'à la fin de Septembre. Pendant 158 Découvertes ■ tout ce temps, on ne remarque pas °hap! V. '4u'l*s ^tournent dans la mer ; mais ils reftentdans un même endroit du-la. 170p. rant ces trois mois, environ à une portée de moufquet de l'eau, & il paroît qu'ils ne prennent alors aucune nourriture. Us eft étonnant de voir la quantité d'huile que donnent les lions marins ; ils ont le poil court & dur, & la peau plus épailTe qu'aucun cuir de bœuf. Les feuls oifeaux terreftres qu'on voye dans l'ifle de Juan Fernandez, font une efpece de merles , dont l'ef-tomach eft rouge, & qui relTemblent alfez à ceux d'Europe : il y a aufli des bourdonnants, dont les couleurs variées font très-agréables & qui ne font gueresplus gros que des hannetons. La marée eft peu confïdérable dans cette Ifle, & allez incertaine: le flux du printemps monte environ à fep t pieds de hauteur. CHAPITRE des Européens. 169 CHAPITRE VI. Les Anglois mettent à la voile de l'ifle de Juan Fernande ^ , & font deux prijes ; Us touchent d Lohos de la. Mar \ Defcription de ces Ifles ; M, Vanbrugh occasionne de nouveaux troubles ; Les Anglois font plufieurs prijes ; Ils projettent une defeenté à Guiaquil ; ilsJurprennent la ville de Vuna ; Leur defj'ein fur Guiaquil eft découvert, LE 1 5 de Février, les principauxRo,. ER ~ Officiers des deux vaiffeaux, chaP. ni tinrent à bord de la Ducheffe t un Comité, dans lequel il fut réfolu de ' '. taire voue, vers les nies ae l.odos partent de de la Mar: on convint que le pre-Jt,3'> Fcr-imer bâtiment qui y arnveroit, lail-feroit des inftruétions à fon confors, fur la conduite qu'il falloir tenir, Se qu'on les enterreroit dans une bouteille de verre, à foixante pieds de diftance, de certains fignaux dont on convint. Le lendemain , ils levèrent l'ancre avec un bon vent de fud fud-eft, & M. Vanbrugh, le jour fui-Tome X H t-jo D i C O U V E R T ï s *...... vant , fut reçu dans fon premier VlG\r„s' pofte à bord duî)uc. Le 4 de Mars, iChap. vi. r 1 A X u la portion deau de chaque nomme, An. 1705. fut réduite à trois chopines par jour, pour faire durer plus long-temps leur provifion, parce qu'ils étoient réfolus de tenir la mer, dans l'efpé-jance de faire quelques bonnes pri-fes, foit de Lima, foit de quelque autre port. Leur attente ne fut pas trompée : le 16 de Mars, ils découvrirent une barque, & elle fut prife par la Duchefle, qui fe trouva le plus a portée. Us prennent Ce bâtiment, d'environ feize ton- E(pagn0îrneaux» étoit de Payta, &alloit à Cheripe , avec une petite fomme d'argent pour acheter des farines. Le Maître fenommoit Antoine He-liagos, Créole né d'une Indienne & d'un Efpagnol. L'équipage étoit compoféde huit hommes; un Efpagnol , un Nègre & fix Indiens. Les Anglois apprirent d'eux , que depuis fix mois, aucun vailfeau François n'avoit paru dans ces mers ,. & que les gens de cette Nation, étoient il haïs à Lima, qu'un François étoit prefque sûr de perdre la vie s'il pa-roiffoit dans les rues de cette ville. des Européens. 171 Quand ils eurent mis des Matelots ■ Anglois fur la prife, ils lerrerent levî.* vent pour gagner Lobos , en la tenant toujours à la portée du canon , Aa' 17'>,, mais s'ils n'avoient été inftruits par les gens de cette barque , leurs vaiffeaux auroient été en danger par les bas-fonds, qui font entre cette Ifle & le continent. Les Prifonn'ers leur dirent que depuis le Capitaine Dampier, qui avoit été dans ces parages quatre ans avant, il n'y avoit paru aucun ennemi. Us leur apprirent aufli que le vailfeau nommé les cinq Ports , commandé par le Capitaine Strad-ling , Confort de Dampier, avoit coulé à fond fur la côte de Barba-cour ; que le Capitaine s'étoit fauve avec fîx ou fept de fes gens ; mais qu'il avoit été pris dans fa chaloupe, & que depuis ce temps on les gar-doit à Lima, où ils fouffroieut beaucoup plus que n'avoit fait Selkirk dans l'ifle de Juan Fernandez, où ils l'avoient abandonné. Le 17 de Mats, ils jetterent l'an- nsabordent cre entre les deux ifles de Lobos de \If^0§^^ la Mar, avec leur prife; le lende-' main, ils réfolurent de l'armer en 172 Découvertes ■ Câpre, fous les ordre de M. Strat- *VieEî4* ton, & la nommèrent le Commen- Ciiao. VI. 1 ... cernent. Le 20 , ils la mirent en mer, Au. 170p. gpr£s l'avoir montée de trente-deux hommes , & l'avoir munie de provifîons : le 26, |a DuchefTe amena une nouvelle prife , faite conjointement avec le Câpre ; elle étoit du port de cinquante tonneaux, & chargée de bois, de quelques cocos & de tabac, qui fut diftribuç entre les équipages du Duc & de la DucheiTei Le 30, après avoir nettoyé & radoubé la dernière prife, ils la nommèrent l'A-çroiffement, y mirent tous les malades des deux vaiffeaux, fous les or-, dres de M, Selkirk, en qualité de Capitaine, avec un Médecin pour en prendre foin, ffcruription kes deux grandes Ifles, nommées ekccsitfcs. Lobos de* la Mar , pour les distinguer de celles qu'on nomme Lobos de la Terra, font environ a foixante lieues du continent, & oqt lïx milles de longueur. Il y a une autre petite Ifle près de la plus orientale, au-deffus du vent, qui n'a qu'un mil-j le de long, avec plufieurs rochers &c brifans près du rivage. Le terroir eft une efpece de craie feche, blanche, % BIS EuROfÉÏNS, I75 mêlée de fables & de rochers. Il n'y « a dans ces Ifles, ni eau fraîche, nï*£w-VL aucune efpece de verdure, mais un grand nombre de vautours ou d'au- An' très oifeaux carnaciers, qui relTern-blent fi bien aux dindons,qu'un des Officiers fe blefïa par trop de précipitation à la vue d'une troupe de ces animaux, dont il croyoit faire un bon repas. Il eut tant d'empreffe-ment pour en tirer, qu'il ne voulut pas attendre que la chaloupe eût abordé le rivage; il fauta dans l'eau , ion fufil à la main , s'approcha allez pour en tirer quelques-uns à la volée ; mais quand il voulut relever fon gibier, il le trouva d'une puanteur infupportable, ce qui fit beaucoup lire le refte des équipages. Outre ces oifeaux, il y a des pen- oifeaux du. guins, des pélicans, des boubis,pays' des mouettes, & d'autres, qui ref-femblentà desfarcelles, & font leurs nids en terre dans des trous. Les Matelots en prirent beaucoup , & quand ils les eurent écorchés, ils affurerent qu'ils étoient très-bons à manger. Us trouvèrent une grande quantité de joncs & de jarres vuides, que les Pêcheurs Efpagnols avoient laifles fur H iij 174 Découvertes — 1 le rivage , parce que fur toute cette ^chap.vi.' c°te ' ^e ^ervent de jarres au lieu de barils, pour mettre l'huile, le An-i7°$- v]nj & tous les autres liquides. Il y a une grande quantité de veaux & de lions marins : les veaux font beaucoup plus gros que ceux de Juan Fernandez, mais la peau n'en eft pas fi fine : ils en tuèrent plufieurs, dans l'intention d'en manger le foie : mais un F fpagnol qui faifoit partie de l'équipage, mourut fubi'ement après en avoir mangé, ce qui fit défendre cette efpece de nourriture: lesPrifonniers alfurerent aufli que la chair des vieux étoit fort mal faine. Le vent de terre foufflant très-fort, apporta une puanteur infup-portable, venant des chiens marins qui étoient fur le rivage : le Capitaine Rogers en eut un violent mal de téte, & il n'y eut perfonne qui n'en fût incommodé. On n'avoit rien fenti de femblable à Juan Fernandez. Us fe de- Les Prifonniers leur dirent que la ctoTftr™1 la veuve du dernier Viceroi du Pérou, hauteur dedevoit s'embarquer dans peu, pour ra7*a* Aquapulço, avec'fa famille & toutes des Européens, i fes richeffes : qu'elle s'arrèceroit à-- Payta pour fe rafraîchir, on qu'elle Rc°*a*J; palîeroit à la vue de ce port, dans ,ap un vailîeau de Roi de trente-fix ca- ^ ,''0*• nons, fuivant l'ufage ordinaire. Us ajoaterent qu'environ huit mois avant, un vailfeau chargé de deux cents mille pièces de huit, avec beau* coup de liqueurs & de farines, avoit paflé par Payta, pour aller à Aqua-pulco , qu'il avoit laiffé dans lo même port, un Négociant, nommé M. Morel, avec un gros vailfeau chargé de marchandifes de prix , pour Lima : qu'il s'étoit arrêté à Payta , où l'on attendoit dans peu de jours , un vaifleau de conftruction Françoife , appartenant aux Efpa-gnols, qui venoit de Panama richement chargé, avec un Evêque à bord, Payta eft le port de rafraîchiffement où s'arrêtent ordinairement tous les vaiffeaux qui vont à Lima , ou qui en reviennent, de même que ceux des autres ports, au-deffus du vent, foit qu'ils aillent à Panama, ou à quelque autre partie de la côte du Mexique. Sur ces avis, les Anglois convinrent de croifer le plus longtemps quil leur feroit poffible, à la 'ij6 Découvertes " hauteur de Payta, fans fe découvrir, \haGpRvjk'pour-que ce*a ne aUGUn tort a leurs autres projets, un. i7o9. _lc j d'Avril, la mer leur parut Us font deux couleur de lang, &.ils jugèrent que cela venoit de la multitude d'ceufs de poiiTons dont elle étoit couverte. Le 2 , le Lieutenant Frye fut envoyé dans la pinaffe , à la pourfuite d'un bâtiment qu'ils avoient découvert : il s'en rendit bien-tôt le maître , & l'on trouva que c étoit le vaif-feau dont nous avons parlé, commandé par M. Morel , & par fon frère. Il étoit du port de cinq cents tonneaux, & outre la cargaison, il avoit à bord cinquante Nègres & plufieurs Paffagers, qui alloient de Panama à Lima, avec beaucoup de provifîons fraîches. Le commandement de ce vailfeau fut donné à M. Frye, & 1^ lendemain , le Commencement fit une prife du port de trente-cinq tonneaux , allant de Guiaquil à Chançay. Us apprirent par l'équipage' de ce bâtiment, que l'Evcque dont nous avons déjà parlé, étoit toujours à Payta , & qu'il pafferoit dans peu, par .l'endroit où ils étoient, pour fe rendre à Lima, Sur cette in- des Européens. 177 formation , les Corfaires firent tou- —— tes les difpofitions poflibles pour ao R c E,V ' • 1 \ c \ Chap. VI., courcirie voyage de fa grandeur. ( Le 7 d'Avril, M. Vanbrugh con- An- "?c»' tinuant à tenir une conduite peucon-venable, & cherchant toujours quelque fujet de difpute, fut dépouillé de fon polie dans un Confeil de tous les Officiers des deux vaiffeaux , qui le déclarèrent mutin , & indigne de remplir aucune place de confiance. Le 12 , on réfolut unanimement d'attaquer Guiaquil, & l'on fit de fages règlements, pour que les hommes fuffent contents en ce qui côncernoit le pillage , & aufli pour empêcher toute mutinerie. Le 1 y d'Avril, on apperçut le lU msa, vailfeau conftruit à la Françoife, qmm de r i-, • If- \ __n rend te un qu on attendoit depuis II long-temps ; 3^.^. il fut attaqué par la chaloupe & la pinaffe, mais il les repouffa après leur avoir tué deux hommes, dont un étoit le frère du Capitaine Rogers , qui fut frappé d'un coup à la tête. Cependant le bâtiment fe rendit bien-tôt après à la Ducheffe. II y avoit à bord cinq cents Efpagnols & cent Mulâtres, Nègres , & Indiens ; mais dix jours avant, il avoit Iï v ijS Découvertes ———— débarqué l'Evêque avec toutes Ces-Roc ai, richelTes, à la pointe de Sainte He- Ci:ap. Vit , r lene. An. 1709. Le 17, tous les hommes deftinés Dif ofitioiispour la defcente projettée à Guia-ïrendre1" » au nombre de deux cents un, Guiaquil. furent mis fur les barques, chacun ayant un billet, pour lui faire con-noître à quelle Compagnie il appar-tenoit, & quel devoit être fon pofte particulier. On jugea cette précaution abfolument néceflTaire , pour qu'aucun d'eux ne s'écartât. On étoit convenu que le commandement feroit partagé entre le Capitaine î)o-ver, le Capitaine Rogers & le Capitaine Courtney : que le Capitaine Dover auroit la tête au débarquement, tant parce qu'il avoit un fort intérêt dans les vailfeaux confors, que parce qu'il avoit reçu d'excellentes qualités de la nature, perfectionnées par l'expérience. Comme il y avoit trois cents Prifonniers, on les mit aux fers à bord du Duc & des autres vailfeaux, pour les intimider, d'autant qu'il n'y avoit gueres plus du tiers de ce nombre pour les garder. Le Capitaine Frye & le Capitaine Cooke, auxquels on confia le des Européen s. 170 foin du Duc & de la DuchelTe, eu--- rent ordre de s éloigner en mer, pen-R ? GE*S ' A • 1 • 1 >-i Chap. VI. aant vingt-huit heures, pour qu ils ne fuifent pas découverts par les en- An' '70?* nemis, & enfuite d'aller attendre l'événement de l'expédition à Punta- de-Arena. Le Capitaine Rogers &c fes barques y jetterent l'ancre avec le Capitaine Courtney , vers dix heures du foir; enfuite ils fe mirent dans leurs chaloupes avec quarante hommes, pour gagner Puna , ifle couverte de marais & de mangles. Le foir du 10, ils approchèrent ifcfwpie»; de la ville de Puna, où ils efpéro:ent ncRt fiuw' trouver un couvert , & pour éviter d'être reconnus, ils fe difpoferent de façon qu'on les auroit pris pour des bois flottants fur la furface de l'eau. Le 20, au point du jour, ils s'approchèrent de la ville , en s'aflurant de tous les canots : l'allarme y fut répandue par un Indien qui s'échappa; mais malgré ce contretemps, ils fe rendirent maîtres du Lieutenant qui y commandoit , & d'environ vingt perfonnes, qui les affurerenc qu'à Guiaquil, on n'avoit aucune idée de leur voifinage , d'autant que ceux qui avoient pris la fuite d© Hvj i8o Découvertes , • Puna, s étoient retirés dans les bois, ^chao vl*^* couvèrent dans cette ville, un papier envoyé de Lima , dont ils An,,7°* jugèrent qu'on avoit diltribué des copies fur toute la côte. On y donnoit avis que le Capitaine Dampier étoit dans ces mers, mais ils penfe-rent avec joie , qu'ils pourroient exécuter tous leurs delleins , avant qu'il fût venu de Lima, des forces fuffi-fantes pour leur oppofer. Le 20, vers deux heures après midi, le Capitaine Rogers lailfa le Capitaine Dampier & le Capitaine Courtney, à Puna , & alla lui même chercher les barques, étonné de ne les pas voir arriver, d'autant qu'elles étoient en arrière d'une maiée & demie. Il emmena avec lui le Lieutenant Gouverneur de Puna , & s'a-* vança avec la grande chaloupe & la P nalfe, dar.s le deflein de rejoindre enfuite les mêmes Capitaines, qui demeurèrent toute la nuit fur la rivière, pour empêcher s'ils étoient découverts , qu'on ne portât quelques avis à Guiaquil. Il trouva les barques vers quatre heures, à quatre lieues au-deflbus de Puna. Il pa-roît que ceux qui les montoient> des Européens. 181 avoient été trompés par l'erreur du -Pilote de celle de la Duchefle, quiB-ocERs. ne connoiiTolt pas aufli bien le pays chap,v * qu'ils le croyoient , ou qu'il le I70>» croyoit lui-même. Le meilleur Pilote étoit dans la barque du Capitaine Rogers , & les autres n étoient pas affez habiles pour fe pouvoir conduire comme il auroit été nécef-faire, dans une conjoncture aufli critique. Cependant Rogers en avoit fait fouetter un à Puna, en préfence de tous les autres, pour s être enivré dans cette ville , & cet exemple néceffaire, fit l'effet qu'il en atten-doit fur le reffe. Lorfque la marée fut au plus bas, rfsrenfoos il n'y avoit pas une demi-heure queJ*;"tU "VLC" le Capitaine Rogers étoit à bord ; il n'eut que le temps d'embarquer le Capitaine Dover &une partie de fes gens, dans la grande chaloupe, & autant qu'il en put tenir dans la Pinaffe, afin d'aller au devant des barques, en remontant la rivière. Ils ramèrent jufqu'à minuit, & jugeant alors que la marée étoit à fa plus grande hauteur, ils jetterent un gra-pin. Le vent étoit très-fort, la nuit très obfcure, la mer agitée, & la 182 Découvertes i > barque trop chargée d'hommes. Ro- RchapEviS* Sers dit qu'il auroit préféré d'effrayer une tempête en pleine mer; mais par jrA% 1709. rapp0rt à la grandeur de l'entrepri- fe, il ne trouvoit aucune fatigue trop forte. Au point du jour , ils virent une barque au-deflus d'eux , jugèrent qu'elle étoit étrangère, & envoyèrent leur pinafle pour s'en emparer. A huit heures du matin, ils l'atteignirent, & reconnurent que c'étoit leur propre barque , que l'ignorant Pilote avoit fait monter fi haut, pendant la marée précédente. Ils n'avoient pas trouvé la barque de la Ducheffe, depuis qu'ils l'avoient quittée la même nuit. Vers dix heures, ils joignirent le Capitaine Courtney, & le Capitaine Dampier, qui lesaf* furerent qu'ils s'étoient tenus bien à couvert, & que rien n'avoit pafféfur la rivière. Vers midi, ils eurent la haute mer, ils demeurèrent fous des mangles pendant tout le temps du reflux, avec leurs chaloupes. Us étoient alors à peu près à moitié chemin de Guiaquil à Puna , & auroient pu aller beauc >„p plus loin : mais comme il y avj*t dans le même canton a des Européens. 185 une ferme d'où l'on auroit pû les découvrir, & porter l'allarme à IaR°GE5Ts* ville , ils ne voulurent point avancer avant la nuit. An*17°9- Le 22 d'Avril, il fît une chaleur îhf»r.td£i excelîive , & ils furent très-incom^0""""5* modes de coufins, tant qu'ils demeurèrent fous les mangles. A fix heures du foir, les barques & les chaloupes recommencèrent à monter la rivière. Vers minuit, ils arrivèrent a la vue de la ville, avec tous leurs bâtiments, dans lefquels il y avoit cent dix hommes. Ils virent un grand feu fur le fornmet d'une hauteur voifine, & beaucoup de lumières dans la ville. A une heure du matin , ils furent devant la place , & en état de faire leur defcente ; mais ils la retardèrent, parce qu'ils virent qu'on multiplioit les lumières, non-feulement fur la hauteur, mais aufli dans la ville & aux environs. Us demanderentaux Pilotes Indiens ; s'il y avoit ce jour quelque fête de Saint, ou quelque autre caufe qui occaflonnât toutes ces lumières, & ils répondirent qu'il y avoit tout lieu de croire que c'éroit une allarme. La nuit étoit toujours très-obfcure, & 1S4 Découvertes - pendant qu ils continuoient à fuivre RchaVviS.' le rivaSe »ils entendirent un Efpa-gnol qui crioit que Puna étoit pris , An i7op. ^ qUe jes ennemis étoient fur la rivière. Fis furent alors convaincus que c'étoit une allarme; peu de temps après-, onv commença à fonner les cloches , ils entendirent un grand bruit de voix , qui fut fuivi d'une décharge de moufqueterie, & de deux pièces de canon. Il fe pafïa environ une heure à difputer entre les trois Capitaines Dover , Courtney& Ro-geis , lï l'on feroit le débarquement. On con'ulta les Lieutenants dans toutes les barques, mais ils furent tous de différents avis, & il n'y ea eut que très-peu qui penfahVnt qu'on dût débarquer pendant la nuit. iu s'cioî- -A deux heures du matin, la ma-ncnt de la rée couroit avec tant de force, que la grande chaloupe & la gabarre ne purent gagner la terre avec leurs rames , enforte que le Capitaine Rogers jugeant qu'il feroit trop tard pour l'attaque, fut d'avis de defcendre la rivière pour fe mettre hors de vue , de regagner leurs barques & de faire la defcente pendant la marée du matin. Alors toutes les çhaiou- des Européens. i8j* pes fe laiflerent entraîner par le re- -flux, environ une lieue au defîous de fâSMu ' la ville, où elles demeurèrent jufqu'au point du jour. Us trouvèrent leur à"*1?0'' barque , commandée par M. Glen-dall, que le Pilote indien avoit conduite un mille au-dellus d'eux, & qu'ils avoient paffée pendant la nuit. Us gagnèrent cette barque, firent rafraîchir leurs gens le mieux qu'il leur fut pollible, & trouvèrent que l'eau étoit douce en cet endroit, ce qui leur fut très-favorable. La barque fut placée vis-â-vis d'un bois de grands arbres qui joint le rivage, ils donnèrent ordre à une file de fusiliers , de tenir toujours leurs armes prêtes , de faire feu tous enfem-ble , s'ils voyoient quelqu'un , & de tirer de temps en temps quelques-coups de côté & d'autre, pour prévenir les embufcades. Vers trois heures , la gabarre & la grande chaloupe les joignirent, ce qu'elles n'avoient pû faire avant que la marée eût perdu fa force. A dix heures, ils virent la barque de la Ducheffe , &le Capitaine Rogers donna ordre de lever l'ancre, pour tomber fur la ville, dont ils étoient éloignés de ï86" Découvertes ii i deux milles. Le Capitaine Dover Ou gers, s'y oppofa, demandant que tous les Officiers qui étoient prelents, fui. An; 1705. fent eonfultés, & qu'on fe mît dan$ une chaloupe à l'arriére de la barque, pour que les débats qu'il pour-roit y avoir, ne fuffent pas entendus des autres. En conféquence , ils-furent immédiatement affemblés , le Capitaine Dover infifta fur la difficulté d'attaquer un ennemi qui avoit reçu l'ail--.r me depuis fi long temps : qu'ils s'expoferoient inutilement eux & leurs gens, à perdre la vie , ou au moins à s'affaiblir tellement, qu'ils feroient hors d'état de rien entreprendre de quelque importance, pendant le refte du voyage-; que la ville paroiffoit grande, & par conféquent plus en état de réfifter à leurs attaques qu'ils n'étoient en état de les foutenr ; qu'il étoit vrai que les Espagnols de ce pays, n'étoient pas de grands guerriers; mais que s'ils ar-moient leurs Mulâtres, comme ils le fa.foient ordinairement en de fern-blables circonftances , le combat de-viendroit très-meurtrier. Il conclut que ce qu'il y avoit de mieux à faire, étoit d'envoyer un Trompette, pro- dis E vrcrvt eus. 187 pofer aux Ennemis , de faire des -—* échanges avec eux, pour les Nègres *JJ EvRi.S * & les autres marchandifes qui étoient P à bord de leurs prifes ; de demander AB' 17°9* qu'on eût, fans perdre dé temps , une entrevue , pour fixer le prix des Nègres & des autres effets, & qu'on délivrât des otages pour l'exécution des conventions dans un temps limité ; en promettant qu'à ces conditions, on ne feroit pas de débarquement. Le Capitaine Rogers s'oppofa aDiverfité Ate cette réfolution , par toutes les ta^^jjfî^c*^ fons qu'il pût imaginer: il iniifta furpiuinc*. la néceffité de faire immédiatement une defcente, crainte que les Ennemis , après avoir gagné du temps par leurs délais, ne détournaient leurs richefles, & ne fe fortifiaient de façon à ne plus rien craindre de toutes leurs entreprifes. La plus grande partiedes voixayant été pour le Capitaine Rogers, on réfolut encore une fois de faire la descente , & par honneur pour le Capitaine Dover , qui étoit intérefle dars l'équipement des vaiffeaux, il fur nommé pour conduire l'attaque ; & l'on convint que s'il prenoit la ville, il don?- i88 Découvertes "■ m neroit le mot cette nuit, d'autant Rchaf vi ' ^ue *e Capitaine Courtnay & le Capitaine Rogers dévoient le relever An. 17.09 chacurw à fon tour. Cependant cette réfolution n'eut pas fon effet, parce que le Capitaine Dover déclara au Capitaine Rogers, qu'il feroit réf. ponfable de tout le dommage que les InterrefTés dans l'armement pour-roient fouffrir de cette expédition mal concertée. Ces réflexions &l'in. différence que marquoient la plus grande partie des gens, jointe à la chaleur & aux divifîons qui paroif-foient entre les troupes , chacun prenant parti pour l'un ou l'autre des Capitaines, firent juger à Rogers que le fuccès étoit. très-douteux, & il penfa qu'il feroit plus à propos de fe rendre au fentiment du Capitaine Dover, & d'envoyer faire des pro-pofîtions aux Ennemis , par deux de leurs prifonniers. Les autres s'engagèrent pour eux , à promettre qu'ils feroient de retour dans une heure : on penfa que cettevoie étoit plus convenable que celle d'envoyer un Trompette , & il n'y eut perfonne qui n'en fut content. Dtfs Européens. i8f CHAPITRE VII. Suite des affaires de Guiaquil ; La Ville ejl rançonnée & évacuée,- COmformément à la réfolution 1 ■ que nous avons expofée dans le ^chanVit Chapitre précédent, le Capitaine de Ja prife de conftruction Françoife, n',70,, & le Lieutenant Gouverneur de Puna, 1,5 envo>'tfnt r ' ,y , , une diputa- turent mis a terre dans une chaloupe, tion à Guia-charges d'une commiflîon en bonne forme, & il leur fut enjoint de revenir exactement dans une heure. En même-temps, la barque remonta la rivière , & jetta l'ancre' vis-à-vis le milieu de la ville. Comme les Anglois remontoienr, ils virent quatre barques forties de la ville qui prenoient leur route en remontant aufli la rivière, & ils en-voyent à leur pourfuite, des chaloupes bien équipées & bien armées: mais les Ennemis fe rendirent aufli-tôt, & furent conduits à la barque. Cependant les Piifortniers revinrent 4elavdie, avec un Qffiçier JEfpa- ipo Dé couve* t'e s J gnol, qui les alTura qu'à Ton retour, eLp11 vil ' k Corrégidor, ou Gouverneur, avec un autre Gentilhomme , viendroit An. 170». p0ur traiter avec eux. Le corré- On remit cet Officier à terre, & |lur Sr Peu.de temPs *Pr&» Ie Corre'gidor avec les An-fortit avec le Gentilhomme : le Ca-fioxs. pitaine Dover & le Capitaine Rogers, les reçurent dans leur chaloupe , accompagnés d'un Interprète , & on les conduiht dans une des barques qu'on venoit de prendre. Le 22 d'Avril fe palTa entièrement à la prife de ces barques, & à traiter avec le Gouverneur. Plufïeurs des Prifonniers affurerent qu'ils ne doutoient pas d'avoir du crédit dans cette ville , jo. dirent aufli qu'ils vou-loient entrer en compofition, enfor-te qu'on commença à efpérer qu'on auroit plus de profit parla vente des cargaifons & des Nègres, qu'on n'en retireroit en rançonnant la ville. Le Corrégidor convint pour les marchandifes, à cent quarante pièces de huit par baie, les unes dans les autres, & traita aufli du prix des au-• très effets. Vers cinq heures après midi, il demanda qu'on le mît à terre, pour ©es Européinj, ipr ■«ngager les autres habitants à accé- —— Es Européens, ipy temps, que les Efpagnols avoient —.....» abandonné les deux vaiffeaux neufs, *S "B V.* oc ils s en emparèrent aulu-tot. Le Meffager étant retourné, une demi- An' l7**' heure après , vinrent trois autres habitants fur le rivage oppofé à la barque du Capitaine , & ils déployèrent un mouchoir blanc, pour marquer qu'ils vouloient parler. Ils dirent que la réfolution étoit prife, de donner trente-deux mille pièces de huit & rien de plus: alors les Anglois répondirent que le Traité étoit rompu ,& qu'ils fe retiraient au plutôt du rivage, s'ils ne vouloient pas expoièr leur vie. On ôta aufli - tôt de toutes parts les drapeaux blancs, & l'on remit cent», ceux de guerre. Le Capitaine Rogers , fit mettre deux pièces de canon dans la grande chaloupe^ dont chacune pefoit environ hx cents livres, montées fur des affûts, & l'on mit dans les trois autres, les hommes nécef* faires pour faire la defeente. Ilspaifa enfuite dans une des pinalfes, le Capitaine Courtney dans une autre, & le Capitaine Dover dans la grande chaloupe, avec environ foixante &c dix hommes dans les trois petites. Ils I iij îp8 Découvertes 1 firent aborder la grande: le troifie- ^Lp Vu 'me L^eutenant: demeura à bord de la barque, avec d x hommes pour faire A». 170p. tirer le canon fur la ville pendant la defcente, & les Efpagnois de leur côté , fe montrèrent en un nombre formidable, par comparaifon avec la petite armée des Anglois. itss'cmpa- Au(ll-tôt qu'ils furent defcendus, jeutdeiavii-chaque homme commença à tirer à genoux du rivage, ils : avancèrent en rechargeant, & crieront à leur barque, de ceffer de faire feu, crainte de blefler leurs propres hommes : ils continuèrent à charger & à tirer avec tant d'aétivité, que les Ennemis après avoir fait une feule décharge, fe retirèrent à leurs canons , où leur Cavalerie fe remit en bataille. Les Anglois gagnèrent les premières maifons , & comme ils entroient dans les rues, ils virent quatre pièces de canon , pointées contre eux, devant une grande Eglife ; mais aulîi-tôt qu'ils furent près de la Cavalerie , elle fe retira précipitamment. Ce mouvement encouragea le Capitaine Rogers à. animer fes gens, qui marchèrent au grand pas pour s'emparer . deffus delà ville beaucoup d'argent ruite, fur des radeaux & dans des maifons : alors- il détacha vingt Se un hommes» des Compagnies Angloifes--,. & les; 202 Découvertes - fît remonter la rivière dans une cha-î» loupe. Il auroit prélevé d'envoyer les deux pinèdes pour fe faifïr de ces ll0*' richeiies , d'autant qu'ils ne trou-voient rien , ou au moins très-peu de chofe dans la ville; mais les autres Capitaines reruferent d'y co fentir, crainte que les Ennemis ne les attaqua lient ie lendemain matm, en l'ab-fciice de leurs chaloupes & de leurs gens. Ro ^ers demanda qu'on envoyât celle de Courtney, p^rce qu'elle étoit la plus grande, ce qui fut accordé , & l'on mit dellus, les vingt & un hommes tirés des deux compagnies. Le matin, les Anglois commencèrent avec des crochets de lifes, pour chercher dans les tombeaux , les tréfors qu'ils croyoient qu'on y avoit mis ; mais Rogers ne voulut pas le permettre, parce qu'une maladie contagieufe avoit fait périr beaucoup de monde , dans cette ville, peu de temps avant. Ils ne trouvèrent dans Guiaquil, que deux hommes tués , & un Pri-ionnier bêlé à la tête; mais ils ap- ' prirent qu'il y en avoit eu quinze de tués ou bluffés, entre autres le premier Can mn er , qui étoit Irlandois. Du côté des Anglois , il y eut deux hummes bl. fiés. Le-24. d'Avril, les Anglois place-, tisprop-o* , T , /-i j font am ha- rent leurs drapeaux lur la tour dehitants,fe ra-rEglïfè, 5c Dover m >nfa la garde chrt«UïiU tout leiour, pendant que loyers & lc* Courtney firent traniporrer fur le rivage, tour ce qui pouvoir erre de quelque utilité. Ils envoyèrent le Lieutenant de Puna & un aurre Pri-fon ier. dans la campagne , pour: prupoferaux habitants de racheter Ivj £0£ D É g o. u v E R' T E S leur ville > tk ils en trouvèrent fit çhapfvu.' P*us Srande partie dans les bois, environ à une lieue de diftance. Les Aa'1709 Pnfonniers revinrent le foir avec une ïéponfe ambiguë, mais ils demandèrent qu'on leur permît de retourner le lendemain matin , dans l'efpéran-ce d'empêcher l'incendie total de la: ville.. Modération Vers dix heures du foir, la cha-àa Anglois loupe qu'on avoit envoyée remonter envers les . • • • \ 1 r femmes, la rivière, revint après une abience d'environ vingt-quatre heures. Elle avoit remonté l'efpace de fept lieues, & feize hommes étoient defeendus à hx endroits différents , pendant qu'il en étoit. refté cinq à la garde de la chaloupe-, avec une carabine rayée pour leur défenfe. Les feize s'étant féparés , quatre étoient entrés fî avant dans les bois, pour y chercher les richelTes qui faifoient l'objet de leur courfe , qu'après, trois heures de recherche, ils. n'avoient pu retrouver leur chemin pour rejoindre les autres : cependant ils eurent le bonheur de regagner la chaloupe. Un des hommes fut bleffé à la nu-que du col par les-Ennemis ; mais cette, bleffuren'étoit pas.dangereufe*. des Européens, lof Se aucun des autres n éprouva d'ac- mt cident. Ils châtièrent trente-cinq Ca- ^a°pYu! * v.aliers bien-armés., qui marchoient au fecours des habitants de Guiaquil» 4P"*7-°f* Ils dirent qu'ils avoient trouvé les maifons au-deffus de la ville, remplies de femmes, particulièrement dans une, où ils avoient vu douze jeunes Demoifelles très-jolies &bien habillées : ils leur avoient pris plu-heurs chaînes d'or , & des pendants doreiile; mais ils s étoient conduits envers elles, avec tant de politeffe, que ces Dames avoient voulu leur apprêter à manger, & leur avoient fait apporter un. baril d'excellent vin. Elles avoient caché leurs plus grofles chaînes d'or, en les mettant autour de leurs ceintures, de leurs jambes & de leurs cuifles ; mais comme dans ces pays chauds, les. femmes ne font habillées que d'une, foie légère ou de toile très-fine, erv les touchant par-defïus leurs robes* les Anglois fentirentees chaînes, &C leur firent dire par leur Interprête 3 de les ôter elles mêmes, & de les> leur donner. Nous rapportons ceci pour faire honneur à la modération des Matelots, & à la bonne conduite 2&6* Découvertes ' de M. Connely & de M. Selkirfr, ^ 6Ï«.V qu on nommoit toujours le Gouver-Chip. vu. i , t- j neur de Juan demandez , qui com- An.170». mandoient ce parti. A leur retour de cette courfe, ils allèrent dans la même maifon , demander des provifîons ; & les Dames fatisfaites des politefles qu'elles en avoient reçues, ne furent ni furpri-fes, ni mécontentes de cette féconde vifite. Ils avoient pris une grande barquevuide , qu'ils abandonnèrent, & ils rapportèrent en chaînes d'or en boucles d'oreilles & en vaiffeile d'argent, pour la valeur de mille livres fterling : ils amenèrent aulîî avec eux, un Nègre, qui leur avoit été très-utile pour découvrir les ri.:hef-fes cachées mûs ils dirent tous, que faute d'une féconde chaloupe, ils avoient perdu beaucoup plus qu'ils n'apportaient , parce que dms le ternes qu'ils éroient occupés à chercher d'un côzé y les canots ls , rerionne ne porte de cnnne, que les principaux Officiers. & qu'il faut être au moins Capitaine 5oS Découverte^ • | " pour en avoir une à pomme d'or out c,'^VnV d'argent. ^ Aprcsquelp Capitaine Dover eût: quitté fon porte, un de fes gens l=a* Anglaisvexticîe lendemain matin, que les? IC£, °"t :c£:* Ennemis defcendoient de la hauteur,. Audi-tôt on donna l'allarme , on. laifla une partie des hommes aux canons, le Capitaine Rogers fe mit en-marche avec les autres , & rencontra, iur le pont, le Capitaine Courtney, q,ui fe retiroit avec une partie de fa compagnie. Il lui dit que les Ennemis étoient en grand nombre, &: bien armés dans la partie feptentrionale de la ville. Rogers le pria de fe joindre à lui, pour marcher enfem-ble- contre eux, Se Courtney y con-fentit. Ils allèrent aulTi-tôt en avant,, avec toutes leurs forces, qui ne mon-toient qu'à loixante & dix hommes,, mais les Efpagnols n'oferent les attendre ; & auflï-tôt qu'ils les virent, avancer,, ils fe retirèrent dans les-bois , d'où, ils firent de fréquentes", décharges de naoufqueterie, auxquelles les Anglois répondirent au ha«-fard , fans avoir perfonne deblelTé,-Gourtney Se Rogers n'étant pas; des Européen^ sop d'accord pour garder cette partie de >p la^ville, ils fe retirèrent, emporte- OE *,!» »-i j • | Chap. VII. rent ce quils trouvèrent de meilleur, & le rirent mettre à bord de A"-1 valeurs barques. Le 2Ç d'Avril, vers une heure Les Efpa. après midi, les Prifonniers revinrent fc"n" '^"^^ faire une offre de trente mille pièces l« "ait*, de huit, pour la rançon de la viile , des vaiffeaux & des barques, le tout payable en douze jours. Les Capitaines rejetterent cette offre, &n'au-roient pas voulu demeurer il longtemps , quand la fomme auroit é;é beaucoup plus forte, étant bien informés que les Ennemis avoient envoyé un exprès à Lima, pour faire hâter le fecours qu'ils attendoient ,& qu'ils necherchoient qu'à gagner du temps , pour retenir les vaiffeaux Anglois, jufqu'à ce qu'il fût arrivé. Le lendemain, les trois Capitaines convinrent d'envoyer leur dernière réponfe, qui fut qu'à trois heures après midi, ils mettroient le feu à la ville, fi on ne leur livroit immédiatement des otages fufhTants , pour sûreté du payement de trente mille pièces de huit en fix jours. En même-temps, ils promirent d'accorder une? 2io «Découvertes —--fufpenfïon d'armes, & de laifler aux \°ha "viî' Efpagnols, la liberté d'aller à Pjoa, p* pour traiter des Nègres tk du refte An. 1709- de leurs cargailons. Un François, de la compagnie du Capitaine Rogers ', ayant été envoyé avec quelques autres, pour renforcer le quartier du Capitaine Courtney, fut mis en fennnelle pendant la nuit, & tua un des Matelots. Cet accident arriva , parce qu'on avoit donné des ordres très-féveres dans ce quartier , de tirer dans la nuit fur quiconque ne répondroit pas au qui-vive , ce que le Matelot ne put faire, parce qu'il ignoroit la langue Fran-çoife, que parloit la Sentinelle, tes Anglois L'après midi, un Officier & neuf éprouvent -hommes, eurent une efearmouche «dents"aCdans *a partie feptentrionale de la Ville, avec un corps d'Efpagnols , qu'ils chafferent dans les bois: mais ils les y pourfuivirent trop loin , & furent attaqués par d'autres. Un des Anglois reçut une balle dans le gras de la jambe : un autre , dans le temps qu'il chargeoit fon fufil, fut frappé dans le milieu de la hache-d'armes qui pendoit à fon côté : le coup porta furie fer, brifala partie au-deflous des Européens. 