ABREGE CHRONOLOGIQUE o v HISTOIRE DES DÉCOUVERTES Faites par les Européens dans les différentes parties du Monde, .. Extrait des Relations les plus exatfes G* des Voyageurs les plus vèridiques, Par M. Jean Barrow, Auteur du Dictionnaire Géographique. Traduit de PAnglais par M. Targe% TOME NEUVIEME. . fil sb^k w* »'JJIBLIOTHEK. a paris, y^iœifiS^ Saillant, rue S. Jean-de Beauvais^ pi j De Lormfl, rue du Foin. Jynez^ Desaint , rue du Foin. Panckoucke, rue de la Comédie Françoifo M. DCC. L X V I. Avec Approbation. &• Privilège du Roi* I HISTOIRE DES DÉCOUVERTES Faites par les Européens dans les différentes parties du monde. S v i t e des Voyages & Découvtntij de G é m e l l r. CHAPITRE VIII Voyage de Gemelli à TrSiionde. G" E m e l l i , ayant recouvré la liberté au prix de quarante-lix piaf- chaP vnî; tres, que lui coûta une vefte, dont An l694 il fit préfent au Capitaine Bâcha, s'embarqua à bord d une laïque, qui £e£Ï&g appartenoit à un Raïz , nommé Agi üW2le: Muftapha. Ils mirent à la voile le lundi 12 d'Aval i5Q4J mais Les Tom IX, * A * 2 Découverte* ...... vents étant tombés, elle fut remor- Ghmellt, qaée par la caïque iufqua Oumou- Chap. VIII. * K, ■ ri • il j i riar, éloigne de cinq milles du vil-An. i6P4. ]age ^e Gnegni-Kioi, où ils avoient fait de l'eau. Le Doéteur defcendit à terre, & monta fur une colline élevée, pour jouir de la vue de la Mer Noire ; mais un Berger lui fai-fant pluiieurs queftions , il revint précipitamment à la Saïque. Il s'éleva un vent frais, qui les fit avancer dans le détroit, entre des villages & des mai(ons de campagne fort agréables : ils parlèrent les féconds châteaux qui font très-foibles, l'un en Europe, l'autre en Alie , & entrèrent le matin dans la Mer Noire* Le Jeudi ty, ils côtoyèrent la Natolie, palTerent Ergelé, qui a un très-bon port, & le lendemain, ayant le vent le plus favorable, ils allèrent de conferve avec une autre faïque chargée pour Trébizonde , & montée par cent cinquante foldats & valets appartenant au Bâcha, qui étoit déjà parti pour cette place, ainfi que fa famille, accompagné de fîx felouques. Le pays qui borde la Mer Noire, eft montagneux , abondant en châtaignes, en noix & en pommes, r>Ês Européens. 3 'd >nt il fournit ia ville de Conftan- •-• tinople & les Provinces voifines. chw"îï£ Le famedi, le vent leur étant con traire, ils gagnèrent le cap de Si- An-1 'M' nope où ils firent de l'eau, & ayant mis à la voile le lendemain de grand Tmc. matin , ils pafTerent à la vue de la ville de même nom , fitfiée fur une pointe de terre, près d'une haute montagne. Les deux jours fuivants, il fit tant de vent & de pluie , que les Turcs, qui n'avoient pas voulu donner un îequin pour être dans la cabane , furent mouillés de la tête eux pieds. Cependant ils firent beaucoup de po!itefle à notre Voyageur, qui ne manqua pas à les leur rendre, part e qu'il jugea qu'il pourroit avoir be-ioin de leur amitié & de leur fe-cours pour retirer fon bagage, qui avoit été emporté dans l'autre faï-que. Le mercredi, quand ils furent à la vue de Trébizonde, le fripon de Raiz lui demanda beaucoup plus pour fon paiTage, que le prix dont ils étoient convenus : il produifit, pour appuyer fa demande , deux Tartares qui fervirent volontiers de témoins;mais Gemelli fe tira de cette affaire par une légere gratification. Aij ♦ 4 Découvertes 1 1 Cette difputc terminée, le Doo chapîvjiiZ teur defcendit à terre, après un voyage de neuf cents milles, & il fut très-An. t494. ^je:i reçU au p0tjt nofpjce fes Mif- i! arrive à fionnaire6 Jéfuites , qui font habillés TjcbjzcdJc. en cc i[eu comme les Arméniens. Us avoient eu le foin de retirer fes équipages , & iJÉJni racontèrent ce qu'ils avoient fouftert en route , non-feulement à caufe du mauvais temps, mais encore parce qu'ils avoient été arrêtés par le Receveur des droits à Ounia ; maisleCadi leur avoit rendu jufticc, en déclarant que tous les fu-jetsduRoi de France étoient exempts de ces (oaes d'impôts. Dcfcription La Mer Noire, aufli noirm'e le -Pont-Euxin , a cinq milles de circonférence, neufcents de longueur, & depuis deux cents jufqu a quatre cents de largeur. A l'extrémité de cette mer, ou plutôt de ce lac, au pied d'une montagne tournée vers le nord, & à la latitude de 41 degrés , eft la ville de Trébizonde , que les Turcs nomment Taraboiïan : clic a environ un mille de circuit, mais les fauxbourgs font a fiez étendus [pour contenir vingt mille personnes. Cette Ville, qui a le titrn des îêuropuss. ƒ "d'Archevêché , eft la Métropole de la Cappadoce , & les Grecs y tranf- £*a* portèrent le fiege de leur Empire, lorfque Conltantinople futprife. La mailon des Lafcaris y régna environ deux cents ans, jufqu a ce que les Turcs le rendirent maîtres de cette ville , & la détruiiîrent fous Mahomet II. Elle a (buffert tant de calamités de la part des Turcs, & de la part des RuiTes, qu'il ne lui refte que très peu de fon ancienne fplen-deur, & qu'elle paroît plutôt un bois inhabité , qu'une ville Impériale , tant les maiîons font coupées d'im-menfes jardins, de champs & de plantations. Elle eft défendue par deux médiocres citadelles, dont une eît commandée par un Chiaoux, & l'autre par le Bâcha ou Beglierbey, qui gouverne aufîi la ville. Les faux-bourgs , en général, font habités par des Grecs & par des Arméniens.»Le$ vivres ni font ni à bon marché , ni de bonne qualité , ni en abondance, &l'on ne trouve aucun poiffon dans le marché, quoique la ville foit fituée fur le bord de la mer. Le pays produit de bonne huile , mais le vin y •eit allez mauvais : les environs font 6 découvertes —— remplis de hauteurs, & ftériles : les cha%ni mont:aones font couvertes déneige. Lorfque Gemelli eut payé le An. itfj>4 Douannier, qu'il trouva d'aflez bonne compofition , & qu'il eut vifité la ville de Trébizonde , il loua des chevaux un fequin chacun pour Er-zerom, éloignée de neuf journées, & fe mit en chemin, accompagné du Pere Villot, Supérieur d'Erze-rom ; da PereDalmaz, Millionnaire de la Province de Chiamaki , en Perfe j dj Per : Martin, qui ailoit ré-fider à Ifpahan ; & du Pcre Dominique , dcftiné pour la million, dans le Couvent de Naxivan. Gemelli re Le mardi 27 , ils partirent de met ci: rcnc,' Trp'liiï-v^on,,^ • fou. " & , après avoir marché quatre heures par un chemin montagneux & rempli de boues , ils logèrent au Caravan fera d'Oreglan, où ils couchèrent en plein air. Leur fommeil fut interrompu rou^e la nuit , parle bruit d'une rivière voiiine &parl*aboiment des chiens fauvages qui couroient en grand nombre dans les montagnes. Le lendemain, ils voyagèrent par des hauteurs très-tfcarpées après avoir fait environ vingt-quatie des Européens. 7 milles en neuf heures , ils s'arrête- 1 j ■ rent au Caravanfera de Cufcan , qui ;chapEVni. eft très-froid & très-incommode. Le jeudi, ils trouvèrent encore le che- A*'16»* min plus raboteux, plus froid & plus fatiguant : les Millionnaires tom-boient dans le découragement, & fe repentoient (incerement d'avoir entrepris un voyage aufîî défagréable. Us pafférent fur le fommet du mont Zigana , qui eft extrêmement élevé, & où le vent foulHe quelquefois avec tant de violence, que d'infortunés Voyageurs en ont été étouffés. Ils firent enfuite quelques milles en descendant pour arriver au Caravanfera, & le lendemain, la route fut beaucoup plus aifée & plus praticable en fuivant des montagnes couvertes de fapins, de hêtres & de noifetiers : ils payèrent trois ponts, & entrèrent dans un paffage fouterrain , pratiqué dans une montagne , à l'extrémité duquel eft un Caravanfera : ils firent vingt-deux milles en dix heures, & logèrent à celui de Guimis-Xane, ou m ai fon d'argent -, ainfi nommé des mines de ce métal qu'on exploitoit autrefois dans le voifi-nage ; ce pays abonde en pora- Aiv 8 ïï ï 'ö ouvertes mes, en noix, & en vin médiocre, chauvin.' ^e Samedi premier de Mai, ils pa infèrent par une mine d'or, que les inondations de la rivière voidne avoient rendue impraticable : ils en virent une autre d'argent, & apprirent des habitants , que ce pays produit beaucoup de cuivre & de plomb, ce qui rend ces métaux à bon marché en Turquie , où l'on en fait toutes fortes d'uftenfiles qu'on étame avec grand foin. Ils pafïerent enfuite à Couvans , & , après avoir fait vingt milles en dix heures, ils s'arrêtèrent à la maifon de leur Ca-tergi ou Muletier, dans le village do Balaxor, finie au milieu d'une plaine ■fertile & très agréable. Les maifons font pour ainfi dire creufées dans la terre, puifque le toit & la furface du terrein , font de niveau avec une large ouverture au milieu, pour donner paffage à la lumière. Les hommes & les bêtes y logent en commun ; mais leurs fours font construits avec affez d'art. Us font une tranchée d'environ deux pieds de profondeur, qu'ils enduifent de terre, & laifïent une petite ouverture pour le paûage de la flamme, Ils y font ua is e s Européens. $ feu de bois, & placent des barres de * fer en croix fur cette embouchure, vAi. avec une plaque mobile , faite de façon qu'on peut y faire bouillir cinq An-16*¥ pots à la fois , & cette plaque tourne comme on le veut, pour la commodité de celui qui en prend foin» Quand les pots font ôtés, on écarte le feu du fonds ; on nétoye les cendres & l'on y met la pâte qui n'efl point levée , & qui eft cuite en très-peu de temps. Ces plaques fervent aufli de table & de poêle pour chauffer la compagnie, ainfi que pour empêcher les viandes de refroidir. Ce village eft particulièrement Ferveur in habité par des Arméniens, qui ac- **" coururent en foule au. lieu où étoient les Voyageurs : le Pere Villot,' qui favoit leur langue , les y inftruiht dans les Myfteres de la Religion Chrétienne , avec une efpece de jeu d'oie qu'il avoit inventé pour cet ufage. Ces Millionnaires, entretenus» par le Roi de France, font très-zclés dans leurs travaux, & fuppor-tentavec une patience & un courage étonnant, les infultes & la perfécu— tion des Turcs. Lefoir, les Voyageurs furent trou-»-A v io Découvertes i bics par l'arrivée d'un Chiaoux en- ctv.ru.!, voyé pour faire bâter la marche des chap VIL troupes Asiatiques vers Belgrade. Au. Cet Officier s'appropria deux de leurs chevaux ; ce qui auroit mi» Quelques-uns d'encre eux en dunner e demeurer eu arr^e e , & de devenir la proie des Voleurs ou des JanifTaires, s'ils n'avoient trouvé le moyen , en augmentant la charge des chevaux , d'en avoir un de relais, fur lequel deux hommes montoient tour-à-tour. Ils truverferent cette journée un pays bien cultivé,& Gemelli tira un grand nombre de pigeons & de canards fauvages à la volée, ce qui étonna beaucoup les Turcs, qui ne pouvaient en tuer un feur* arrêté. Le Peie Villot s'en fit un f.ijet d'amufeirent, en leur fairant entendre que le Docteur étoit un des ChalTeurs du Roi de France, qui l'envoyoit au Sophi de Perfeen cette qualité. Après avoir fait douze milles en C\x heures, ils furent obligés de payer un quart de ducat pourchaque cheval à ta ville de Beibourt, fituée fur un rocher, & défendue par quel-qu s pie .es de car.cn. On fait en ce.ie ville des tapis de laine à un des Européens. ïi nrix modique , & les fauxbourgs en -{ont trcs-etendus. ils marcneient en- Qïi^ VIILr core fïx milles, en côtoyant la rivière, & camperent fur les bords en An** s4r un endroit nommé Maaciour , où le Chiaoux avoit laiffé leurs chevaux» Le mardi 4, ils rirent dix milles, craïnteqae & arrivèrent au village dAyirac , £^2™ fitué fur une montagne , où ils logèrent dans la maifon , ou plutôt dans l'écurie d'un Arménien. Ils y virent des Payfans qui coupoient les> bleds, qui pouffent & mûriffent très-promptement dans ce canton, où le terroir eft très-fertile. Le lendemain, ils grimpèrent fur des montagne* dune hauteur exceflive, couvertesder neiges, & fur le derrière, ils virent une carrière de marbre blanc Us defcendirent, avec autant de danzer que de difficulté , au village de Car-vor, au fond d'une vallée profonde , & ils y furent logés à l'ordinaire dans une écurie. Pendant cette journée, qui fut de vingt-quatre milles» les Turcs de la caravanne masquèrent une grande crainte des voleurs, & prièrent, avec inftances , Gemelli de mettre en état leurs armes à feu, q^ui étoient fort dérangées* A*j "' ■' » Le Jeudi iîx, plutôt que de paflfei chap.viii. ^e Qe l'Euphrate.qui étoit alors fort enflé Gemelli & quelques-autres ■A"- fe féparerent de la Caravane , firent environ trois lieues., & traverferenj le fleuve fur un pont de pierre , près de l'endroit où il. te joint an Gemme. Ils le côtoyèrent enfuite pendant huit milles , jufqu'au village do Teuriskiouch : en cet endroit, avec je contentementduCatergi, acheté par un préfent, le Doéèeur cacha quelques effets dans un fac de paille . qu'on met en ce pays, fous la charge du cheval au lieu de bardelles. Dans tous les Villages par Lefquels.ils paf* férent, ils trouvèrent des Receveurs des taxes chargés de recevoir tano par tête de chaque Voyageur'; mais Gemelli & fa compagnie en furent-exempts, comme François, en con-féquence d'un ordie exprès ou.fir-tn^n du. Grand Seigneur, cmclliar Le lendemain matin , ils voyagèrent dans une belle plaine, ornée de plufÏ3urs villages , & environnée de montagnes couvertes de neiges. Après a - ok fait douze milles , ils entrèrent d os. les fauxbourgs d'Er-ïeiom,. où ils payeieut enyiroo.fepç des Européens. 