211 & cette armure fut d'un grand fe- -cours à l'Angluis. Celui qui avoit été *vit bleflt à la jambe, garda un fi mauvais régime , & but avec tant d'ex- AB-l7c9« ces, que la fièvre Je prit, & l'emporta en peu de temps. Le premier Lieutenant du Capitaine Courtney, ayant fes piffolets pendus à fon côté, un d^rs deux fe déchargea , la balle entra dans le gras de la ambe.&y demeura , mais fars aucun danger pour fa vie. Ces accidents & les renforts , qui rendoient les Ennemis plus hardis, déterminèrent le Capitaine Courtney à fe re:irer avec fes troupes , aux quartiers du Capicaine Rp- gerS* Le foir , ils fe retirèrent tous dans TEglife, autour de laquelle ils po-ferent des Sentinelles, à la diftance d'une portée d j fufil les unes des autres , avec ord.e de suppoller réciproquement .de quart-d'heure en quart- d'heure , pour ne pas être fur-pris pendant la nuit. Tous les hommes tinrent leurs armes & leurs munitions en bon état, prêts à fe lever à la p'us légère allarme , parce que les Ennemis tiroient toujours continuellement , des bois où ils 2i2 Découvertes ■i étoient caehés. Il faifoit une chaleur* Rogers, étouffante, les rues étoient creufes up' ' & glifïantes , & le chemin qui con- An. 1709. duifoit au rivage très-mauvais, cir-conftances dont la réunion les in-commodoit beaucoup. Lemitc'eft Le 26 d'Avril, vers deux heures «onciu. après midi, les Prilenniers revinrent du camp des Ennemis, avec deux Cavaliers , qui dirent aux Anglois, que leurs dernières propositions étoient acceptées , & que le Lieutenant-Gouverneur de Puna, qui avoit le plus contribué à les faire décider, ainfi qu'un vieux Gentilhomme , qui étoit à bord d'une des barques, de-meureroient pour otages. Les Députés ajoutèrent que fi l'on ne re-gardoit pas ces deuxperfonnes comme une sûreté fuffifante , ils étoient prêts de demeurer eux-mêmes pri-lonniers. Leur offre ne fut point acceptée, on leur permit de retourner au camp avec leur Député , & il rapporta la convention lignée, & conçue en ces termes «D'autant que la ville de Guia-» quil , ci-devant fujeite à Philippe « V, Roi d'Efpagne, eft p ré fente-» ment prife d'aifaut, & en la pof- Des Européens. 213 fefîior) des Capitaines Thomas Do- ..... ver, Wodes Rogers, & EtienneR^GE"V . 0 Caap. VII. "oourtney , qui commandent un corps de troupes des Sujets de Sa A"' l7°** Majefté , le Roi de la Grande Bretagne : Nous fouflignés, confen-tons à demeurer en orage pour ladite ville, & à relier en la garde defdits Capitaines , Thomas Dover , Woodes Rogers, & Etienne Courtney, jufqu'à ce qu'il leur ait été payé trente mille pièces de huit pour la rançon de ladite ville, de deux vaiffeaux neufs, & de hx barques , durant lequel temps, aucunes hoftilités ne feront commi-fes des deux côtés , entre cette place & celle de Puna : laquelle fomme doit être payée à Puna , dans fix jours de la date des préfentes, au moyen de quoi, les otages feront déchargés, & tous les Prifonniers immédiatement délivrés : autrement les fufdits otages 1 confentent de demeurer prifon-' niers, jufqu'à ce que ladite fomme 1 foit payée , en quelque autre par- > tie du monde. En témoignage de • laquelle convention, nous avons > mis volontairement nos fignatures 214 Découvertes » ce 27 d'Avril vieux ifyle, l'an de Cnap.ViiV " nocre Seigneur 170$». Les deux otages demeurèrent cette An. 1709. nu-t aux qaaitiers des Anglois, &Ie Lfs ,E^a" lendemain , ils turent mis lur les gnol» don- , i a i • ncacdcs ou-vailleaux , pendant que les Anglois S"' fort ire nt de la ville, tambours battants & drapeaux déployés, laiiTant aux Efpagnols la liberté de retourner dans leurs maifons. Le Capitaine Rogers quiconduiloit l'arriere-garde avec un petit nombre d'hommes, ra-malfa beaucoup depiftolets,d'épées & de haches-d'armes , que les premiers , accablés de fatigue , avoient laifïés fur le chemin , ce qui fit juger qu'ils étoient fort las de la vie militaire , & qu'il étoit temps de les faire partir. La plus grande peine fut de conduire les canons jufqu'au rivage , la terre étant fi molle , que ceux qui les menoient, enfonçoient jufqu'à la moitié des jambes. Pour rendre ce travail le moins difficile qu'il étoit poffible, on fit un grand chaflis de cannes de bamboucs, fous lequel pouvoient tenir foixante hommes , qui portoient tous un poids égal fur leurs épaules. Quoique les pièces ne portaflent que quatre livres de boul- »es Européens. 215- 2et, & que le canon & le chaflïs ne ■ pelairent pas enfemble plus de quinze RC°J * *n; cents , les hommes n'auroient pû réuflir à les tranfporter, s'ils neuf- A»'1?©?* lent été aidés par les Prifonniers. Le 27 d'Avril après midi, ils mi- ï-wAnriol rent a bord des barques, tout ce quenc. qu'ils purent y faire entrer : les hommes furent partagés fur lesprifes, où les Anglois avoient embarqué la plus grande partie des marchandifes &du butin,compoféd'environ deux cents trente facs de farine , de fèves, de pois & de ris ; quinze jarres d'huile , cent foixante jarres d'autres liqueurs, quelques cordages , des inftruments de fer& des petits clous, avec quatre demi-jarres de poudre, un tonneau de poix & debray, des habillements de diverfes fortes, & pour environ douze cents livres fterling de vaiflelle d'argent, des pendants d'oreilles, & d'autres joyaux: cent cinquante balles de marchandifes précieufes , quatre canons , deux cents platines de moufquet à l'Efpa-gnole, quelques balles d'indigo & de cacao, avec environ un tonneau de fucre en pain. On laifla dans la ville une grande quantité de marchandi- 2i6* Découvertes -.....fes, des liqueurs de toute efpece, des ^cia^vn' aSr^s ^e vaiffeaux , plufieurs ma-ap gafins pleins de cacao, quelques bâ-au. 1709. timents fur le chantier, &deux vaif-féaux neuls non équippés, qui étoient à l'ancre dans la baie. Vers deux heures après midi, un Hollandois qui étoit refté ivre d'eau-de-vie le jour précédent, fe réveilla & vint aux vaifieaux. Ce fut le feul homme depuis la prife de Guiaquil, qui fe fût livré à un tel excès de boiifon. Us partent de Vers huit heures du matin, les Guiaqmi. Angi0is mjrent i la voile avec toutes leurs barques; en partant, ils firent le plus grand bruit qu'il leur fut poflible, tant de leur artillerie, que de leurs tambours & de leurs trompettes, & prirent ainfi congé très-gayement des Efpagnols , quoiqu'ils ne fuflent pas, à beaucoup près, aufli contents , que s'ils euffent pris la ville par furprife ; car ils furent bien inftruits de toutes parts, que s'ils y avoient réufïi, ils en auroient enlevé au moins deux cents mille pie-ces de huit, beaucoup de vaiffelle d'or & d'argent, travaillée & non travaillée, outre les joyaux & une grande des Européens. 217 grande quantité de toutes fortes de provifîons , quoique la ville fût plus pauvre qu'elle ne l'avoit été depuis quarante ans , à caufe d'un incendie qu'elle avoit fouffert dix-huit mois avant, &qui en avoit détruit la plus belle moitié. CHAPITRE VIIL Dejcàption de Guiaquil ; Les Anglois retournent d leurs vaiffeaux '} Compte des hommes qui périrent dans cette emreprife ; Us renvoyent les otages £r mettent à la voile, /"S UiAquil, capitale de la Pro- RoGBRS Vj vince, a environ un mille & chauvin; demi de long: elle eft partagée en An t_ k vieille & en nouvelle ville, jointes . . par un pont de bois d un demi-mille de Guiaquil. de longueur , & qui ne fert que pour les gens de pied. Aux deux côtés du pont, on trouve quelques maifons écartées les unes des autres : les deux villes en peuvent contenir quatre à cinq cents, avec cinq Eglifes ; & le •nombre des habitants eft d'environ Tome Xm î K, 2i8 Découvertes » ' i deux mille. La principale Eglife en: ciup vnV celîe ^e ^aint ^S0» ou Saint ^ac" ' ques , qui a trois autels, & devant An. 170*. Jaquelle eft: une très-belle place : les autres font celles de Saint Auguftin, Saint François, Saint Dominique 5c Saint Ignace, dont la dernière appartient aux Jéfuites. Devant celle de Saint Dominique , il y a une place, avec une demi-lune, fur laquelle étoient autrefois plufieurs pie-ces de canon ; mais il n'y en avoit , aucune , quand les Anglois s'en rendirent les maîtres. Trois de ces Egli-fes font fort élevées, l'une eft bâtie de pierre, & elles font ornées de fculptures, de peintures &de divers autres embelliffements. Il y a un très-belle orgue dans celle de Saint Auguftin , mais les Prêtres avoient eu foin d'en enlever toute l'argenterie , & de la tranfporter dans les bois allez à temps pour la conferver. Queques-unes des maifons font fort élevées, il y en a plufieurs de bâties en briques ; mais la plus grande partie font de bois , & les moindres debamboucs. Il y a une rue régulière , qui fuit le bord de la rivière jufqu'au pont, & traverfe enluite des Européens. 2tq l'ancienne ville. La fituation eft dans 1 ■ un terrein humide, Se (i rempli cle chap.vliV. boue , que fans le fecours du pont, il feroit prefquequ'inpolli )le, en hi- An-*7°J« ver, d'aller d'une maifon à l'autre. La ville eft gouvernée par un Corrégidor , qui en eft le premier Magif-trat, Se qui eft payé par le Roi. Elle eft très bien fituée pour le commerce, & pour la conftruction des vaiffeaux , à quatorze lieues de la pomte d'Arena , & à fept lieues de Puna. La rivière, qui eft fort large, en reçoit plufïeurs aurres : fes bords font ornés de plufieurs villages, de diver-fes fermes , de beaucoup de mangles Se de falfpareille, dont l'eau devient imprégnée , ce qui la rend très bonne dans les maladies honteufes ; mais dans le temps des débordements, l'eau en eft fort mai faine , à caufe des racines empoifonnées , & des plantes qu'elle entraîne des montagnes. Il y a une grande abondance de toutes fortes de denrées , de gros bétail, des brebis , des chèvres , des pourceaux , de la vola'lle, diverfes fortes de canards, inconnus en Europe, Se un allez grand nombre de chevaux. L'eau de la rivicre eft douce dans la 220 Découvertes temps delà baffe mer, prefque juf- || qu a runa. Chip, VIII. j Un Anglois, qui avoit demeure An. 1709. quelque temps à Guiaquil, aiîura lé Richefles Capitaine Rogers, qu'au mois de qu'on en décembre précédent, Jes Habitants avale daoWf . r • 1 f -n j m-cs. avoient lait des rejouiliances pendant trois femaines , pour la naiffance du Prince des Afturies, qu'ils s'étoient trouvés onze cents hommes de pied & cinq cents Cavaliers tous bien armés , outre un nombre beaucoup pluy grand , qui étoient fans armes, mais que la plus grande partie de ces troupes, venoient des Provinces voi-iines. Pendant cette folemnité , ils avoient tué plufieurs taureaux à la manière d'Efpagne, & fait diverfes courfes de bague, qui font leurs principaux divertifïements. Les otages leur dirent auflï, que pendant qu'on négocioit le traité , on avoit emporté hors de la ville , quatre-vingt mille piaftres de l'argent du Roi, outre beaucoup de vaiffelle d'argent, de joyaux & d'autres effets précieux ; mais qu'il en avoit été volé confidérablement par les Noirs, qu'iis en avoient chargé dans cette ponfufion. Les Anglois en prirent des Européen s. 22f plufieurs avec leur butin , dans les ■ "< ***** rondes qu'ils firent pendant les nuits, J & ils firent un fignal aux habitants pour qu'ils revinfent dans leurs mai- ■An* ions avant leur départ , afin qu'ils ne perdifient pas davantage, par les vols de ces miférables. Suiyant le rapport général des Efpagnols. depuis que les Franco fe font adonnés à faire le commerce dans ces mers, celui de leurs poits a diminuéconlidérablement, & cette ville en particulier, étoit beaucoup Î>lus riche fix ans avant, que lorfque es Anglois y pafferent. A un mille au-deifous de Guiaquil le Capitaine Rogers quitta les barques éc monta dans la pinafle doublement équipée , dans le deffein d'arriver le premier aux vaiffeaux eu il avoient 1 ailles à la pointe d'Arena : le temps étoit alors d'une chaleur exceflive , & ils virent plufieurs crocodiles dansla rivière. Le 28 d'Avril, ils gagnèrent Pu- ttiA^éâ na, & trouvèrent M.'Duck & Hatley, dans le Commencement , avec une barque vuide qu'ils avoient prife, parce que les Efpagnols qui le montoient, avoient gagné le rivage , K. iij 222 Découvertes - & l'avoient la idée à l'ancre, près de ri? ctt,R„V la pointe d'Arena. Ceux qu'on avoit ciiap. vin. . JÇ, v n laides a la garde des vailleaux , com- An. j 7op. mençoient à être tort inquiets du retard des autres, dont ils n'avoient eu aucunes nouvelles ; & comme il leur reltoit très-peu d'eau, ils avoient réduit leurs Prifonniers à une pinte par jour pour chacun. Ils avoient aufli été forcés de couler à tonds une petite piife venant de Payta, qu'ils avoient faite , dans la crainte que les Prifonniers ne s'en emparallent & ne prilTent la fuite , parce qu'ils n'avoient pas affez de monde pour la conferver en fe partageant. Trecîutionj Au point du jour, le Capitaine Fesfpiifo£.C R°Sers monta dans fon vaiffeau, & incis. fut reçu de fes gens avec la plus grande joie , fon abfence ayant été de douze jours , pour une entreprife fujette à beaucoup d'inconvénients & de dangers, qu'il avoit heureufe-ment furmontés. Cooke & Frye avoient eu beaucoup de peine, durant tout ce temps : ils avoient ordinairement accordé la liberté aux Prifonniers pendant le jour, en tenant toujours leurs armes en état , & réfeivant l'arriére des vaiffeaux des Européens. 223 pour eux feuls. La nuit, ils les met- toient dans le château d'avant, ou^.fGE*V 1 r t r • .ChaP VIII. entre les ponts ; mais lur la pi île, qui étoit moins sûre , ils leur mettoient An> 170** les fers tous les foirs , & les leur étoient le matin. Ils ne fouffrirent auOi aucune correfpondance enrre les Prifonniers des diflérents vaif-feaix, ce qui les empêcha de con-noître leurs propres forces &la foi-blelTe de leurs Vainqueurs, dont ils ne pouvoient juger que par cequMs Voyoient fur chaque bâtiment. Roger Booth, un des hommes de iIJspr,,;nnc"* la Ducheffe, qui avoit été blefé d'un£fpa£noie. coup au travers delà gorge, meurut le 20 : William EiTex, hardi marin , Kiv k224 Découvertes v»if\m*<« pée, à la pourfuite d'un bâtiment Chaj.xViu.' clu'on aPPercut à tr°is heures après midi. Il fe rendit au premier cri qu'on An, 1705. ]uifitj &l'on trouva que c'étoit une barque d'environ trente tonneaux, montée par fix hommes , outre le Maître. Elle étoit chargée de fèves, de pois, de coings, de marmelade, de fucre, de prunes, de pommes, d'oignons, de grenades, de fromages de Guiaquil; de deux cents foixante & dix fies de farine, de deux cents pains de fucre, & de boeuf fumé. lis étoient partis fept jours avant, de Pulania , où ils avoient laifTé quelques gros vailfeaux François : ils dirent aux Anglois, qu'on avoit reçu depuis peu des ordres de Lima, pour que les Magistrats fîlfent monter les gardes très exactement, parce qu'on attendoit dans peu, une efeadre An-gîoife dans ces mers, fans qu'on fût quelle place ils avoient deffein d'attaquer. On jugea par ce discours , que l'arrivée des vaiffeaux confors, n'étoit pas encore répandue dans tous ces parages. ils reçoivent Depuis ce jour jufqu'au 2 de Mai, unepartiede ils attendirent avec impatience, la la rançon de j > • * Quiactuii. rançon dont on etoit convenu pour î> e s Européens. 225* Guiaquil , fans qu'elle arrivât. Ils—- commencèrent alors,, à croire que;' ' . y le Corrégidor vouloit les tromper, & gagner du temps jufqu'à ce qu'il An-fut arrivé du fecours de Lima. Les orages, de leur côté, étoient auflï très-mécontents, ne voyant prelque point d'autre attente, que celle d'être emmenés Pùfonniers en Angleterre» Ils furent en partie délivrés de cette crainte le même foir, par l'arrivée d'une chaloupe de la ville, qui ap. portoit ving-deux mille pièces de nuit, faifant partie du payement de la rançon. Cette chaloupe repartit aufli-tôt , chargée d'un mefïàge pour, le Corrégidor ; portant que les Anglois mettroient à la voile le lendemain , & que s'ils ne recevoient le relie de la rançon avant leur départ,, ils cmmeneroient les otages. Peu de: temps après , le Capitaine Court--ney prit le commandement dans> le Havre-de-Grace , & defcendit & Punta de Arena, où le Capitaine Rogers promit de le (uivie le lendemain, ne reliant que pour prend!© à bord quelques brebis/des cochons,, des boeufs, du plantain, du cacao, dte l'eau» des voiles, Ce quelques a*- V V fi R T E S ; utiles qui étoient de-ie ÉrVage. Avant fon démit a terre e Lieutenant à., i/oy. Gouverneur de Puna , auquel il fit pn'u.tr dequatre Nègres malades & d'une balle de marchandifes endommagées. Le Capitaine Rogers fe conduisit aulli très-bien envers plufieurs ' autres Prifonniers, particulièrement envers un vieux Moine, qui paroif-feir avoir le cœur très-bon, & auquel il vendit la liberté. Ils <-mtr>e Le n^t'ii du c , le Capitaine Ro-nenticsot;.- gers ^oma fur le Havre-de Giace, S"* & avec le fecours de M. Morel , & d'un ha! ile Pilote Indien, ii le dégagea d'un bas-fonds, où il étoit menece de quelque danger ; mais heu-reufement qu'il ne failoit point alors de vent, ou au moins qu'il n'en fai-fo;t que très-peu. Le Capitaine CaurtneV , commença à marquer beaucoup d'inquiétude fur ce que les vaiPeaux demeuroienr fî long temps au même endroit, craignant-, quoique ce fût fans aucun fondement, qu'ils ne fuffent pri> par l'armement qu'on ''eu ppoit, difoit-il , certainement contre eux à Lima ; & en conséquence, il inhita fortement poiu» des Européens, 227 qu'ils levaflent la voile & quittai"- —- lent immédiatement cette llation. chaCpEvm Cette propofïtion fut appuyée de la plus grande partie des Officiers, Aa* lT°9* quoiqu'il fût évident qu'on retire-roit de grands avantages, en commerçant avec les habitants de Guiaquil & dePuna, qui commençoient à s'y difpofer. On en vit la preuve le 8 au matin , par l'arrivée d'une chaloupe , qui apporta trois mille cinq cents pièces de huit, acompte de la rançon , & fur laquelle vint un Habitant , qui amenoit quelques marchandifes pour trafiquer. Il les aflura que Dom Pedro de Sinfuegos , homme très-riche , qui avoit été leur Prifonnier, viendroit dans peu avec plufieurs habitants , qui fe prépa» roient à fuivre (on exemple. Cependant le Capitaine Courtney perfifta dans le même lentiment, & la pluralité des voix étant de faire routée vers les Ifles de Gallapagos, ils mirent à la voile le lendemain matin, emmenant avec eux les ota res , les deux More's, les Pilotes Indiens, & un jeune Genti homme d P.;ii m. Ils nu.enr à terre tous les a'-rrcs Prifonniers, & le Capitaine Rogers ren~ 228 Découvertes ■ m i tra dans fon vailfeau le Duc, du t^haViii rne|T,e ^ue le Capitaine Courtney, "*P ' remonta lur la Duchefie.. An. 1709 Le 11 de Mai , vingt hommes. Une »ai*die'tombèrent malades de lièvres mali- fcBœ«*dan» 5nes» ^ur ^e ^uc> & environ cin-quante fur Ja Duchefle, entie lefquels étoit le Capitaine, & le nombre des malades augmentoit d'heure en heure fur les deux vaifïeaux. Ces maladies avoient certainement été contractées à Quiaquil, où peu de fe-maines avant l'arrivée des Anglois , .beaucoup d'habitants étoient morts d'une contagion, dont l'air n'étoit pas encore vraifemblablement bien purifié. Le 17, on-découvrit la terre au fud - fud ■ oueft, environ à dix lieues de diftance, & le 18, on reconnut que c'étoient plufieurs ifles ;. on convînt d'un rendez vons particulier en cas de féparation, & l'on envoya une chaloupe pour chercher de l'eau, dont on n'avoir qu'une médiocre provifion. Elle fit deux tentatives pour en.avoir, fans aucun fuccès ; les gens, rapportèrent que le: terroir étoit iec &. brûlé , que les: .pieds y enfonçoient en. marchant», comme dans de la cciidre,. & qu'il des Européens. 11$ WOtt (1 aride , qu'il fembloit n'avoir jamais été rafraîchi par aucune plaie1, aJ^^ti* ni par aucune fource. Cependant on y voyoit quelques builTons & un peu A"'17'c,r de verdure ; mais Rogers jugea de ce rapport, que l'ifle devoit être le iicge de quelque volcan. Le 2i, on diltribua fur la Du-chefle, beaucoup de tortues & d'au-tr.s poilïons , que les gens de ce vaifleau avoient péchés , & qu'on partagea entre les Malades des deux bîtiments. Ce rafraîchiflement leur fut d'un grand fecouis , d'autanc qu* toutes leurs provilions fraîches étoient épuifées. Leur état devenoit alors d'autant plus fâcheux, qu'ils n'avoient prefque plus de médicaments , quoiqu'on eût penfé que la quantité dont on s'étoit chargé, étoit plus que futfilante. Il mouroit tous les jours quelques Malades, fans que la contagion parût ceffer: mais on remarqua qu'il n'y eût d'infecTés, que ceux qui avoient débarqué à Guiaquil , & que les autres continuèrent à le bien porter ; aullî le Capitaine Rogers, dont la fanté lut toujours très-bonne,, leur faifoit diitribuer.- 230 Découvertes P beaucoup de punch , ce qui contrî- chaG\in kua en grar|de partie, à les tenir en bon état. An. 1705. J_,e 22, on perdit M. Hatley , ils perdent avec cinq hommes, à bord d'une des «ne barquc jaques qu'on avoit prifes ; & l'on îci"i.Un °f PerQiit aum un gallion qui étoit également du nombre des prifes. Oia alluma inutilement des feux pendant toute la nuit, aux grands mâts du Duc & de la Duchefïè, & l'on tira continuellement le canon. Alors le Capitaine Txogers s'occupa à en faire la recherche avec le Duc , le Havre-de-Grace & la barque : ils retrouvèrent le Gallion quelques heures après, vers une ifle fituée à l'eft, mais on n'eut aucune nouvelle de M. Hatley , & on le regarda comme entièrement perdu. Le 26, il fut décidé dans un Con-feil des Officiers , qu'on gagneroit le continent pour faire de l'eau , puifqu'on n'en pouvoir trouver dans aucune de ces Ifles. Le 6 de Juin, un des Matelots entendit quelques difeours entre plufieurs Noirs, &des Prifonniers Indiens, tendants à former un projet pour maflacrer tous n e s Européens. 131 les Matelots Anglois, & s'enfuir avec ■ le vaifleau. On les interrogeai & ils * ? 0"V nièrent Q avoir forme ce projet, quoiqu'ils convinfïent d'avoir tenu quel- An- li9** ques propos femblables, qui n'avoient eu aucune fuite réfléchie. Pour prévenir les conféquences qui en auroient pu arriver, le Capitaine Rogers lespartagea entre les autres vaiffeaux , ce qu'il jugea être le moyen le plus sûr pour rompre leurs cabales. Le même jour, un vaifleau de Us f« ren* quatre-vingt-dix tonneaux , fut pris dwÏÏÊï par la Duchefle, après avoir été pour-fuivi très peu de temps. Il fe nom-moit le SaintThomas de Villa-Nova, & Saint Demas ; avoit pour Commandant, Juan Navarro Navaret , & alloit de Panama à Guiaquil. Il étoit monté de quarante hommes, y compris Dom Juan Cardofo , qui alloit à Baldivia dont il étoir Gouverneur, avec on/e Efclaves Nègres. Les Prifonniers ignoroient abfolu-mentque les va i fléaux Confors fut» fent dans ces mers; mais ils étoient dans la crainte, ainfi que la plus grande partie des habitants des Co- 232 Découvertes ■ 1 lorries Efpagnoles , fur le bruit qui \axv viii s'^C01t répandu , que le Lord Pe-' terborough viendroit incefTumjnent An. 170?. ^ans cette partie du monde , pour y faire la guerre avec une flotte for» inidabler fe ê s Européens. 233 CHAPITRE IX. Les vaiffeaux jettent l'ancre à l'ifle de Gorgone; On forme le projet d'attaquer les mines de Barbacore , mais il eft abandonne'; Les Anglois radoubent leurs vaiffeaux dans l'ifle de Gorgone ; On équipe le Havre-dc-Grace pour vingt canons ; Mef-fieurs Aïorel & les autres Prijon-niers , font mis en- liberté ; Ils trafiquent pour les effets des prifes j Serpents venimeux qu'on trouve fur cette ;côte * Grande quantité de reliques & de bulles du Pape dans une prife ; Nouveaux Règlements au fu-jet du pillage ; On découvre & l'on prévient une révolte projettée d bord du Duc. LE 7 de Juin, vers quatre heures . après midi, les Anglois jetterent k?G E *!■ l'ancre à trente bralTes de profondeur , & à la longueur d'un cable du Att,I7«»' rivage, dans la partie orientale de l'ifle de Gorgone. Le lendemain , les rifle deGor-chaloupes du Duc & de la Ducheffe, t501:c- 234 Découvertes c'pmp^fP^nt d'une barque, qui fai-Roger», foit de l'eau dans la partie méridio-îap. vin. naje> Qn ja nommoit le Soleil d'or, An. 170$. du port de trente-cinq tonneaux, commandée par Andros Enriquez, avec dix Elpagnols & Indiens , un petit nombre de Nègres , un peu de poudre d'or, & une chaîne du même métal, qui pouvoir valoir cinq cents livres flerling. Us avoient intention de s'en fervir, pour acheter du fel & de l'eau-de-vie à Guiaquil, où ils dévoient aller, en partant d'un petit port de l'ille à laquelle ils apparte. noient. Le foir, il fut tenu abord de la Duchelfe, un confeit de tous les Officiers , à l'exception du Capitaine Rogers, qui étoit indifpofé: on examina les Prifonniers , & conformément à ce qu'on apprit d'eux fur la fituation & les forces de Ma-laga , il fut réiolu de faire voile vers cette Ifle , de laifler les vaiffeaux dans une rade sûre, de remonter la rivière dans les chaloupes , jufqu'à ce qu'on pût furprendre quelques canots, qui feroient plus propres à en furmonter le courant ; & de s'en fervir pour aller aux mines de Barbacore ou de Saint Jean, où l'oa des Européens. 23f feroit sûrement un butin confidéra- ■ ble, d'autant que les Efpagnols de ce \x, ' pays , n'avoient aucun foupçon que les Ennemis fuflent (i proches. Com- An l7°'' me le Capitaine Rogers étoit convenu de confentir à tout ce qu'ils dé-cideroient, ils levèrent l'ancre vers minuit pour Malaga ; cependa"tce Commandant informé de leur délibération , s'en entretint avec M. Môrei, & avec quelques autres Pri-f.mniers, qui connoilîoient très-bien cet endroit. Il apprit d'eux , que celui qui avoit donné l'idée auConfeil d aller où l'on avoit deflfein , les tra-hiffoit pour les conduire à leur perte, ou étoit parfaitement ignorant dans ce qu'il difoit bien connoître» d'autant que l'ilîe de Malaga étoil non feulement itérile & non fréquentée , mais que la rade en étoit très étroite, & remplie de bas fonds, avec une marée fi forte, que fî un vaifleau y enrroit, ce qu'il ne pou* voit faire qu'avec le flux du printemps, il couroit rifqùe de ne pouvoir être gouverné , & d'être jette fur le rivage. Ils l'aflurerent aufli que les bords de cette rivière étoient très peuplés jufqu'à Saint Juan , par £30* Découverte^ ---des '.habitants très-attachés aux Ef- ChfpfiV/ PaSn°fc» clu^ prendroient toutes les melures imaginables pour nuire à An. ijoy. ieurs Ennemis, ce qu'ils feroient ai-fément & fans danger , avec leurs flèches empoifonnées à couvert dans leurs bois : enfin, que la rivière étoic fi étroite, qu'en jettant des arbres en travers, on pouvoit aifément couper la retraite aux Anglois, &lesy faire tous périr. Cette information fit une forte impreffion fur le Capitaine Rogers; il fut effrayé du danger auquel fes Confors s'expofoient inconlidérément, manda auiîi-tôt le Capitaine Courtney & le Capitaine Cooke , qui furent fi bien convaincus de la jufleiïe de fes réflexions, qu'ils changèrent immédiatement leur cours, & tournèrent la proue vers Gorgone. Ils fe déterminèrent à y caréner leurs vailfeaux, & à équiper le Havre-de-Grace pour vingt canons , qu'on prendroit du Duc & de laDuchelfe, afin d'en faire un rroi-fïcme Confor, fous le commandement du Capitaine Cooke. Us fe radou Le 1 3 de Juin , ils jetterent l'ancre ^nGwgonf, P,rès de cetre lfie > > quarante b rafles 'd'eau; & après avoir tenu un Co- tîes Européens 237 mité, dans lequel on remplit deux-- places devenues vacantes par mort,RL"ia° il lut décidé qu'on radouberait la Puchefle , & que le Duc demeure- An>I70P* roit à la garde , pour ne pas être (urpris par les Ennemis. Aulîi-tôt que le premier bâtiment lut en état, on caréna aufli le Duc, & en quatorze jours, ils furent prêts à remettre en mur, comme s'ils enflent été tout • neufs, au grand étonnement des Prifonniers Efpagnols , qui aflurerent que pour caréner un vailfeau de Roi à I ima, où rien ne manquoir de ce ui étoit néceflaire, & où l'on avoit es Ouvriers prêts à donner tous les fecours ; il falloit ordinairement fix femaines. Le 28 de Juin, les Anglois mirent tous leurs malades à terre, avec deux Médecins pour en avoir foin, dans des tentes qu'on drefla pour eux , &c ils y furent très-promptement rétablis, quoique les Efpagnols culfcnt allure , que l'air de cette Ifle étoit très-mal fain. Lca gues pourries , enforte qu'il fallut ^cha/iV.' féquipper prefque à neuf, au moyen de ce qu'on trouva dans l'ifle, quel-to*-1!0*- ques arbres , dont le bois étoit très-bon pour les mâts , quoiqu'il fut un peu trop pefant. Le 2 de Juillet, ils trouvèrent du bois , nommé Maria, dont la qualité ne diffère que très-peu de celle du chêne, Se il leur fût très-utile. Leur campement étoit une véritable école d'induftrie, d'autant que la nécellité avoit obligé chaque Matelot de s'appliquer à quelque genre de travail : les uns étoient devenus Cor-diers , les autres Faifeurs de voiles, d'autres Forgerons , d'autres Charpentiers , &c, &c. llsfcdcter- Le 3 , on mit dans trente-fix bari-iainentiren-qUes ja farine qu'on avoit prife , voyer les Pn-t • » '11 r* v j * fonniers. quoiqu eue tut tres-endommagee par les rats ; Se le peu de pain d'Angleterre qui leur reftoit, fe trouva tellement rongé des vers , qu'il refïem-bloit à une ruche à miel. Quand le Havre-de-Grâce, autrement dit le Marquis , fut équipé , il parut fur l'eau dans la plus belle apparence; les Capitaines firent diftribuer de la iiqueu* à tous les hommes, qui bu- des Européens. s 3 £ rent à l'heureux fuccès de ce bâti- ■ — ment, & à la famé des Intéreflés. On fc * s • -11 r • \ • Caap. IX. travailla enluite a équiper la barque de M. Selkirk, pour mettre à terre An* xt »• les Prifonniers , qui étoient au nombre de foixante & douze, qu'on avoit jugé à propos de ne pas renvoyer ju£> qu'alors , crainte qu'ils ne donnaffent l'allarme à la côte. Le o, dans un Comité tenu à nsvendent bord du Duc, il fut réfolu que le une partie de» C. . JZ n . \, leurs edecs, apitaine Dover, M. Robert brye, & M. Guillaume Stratton , feroient chargés du foin de les conduire au continent, avec quarante-cinq braves Matelots fous leurs ordres, & cette réfolution fut aulTI-tôt exe'cu-tée. Les deux Morels, Dom Antonio, &Dom Juan Cardofo, qui furent du nombre des renvoyés, parurent très-fatisfaits du traitement qu'ils avoient reçu, & le dernier en marqua d'autant plus de reconnoiiïance, que quelque temps avant, il avoit été traité très mal par un Avantu-rier de la Jamaïque , entre les mains duquel il étoit tombé dans la mer du nord, alîez près de Porto-bello. Nous avons dé:à dit que ce Gentilhomme, quand on l'avoit pris, alloit " 240 Découvertes —-à Baldivia , donc il étoit nommé chY^iV' Gouverneur: cetoitun homme très-vif, âgé d'environ trente-ciwqans,& An. 170p. avoit été Colonel au fervice d'Efpagne. Meilleurs Morel promirent que fi les vaiffeaux confors vouloient les attendre, ils reviendraient dans un jour ou deux, avec tout l'argent qu'ils pourraient ramaffer , afin «Tacheter ce qui pourroit leur convenir, d'autant que la plus grande partie des effets n'étoient bons que pour le pays même. Les Capitaines leur déclarèrent que s'ils y man-quoient, ils brûleroient le gallion avec tout ce qu'il contenoit, parce que ce bâtiment leur étoit à charge , & qu'ils n'avoient de place fur les trois vaiffeaux confors, que pour mettre les chofes les plus néceffaires. Le matin du 17, les deux Morels, & quelques autres habitants , vinrent dans un grand canot, & achetèrent quelques marchandifes à un prix fî raifonnable , qu'ils prièrent qu'on leur permît de revenir avec tout l'argent qu'ils pourroient trouver, ce qui ne pouvoit manquer d'être très-agréable aux Capitaines, tant qu'ils ne verroient aucun danger d'être attaqués »es Européens. 24.1 attaqués par quelques Ennemis en état de leur nuire. E,V T ■> -v- • * ' * Cil. p. IX. jLe ib, un JNegre qui avoit ete mordu par un petit ferpent marque- An-X7°*. té , mourut en moins de douze heu- serpent* res, quoique le Médecin employât «euY d!