13' fols par chaque cheval. Le Douan- ' nier , fur leur demande, envoya un viù» homme pour fouiller & cacheter les valifes ; ce qui fut fait avec beaucoup *n"1^4-de politeife, & fans avoir rien de la fé vérité dont Tavernier dit qu'on en ufa avec lui dans cette Ville. Gemelli, ayant loué un appartement très-honnête dans un Caravanfera , près: de laDouanne, fut invité à fouper par M. Prefcot , Conful-Anglois, dont il fut très-bien traité, quoiq M l'excitât beaucoup à boire: il lui apris qu'il avoit perdu d'un* jour i'oçcafion d'une caravane pour paffe r à Tauris. Erzerom, capitale de l'Arménie, Defirîptï«« où l'on prétend qae fut fïtué le pa_dc«"^ radis Terreftre , eft fous des montagnes très-hautes, au commencement d'une belle plaine, qui a trente milles de longueur & dix de largeur-Cette Ville eft entourée d'une double muraille & d'un fofTé, avec plu» fieurs tours à des diftances convenables, garnies de petites pièces de canon; ce qui lui donne beaucoup de* relfemblance avec Conftantinople», Du côté de l'Orient eft un Château, & un Fott i commandé par PAga. 14 Découvertes des Janiflaires , & dans le même can» chap!vni. ton on volt ^a Cathédrale des Arméniens , qui eft en ctès-mauvais état. Aa. 1094. La Ville a trois portes de 1er ; elle eft habitée en grande partie par des Arméniens, qui demeurent dans des maifons balles , bâties de bois & de terre : les rues font étroites & non pavées. .Les Bazars pauvres & petits r. cependant Erzerom eft fi peuplé, que dans les fauxbourgs feulement il y a ving-deux Cavanferas pour les caravanes de Perfe. Quoique l'air y foit alTez froid, & qu'il y ait peu de fruit , les provifions y font à bon. marché, & la plaine voifine en fournit abondamment. A fix heures de chemin d'Erzerom, TEuphrateprend ià fource dans une montagne nommée Afrat ou Mingol : cependant beaucoup de perfonnes penfent que la vraie fource eft dans la Géorgiey & qu'elle a été. couverte par des tremblements de terre* Les fenmes d'Erzerom portent des habillemenrs de drap, des bottines , & un ipéce de mafque noir pour fe cacher le vifage : il tombe deleurtéte une longue pièce d'étoffe ou voile, qui leur defcend jufqu'aujs genoux» des Européens» ï y Le famedi 8 , M» Laironniere arri- va d : Perfe avec une caravane , & le çhEapf lendemain il fe hr Mahométan , entraîné par le defefpoir de n'avoir pu An-,69+-obtenir fa grâce , après aWtiéf^ deux hommes en France. Il difoithomctan de qu'il av )it été envoyé par le Monar-defe^oiI'-que François pour efpion chez les Turcs , & que tous les francs qui al-loient au levant, étoientchargés par ce Prince d'engager les Perfans a recouvrer Bagdat & Erzerom. Quoique la conduite de cet homme prouvât le dérangement de fa raifon , les » Turcs ajoutaient foi à fes impoftu-res , & les francs ne pouvoient manquer d'en foufFrir. Le mardi n , Gemelli reoifa de,GcmfSIÎ & payer le droit impole iur tous „nt ordre de ceux qui portoient un fufîl : il futr°rtiri'Etzt* pourfuivi par un Turc le couteau àrom' la main , & il auroit, fans doute, été tué fans M. Prefcot, qui retint & ap-paifa le Mufulman , parce qu'aucun chrétien n'oferoit fe fervir de fes armes contre les gens de la religion de Mahomet. Deux jours après cette aventure, le Bocleur reçut un méfia» ge du Mufielim , ou Lieutenant du Bâcha, qui lui ordonnoit de fortir iÓ* DéCOüVERtEJ 'G de Ia Ville dans trois jours , & Ie ChapE\rnl même ordre fut fïgnifié aux Jéfuites-., ^ à l'inftigation des Arméniens , qui, l6*4' deux ans avant, avoient payé le Bâcha pour qu'il chaifât les Millionnaires. Le frère Manfredi, qui remplif-foit l'état de Médecin à Erzerom, alla chez le MufTelim lui communiquer un firman du Grand Seigneur pour le rétablifTement des Pères , mais il n'y eut aucun égard; au contraire , il ordonna qu'ils fortiroient le jour même. Le Frère appella de » cette Sentence au Cadi, qui leur permit d'attendre une caravane. Le Mu£ felim envoya chercher Manfredi, le fît mettre en prifon pendant deux heures , & le menaça de la ba/ton* nade. II s'informa très-exactement de ce qui concernoit Gemelli à Mi Prefcot, qui l'alTura que le Docteur n'étoit ni Prêtre ni Papa , mais un Gentilhomme qui voyageoit pour fatisfaire fa curiofité. Après beaucoup de follicitations ,cet impérieux Officierconfentit aies laifîer continuer leur voyage en Perfe, au moyen d'un nréfent de vin^t-cinq fequins; mais fon frère, qui étoit Nazar, ou grotecteuxdes étrangers, réfolud'a* nis Européens 17 voir fa part du butin, infifta pour qu'ils retournaient à Trébizonde , à chapfvîifc moins qu'ils ne lui fiffent aufli un pré-fent. Enfin nos voyageurs fe voyant An',é** expofés de toutes parts à tant d'in-folences & de rapines, réfolurent de fortir fécrétement d'Erzerom, & de prendre la route de Perle, fans attendre de caravane. Ils préférèrent de courir le rifque de tomber entre les mains des voleurs de profelîion plutôt que d'être les vidimes de ces infidèles , qui pillent les étrangers à l'ombre de l'autorité des Loix. En conféquence de cette réfolu-tion, Gemelli, avec les Pères Jéfuites Dalmaz & Martin , & le Jacobin Dominique de Bologne , louèrent des chevaux quatre piaftres chacun , & partirent à minuit d'Erzerom, Avant le jour ils furent arrêtés par un commis de la Douane, qui vivoit fous une tente à fix milles de la Ville î mais quand ils lui eurent montré îat décharge du Receveur d'Erzerom , il leur permit de paner, en lui donnant un roup ou quart de ducar. Après avoir fait vingt milles en huit heures dans une campagne découverte, hors de la route ordinaire des iS Découvertes - caravanes, ils logèrent dans la maï- JS.E?*J;»iw fon de leur Catergi, au village d'Axa, ou ils turent tres-bien traites a un An. i<$*+. pr;x médiocre, parce que ce canton produit des vivres en abondance. Suitedefon Le mercredi 1$ , un Janiiîaire qui traverfoit le chemin voulut les faire retourner dans un fort pour payer un droit ; mais ils l'engagèrent à le rece« voir lui-même , fans les obliger de fe détourner. Douze milles pl.;S loin , les commis de la Douane de Talichi, voyant qu'ils ne fuivoient pas la route ordinaire , & qu'ils ne vouloient pas palfer le pont de Chio-Ban-Hupri, leur ordonnèrent de les luivre jjf-qu'au Village ; mais ils s'en tirèrent encore en payant deux piaftres. Le terroir eft fi fertile en ce pays, eue les vivres y font à très bas prix» d'autant plus que les habitants fe nourrifïent prefque tous de lait caillé, de galette , & ne boivent que de ^ l'eau. Après une journée de vingt huit milles, les Voyageurs arrivèrent au village de Korafon , fitué à gauche de la rivière d'Araxe , & y trouvèrent les maifons creufées en terre , comme celles de Balaxor. Le Doc- ©es Européens. ip reur & fa compagnie y réitèrent le -lendemain,jour de l'Afceniion, fur Q*"fvïli. la prière du Catergi, qui étoit natif de cet endroit; leurs malles furent An'l694h vifitées par le Douanier, qui ne leur fit aucune difficulté quand il vit le Theskeré de celui d'Erzerom ; mais le Nazar voulut leur extorquer une piaftre, parce qu'ils n'avoient pas de pafle-port. Cependant ils refuferent de le donner, & le Douanier n'approuva pas la prétention du Nazar. Les femmes de ce Village couvrent leur vifa^e avec des plaques d'argent très-minces , & portent deux rangs de boutons de chaque côté de leur vefte. Le vendredi '21 , ils firent huit milles dans un pays montagneux, Se s'arrêtèrent fur les bords d'une rivière, dans laquelle il tombe beaucoup d'eaux minérales , & où leurs Cater^is fe baignèrent. Ils trouvèrent enfuite trois J anifîaires, qui voulurent leur faire payer un droit par tête , & les menacèrent de leur faire rebroulfer chemin ; mais ils furent appaifés avec une piaftre. Ils pafTe-rent par une campagne où ils virent une grande quantité de tulippesfau- Découverte s —- vages, & arrivèrent par un pays dé-"viii. couvert » Méfingirt, village au pied d'un rocher, fur lequel eft un châ-itf+. teau ruiné. Les Habitans leur racontèrent une hiftoire fâcheufe d'un vol commis peu de jours avant dans la montagne. Les Religieux effrayés, ne voulurent pas aller plus loin fans une efcorte : ils louèrent une garde de quatre hommes pour un peu moins d'un ducat ; mais il parut qu'ils étoient d'intelligence avec les voleurs , car ils conduifïrent nos Voyageurs par des montagnes efcar-pées, & par de grands bois de pins, où ces bandits faifoient leur habitation : Gemelli enrenconta deux, qui n'oferent l'attaquer, parce qu'il étoit bien fur fes gardes. Les armes de leur efcorte étoient en fi mauvais état, qu'ils n'auroient pu s'en fervir quand ils en auroient eu la volonté : mais le lendemain de grand matin , ils demandèrent leur payement ,& refuferent d'aller plus loin , quoiqu'il y eût encore plus de deux milles déboisa pafler. L'un d'eux voulut même donner de fa pique dans le corps au Pere Dalmatx, qui lui faifoit des reproches de cette y>«s Européens. ir exaction, & après d'inutiles remon- ■ trances, les Voyageurs furent obli- £japE "ui. gés de payer. Peu de temps après que ces co- An' l694~ quins les eurent quittés , ils virent il rencontre 5 , ^ \ • j _ ,N des Voleurs. douze nommes, tant a pied qua cheval , qui parurent tout-à-coup , 6 un Catergi dit à Gemelli que c'é- * toient des voleurs. Un des Voyageurs , nommé Abraham Goggia , natif d'Erzerom , aufli-tôt qu'il les apperçut, piqua des deux, & fe fau-va au galop. Le Docteur fit demeurer à cheval les Pères effrayés , avec de mauvais piftolets à la main, feulement pour marquer de la réfiftan-ce ; mit pied à terre avec fes armes , & ils fe rangerent derrière quelques xpehers en état de défenfe. Les voleurs , affez mal armés, les voyant en bonne contenance fe retirèrent dans la montagne, & leur laiflerentle pafla-ge libre. Gemelli reçut de grands éloges des Turcs pour fa valeur, &les Pères lui donnèrent le titre de Karvan-Bachi, ou de général de leur petite caravane. Après cette aventure, ils firent halte quelque temps dans une plaine , où il y avoit de bons pâturages pour leurs chevaux, près d'ur^ 2.2 Découvertes village de Kurdes. Enfin ayant fait Gemelli , trente-fix milles en dix heures, ils Chap.MII. , N ' „ arrivèrent a Cotanlo , village habite An. iöj+. par jes Arméniens, qui vouloient que les Jéluites leur donnaient des médicaments pour leurs malades ; inconvénient auquel ils lurent expo-fés pendant tout le voyage Le Dimanche 23 , ils firent douze milles , & arrivèrent à Kars , ville frontière des Etats des Turcs, où ils s'arrêtèrent à un Caravanfera dans les fauxbourgs. Befcrîption Cette Ville, fituée dans la Turco-4c Kars. manie, à 41 degrés 40 minutes de latitude, eft au milieu d'une plaine fertile, & l'cm y trouve de toutes fortes de provisions à un prix médiocre. Elle a tant foufFert des Turcs & des Perfans, qui l'ont polTédée alternativement, qu'elle eft actuellement très-mal peuplée. Elle eft de forme oblon-gue.expofée au midi, fur le penchant d'une coline : elle a environ deux milles de circonférence , eft entourée de deux murs de terre, avec de petites tours , deux portes & deux ponts fur la rivière dont elle eft baignée. Il y a un fort bâti fur un roc inacceflible d'un côté, avec une bon- des Européens. 23 rie garnifon, d'où l'on fait lortirtou- 1 1 1 tes les nuits un dé achement de qua rante Cavaliers pour battre la campagne. Les mailons de Kars font très- An* ,6,4# médiocres , & ne paroident que des hutes de terre & de bois; cependant depuis que cette Ville a été îoumife au Grand Seigneur, il y a toujours eu un Bdciia pour la gouverner. Pendant que Gemelli fut en cet il rencontre endroit, fon v.ater^i, Geor^en , de- j"^^" manda à être payé de föu falaire, &c relu.a de continuer à marcher, jusqu'à ce qu'il y tut fon.é par le Douanier Arménien , qui voulut enluite fe faire récompenfer de fes bons offices , en exigeant une piaftre pour chaque cheval chargé , quoiqu'il n'eut droit d'en demander que la moitié. Cette affaire terminée , ils continuèrent leur voyage , le matin du mardi 2 y, dans le temps où les Turcs tiroient quatre coups de canon , pour marquer la fin du jeûne de leur Ramadan. Us traverferent de très-belies plaines, où ils trouvèrent plufieurs troupes de Kurdes, avec leurs mai-fons mobiles, tirées par des bœufs, peuple miférable , errant pendant 2>4 Découvertes * » « toute l'année, à* chercher de la pâ- c?up?vuV. ture Pour *eurs troupeaux, & ne vivant que des productions naturelles An. 1694. ^e ja terre< Après avoir fait trente milles en dix heures , ils arrivèrent au village de Kiala , compofé de quelques pauvres huttes : ils furent obligés d'y palTer la nuit à difputer avec leur Catergi, qui renouvella fes demandes, & refufa encore de marcher, jufqua ce qu'il eût reçu le payement entier du voyage, n quitte Us en partirent le Mercredi 26, Turquie? de& virent les triites reftes de plusieurs endroits qui avoient été détruits pendant la guerre ; entre autres la ville d'Ani-Kagaë, fondée par un Roi d'Arménie du mémejiom , près de la rivière Arpafuy, qui vient des montagnes de Mingrelie, & tombe dans la rivière de Kars. Une grande partie des murailles fubfifte encore, & ils virent les ruines de plufieurs Monafteres, dont il y en avoit deux prefque entiers. Un peu plus loin ; ils virent le mont Arrarath, fur lequel on dit que s'arrêta l'arche de Noë, & ils entrèrent dans une vallée , où l'eau a formé plufieurs pyra-mid.es de pierre. Ils panèrent enfuite H des Européen s. 15 le fort d'Arpafuy, fitué fur un ro- g"'*"*** cher, avec une bonne garnifon. C'eft chap. vnî, la dernière fortereiTe des Turcs fur ^ cette frontière, & en fortant les por- '1 **** tes, on trouve un village , où l'on paye un roup pour chaque cheval» Dans cette vallée, on pafle un pon* fur une rivière qui fépare l'Empire Ottoman de celui de Perfe, & aufli-tôt que Gemelli fut fur la rive op-pofée, il defcendit de cheval , & baifa la terre dans un tranfport de joie, de ne plus être expofé à fin-folence & aux vexations des Turcs. CHAPITRE IX. Gemelli continue fon voyage par Erivan} Tauris t G» Nakcivan. LE Docteur & fes Compagnons; eemeiiïcft. ayant fait environ dix milles danstrc ** rwfeT les Etats de Perfe , trouvèrent une multitude de Kurdes campés , & furent obligés de leur payer une demi-piaftre pour chaque cheval, ce qui tient lieu de douane pour les équipages , Sparee qu'on n'ouvre pas los Tome 1^, g 25 Découvertes * ■" valifes dans ce pays, & que les Voya-cnalptix' Seurs payent iuivant leur qualité, & non fuivant la quantité ou ia na-Aù. 1694. ture de ]eurs effets. Après une journée de vingt-huit milles , ils arrêtèrent à Talen, le premier village qu'ils virent en Perfe. Il eft particulièrement habité par des Chrétiens Arméniens , qui y ont deux Eghfes ; mais'elles font en grande partie ruinées. Un Vertabier, ou Prédicateur de cette nation , prétendit guérir un de leurs chevaux malade, par des paroks & des enchantements. Dans le voifinage , eft un roc de fel, & les campagnes voifînes produifent une fleur tiès-curieufe, qui rellemble à un bouquet de plumes blanches & droites, d'où fe renverlent trois feuilles pourpre en forme de triangle, avec une petite rôle noire au milieu, & le tout eft entouré de trois autres fleurs d'une couleur plus éclatante. . Le lendemain, après avoir fait •cwsEglifo.Vingt-quatre milles en neut heures, ils arrivèrent aux