™*" toute fa fcience pour lui fauver lacc"c lue. vie. L'ifle de Gorgone fourmille de cette efpece deferpents, dont quelques-uns font aufli gros que la jambe d'un homme, & ont dix ou douze pieds de long. On en trouva le même jour, un fur le château d'avant, qui fut tué parles hommes ,& qui y étoit monté par le cable : ces animaux font amphibies. Le 10, en fouillant dans le Marquis, on y trouva cinq cents rames de bulles du Pape, que Sa Sainteté ©voit données gratuitement au Roi d'Efpagne, & qui auroient produit un profit confidérable dans les Indes Occidentales. On les y vend depuis trois réaies la pièce jufqu'à cinquante pièces de huit, fuivant Jes facultés de l'Acheteur ; qui, par leur fecours, eft difpenfé de jeûner en certains jours, d'obferver l'abftinence, &de quelques autres pratiques de difci-jpline Eccléfiaitique, dont la tranf- 242 Découvertes * ■ greflîon le rendroit coupable fans Rogers, ceue rjifpenfe ( * ). Si l'Evéque n'a-voit pas échappe aux Anglois, la An. 1709. rançon de ces Bulles auroitpûleur procurer quelque avantage ; mais voyant qu'elles ne pouvoient leur être d'aucune utilité, ils les jetterent dans la mer , ou les mirent au feu. Le 20, un canot vint à bord des Anglois , avec quelque argent pour trafiquer : il leur apporta des oifeaux, des limons , & quelques autres rafraîchiffements : & fut fuivi le lendemain, d'un autre, ils arment Le 22, cinq Nègres des vaiffeaux icLUS fe cachèrent dans les bois, avec l'intention de déferter du côté des Efpar gnols, quand leurs Maîtres feroient partis ; mais on en reprit un le même jour, qui fut févérement puni. Le 24, on en retrouva trois autres , que la faim avoit forcé de quitter leur afyle, 8c ils furent ramenés aux vaiffeaux. Le 2j, le Duc donna trente- (*") Je ciois que le Lefleur fe difpenfera aifé-ïnent d'ajouter foi à cette p!?ifanterte de l'Auteujr Anglois , de même qu'à ce qu'il dit enfuite des Reliques qu'on trouva dans le même bâtiment ; ce qu'il ne mit , fans doute , que pour jettci un li? riiculc fur la çtedulitç des Efpagnols. t)es Européen"s. cinq hommes, & la Duehefle vingt- m (ix , ce qui fit en tout, foixante un blancs, qu^n mit^vec vingt Nègres, fur le Marquis^dont on don- An- lf&* na le commandement au Capitaine Edouard Cooke , & M. Charles Pope, fut nommé fécond Capitaine. On convint unanimement, que les Officiers feroient fur le même pied que ceux du Duc & de la Duehefle, tant pour les appointements que pour les parts dans les prifes. La nuit îiiivante, l'équipage de ce bâtiment fut allarmé par une ouverture qui s'y forma , & qui y fit monter huit pouces d'eau en une heure ; mais le Charpentier découvrit bien-tôt la plaie & y remédia. Le 27 , les canots revinrent avec M. Jean Morel, qui dit aux Capitaines, que fon frère vien-droit le len 'emain à bord, avec tout l'argent qu'il avoit pu ramalTer pour trafiquer : il parut alors évident qu'ils n'avoient retardé li long-temps , que dans l'efpérance que les Corfaires ïeur auroient abandonné les marchandifes pour rien, ou pour très*, peu de chofe, d'autant qu'ils nepou-voient les aller vendre à aucun autre endroit j mais fe voyant trompés 344 Découvertes ■ dans leur attente, ces Meilleurs fe \hakix* déterminèrent * faire les meilleurs marchés qu'il leur feroit poffible ; /11.170s». étant trcs-pei4iiadés qu'ils- ne trou-veroient jamais d'autre occaffon d'acheter des marchandifes à aulîi bas prix. i.eiiqUes Le 27 de Juillet, M. Morel revint qu'on Trouve ^ bord avec Ion frère , & de l'aigent fdaausullci>ri" pour le commerce : il dit aux Capitaines , que le pays étant dans de grandes allarmes, il avoit eu beaucoup de peine à obtenir la permiflioa de retourner vers eux: que le Gouverneur de Barbacoreétoit fur le rivage , à la tête de plus de deux cents hommes , tant pour empêcher de commercer avec les Anglois , que pour s'oppofer à leur defeeme, & que toute la côte étoit bordée d'hommes, qu'on avoit ralfemblés pour le même fujet. Les Corlaires avoient ôté du gallion , trois cents vingt balles de toiles , d'étoffes de laine & d'étoffes de foie, outre plufieurs boctes de couteaux, de cifeaux , aies haches , & d'autres outi.ls. Ils trouvèrent aufli à bord, une grande quantité de petits os, dans des reliquaires étiquetés des noms de différents des Européens. 247 Saints, dont quelques-uns font morts j depuis fept à huit cents ans, avec un *ç^$x.é nombre infini de médailles de cuivre , de croix, de chapelets & de An,l7°*< crucifix : des agnus de cire , des images Je Saints de toutes fortes de bois, dj p e.re 6c d'autres matières, en affez grande quantité pour en remplir trenre tonneaux, avec environ cent cinquante cailfes de livres, Efpagnols &L tins ; le tout apporté d'Italie, & deftiné pour les Jéfuires du Pérou. Cette efpece de marchandife étoit peu utile aux Matelots Anglois , aufli fe contenterent-ils d en garder qne.ques pièces de chaque efpece pour les faire voir à leurs amis, Se ils abandonnèrent le refte. Le 25), on tint à bord du Duc, r«comp • ' • • fes accorder» un Comité pour ce qui concernoit tux ilou,mc3 le butin , Se il y fut décidé « que tous d'équï^*. » les joyaux légers, Se toutes fortes » d'ornements de femmes , ainfi que « les anneaux d'or , excepté ceux « qu'on trouverait dans les bouti-ques des Orfèvres, feraient regar-=>» dés comme fuiets au pillage, ainfi 3> que toute efpece de vaillelle d'ar-?? gent, à l'ufage des vailfeaux, Se les » habillements tout faits: qu'il fe-j '246* Découvertes » roit donné,par forme de gratifica- fciuvîx.' " tion à M- J^ues Stratton, indé-33 pendamment de fa portion, qua- Aa. 170p. ?> rante roupies; à Guillaume Davis 3j & à Yerrick Derrickfon, vingt rouas pies chacun : la roupie eftimée la 33 valeur d'un demi écu (*) : aux r> gens de la chaloupe, qui avoit corn* 33 battu pour prendre le Marquis, 33 une balle de ferge, une de toile, 3-3 & deux de bayes, qu'ils vendroient 33 où ils le jugeroient à propos ; & 33 aux hommes- qui avoient remonté 33 la rivière au-delà de Guiaquil, 33 dans la pinafle de la DuchetTe, cha-33 cun un habit neuf, le tout au- delà 33 de leur part, dans le partage du 33 butin 33. Ces récompenfes furent diftri» buées dans la vue d'encourager les hommes, afin qu'ils fe comportai fent vaillamment à l'avenir ; mais malgré cette générofïré des Commandants , il s'éleva peu de jours (*) Je ne fai pourquoi cet Auteur fe fert du terme roupies, qui jamais ne fut en ufage dans l'Amérique ; cependant on le trouve de même dans l'original de Rogers, impr imé à Araftcidaiu «11716, des Européens. 247 après une mutinerie , qui auroit pu —..... avoir des fuites trcs-fâcheufes, M , , , . , . Cliap. IX. elle n avoit ete découverte par le aître garde de la DuchelTe, qui, An-l7°9' par hafard , entendit les Confpira-teurs, pendant qu'ils tenoient un confeil entre eux , fur les moyens qu'ils dévoient prendre pour réuffir. Environ foixante, avoient réglé cer- ^ tains articles qu'ils avoient respectivement lignés ; par lefquels ils pro-mettoient de fe foutenir les uns les autres , jufqu'à ce qu'ils eufïent obtenu ce qu'ils nommoient une juliice, au fujet du butin, qu'ils croyoient partagé avec partialité. On commença par faifïr , Se par On met au* mettre aux fers , quatre des princi- di„n" cc^cl paux Auteurs de ce projet féd ltieUX , piration. dont un étoit celui qui avoit écrit les articles. Cependant ils furent bien- • tôt mis en liberté, fur le repentir qu'ils marquèrent de leur crime , dont ils demandèrent pardon, en promettant de fe mieux conduire à l'avenir. Les Capitaines jugèrent que la douceur étoit le meilleur parti qu'on pût prendre , dans les circonstances où l'on fe trouvoit, d'autant que li l'on avoit agi avec rigueur Liv 248 Découvertes « contre un petit nombre , pendant r^oetS> qu'ils avoient tant de complices, les Chap. IX. 1 . . r „ r . - luîtes en auroient pu être tacneuies. An. 1705. Au contraire, tous parurent alors rentrer dans le devoir, & concourir à l'intérêt commun, après que le Capitaine Rogers leur eût fait une harangue, dans laquelle il les allura ^ . qu'ils feroient fatisfaits fur toutes les demandes légitimes qu'ils pourraient faire; leur promit qu'on augmenterait leur part du butin , & conclut, en leur repréfentaut en termes pathétiques, le danger qu'il y avoit à former des confpirations fembîables à celle qu'on venoit de découvrir. ©es Européens. CHAPITRE X. Meffieurs Navarre cr Morelfont remis en poffeffion de leurs vaiffeaux r effectif s \ Politeffe des gens des Cor-faires envers le beau J'exe ; Defcription de l'ifle de Gorgone ; Les vaiffeaux mettait à la voile pour Teca-mes; Leur conduite dans cette baie ; A4. Navarre prend congé des Anglois j Defcription de Tecatms; Cd" ratière & mœurs des Habitants ; Defcription de ïifle des trois Afuries ; Politc[Je naturelle des Californiens ; Les Corfaires prennent un vaiffeau de Manille , un autre s'échappe ; On met en Liberté les otages de Guiaquil;, Le Capitaine Dover efl nommé Capitaine de la prife 5 Oppofition du Capitaine Rogers. LE 6* d'Août, dans un Confeil b.ogm rs, des principaux Officiers des chap x. trois vaiiTeaux , tenu à bord de la ' Di n-\ j , Les Officier* ucneile, ils s engagèrent tous par font r«ment ferment, à ne fe point Quitter, tant'*- nc Pai,:î qu'il leur feroit poflible d'aller en-fc Lv 2fo Découvertes »'■"— femble. Il fut aufli propofé de faire1 R~.GE*S* jurer à chacun des hommes, qu'il Cl.3p. x. ' , . , , , 1 . n avoit point cache &ne cacherait An 1701».. jamais à l'avenir, aucune partie do butin , qui ne lui appartiendrait pas en propre , fous peine d'une amende de vingt fois la valeur de l'effet caché : mais la plus grande partie firent de fortes objections contre ce projet , 8c il ne fut pas exécuté pour lors. Reten-ne des Le 7, on convint de rendre à Corfatrcs«- ]\lefTleurs Morel 8c Navarre leurs vaif-mes. " a féaux refpectifs, avec quelques Nègres 8c les marchandifes , dont on ne pouvoit pas efpérer de fe défaire actuellement , 8c on les leur remit aulli-tôt. Quelques Dames qui étoient à bord du vaifleau de M. Navarre, 8c fur lefquelles on avoit trouvé un très-riche butin , avouèrent à leur départ , qu'elles avoient été traitées avec la plus grande politeffe, pen-dant qu'on les avoit gardées. Cette conduite eft d'autant plus remarquable, que c'eft une vertu prefque fans exemple , de trouver de la faîiefïe dans l'équipage d'un vailfeau Corfai-re , particulièrement quand les fera* jœs font jeunes 8c belles» des Européens. 25t L'ifle de Gorgone a trois lieues de 1 ■* longueur du nord-eft au fud-oueft ,Rc0hGpE \\* mais elle eft beaucoup plus étroite. Elle eft environ à lix lieues du con- An' 17°9' tinent, remplie de bois & de grands P^'iP"** arbres, dont celui qu on appelle Gorgone palma maria , eft allez bon pour taire des mâts, & il en découle un baume efficace en plufïeurs maladies. Cette Ifle vue à quelque diftance, paroît d'une hauteur médiocre, & partagée en trois petites collines. L'ancrage, eft bon dans toute la partie du nord, mais le terrein eft mauvais en quelques autres endroits, & l'on trouve des bas-fonds près du rivage, particulièrement du côté du lud eft, & près la pointe du lud-oueft, où il y a une petite ifle, qui touche prefque celle deGorgone ,avec un bas-fonds entre deux. Les E'pagnols difent qu'on éprouve de furieux ouragans, tk de t-.'rribles tourbillons de vent aux environs de cette ifle ; mais le Capitaine Rogers n'y trouva rien de femblable, & il y reffentit feulement quelques ondées de plu.es k quelques tonnerres dp temps en-t n:ps. Depu.s le commence enr du printemps juiqu'au mois de Mai, ii vient 2^2 Découvertes i fouvent de fortes brifes du côté dit RCha ExS'n0rd- Il y a aux environs de cette Ifle k An- n°9> quelques rochers remarquables , entre autres un au fud-oueft, qui, étans vu à la diftance d'un mille retient-ble parfaitement à une voile. A la pointe du nord-eft, on en trouve plufieurs très-élevés, ronds & efcar-pés, environ à la longueur d'un cable du rivage, & beaucoup d'oifeaux de mer y font leurs nids, ïroduclions ^es betes & Jes infectes de cette éc ccitc ifle Ifle, font les finges , les cochons d'Inde, les lièvres, les lézards , & ceux qu'on nomme lions-lézards , qui. changent de couleur comme lea caméléons, & font très-agréables à voir. Il y a aufli diverfes elpeces do ferpents , en telle quantité, qu'il y a fort peu de sûreté à y marcher. 11 y croît une grande variété d'arbres & de plantes , dont la plus grande partie ne viennent que dans les pays chauds , & font absolument inconnus dans nos climats. Qjj y trouve aufli diverfes fortes de poiflbns qu'on ne pèche jamais dans nos mers ; mais les mullers y font en grande quantité : cependant il eft ©es Européens. 25*3 très-difficile de les y pêcher avec la 1 ligne & le hameçon, à caufe de netteté de l'eau , qui leur fait voir & éviter le piège. On y trouve aufli un An- *7°9« peu de corail blanc , & beaucoup d'huîtres, d'où l'on tire quelquefois d'alfez belles perles. ' Quelques-uns des gens du Duc, A»ïmai V » . , \ ,-j 1 1 nomme le y prirent un animal tres-iaid, de laparefleux. groffeujr d'un finge de moyenne taille , dont le poil étoit long & épais, les yeux, le nez & les autres traits petits, le vifage très-ridé, & plus difforme que celui du finge ; les oreilles plus petites , les dents longues & aiguës , le derrière gros , & le corps épais à proportion , avec la queue très-courte ; &au lieu des cinq doigts des linges, cet animal en avoit feulement trois à chaque patte, avec des griffes longues & pointues. On en latlla grimper un fur la plus baffe voile de mizaine, & il fut deux heures à gagner le haut du grand mât* ce qu'un fmge auroit fait en moins d'une demi-minute, fl marchoitd'un flas lent & égal, comme fl" tous fes mouvements euffent été dirigés par celui d'une montre. Les Efpagnols le nomment, avez affez de raifon, le 2 5*4 Découvertes 1 "1 pareffeux: ils difent qu'il fe nourrit Cfeap/x.8' des Quilles d'un arbre très-élevé, & que lorlqu'il a mangé tout ce qui eft An. 1709. aucour de lui t avant qu'il foit def> cendu, & qu'il en ait gagné un autre, il a le temps de devenir maigre & prefque de mourir de faim. Notre Navigateur vit dans cette Ifle, très-peu d'oifeaux terreftres , parce que les linges en dritruifent prefque tous les ceuts. Les Anglois tuèrent plufieurs de ces fingcs , dont ils firent des tricaffces , & des bouillons pour les malades, mais aucun des Officiers n'en voulut manger, parce qu'ils avoient allez de provifîons , excepté le Capitaine Dampier, qui avoit été accoutumé à cette efpece de nourriture, &qui les affura que jamais à Londres , il n'a-Voit trouvé de mers aulîi délicieux que la chair des finges & des babouins de ce pays. Tropofmon ' Le i o d'Août, le Capitaine Ro-du capitaine gers propofa d'envoyer le Marquis S"'re;ct"au Bréfil, pour Vendre les marchandées des pr.ies, & pour y acheter des orovifiops iraîc lies, pendant que le Duc & la Duehefle, qu'il iu -eoit affez forts pour fon projet,demeure- DES ElT R 0 E ê E" S. 2ff raient à la même hauteur, & y at- —— tendroient le vaifleau de Manille.Ko^} Cette propolition futrejettée, quoiqu'il fût évident que fi elle eût été fuivie , on en auroit retiré de grands avantages. Quoiqu'on eût beaucoup foulage le Marquis, en jettant dans la mer deux gros canons , vingt ballots de tabac, & quelques autres marchandées pefantes , il étoit toujours très-lourd à la voile; &lefentiment du Capitaine Rogers, étoit que ce bâtiment retarderait leurs opérations lus qu'il ne leur* pourrait fervir* ar cette raifon, il auroit voulu lé-loigner ainli que la barque, & l'on vie par la fuite qu'il penfoit jufte, quoique pour lors, le plus grand-nombre fût d'un avis contraire. Le 12, ils fe trouvèrent à treize lieues de Gorgone, ayant cette Ifle au fud quart à l'eft. Le i 8, le Duc Prit un vaifleau qui alloit de Panama a Lima; il étoit du port de foixante & dix tonneaux , mais il n'avoit rien à bord de quelque valeur, excepté vingt-quatre Nègres. Ils apprirent parles gens d'équipage de cette prife, que toute la cote étoit en alLrme, à eaufe de leur féjour dans ces mers» 2 co* Découvertes ■ & que tous les habitants avoient la G E R s ' plus grande crainte de recevoir leur vihte , depuis qu ils avoient pria An. 17»*. Guiaquil. ih entrent Le 2C d'Août, les deux barques dé'ïMnûs eurent orare d'entrer dans la baie de '"'Tecames, & les vailTeaux Confors y jetterent l'ancre quelques heures après. C etoit dans le même endroit que Sir François Drake fit un prife considérable d'argent en 15*78, & en iy5>4 Sir Richard Haukins y fut fait prifonnnier par les Efpagnols, M. White , l'Interprète, ayant ha-zardé de defcendre à terre fans ordre , avec quelques Matelots , fut bien près de devenir la victime de fa défobéiflance. Les Indiens les attaquèrent d'uneembutcade, avec des armes à feu , des arcs , des flèches & des lances. Ils durent la vie aux ténèbres de la nuit, & au couvert d'un bois dans lequel ils fe retirèrent : mais le lendemain , ils entrèrent en négociation , par la médiation d'un Religieux qu'ils avoient fait prifon-nier dans la dernière prife. Les Indiens acceptèrent un pré'ent de trois ftatues de Saints. & d'un chapeau de plumes, deûiné pour la femme des Européens. 2^7 de leur Chef. Alors ils lavèrent la cou--—* leur rouge dont ils étoient peints, Ro,G 1 V _ • n , , r » Chap. X. qui eitcnez eux un ligne de guerre, & envoyèrent auflï en préfent, plu- An-»7»> he us arcs & quelques flèches, au Capitaine Kogers. Ils fe comportèrent enfuite très-ilsne-ocicni pailiblement , & montrèrent aux "Y^jJ'-'* J* gens de la barque, qui alloient faire de l'eau, l'endroit on ils trouveraient la meilleure. Ils ne fe firent aucune peine de venir à bord & de vih'ter le vaifleau: un, particulièrement, qui étoit entièrement nud, parut li charmé à la vue de ce bâtiment, qu'on pût à peine le faire fortir de la grande chambre , où il s'étoit couché fur le plancher , 8e où il demeura fort longtemps , dans une efpece de contemplation. Enfin, il fedifpofa à partir, & parut très-(àtisfait d'un coup d'eau-de-vie qu'on lui donna, & de quelques vieux haillons d'habillemenr. Le 26, les chaloupes revinrent chargées d'eau , & apportèrent une lettre d'un Moine , qui étoit comme le Gouverneur du village , par laquelle il marquait que les habitants étoient difpofés à échanger toutes fortes de provifions fraîches, telles que des • 2.$$ Découvertes fcÉ m vaches, des cochons, des plantains rooer s, ^ d'autres ; pour les marchandifes chap.x. Cjuejes /\n^lois voudroient envoyer An.1705. à terre. Par cecommerce , ils lurent bien-tôt munis d'une bonne quantité de provilions, quoiqu'elles ne fut fent pas encore furfifantes pour.tout le voyage, puilqu'ils furent obligés peu de temps après, d'aller aux ifles de Gallapagos, pour y prendre des tortues. Avant de quitter Tecames, ils mirent à terre le Moine qui leur avoit fervi de Plénipotentiaire, fur la demande qu'il en fit ; & par re-connoidance, ils lui firent préfent d'une EfclaveNegrelfe, à laquelle il paroifloit plus attaché qu'il ne con-Venoit à fon état. Ils envoyèrent aulîî au Moine ou Prêtre du village, un Nerre & une pièce de baie, pour le remercier de fa politefle. Ils ven-, dirent les Nègres qui leur étoient inutiles , quatre ballots de baies, & une pièce de camelot à M. Navarre , avant qu'il les quittât, & il s'engagea de remettre à l'ordre des Intéreffés, trois mille cinq cents pièces de huit en pavement à la Jamaïque , par la Voie de Porto Bello. Us mirent en-fuite tous leurs Prifonniers dans une des Européens. 2 ftj barque fans agrès , & les laifTerent en ..... liberté de gagner la terre à la haute R°GE V* nier, après quoi ils remirent a la voile le 3 1, vers fix heures du matin , Att-avec un vent frais de lud-fud-oueft, emmenant feulement deux des otages qu'ils avoient retenus, à caufe du défaut de payement de la rançon de Guiaquil; & ils fe déterminèrent^ alors, à les conduire en Angleterre. On leur en avoit laide trois, mais ils renvoyèrent le moins conlidérable fur la prife, avec les autres Prifonniers , qu'ils mirent en liberté. Le village de Tecames eft près du D'j"!1pTtJj* bord du la mer, compofé feulement ruâmes, d'une Eglife & de fept maifons, où les Corfaires ne trouvèrent rien de quelque valeur. Il eft vraifemblable qu'à leur approche, les habitants, qui étoient très-experts à lachaOeôC a la pêche, avoient emporté leurs meilleurs effets dans les bois. Les maifons font bâties de bamboucs fendus , couvertes de feuilles de palmier, & élevées fur des poteaux, avec les étables à cochon delTous. On y monte par des pièces de bois mifes en travers, qui fervent d'efcalier. A quatre lieues plus avant dans les ter- 260 Découvertes res , il y a un village plus confîde'ra-ble, qui eft la réiidence du Moine donc nous avons parlé; mais l'efpace An. 1705. intermédiaire n'efl: pas entièrement inhabité. On trouve en cet endroit deux ou trois rivières continues , qui fe déchargent dans la mer. Vers minuit , il s'y élevé ordinairement un vent de terre qui vient du fud ou de fud quart à l'eft, & qui dure jufques ver3 midi. Enfuite le vent de mer sé-leve jufqu'à minuit, venant de l'ouefl: & de i'oueft fud-oueft. Le temps y eft fec, depuis le mois de Juin juf-qu'en Décembre, & il tombe des pluies douces depuis Janvier jufqu'ai» mois de Mai. Les Indiens font barbares & hardis; ils fe fervent dans les combats, de flèches empoifonnées & d'armes à feu, qu'ils tirent au travers de haies: on ne gagne rien auprès d'eux par la force ;: & tous ceux qui font obligés de mouiller fur cette côte , doivent s'attacher à fe les rendre amis par la douceur. Us abordent Le 8 de Septembre, les trois vaif- ciap4t#fce^eaux Confors gagnèrent les ifles de Gallapagos, où ils demeurèrent juf-qu'au matin du» 17 , pour y prendre r>£s Européens. 261 des tortues & du Tel, qu'on y trouve 1 ' en grande quantité. Les Efpagnols Rc°^fE g ' comptent cinquante de ces Ifles; mais l'eau n'eft bonne que dans une. A" Il y a une grande quantité d'oifeaux de ,terre & de mer ; on y voit entre autres, des faucons,& des tourtelles fi peu fauvages, qu'elles fe laillent tuer avec un bâton. Il y a au/îï des veaux marins , fi féroces, qu'ils attaquent les hommes qu'ils rencontrent, comme il arriva au Capitaine Rogers , qui eut beaucoup de peine à fe débarralTer d'un qui venoit fur lui avec toute la fureur d'un dogue irrité, & il ne le quitta qu'après avoir reçu trois blefluresd'une pique, que le Capitaine tenoit à la main. Pendant que les Anglois furent dans ces Ifles , ils mirent dix Nègres à terre , pour couper du bois de chauffage, & il y en eut fept qui déferterent dans les torêts. Le 2 d'Oétobre, n'étant qu'à dix ns font dans lieues du Mexique, qu'ils avoient au grande nord eft, quelques-uns des hommes^iia^ dc tombèrent en loiblefle, & devinrent malades ; mais ils furent prompte-ment rétablis par la faignée. Cet accident venoit sûrement de la petite £6*2 Découvertes **" quantité de pain qu'on leur donnoit-, ^chapY' étant réduits par jour à une livre & un quart pour cinq hommes. Leur An. 1705. principale nourriture étoit la chair de tortue, qui eft un très-bon préfer-vatif contre le fcorbut ; mais qui n'efl: pas propre à donner des forces. Le 4 d'Oétobre, ils mouillèrent aux ifles des trois Maries, où ils demeurèrent jufqu'au 24 , à couper du bois, à faire de l'eau, & à prendre des tortues. Ils eurent beaucoup de peine à trouver une fontaine d'eau-faîche ; toutes celles qu'ils rencontrèrent, à l'exception de deux, où ils firent leur provifion , non-feulement don-noient des eaux ameres, mais elles les purgeoient fortement; ce qui étoij occahonné par les mines & les racines qui en étoient voifines. Ces Ifles font à 20 degrés 4.5" minutes de latitude, ou aux environs; la plus grande paroît avoir cinq lieues de longueur , celle du milieu en peut avoir trois , & la plus petite, un peu moins de deux. On y trouve beaucoup de pigeons , de tourterelles, de perroquets , & d'autres efpeces d'oifeaux , avec d'excellents lièvres , des guanos & des racouns, qui font na,» des Européens. 26*5 turellement méchants. & aboyent ■ comme des chiens. Pendant qu'ils de- *"■.» meurerent dans ces Ifles, le Capi- ap' * taine Thon.as Dover, avec le con- AniI70*» fentement d'un Comité , quitta Je Duc , & pafla à bord de la Duehefle. On prit alors la réfolution de croifer Vers le cap Saint Luc , qui efl la pointe la plus méridionale de la Californie ; dans l'e'pérance de rencontrer le vaifleau de Manille ou d'Aca-pulco. Le 30, une Negrefle accoucha d'une fille à bord du Duc, parle fecours de M. Wafle, premier Chi-rurgier, dans une cabane qu'on avoit préparée pour la recevoir. Le Capitaine Rogers, dans la relation qu'il nous a donnée de ce voyage , prend les plus grandes précautions pour que le Lecteur n'aceufe pas fes gens de débauche, ou les Capitaines eux-mêmes , d'indulgence à ce fujet. Il allure que cette femme n'étoit avec eux, que depuis fix mois: qu'une autre Negrefle , nommée Daphné , qui étoit aufli à bord , fut menacée d'être châtiée très- févérement fi elle •manquoit à la chafleté; & qu'une autre lut fouettée au cabeftan de la Duehefle, pour quelque légère ga- \ 26*4 Découvertes lantcrie. Il paroît que ces femmes fa- RoaF.Rs. vo[ent un peu d'Anglois, & qu'elles leur iervoient a faire la anime, a An. 1709. blanchir le linge, & à raccommoder les habits. Us arrivent T • j xt l * \ à la côte de Le premier de Novembre, étant à Saiifomic. ja latitude de 22 degrés y y minutes, ils découvrirent la Californie envi-ton à huit lieues de diftance du côté de l'oueif, quart au Nord. On lit des défenfes tres-féveres lur le jeu , & le 17, on découvrit quelques Indiens fur un radeau allez éloigné. Quand ils virent les vailfeaux, ils craignirent d'abord d'en approcher-, mais on les y engagea bien-tôt, par un réfent de couteaux & de quelques aies. Us apportèrent des peaux de cerfs, deux renards en vie, & deux veilies pleines d'eau. Us étoient entièrement nuds, & n'avoient aucune connoiflance de la Langue Efpa-gnole, ce qui fit juger qu'ils n'avoient point de communication avec cette Nation , & ils parurent ignorer totalement la manière dont les Européens faifoient leur commerce. Q el-ques gens d'équipage fe hazarderent à defcendre le ip , fur leurs radeaux, parce que la iner çtoit trop forte pour des Européens. Pour le faire dans des chaloupes. Les ■" Habitants qui étoient" d'un caractère KQhV V.' tres-doux, les aidèrent en tout ce qu'ils purent, en s'efluyant l'eau du An,I7°'* vifage avec les mains. Quand ils furent arrivés à terre, Humanité les Matelots , dont chacun étoit fou- f^ibi' tenu par deux Sauvages, furent conduits par un chemin étroit, d'environ un quart de mille de longueur* leurs huttes, où leur arrivée fut célébrée au fon d'un inftrument très-difcordant, qui n'étoit compoféque ; tachés pour en faire part à d'autres, Quoiqu'il y ait des pays dans le nun-e, où ce partage eft honorable. Le 21 , la chaloupe fut envoyée à ter o avec un muhcien ; mais Rogers ne nous dit point quelle impreflîon l'haï-. Tome X, M 2 6*6 Découvertes ■ i monie put taire fur un peuple aufli Rogers, neuf & aullî peu civililé. Ii dit leu-t'"3p" x' lement que la chaloupe revint le len-An. 170p. demain ; qu'elle avoir trouve une baie très-sure à peu de diftance, avec une bonne rivière d'eau douce qui y tomboit ; & près de cette rivière, les huttes de plus de cinq cents Indiens, qui ne purent fournir aux vaiffeaux autre chofe que du poiffon. Notre Auteur croit que cette baie eft l'endroit ou relâcha Thomas Cavendifh en 1 yS8. Le 27, les Indiens commencèrent à devenir- plus réferves, &' à 1. tenir à une plus grande diftanee des Matelots , comme s'ils euiïentcraint que les Corfaires, en reftant fi long-temps avec eux , ne priflent plus de goût qu'ils ne le défiroient, pour leur pays. Le 28 , deux hommes furent punis, pour avoir volé la clef du magafïn au Maître Garde , pendant qu'il dermoit , & y avoir pris du pain & du fuc re. Ce crime étoit alors d'autant moins pardonnable, que le pain n'étoit plus qu'en très-petite quantité , & qu'on n'avoir pas d'ef-pérance d'en trouver jufqu'à ce qu'on fut arrivé à l'ifle de Guam , où l'on des Européens. 26*7 Avoit deflein de fe rendre en quittant ■ tmn* la Californie. R°GEV Ti i Chap. X. ils commencèrent tous a defef-pérer de rencontrer cette année le Vaifleau de Manille; un mois s'étant L«Angio écoule depuis le temps qu'il a coutu- valaSali de nie de palier près de cette côte. Ce- MaaUl»* pendant à la joie générale de tous les équipages, on le découvrit le 21 de Décembre, & le 22, il fut pris par le Duc, après un combat très-court , dans lequel les Efpagnols perdirent neuf hommes, & en eurent un plus grand nombre de bielles. Le feul dommage que reçut le Duc , fut que le Capitaine Rogers eut un coup dans la joue, qui lui caffa la mâchoire , & qu'un Matelot Irlandois fut légèrement bleflé. Ce vaifleau étoit commandé par M, Jean Pichberti, brave François,auquel les Corfaires donnèrent Ja liberté quelques jours après. Us lui laiflerent la barque avec les marchandifes de la prife, pour lefquelles ils acceptèrent fes billets payables à Londres , & montant à fix mille piaflres. On permi»; aufli aux deux otages de Guiaquil, de s'embarquer à bord de la même barque. M.ij 2f58 Découvertes -- Ce vaifleau avoit cent quatre- ^Ch«B V' vin§c tre^ze hommes à bord , il por» toit vingt canons & vingt pierners: An. 1705. il étoit parti avec un autre beaucoup plus fort, du port de neuf cents tonneaux , que les Corfaires rencontrèrent quelques jours après; mais ils furent obligés de l'abandonner, après un combat de fuite , qui dura près de deux jours. Urenvoyem Le premier de Janvier 1710, 1* le capitaine barque quiportoitM. dePichberti, & les otages, . 1 * r „ , tj t de Guiaquil. les deux otages & les autres Priion-An. 1710. mers> partit du port de Segura, &fit voile pour Acapulco , munie d'une Î|uantité furBfante d'eau & de provi-ions. On rendit au Capitaine, aux Officiers & au Chapelain , leurs livres, leurs habillements & leurs inf-truments ; politelTe dont ils parurent très-reconnoiffants. Le lendemain ou le fur-lendemain , le Capitaine Dover, fut nommé Commandant de la prife par le plus grand nombre des Officiers, dans un Comité tenu à ce fujet ; & l'on donna à cette prife , le nom de la frégate le Bachelier. Woodes Rogers, qui avoit une opinion allez médiocre de ce Capitaine, en fa des Européens, sôp qualité d'Officier de mer, fit contre —■......■ cette nomination une proteftation *c°hJpE Rxst* folemnelie, qui fut aufli foufcrite par les principaux Officiers du Duc* A*' *71*< Pour prévenir les défordres qui au-roient pu fuivre de la chaleur des ef-prits, & empêcher que les difputes ne prillent de nouvelles forces, on affembla un autre Comité, dans lequel il fut décidé que le Capitaine Dover, demeureroit à bord de la prife , avec le titre de premier Capitaine ; mais lans aucune autorité pour faire voile, pour combattre, ni pour toutes les autres affaires qui regar-doient immédiatement le vailfeau , dont les foins furent confiés conjointement à M. Stratton & à M. Frye. Cette décifion fatisfit Rogers & fes Partifans , & l'unanimité fut promp-tement rétablit. On convint aufli que leur expédition dans ces mers, étant près de fa fin, ils fe difpoferoient à retourner en Europe, & qu'en cas de fépara-tion , le lieu de rendez vous feroit à Guam , une des ifles des Larrons. Le 11 de Janvier , ils firent voile du port Ségura, de dirigèrent leur cours vers Guam ; ils n'avoient alors M iij 270 Découvertes m ,, m que très-peu de provifîons & de ii-Rcha b x ' cependant ils jugèrent qu'il étoit fort peuplé , par la grande quantité de fumées qu'ils remarquèrent en divers endroits. L'ancrage traduction Françoifc de l'Ouvrage . oii ccfre afler-tion eft démontrée, Les Aigloisen ont aufli aflec fait d'eftime pour eu donner une Edition en lem Langue. ©es Européens. 273 ny eft pas des meilleurs dans le■ temps de la haute mer, & en gène'- ^^xl* ral, il y a peu d'avantage à y relâcher. Pendant que les Corfaires y de- An' meurerent} ils en trouvèrent l'air fe-rein, agréable & très-fain, avec de légères brifes, un peu de pluie» de fortes rofées, & les nuits plutôt froides que chaudes. Les Habitants , dont ils virent en- »« Hat»? virort trois cents, font grands &tant5* droits, avec les membres gros, & plus noirs qu'aucun autre peuple de la mer du fud. Leurs cheveux qui font droits, longs & noirs, leur tombent jufqu'aux cuifles. Les hommes font entièrement nuds, & les femmes font couvertes pour la pudeur, de quelques feuilles, ou d'un morceau d'étoffe, faite avec la plante qu'on nomme herbe à foie , ou de peaux d'oifeaux ou d'autres bêtes. Les deux fe-xes font également vilains & hideux s il' paroît qu'ils craignent d'expofer leurs jeunes filles à la vue des Etrangers ; mais fi l'on en peut juger par les mères, cette crainte eft peu fondée , & il n'y a pas lieu de croire qu'on fût expofé avec elles, à aucune tentation, ' M Y 274 Découvertes —— Leur langage eft dur , rauque ÔC \Uha/xt ' vient beaucoup de la gorge, cnlorte qu il oftenfe autant les oreilles , que An. 1710. jeur figure déplaît aux yeux. Le Ca-Leur iajiga-pitaine avoit d'abord formé le pro-*c' jet d'emmener deux de ces Habitants,, pour être mieux inftruits du pays, quand ils fauroient allez d'Anglois-pour fe faire entendre; mais comme il avoit fort peu de proviiions, il craignit de s'en charger, tcurprobité.. Quelques-uns d'entre eux portent des bracelets de perles, de graines-rouges, de petits mor.eaux de bois & de coquilles, attachées avec de l'herbe de foie autour de leurs bras & de leurs jambes; Us pre*ei oient ces bagatelles aux chapelets de verre que leur piéfentoiènt les Matelots, comme s'ils en euflent connu le peu. de valeur intrinfeque. Ils*ne défi* roient que des comeaux, & d'autres inftrumenrs tranchanrs ; mais ils étoient h" remplis de probité , qu'ils ne touchoient à aucuns des outils-des Charpentiers ni des Tonneliers , & que ceux qu'on laifToit le foir fur le rivage, fe re'.rouvoient le matin, à la même place.. des Européens. 