trois Eglifes, qu'on nomme dans le pays Eghimiafen. La principale, dédiée à Saint George , eft: bâtie en forme de croix, avec une coupole au milieu, Seau- des Européens. £7 deflbus, les Arméniens iont voir une - pierre , qu'ilsdifent être celle fur la- ^ ! * quelle Jeius-Chrift apparut à Saint Grégoire. Le pavé tft couvert de An |6M* beaux tapis; il y a trois autels , l'on monte par quatre marches au principal; à la droite duquel eft la chaire du Patriaiche. Au-dehors, font quatre petites tours ; il y a des cloches dans une , ce qu'on ne fouf-fre pas en Turquie, & l'on y voie auflî plufieurs croix. Près de cette Eglife, eft un Monaftere où demeure l'Evéque & les Religieux, avec une fontaine d'eau excellente, de beaux jardins & des portiques qui fervent de Caravanfera aux Pèlerins. Lei-deux autres Eglifes & leurs Monaf-teres font conftruits de même, quoique plus petits, & ils ont tous dans leur dépendance, de bons champs & de bonnes vignes. La plaine d'Erivan produit abondamment du grain & du fruit , étant fertilifée par plufieurs ruifleaux, ainfi que par des canaux de la rivière d'Araxe qui la traverfe. Les Habitants applanillent le terrein & rompent les mottes avec des rouleaux tirés par de.ux hommes ; ils font 1« Bij 28 Découvertes r moiflon' dans le temps où l'on feme c^'ii' en Turquie. Le vendredi 28, nos Voyageurs An. 1S94. continuerent leur route à la vue du 11 arrive à mont Ararath , éloigné d'environ twan, jnijt mji|es (ju Monaftere où ils avoient paflé la nuit. Après dix milles de chemin , par une très-belle route, ils entrèrent dans les faux-bourgs d'Erivan , & Gemelli loua un logement dans un Caravanfera. Defcnptîon La ville d'Erivan eft bâtie fur les ieccueviUc, rumes d'une autre ville de même nom, à 40 degrés iy minutes de la,titude. Une partie eft fituée fur un rocher , baigné par la rivière Zanghi, & le refte s'étend dans une plaine. Elle n'a pas plus d'un mille de circuit, & les fortifications con-fiftent en un fofle profond & urie double muraille, avec des baftións de terre, fur lefquels font montées quelques petites pièces de canon. Il y a trois portes de fer, mais la garnr-îbn eft peu considérable : les Habitants ne font pas grands commerçants; le Bazar eft peu de chofe, & le palais du Khan , ou Gouverneur, ütué fur les bords de la rivière, ne £3roit au'une maûe pelante de terre, des Européens^ Il y a cependant une monnoie où. " 1 t v Ton fabrique des efpeces d'argent &• Ch^!ii'2 de cuivre , d'autant que dans toute la.Perfe, il n'y a d'autre monnoie*Aa" d'or , que quelques petites pièces qu'on jette au peuple dans le temps au couronnement des Rois. On fond le métal dans une folle, avec un feu de bois & de charbon , au moyen de deux foufflets. On le coule en longs lingots, qu'on forge enfuite en plaques : on coupe les pièces en rond, d'un poids réglé , & quand elles font bien unies , on les marque à force de bras. De l'autre côté de la rivière, qu'on traverfe fur un pont de fortes arches; Gemelli trouva l'ombrage agréable de plufieurs arbres touffus, & un grand nombre de petits appartements pour les plaifirs du Khan , auquel le Gouvernement de cette ville rapporte annuellement, deux cents mille écus. Les fauxfourgs, habités par des Marchands & par des Ouvriers Arméniens , font vingt-fois aufli grands que la ville , & entremêlés de fermes & de jardins. Il y a un excellent Bazar & un Meïdan, près des.murailles ; mais on voit avec peine le Biij }o Découvertes gran I nombre de maifo;.s ruinées ciuip^n! Par guerres continuelles entre les Tares & les Perlans. La ville & les ï«*+- fauxbourgs forment une étendue d'environ dix milles de circonférence , enfermée par un rempart de terre, & dans cet efpace, on trouve du vin délicieux, des fruits excellents & plufieurs bocages agréables de faules & de peupliers. Le pays , depuis Tocat jufqu'à Tauris, cil particulièrement habité par des Chrétiens, qui gagnent leur lubiiftance à des ouvrages de foie 8c à d'autres commerces très-profitables , à caufe du palTage continuel des caravannes. Le Sophi en tire un revenu très-confidérable, parce que les droits ne font pas forts , ce qui y attire un grand nombre de Commerçons , qui y apportent leurs marchandées. «rmeiMpart Gemelli vit tout ce qui étoit de fExivan, remarquable à Erivan ; vifita l'E-glile & le Monaftere de Kiekart, taillé dans le roc, & alla voir un grand lac dans le voifinage, outre cinq autres Monafteres Arméniens. Enfuite il loua des chevaux à tics-bon compte & avec le Pere Domini- des Européens. 51' que partit pour Nakcivan , dans l'ef- 11 1 pérance de rejoindre une compagnie CnapEIix.* de Géorgiens & d'autres Voyageurs, qui setoient mis en route la veille An»16** pour cette ville. Le loir, il commença à éclairer & à pleuvoir fur le mont Ararath, ce qui arrive tous les jours vers la même heure. La rivière Garuri-Ciny, étant enflée par les pluies, ils demeurèrent dans un village voifin , avec un grand nombre de Kurdes, & panèrent la nuit dans un mauvais Caravanfera. Le lendemain, dimanche 6, ils palTerent la rivière, traverferent des campagnes unies, dont la plus grande partie eft bien cultivée &ar-rofée par de petits canaux qu'on tire du fleuve. Après avoir fait trente milles, ils arrivèrent au village de Satarach, où ils furent obligés de paiïer la nuit à veiller leurs bagages, par la crainte des Payfans, qui ont la réputation d'être très-adroits à voler. Le lendemain ils palTerent à gué une autre rivière, & furent arrêtés par les Rattars ou Gardes des chemins, qui leur demandèrent un droit extraordinaire. Gemelli le leur re- 'Biv §2 Dé cbuVfcR rts fuia le piftolet à Ia main, & ils Ie contentèrent d'un abaflî par tête . Cnap. IX. . r * * pour lui & pour ion compagnon, jfcp, iûj>4, j^g même jour, |ils traverferent Une autre rivière, nommée Arpafon,fi yapide qu'elle entraîna une femme Arménienne & fon fils, à plus d'une portée de fufil, avant qu'elle pût gagner le rivage oppofé : mais cet accident eft fi ordinaire, que les gens du pays ne s'en inquiètent pas. Après avoir fait trente milles en onze heures, ils logèrent dans le Caravanfera de Karàba.qui eft très-grand & d'une belle conftruétiom On y trouve une fource d'une eau excellente, qui coule d'une fontaine de pierre, qu'on ■ dit être l'ouvrage de Sern» fils de Noë. il anisc % Le mardi 8, après avoir fait quin-Hakcivan. ze milles, ils arrriverent à Nakcivan, d'où le Pere Dominique partit pour le Monaftere d'Abarener, où il devoir faire fa réfidence , & il laifTa Gemelli feul, expofé aux attaques des Rattars, qui font très-dangéreux à rencontrer. Nakcivan , fuivant quelques Auteurs , eft la ville la plus ancienne du monde, & le lieu de la fépukure de des Européens. 33 Noë, qui y demeura, difent-ils, après t _ ,t r le déluge. Cette conjecture eft Ion- c*bap.lx.'J dée fur la lignification des mots Nak-Civan \ qui, en langage Perfan, a'1 94' fignifient demeure du navire. Quoiqu'il en foit, on ne peut difconve-nir que cette Ville eft très-ancienne : elle a été autrefois décorée de beaux édifices &: de fuperbes Mofquées ; mais les uns & les autres ont été détruits par la, barbarie^ d'Amurath, quand il fe rendit maître de cette place, d'autant que les Turcs regardent comme profanes les Temples bâtis par les Sectateurs deKaly. La nouvelle ville eft compofée percrîptton d'une longue rue étroite, avec un deceucv...