275' meubles ni aux uftenfiles des Euro- ■■ pécns. Leurs huttes font baffes, Ôc R ^L laites de branches d'arbres & de ro- ufc féaux; mais elles ne font pas affez An- w1*»-couvertes pour les garantir de la pluie, & ils n'ont aucun jardin aux environs. Ils vivent particuliéremenc de poiflTon, &c cette circonffance , jc-inte au peu de folidité* de leurs huttes , qui ne paroiffent conftruires que pour un temps, fit juger aux Anglois, qu'ils n'avoient pas d'habitation fixe. Ils n'ont ni filets, ni hameçons pour la pêche; mais ils fe* fervent d mftruments de bois, avec . lefquels ils dardent le poiffon très-adroitement, &c ils fcnt aullï d'excellents Plongeurs. Quelques-uns des Matelots dirent au Capitaine Rogers, qu'ils en avoient vu un, qui plongeoit avec fon inftrument de bois, qu'en demeurant long temps-fous l'eau, il l'.élevoit avec un poiffon au bout, & que les autres Sauvages Je prenoiertt du radeau où ils l'attendoient. Le Capitaine fit jetter quelques couteaux grofîïers en mer „ pour e'prouverleur aôrefl . à pion ;;er„ & il croit rare qu'ils ne les priffenc pas avant qu'il fiuTeat à plus de trois 2.^6 Découvertes ■ ou quatre brafîes de profondeur, Chap.xi/ Preilve de leur grande agilité. Au lieu de pain , ils font ufage de An. 17io. petjtes graines noires , dont le goût teut nour-reflemble affez à celui du café; ils mure jes j3rifent avec des pierres & les mangent enfuite à poignées. Us onc quelques racines allez femblables auxyams, une efpece de graine, qui vient dans des colfes , & dont le goût approche beaucoup de celui de nos pois verds, & une baie qui ref-femble à celle du lierre: ils la font fécher au feu, & la mangent comme nous faifons nos pois fecs. Ils ont une autre baie, dont ils font une grande eftime; elle reffemble à nos grofles grofeilles , d'un blanc tirans fur le verd, avec une poulpe , un noyau & un pépin. Us ont aufli un fruit qui croît fur un arbre femblable à la poire piquante, dont le goût eft. à peu près comme celui des grofeilles rouges, & il eft très-bon dans les fauces. On y trouve beaucoup de graines & de plantes, qui nous font totalement inconnues. iHJfîndo Us paroiffent avoir une faifon lci.ct. pour la chaflV, à en juger par les peaux de cerfs & d'autres bêtes fau- des Européens. 277 ves. Us marquent un refpecl: partieu- * lier pour un d'entre eux, dont laR°G£*Ts' tete ait o;nee d une elpece de chapeau de plumes j mais du refte, tout An'l7lQi paroît être en commun. Ils font lents & parefleux , & ne longent qu'au moment préfent pour leur fubfïffance. Ils s'arrétoient à regarder les Matelots, quand ilscoupoientdu bois, ou quand ils faifoient de l'eau ; mais ils ne les aidoient jamais dans leur travail, ni à rien qui pût caufer quelque fatigue. Us portent des arcs & des flèches, Leur adreflfc, avec lefquelles ils percent des eifeaux JJ"" c volants. Les arcs ont environ fept pieds de long , d'un bois dur & pliant, avec des cordes de l'herbe à foie. Leur flèches, qui ont quatre pieds & demi de longueur, font de cannes,avec des pointes d'os de poiffon bien aiguifés pour cet ufage. La plus grande partie de leurs couteaux & de leurs autres inftruments tranchants, font de dents de requins. Ils ont de fort grofles perles, dont ils font des colliers & des bracelets» Le pays en général, eft agréable 5c fertile , abondant en beftiaux & en autres provifions de toutes efpeces» 27 S DÉ COUVER T E 5 .., Les habitants fe familiariferent ai» *o& s, fément avec les Anglois, & vinrent apXI fouvent voir de près leurs vailfeaux: ; i/io- qu'ils regardoient avec admiration, Us n'ont ni barques, ni canots, ni aucune autre efpece de bâtiment qui pu ifle aller à la voile, lis fe fervent; feulement de radeaux, qu'ils-condui-fent avec des pagayes. On donna une chemife à l'un de ces habitants ; mais il la déchira aufli tôt en pièces, qu'il partagea avec les Compagnons, pour y mettre les graines dont ils Font leur nourriture. Le Capitaine Ro ^ers ne vit chez eux aucun uften-file de cuiflne : ils enterrent leur poiflbn dans un monceau de fable, & font du feu deùus', julqu'à ce qu'ils le jugent en état d'être mangé. L'eau eft très-bonne dans ce pays , & ils ont beaucoup de fenouil. Ils font le feu au milieu de leurs huttes, qui étant très-bafles , fe rempliflent bientôt de fumée j & pour l'allumer, ils frottent fortement l'un contre l'autre deux barons fecs . ce qui eft: la méthode de tous les Indiens fauvages» yorroùaVor- On peut reconuoître l'entrée du dfetént Us port, par quatre rochers élevés , fem-*oâlww' i, tables aux aiguilles de l'ifle de DES E U R O- P' Ê F N' SV 279 !wîght, quand on y arrive du côté de 1 oueft. Les deux qui Tout les plus occidentales, ontla l'orme de pains de fucre. Le pl is intérieur de ces cochers a une arche comme un pont,, fous laquelle palle la mer. Dans la partie la plus profonde de la baie * on peut jetter l'ancre depuis dix», jufqua vingt ou vingt-cinq braifes> d'eau. CHAPITRE xa Defcription du Mexique* LE Mexique elT fîtué entre le huitième degré de Iaritude fep- 'Vhaj..xii.' teiitrionale, & le cinquante ou cinquante-cinquième ; mais il eft peu Ani"0« connu, & n'eft point habité par ^'•i^SS't^ Efpagnols, au-delà de 5 r dégrés.mciiedumc-Qn le partage en vieux & en nouveau xulue« Mexique ; ce qui comprend en général, toute la partie occidentale de l'Amérique Septentrionale connue». Il eft divifé en audiences ou Jurif-d.5t;->ns de Saint Domingue, dit Mexique proprement dit, de Gua— dalajura, ou nouvelle Galice, &. d$ 280 Découvertes Guatimala. Ces audiences font fub- Rc°hGpHxan4 'divifées en différences Provinces , donc nous ne rapporterons pas les An. iyio. noms > pour ne point fatiguer le Lecteur. La partie nommée nouvelle Efpagne , eft la meilleure & la plus importante de toute l'Amérique Septentrionale; mais les E.pagnolsétendent fouvent ce nom de nouvelle Efpagne, à tout ce qu'ils polfedent dans ce pays. L'air, en général, y eft doux, tempéré , très-fain, fie Je terroir li fertile, qu'en quelques endroits, il produit cent grains de bled pour un ; mais les pluies d'été y font li fortes, qu'on ne peut y recueillir ni huile ni vin. înIactMa°m" ^a P^ante 'a P*us remarquable de hej.' *s' ce pays, eft celle qu'ils appellent Maghey ; elle y croît en grande abondance, & l'on en trouve aufli , mais en petite quantité, dans les ifles des trois Maries. Les Naturels &les Efpagnols font de petit vin avec le jus de cette plante, qui fert encore à d'autres ufages, & l'on prend les feuilles avec quelques côtes, pour faire des cordages, du fil & de la toile, dont on fe fert pour des facs & ces euhopéins. 2$I des chemifes. Ils ont beaucoup de-——* gros & de menu bétail, & une li gran- c^.VnV de quantité d'oifeaux, qu'ils en tuent fouvent uniquement pour les peaux An. 1710» & pour les plumes. Us ont aufli d'excellents chevaux de race Efpa-gnole. Il y a peu de mines d'or dans ce pays, mais on y trouve beaucoup de mines d'argent, & quoiqu'elles ne f.nent pas aufli riches que celles du Pérou , on les exploite plusailémenr. Les autres principales denrées , producliona font le fer, l'acier fit le cuivre, lesduPays> cuirs, la laine , le coton , le lucre , la foie, la cochenille, les teintures écar-lates , les plumes . le miel, la cire, le baume, l'ambre gris , le fel, beaucoup de drogues médicinales , le coco, la cafte, & plufieurs autres. Le fable des rivières entraîne fouvent de l'or. On trouve aufli au Mexique, beaucoup de figues , d'oranges , de citrons , & d'autres fruits particuliers au climat, outre ceux qui font communs en Europe. En plufieurs endroits, il y a du cryftal, des tur-quoifes, des émeraudes, des mar-caflites, des pierres de bezoar, & du poivre, ce qu'on doit entendre du 282 Découvertes ' Mexique en général, d'autant que de fco c l r. > toutes Ces denrées , les unes vien- Çliap.XlL . tj • o l nent dans une rrovince, oc les au-An. 1710. tres ^ans une autre. La température du climat diffère aufli beaucoup fui-vant les endroits : ceux dont la fi-tuation eft près de la mer du fud, font très chauds; mais dans les montagnes de aux environs, il fait un froid allez vif : en d'autres endroits, il tombe des pluies continuelles pendant huit ou neuf mois de l'année, & ils font infeâés de ferpents, de cou-fins ou mofquites , & d'autres infectes , particulièrement vers la Zone Torride. TrîCPftïtiKîe Nous n'entreprendrons pas de /oc l'isittoirc donner l'hiftoire des Rois ou Empe-cep3/5» reurs de ce pays; parce qu'il feroit impoflible aux plus habiles Critiques d'en diftinguer le vrai d'avec le faux. Les Auteurs Efpagnols difent que les Empereurs du Mexique étoient très-puiflants , qu'ils avoient vingt-cinq ou trente petits Rois pour Tributai* res : que leur garde ordinaire étoit de deux ou trois mille hommes; & que dans l'occafïon, ils en pouvoient lever deux ou trois cents mille : nue leurs Palais étoient magnifiques , pes Européens. 283 leurs Temples fomptueux , & leur culte barbare, puisqu'ils tàifoient des ^ facrifîces de leurs Ennemis ,& quel- ap" quefois de leurs propres Sujets. An< W» Les habitants du vieux Mexique, difent qu'ils ne defcendent pas de la même race j mais que leurs ancêtres viennent de diverfes Nations, qui habitèrent la partie feptentrionale du continent, & particulièrement celle qu'on nomme le nouveau Mexique. Us furent long-temps avant d'être réunis fous une Monarchie, puifque Montézuma , qui regnoit quand Fernand Cortez fit fon inva-fion, n'étoit compté que pour le neuvième Empereur. Les diviiions? entre les Naturels, & la haine que les Princes voihns nortoient à ces Empereurs , rendirent la conquête du Mexique beaucoup plus ailée eux Elpagnols , qu'ils ne s'en étoient flattés. Aufli dans l'Evéché de Los Angelos\ & dans pîufleurs autres, il y a des milliers d'ïndiens exemots des taxes ordinaires, parce que leurs ancêtres ont aidé les Efpagnols à af-fujettir le pays. Les Naturel du Mexique, c'efl-à-di- MJî^to xe ceux qu'on peut appeller réellement 284 Découvertes ■■ les Mexiquains, font civils , induf- Cn* Vit ' tr*eux & ingénieux ; leur calent pour ' la peinture , eft remarquable ,& leur An, 171e. coloris très-brillant, mais les figures ne font pas exactement proportionnées. Leurs pinceaux font faits de plumes de cinçons , petit oifeau qui, li on veut les en croire, ne vit que de rofée. Au lieu des lettres de l'alphabet, ils fe fervent de certains caractères , par le moyen delquels ils ont confervé quelques fragments de leur huftoire. Un des Gouverneurs Efpagnols du Mexique, en tira quelques-uns des mains des Naturels, avec une explication, qui fut traduite en Efpagnoî. Le vaifleau dans lequel il envoya ce manuferit à l'Empereur Charles V, fut pris par un navire François ; il tomba entre les mains d'André Thevet à Paris , & Hack-luyt , Aumônier de l'Ambafiadeur d'Angleterre, l'acheta de fes Héritiers. Sir Waîter Raleigh le fit traduire en Anglois, & le Savant Henri Spelman , engagea Purchas à eu faire graver les figures. Cetre Hif-toire eft divifée en trois parties; Ja première ne contient prefque autre chofe que les noms & les conquêtes tj e s Européens. 285' de leurs Princes, avec un fommaire -de leurs vertus & de leurs vices ; en- rogers, 4\„ » n , ■ , , Chap. XII. lorte qu elle ne mente pas qu on s y arrête. La féconde traite des tributs An. 1710. que payoit le peuple, proportionnellement au produit de ce qu'on tiroit du pays, en provifîons, en ar-nies, en habits, en étoffes, en ornements , en papier & en meubles. La troisième, parle de l'ceconomie, des ufages & de la difcipline des Mexi-quains : comme elle eft la plus inter-refïànte, nous allons en donner un extrait en peu de mots. Quatre jours après la naiffance Cérémonie* d> r 1 o r i pour la nail-> un entant, la Sage-temme le por- fance & ie toit dans la cour de la maifon , le mariage des mettoit fur des joncs ; & après l'a- Î^J^f1*" voir lavé , elle demandoit à trois jeunes garçons, qui venoient à cette cérémonie , comme à une fête, de lui donner le nom qu'il leur plairoit. Si c'étoit un garçon , on lui mettoit entre les mains les inftruments qui convenoient à l'état de fes pères,par exemple , des armes, fi c'étoit des militaires.Si l'enfant étoit une fîlle,®n lui mettoit une quenouille, ou quel- qu'autre uftenfîie de femme. Quand l'enfant étoit deftiné au culte de s86* Découvertes ii i leur Divinité, on le conduifoit au c.ha° xîi*Temple à un âge réglé, & on le laif-nnp. . fcnt.re jes rrtajns ^u Grand-Prêtre Au. 171 o. avec quelques prélents, pour qu'il eût foin de fon éducation. S'il devoit fuivre la vie militaire, on le donnoit à un Officier, qui lui enfeigHoit l'u-fage des armes. Les parents corri-geoient leurs enfants par les coups, ou en les piquants avec des aiguilles de Maghey : les pères piquoient les garçons par tout le corps , quand ils étoient opiniâtres , mais les mères ne piquoient les filles qu'aux poignets. Lorfque les garçons étoient un peu grands, on les lioit p'ar les pieds & par les mains ; on les mettoit tout nuds dans de l'eau bourbeufe un jour entier, & la mere les en retiroit la nuit pour les nettoyer. Quand on jnarioit une lille, celui qui en avoit poité les paroles , la portoit fur fon dos jufqu'à la maifon du mari , & quatre femmes l'accompagnoient avec des torches allumées. Les amis du mari la recevoient dans la cour , la portoient dans la chambre, s'af-feyoient avec elle fur une natte, attachèrent les bords de leurs habits les uns aux autres , & ofïroisnt ainfî ï>es Européens. 287 de l'encens à leurs idoies : mais il failoh quatre vieillards, hommes ou u \.RJ * îemmes, pour témoins de la cérémonie. On taiioit enfuite un fefhn : les An< I710* témoins exhortoient les nouveaux manés à bien vivre enfemble, & le mariage étoit conclu. Les Prêtres exerçoient leurs novi- De ieu« ces à balayer & orner les Temples, à ^ra"j&dcs faire des lièges de cannes , à former des aiguilles ou des poinçons de IVlaghey pour tirer du lang dans les facnficesu à.ramalîer des brouflàilles pour entretenir le feu perpétuel ; &C s'ils manquoient à ieur devoir, on les renvjyoit à leurs parents. Quand on les furprenoit avec des femmes , on les pîquoit de ces mêmes aiguillés; Un des premiers Prêtres alloit touus les nuits dans une montagne ivoirine, m .1 failoit pénitence : il y portoit du reu & des parfums pour faire des facrifices au Diable, & étoit toujours accompagné d'un Novice. Quelques uns jouoient fur des instruments de mufique , & d'autres comptoient les heures par les obïer-Vatious desét .lits. Ou parvenoir par degrés aux principales dignités delà Prêtrife , & il y avoit toujours quelr 2 83 Découvertes »■ ques - uns des Miniftres des Autels *r°G E.V, ' dans les armées pour encourager les troupes, & remplir les tonctions la-An. 1710. crées. Ceux qui conduiloient les jeunes gens à l'armée , les punilïoient en leur mettant des charbons ardents fur la tête, en les piquant avec des épines de pin bien aiguifées , & en leur brûlant les cheveux. Les Monarques ré-compenfoient les Soldats , ïuivant le nombre de prifonniers qu'ils avoient fair,par des habits de diverfes couleurs, où par différents portes à l'armée, jufqu'à ce qu'ils fuflent parvenus aux plus élevés. Leur grand Prêtre étoit aufli homme d'armée, & pouvoir remplir toutes les places militaires. netmfup- Leurs punitions capitales confif-piiccs. toient à étrangler , ou à frapper à coups de pierre jufqu'à la mort. Si un Cacique ou petit Prince fe révol-toit, tous fes Sujets avoient part à fon châtiment , à moins qu'ils ne trouvaffent moyen d'appaifer le Monarque. L'ivrogrene des jeunes gens étoit punie de mort, mais on la per-mettoit aux vieillards , & aux femmes de foixante & dix ans. Les voleurs des grands chemins & les adultères des Européens. 2$p teres étoient lapidés. Dans lesalTem- i — i blées, pour les affaires publiques , le C1"G ^J/* Grand-Maître de la maifon de l'Em-pereur ne celToit d'exhorter les jeunes An* 'f1**-' . gens à fuir la pareffe , le jeu , l'ivrognerie , & les autres vices, Les naturels d'à préient fontpref» que tous fujets du Roi d'Efpagne » excepté dans quelques montagnes , & dans quelques cantons feptentrio-naux , qui ne font pas encore réduits. Ces derniers attaquent allez-fouvent les Efpagnols , quand ils en trouvent une occafion favorable. Dans la partie qu'on nomme le &ct a£trël nouveau Mexique, on trouve enco-^" Mcjâ" re quelques uns des naturels qui font très-barbares , & fort adonnes aux armes : les hommes ne portent q«e des peaux,& les femmes n'ont à peine autre chofe pour fe couvrir que leurs cheveux. Ils vivent pour la plus grande partie de viande crue , & vont par troupes , changeant d'habitation , félon ce qu'exige la faifon, ou la commodité des pâturages. Leurs bœufs & leurs vaches font Des bâtes èe très-gros , avec de petites cornes, leclui£c' poil prefque comme de la laine, long devant, & court derrière, un boffe Tome X, N apo DÉCOUVERTES . ..... fur le dos , de grandes barbes com* k o g n r s, me jes chevres , & les jambes de de- Chap. XII. r r\ ■ \ < . j vatK lort courtes. Quoique tres-Iaids An. 17x0. de figure, leur lorce les en dédommage ; & ils font la principale ri-chefle des habitants , qui fe nourrif-fent de leur chair, font de leur peau des habits & des toits pour leurs maifons ; filent leur bourre ; font des cordes d'arcs avec leurs nerfs , divers uftenliles de leurs os , & des trompettes de leurs cornes. Leur vefîie fert à conferver les liqueurs, & l'on brûle leur fiente,parce que le bois eft, tics-rare dans le pays. On y trouve auiîi des moutons de la grolTeur de nos ânes, &des chiens fi forts qu'ils fervent à tirer le bagage. 0 Le pays eft habité par des peuples dont Jes mœurs & les coutumes font tptalement différentes les unes des autres. Quelques-uns vivent dans des Villes,qui contiennent,dit-on, depuis trente mille jufqu'à cinquante mille habitants: d'autres fonterrans en hordes, comme les Arabes & les Tarta-res : mais en général ce pays eft fi peu connu,& les Relations des Voyageurs font fi peu d'accord, qu'on ne é s Européen*: * o î< peut y compter que très - médiocre- 1 » ment. jaogehs. Il y a un grand nombre d'opinions C''ap' ^ lur la manière dont 1 Amérique a é:é An< r?1 •• peuplée : la plus vraifemblable , eft Conjeawes celle qui en fait venir les Habitants ££nT'S de la Tartarie par le pôle feptentrio-mérîque a nal, en fuppofant que l'Amérique y ccePeti.lic* eft jointe à quelque partie de l'Aile. Ce fentiment eft d'autant plus probable, que les Efpagnols , qui vont tous les ans de Manille, ou de Lu-conie, l'une des iflesPhi!ippines,dans les Indes Orientales , font forcés de prendre une très-haute latitude, pour profiter des vents d'oueft, ôc qu'ils ont fouvent trouvé la terre, en jet-tant la fonde à la hauteur de 42 degrés dans l'océan feptentrional entre l'Amérique & les Indes Orientales. Il eft étonnant qu'on n'ait pas fait des découvertes plus étendues dans les latitudes méridionales entre ces deux immenfes pays. L'océan méridional n'a été parcouru que par très-peu de Navigateurs, qui ont prefque fuivi le même cours, ce qui les a empêché-de rien découvrir de nouveau. t Le pays voilai du po^ feptentrio^ N'1'1 2c2 Découvertes nal dans la mer du fud, entre la Ca- rXlVili' kff°rn*e & le Japon, eft: totalement inconnu, quoique les anciennes Car-An. 1710- tes y placent un détroit d'Anian , 8c une grande étendue du continent., Îui eft purement imaginaire. Les lollandois , qui commercent feuls actuellement au Japon, dilent qu'ils ignorent 0 la Californie eft une Ifle, ou fi elle joint le continent: mais nous ne nous arrêterons pas plus longtemps furie Mexique , notre deflein n'ayant été ici que de fupléer à ce qui manque fur ce pays dans l'hiftoi-re de Cortez , & dans Gemelli. rrî'itS ke Capitaine Rogers apprit.par un tjuV. " % homme qui défcrta des Eîpagnols à Guiaquil , que plufieurs Anglois , faits prifonniers en différents temps , s'étoient enrichis,après avoir obtenu leur liberté, pour avoir embraffé la Religion Catholioue. De ce nombre O a étoient un Horloger de Douvre , nommé Thomas Bull , qui s'étoit établi à Tabafco : le Capitaine Thomfon, de l'ifle de Wight,& Thomas Falkiner, né dans le Pall-Mall. Aucun Mulâtre, ni aucun fang mé-* linaé ne peut parvenir aux dignités ÊccléfîaftiqueSjdont les douceurs font des Européens. - réfervées pour les Efpagnols d'origi--— ne. Parles inftructions de quelques ^fjii! Anglois que le hafard ou leur propre choix ont jettes lur cette côte , les An-1fl°' naturels ont appris depuis peu à faire des étoffes de laine très-fines , & fe font beaucoup perfectionnés dans les manufactures , tant de laine que de foie. Les montagnes font couvertes particulièrement de pins , ôc aucun concert ne peut être comparé à rharmonie des oifeaux qui y habitent; il n'y a pas de pays au monde qui produite autant d'oileaux ch antants que le Mexique ; & l'on peut le regarder ; à bien des égards, comme un paradis terreftre : nous le quittons à regret pour jetter un coup d'ceil fur le Pérou , qui en eft voifin. 2p4 Découvertes CHAPITRE XIII. Defcription du Pérou & du Chili. IE Pérou, proprement dit , a _* environ mille lieues de longueur, & la largeur varie depuis cent lieues An. i7io. jufqu'à trois cents. La partie la mieux Etendue & connue eft fituée fur la mer du fud éaperou. & partagée en trois Audiences : au nord eft celle de Quito : au milieu celle de Lima ,& au fud celle de la Plata. L'air de Quito eft tempéré, quoique cette Ville foit fous la ligne, le terroir en eft très-fertile, produit beaucoup de bled , & fournit des pâturages pour les troupeaux qui y font en abondance : on y trouve des mines d'or, d'argent, de vif-argent & de cuivre , des émeraudes ,. & plufieurs fortes de plantes médicinales. L'Audience de Lima eft la plus remarquable, parce que le Vi-ceroi du Pérou fait fa réfidence dans la Capitale qui porte le même nom.. Ees mines. Outre la quantité de mines qui font dans ce pays , on y trouve beaucoup de vermillon & de fel, quoique des Européens. 29? les mines d'argent du Potofi ne rap- 1 ■ t portent pluscommedanslescommen- 0 Virï' ' j 1 n • j>rr Cliap. XIII. cements;on prétend que le Roi dhl-pagne en reçoit annuellement deux An,«7i°-' millions decus , c'eft-à-dire , neuf fnillions de notre monnoie pour fon cinquième. Tous les auteurs Efpagnols difenf que dans l'efpace de .cinq cents lieues, depuis Tumbez jufqu'au Chili, il n'y a jamais de tonnerres, d'c-clairs, ni de pluies; mais il y tombe des rofées abondantes qui y fup-pléent, Se tout ce pays produit d'excellents fruits & des bleds, particulièrement de l'orge, aux environs de Truxillo , autant qu'aucun autre pays du monde. Dans les vallées voifînes de la mer, Tempcramy le climat eft très-chaud , mais tem.rcduEays, • péré par les vents qui viennent de l'océan Se des montagnes. Sur les hauteurs, particulièrement dans l'intérieur du pays , on eft dans l'hiver & dans la faifon pluvieufe, quand on jouit de l'été dans les plaines , quoique ce foit à la même latitude. Les bêtes terreftres Se les oifeaux font les mêmes que ceux des autres parties qui bordent la mer du lud. Niv 2_o6* Découvertes ■i Les cordages, le coton , les draps, >chaG xiiiP01X » & le goudron , viennent du ' Chili & de Rialexa dans le Mexique : £a. 17» o. quoique le pays produife beaucoup, toutes les provifîons font toujours chères aux environs des mines, pa*. ce que l'agriculture y eft négligée. Les cordages font faits de grolîe herbe à foie , qui eft très-coriace ; elle s'allonge & fe rétrécit en la tirant ; mais elle devient deux fois aufti grolîe quand elle n'eft plus retenue. Le Capitaine Stradling.qui y avoit été prifonnier, dit au Capitaine Rogers qu'il avoit vu à Lima plufieurs des Efpagnols qu'il avoit pris,£t que tous difoieiàt qu'il avoit agi envers eux avec beaucoup de politeffe. La plus grande partie d^s mines d'or font entre Panama & la liçme équinoxiale. commerce Avant que les François fi fient le f^.anUf'C" commerce du Pérou , en faifant le tour du Cap lïorn, il y en avoit un très-confidérable de Panama à tous les ports de h mer du fud : mais depuis ce temps, les Habitants ont eu tant de marchandifes d'Europe qu'il n'y a prefque plus d'avantage. Les "Efpagnols ont plufieurs grands vaif- des Européens. 207 féaux & beaucoup de peties, qui ap- -■ partiennent aux différents ports du \Kn\t Pérou , & qui font particulièrement employés à tranfpor.ter du Isois, du An I710* fel, du poilTon Calé , du vin , de J'eau-de vie , de l'huile , & d'autres marchandifes d'une partie de la côte »à l'autre , fans quoi elles ne pourroient fubfifter , d'autant que ce pays eft , dit-on , plus peuplé que le Mexique. On y fait des étoffes de drap de diverfes fortes ; & Rogers dit qu'il en vit de fabriquées à Quito qu'on ven-doit cinq piaftres une mefure d'environ trois pieds , qui auroit valu huit fcheliings en Angleterre. Les Indiens font aufli une étofFe de coton groflîere; mais celles que leur fournilTent les François font meilleures & à plus bas prix. Les établiflements des Efpagnols dans le Pérou , ainfi que ceux du Mexique &du Chili ne font plus li remplis d'Indiens qu'ils l'étoient autrefois : un grand nombre fe font retirés plus avant dans le pays, où ils vivent en colonies , pour éviter l'ef-clavage & les taxes, parce qu'on les obligeoit de payer annuellement depuis huit piaftres jufqu'à quatorze Nv 2o8 Découvertes «■■- par tête ; mais cette taxe eft beau--ChapfxriV COLlP diminuée, depuis que tant de' naturels ont abandonné le pays. An, 1710. Les Efpagnols du Pérou (ont très--fomptueux dans leurs habits , ainfi que dans leurs équipages, & ils affectent de porter ce qui eft de plus-cher ; auilî ceux qui y font commerce de ces fortes de marchandifes font fùrs d'attirer à eux la plus grande partie de leurs richefles. Dcrcrîption Le Chili eft le pays le plus à por-iuciiiii. t^e p0ur ceux qui voudroient entreprendre de faire le commerce d'Angleterre dans la mer du fud. Le Pere Ovalle, natif du Chili , eft d'accord avec nos cartes, pour placer ce pays le plus au midi de toutes les parties de l'Amérique qui font fur la mer du fud, autrement nommée Pacifique. Il eft borné par le Pérou du côté du nord , par le détroit de Magellan au fud, par le Paraguai & le pays des Pàtagons à l'eft, & par la mer du. fud à l'oueft. Il en met la fituation depu's le vingt-cinquième degré de latitude méridionale jufqu'au cin--quante-neuviéme , ce qui fait une. étendue de près de cinqcents lieues,. La.partie, la plus: large de. l'eft à te e s Européens. 20$ l'oueft eft d'environ cent cinquante ,-lieues; niais cette largeur n'eft pas R 0 G E R s > la même par tout. Le Chili propre- cliaP,:!ai1, ment dit, n'a pas plus de vingt ou An. 1710. trente lieues de large , depuis la chaîne des montagnes qu'on nomme les Cordillieres , jufqu a la mer du fud. : mais quand le Roi d'Efpagne partagea l'Amérique en différents Gouvernements , il ajouta au Chili les vaftes plaines deCufco, qui ont autant de longueur , 6c qui font deux fois aulîi larges que le Chili. Ovalle le place en général fous le truifîéme, le quatrième & le cinquième climat;, le plus long jour dans le troihéme eft de treize heures j 6c dans le cinquième de plus de quatorze. Almagro fut le premier Européen-qui en tenta la conquête , comme nous l'avons vu , en parlant de celle-du Pérou ; mais le Chili n'a été totalement fournis que vers l'an 1 64.0.. Les Efpagnols qui ont éprouvé la valeur des Habitants , les traitent miejx, par cette raifon , que tous les autres Amériquains. Les Samfon dilent que le mot Froid excef-Chiii , en langage du pays, «gnifie^, mon" froid., & en effet, il y eft il excellif "N vj 300 Découvertes '■- dans les montagnes nommées Sierra j^p.xîn. Nevada, f°nt partie des Coidil-lieres, que les hommes & les ani- u.ï7t«. maux en perdent louvent la vie, & que leurs corps ne fe corrompent point. C'eft dans ces montagnes qu'Almagro perdit une grande partie de Tes hommes & de fes gens, comme nous l'avons vu dans le troiliéme tome de cet Ouvrage. Les vallées voihnes de la mer font très faines, le climat tempéré , & le terroir fertile; maisavec des différences, félon qu'on approche de l'équateur, ou qu'on s'en éloigne : les côtes font fujettes à des coups.de vent furieux. Le pays eft partagé en trois quartiers, fubdivifés en treize Juridictions. Le quartier nommé du Chili s'étend depuis la rivière Copiapo jufqu'à celle de Maule , & eft plus chaud que l'Efpagne. Le fécond quartier nommé Impérial , eft depuis la rivière Maule jufqu'à celle des Gallegos , & le climat eft comme celui d'Efpagne. La proximité des montagnes d'un côté, & de la mer de l'autre, le rend plus troid qu'il ne le devroit être par fa htuation ; mais il eft cependant allez chaud pour K o g e r s , des Européens. 301 qu on puiiîe le regarder comme un des meilleurs pays de l'Amérique, Ovalle nous aflure que dans Je Chih, proprement dit, le terroir Se A»-'710' le climat eft meilleur qu'en aucune partie de 1 Europe, & Ion fenrimenc eft confirmé par 1 aveu des Européens mêmes; il dit qu'il relfemble en tout à la plus grande partie de l'E urope, excepté dans I'oppofition des faifons,d'autant que le Printemps Se l'Eté régnent dans une partie , pendant que l'Automne Se l'Hiver régnent dans l'autre. Dans les vallées le froid Se le chaud font plus modérés qu'en Europe, particulièrement depuis le trente-fixiéme degré de latitude , ou environ jufqu'au quarante.cinquième ; & dans toute cette partie, on ne peut fepiaindre.ni de la trop grande chaleur du jour, ni du trop grand froid de la nuit. Auili les Habitants ne font aucune diffé rence en leurs habits d'été Se leurs habits d'hiver, Se ne fe couvrent pas plus dans leurs lits pour une faifon que pour l'autre. Il ajoute qu'ils ne voyent jamais d'éclairs, Se qu'ils entendent rarement le .tonnerre , mais toujours à une grande dil-tance. '302 Découvertes n». i Ils n'ont pas d'orage.ni de grêle ai£ r o g l k > .printemps , & rarement plus de deux Cnap. XIII, v .V ii i • \ ou trois jours de pluie en hiver, après An,i7'o lefquels le tems devient ferein. Les Douceur du vents de nord amènent les nuages & Su" a" *a P^u^e> & les vents de f «d nettoyeur l'Atmofphere. Ils n'ont point d'animaux venimeux, ni de bêtes farouches , excepté une eîpece de petits lions , qui prennent quelquetois leur proye dans leurs troupeaux , mais qui fuyent toujours devant les hom--mes. Ces lions ne font pas même en grand nombre , & l'on en trouve feulement quelques-uns dans les bois & dans les déierts. Le même Auteur remarque, comme une (insularité de l'air du Chili, que les punaifes n'y peuvent vivre, quoiqu'elles fourmillent à Cufco, de l'autre côté des-montagnes. Il conclut de fes remarques , qu'il n'y a aucun pays dans l'Amérique plus convenable au tem--péramment des Européens que le Chili, dont l'air & les productions relTemblent (i bien aux nôtres. Le printemps commence vers le milieu-du mois d'Août , & dure jufquau' milieu de Novembre , l'été vient en-fuite jufqu'au- milieu^ de Février DES EuROfÉENS. $0^ l'automne jufqu'au. milieu de Mai, ■ & l'hiver remplit le refte de l'année, ^^xni!/ Dans cette dernière faifon les arbres font dépouillés de leurs feuilles , & la An* X7,°»' terre eft couverte la nuit de gelée blanche , qui eft difïbute environ deux heures après le lever du foleil. La neige tombe rarement dans les vallées; mais elle eft abondante fur les montagnes , d'où elle fond en: été , & fertilité les vallées &les plaines qu'elle arrofe de petits ruiffeaux.-Au printemps, les champs font or-nés de très-belles fleurs de toutes; couleurs & de toutes fortes. On en-tire par diftillation, une liqueur qu'on» appelle Eau-d'Ange , dont le parfum; eft excellent. Les fleurs & les plantes que nous cultivons avec le plus» de foin , y croifïent naturellement dans les lieux fauvages :. on y voit des bofquets d'arbres de moutarde, dont la hauteur furpafïe celle d'un homme à cheval, & les oifeauxy font leurs nids. Us ont aulîî beaucoup de plantes & d'herbes, avec lefquelles: leurs Médecins Indiens font des cures étonnantes, fur des gens abandonnés des Médecins Européens ; mais ils font fort réfervés à commua lïiquer leurs fecrets,. 3 04 Découvertes * Les fruits & les femences qu'on y cittLxui' aPPorte cl Europe, y profitent très-' bien; mais ceux du Mexique & du Au 1710. Pérou, ne peuvent y réunir. On y Produftions trouve de toutes les efpeces de,fruits ttCiwU. d'Angleterre , en li grande abondance, q te chacun [,eut prendre ceux qui lui plailent, tk que l'on en vend aucuns , excepté une forte de frai fes très-grofles , qui donne cependant peu de foins à cultiver. Il y*a tant d'avoine , de froment, & de maïz , qu'il eft très-rare qu'on y manque de grains. Les pâturages font fi gras, & les troupeaux de toute efpece, fi abondants, qu'ils en négligent la chair ; mais ils en falent la langue & quelques autres parties autour des reins, qu'ils envoyent au Pérou avec les peaux & le fuif, ce qui forme une branche conhdérable de leur commerce. Ils recueillent une grande quantité de vins très-forts & très-bons tant rouges que blancs : les fouches font plus groftes, & les grappes plus fournies que celles de nos vignes d'Europe.. Ils ont aufli beaucoup d'oliviers, des bois de cocotiers , £ui s'étendent à plufieurs lieues ; des des Européens. 305* amandiers & de l'herbe à foie, dorit ils fe fervent au lieu de chanvre, en- R°^ E^1SI.\ forte qu'ils fournirent toutes les cô- Cau(îi Ovalle prétend que les Marchands qui trafiquent du Chili aux autres endroits bordés par la mer du fud, particulièrement à Lima, peuvent gagner depuis cent jufqu'à trois cents pour cent de profit. Quoiqu'ils ayent une grande quantité de mûriers, ils n'élèvent pas de vers à foie ; enfoTte que les femmes qui, en général, portent le goût pour la parure , jufqu'à l'extravagance, appauvridenr le pays, pour acheter de riches étoffes de foie, quoiqu'elles pûffent aifémcnt s'en procurer , fi elles s'adonnoient à cette partie. Us ont beaucoup d'abeilles, cependant ils font venir de la cire d'Europe, faute d'induftrie pour préparer celle du pays. Us font venir le poivre & les autres éoices, des [ndes Orientales; cependant ils ont chez eux dequoi y fuppléer. Les herba-; go6* Découvertes pm ges, la chatte, la pêche, le bois de' Ro o t r s, chauffage &c celui de bâtiment font Chap. XIII. ° j i • en commun , de même que les mines An. 1710. de fel. Us font peu d'ufage de leurs mines de plomb & de mercure, d'autant que les Péruviens ont fuffifarn-ment de ce dernier minéral, pour purifier leur argent, ©es mines Ovalle prétend que depuis les iupays. frontières du Pérou jufqu'au détroit de Magellan , il n'y a aucun canton qui n'ait des mines d'or ; mais elles ne font pas fi remarquables que celles du Pérou, & les habitants ne s'attachent pas à celles, d'argent, parce tm'on exploite les mines d'or avec moins de travail.'On ne tire plus d'or en fi grande abondance, depuis les guerres entre les Efpagnols & les Araucanos; mais les Naturels attendent les temps de pluie qui le font tomber des montagnes, dans les rivières & dans les lacs ; ils fe mettent dans l'eau , remuent le fonds avec leurs pieds , pour en trouver les grains , & ce qu'ils en ramafïent fuf-fit pour fournir à leurs befoins : manière affez finguliere , fi elle eft auflï certaine que le dit Ovalle. Il ajoute qu'on envoya un de ces grains à des Européens. 307 Séviile , où il fut éprouvé , & qu'on ■■■■ à» le trouva à vingt-trois karats de h" cha'Viii. (ans être purifié. Plufieurs des cloches & des canons du Pérou, font An*17,01 faits de cuivre de ce pays. Les Andes, ou chaînes de monta- Des cordiU gnes, nommées les Cordillieres ( *}, heres'-s'étendent du nord au fud depuis la Province de Quito, jufqu'au détroit de Magellan , dans un efpace déplus de mille lieues. On les regarde comme les montagnes les plus élevées-qui (oient au monde : elles ont en général, quarante lieues de large , & font entrecoupées d'un grand nombre de vallées habitables. Ces montagnes forment un double fornmet ; le plus bas eft couvert de bois, mais le plus élevé eft ftérile, à caufe de la rigueur du froid & de la neige dont il eft couvert. Les animaux les-plus remarquables dans ces montagnes font des efpeces de porcs , nommés Pecarys , qui ont le nombril fur (*) Coràiliera eft un mot Efpagnol qui fignî-' fieunr fuite de hauteurs d'une çrandc étendue,, mais on l'applique particulièrement aux Andes, montagnes qui coupent l'Amérique xncxidional»' «ans toute fa longuciu. go$ Découvertes « i le dos : ils vont en grands troupeaux ^ha° xiii *^ont chacun a fon Conducteur, & P" ' jufqu'à ce qu'il foit tué, il ell dan-Au. 171 o. ge'reux pour les Chafleurs de s'en trop approcher; mais quand il tombe , tout le troupeau fe diperfe aufli-tôt ; au moins les Auteurs Efpagnols le d.ifent ainli. On y voit des chèvres fauvages , dont le poil eft audi doux que de la foie , & dont on fait de très-beaux chapeaux. Les moutons ont la forme des chameaux , quoiqu'ils foient beaucoup plus pe-tits ; leur laine eft fi fine, qu'on la préfère à la foie pour la douceur & pour la couleur. Grandes rou- Les anciens Incas ou Princes, ont dcjin j111^^' couper deux routes au travers ce ces montagnes ; tk fi nous en croyons Herrera, une de ces routes étoit pavée l'efpace de neuf cents lieues, depuis Cufjo jufqu'au Chili : elle avoit vingt-cinq pieds de large ; de quatre lieues en quatre lieues , on trouvoit un beau bâtiment, & à chaque demi-lieue, il y avoit des Courriers pour fe relever les uns les autres & porter les meffages de l'Etat. Il ajoute qu'on trouvoit toujours des efseces d'hôtelleries fur cette des Européens. 300 route, ou les Voyageurs étoient four- - nis de tout ce qui leur étoit nécef- *° °*Mi (•• . * , . ... - Chap.XJII, iaire ; mai6 que les dénies font 11 étroits dans les montagnes, qu'un Aa-l7IQ-mulet peut à peine y palier. On commence à monter des le rivage de la mer ; mais il faut trois ou quatre journées de marche pour atteindre ce qu'on appelle proprement le fornmet des montagnes. L'air y eft fi rat relié, qu'on ne peut y refpirer qu'avec peine. Ilerrera dit que ceux qui y vont du Pérou, font trèsincom-modés de naufées & de vomiffements. Ovalle ajoute que fur ces montagnes , il y a des météores quelquefois (i élevés , qu'ils reffemblent à des étoiles, & d'autres fois fi bas, que les mulets font effrayés du bourdonnement qu'ils forment autour de leurs oreilles &ç de leurs pieds. Du fommçt des Cordillieres , on ne peut voir le pays au-deffous, à caufe des nuages qui font entre deux, mais le ciel eft très-clair & ferein au-deffus, &IefoIeil y brille avec force. Il y a feize volcans dans cette P" volcans; chaîne de montagnes, qui fouvent, éclatent avec des effets terribles , bri-fent des rochers & jettent une predi- 31 o Découvertes* ■ gieufe abondance de feu , accompa-*hapYin S11^ d'un fi"acas épouvantable. On penfe que ces hauteurs contiennent An. 1710. fe très-riches mines; mais que les Naturels les cachent foigneufement-, & qu'il y a entre eux, peine de mort pour ceux qui les découvriroient : aufli les tentatives que les Efpagnols ont faites pour les trouver, ont toujours été inutiles. On ne peut traverfer les Cor-dillieres qu'en été, ouau commencement de l'hiver. Elles font coupées par des précipices effrayants & par des rivières profondes , fur les bords defquelles on ne trouve que des paf-fages fi étroits , que les mulets &les Voyageurs y périlfent quelquefois. Les eaux coulent avec tant de violence, & à une telle profondeur au-defïbus des chemins, qu'il eft très-dangereux d'y porter la vue , crainte que la tête ne tourne. Les montées & les defcentes font fi efcarpées , qu'il feroit très-difficile de les paffer à pied ; mais les-difficultés du chemin font réparées par la beauté des cafcades que les eaux forment naturellement, en tombant des rochers & des montagnes. Dans quelques des Européens. 3 i r •Vallées, l'eau s'élève à une grande———* hauteur, par des jets naturels , com- *°C*JL5.» n->« j t • !■ . r i» Chap;XIII. «îe dans les jardin», qui (ont 1 ouvrage de l'art ; & ces eaux jaillifïan- An» *7««» tes , qui s'élancent au milieu des plantes & des fleurs odoriférantes, forment les coups d'ceil les plus délicieux. Il y a de ces courants & de ces jets dont l'eau efl fi fraîche , qu'il feroit difficile d'y tenir la main pendant une minute. En quelques endroits, on trouve des fontaines chaudes , très-bonnes pour différentes maladies, & qui laiflent une teinture verte dans les canaux par où elles paffent. Sur une de ces rivières, nommée Mendoça, on voit un pont naturel, formé par le rocher, & l'on remarque à la voûte, des gouttes d'eau qui s'y font raflemblées & con» gelées fous diverfes figures, & diffère ntes couleurs. Ce pont eft allez large pour qu'il puiffe y palier trois ou quatre chariots de front. Il y a dans le même canton Un autre pont, qu'on appelle des Incds , que quelques-uns prétendent avoir été fait artificiellement entre deux rochers , mais notre Auteur penfe qu'il eft l'ouvrage de 1^ pâture,, 3 12 DÉ COUVERTES *—■- La première Rivière remarquable \îa'E-îiî '^ilï cou^c ^ ces montagnes , efl: >ap. xi ce;je qU| prend fa fource fur les fron- An.ty0' tieres du Pérou, environ à 2s degrés DesrAivicre$. de latitude méridionale. On la nomme Rivière de Sel, parce que les eaux en font li falées, qu'il eft im-poflible d'en boire, & qu'elles pétrifient tout ce qu'on y jette. La féconde, eft celle de Copiapo, dont la fource eft à 26 degrés de latitude ; elle court vingt lieues de l'eft à l'oueft , & forme une baie & un port, à l'endroit où elle fe décharge dans la mer. La troifieme, eft celle de Guafco , à 28 degrés de latitude, & qui forme aufli une baie & un port. La quatrième, eft la rivière de Co-quimbo , qui prend fon origine au trentième degré, forme une baie fu-perbe & un port, entouré de très-beaux myrtes & d'autres arbres , qui en ombragent les bords, & préfen-tent un payfage aufli beau qu'il eft: agréable. La cinquième , eft celle d'Aconcagua, rivière large & profonde , qui commence environ à 33 degrés de latitude méridionale, & coule au travers de valées très-fertiles. La fixieme eft celle de Maypo, a des Européens. 313 333 degrés 3 o minutes de latitude : ...... elle eft li rapide, qu'on n'a jamais pu y faire de pont qu'avec des cordes ; elle entre dans la mer avec tant An*I7'** de force, que fes eaux forment une barre, & qu'on les diftingue à une très-grande diftance. Elles font affez -faumaches; mais on les eftime pour les truites excellentes qu'on y pèche, & l'on trouve fur les bord, des moutons , dont la chair eft d'un goût exquis. Ovalle nous parle de plufieurs fontaines, tant chaudes que froides, remarquables dans ce pays, & très-utiles en plufieurs maladies. Il dit qu'il y a quelques lacs falés qui rapportent un grand profit à ^fux ciul en font les Propriétaires, parce que la pèche y eft plus aflùrée que dans la mer. Ils fourniffent la plus grande partie des marchés durant Je carême , & beaucoup de fel dans la faifon chaude. Suivant le même Auteur , on BcsPoîflblli trouve dans la vallée de Lampa , & des co-près de Saint Jago, une herbe d'en-clllillafiCS"- J viron un pied de haut, qui reffem-ble à notre Bafilic; en été , elle eft couverte de grains de fel femblablcs Tome X. ' O g 14 Découvertes ■ à des perles, & dont l'odeur eft plus S° G ERTSagréable que celle de tout autre Tel, Uiap. XIII. T& a r • j -il La cote tournit des coquillages en An. 1710. pjus grande quantité qu'on n'en trouve en tout autre endroit, ainfi que des huîtres très-bonnes à manger, qui produifent de très-belles perles ; des choros , autre efpece de coquillages d'où l'on en tire également ; des monegues, qui ont deux coquilles tondes, & dont l'intérieur reffemble à la nacre de perle. Enfin la mer jette des coquilles en fi grande quantité fur quelques parties de la côte, qu'on en peut aifément charger des vaifteanx , & elles font fi variées ppur la forme &pour les couleurs, que les,Européens curieux en font de très-belles collections , au li?u que les Indiens les brûlent pour faire de la chaux. Il y a fur ces côtes d'autres efpeces de poiffons, que quelques-uns appellent Etoiles de mer , d'autres reçoivent les noms du fo-leil & de la lune, parce qu'ils refTern-blent à ces planètes. Ces poiffons réduits en poudre, & pris dans du vin , font un remède excellent contre l'ivrefîe ; on en donne fouvent pour en garantir, & le remède eft; des Européens. 5i infaillible, d'autant qu'ils caufent le ■ plus^rand dégoût du vin. On trouve chapExiîi aulîi fur cette côtg, beaucoup d'ambre , particulièrement de gris, qui An<17*« eft l'efpece la plus eftimée. Ils ont de toutes les fortes de poiffon connus en Europe, outre plufieurs autres , qui font particulières au pays. Outre les oifeaux communs dans Des oîfeau*. nos contrées, ou trouve au Chili des Flamands , qui font plus gros que nos coqs-d'Inde, avec des plumes blanches & écariates, dont les Naturels font divers ornements: ils ont les jambes fi longues, qu'ils paf-fent-aifément au travers des étangs. L'oifeau Enfant, eft ainfi nommé parce qu'il reffemble à un enfant emmailloté, dont les bras font libres: la chair en eft très bonne à manger. Les hérons font fi eftimés pour leurs plumes, dont on fait des hou-pcs , qu'on prétend que chacune de ces plumes propres à mettre fur la tête, coûtoit autrefois deux réaies; mais ces oifeaux font fort rares. Il y en a d'autres , nommés Gafcollos, dont les plumes font employées ordinairement pour l'ufage des Soldats. Les Voycas dont les Indiens $i6 Découvertes , penfojent que le cri prcfageoit la •' ks. mort, la maladie, ou quelque au-p'xïl ' tre infortune , oot les plumes de A;»!?»0- l'eftomac d'une *couleur écarlate tres-vive , & les autres de couleur brune. Les Pinguedas n'ont pas le corps plus gros qu'une amande; ils vivent fur les fleurs dont ils fe nour* riffent, §ç ils paroiflent un mélange d'or poli & du plus beau verd : les mâles ont fur la tête une lioupe couleur d'orange, dont l'éclat eft aufli vif que celui du feu : ils ont la queue d'un pied de long , & large de deux pouces. Les Condores font d'une grofleur étonnante, & blancs comme de l'hermine ; leur peau eft tics-douce & très-chaude, & l'on s'en fert pour des gants. Il y a de ces oifeaux qui ont jufqu'à dix pieds de large d'une aile à l'autre, quand elles font étendues. On y trouve aufli beaucoup d'autruches , & de faucons de diverfes efpeces. ïviQttsdru- Ils n'avoient autrefois ni vaches, p-vUs. nicr:evaux, ni moutons, ni cochons, ni chats, ni chiens ordinaires d'au-c.une efpece, ni chèvres , ni ânes, ni lapins ; mais depuis que les Efpagnols y ont porte de ces différentes ©Es Européens. 317 êfpeces d'animaux, ils s'y font mul- ■ 1 tipliés excellivement par la fertilité ~,OG VVi' u pays & 1 abondance des pâturages ; enforte qu'une vache y donne Ants71** affez communément jufqu'à cent cinquante livres de fuif. On y vendoit autrefois un cheval mille écus ; mais ils en ont à préfent en fi grande quantité qu'ils en envoyent tous les ans au Pérou. L'animal le plus remarquable du desMoutoAr. pays , & dont les Européens n'a«-voient aucune connoiffance, eft leur mouton , qui par la figure reffemble à un chameau, quoiqu'il ne foit pas h* gros. Les habitants s'en fervoient pour le labourage & pour mettre au ; voitures , avant qu'ils enflent les bêtes d'Europe. Leur lèvre fupérieu-re eft fendue : ils crachent contre ceux qui les tourmentent, & partout où tombe leur falive, il fe forme une efpece de galle. Leurs chèvres fauvages refTembîcnt beaucoup à leurs moutons ; elles font d'un rouge clair, fi légères, qu'un cheval ne peut les fuivre ; & il n'cft pas pofïible de les apprivoifer. Elles vont en grands troupeaux, & on les chafïe •»vec des chiens, qui prennent aifé- Oiij 51S Découvertes ■ — ■ ment les petits , dont la chair eft ex-c£Cxm* cellente. La chair des vieux, féchée & fumée, eft ce qu'il y a de mieux An. 1710. (]ans cette efpece de nourriture : on trouve des pierres de bezoard, dans un fac qu'ils ont lous le ventre, particulièrement aux plus vieux. Notre Auteur dit qu'il apporta en Italie une de ces pierres , qui pefoit trente-deux onces, & qui étoit d'une forme ovalle aulli parfaite que fi elle avoit été travaillée fur le tour. Il donna foixante & dix pièces de huit pour cette pierre, à l'Indien qui L'avait trouvée. T>tt Arbres. Les arbres les plus remarquables , outre ceux que nous avons en Europe , font lecanellier, ainfi nommé parce que lecorce relTemble à la canelle. Le gayac , qui croît dans les Cordillieres , & dont le bois eft aufli dur & aufli pefant^ que du fer: on en fait des infufions , très-bonnes pour diverfes maladies. Le bois de fandal, très-odoriférant, eft un pré-fervatif contre les maladies conta-gieufes, & les Prêtres en font ufage quand ils vont vifiter les malades. Le maghey dont les feuilles font excellentes contre les brûlures : le fruit des Européens. ■ jip" ïelTemble aux bayes des Myrtes, & — ' le goût en eft délicieux. Le queluRoGERS' porte un fruit dont on fait une li- CIiap'XI11' queur très-douce. L'iluigan , que les An. 17-0. efpagnols nomment malde, eft de la grofleur & de la couleur du poivre , il vient fur un petit arbre, & l'on en fait une liqueur agréable, ef-timée des gens de qualité. Le myrtil-la croît fur les montagnes, depuis le trente-feptieme degré de latitude, tlerrera dit que le fruit de cet arbre eft la nourriture ordinaire des Naturels du pays : il refïèmble au rai-lin , & l'on en fait un vin , qui fur-pafîe en bonté toutes les autres liqueurs. Il eft d'une couleur d'or éclatante , porte mieux l'eau qu'aucun autre vin , fortifie le cœur, ne fatigue jamais l'eftomac , ci augmente l'appétit. On en fait auili d'excellent vinaigre. Les cyprès, les cèdres & les chênes du même pays, fourniffent du bois de la meilleure qualité. Du continent, notre Auteur pahe ctm^jaal aux ifles du Chili, dont la première Fernande?. , eft celle de Juan Fernandez. Celles^ deChl" de Chiloé , htuées à 43 degrés ou environ de latitude, forment un ar- Oiv 320 Découvertes ■ > chipétague de quarante iiïes. La na- 1^.°GEvR„Sr' ture du climat y eft telle qu'il y Chap XIII. , r J , . / pleut prelque pendant toute i année ; An. 171°- enforte qu'il n'y a que le maïz, ou les autres grains, qui ne demandent que peu de foleil qui puiffent y mûrir, La principale nourriture des habitants , eft la racine de papas , qui y eft plus groiïe qu'en tout autre endroit. Ils ont d'excellents coquillages , de très-bonne volaille, des cochons, des bœufs & des brebis. La capitale du pays, eft la ville de Caftro , fituée danslaprincipalelfle, avec une garnifon d'Elpagnols. Il y a beaucoup de miel &c de cire , Se quelques mines d'or fur la côte. Les principales manufactures font celles d'étoffes groflieres pour les Indiens, & l'on y trouve de grands bois de cèdre d'une hauteur prodigieufe , dont les planches font un grand commerce au Chili & au Pérou. Les ifles de Conos'font à 4.y degrés de latitude; mais on n'en tire que très-peu de chofe , à caufe des pluies exceflives dont elles font fréquemment inondées. ia Belle La Belle-Ifle, à peu-près fous ' la Àfe. même latitude que Vaîparaifo & des Européens. 321 Saint Jago a un très-beau port où Jes ■■■■ ■■■ vaiffeaux peuvent ietter l'ancre à R " c E£Tl » f i " j» t Chap. III. vingt ou trente brades deau. Les Efpagnols difent que cette ifle eft An< très-belle , qu'elle produit beaucoup d'arbres, qu'on y trouve des fan-gliers & d'autres bêtes fauves, de l'eau excellente , & du poiffon en abondance. La partie feptentrionale de l'ifle LaMcclwr de la Mocha, eft balle & unie ; mais la partie méridionale eft remplie de rochers. Nous avons vu que les Hol-landois commandés par Spilbergen, y furent très-bien reçus des Naturels , qui leur fournirent une grande quantité de provifîons, en échange pour du drap, des haches,8c d'autres inf-truments. L'ifle de Sainte Marie eft à treize ifle de s»ô* lieues au fud-oueft d^ la Conception te Maae- trois lieues d'Aranco. Elle eft très-fertile, dans un climat tempéré, Vers le trente feptieme degré de latitude, & fort peuplée. Les ifles de Pedrode Sarmiento, ainfi nommées, parce que cet Officier les découvrit en allant à la pourfuite de François Drake , font au nombre de huic, à cinquante degrés ou environ, de I3- Ov 3 2 g Découvertes » ... 11 titude ; ce qui nous donne lieu de Cha^xin' croire que ce font les mêmes ifles qu'on nomme à préfent les ifles du An. 1750. j)uc d'York, un peu au nord du détroit de Magellan. Defcription Cuyo, troifieme quartier du Chi-decuyo. \\t eft fitué de l'autre côté des Cor-dillieres, c'eft à-dire à l'eft de ces montagnes ; il eft partagé en différentes Provinces, & la température en eft totalement différente de celle du Chili. L'été y eft excelîivement chaud , & les habitants font tellement tourmentes par les punaifes & par les coufins , qu'ils font obligés de pafîer une partie de l'année dans leurs cours & dans leurs jardins. Us ont des éclairs & des tonneres prefque continuels , & font excefïive-ment incommodés d'infectes venimeux. Pour compenfer en quelque forte ces défagréments du pays, le terrein y eft encore plus fertile, s'il eft pofïible, qu'au Chili. Les moif-fons y font plus riches, les fruits plus gros & de meilleur goût, effet naturel d'une plus grande chaleur. Ils ont en abondance, les bleds, le vin , la viande, ainfi que tous les fruits, toutes les raçines_& tous les des Européens. 323 herbages de l'Europe, avec des plan- ■ tarions très-étendues d'oliviers &RCbaPfxni Q amandiers. En hiver, le froid n'y eft pas fi dur qu'au Chili, l'air y eft An. 1710. beaucoup plus ferein , & par confé-quent, la faifon plus tempérée. Us ont une grande quantâté ae truites excellentes , & d'autres poiffons de rivière. Du fruit qu'ils nomment Al-garoba, ils font un pain fi fade, que les Etrangers ne peuvent en manger. Us envoyent auTucuman de dans le Paraguai, des figues, des grenades, des pommes, des pêches feches, des raifïns, d'excellent vin de de l'huile. Ovalle dit que de fon temps, on y découvrit de riches mines d'or 5e d'argent , qu'on jugeoit meilleures que celles du Potofi : qu'en général, tout ce qui eft néceflàireà la vie , s'y trouve en aufli grande abondance que dans tout autre pays, de que la température de l'air y eft très-bonne pour la fanté. Ovj 324 Découvertes [CHAPITRE XIV. Jjes Anglois font très-bien reçus, cV traites favorable ment par le G ouvert neur par les Habitants de Guam; Dejcrip ton du terroir & des produC' tiens de cette Ifle ; Le .Marquis eft en danger par une trombe ; Us arrivent aux ifles de But ton ; Ils jont très-bien reçus du Roi & de toute fa Cour; Ce Prince veut les tromper fans y pouvoir réujfir ; Conduite dé-fobligeante du Gouverneur de Batavia envers les Corjaircs : Ils arrivent au Cap de Bonne-Efpêrance j; Leur retour en Furope; Us jettent l'ancre aux dunes ; onclufion. " X E 16 de Janvier 1710 , en c xiv. | j examinant ce qui le trouvent de pain fur le Bachelier, on trouva qu'il An" ' c* eT"> pouvait fournir mille livres au rf^\, Duc, autant à la Duehefle, & cinq T-.ifieauxÀn-eents livres au Marquis : on lui don-z101*' na en retour, deux barils de farine, un de bœuf & un de porc. Le 28 ? le premier Garde trouva qu'on lui res Européens. $2$ avoit pris du porc , le voleur fut dé- .....r couvert, on l'attacha au cabeftan , ^hap xîr'" & chacun des hommes le frappa d'un coup de corde de neuf brins. En An-l710* tout autre temps , la punition auroit été moins févere ; mais la rigueur étoit devenue abfolument néceffaire , parce qu'ils n'avoient plus que pour trente &un ou trente-deux jours de provilions à bord.. Le 14 de Février, pour donner plus de vigueur aux hommes, on augmenta la portion de chaque plat d'une demi-liviede pain ou de farine Par jour. Le Capitaine fit écrire aux Officiers les noms de leurs Valenti-nes ( * ) & leur fit boire à chacun du punch à la fanté de ces belles. Le ^7,un os de la mâchoire du Capitaine Rogers qui étoit-demeuré en- . foncé dans la gorge.depuis fa blefTu-re, en Kit retiré, avec fuccès, ce qui le mit dans un état beaucoup meilleur qu'il n'étoit avant. . Le 10 deMars.ils gagnèrent les ïffeSpJJj^^J de Serpana & de Guam; ils jetterent Je rifle de Guaro, • ( * ) On donne ce nom à une amie que fe choifie chacun de» Olficicxs, 326* Découvertes »*• - ■ l'ancre à douze braffes d'eau, près de ^.?EvRif,' la dernière , après avoir vu tous les jour des rirogues qui pailoient près Aa. 1710. o"eux avec une vîtelTe étonnante, fans qu'on pût en engager aucune à s'arrêter & à venir à bord. Il étoit absolument néceffaire de fe procurer des provifîons fraîches , pour éviter la famine , & l'on réfolut , s'il étoit poffible , d'attirer à bord quelques gens de l'ifle, & de les retenir pour otages , fl le Gouvernement refufoit de fournir les vivres dont ils avoient befoin. En conféquence ils appelle-rent deux Efpagnols, qui vinrent à bord j fur ce que les Corfaires leur firent entendre qu'ils appartenoient à la nouvelle Efpagne. On en retint un pour otage , éc l'autre fut envoyé à terre avec deux interprêtes, chargés d'une lettre pour le Gouverneur de la place , portant qu'ils ne deman-doient autre chofe que la liberté de x trafiquer paifiblement pcvur des provifîons & des rafraîchiffements , qu'ils payeroientimmédiatement, promettant au furplus de fe comporter en toutes chofes comme amis : mais ils menaçoient en cas de refus d'agir ou- ? yertement en ennemis, ce qu'ils défi-. des Européens" '327 foientcependant d'e'viter.quoiqu'ils -Ment furs du fuccès. Vha^v/'' Le matin du 11 , la PinaiTe fut en- iap" Voyée à terre avec un drapeau de An-I7io« trêve , & les naturels marquèrent aux onicurfour-gens beaucoup de cordialité, en Jeur™o^ess Pr*" promettant des provifîons en abondance , Il le Gouverneur en accor-doitla permifîlon. Elle fut apportée vers midi dans une lettre dont furent chargés les deux Interprètes, qui revinrent aux vaiffeaux accompagnés de trois Efpagnols, lefquels affurerent les Corfaires que le Gouverneur étoit difpofé à leur faire donner tout ce qui leur feroit néceffaire. On envoya auffi-tôt une réponfe très-polie à Son Excellence, pour lui faire les remerciments, au nom des quatre vaiffeaux , 8ç elle fut fignée de tous les Capiraines. Le 13 , chaque vailfeau reçut des limons, des oranges, des cocos , 8c d'autres raffraîchiffements , avec un bœuf pour chacun : on donna un repas à bord du Bachelier pour traiter les Efpagnols ; les Officiers de.tous les vailfeaux y afîlftGrent, même le Capitaine Rogers , quoiqu'on fût obligé de le hiffeo: fur une çhaife, 328 Découvertes oj 1 - tant pour monter que pour def* Ko e e r s cendre. Giup.xiy. Le r5) i!s défendirent à terre, An. 171 ». je fe rendirent à la maifon du Gdu.-ihdcfccn-verneur, fur l'invitation qui leur en iflntitçnc. ^ ^a-te> jiSy fuvent reçus par deux cents hommes fous les armes , & par tous les principaux Habitants de l'ifle. On leur fervit foixante plats différents , & à leur départ ils firent préfent à Son Excellence de deux Nègres revêtus de belles livrées, de vingt verges de drap écarlate>& de fix pièces de beau Cambrai. Le 17, Rogers reçut fa part des provifions , confiftant en ,foixante cochons , quatre-vingt-dix-neuf volailles , vingt - quatre boiffeaux de bled d'Inde , quatorze facs de riz , quarante-quatre corbeilles de Yams, & huit cents noix de cocos. Le lendemain ils reçurent quelques bceufs en vie, qui étoient alTez maigres : ils remercièrent par écrit le Gouverneur de fes politefTes ; payèrent gé-néreufement tout ce qu'on leur avoit apporté, & mirent à la voile lesr. Avant de rapporter la fuite de leur voyage , nous allons donner une courte defcription du terroir , des des Européens. 329 productions Ôi de la lituation de——» l'ifle de Guam. Cette Ifle a environ quarante lieues de tour : l'ancrage eft dans la partie An'171 °* occidentale , où l'on trouve une de"^pti°" grande anfe vers le milieu, avec pl U- Guam. fieurs maifons bâties dans le goût Espagnol , & tout ce qui eft néceflaire pour le vaifleau d'Acapulco , d'autant que cet ctabliflement eft fait pour lui fournir les rafrraîchiffe-ments dont il a befoin quand il retourne à Manille. Il y a environ trois cents Efpagnols , tant dans cette ifle que dans celles qui en font voifines, & la plus grande partie des Naturels ontembrafle leurReligion.il y avoit alors huit Religieux , dont fix te-~~ noient des écoles outre leurs fonctions eccléfiaftlques. U y a d'autres écoles tenues par des Mulâtres & des Indiens qui ont apris la langue Efpa-gnole, que tous les Naturels entendent. Il y a une fuite d'Ifles depuis celles de Guam jufqu'au Japon , & plufieurs ont de l'or en allez grande quantité. L'ifle de Guam produit de très- miuMan bonnes oranges, des limons, des ci- dc ccuc 1[ic trons, du mufe & des melons d'eau, j j 0 Découvertes * qu'on y a apportes originairement Kô g u h s, d'Efpagne ; Les orangers particulie-rement y viennent très-bien, luette An. 1710. iflç eft remplie de collines , de Valons , & des courants de très-bonne eau. On y trouve une grande quantité de bœufs, mais petits, maigres > & ordinairement blancs. L'indigo fauvage y croit en il grande abondance , que li ceux qui l'habitent étoient induftrieux, & s'ils avoienc des chaudières pour le préparerais en tireroient un grand avantage : mais comme il n'ont pas ces commodités, tk qu'ils font hors de la route du commerce, ils n'en font aucun ufage. Ils ne s'occupent que de ce qui peut fervir à leur fubfîftance actuelle , & font contents de la trouver avec facilité. Us fe fervent fi peu d'argent , & il y en a chez eux en fi petite quantité , qu'ils ne purent trouver mille piaftres pour acheter différents effets que le Capitaine Rogers con-fentoit à leur vendre. Us ont environ deux cents Soldats qui reçoivent leur paye de Manille, par un petit vailfeau qui en vient une fois par an. Ce bâtiment leur apporte des étoffes , du fucre des Européens. 331 du riz & des liqueurs , qu'ils payent > de l'argent qu'ils reçoivent; enlbrte que le vaifleau en remporte la plus' grande partie , ce qui les a détermi- An* ,7*°' nés depuis quelque-temps à femer du riz dans les vallées, & à faire quelques autres améliorations. Les cochons y font en grand nombre , & me lieurs qu'en aucun autre pays du monde, parce qu'ils fe nourriffentde cocos & de fruit à pain qui eft très-commun dans rifle. SI les Efpagnols étaient plus actifs , ils trouveroient 1 aifément tout ce qui leur feroit néceffaire pour rendre la vie agréable. Ce fruit à pain eft la production la plus remarquable de l'ifle : il eft aufli gros qu'une orange , à laquelle il ref-femble beaucoup,mais il devient trois fois plus gros quand il parvient à fa parfaite maturité. On en trouve en plufieurs autres endroits voifîns de l'équateur dans les Indes orientales. Les feuilles font prefque aufli larges que celles du figuier, & ont la forme à peu près femblable ; mais elles font de couleur brune. Le vent fouffle conftamment au fud-oueft, excepté pendant les mon-çons occidentales , qui durent de- 332 Découvertes puis le milieu de Juin jufqu'au mî-* o c et s, |ieu du mois d'Août, up. aiv. Gouverneur demeure dans lâ Au. 17.0. partie feptentrionale de l'ifle où il y a un couvent & un petit village , qui efl: la principale habitation des Efpagnols. Us fe marient avec les filles des Naturels, & il n'y a pas plus de quatre femmes Efpagnoles dans toute l'Isle. Des Habi- Les Indiens font grands & forts.leuc vues. couleur eft olive foncé : ils vont entièrement nuds , à l'exception d'un linge aux endroits nécelîaires : les femmes portent aufli une efpece de petit jupon. Les hommes font adroits a lancer des mottes d'argile de forme ovale , qui deviennent aufli dures que du marbre quand elles font bien féchéesau feu. Us font fi experts à tirer au but, qu'il efl: très-rare qu'ils le manquent , & les Efpagnols di-fent auflï qu'ils lancent leurs frondes avec tant de force , qu'ils peuvent tuer un homme à une diftance considérable. Us n'ont point d'autres armes que ces frondes, avec un bâton ou lance du bois le plus dur qui foit dans l'ifle. Le Gouverneur fit préfent au, Ca- des.Européen s. 333 pitaine Rogers d'une de leurs Pyro- r 1 ■ gues, & les Epaguols lui dirent quel- cïapïiv.' le iaifoit vingt lieues par heure : mais le Capitaine jugea qu'elle poiTrroit An'I?I0' faire vingt milles dans cet efpace de temps, & en effet elle paiîbit les vailleaux Anglois avec la viteffe d'un oifeau qui vole. Ces Pyrogues ont environ trente Des TyiQ-pieds de long, deux de large, & trois gucs'-de profondeur. Elles ne portent qu'un mât placé au milieu , avec une Voile de natte faite en forme de voile de Mizène. La vergue eft à la moitié du mât, & il y a un homme placé à chaque bout de la Pyrogue , avec Un pagaye à la main pour la conduire ; enforte que quand ils veulent révirer, ils n'ont pas befoin de tourner la Pyrogue pour recevoir le vent dans la partie oppofée, & ils ne font que changer la voile, puifque la pou* pe & la proue ont la même forme. Ces bâtiments font fi étroits , qu'ils ne pourroient porteries voiles, s'ils n'avoient des toliveaux du côté op-pofé au vent , attachés à un gros bloc fait comme une chaloupe ; mais qui n'a que moitié de la longueur de la Pirogue, & qui lui eft contigu, 334 Découvertes «i ■ Ces folives font couvertes de plan-fi„R,,V ches élevées au niveau du bord de la , Uiap. XtV. . , A s Pyrogue, & c elt ou Ion met les 40.1710. marchandifes & les PalTagers. Ces petits bâtiments renverfent (ouvenc quand le vent fouffle avec un peu de force du côté du bloc dont nous venons de parler. t.c Marq^s Le 14 d'Avril, les Anglois étant eft en dan à 20 degrés de latitude feptentrio-nale ou environ , fe trouvèrent li voi~ lins de deux trombes, que l'une fut prête à tomber fur le Marquis , mais elle fut heureufement rompue par deux coups tirés à propos da la Duehefle. Le 23 , le Marquis , & le Bachelier furent endommagés dans leurs manœuvres par un violent ou-ïagan qui duroit depuis quatre ou cinq jours ; & comme ces deux bâtiments étoient mauvais voiliers, ils retardoient les autres navires : la fatigue augmentoit de jour en jour dans l'équipage du Duc ,qui travail-loit continuellement à la pompe à caufe d'une fente qui s'étoit faite, 8ç qu'on n'avoit pu réparer. Us arrivent Après avoir fuivi la côte pendant à l'ifle de quelques jours , le long des rivages élevés dans la Nouvelle Guinée, à 1« des Européens, 3 3 y vue de plufieurs Ifles , ils arrivèrent * à celles de Button le 27 de Mai. Le chaf x\V. Duc & la Duehefle y envoyèrent chacun leur Pinafle , qui revinrent Aa'l7l**i en peu de temps chargées de cocos, & rapportèrent que les Habitants, qui parloient la langue Malayenne étoient très-polis & recevoient bien les étrangers. Les vaiffeaux cherchèrent inutilement un terrein propre à jetter l'ancre , & quoique leur beaupré touchât prefque Je rivage , ils ne trouvèrent point de fonds. Plufieurs canots les abordèrent chargés de volailles, de bled-d'inde, de cocos, de Citrouilles , & d'autres provifîons , qu'ils échangèrent avec les gens d'équipage. Rogers en envoya quelques-uns à terre dans la Gabarre & dans la Pinafle ; ils furent très-bien reçus du Roi & de la Noblefle, qui leur promirent un ample fecours de tout ce qui leur étoit néceflaire. Non-feulement les Seigneurs de la Cour, mai? Sa Majefté Indienne , elle-même, étoient entièrement nuds , à l'exception d'un voile léger qui leur formoit une ceinture , & couvroit aufli les parties poftérieures. Après avoir patte plufieujs pointes de terre j eq 336" DÉCOUVERTES 1 jettant la fonde pendant trois ou ~iOGV\rS quatre jours, ils trouvèrent enfin un ancrage depuis trente luiqua qua-iin. 1710. rante braiîes dê profondeur, à la latitude de c degrés 41 minutes , où le Duc & Ja Duehefle s'amarrèrent. Peu de temps après , la chaloupe du Duc amena quelques Malayens dans un canot que les gens avoient engagés à lesfuivre à force de préfents : mais on ne put en retirer aucun avantage , parce que perfonne> de ceux qui étoient à bord des deux vailfeaux ne pouvoir difeourir avec eux. Le Capitaine Dover avoit un Interprète, mais ilrefufa de le prêter, malgré le befoin qu'on en avoit. Ces Ind ens ne voulurent pas aller à bord du Ba-- chelier, qui fe trouva alors expofé à quelque péril fur les bas fonds. En quittant le Duc , ils montrèrent de la main la terre qui étoit au nord , en prononçant Botoo. Le Capitaine Dampier dit qu'il avoit déjà, pafle par le'détroit de Bouton , & il parle dans fes voyages d'une Ville au fud de ce détroit , où un Roi faifoit fa réfidence, cependant . il parut alors qu'il n'en avoit con-noiflançe que fur le récit qu'on lui en bis Européens. 