-^ bon Bazar, & quatre grands Cara-vanferas, pour l'ufage des nombreu-fes Caravanes qui y paflent. Les faux-bourgs ont peu d'étendue , èc les maifons relTemblent à des caves. Près de la ville , on voit un obélif-que de brique , de foixante & dix palmes de hauteur, & l'on dit qu'il fut élevé par Tamerlan, quand il entra en Perfe. Cette ville & le pays voifin , font gouvernés par un Cham» Notre Voyageur, craignant les exactions & la brutalité desRattars , qui E v 54 découverte! 1---donnent fouvent Ja baftonnade au* Chap.■«/ -Etrangers,quand ils reculent decon-fentir à leurs demandes exhorbitan-'I<*4' tes ; loua deux chevaux pour le prix de dix abaiîis , & partit environ trois heures après le foleil couché, en compagnie d'un Envoyé Perfan , qui ailoit à I pahan, porter des préfents au Sophi, & qui promit de protéger le Docteur en roure. Bfèrernet Gemeili traverfa la rivière fur un a""tc' beau pont , éloigné environ de deux milles de la Ville, & joignit rÀmbaÛadeur. Ils firent vin^t-fept milles dans un pays uni, & arriveren r le mercredi c? , au vieux Zulfa , fur es bord de l'Àraxe. C'eft de cette ViHe que Schah-Abas I. tranfporta tous les Habitants au nouveau Zulfa , dans la Province de Guiîan, pour qu'.'.s . a!T- nr moins expofés aux in-curfions continuelles dts Turcs. A présent le vieux Zalfa n\ft plus qu'un monceau de ruines f ns Ilabi-tar,rs,excep é un petirnoml re d'Arménie is, eu. s'y font établis àcaufe de la fertilité du revrein. L'Afaxe en cet endroit eft retïlné enfec j ofrognes,cequrierend très-p.oL..d & tics-rapide. Ils le des Européens. 3 ƒ traverferent dans une mauvaife 1 < r- 11 "» que , très-mal conduite par des ma- ®|£|*5£j riniers ignorants, qui font payer un demi abaflî pour chaque cheval, & il Attl l6?** yaaufliun homme établi par le Rat-tar de Nakcivan pour en donner quittance. Ils palTerent la nuit dans le' Caravanfera de Deradus, qui eft tort petit & incommode , environ à quatorze milles de la rivière. Le lendemain ils traverferent une vallée étroite , infeftée par les voleurs , & arrivèrent par un pays inculte au Caravanfera d'Alachi, qui eft; un grand bâtiment quatre de brique3 , avec quatre tours aux angles. Vingt milles plus loin , ils trouvèrent le village de Marauta, où l'on dit que la femme de Noc eft enterrée. Il y a u» béai» Caravanfera , avec de l'eau fraîche-excellente. Le Vendredi 11, ils entrèrent dans n «rit©* un pays rempli de montagnes , ScTami*, rencontrèrent les Rattars armés d'ef-peces de maflues , qui exigèrent un abaflis pour chaque paquet de mar--chandife ou de bagage. Nos Voyar geurs palTerent le magnifique Caravanfera de Jamghet ; firent encore-mngt milles-, partie fur des hauteurs^ %6 Découvertes Im*—*m 11 partie dans des plaines de fable ; (S"*.' & arrivèrent à la ville de Sofian, qui ne paroît prefque qu'un amas de fin. 1^4- boccages& de jardins. Ils y réitèrent deux heures ; fe remirent en route , &, après avoir encore fait dix-huit milles,. ils entrèrent dans la ville de Ta uns. ©efcr'ptïo* Cette ville aufîi nommée Ecba-it Tauüs. tane t qUi fut prife & brûlée par Ama-rath en 163 8 , eft fïtuée dans la Province , d'Adirbeitzan ^38 degrés de latitude. Elle étoit autrefois la capitale de l'Empire des Mèdes ; mais il ne lui refte plus aucunes marques de fon ancienne fplendeur, parce qu'elle a fouvent été expofée à toutes les calamités de la guerre entre les Turcs & les Perfans. Elle eft dans une grande plaine, environnée de trois côtés par des montagnes : elle a environ trente milles d'Italie de tour, ce n'eft qu'un amas de jar-* dins, de champs cultivés, & de mai-fons de terre : cependant les Bazars Se les Caravanferas y font bien entretenus, parce que la fîtuation de cette Ville y attire un grand nombre de marchands Mofcovites, Tartares » ^Arabes , Géorgiens » Mingreliens. > d"e s EuROPÉlNs. 37 Indiens, Turcs & Perfans, qui y font trafic de toutes fortes de denrées, G|£S^; particulièrement des foies qu'on y apporte de la Province de Guilan & An- l6s*' de plufieurs autres endroits. Malgré ce grand commerce, & l'étendue pro-digieufe de Tauris , le nombre des Habitans n'excède pas deux cents cinquante mille perfonnes. La tour de Scham Cafan , que Tour «fc quelques-uns croyent être celle de^ata c*~ Babel, eft bâtie de brique. Elle a deux cents pas de circonférence : le diamettre intérieur eft de quarante Îas, & l'épailTeur du mur de douze. 1 y a un efcalier en limaçon de cent dix degrés, qui conduit au fommet dans une chambre, dont les murs font couverts de caractères hierogliphi-ques. La tour eft ruinée de deux côtés , & dans le bas eft un endroit avec des portes de fer, où les Perfans difent que celui qui l'a fait conftruire eft enterré. L'Atmeïdan eft une grande place où il y a beaucoup de marchands & d'ouvriers : les chevaux y font vendus à un prix médiocre. On y fait aulïi un grand commerce de peaux fie chagrin, qui ae fuut autte choie? 38 Découvertes » 1 qu'une préparation de cuirs de che-Ïi^^y* vaux , de mulets ou d'anes:tous les gens ailes en portent des bonnes.1 An. 1694- La Moiquée de Hallan - Bâcha , Mofqucc conftruite par les Sectateurs d'Omar,, «lia!*" " Ba"eft un magnifique édifice décoré de marbre fuperbe, & de divers embel-lilTements d'un très - beau travail ; mais le pavé n'«ft couvert que de mauvaifes nattes , parce que les Perfans font peu d'eftime de cette Mof-quée , & la regardent comme un lieu, profane. Dans le voifinage eft un autre bâtiment d'une belle conftruction qui tombe en ruines : on le nomme le lieu des eaux, & c'eft où les morts font lavés. Près du même endroit eft Hne Eglife prefque détruite, qui appartient aux Arméniens , & où l'on dit que Sainte Hélène avoit envoyé?-un morceau de la vraie Croix. A l'extrémité de l'Atmeïdan eft un grand Palais bâti par les Turcs pendant qu'ils étoient les maîtres de Tauris : dans une çallerie de ces édifices, on entend tous les foirs un concert agréable fie tambours & do trompettes. Hifloiredc Genieli profita de l'occafion pour voir 1 entree publique du C-nam ou* bes Européens. 35? Gouverneur, accompagné d'environ ■ >* deux mille Cavaliers. Son prédécef- £j[J£u£J feur , nommé Sultan - Bigian - Beg étoit fort ami des Chrétiens , quire- An l6** gretterent beaucoup fa mort. Son pere nommé Kuftan-Cham comman-doit l'armée des Perfans, qui chafla-les Turcs du pays de Tauris ; mais le fils fut difgracié par les mauvais offices que lui rendit un Vifîr, qui le repréfenta au Roi comme un ivrogne & un infenfé. Cependant fon neveu, aulîî nommé Ruftan-Cham, étant parvenuàla place de chef de Juftice,. acquit la faveur du Sophi à un tel degré, que ce Prince lui dit un jour de lui demander quelque grâce; Ruf-tan s'en excufa modeftement ; mais le Roi ayant infcfté , il le fupplia de-rétablir fa famille dans les mêmes honneurs dont elle jouiifoit du temps?