337 «n avoir fait. Le rivage près de cette ■■ »......« Ville, environ à fix lieues au nord , *2 G B*V 1 j 1 1 c!iap parut propre pour le radoub , & le Capitaine Rogers vouloit y conduire Aa>17»®* 1« Ouc pour en faire boucher les ouvertures ; mais comme il vit qu'une feule pompe fufKfoit alors pour en épuifer l'eau , il jugea qu'ils ne dévoient pas s'arrêter & perdre du temps. Le 29 de Mai, on convint d'en- Lc*e\ de 1 ^ • t\ • cette ifle leur- Voyer le Capitaine Dampier , avec fournit des M. Vanbrugh , M. Connely , & l'In- ptoviûons* terprête , par forme de députation Vers le Roi, pour lui demander des i raffraîchilîements , avec offre de lui ' en donner le payement. Us furent très-bien reçus de ce Prince ; il parut très-fatisfait de ce qu'on lui fit Voir pour échantillon des marchandifes qu'on lui donneroit en échange , & il reçut avec le plus grand plaifir une Mitre d'Evêque qu'on lui envoya pour préfent. Les Habitants commencèrent à venir à bord avec descocos , des volailles , du bled, &c toutes fortes de raffraîchifiements. Le premier de Juin les Anglois firent du bois & de l'eau , & la Pinaffe revint de la Ville, fans pouvoir reu; TomeX, E ' 3$8 Découvertes _ dre un compte bien net de ce que n. o g e r s, f'aifoient les Officiers mais le Capi-«iiap. xiv- tajne Dampier retourna bien-tôt à An. 171°- bord avec une petite quantité de provisions dont le Roi faifoit préfent aux Commandants. Le Capitaine Rogers étoit mécontent des retards de ce Prince , qui avoit amené une grande quantité de provilïons, & vou-loit les vendre un prix exceflîf, en retenant M. Vanbrugh jufqu'à ce qu'on eût confenti à (es demandes ; mais il fut obligé de le renvoyer , autrement Rogers auroit mis en pri-fon fon Interprête qui étoit un Portugais , (i néceffaire au R.oi pour les affaires du commerce, qu'il ne pou-voit s'en paffer. Cependant M. Vanbrugh & lui fe féparerent bons amis ; mais on ne le put engager à donner un Pilote pour pafTer le détroit , quoiqu'on lui fit des propofitions très-avwntageufes, & il refufaaulîî de diminuer le prix des provifions. Les Anglois s'en inquiétèrent peu, d'autant que depuis trois femaines les gens de la campagne leur avoient fourni, à un prix plus raifonnable, tout ce qui leur étoit néçeflTaire, des Européens. 339 Pendant qu'ils étoient dans cette Ifle , on-eut le bonheur de découvrir ^^xiV. une mutinerie très-dangereufe, qui avoit paffé du Duc à la Duehefle, & An' I710' dans laquelle même étoient entrés , Murinerfè «.i r /-vrr ■ t r découverte. plulieurs Officiers. Les luîtes en au-roient pu devenir luneftes pour toute la réufîïte du voyage : mais les chefs furent mis aux fers, & on les partagea à bord des différents vaiffeaux. —, Le S de Juin , ils levèrent l'ancre, Us arrivent 1 & le lendemain ils rencontrèrent un Batavu*-vaiffeau Hollandois chargé pour Macaffar, où cette Nation a un éta-bliflement dans Ja partie méridionale des Célebes. Le Maître , qui étoit Malayen, promit non-feulement de les conduire pour paffer le détroit, mais encore de les mener à Batavia pour une légère récompenfe, à condition que les Hollandois n'en fe-roient pas inffruits. Les Capitaines y confentirent avec joie, & trouvèrent que cette proposition leur étoit très-avant âge u fe, d'autant qu'elle les mettroit en état d'éviter les bas- fonds de Brill & de Bunker, ainfi que plufieurs autres très - dangereux , dont les Pilotes Hollandois connoiffent canal mieux que les Marin» des pij 340 Découvertes * autres Nations. Le i y , ils virentun cka^Ex'jv'SranC* nomDre ^e barques de pê-' cheurs , qui le tinrent toujours éloi-Am. 1710. gn^es : ils paflerent à cinq lieues de la haute terre de Japara , fur la côte de Java qu'ils laiflerent à J'oueif. Le 17, ils rencontrèrent un Navire Hollandois de fix cents tonneaux & de cinquante canons, qui leur con_ frma la mort du Prince George de Dannemarck, & la continuation de la guerre en Europe. Le 20 , ils entrèrent dans la rade de Batavia , Se jetterent l'ancre à fix ou fept brafles de profondeur , au milieu de plus de trente vaifléaux. Le 22 , les Commandants fe rendirent auprès du Gouverneur ; il examina Se approuva leurs commiflions d'Armateurs particuliers , Se promit de leur donner , comme à des amis , tous les fecours qui feroient en fon pouvoir ; mais il ne tint pas exactement fa parole , Se ils furent très-long-temps avant de pouvoir obtenir un vaifleau pour caréner. Quand il leur eut été accordé, ils paflerent le 23 de Juillet à l'ifle de Horn : mais on leur fit payer les provifîons à un prix exceffif ; Se quand ils vouloient obtenir une r>i$ européens. 341 Audience du Gouverneur -, dont ils ■■■ avoient Couvent befoin , ce n'étoit^^xir. quavec les plus grandes difficultés, & en payant chèrement les Gardes An 17104 ou le Secrétaire, encore n'y réuflîf-foient-ils pas toujours.L'Auteur Anglois remarque à cet Occafion , qu'il en efl de même dans prefque tous les établilfements Hollandois , où les Vailïeaux de fa Nation font reçus avec une apparence d'amitié , pendant qu'on les traite fous main en ennemis réels. Comme l'ifle de Horn étoit très-incommode pour caréner , les Com- çus. mandants demandèrent au Gouverneur la permiflidn de le faire à Un-reft , où vont les vaiffeaux Hollandois qui en ont befoin; mais il ne leur fut pas poflîble de l'obtenir, non plus que le fecours des Charpentiers de la même Nation , & ils furent obligés de fe fervir de huit ou dix Calfateurs Malayens. Pour mettre le comble aux défa-gréments qu'on leur fit éprouver, le Sabandar, principal Officier de la Douane, pour les affaires des Etrangers , & qui étoit parent du Gouverneur, déclara à Rogers & à fes Con- Piij 342 "Découvertes" m fors , que fi quelque Hollandois Kockus, ac{iet:0i(; ie Marquis , dont on avoit 'lJp ' réfolu de fe défaire, il feroit obligé An, 1710. fe \Q brûler ou de le démembrer. H ajouta que cette réfolution prife par le Gouverneur & par le Gonfeil étoit irrévocable 5 enforte qu'on fut obligé de vendre ce bâtiment au pre-mier Anglois qui fe préienta. Ce fut le Capitaine Jean Opey.de Londres , qui commandoit la Frégate le Houx : il acheta ce Bâtiment cinq cents foixante & quinze rixdalles Hollandoifes, ce qui étoit beaucoup au-deflfous de fa valeur. Le Capitaine Rogei s ne rétablit fa fanté que très-lentement à Batavia : pendant le féjour qu'il y fit y on lui tira de la joue une grolîe balle 4de moufquet que le Chirurgien avoit prife jufqu'alors pour une partie de l'os de la mâchoire qu'il avoit eue fracalTée ; on lui ôta aulîî plufieurs efquilles du pied & du talon. Plufieurs hommes moururent de flux de fang, occafionnés par les eaux de cette Ifle ; cependant ils en cor-rigeoient la mauvaife qualité par l'A-rack qui ne leur coiitoit qu'environ deux fols la pinte , & par le fucre T) es Européens. 343 dont ils ne payoient la livre que le ......... même prix. K?GKM* JLe 12 d Octobre, après s être munis de provifîons, les équipages An-,710, des vaiffeaux étant complétés , les n« remcc; Officiers & les hommes, tournis de î^&rcvic»" ce qui leur étoit le plus néceffaire, nent en en conféquence d'un comité de trois Iopc* bâtiments qui régla l'argent qu'il eonvenoit de leur donner, ils mirent à la voile pour le Cap de Bonne-Efpérance, & profitèrent d'un vent de terre, qui leur étoit favorable. Le 17 Octobre, ils firent du bois & de l'eau à la tête de Java, dans fille du Prince, & en continuant leur voyage , ils arrivèrent le 28 de Décembre dans le port du Cap , & faluerent de neufeanons les Hollandois , qui leur rendirent le falut avec fept. Ils y attendirent jufqu'au commencement d'Avril 1711 le convoi d'une An. 17-1*. fiotte Hollandoife , chargée pour l'Europe , quoique le Capitaine Ro- -gerss'oppolât fortement à ce retard. Il jugeoit qu'il feroit plus avantageux d'aller avec un ou deux vaiffeaux au Brefil , où l'on fe dé feroit des denrées le moins propres à être gardées, & de revenir enfuite à Brif- P iv .'344 Découverte? »....... toi par le canal feptentrional : mai* i>L U\,R,,V le plus grand nombre des voix dans Cnap. XIV. r e», . * le comité, tut d un avis contraire. H Aa. 1711. y avoit au Duc une tente très incommode,qu'ilétoit prefque impoflible de boucher fans le caréner:mais leCapU taineCourtney,& pluiieurs autres Officiers s'y oppoferent; enforte que Rogers fut obligé de fe mettre en mer dans un état très-fâcheux. Le 5* d'Avril , l'Amiral Hollandois mit pavillon bleu , & bailTa la voile de mi faine pour lignai du départ : il s'arrcra à fille des Penguins, où il fut fum de tous les Vaiffeaux. Le lendemain, la flotte , compofée de fept vaiffeaux Hollandois & de neuf Anglois , mit à la voile de l'ifle des Penguins , avec un bon vent du fud-fud-eft. Pendant tout le voyage depuis le Cap iulqu'en Hollande , la plus exact; difcipline fut obfervée fur la fiotre, & l'on marqua le plus grand refpeéf, pour l'Amiral Hollandois, quoiqu'il ne commandât qu'un vaif-feau Marchand d'une Compagnie. Rogers ne nous en a pas confervé le nom , il remarque feulement qu'il étoit homme de mérite , de très-bon cœur, & qui avoit beaucoup d'égards des Européens. 345* pour les vaifleaux Anglois qui al-loient avec lui. Il en régaloit fou-^.?gi*j' 1 ^ -r- ■ vi 11/- 1 a Chap.lIV. vent les Ortie 1 ers a bord de Ion bâtiment , & permettoit à la prife le An- h* ■ Bachelier de fe mettre à la tête de la flotte pendant la nuit, pour qu'elle pût fuivre les autres, parce qu'elle étoit péfante à la voile. Le 23 de Juillet, ils arrivèrent au Texel : les Hollandois firent une décharge générale , 5c les Anglois faluerent le Chef d'Efcadre , & le Pavillon de plufïeurs volées. Le 24 , après le dîné, le Capitaine concluiion* Rogers fe rendit à Amfferdam, où il acheta quelques provifîons nécef-faires pour fon vaiffeau ;& le premier d'Août il débarqua les hommes qu'il avoit pris à Batavia 5c au Cap. Il trouva à Amfferdam M. Holledge , 5c quelques-uns des Intéreflés , qui lui demandèrent un extrait de fon Voyage, qui fut attelle par ferment pardevant un Notaire , crainte que la Compagnie Angloife des Indes Orientales ne prétendît que les Armateurs avoient empiété fur fes droits, en touchant à quelqu'un de-fes étabiiflements. .Tout étant ainfi mis en règle, il* 346 Découvertes m "i- levèrent l'ancre du Texel le 22 de r o g e r s, Septembre^ le premier d'Octobre , Chap.XIV. .. r r „ » ils mouillèrent aux Dunes, ou ils tu-An. 17" rent vihtés par quelques-uns des In-térefles. Lç 14, ils arrivèrent à ErifF, où ils commencèrent à décharger leurs cargaifons, dans l'efpérance de jouirbien tôt enAngleterre des fruits d'un voyage aufli dangereux &. aufli bien conduit. m des Européens. 347 VOYAGE Dans i'Amérique Méridionale , par Dom George Juan, 5c Dom Antonio de Ulloa* CHAPITRE I* ■Motif de ce voyage; Avantages de cette Relation ; Les Efpagnols s'embar\ cjuent s & arrivent à Cartkétgene ; Situation avantageufe de cette ville ; Invafîons quelle a fouffertes ; On. change deux fois l'entrée de la baie ; Du fort Saint Lazare ; Bâtiments de Cartkagene ; Des Eglises & des Couvents; Etendue de la Jurifdic~tior$ Des différentes caftes d'habitants ; Des Nègres ; Habillement des hommes , des femmes & des Mulâtres. Uii. o \ 0 Lhap. t. LE Voyage dont nous allons donner l'extrait, eft regardé, avec An*'7îî« ïaifon , comme un des plus agréa- Votifd«c* 348 Découvertes 1 1 bles, des plus intéreflants, & des plui Vcli- V ' autfienticlues clu^ axt ïama^s Pam dans ap" ' aucune langue. Il fut entrepris par Aa. 1735:. ies ordres du Roi d'Efpagae Philippe V , qui en ht publier la Relation I a Madrid. Le principal objet qu'on fe propofa en l'entreprenant, fut de mefurer la longueur d'un degré-du méridien , près de l'équa-reur , pour déterminer la vraie figure: de la terre. Le Roi de France , Louis XV , demanda au Monarque Efpagnol la permifiion. d'envoyer quelques Membres de i'Académie-Royale des Sciences de Paris , à Quito, dont la fituation. eft voihne de l'équateur , pour y faire les obler-vations qui pouvoient conduire à la. réfolution d'un problème fi important pour les Sciences en général, 8c pour la Géographie & la Navigation en particulier. Le Roi d'Efpagne , perfuadé de la candeur de cette demande -, voulut concourir à un projet aufli dune d'immortalifer le règne du Monarque, fous les aufpices duquel il avoit été formé ; non-feulement il permit que les Math'éma* ticiens .François fe rendiflent à Quito, , mais, il donna ordre à Don* des Européens. 54^ George Juan , & à Dom Antonio de ■ m Ulloa, Lieutenants des vailfeaux Ef- ^JA^* pagnols 6c habiles Aftron ornes, d'accompagner les Académiciens , &c de An* l73S* les aider dans une entreprife aulli utile, &aulli difficile à bien exécuter. On voit, par ce que nous venons de dire , que les hommes employés Avantage* dans ce voyage étoient des gw»fcn"S£SC refpeétables , diftingués par leur état,.lesd«*au«i par leur feience, par leur candeur ,Voyasctus' & par leur intégrité. Ce voyage n'étoit pas du au hafard, mais à leur propre choix ; foutenus par l'autorité , ils partirent avec une approbation générale, parce qu'on favoit qu'ils étoient très capables de fuivre les vues qu'on avoir eues en les en-Voyant. Aufli remplirent-ils tout ce qu'on attendoit de leurs foins , avec autant d'exactitude que de fidélité ,. & à leur retour ils en publièrent une Kelation , qu'on lit avec d'autant plus de fatisfacfion , qu'on fait qu'elle a la vérité pour bafe. Cette Relation eft très-méthodique , fort détaillée, & aulîi claire qu'inftructive.. Elle a de plus l'avantage ineftimable-de remplir parfaitement fon objet,. & de mettre en état de reconnaître^ a y© Découvertes les errreurs ou la partialité de plu-ulloa, {ieurs autres Auteurs qui ont écrit précédemment. An. i7*J- LesEfpagnols s'embarquèrent à Ca-Les Efpa- dix le 26 de Mai r.73y;mais le vent iar°qucntCI& a}'ant changé , ils furent obligés de airivcr.t k jetter l'ancre environ à une demi-CiiiUiagenc. j-eue fe Las Puercas, où ils demeurèrent jufqu'au 28. Alors le temps étant devenu très-beau , & le vent a'étant tourné nord, ils remirent à la voile, & continuant leur cours , fans qu'il leur arrivât rien de remarquable , ils jetterent l'ancre dans la baie de Carthagene le o de Juillet. La ville de Carthagene eft fituée à fio degrés 2y minutes 4.8 fécondes & demie de latitude feptentrionale, à 282 degrés 2S minutes 36 fécondes de longitude du méridien de Paris 9 & à 301 degrés 19 minutes 36 fécondes du méridien du Pic de Té-neriffe, fuivant les obfervations des Aftronomes Efpagnols. Ils trouvèrent aufli après plusieurs expériencet réitérées , que la variation de la Boufïble étoit de 8 degrés à l'eft. Cete baie & ce pays furent dé-'Découverte couvers en IC02 , par Rodrigue" ■des Europe en s. de la Cofa & Chriftophe Guerra en-......» îrerent en guerre contre les habitants ucLtap?iV Indiens. Ils trouvèrent plus de réfif-tance qu'ils n'en avoient attendu; An-»73î* parce que ces Indiens étoient un peuple guerrier , & que la valeur leur étoit fi naturelle , que les femmes mêmes partageoient volontairement les fatigues & les dangers de, la guerre. Leurs armes ordinaires étoient les flèches, qu'ils empoifon-noient avec le fuc de certaines her-bfcs qui en rendoient mortelles les-plus légères bleflures. Quelques années après, Alonzo d'Ojeda , descendit dans le même pays, accompagné de Jean de la Cola , fon pre- , mier Pilote, & d'Americ Vefpuce». fameux Géographe de ce ficelé: mais ils n'eurent pas plus de fuccèsgue les* premiers , .quoiqu'ils rencontraflènt les Indiens affez fréquemment. Gré-gorio Hernandez de Oviedo ne fut pas plus heureux. Enfin la conquête de ce pays fut faite par Dom Pedro de Heredia, qui après avoir remporté plufieurs victoires furies Naturels, fonda Carthagene en l'année t C3 3. sïmàtïoa La fituation avantageufe de cette ""-"genre (Ville > letendue & la fureté de laï.anhw -35*2 Découvertes - baie, & fa pofition favorable pour vJ[iL0? ' le commerce du continent méridio-nal , contribuèrent beaucoup a y J<«i73f- former promptement un établiife-ment. Les mêmes raifons engagèrent les Elpagnols k l'augmenter , & à le bien mettre en état de défenfe ; en-forte qu'elle devint en peu de temps «la plus fameufe de leurs Colonies, & l'entrepôt de toutes les autres : mais ces avantages attirèrent auili eontr'elle les hoitilités des étran-* gers , animés par la foif des richefle», ou par l'importance de la place même qui a été prife Se pillée plufieurs fois. Tnvafions La première invafion qu'elle fouf-•ju'ciie a frit arriva peu de temps après fa fon-dation. Ce tut en 1 année 1744, ou quelques avanturiers françois y furent conduits par un Pilote Corfe, qui y avoit palïé quelque temps, Se qui les inftruifit de la fituation de la Place, des1 chemins qui y conduifoient , 6e de plufieurs autres particularités né* ceffaires à favoir pour réufiir dans leurs entreprifes* Le fécond ennemi qui l'attaqua fut François Drake ,. qu'on appelloit le deftruéreur des nouvelles conquêtes : il en fit le pil-; * e s Européens 35-3 lage, & y mit le feu , ce qui réduifit H eu cendres plus de la moitié de la "îiaL0°iA* 'Ville ; la deitruction totale étoit inévitable li les habitants ne fuflent Am-l7>t^ convenus de payer pour rançon cent vin^t mille ducats d'argent. Elle fut prife la troiheme fois en ï0^7 , par les François , fous les ordres de M. de Pointis , qui parut devant la place avec un fort armement , compofé en grande partie de Fihbulfiers, qui ne valoient guère mieux que des Pvrates ; mais comme ils croient Sujets du BLoi de France, ils turent proté ;és en cette occafion» Après avoir forcé le Fort de Boca-ChLa , à ie rendre, ce qui leur donna l'entrée libre du Port , M. de Pointis rit débarquer fes. Troupes, &c alliégea le Fort Saint-Lazare, dont la prife fut fui vie de la reddition de la Ville , que la capitulation ne put garantir de l'avarice des Filibuftiers, qui en firent le pillage. Cette Place fut conquife avec tant de facilité par Jes François , que beaucoup de perfonnes foupçonne-rcnt une correfpondance particulière entre le Gouverneur & M. de Poinv tis. Ce foupçon fut fortement aug- 3 y4 Découvertes ii mente fur ce qu'il s'embarqua à bord v l i o a , fe l'Efcadre françoife, avec tous fes CillP- ' tie-fors & fes effets , dont aucun ne *«■ » 7 ? s- fouffrir de la calamité générale. L'entrée de Cette Ville efl: lituée dans une Ifle deiiba'foi? fablonneufe, qui forme un étroit paf-«hangec fage du côté du fud-oueft, ce qui ouvre îa communication avec la partie nommée Tierra-Bomba jufqu'à Bo-ca-Chica. La langue de terre qui les joint préfentement étoit autrefois l'entrée de la baie ; mais quand elle fut fermée par les ordres de la Cour de Madrid, il ne refta d'autre paffa-ge que celui de Boca-Chica. On a encore fermé cette entrée depuis la dernière entreprife des Anglois en 1741 , parce que s'étant rendus maîtres des Forts qui la défendoient, ils s'introduifirent dans la baie pour s'emparer de la Ville ; cependant ils manquèrent leur entreprife, & furent obligés de fe retirer avec une perte confidérable.- Cette attaque détermina la Cour d'Efpagne à envoyer de nouveaux ordres pour rouvrir l'ancien pafTage ; & depuis ce temps-il eft,le feul par où les vaiffeaux entrent dans la baie. Du coté du nord il y a fi peu de terre , qu'avant la bîs Européens. 55*5» muraille , on ne trouve que trente- .........m cinq brades de largeur d'une mer à ^LOTA> 1» • ■ 1 • Cliap. 1. j autre: mais enluite le terrein s e-largit, & forme une autre Ifle de ce An" côté ; de façon , qu à l'exception de ces deux pajïages qui font très-étrois, toute la Ville eft entourée de la mer. Du côté de l'eft, la communication d'une terre à l'autre fe fait par un pont de bois. Les fortifications, tant de la Ville que des Faux-bourgs, font conftruires à la moderne , & "revêtues de pierres de taille» En temps de paix, la garnilon eft de dix compagnies de troupes réglées, dont chacune contient foixante & dix-fept hommes, en y comprenant les Ofliciers, & de plufieurs compagnies de Milices. Sur le fornmet dîme hauteur, près fort saint le fauxbourg de Xéxémani eft un azaie< fort, nommé Saint Lazare, qui commande la Ville & le Fauxbourg. On a trouvé par les opérations géométriques que l'élévation de cette colline eft entre 30 & 31 brades. Elle eft contiguë à plufieurs autres plus élevées , qui s'étendent du côté de l'eft. Elles fe terminent à une autre colline très-haute , qu'on appelle' 13 L lO A Ch;.p. I. 3 5-6" Découvertes Monte de la Popa, fur le fornmet de laquelle efl: un Couvent d Auguftins Déchaulfés, appelle Nueftra Senora Aa.i7,s- fe la Popa. Ce Couvent jouit de la vue la plus charmante, qui s étend fur tout le pays & fur la côte à une diftance immenle. BâtimentJdc La ville & les fauxbourgs de Car-CartJiaficnc. tnaes Européens. 36f dent au marché toutes fortes de vi- -vres & de fruits fecs, de confitures , e gâteaux faits de maïz & de caffa-Ve, ainfi que plufieurs autres den- An> l7i9' rées, qu'elles portent aufli dans toutes les rues. Celles qui ont des enfants a la mamelle, les portent fur leur dos , pour avoir les bras en liberté; & quand les enfants veulent teter, elles leur donnent le fein par-deffous leur bras ou par-deffus leur épauie, fans les faire changer de fituation. Une telle conformation paroît presque incroyable ; mais comme leurs mamelles cro;flent librement, fans avoir jamais été gênées, elles tombent fouvent jufqu'à la ceinture, ce qui leur donne la facilité de les jetter Par-deflus leurs épaules pour allaiter leurs enfants. L'habillement des Blancs , tant HabrnV hommes que femmes, diffère très-J^™*^* peu de celui qu'on porte en Efpagne* Ceux qui occupent les grands emplois , font habillés comme en Europe , avec cette feule différence , Sue les étoffes font fort légères , les Veffes & les culottes, de toile fine de Bretagne , & l'habillement de deilus, de quelque autre étoffe des . 3 rTcT Découvertes moins épaifles. On n'y porte que "cliap0 * ' t^s"Peu de pe'ruques , & pendant le temps que notre Auteur y demeura Ak. 1735. ji n'en vic qu'au Gouvernenr &à deux ou trois des principaux Officiers. Les cols ou les cravates y font aufli rares ; le col de la chemife eft orné de gros boutons d'or , &en général , on le laifle ouvert. On met fur la tête, des bonnets de toile blanche très-fine ; mais beaucoup la portent entièrement nue, avec les cheveux coupés à la hauteur delà nuque du col. Les hommes, de même que les femmes, fe fervent ordinairement d'éventails d'une efpece de palme très légère, en forme de croilTant, avec un bâton du même bois au milieu. Ceux qui ne font pas de la Clafle'des Blancs, ou de quelque famille diftinguée , portent un manteau & un chapeau trouffé ; mais il y a des Mulâtres & même des Nègres , qui s'habillent comme les Efpagnols, & comme les gens de diftinction du pays. ïîaViiie- Les femmes Efpagnoles ont une kmaicî" efpece de jupe, nommée Pollera, de foie très-fine , fans aucune toile, & elles ont fur le corps, une efpece de des Européens. 367 Vcfte blanche très-légere , qu'elles 1 " »■ mettent feulement dans je temps vc\l" qu'on nomme hiver, d'autant qu'elles leur feroient infupportable en An'1 été ; mais en tout temps, elles font lacées de façon , qu'elles ont toujours le fein très-couvert. Quand elles for-tent, elles ont un mantelet; les jours -de précepte, elles vont à la Mette à trois heures du matin, pour remplir leur devoir, & en reviennent avant la chaleur du jour, qui commence avec l'aurore. Celles qui ne font pas entièrement Ha^ de la Claire des Blancs, portent fur femmes Ml leur Polléra, un jupon de taffetas lâucs, de la couleur qui leur plaît, mais jamais noir, avec des trous de toutes parts, pour faire voir celui de def-fous. Elles ont fur la tête, un bonnet d'une toile blanche très-fine, garni de dentelles, eri forme de mitre, fortement empefé & qui fe termine en pointe. Elles le nomment Pani-to , & ne fortent jamais fans l'avoir, avec un mantelet fur leurs épaules. Les Dames & les autres Blanches, mettent des Panitos en déshabillé, ce qui leur fied^très-bien, parce qu'étant accoutumées à en porter de* Qiv 368 Découvertes ■ l'enfance, il leur donne en gênerai VCh° A ' un a'r noD,e* ^u ^eu de ^ou^ers > el" nap' les ont feulement de petites mules, An* 17*5 où n'entre que le bout du pied. A la maifon, leur ieul exercice eft de fe mettre dans leur hammacs, & de s'y balancer pour le donner de l'air. C'eft un ufage (i général, que dans toutes les maifons, il y en a deux ou trois, ■ félon que la famille eft plus ou moins nombreufe : elles y parlent la plus grande partie du jour , & fouvent les hommes y repofent , de même que les femmes, malgré fin-commodité de ne pas avoir le corps entièrement étendu. CHAPITRE II. Difpofttions infruclueufe des habitants de Carthagene pour les Jciences ; Mfere de ceux qui vmt y chercher fortune ; Charité & défintérefjement des femmes du pays ; Grand ufage de ■ Veau-di-vie y du chocolat, des confitures , du miel & du tabac ; Des Danfcs ; Des Funérailles; Arrivée des Aftronomes trançois; Defcription dePorto-Bello ; Maladies très* dangereufes en cette ville. LEs deux fexes à Carthagene ont ' "' " en général de l'efprit, de la pé- chap 11/ nétration , & un génie propre à ex- , _ , ° r 1 r An. iTSf, celler dans toutes lortes dans me-chaniques. On remarque particulier£SSmZ rement ces heureufes dilpohtions pour les dans ceux qui s'attachent à la litté- tclcl,cc5*-rature, & des la plus grande jeu-nefle, ils font voir ce jugement Se cette fagacité , qui dans les autres climats eft le fruit de la plus grande; application r Se qu'on n'acquière qu'après bien des années de travaiï, Qv yq*jo Découvertes 1 Ils jouiflent de ces heureux dons de la nature, jufqu'à ce qu'ils ayent at« teint l'âge, entre vingt cinq ou trente M>i7i5> ans, après quoi ils déclinent aulîl promptement que leurs progrès ont été rapides II arrive même fouvent qu'avant d'être parvenus à cet âge , lorfqu'ils commencent à retirer les fruits de leurs études, leur indolence naturelle les empêche d'avancer, & îf$ abandonnent Jes fciences , laiflant imparfaits des commencements aulît heureux que furprenants.. f our^noi ;is La principale caufe du peu de du- *" «"a""1 rée de Jeur aPPncatl0n » & de 1 m~ jeu ç un. (j0jence ^ris laquelle tombent ces génies brillants, eft fans doute le dé-faut d'objets propres à exercer leurs facultés , & le peu d'efpérance d'arriver à quelque place qui les récom-penfe de leurs peines, Il n'y a qu'un très-petit nombre d'emplois , foit civils, foit militaires, & il n'eft pas furprenant que l'efpece d'irnpoflibi-lité où ils fe trouvent d'y parvenir par ce moyen , n'étouffe l'ardeur qu'ils auroient pu avoir d'exceller dans les fciences., ce qui les plonge dans cette oifîveté , qui eft l'avantr ïoureuo; certain du vice, qui leur fait 15 ës Européens. 371* perd e l'ufage de leur efprit, & qui n mm fuffoque les bons principes dont on u,î;L0r*» voyoït les effets quand ils étoient jeunes , & aflTujettis convenablement An. 1735. à leur âge. On voit la même chofe dans les arts méchaniques : ils y font paroître une adrelTe étonnante en très-peu de temps, tk les abandonnent de même , fans travailler à perfectionner les méthodes de leurs maîtres. Rien n'eft plus étonnant & plus ordinaire dans ce pays que de voir des enfants de deux ou trois ans raifon-neravec le férieux & lajufteffe qu'il eft rare de leur trouver en Europe à l'âge de fix ou fept ans, mais dans un temps où ils voyent à peine la lumière , ils connoiflènt déjà toutes les profondeurs de la malice. Le génie des Amériquains étant EKcepro-u plus précoce que celui des Euro- *^c£a'kjL?-8 pcens , quelques perfonnes penfent aulîi qu'il tombe plus vite , & qu'à foixante ans, ou même avant, ils n'ont déjà plus ce jugement, cette pénétration , & cette fagacité qui eft chez nous fi ordinaire à cet âge. On prétend que ce génie s'affoiblit dans le temps où celui des Européens $end encore à fe perfectionner : mais $72 Découvertes — c'eft un préjugé mal iondé , &c qus ult.o\, eft réfuté par un grand nombre d'e- Caap. II. t j - i xemples , dont on en peut voir plu-An. 173J* fieurs rapportés par le Pere François Benoît Feyjoo , dans le fixieme eflai du quatrième tome de Ion théâ-trecritique. Tous ceux qui ont voyagé avec quelque attention dans ces pi,ys , ont obfervé chez les naturels ou hutte de pail-; ! des Européens. 3*77 Je, & y vivent à peu près comme -les bêtes, cultivant un très-petit ter- UJ; L 0 *> rein , & lubliltanr de la vente des herbages qu'ils en retirent. An- *ns* Ce que nous avons dit des dif-pofitions favorables des Negref- Humanité les & des Femmes mulâtres , fepeutdcs fcra,ues» étendre aux autres Caftes, Se même en général à toutes les temmes du pays, dont le cara&ere eft très-doux & bienfaifant. Par cette bonté & cette affabilité qui leur eft naturelle , elles furpalfent les hommes dans la pratique de ces vertus chrétiennes. Entre les différentes coutumes de ce pays, il y en a qui font très-différentes de celles d'Efpagne , Se des autres pays de l'Europe. Les principales font l'ufage de l'eau-de-vie, du cacao , du miel, des confitures , Se du tabac à fumer. L'ufage de l'eau-de-vie eft h* corn-Grand ufage mun , que les perfonnes les plus ré-«,c l'eau Régulières Se les plus fobres ne man-Y'e' quent ia mais d'en boire tous les Jours un verre à onze heures du marin. Ils prétendent que cette liqueur fortifie l'eftomach , affoibli par d'abondantes tranfpirations, Se qu'elle excite l'appétit» Hacar Los once , c'eft-à^ 37$ Découvertes i m i» dire , faire les onze heures , efl: une Ulloa, phrafe commune, qui lignifie boire un verre deau-de-vie > & cette cou- A\\.it)$. tume qui n'a peut-être rien de pernicieux , pour ceux qui la fuivent avec modération , devient fouvent un vice. Quelques-uns y font tellement adonnés , qu'ils font les onze heures à toutes celles du jour. Les gensdif-tingués boivent de l'eau-de-vie d'Efpagne ; mais ceux de bas état, & les Nègres font contents de celle du pays,qui eft un extrait de jus de canne de fucre, qu'ils appellent également eau-de-vie ou bran-de-vin* & dont on fait une très-grande confommation. Pu chocolat Ee chocolat , qu'on nomme à Carthagene le cacao, eft fi commun, qu'il n'y a pas d'Efclave nègre qui ne s'en régale après fon déjeûné. Les femmes de la même nation en vendent dans les rues , prêt à prendre , pour un quart de réale l'écuellée. Quoiqu'ils lui donnent le nom de cacao, le principal ingrédient dont ils le compofent eft le Maïz : mais les gens plus diftingués en font de pareil à celui d'Efpagne. Ils en prennent encore une heure après le dîné# mais jamais ils n'en boivent à jeun, bes Européens. 370 ni fans manger quelque chofe avant.1 ■ r' Les confitures & le miel y font fi 0Jj££& communs qu'on ne boiroit jamais un Terre d'eau fans avoir commencé par An*l73f* en manger. On préfère le miel qu'on t„?/ss £onjj trouve plus doux pour les conferves, miel. & pour les autres confitures feches & liquides. Ils mangent les confitures avec du pain blanc , qui leur fert uniquement pour cet ufage & pour prendre le chocolat, mais ils étendent du miel fur leurs gâteaux de caflave. Leur paflion pour le tabac à fumer Du Tabac, eft: généralement répandue entre les perfonnes de tout rang & de tout fexe. Les Dames & les autres femmes blanches ne fument que dans leurs maifons; mais cette décence n'eft pas obfervée par celle des autres caftes, ni parles hommes , qui, en général fument dans tous les endroits où ils fe trouvent. Ils forment de petits rouleaux de feuilles de tabac , & les femmes ont une méthode qui leur eft particulière pour en tirer la fumée. Elles mettent le petit bout du rouleau allumé dans leur bouche, & l'y tiennent très long-temps fans l'éteindre, & fans que le feu les incommode» 3§o Découvertes ■ C'eft une politeiïe qu'elles font aux lcnâ Perf°nnes qu'elles eftiment que de p ' leur allumer le tabac, & l'on en dif-An. 17jj. tribue à la ronde dans les compagnies quand on fait quelque vilites. Refuie r du tabae eft une grotliereté qu'on ne pardonne pas aifément.. aulli ont-ils la plus grande attention à n'en Offrir qu'à ceux qu'on eft allure qui en font uiage. Les Dames s'y accoutument dès l'enfance , ce qui leur vient fans doute des Efclaves NégrefTcs qui . font leurs nourrices. Cet ufage eft ft commun chez les perfonnes de distinction, que ceux qui arrivent d'Europe en prennent bien-tôt l'habitude, particulièrement quand ils doivent demeurer un temps un peucon-fidérable dans le pays. _ _ . La Danfe eft un des amufements les plus communs a Carthagene, & c'eft ordinairement par les bals qu lis célèbrent les fêtes & les jours de rc-jouiffances. Pendant que les Gal-lions, les Gardes-côtes , & les autres bâtiments Efpagnols y féjournenr , ces danfes font plus communes, Se fe font avec, moins d'ordre , parce que les gens d'équipage entrent par force dans les lailes : mais dans les des Européens. 381 maifons diftinguées on fe conduit . -avec plus de régularité. On corn- u LaL °A» mence par les danfes Efpagnoles, fui- * iap' vies de celles du pays, qui font allez A"- l7>i? agréables. On les accompagne de chanfons ; & il eft rare que ces parties de plaiiir finilfent avant le point du jour. - Les Fandangos ou Bals de la populace font ordinairement accon;pagnes d'eau-de-vie ou de vin, & les danfes confiftent en mouvements affez fcandaleux : mais comme ils ne ceffentde boire, ils le terminent iou-Vent par des querelles, qui ont.defâ-cheufes fuites- Quand il arrive dans la Ville quelque étranger de marque, il eft très-bien reçu dans ces Bals ; & comme l'entrée en eft per-mife à tout le monde, & qu'on n'y manque pas de liqueur, ceux qui les donnent ne, doivent pas craindre de c'y trouver fans compagnie. Les funérailles & les deuils font Des Fane, accompagnés d'un cérémonial parti»raiUes* culier, & ils font leurs efforts pour y marquer de la grandeur & de la dignité, fouvent Jufqu'à en altérer leur fortune. Quand le mort ejf une per-fonne de condition , on met le corps Découvertes w ■ ■■ fur un pompeux catafalque , e'Ievé U,LLQA' dans le principal appartement de fa mailon , environne dune multitude An. X7iî• de flambeaux allumés. Le corps y demeure vingt-quatre heures ou plus long-temps : il eft vifité à toutes les heures du jour par les perfonnes de fa famille , & par des femmes du bas état , dont le métier eft d'aller pleurer les défunts. Ces femmes, qui font ordinairement habillées de noir , viennent ;le foir, ou pendant la nuit, dans l'appartement où eft le corps : elles fe jettent à genoux près du Catafalque, fe lèvent enfuite ; & étendent les bras, comme pour embraffer le défunt ; après quoi elles commencent leurs lamentations d'un ton dolent, qu'elles entremêlent de cris affreux , & les terminent en prononçant le nom du mort. Elles racontent en-fuite fon hiftoire avec les mêmes cris, y joignent le récit de fes bonnes & de fes mauvaifes qualités , de fes amours de toute efpece , & en» trent dans des circonftances fi particulières , qu'elles pourroient tenir lieu d'une confeffion générale. Enfin quand elles ont tout dit, elles fe re* des Européens. 383 cirent dans un coin de l'appartement «• où elles trouvent du vin & de l'eau- ucLh^ de-vie , dont elles fe régalent abon- 3 damment. AulTi-tôt qu'elles ont quit- A»-*??!» té le corps, elles font remplacées par d'autres , jufqu'à ce que toutes ces fortes de femmes ayant eu leur tour, La même cérémonie eft faite par les Domeftiques, les Efclaves, Se les connoilTances de la famille, ce qui occupe le refte de la nuit, & l'on ne peut s'imaginer le bruit Se la confusion qu'occafionnent tous ces cris Se toutes ces plaintes. Le convoi funèbre eft auflï accom- Du Convoi, pagné de femblableslamentations tu-multueufes; &.même quand le corps eft dépofé dans le tombeau, on continue les pleurs pendant p jours dans la maifon. Durant4tout ce temps , les Pacientes ouPLeurants, tant hommes que femmes , ne quittent point l'appartement , où ils reçoivent les Pc*-; famés ou compliments de condor léance. Pendant neuf nuits, dépuis le coucher du foleil jufqu'à fon lever , ces pleureurs font accompagnés des parents Se des amis particuliers % Se l'on peut dire , avec vérité, qu'ils font fincerement affligés , les uns de, 384 Découvertes la mort du défunt, & les autres (3*4-Iuloa, tre obligés de fupporter la fatigue p* ' de faire des vilîtes aulli défagréables An. 1735 & aullî ennuyeufes. Arrivée des Les Mathématiciens François ar-Aftronomes riverent à Carthagene le 1 6 de No~ François. . *? . . . . . vembre 1735* , & y joignirent les Efpagnols. Le 24, ils s'embarquèrent tous à bord d'une frégate Fran-çoife pour Porto- Bello. La traversée fut très-courte & très-agréable, & le L-p du même mois, ils jetterent l'ancre dans le port de cette dernière Ville. Saint Philippe de Porto-Bello, fuivant leurs obfervations , eft fituée à p degrés 34 minutes, 35* fécondes de latitude lepténtrionale, & fuivant celles du Pere Feuillée à la longitude de 277 degrés jo minutes du méridien de Paris , ou à 2p6 degrés 41 minutes du Pic de Teneriffe. Ce Port fut découvert le 2 de Novembre iyo2, parChriltophe Colomb, qui fut fi enchanté de fon étendue, de fa profondeur, & de fa beauté , qu'il lui donna le nom de Porto-Bello , qu'il a toujours porté depuis. Cette Ville fut prife & pillée par Sir des Européens. 385* Sir Jean Morgan, fameux Cor/aire -Anglois, qui en infeftoit Jes mers; ti1LL0,A* • -1 Chap.;II. mais au moyen dune rançon , il épargna les forts & les maifons. An' La Ville eftlituée près de la mer, PcfcrîptîdM fur le penchant d'une colline qui en- jj£roiw-8cl* toure tout le port. Le plus grand nombre des maifons font bâties de bois , mais il y en a beaucoup dont le .premier étage eft en pierre , & le refte en bois. Il y en a cent trente en tout, & la plus grande partie font tiès-fpacieuies. Elle eft fous la jurif-diction d'un Gouverneur , qui a le titre de Lieutenant Général , & ref-fortit au Préfident de Panama. Elle eftcompofée d'une rue principale qui cotoye Je rivage, avec quelques autres plus petites, qui Ja tra-verfent en defcendant de la colline au port , & ces dernières font jointes par de petites ruelles , parallèles à la grande rue, autant que le terrein peut lepermettre.il y a deux grandes places , dont uneeftvis-à vis la Douane, qui eft bâtie de pierres, & contiguë au quai : l'autre fait face à la principale Eglife, aulîi conftruite en pierre , grande , & décemment ornée pour la petitcffe de la Ville. Ji orne X, R 386* Découvertes 1- L'Eglife de Notre-Dame de U Ui-lo a , Merci eft également de pierre , mais ap ' très médiocre , & tombant en rui-An. 1735- ne, ainfi que le Couvent, occupé par D«sEgiifes. des Religieux qui portent le même nom. Celle de Saint Jean de Dieu 3 le titre d'Hôpital, tk a été fondée en conféquence ; mais il s'en manque beaucoup que l'intention des Fondateurs ait été remplie.Le bâtiment eft petit. & à peu près en aufli mauvais état que celui de la Merci. Toute la Communauté conf.fte en un Prieur, un Chapelain &un autre Re-gicux. La falle deftinée pour les malades: ;ft une chambre dont le toit eft à jour, fans lits, ni aucun autre meuble néceffaire. Cependant pour y être admis , il faut être en état de payer le traitement & la nourriture, ou plutôt la dicte. Cet Hôpital , r i n'en a que le nom, n'eft donc icun ufage aux pauvres de la ville, il fert uniquement à recevoir les malades des vaifïcaux de guerre qui y abordent , parce qu'ils y font pourvus de tout ce qui leur eft né-celfaire par leurs propres bâtiments, & font traités par leurs Chirurgiens, en forte qu'ils n'ont befoin que du logement. des Européens. A l'extrémité orientale de la ville,-— un quartier appelle Guinée , par- uL ?>» -~ » n \ 1 xt 1 Cliap. II. ce que c elt ou tous les Nègres des deux fexes , libres & efclaves, ont Anil7î>« leur habitation. Ce quartier eft très-peuplé , lorfque les galbons font dans le port, parce que la plus grande partie des habitants quittent alors leurs maifons pour les louer , & que d'autres en confervent feulement une petite portion. Les Mulâtres & les autres pauvres familles, vont auflï ou à Guinée ou dans les cabanes qu'on élevé près de ce quartier. Il y loge encore dans le méme-temps, Un grand nombre d'Artifans de Panama , qui fe rendent à Porto-Bello, pour y exercer leurs métiers, & qui cherchent des logements d'un prix médiocre. Dans un efpace aiTez confidéra-ble, entre la ville & le Château de Gloria , on élevé aufli des baraques, Qui font occupées principalement ar les gens d'équipage des vaifieaux, (s y tiennent des boutiques de confitures & d'aurres comeftibîes qu'ils apportent d'Efpagne ; mais après Î[ue la foire eft finie, & que les yaif-eaux ont remis à la voile, tous ces Rij U L L O A, Chap. II 388 Découvertes édifices font abattus, la ville ferem> plit, & rentre dans fa première tranquillité. An. 1755. Le Port de Porto-Bello efl très-pu Poir. commode pour toutes fortes de vaiffeaux &: d'autres bâtiments ; quoique l'entrée en foit très-large, il eft: bien défendu par le fort Saint Philippe de Todo Fierro. Ce Château eft fi-tué fur la pointe feptentrionale de l'entrée du port, qui a de largeur environ fix- cents braffes , c'eft-à-dire un peu moins d'un quart dedieue. Le côté méridional, eftrempli de rochers a fleur d'eau , qui s'étendent à une diftance aflez confïdérable du rivage ; enforte que les vaiffeaux font obligés de tourner vers le nord , par l'endroit où le canal eft le plus profond , ce qui eft à peu près au milieu de l'entrée. U continue en ligne droite , fur la profondeur de neuf, de dix & de quinze brafles d'eau , avec un fond de glaife , mêlée de craie & de ifable. Dans la partie méridionale du port, de vis-à-vis la place d'ancrage, eft un gros château, nommé Santiago de la Gloria , à l'eft duquel com-ïriCtice la ville » à la diftance d'envi- ces Européens. 3^9 ron cent toifes , avec une pointe de —..... ■-' terre, qui avance dans le port. Sur "J;,^.* cette pointe, efl un petit fort, nommé Saint Jérôme, à dix toifes des An< I7?s< maifons. Tous ces forts ont été démolis par l'Amiral Vernon, lorfqu'il Self rendu maître de ce port, en 1740. Au nord-oued de la ville , eft une petite baie, nommée la Caldera'ou la Chaudière , qui a quatre brafles &z demie d'eau, & eft très-propre à caréner les vaiffeaux , tant à caufe de la profondeur, que parce qu'elle efl défendue & à l'abri contre tous les Vents. Du côté du nord-eft, on trouve l'embouchure d'une rivière , nommée Carcajal, qui ne fournit d'eau-fraîche qu'à un quart de lieue & plus, de l'endroit où elle fe décharge : on y voitaffez fouvent des Alligators. Entre les montagnes qui entourent Montt n le port de Porto-B?llo, & qui s'éten- deCajinT, dent depuis Saint Philippe de Todo Fiero, ou Château de fer, fans diminuer de hauteur, jufqu'à la partie op-pofée, il y en a une remarquable, en ce qu'elle s'élève au-deffus de toutes les autrjs, & qu'elle femble deftinéc Riij 1590 Découvertes 1 à fervir de baromètre pour tout h chaL°iiA' Pa>7S» en annonçant les changements de temps. Cette montagne , qu'on -An. 17is• appelle Capiro, eft à l'extrémité du port, fur la route qui conduit à Panama. Le fornmet eft toujours couvert de nuages fi denfes & fi fom-bres, qu'il eft rare d'en voir qui le foient autant dans notre atmofphere. On leur donne le nom de Capillo ou bonnet , d'où peut être venu, par corruption, celui de Mont-Capiro. Quand ces nuages s'épaifliflent, ils augmentent en noirceur, delcendent plus bas qu'à l'ordinaire , & c'eft un ligne certain de tempête : au contraire, quand ils s'élèvent & s'éclaircif-fent, on eft certain de l'approche du beau temr>s ; mais il faut remarquer que ces changements font très-fréquents, & furviennent quelquefois en un inftant. Il eft aufli très-rare que le fornmet. de cette montagne foit abfolument fans nuages , & quand cela arrive , ce n'eft que pour un moment, jaiifdiàion. La Jurifdiction du Lieutenarit-ueur.G0UVCr' Général, Gouverneur de Porto-Bel-lo, eft limitée à la ville & aux forts, d'autant que le pays voifin, fur le- î;es Européens. 35) 1 quel elle pourroit s'étendre, eft rem- <*- pli] de montagnes , couvertes de fo- chnP°iî/ rets impénétrables , à lexception d'un petit nombre de vallées , où l'on An,1?3** trouve quelques fermes médiocres, nommées Haciendas i la nature du terrein ne permettant pas d'en étert-dre,la culture. On fait dans toute l'Europe , corn- Danger bien le climat de Porto-Bello eft ^îmatJf. lujet aux variations du temps. JNon-feulement les Etrangers qui y abordent, en font affectés, mais les Na-turels même en font fréquemment très incommodés. Il détruit les forces de la nature, & coupe fouvent tout-à-coup le fil de la vie. On prétend qu'anciennement, fans reculer même de plus de vingt ans ou environ , les accouchements y écoient fi dangereux , qu'il étoit rare que les femmes puffent en relever. Aufîî-tôt qu'elles étoient au troifieme ou quatrième mois de leur groffefïe , on les faifoit aller à Panama, où elles de-meuroient, jufqu'à ce que tous les dangers fuffent paffés. Il y en avoit très-peu qui euffent affez de fermeté, pour attendre leur deftinée dans leurs maifons , & la plus grande partie U l l o a Cliap U. 302 Découvertes préféroient de faire ce voyage, malgré l'embarras qu'il pouvoir, leur caufer, plutôt que de mettre leur vie Ah. 173 j. cn rifque. L'amour extrême qu'une femme de cette ville avoit pour fon mari , joint à la crainte qu'il ne l'oubliât pendant fon abfence , d'autant que fon emploi ne lai permettoit pas de l'accompagner à Panama, la détermina à donner le premier exemple contraire à cet ufage. Ces deux objets eurent allez de force. pour qu'elle s'expofât à un péril probable, en évitant un malheur qu'elle regardoit comme certain , & qui auroit répandu l'amertume fur tout le refte de fa vie. L'événement fut heureux, elle eut des couches très-favorables , recouvra promptement la fanté ; &: l'exemple d'une Dame d'auflï haut rang, infpira à d'autres le même courage , fans qu'elles fulfent animées par de femblables raifons. Enfin , la crainte que quelques accidents avoit imprimée dans les efprits , en faifant regarder ce climat comme singularité fatal aux femmes en couche , fe dilli-î"ur la pdec'sC"pa entièrement, animaux" \Jn autre préjugé aufli Singulier, des Européens. 303 en: que les animaux des autres cli- ——, mats, celfent d'engendrer aufli-tôt ^h^'-i.' qu'on les tranfporte à Porto-Bello. Les habitants affurent que les pou- An< 175? • les apportées de Panama ou de Carthagene , deviennent ftériles , le jour même de leur arrivée, & ceflent de produire des ceufs : ils ajoutent que les bêtes à corne amenées de Panama , quand elles font reftées quelque temps à Porto-Bello, maigrifïent tellement, qu'il n'efl: plus pofllble d'en manger la chair, quoiqu'elles ne manquent pas de bons pâturages. Il eft certain qu'il ne naît dans ce pays, ni chevaux, ni ânes, ce qui tend à confirmer l'opinion, que le climat eft contraire à la génération des animaux engendrés fous un ciel moins funefte. Cependant, pour ne pas fe livrer aveuglément à l'opinion commune, les Mathématiciens interrogèrent plufieurs perfonnes intelligentes , dont les réponfes furent affez d'accord avec celles du vulgaire; & ils les affiirerent que ce fentiment étoit confirmé par plufieurs faits connus , & par des expériences qu'ils avoient faites eux-mêmes. Le 4 de Décembre 1735-, à fi* Rv Découvertes ■ ■ heures du matin , la liqueur duther-chainiî' niometre de M. de Réaumur étoit à 1021 ,& à midi, elle fut à 1023. An 173^ La chaleur eft excefîive à Porto-chaleur Bello, & elle eft augmentée par la rouïicito.-fixation de la ville , qui eft entourée de hautes montagnes, fans aucun paflage pour les vents , qui pourvoient donner quelque rafraichiffe-ment. Les arbres de ces montagnes font li épais, qu'ils interceptent les rayons du foleil, ce qui empêche que la chaleur de cet allie ne feche la terre au dellous des arbres. De-là, font occasionnées des exhalailcns très-abondantes , qui forment de gros nuages , & fe précipitent en violents torrents de pluie; mais aufti-tôt qu'ils font diflipés , le loleil brille & paroît dans tout fon éclat l'activité de les rayons, delfeche la partie de terrein qui n'efl pas couverte d'arbres , l'atmofphere eft de nouveau chargé de vapeurs épaiffes : le foleil fe couvre , & continue de même pendant tout le jour. La nuit eft également fujette aux mêmes viciftitudes, , *t fans que la chaleur en foit diminuée. Bruits et- n , frayantsdans L-es torrents de pluie , ii lubits oi les monta- impétueux , qu'ils femblent me- gnes. * x des Européens. 32/ nacer d'un nouveau déluge, font ac- ——« compagnes de tempêtes, d'éclairs & q^1"0ix^ de t ornières, capables de jetter l'é- ' pouvante dans les cœurs les plus har- An> I73^ dis, & ce bruit horrible eft encore prolongé par la répercuflîon des cavernes qui font dans les montagnes, & qui réfléchirent de même le bruit du canon , qu'on y entend une minute après le coup. Ce fracas eft mêlé des cris affreux & des hurlements d'une multitude de finges de toutes eipeces , qui vivent dans les forêts dont ces montagnes (ont couvertes , & qui ne font jamais plus perçants , que quand un vailfeau de guerre tire le canon , matin & (bir, quoiqu'ils duffent y être accoutumés. L'inclémence continuelle du temps 'Maladies jointe à la fatigue que fouiirent les *daïïTw gens d'équipage, quand ils déchar-pays, gent les vailfeaux, qu'ils portent les marchandifes à terre dans des barges, & qu'ils les conduisent enfuite fur des traîneaux , occafionne des fueurs fi abondantes , qu'elles les affoiblif-fent confidérablement ; & pour ranimer leurs efprits, ils ont recours à l'eau-de-vie, dont on fait alors une çonfommation étonnante. L'excèg Rvj 3 P 6* Découvertes ■ ■ " ■ ■ du travail, la boiffon immodérée, $c UChap°n.: ^'air ma^ ^am ^ reSne ^ans ce mat, font des caufes, qui, réunies, Au. i7j5- altèrent la meilleure conftitution, & produifent ces maladies deftru clives, fi communes en ce pays. On peut bien les nommer deftructûves, & les fymptômes en font toujours dès plus fâcheux, parce que ceux qu'elles attaquent, font trop épuifés pour y pouvoir réhftcr. Auffi les maladies mortelles épidémiques font très-communes fous ce climat. Su'te; fnnef- Les Matelots ne font pas les feuls tes de ces ma qui fouffrent de ces maladies i d'au-très que les gens de mer , qui n ont pas les mêmes fatigues, en tout également attaqués.Par conféquent on doit penfer que ni la mer, ni ces fatigues ne font point les caufes principales de ce pernicieux effet, quoiqu'elles contribuent à étendre & à empirer le mal ; puifqu'il eft évident que quand les fluides font difpofés à recevoir la femence de la maladie, les progrès en font beaucoup plus rapides, & les attaques plus violentes. On a quelquefois fait venir des Médecins de Carthagene , parce qu'on penfoit qu'ils çonnoîtroient mieux ïïës Ëtjrope'éïïs. 5^f les méthodes les plus sûres pourtrai- i'wT""t ter les maladies du pays, & qu'ils chap?H.* feroient par conféquent plus utiles que d'autres pour le foulagement des An'173 >' Matelots. L'expérience n'a pas été favorable , & elle a h peu répondu aux bonnes intentions de ceux qui l'ont faite , que lorfque les galbons, ou les autres bâtiments Européens y ajournent quelque temps, il eft rare qu'ils n'y enterrent la moitié , ou au moins le tiers de leurs gens.C'eft donc avec raifon qu'on a nommé cette ville le tombeau des Efpagnols, & l'on en peut dire autant de toutes les autres nations qui y abordent. Cette remarque eft bien confirmée par Ja perte que firent les Anglois, quand une de leurs flottes parut devant le port en 1725 , dans l'intention de fe rendre maîtres des tréfors qui y arrivent de toutes parts dans le temps de la foire, qu'on y tient à l'arrivée des gallions. La mort du Marquis de Grillo en avoit alors fait palier le commandement à Dom Francifco Comejo, l'un des grands Officiers, dont la valeur & la conduite ont fait le plus d'honneur à la marine Efpa-£hole, Il donna ordre que les vaif* 3$8 DécouvÉfttEs1 > ii ■ féaux fuflent mis en ligne au -dedarté Chap0!!* du port, & fit élever à l'entrée une batterie , dont il confia le foin aux An. 173 j. Officiers de marine , ou plutôt il s'en chargea lui - même , ne négligeant aucunes précautions, & vifi-tant tout en perfonne. Ces préparatifs ietterent une telle consternation fur la flotte Angloife , quoiqu'elle fût très-nombreufe, qu'au lieu de former quelque entreprife, elle s'en tint à un blocus , comptant fur les provisions qu'elle pourroit tirer de Carthagene , & penfant que la famine obligeroit les Efpagnols à abandonner aux Anglois ce qu'ils comptoient d'abord avoir par force : mais dans le tems où l'Amiral étoit prçs de parvenir au but de fes efpérances , l'inclé-mence de lafaifon étendit fes ravages fur les navires Anglois , & emporta un fi rrund nombre d'hommes, qu'en peu de temps il fut obligé de fe retirer à la Jamaïque , après avoir perdu plus de la moitié de fes ^ens. Malgré l'inclémence du climat de Porto-Bello, & la fatalité qui femble y être attachée aux Européens , les gens de l'Efcadre de 1730 y jouirent de la fanté la plus parfaite, des Européens. 300' Quoique la fatigue & la débauche 1 des Matelots fuflent les mêmes, & Vhapi* qu'on n'apperçut aucuns changements dans l'air. On attribua cette An' I?î heureufe lingularitc au féjour qu'ils avoient fait à Carthagene , où ils avoient pafle le temps des' maladies épidémiques , ce qui avoit accoutumé ieur tempéramment au climat. On voit, par cet exemple , que la principale caufe de ces maladies doit être attribuée à la conftitution des Européens qui n'y font pas habitués. Il faut qu'ils y meurent prompte-ment, ou qu'ils s'y accoutument, comme les naturels, les Créoles & les autres habitants. 4Gô Découverte CHAPITRE III. t)es Habitants de Porto-Bello ; Rareté des vivres ; Comment on tue Us Tigres ; Animal nommé Perico-Li-gero; Multitude de Crapauds ; Magnificence de la Foire; Les Aflrono-mes s^embarquent fur la rivière Chagre ^ Difficultés pour la remonter ; Grand nombre d'Alligators1 ; Des barques nommées Chatas 6* Bongos ; Beauté des Payfages ; Ils arrivent à Panama; Conjectures fur ' la longitude de cette Place. T A petiteflè de Porto Bello , & U l l o a , I»' 1 * J chap. m. j—j 1 inclémence du cnmat en rendent le nombre des habitants fort An' 173 5' peu coniidérable : la pins grande d« habi- partie eft fe Nègres ou de Mulâtres, tains de Por- r o _ » to-cciio. & 1 on y trouve a peine trente ramilles de Blancs. Tous les gens ai-fés, foit par le commerce, foit par leurs biens-fonds , fe retirent à Panama , & il ne demeure à Porto-Bello que ceux dont les emplois! exigent qu'ils y reftent : comme le dés Européens. 40 i Gouverneur ou Lieutenant Géné- .__ ral, les Commandants des forts , les u Lh^ Officiers civils de la Ville, les Oifî- up' ciers & les Soldats des garnifon , les An« l7*f» Alcaldes & le Clerc de ville. Les habitants de Porto-Bello ref-férnblent beaucoup à ceux de Carthagene par les mœurs & par les ufages ; mais ils n'ont pas la même bienfaifance ni la même générofité : on les accufe d'avarice, vice naturel à tous les habitants de ce pays. Les provifîons font rares à Porto- Rareté de* Bello, & par conféquent très-cheres,vivre,# particulièrement durant le temps des gallions & de la foire , où l'on efl obligé d'en tirer de Carthagene, d'où l'on apporte du maïz, du riz, de la Caiïave, des cochons, de la volaille, & des racines ; mais on tire le gros bétail de Panama. A Porto-Bello on ne trouve en abondance que du poifc fon de diverfes efpecesqui y efl très-bon. Il y a aufli beaucoup de cannes de fucre, & leschacaras, ou maifons de fermes, fi on peut leur don- . ner ce nom en font toutes bâties. Ils ont auflï des fucreries, où l'on fait du fucre , des molaffes & du rum. Des torrents d'eau fraîche , qui '402 Découvertes 1 - tombent des montagnes , les uns chap.°iii! Pauf~en,: nors ae ta Ville.& les autres la traverlent. Ces eaux font fort légères, An. 173s. digeftives , & donnent de l'appétit, à ceux qui en font ufage , qualités qu'on regarderoit comme excellentes en tout autre pays , & qui font ici pernic eufes. Il femble que Porto-Belio , foit tellement dif^racié de fa nature , que ce qui eft bon en foi-même y devient mauvais : Cette eau eft trop légère & trop active pour les eftomacs des habitants ; elle leur occallonne des diffenreries, plus dan-gereufes que toutes les autres maladies , & il eft rare que ceux qui en font attaqués y furvivent. Les ruif-feaux qui defcendent des montagnes forment de petits réfervoirs ou bat-lins , dont la fraîcheur eft augmentée par l'ombre des arbres : les habitants de la Ville s'y baignent tous les jours à onze heures du matin , Se les Européens fuivent un exemple (i agréable, & fi bon pour la faute, comment Comme les bois bordent prefque les Nègres & jes maifons de Porto Bello . il en les Mulâtre* _ r . ! tuent les ti-lort louvent des tigres, qui, dans la S£es< nuit parcourent les rues de la Ville, & emportent les volailles, les chien^ bis Européens. 403 .& les autres animaux domeftiques : -des enfants même font devenus quel- char°iiï. quefois leur proye. Quand ces bêtes cruelles ont goûté de cette efpece de LAn' ,7Î5, nourriture, elles ne veulent plus de celles des forêts , & même elles dédaignent la chair des -animaux quand elles ont mangé de celle des Hommes. Outre les pièges ordinaires qu'on tend pour les prendre, les Nègres & les Mulâtres , qui vont abattre du bois dans les montagnes , font fort induftrieux à combattre les tigres, & même pour la plus légère récompenfe , ils vont les attaquer dans leurs retraites. Dans ce genre de combat, qui paroît h dangereux, ils n'ont pour armes qu'une lance de fept à huit pieds de long d'un bois très-fort , dont la pointe eft endurcie au feu, & une efpece de cimeterre d'environ deux pieds & demi. Ainlï armés , ils attendent tranquillement que le tigre fe jette fur leur bras gauche , dont ils tiennent la lance, & qui eft couvert d'une pièce d'étoffe groflîere. Quelquefois l'animal femble connoître le danger, & veut éviter le combat ; mais fon ennemi l'excite, en le touchant 16-, 404 Découvertes nr^romgn* de fa lance pour le pon-u l 1. o a , voir frapper d'un coup plus sûr pen-up'm" dant qu'il fe défend , d'autant que le An. 1735- tigre (entant la lance, la prend d'une de fes griffes, & failît de l'autre le bras qui la tient. Alors l'affaillant le frappe hardiment du cimeterre qu'il tient de l'autre main , & lui coupe la patte : l'animal fe retire en fureur, mais il revient aulîi-tôt à la charge: on le frappe d'un fécond coup , qui le prive de fes armes pernicieufes , Se le met hors d'état de fe mouvoir. Alors le Nègre ou le Mulâtre le tue à fon aife , l'écorche , lui coupe la tête & les pieds, & revient à la ville chargé des dépouilles de l'ennemi , comme d'un trophée de fa victoire. Animal Entre le grand nombre d'animaux doramc Pcri-qu'on trouve dans ce pays, on diftin-to Ligero. gUe particuiierement le Périco-Lige-ro , ou le léger Pierre, nom qu'on lui donne par ironie,à caufe de fa lenteur & de fa parefle. Il relTemble à un linge de moyenne grolfèur , mais la figure en eft très-vilaine:il a la peau de couleur grife, tirant fur le brun , toute ridée, Se fans poil fur les cuiiïes ni fur les jambes. Il eft fi pefant qu'on n'a pas befoin de chaîne ni de cage pour des Européens. 40/ l'arrêter, d'autant qu'il ne remue ja-• mais que 1 rfqu'il eft prefle par la chaL°i'n! faim , &c qu'il ne marque aucune crainte , ni des hommes, ni des bê- An> tes iéroces. Quand il fe remue, chaque effort eft accompagné d'un cri M plaintifs li défagréable , qu'il excite en même-temps la pitié & le dégoût : il poulie ces cris au plus léger mouvement qu'il eft obligé de faire , de la tête, des jambes ou des pieds f ce qui eu1 occafionné vraifemblable-ment par une contraction générale des mufcles & des nerfs de fon corps, qui lui caufe une douleur excefïive quand il fait quelqu'effort pour fe mouvoir. Ce cri aftreux eft toute fa défenfe, parce que la nature lui enfei-gnant à vouloir prendre la fuite à l'approche de quelque ennemi , il poulie des heurlements (i terribles à chaque mouvement, que l'animal qui le pour- • fuit ne peut ks fupporter, & prend la fuite lui-même pour éviter un bruit aufli effrayant. Ces cris ne durent pas feulement tout le temps qu'il eft en mouvement, il les répète en s'arrê-tant, & il demeura long-temps fans fe mouvoir avant qu'il celle de crier, ïl fait fa nourriture ordinaire de fruits fauvages '? & quand il ne peut et) 406* DÉCOUtERTES , i trouver fur la terre, il cherche u» Ut l o a, arbre qui en foit bien chargé, & y r monte avec une peine exceliive. An. ijjj. Pour s'épargner l'embarras d'y monter une autrefois, il cueille tout le fruit de l'arbre , le jette à terre , fe roule comme une boule, & fe laide enfuite tomber de l'extrémité d'une des branches. Il demeure au pied de cet arbre, jufqu'à ce que tout le fruit foit confommé , & ne le quitte que quand la faim l'oblige de chercher „ ,. , ailleurs fa nourriture. Multitude r r r i «e crapauds Les (erpents lont en grand nom-k Poito-Bel-bre à Porto Bello, & très dangereux. Les crapaux y fourmillent , non feulement dans les endroits humides & marécageux , comme dans les autres pays , mais aufli dans les rues , dans les cours, & dans tous les endroit ouverts. Le nombre furpre-nant de ces reptiles , qui paroiflent particulièrement après la pluie , a fait croire à quelques perfonnes , que chaque goûte d'eau le changeoit en un crapaud. Ils prétendent le prouver par la quantité prodigieufe de ceux qu'on y voit, quand il a tombé la moindre pluie ; mais cette opinion n'a aucun fondement. Il eft évident que ces reptiles abondent dans des Européens 407 les forets, dans le voifinage des ri- „ vieres, & même dans les villes, où ils U,LL°*» _ , r . , r ■ r Cliap. III. proûuilent une quantité prelque infinie d'animaculesdontils font formés, An.i73«« fuivant les meilleurs Naturalises.Ces animacules s elevent.dans les vapeurs qui forment les pluies, & retombent avec elles fur la terre , qui efl: excef-lïveHi-ent échauffée par les rayons du foleil ; peut être aufli qu'ils y font déjà dépofés par les crapauds , &t deviennent animés en aufli grand nombre qu'on en a vu quelquefois en Europe ; mais commeapr. s les pluies on en rencontre qui ont julqu'à fix pouces de longueur, il n'efl; pas pof-fïble./d'imaginer qu'ils foient l'effet d'une production momentanée. Il paroît donc vraifemblable que cette partie du pays étant extrêmement humide , eft très-propre à nourrir cette efpece'de femence , qui fe plaît dans les lieux aquatiques. Ils évitent les endroits du terrein qui font ex-pofés aux rayons du foleil, cherchent ceux où la terre eft la plus molle, & & la creufent pour trouver l'humidité , enforte que la furface étant or» dinairement feche, on ne peut y remarquer les crapauds : mais aufli-tqj; 4©8 Découvertes r,. i ■ qu'il commence à pleuvoir, ils abattis vi o a , donnent leurs retraites pour venir où chap. m. .js fentent ]/eail ^ qu'ils cherchent An- '735- avec le plus grand emprelTement, ce qui fait que toutes les rues & les pla-r ces en font alors couvertes , d'où eft venu l'opinion vulgaire que chaque goûte d'eau fe transforme en un crapaud. Quand il a plu dans la ntfit, Jes rues & les places femblent pavées le matin de ces reptiles; enlorte qu'on ne peut faire un pas fans les fouler aux pieds, d'où il en arrive fouvent des morfures fort défagréables, parce qu'outre leur venin, ils font affez gros pour qu'on en fente vivement les dents. Le nombre prodigieux de ces fales animaux, occafionne la nuit un bruit plusinfupportable qu'on ne le peut imaginer, parleurs croaffe-ments, dans toutes les parties de la ville, dans les bois , & dans les cavernes des montagnes. Magnifier- La ville de Porto-Bello , fî peu c,°^e lafVriC habitée à caufe du mauvais air, de lo. la rareté des provihons , & de la lte- rilité du terroir, devient au temps des galbons une des places lesplus peuplées de toute l'Amérique méridionale, La fîtuation avantageufe furl'Ifth- me a des Européens. 409 me, entre la mer du fud & la mer ■ du nord, la bonté du port, & le peu ?Jg de diftance de cette ville à Panama, lui ont fait donner la préférence Aa,17W' pour en faire l'entrepôt du commerce conjoint de l'Efpagne & du Pérou dans le temps de cette foire. Quand on a reçu avis à Carthagene que la flotte du Pérou eft déchargée à Panama , les gallions partent pour Porto-Bello , afin d'éviter les •maladies qui font la fuite de l'oifi-•veté. Le concours y eft fi confidé-rable, que le loyer des logements y -monte à un prix exceflîf; une chambre & un cabinet fe louent mille ïécus pour le temps de la foire, & les maifons quand elles font fpacieufes„ vont jufqu'à quatre , cinq & fix mille •écus de loyer. Auffi-tôt que les vaiffeaux font à l'ancre dans le port, on élevé une tente quarrée couverte de voiles pour recevoir Jes cargaifons ; & les propriétaires des marchandifes font préfents au déchargement , pour re-connoître chacun ce qui lui appartient. On les tranfporte enfuite fur des traîneaux, conduits parles équipages des vailfeaux refpectifs. Tome X, S / jlio Découvertes u. i . ... Pendant que les Mariniers & les CiV il ' Négociants Européens font ainfi oc-' cupés , les chemins tont couverts des An. 473î• Mulets dePanama , chargés de caifies d'or & d'argent, pour le compte des Marchands du Pérou. Les uns font déchargés à la bôurfe , d'autres au milieu de la place ; & malgré l'embarras & la ccnfufion, il n'y arrive jamais ni vol , ni perte, ni erreur. Quiconque auroit vu dans les autres temps Porto - Bello folitaire , avec un Inde filence répandu de toutes parts , le port vuide , & tout ne prélentant dans la ville & aux envierons qu'un afpect mélancolique , feroit rempli d'étonnement du changement fubit qui y arrive , en voyant alors une multitude bruyante, toutes les mniions remplies d'une foule de monde, les places & les rues embar-raifées de ballots & de caifies d'or & d'argent, & le port plein de vaiffeaux &c de toutes fortes de bâtiments. Enfin.il verroit un pays de'tef-té dans les autres temps pour fes qualités clcîlruâives , devenu l'entrepôt" desrichefiei de l'ancieri ôc du nouveau monde, & le théâtre le plus brillant de l'une des branches les plus confia durables, du commerce de l'univers, 'n e s Européens1. 