* de fon grand pere. Il lui parla enfuite de fon oncle Bigian-Beg, qui s'étoit retiré à Tauris , où il buvoit le meilleur vin, & iouiflbit des plaifirs d'une vie privée : » comment,lui dit le Roi, ce fou.votre oncle Sultan Beg?I n'eft nullement fou , répondit Ruftan t: c'elt la malice de fes enneuvs oui l'a; Èait palier pour un ùifenfé C Yotra- ZÖ Découvertes ■Majefté lui permet de paroitre en fa càap"ix.' préfence , elle connoîtra par elle-même Tinjuftice qu'on lui a faite. Le An. i*p4. R01 enV0ya au{H.tôt un exprès à Bi-gian-Beg, qui cafTa fon verre, après avoir bû à la fanté du Monarque, & de ce moment renonça à l'ufage du vin. Quand il fut arrivé à Ilpa-ham , il fe retira dans l'AIa-Capi , maifon de refuge, où fe rendent tous les criminels , ainlî que tous ceux qui viennent dans cette Ville par ordre du Roi, jufqu'à ce qu'il ait décidé de leur fort. Le Sophi le reçut avec de grandes marques de bonté, le traira de baba ougrand-pere,lui fît boire du vin dans fa propre coupe , & fumer du tabac dans fa pipe d'or. II vouloit lui donner la place de Géné-ralilîime que fon pere avoit occupée; mais Bigian s'excufa de l'accepter à caufe de fon âge avancé, & demanda qu'elle fût donnée à fon neveu, fous lequel il fut content de polléder le Gouvernement de Tauris , où il mourut. Le Dimanche 15 , Gemelli, paflane par l'Atmeidan, vit un homme attaché à un poteau élevé, & qui rece» .voit la bajlonr.ade ajTez légèrement des Européens." 41 avec une houfline. Il remarqua auiïï plufieurs Moines Perfans , qui por- chahut tent une efpece de turban avec une bordure ; mais le bonnet eft en An-l6s*' pointe & couvert de drap rouge. Après le dîné , il fe promena à cheval dans la Ville , traverfa fur plin fieurs ponts la rivière de Schienkaie, qui arrofe Tauris , & y fournit de l'eau excellente ; vit plufieurs champs de bled , des vergers , & des tombeaux de différentes ftructures , ornés de caractères Arabes. En revenant au Couvent des Capucins, où. il logeoit, il rencontra le Giarcé , où chef des quatre Huifliers, qui publient le prix du pain, & les Sentences prononcées par le Gouverneur & par fon Lieutenant : cet Officier? étoit à cheval , portoit un turban avec une plume blanche fur le front, & deux cornes d'étain, entre lesquelles s'élevoit une efpece de cylindre , couvert de foie rouge & bleue. Le lendemain , Gemelli vifita le L. Paia£S Palais Royal, nommé Chian-Evi, Royal, qui eft un bâtiment médiocre , avec deux jardins où l'on ne voit autre chofe que des amandiers, des abrico- 42 Découvertes " tiers, & différentes fortes de rofej, Ch».Lix' ^ *e rendh eufuite à la Mofquée d'Osmanlu, qui eft le plus bel édifice An. 1*54. l69^ une pièce ronde de marbre blanc, fur laquelle les Chrétiens ne peuvent marcher fans courir le rilque de la baltonnade. s-x r 1 • 1 • s t* Police exe?» Un labrique la monnoie a 1 auns cée a xauiis; de même qu'à Erivan , & l'on trouve dans le voifinage des mines de fel blanc. Tous les foirs, au coucher du foleil, on avertit de fermer les boutiques par ie fon des Tambours & des trompettes : alors les Gardes commencent leur patrouille dansles Bazars ; les Muliahs appellent le peuple à la prière , du fommet des maifons, & tous ces bruits réunis forment un concert affez difcordant. A une heure de nuit, un mauvais tambour avertit les Habitans de fe retirer dans leurs maifons, &, après ce lignai, perfonne ne peut aller dans les rues fans lumière, fous peine de prifon. Le même tambour bat deux heures avant le jour, lorfque la Garde fe retire, afin d'avertir chacun de veiller foi-même fur ce qui lui appartient» ^e mercredi 16 x Gemelli , ac- 5^ DECOUVERTES ■ i m i-n compagne du Supérieur du Monafl ChapLix' tere, alla voir un magnifique Bazar, élevé par Mirza-Sadoc, avec un Ca-An. i<94. javanferajun bain, uncafTé, une foffe Talais & jar- de cinquante pieds de profondeur, Jinsde Taa-foixante de longueur, & quarante de I4, largeur, qui fert à conferver de 1* glace : il y a aulfi un Collége , pour rinftru&ion de la jeuneOe Perfane, Ils vifiterent enfuite la Mofquée, le Caravanfera , le caffé & la glacière bâtis par Mirza-Ibrahim , frère du même Sadoc, & y trouvèrent autant d'élégance que de commodité. Us allèrent au Palais de Mirza-Taer, fils de Mirza-Ibrahim , dont l'extérieur n'eft que de terre , & préfente la plus médiocre apparence : mais dedans ils virent un très-beau jardin, des jets d'eau, des bel veders, un lîa-xam , ou appartement des femmes , & un grand Divan , orné de marbre, & alTez bien peint. De l'autre côté du jardin eft l'appartement d'hiver, avec un petit Divan , joliment peint & doré , il y a aufil d*autres appartements garnis de miroirs, très bien difpofés pour la réflexion. Les pfan-chers font couverts de beaux taris de Perfe, les chambres décorées de des Européens. 45* fontaines d'albâtre , les portes, , les fenêtres & les balcons bien propor- chap.ix. tionnés ; le tout dirigé par les loins & Ip bon goût de Mirzan-Taer, qui A"'t bords d'un précipice. ^chT^ix* Le Docteur ayant appris que le ap' Jus-Bachi , renégat Géorgien , de- An- ,6*4« voit partirincelTanune.it pour Ilpa- Grmrin. han,réfolut de faitir cette occafion g»de Ta»* pour voyager fous fa protection , avec un Arménien Chrétien , nommé Malachie , qui prêta à Gemelli quatre vingt écus lur la parole, quoiqu'il ne l'eut jama-.s vu auparavant. Le vendredi 18 , ils joignirent le Jus-Bachi , qui n'avoit avec lui que douze hommes afiez mal armés; ils marchèrent toute la nuir, & , après avoir tait vingt milles, ils le trouvèrent au point du jour au Caravanfera de Schemli , conftruit par Si hah-Séà, Roi de Perte , & allez grand pour contenir cent Voyageurs avec leurs chevaux. Les Ruttars exigent en cet endroit un abailï pour chaque cheval, mus Gemelli en iut exempt par l'autorité du Jus-Bachi. Après avoir paffé une montagne très-longue , & avoir côtoyé un grand étang rempli d'oyes fauvages , ils trouvèrent deux routes qui condui-fent également à Ilpahan , 6V choili-xent celle qui pafle par Kom & 4$ Découvertes £■« ■ Kafchan. Us firent dix milles dans un G£k"t-' pays bien cultivé, & s'arrêtèrent au village d Agia Aga, ou il y a un bon A». 1594. Caravanfera; mais le Doéteur & Ma-lachie allèrent loger dans la maifon d'un Turc. Dans cette faifon de l'année , les nuits font très-froides en Perfe , quoique les jours y foienc aufli chauds qu'en Italie. Le Dimanche 20 , ils fe remirent en route, à la fraîcheur du foir, &, s'étant égarés pendant la nuit , ils trouvèrent, avec affez de difficulté, un guide, qui les conduifît au Caravanfera de Guilach. Le Docteur manqua de perdre fon cheval, & fit une chute, dont un de fes piftolets fut rompu. S'étant repofés une heure , ils continuèrent leur voyage ; palTerent différents Caravanferas , qui , en Perfe font bâtis à quatre lieues les uns des autres , & vers mi» di, arrivèrent au village de Carachi-man , après avoir traverfé des plaines &des montagnes très bien cultivées, & abondantes en toutes fortes de provifions. «lu'i^reçoTt Quoi<îue les Perfans , en général ; d'un B,cnc-refufent de manger avec les Chré-tiens, le Jus-Bacbi, qui étoit un René^ç des Européens. 