41 Peu de temps après que les Ma- ■■■■ < thématiciens François 5c Efpagnols 'cLViiiî furent arrives à Porto-Bello ils en firent donner avis au Préfident de An-»73*. Panama, & lui firent demander qu'il *L**M™"*' envoyat quelques-uns des bâtiments quent fur i» dont on fe fert fur la rivière Chagre, s^ete Chi" pour les conduire à Panama , parce que* la difficulté du tranfport de leurs inftruments les empechoit de prendre la route étroite & raboteuie qui y conduit de Porto-Bello. Le Préfident leur envoya aufii-tôt deux barques, fur lefquelles ils s'embarquèrent le 22 de Décembre , fortirent du port à la rame; le vent d'eft s'é-tant élevé, ils mirent à la voile vers • neuf heures du matin , & à quatre heures après midi ils defeendirent à la Douane, qui eft bâtie à l'embou-churent de la rivière Chagre. Le 24, ils voulurent faire ufage ' ^'^nUê des rames pour remonter cette 11- faontex. viere ; mais tous leurs efforts furent inutiles contre la violence du courant , 6V ils furent obligés de s'en tenir à monter avec des perches. L'a-près midi ils mefurerent la vîtefle de l'eau,&: trouvèrent qu'elle parcouroit Un peu plus de dix toifes en quarante Sij 2 Découvertes pu ! lecondes & demie. Ils continuèrent' u l l o k , |eur cours de cette manière ennuyeu-le julqu au 27 a onze heures du ma-An. 173 <. tin , qu'ils arrivèrent à Cruces , qui eft le port de débarquement, environ à cinq lieues de Panama. A me-fure qu'ils avançoient dans la rivière , ils trouvoient que le courant étoit plus rapide : le 25* les dix toifes furent parcourues en vingt-fîx fécondes & demie: le 26, à l'endroit où. ils jetterent l'ancre pour paîTer la nuit, elles le furent en quatorze fécondes & demie : & le 27 , à la ville de Cruces , il fe paifa feize fécondes.; ainlî la plus grande vîteffe eft d'environ une lieue par heure. La rivière Chagre prend fa fource dans les montagnes , près de la ville de Cruces, L'embouchure eft défendue parun fort conftruit fur un rocher efcarpé , près le rivage de la mer du *iord , à l'eft de cette rivière. A dix toifes environ de ce fort eft la ville ou le bourg de San-Lorenzo de Chagre , dont les maifons en général font conftruites de rofeaux, & habitées par des Nègres , des Mulâtres, & des Métifs. Sur le bord oppofé eft laDouanne, des Européens. 413 où l'on enregistre toutes les marchât»- 1 " n r difes qui entrent dans la rivière. La «L«°tm 1 1 • • ni» Cb.ap.III. largeur de cette rivière elt d environ cent vingt toifes , mais elle s'étrécit Aft'J7î5*' peu-à-peu à mefure qu'on approche de la fource ; enforte qu a Cruces, oùv elle commence à être navigable, elle n'a que vingt toifes de large. La plus* courte diftance entre la ville & l'embouchure de la rivière eft de vingt un milles ; mais fi on la mefure en fuivant les détours du courant, elle eft de quarante-trois milles. La rivière Chagre eft infeftée Grand _nom- d'An- « 1» • r brcdAlhga*. Alligators , & 1 on en voit louvent t0IS, qui dorment fur les bords. II n'eft pas pollible de la côtoyer, tant parce que les arbres font très-ferrés, que" par rapport au grand nombre de buiffon9 qui en forment une efpece de forêt d'épines. Quelques-uns de ces arbres, particulièrement les cèdres, fervent à faire les canots , ou les bongos qu'on employé fur cette rivière. U arrive fouvent que ces-arbres font minés par l'eau, & entraînés dans les débordements : mais la grofieur prodigieufe du tronc & le-" tendue des branches , empêchent-qu'ilsne foient emportés par le cou-»- S iij 414 Découvertes ft»- raiit ; eniorte qu'ils demeurent près ollo a. fe l'endroit où ils font tombés , ce Cnap.Jll. . qui gène beaucoup la navigation , 5c 4ni7is- ]a rend même dangereufe, parce que la plus grande partie de ces arbres étant cachés fous beau , il arrive fouvent que le bâtiment qui y touche eft renverfé. ■Dest-arque» Les barques dont on fe fert fur nommées cette rivière, font de deux fortes , BoBgos.& ^es hâtas &■ les Bongos. Les premières , femblables aux bâtiments Européens , font compofées de différentes pièces de bois; mais on les fait très-larges, pour qu'elles tirent peu. la Siv 415 Découverte* variété des formes, & des couleurs* chap^iii. de *eurs feuilles ; la figure de leurs-fruits , également variés par les cou- 4*.»-7.*i« leurs, forment un théâtre magnifique , encore embelli par la multitude d'animaux de toute efpece, dont il eft couvert. Les différentes fortes de linges, qui fautent par troupes,, d'arbre en arbre, qui fe pendent aux branches-, & qui fe joignent fix ou, huit enfemble, pour traverfer une rivière: les mères , avec leurs petits, fur le dos, faifant mille poftures fan--tafques & des grimaces ridicules,, peuvent paroître des fictions à ceux, qui n'en ont jamais eu le fpedlacle;, & ii nous y ajoutons celui des oifeaux, notre admiration aura encore plus de fujet de s'étendre, puifqu'ily en a une quantité prodigieufe , dont. plufieurs efpecesparoifient être particuliers aux bords de cette rivière, & dont les plumages éclatent de toutes les couleurs de l'arc-en-ciel. Les arbres font en général chargés de fruits ; mais les pommes de pin, pour la beauté, la groffeur , l'odeur & le parfum, l'emportent fur tout ce qu'on 1rs Aftrono- peut voir dans les autres pays. *»es privent Quand les Mathématiciens, furent des Européens* 417 de récompenfe à celui qui le livre- t * • roit , more ou vif. Les Portugais D **fQK"m ayant alors la plus grande influence dcceyian^ dans le pays , & n'étant plus trou- ciiaf' VI* blés par les difputes , fe livrèrent totalement à l'orgueil, à l'avarice èc à l'infolènce , ce qui les rendit in-fupportabies aux Naturels de fille. Ils reluferent de confentirau mariage de Janeira Vandaar, avec l'Impératrice Donna Catharina , quoiqu'ils l'euflent promis folemnellement, & le premier entra en composition avec Dom Juan , qui parcouroit le pays à la téte d'un petit parti. Ces deux Princes convinrent de chaffer leurs opprefleurs, & de partager entre eux la domination de toute l'ifle; mais le Général Portugais intercepta quelques lettres qu'ils s'écrivoient réciproquement , & fit aflafliner Janeira Vandaar en fa préfence , avec un grand nombre de fes partifans, après l'avoir défarmé, en lui demandant fon épée , fous prétexte d'en admirer la garde, qui étoit très-bien tra-vailée & ornée de joyaux de prix. Les Portugais firent de vains ef-_v lorts pour jultifier cette trahi Ion gement d'u-aux yeux de l'Impératrice ; quoique I1C 'eunc S v 4*8 BécouvIrtes _ cette Princefle n'eût que douze afisï rioN "lo^elprit & fon jugement étoient deCeylan, beaucoup au-delfus de fon âge , & elle fijmp-vi, en fit paroître la juflefle , en obfer-vant que quoique Janeira fût un traître , il ne devoit pas être ainfi maffa-cré lâchement fans avoir été jugé fuivant les loix. «< Soyez aiïiirez, leur >j dit-elle, que telle couleur que vous 33 vouliez donner à cette action, elle 33 caufera certainement votre ruine : 53 tous ceux qui apprendront que » vous avez ainfi fait périr votre 3> meilleur ami, vous maudiront, & « craindront que la dernière victime 33 de votre implacable veng«ance , 33 ne foit celle que vous appeliez au-33 jourd'hui Impératrice : mais trem-33 blez pour les fuites d'un crime que •3 la Jultice divine ne laifTera pas im* 3> puni 3j. Les paroles de cette Princefle parurent avoir la force d'un oracle, qui fut pleinement rempli, quand les Hollandois attaquèrent les Portugais, & les chaffèrent de Bote-calo, Columbo, Gaie, Negumbo, & enfin de Jafnapatnam. tti ci»f;«ie- • Cette conduite perfide ruina en-M»twç*nt tierement les affaires des Portugais : l*ïMuga*. Qngaiefes conçurent contre eux ine haine irréconciliable ; cherche- ■ rentDom Juan, qui fe préfenta bien-DES c\îT* toc, & tormerent en peu de temps dcccyian,' une nombreufe armée fous fes ordres. c*w-Ils étoient tous déterminés à chafler ceux qu'ils regardoient comme leur» tyrans ; mais les Portugais , intimidés par leur nombre &: parleurs préparatifs , fe retirèrent de la ville d© Candi dans le fort de Ganoor, & eiv voyerent à Columbo , demander du fecours. Les Cingalefes , qui les fui- » voient de près, leur firent environ cinquante prifonniers, auxquels ils coupèrent le nez & les oreilles, après quoi ils les renvoyèrent. La réfolution des Cingalefes e£~ Tomixsm fraya tellement les Portugais, qu'ilsremoate f \ / • v r • x le Tr6«t, le déterminèrent a le retirer en un corps à Walare , & à mettre le feu dans tout le pays qu'ils abandon-noient. Dom Juan les pourfuivit malgré tous ces obftacles, les atteignit , les attaqua quatre fois, & rem- forta enfin une victoire complefte. I détruifit leurs meilleurs foldats, s'empara d'un très-riche butin, outre le canon , les munitions & les armes ; fe rendit maître de l'Impératrice Ponna Catharina, & fit aullî pri- S vj ^20 îfi COUVERTES " fonnier, le Général Lope», qui mot*- ■ *,c*Ip" rut trois jours après, de Tes bleflures. dcceyian, Il .laiifa fon fils à la garde de Dom chap.vi. Juan , qui le renvoya en sûreté à Columbo , ainli qu'il l'avoit promis, n d/fruit la Dom Juan emporta d'aflaut toutes Poauga?s.des les Places ou 11 y av°ic garnifon Portugal fe , pafla leurs troupes au fil de . l'épée, tout le pays fe fournit à lui, & plufieurs petits Princes qui avoient fait alliance avec fon ennemi, allèrent le trouver, avec des préfents confidérables, pour lui faire leur fou-milfion. La première démarche qu'il fit enfuite , fut d'époufer Donna Ca-tharina , c e qui a ttacha à fes intérêts lë feul compétiteur qu'il pouvoir avoir au trône; après quoi il fe fit bâtir un palais ou plutôt une citadelle, avec de bonnes fortifications, & obligea les prifonniers Portugais de travailler à cet ouvrage. Dom Juan fut alors paibble poffelfeur de la Couronne, particulièrement quand il eut défait une forte armée , envoyée contre lui, de Goa , fous les ordres de Jeronimo d'Oviedo, qui n'échappa que difficillement à la captivité , ce qui affermit de plus en plus le pouvoir de Dom Juan, des Européens* & l'hiftoire qu'il a donnée de fes 1 aventures ; mais il eft plus vraifem- Uchap°iV blabie qu'il y fut mis à delfein. Il eft .vrai qu'il fut obligé de dire que c'é- An,17M» toit l'effet du hafard, pour pallier la violation du traité. Ce malheur ayant mis dans la né- on en chan-ceffité de rebâtir la ville, on la tranf- |eJ(a fuaa~ porta où elle eft actuellement, environ à une lieue & demie de la première, & dans une fituation beaucoup plus commode.Elle a desmurailles de pierre de taille, & eft défen--due par une forte garnifon de troupes régulières, dont on envoyé des détachements pour la garde de Da-rien , de Porto-Bello , & de Chagre,-Près de la ville au nord-oueft eft une montagne , nommée Ancon , dont les Mathématiciens trouvèrent que la hauteur perpendiculaire étoit de cent une toifes. Dans le temps où ils virent cette ville , les maifons , en générale B étoient de bois, n'avoient qu'un éta--ge, étoient couverte-s-detuiles très-grandes , & formoient un affez bel' afpecT: par leur difpofition agréable ,. & par la fymétrie des fenêtres ; mais ■ il n'y en avoit que.très-peu en pierre,. "4.2^ DECOUVERTES ■ Hors des murs eft un fauxbourg ou- chap°iv! vert,plusgrandquelaville;lesmaifons font bâties comme dans l'intérieur 4n,i75ï. de la place , excepté celles qui joignent la campagne , & qui font couvertes de chaume : il y a aufli quelque bujios ou huttes. Les rues de la ville &: du fauxbourg font droites, larges , & la plus grande partie pavées. incendie i Quoique le plus grand nombre panama- ^es maifons fulient anciennement de bois , les incendies étoient très-rares à Panama, parce que la nature de ce bois eft telle, que s'il tombe du feu fur le plancher, ou s'il s'en attache au mur, il n'en arrive d'autre accident que celui de faire un trou , fans allumer de flamme, & il s'éteint de lui-même en fe couvrant de cendres* Malgré cette excellente propriété , la ville fut prefque entièrement con-fumée en 1737 : la bonté du bois ne put la garantir des ravages que les flammes y firent ; d'autant que par le concours d'une autre caufe , le bois étoit devenu plus combuftible. Le feu commença dans un magalin, où , entr'autres marchandifes , il y avoit quantité de poix , de bray , de des Européens. 427 Rapine & d'eau-de-vie, enforte que le l'eu étoit, pour ainli dire impie- u 110 ■)< gne de ces fubitances , gagna les murs , et malgré la qualité fin_;uliere An-,7J^J du bois , il devint bien-tôt la proye de ces flammes dévorantes. Dans cet incendie, le fauxbourg dut façon-, fervation à fa diftance de la ville , qui eft d'environ douze cents toifes. Deo uis ce malheur, toute la ville a été rebâtie , & la plus grande partie des maifons font actuellement en pierres , toutes fortes de matériaux propres aux bâtiments de cette nature étant en abondance dans le pays. Il y a dans cette ville un Tribunal Gouverne- A J- T» 1 v '/*Ji ment Civiles ou Audience Royale, ou preiide le Ecdefufti-Gouverneur de Panama. A cette outre le Collège des Jéfuites, un Monaftere de Filles de l'Ordre de' Sainte Claire, & un Hôpital de Saint Jean de Dieu. La médiocrité de leurs revenus ne permet pas qu'ils foient en grand nombre ; aufli lès ornements des Eglies n'ont rien de remarquable pour la richeffe, mais ilsr font propres & décents» rtcs bâti- Les maifons des particuliers font' iBcnts & dudécorées avec affez d'élégance, mais fans avoir rien de fomptueux. Il n'y a pas dans- cette ville de fortunes-immenfqs', comme en quelques autres d'Amérique ; cependant on y trouve des habitants riches, & tous ont le néceffaire^enforte que fi l'on ne peut la mettre au rang des villes* opu- - dp. s Européens. 42$ lentes, au moins eft-elle au-deflus de ..n la pauvreté. " hap.'iv! Le port de cette ville eft formé dans la rade , fous l'abri de plufieurs An* I7,<ï• Ifles , particulièrement de celles de Naos , Perico, & Flamencos : l'ancrage eft devant la féconde , ce qui lui en a fait donner le nom. Les vaifleaux y font en,sûreté, & à deux lieues Se demie ou trois lieues delà Ville. Les marées font régulières , & DesMarc*» fuivant les obfervations que firent les Mathématiciens , le jour de la conjonction , la plus haute mer étoit à trois heures après midi. L'eau monte & defeend confidérablement, & comme le rivage eft en pente douce , ildemeure à fec dans la baffe mer , à une diftance confidérable. . On peut remarquer ici la différence des marées, entre la mer du fud Se la mer du nord, qui font abfolu-ment contraires ; dans la mer du nord on les trouve irrégulieres , au lieu •qu'elles font régulières dans celle du fud. Quand l'une cefle de s'élever ou de décroître, c'eft alors que l'autre commence, en s'étendant fur les ba$ 430 Découvertes * m .... . tonds , & élargiflant les canaux, fui-»i l o a , Vant l'effet naturel du flux & du re-ap"IV' flux. On obferve la même particu-An. i73î- larité dans tous les ports de la mer du fud ; à Manta, qui eft prefque fous l'équateur, le flux & le reflux durent près de fix heures , & ces deux mouvements font très-fenfibles fur toutes les côtes. On remarque les mêmes effets dans la rivière de Guiaquil, où malgré la quantité d'eau qu'elle con-l tient, la régularité des marées n'eft point interrompue. On voit le même phcenomene à Payta , à Guan-çhaco , à Callao , & dans les autres ports , avec cette différence , que l'eau monte & defcend plus en quelques endroits qu'en d'autres. Les Ma* thématiciens ne purent vérifier fi c'eft avec quelque fondement que les Marins difent qu'entre les tropiques les marées font irrégulieres, qu'elles n'ont pas la même proportion d'eau au flux & au reflux, & que la quantité de celle qui s'élève & qui s'abaifïe eft également différente. Il paroît ici le contraire, & il eft très-difficile d'en donner l'explication ; tout ce qu'on peut conjecturer, c'eft que cet ifthme , ou lan- Des Européens» 43i grue de terre , qui fépare les deux « mers , en retient les eaux, ce qui les ciia« iy, afiujettit à diverfes loix. La variation de l'aiguille aiman- An*I735"* tée dans la rade eft de 7 degrés 35? del^X minutes eft. La rade & toute la côte k. voifine eft remplie d'excellents poiffons , & de deux elpeces d'huîtres , dont celle qui eft la plus petite eft regardée comme la meilleure. On trouve beaucoup de parles au fond de la mer , & les huîtres qui les contiennent font délicieufes. Cette efpece de pèche eft très-avantageu-fe aux habitants de toutes les liles qui font dans cette baie. Le port de Périco , eft le rendez-vous de la flotre du Pérou , pendant le temps de la foire", & il y atojours des barques chargées de provilions qui viennent des différents ports de ce riche pays,outre un grand nombre de bâriments côtiers , qui vont de ces ports à Choco , & qui (e partagent fur la côte occidentale de ce iloyau-me. Les vents font les mêmes fur toute la côte : les courants font plus forts près des Ifles qu'à une diftance plus co.Miccrable ; mais on ne peut ëtà$ 432 Découverte s blirde règles générales fur leurdirec-u l l o a , rion , parce qu'elle dépend du lieu Chap. IV. v r r ? rr ou le trouve le vaifleau par rapport An. i7H- aux canaux que ces Ifles forment. Ils varient aufli dans le même endroit félon les vents. Il nous fuffit de remarquer qu'il a des marées fur cette côte, ce qui ne nous fera peut-être pas inutile pour la fuite, ©e* Habi- kes habitants de Panama reiTem-anus de ra-blent beaucoup à ceux de Cartha-Mma. gene ^ majs jjs font pjus ménagers & plus actifs. Les femmes s'habillent comme celles du Pérou, c'eft-à-dire,, que quand elles forcent , elles portent une robe ou mante , & une jupe à peu près comme les Efpagnoles.: mais dans leurs maifons , en vifites, & dans quelques cérémonies particulières, elles n'ont jufqu'à la ceinture d'autre habillement que leur chemife. Leurs manches lont très-longues & fort larges , prefque toutes ouvertes aux poignets, & garnies tant aux bras qu'aux cols de très-belles dentelles, en quoi les Dames de Panama font particulièrement cu-rieufes. Elles ont des ceintures , & cinq ou fix chapelets ; ou fils de belles perles autour du col, avec quelques .chaînes des Européens. 433 chaînes d'or, auxquelles elles peu- 1 ■iwi dent des Reliques. Elles portent aux chap^v* bras des bracelets d'or., & des fils de-parlés , de corail & de tombac. An Les provifîons de toute efpece font très chères dans cette ville & dans fon diftricl:, tant à caufe de la grande quantité qui eft 'néceffaire,que par rapport à la diftance des endroits d'où elles viennent ; mais on eft amplement dédommagé de cet inconvénient par la multitude & la qualité des perles qu'on trouve dans le Golfe. On en pêche particulièrement près des Ifles du Roi & de Taboga, 3c aux environs de 4.3 autres , qui forment un petit archipéîague. Le premier auquel les Indiens nrentpart de cette riche denrée, fut Vafco Nunez de Balboa, qui , en paflant parce pays pour aller plus loin faire des découvertes dans la mer du fud, en reçut quelques-unes qui lui furent données par un Prince Indien , nommé Tumaco. A préfent elles y font en fi grande quantité , qu'il n'y a, prefque perfonne un peu aifée à Panama, qui n'occupe tous fes Ef-ciaves , ou au moins une partie , à cette pèche , fur laquelle nous ajou- Tome X, X • '434 Découvertes . terons quelques particularités , à ulloa, ce q-ue nous avons déjà dit fur le chap,IV* même fujet dans les découvertes An. 1735. précédentes. pêt-he des Les Maîtres des Nègres employent Pcrics à pa- à la pêche ceux qu'ils trouvent y être les plus propres ; & comme elle fe fait au fonds de la mer , il faut qu'ils foient excellents nageurs, & en état de retenir long-temps leur refpira-tion. Ils les envoyent dans les Ifles , où ils ont des huttes pour fe loger, & des chaloupes capables de contenir huit, dix , & même vingt Nègres , fous les ordres d'un Officier. Ils fe rendent dans ces chaloupes aux endroits où l'on fait que les perles fe trouvent, & où la profondeur de l'eau n'eft que de dix/douze, ou quin* zebraUes ; ils s'y mettent à l'ancre : les Nègres s'attachent autour du corps une corde, dont l'autre bout tient à la chaloupe , prennent un pe^ tit poids , pour accélérer leur viteffe en plongeant, & fe mettent enfuite dans l'eau. En arrivant au fonds , ils prennent une huître , qu'ils mettent fous leur bras gauche , en tiennent une féconde dans leur main gauche, & une troifieme dans la droite. Avec DES EUROPÉENS, "fâf ces trois huîtres , & quelquefois une u—»"i quatrième dans leur bouche , ils H.11^' viennent a la lurtace de 1 eau pour refpirer, & les mettent dans un fac. An* 173>» Quand ils font reftés quelque temps à reprendre haleine , ils plongent une féconde fois , & font toujours de même , jufqu'à ce qu'ils ayent rempli leur tâche , ou qu'ils fentent que les forces leur manquent. Chacun de ces Nègres eft obligé de donner par jour à fon Maître un nombre réglé de perles ; enforte que quand ils ont ram«jîé dans leur fac, la quantité d'huîtres fuffifante, ils commencent à les ouvrir ; Se remettent les perles à l'Officier, jufqu'à ce qu'il s'en trouve ce qu'ils doivent donner ; Se pourvu qu'elles foient formées, leur devoir eft rempli, quoiqu'elles fe trouvent petites ou défectueufes. Celles qu'ils ramaflentenfuite, quand, elles feroient groffes Se très-belles ,' appartiennent au Nègre , Se le Maître n'y a aucune part. Ces Efclavcs ont la faculté de les vendre à qui il. leur plaît ; mais ordinairement c'eft' le Maître qui les leur acheté à un prix médiocre. Ces Nègres ne peuvent aftez fou^ Tij af36" Dec ouvertes » vent remplir le nombre prefcrit ; r çhaL°iV Parce °tu^fe trouve des huîtres qui p' ' n'ont point de perles, d'autres qui ne An, 1735- font pas allez formées , d'autres dont l'huître eft morte , ce qui les endommage an point de n'être de nulle valeur ; & comme ces perles ne peuvent être reçues , il faut qu'ils en ayent d'autres pour completter le nombre. roifonstrcs- Outre la fatigue de la pêche, qui dangereux, eft d'autant plus grande, que les huîtres tiennent plus fortement aux rochers , les Nègres courent aufli de grands dangers à caufe de diverfes efpeces de poiffons , qui les faififlent, ou' qui par leur poids les écrafent contre le fonds de la mer. Il femble que ces animaux connoiffent que les pêcheurs leur enlèvent la plus riche production de leur élément, & qu'ils veulent la défendre contre ces ravit-feurs. Sur toute la côte ces animaux rendent la pêche très-dangereufe ; mais ils font en plus grand nombre, où les perles abondent le plus. Les ïabuzones ou Teinturières, qui font dVne grofleur énorme, engloutiffent fouvent les corps entiers de ces malheureux Nègres, £t les Mat:tas ou. des Européens*. 3,3 7 Matelats les étouffent en les entou- ———« rant de leurs nageoires, où les écra- "^"iv* fent de la péfanteur énorme de leurs corps. Ce nom a été donné à ****173 *' cette efpece de poiffon, tant par rapport à fa figure, que pour fa qualité deftruétive. Il eft de la largeur & de la longueur d'un matelats , & envèlope de fes nageoires un homme ou un animal quand il fe trouve à fa portée, de façon qu'il le preffe jufqu'à ce qu'il ait rendu l'ame. Ce poifïon reffemble affez à la raye pour la figure, mais il eft infiniment plus gros. Pour fe défendre des attaques de ces animaux , chaque Nègre porte un couteau fort afilé , avec lequel il fait fes efforts, s'il voit que le poiffon le veuille attaquer , pour le frapper en quelque endroit d'où l'animal ne puiffe lui nuire ; & quand le monftre le fent bleflé , il prend aulli-tôt la fuite. Les Officiers font fort attentifs fur ces bêtes voraces, & . quand ils en apperçoivent quelqu'un , ils tirent la corde attachée au corps du Nègre, pour qu'il fe tienne fur fes gardes. Quelquefois même, quand ils voyentle plongeur en dan- 43 8 Découvertes ■ ger , ils fe jettent à feau avec de Shai °iv' Semblables armes , & vont à fa dé-ap ' fenfe : mais il n'arrive que trop fou-Aa. 17U. vent que toute leur adrefle & leur attention ne peuvent empêcher le Nègre d'être dévoré , ou de perdre, un bras ou une jambe par les morfures de ces animaux. On a formé divers projets pour les garantir de ces funeftes accidents , mais jufqu'à préfent, ils ont tous été infructueux. Les perles de ces pêcheries font en général d'une très-belle eau , & il s'en trouve de remarquables par la grofleur & par la forme : mais de même qu'il y a de grandes différences dans ces deux dernières qualités, il s'en trouve aufli de très conlidéra-bles dans l'eau & dans la couleur; en forte que quelques-unes font d'un grand prix , & d'autres très - défec-tueufes. On en envoyé en Europe, mais en petit nombre ; la plupart font portées à Lima, où elles font très-eftimées , tant parce que les gens de tout rang en font leur ornement , que parce qu'on les fait pafler de cette ville dans les parties plus intérieures du Pérou. Des Mines» Qutxe les perles, le Royaume de des Européens. 430 Terre-ferme étoit autrefois en gran- i ■ de réputation pour la finelTe de l'or chap°iV Cjue produifoient les mines, ce qui en augmentoit confidérablement la à xichefle. Une partie de ces minés étoient dans la Province de Veragua, d'autres dans celle de Panama ; mais les plus abondantes , les plus riches, & celles qui produifoient l'or le plus fin , étoient dans la Province de Da-rien, c'étoit aulîi où elles étoient exploitées avec le plus de foin ; mais depuis que les Indiens fe font révoltés , & rendus maîtres de toute la Province , on a été forcé d'abandonner ces mines, ce qui en a fait perdre la plus grande partie , & l'on n'en a confervé que quelques-unes fur les frontières , d'où l'on tire toujours une petite quantité d'or. On pour-roit cependant en augmenter le produit , fi la crainte de l'efprit inconstant des Indiens , & le peu de confiance qu'on a dans leur apparente amitié, n'empêchoient les propriétaires des mines , de prendre les moyens propres à les améliorer. Quoique les mines de Vérag ras Se de Panama nefoientpasexpoféesaux mêmes dangers , on ne les travailla Tiv 440 Découvertes ■ ■ pas avec plus de vigueur que les au* 1chap°iv* tres' -^eux rayons en font la caufe. La première, c'eft qu'elles font moins An. 1735» abondantes en métal, & qu'il n'eft pas de (i bonne qualité que celui de Darien. La féconde, 5c la plus importante , c'eft que la mer , par le riche produit des perles, préfente un profit plus certain , & en même-temps plus aifé, ce qui fait qu'on s'y attache plus à la pêche qu'aux mines : cependant on en exploite quelques-unes , mais en petit nombre , ourre celles des frontières de^Darien. Anîmal Entre les animaux qui fervent de jiommcigua- nourriture aux habitants de Panama , eft un amphibie qu'on appelle Gua-na ou Iguana. Il reffemble par la figure à un lézard , mais il eft beaucoup plus gros , 5c ordinairement d'environ trois pieds de longueur. Il eft d'un vert tirant furie jaune, mais d'un jaune plus clair fous le ventre \ M, Qe.mdii > ( François ) fuite de les Voyag'es : il part de Mexico. 1. Il le re d à P'uebla de los Angelos. z. Il arrive à la Vera-Crux. 5. Il aborde à la Havane. 7. Son retour en Europe. 10. Il arrive à Cadix. 11. Il pafle à Séviile', 14. Il fe rend à Madrid, i 7'. Il paffe à Pampelune, îp. Il arrive à Touloufe, 21.Il s'embarque à Marfeille, 25. Il arrive à Gènes , 27. Il fe rend à Milan , ip. Il paffe à Plailancc & à Parme, 32. 11 arrive à Florence, 35, U DES M A le rend à Rome, 37. Il termine les voyages à Naples, 3 8, Gènes, Ville d'Italie ; remarques fur cette Ville, 27. Gorgone, Ifle de la mer du fud ; fa defcription , 251. ies productions , 252. uam , Tune des Is-les des Larrons , 329. Mœurs des Habitants, Guiaquil, Ville d'Amérique , la defcription , 217. Gufman , ( Ferdinand de ) prend le titre d^ Roi dans le pays des Amazones , 12 5. Il efl affaf-iiné, lbid~ H Havane , ( la ) defcription de cette Ville, 7. i / g u a n a , animal de Panama, 440. ljlc-Gran.de fur la côte du Bréfil ; fa defcription , 108. Juan ( Dom George ) eft Homme par le Roi d'Ef- T I E R E 5. 44? pagne pour accompagner les Aftronomes François au Pérou, 34?. Foyc^ VLloa. k Kilda, (Saint) dcf> cription de cette Ifle , 47. Des Bâtiments ,48. Difficultés pour y aborder. 49. Mailon de la femme guerrière ,51, Qualité du terrein , 54. des Animaux, 5 8. Chaf-fc des oyes fauvages, 60. Origine des Habitants , 64. Leur Religion, 60". Leur /implicite , 68. Leur mariage, 69. Du Gouvernement, 70. Leur adreffe , 71. Leur habillement. Leur ingénuité, 76. Pureté de leurs mœurs, 8oa l Lions Marins de Tlfle de Juan Fernandcz ; leur defcription, 167. Lobos de la Mar, Ifles de la mer du Sud , 1.72. Leurs productions ,173. Lopes de Agira, s'empare de la Souveraineté des 44°" T A Amazones , 125. Ses cruautés ,126. Son dif-cours à fa fille. 127. Il la tue , 12 s. Il eftécar-telé, i2?« M Madrid , defcription de cette Ville , 17. lAaghey , plante du Mexique , 280. JUantas t poiffons qui étoufent les pêcheurs , 43*. Jtfarfeille , Ville de France , décrite par Gemelli; 25. jtfartin , fbn voyage à Saint Kilda , 3?. Il s'embarque pour cette Ifle , 40. 11 arrive à Borera>42. Peines qu'il éprouve pour arriver à Saint Kilda, 43. Il abor. de dans cette Ifle , 44. Soin qu'on y prend pour la nourriture des Etrangers, 46. Kfello ( Louis de ) fbn voyage à la rivière des Amazones, 123. tyexique * defcription de l'état a&uel de ce pays , 279.. Ses productions , 281 Hifloirc du Mexique, 282, Mctuis des BLE habitants, 2 S 3. UfagcS des anciens Mcxiquains, 285. Moutons du Chili ; leur defcription, 318. O Oiseau enfant , particulier au Chili , 51^. Orellana , ( François ) voyage qu'il fait fur la rivière des Amazones » 112. Son retour au même pays, 1151. Sa mort, 120. , Orfua , ( Pedro de ) fon voyage à la rivière des Amazones , 12 3. U eft afTafliné, 125» P P a g e ( M. ) Contre - maître de M. Ro-, gers , eft corrigé pour une mutinerie , 97. Pampeluue , defcription de cette Ville, 19. Panama , Ville d'Amérique , 4T7 Sa Situation , 4I9. Defcription de cette Ville, 421. Son Gouvernement , 427. Des Habitants , 432. Perles qu'on y trouve % DES MA 43 3. Dangers de la pèche , 476'. Paraguai, Mifllon des Jéfuites dans ce pays, 144. Mœurs des Habitants, 146. Leurs Mariages , 147. Leurs Habits, 148. Leur indolence, 150» Comment ils reçoivent les Millionnaires ,. «51» Productions du Para-guai, 153. Parcffèux , defcription de cette efpece de finge , 253. Parme j remarque que fait Gemelli fur cette Ville. 32, P<'rico-Ligero 3 animal de Pprto-BcJlo , 404. Pérou., defcription de ce pays , 294. Température du climat 29?. Pinguedas , Oifeau du Chili» V6' Plata, rivière , fâ Situation, 140. Par qui elle fut découverte, lbid. Porto-lUllo > Ville d'Amérique , fâ defcription, 385. De la nature du climat ,.3 94- Maladies qui y font communes , 395. Des Habitants , 400. ChaiTe des .Tigres , 404. Famc'ufè T I E R E 5. 447 Foire de cette Ville , 408. Puebla de los Attgelos > Ville d'Amérique. Origine de ce nom , z. defcription de cette Ville, j- Puiï{ones , nom de ceux qui vont aux Indes pour faire fortune, 37 3. Leur mifere, 374* R Rogers ( Woodcs ) Relation de fes voyages, 83.6" fuivante. Son départ d'Angleterre, 85. Mutinerie appaifée , 8S, Ils prennent une barque , 90. Ils arrivent aux Ifles du Cap-Verd, 9 3.. II? abordent à l'Ifle-Grande , au Bréfil, 99. Ils arrivent à l'ifle de Juan Fernandez . 158. Ils touchent à Lobos de la Mar, 17'.. Ils pren-' nent deux Vaiffeaux Ef pagnols , 176. Ils fc rendent maîtres de Puna, 179. Leur expédition à Guiaquil, 1 84. & fuiv. Ils fê remettent en mer, 227. Ils perdent une barque & cinqj Sftl T A B hommes, 130 Us prennent un Vaifleau Efpa-gnol,22.i Ils abordent a rifle ae Gorgone , 2 3 3. Ils renvoyent leurs Prifonniers , 239. Mutinerie découverte Se punie , 24.6. Ils arrivent à l'ifle de Tecames , 2 5 j Ils mouillent aux Ifles de Gallapagos, 260. Ils gagnent la côte de Californie^ 64. Ils prennent le Vaifleau de Manille , 267. Ils renvoyent leurs otages. 268. Divifon entre les Capitaines , 269.. Ils arrivent à lTfle de Guam, 326. Ils abordent à Batavia , 3 351. Leur retour en Europe, 34J. Selkirk ( Alexandre ) Son féjour à Juan Fernandez., 1 éo. Comment il y avoit vécu , 161. ion hiftoire donne l'idée du Roman de Robinfon Crufoe, 16,3. Sèville , defcription de cette Ville, 14. L E Tabuzones j poilTc-as* dangereux pour ceux qui font la pêche des perles , 43^» Tecames , Ifles de la mer du fud , 2 50. Toulouse , Ville de France ; remarque de Gemelli lur cette Ville, 22. V yANRRxicK ( M. 'Officier oppofé à M. Rogers , fes plaintes, 92. On le fait changer de Vaifleau , Î07. On le dépouille de fes emplois, 177. féaux-Marins a leur férocité , 166» iTera-Crui, defcription de cette Ville , 5. Vincent { Saint ) Tune des ifles du •'. ap-Verd ; fà. defcription, 96» VILoa , ( Dom Antonio de ) Q/.el fut l'objet de Ion voyage , 348. Il s'embarque à Cadix, 3 50 II arrive à Carthagene , & fe rend à Porto-Rello DES M A fl E R E S. 44* Bello , 384. Il remonte ffoycas > Oifeau du Chi-la rivière. Chagre »4l.I« li, Ê defcription , 315. Il arrive à Panama 41 7»- Fin de la Table du dixième Volume^ ERRATA. P,\gc 9 , ligne 1, 168 , nutt^ 1698. Page 90, ligne 19, Charles, lij'af. ^ Guillaume, Page 96 , ligne 18 , Corlieas, lije{ , Corlieux. Page 1 c4 , ligne 7 , Tompettcs, lijc^ , Trompettcf,- Page 177 ,ligne 3 , au, lift\ , eft. Page 504, ligne 8 , en, lfc\ , n'en. Page 313, ligne io, bord , Lifc-^ , bords. Page 42^, ligne 24, Générale, lîjl'i , Général. Page 427 , ligne 2 , étoit, j.étant.