49 Renégat Géorgien, invita Gemelli à dîner avec lui , & lui lit le récit chapAx." de fa vie. Il lui dit qu'il étoit un Prince Géorgien , qui vênoit de re- An' couvrer la liberté , après avoir été deux ans emprifonné à Tauris , où on l'avoit chargé de chaînes, fur les faulTes imputations de fes ennemis : mais que le Roi ayant enfin été détrompé , il étoit rentré en faveur, & alloit à îfpaham , où il rendroit fes refpeéts à Sa Majefté, & verroit un de fes frères, qui étoit Infpecleur de la monnoie. Cette hiftoire étoit £lus vraifemblable que réelle : le Jocteur apprit par d'autres Perfans, Îjue le Jus-Bachi avoit été emprisonné pour fes extorfions envers les pauvres Arméniens, fur lefquels il avoit le principal commandement. Quoiqu'il en fût de la vérité de fon hiftoire, il traita Gemelli & Ma-lachie avec beaucoup de politeffe, en leur fervant des poignées de riz bouilli à dîné , & converfant librement avec eux fur la politique du pays. Dans ce village, les Habitants vin- n eft pr7B rent en foule autour de Gemelli, "ourunAqa-croyant qu'il étoit Ambaffadeux de baffcut* Tome IX. Q •Ci I <=.:.'! 1X/ animaux, ce qui n'empêche pas les gens de tous états, de porter des bâ- B tons à la main. Nos Voyageurs logèrent dans un caffé, où ils jouirent de la fraîcheur de l'air, que produi-foit une fontaine , dont ils enten-doient le doux murmure au milieu de la faile. Après le loupé, ils furent joints par dix Turcs de deux Soldats „ continuèrent leur voyage , en fui-vant une plaine aride, & au point du jour,. ils arrivererent à Sultanie, Cette Ville, autrefois le féjouü des Rois de Perfe, eft à préfent, prefque totalement ruinée. Elle eft: fituée dans une vallée, d'environ tïéîë lieues de largeur : elle a beaucoup d'étendue , &.contient dans fon en» ceinte, des terres cultivées, des jardins & un grand nombre de maifons en ruine : celles qui demeurent font très-mal conftruites. Le Bajar eft uner longue rue , le Caravanfera très-médiocre, & l'air y eft très mal fain, parce qu'elle eft environnée de marais. Elle eft gouvernée par un Cham ; dont la jurifdiclion s'étend fur lé pays voifin» £iij ^4 Découvertes ■ ■ Gemelli kit encore exempte à ch-p?îx. Sultanie, par l'autorité du Jus-Bachi, d'une.exaction de dix-neufécus, que Aa'16^- Jui demandoicnt les Rattars. On lo il arrive tfit palTer pour un Franc qui alioit fervir le Roi à Ifpahan , & Ton ami Jtlalachie , pafîa pour Géorgien. La même nuit, ils fe remirent en route, après avoir mis en état les piftolcts , des gens du Jus-Bachi, &ajufté un fauconneau qu'un des Soldats por-toit au Heu de moufqnet. Ils firent vingt huit milles entre les monta, gnes , & le dimanche 17, ils arrivèrent à Habar. Cette ancienne Ville ne paroîc plus que comme un grand labyrin-the de beaux jardins enfermés de hauts murs de terre & de peupliers: on y trouve d'excellents fruits , & les plus belles rofes qui (oient au monde. Rien ne 11 plus agréable que de demeurer en cette laifon de 1 année , au milieu des valles & fraîches folitudes de cette ville , qui eft d'une grande étendue quoique ruinée. Us en parti-rent la nuit fuivante & près le village de Parfein , rempli de beaux jardins, ils rencontrèrent un Seigneur Perfan, avec un Chapar ouMeilager, des Européens. jf ƒ & une fuite de cinquante hommes à n» ■■• « cheval. Ils trouvèrent aulîi une cara.- §JJJJ^? vane de mille chevaux, qui alloit d'Ardevil à Tauris. Us arrivèrent An: LS>v vers midi à- un village nommé Xea<~ ré , où l'eau eft fomache & défagréa-ble, quoique le terroir produife de bon vin & du fruit. Leur journée dii lundi fe termina au village de Saxa-va, fitué dans une plaine fertile;, les maifons en font bonnes & les jardins charmants , avec une grande quantité de noix excellentes. Le lendemain r ils virent quelques animaux fauvages , nommés Geiram ou G attelles , qui ont le poil long comme les boucs , defcendentle foiren feule' dans les plaines, pour y chercher leur nourriture, & le matin, retournent dans les montagnes. Us ne fautent point, mais ils courent contre les chiens , & l'on dit que leur chair eft très-bonne. Après avoir fait douze-milles , les Voyageurs s'arrêtèrent au village de Karafanch, où ils trouvèrent beaucoup de frais dans un verger de grands érables, plantés fur lts bords d'un ruiiTeau. Il n'y a au-«un village en Perfe , qui n'ait ds-même quelque ruilîeau ; ce qui fer- Ç iv 5'6* DECOUVERTES *—- tilife le pays,& produit une verdure Gchap"x. délicieufe à la vue. Ils y dînèrent dans des maifons bâties pour l'ufage An. x^4- des Voyageurs. L'après-midi ils eurent la vifite des Rattars du pays qui admirèrent la culotte de peau de bouc que portoit Gemelli : il n'y a en Perfe, que les Lutcurs qui en ont de lêmblables, & Malachie leur fie entendre que le Docteur étoit de cette profeilion. Ils remontèrent le foir achevai, & firent trente-deux: * milles jufqu'au Caravanfera de Kof-chkeria : le lendemain, ils prirent leur logement au village de Dongh y où ils trouvèrent un Caravanfera d'une conftruétion très-ilnguliere : au lieu que tous les autres ont des cham-. bres à coucher, celui-ci n'efè qu'une fuite d'arcades ouvertes , fous lesquelles les Voyageurs jouhTent de la fraîcheur dans les temps les plus bru lans de l'année. 'Trugalîtédcs Qn voyage à très-bon compte jcjcians. ' * tifan, & foit qu'il bût ou qu'il mangeât avec Gemelli, foit en toute oc-» cafion , il difoit toujours que c'étoit pour lui faire plaifir:.il fe fit même-un mérite de ne point aller fur fou marché,, pour un cheval qu'il vou-loir acheter. Le mercredi, ils arrivèrent à la ville deSava , fituée dan^ une plaine fertile, dont la vueehV très-agréable, quoique les-maifon.ï ne fbient que. de terre. Les: murailles^ qui. ont quatre:mil^de.toux,. f$ D é O O u v e r t E S- -paroiflent ruinées en plufieurs en- ÇCii!ipL'ix5 droits, de menie que le fort, fituc fur le lommet d'une montagne, 8c £n.i.6ni les Mofquée* ne (ont pas en meilleur état. Cette Ville fubhfre particulièrement d'un commerce de petites peaux, dont les Perfans & tous les Orientaux, bordent.leurs habillements. Gemelli & fon ami, avoient promis de dîner avec le Jus-Bachi, dans un village qui lui appartenoit, à une petite dillar.ee de Sava ; mais crai-. gnant qu'il ne voulût les retenir juf-, qu'à ce qu'il eût reçu de l'argent des Habitants , ils continuèrent leur voyage , pendant qu'ilétoit au bain >% & chargèrent fes domeftiques de leuis exeufes» Ce village lui avoit été donné pat le Roi, outre une penfion de cinquante tomans , qui font environ neuf cents cinquante écus. C'eft ainll qu'on attire les Géorgiens hors de leur pays, où. ils pourroient exciter ^des troubles; mais il faut auparavant qu'ils foient circoncis, ce qu'un grand nombre d'entre eux fouffre par intérêt ou par force. Tels é toi ent Je JusBathi cv les gens y qui ne pn* Kom. "de s Européens. felTbient que de bouche la Religion Mufulmane , s'acquittoient fort mal SjS/ix!' des ablutions-& des prières Maho-métanes& traitoient le Prophéte An' l6*#-avec le plus grand mépris. Le Jus--Bachi jura à Gemelli, que fi le So~ phi, ne lui rembourfoit deux cents; .mille écus, que fonemprifonnement lui avoit fait perdre, il iroit à Rome embraflero.it la Religion Catholique,, &.paileroit enfuite en Hongrie, où-il ferviroit l'Empereur contre, le* Turcs^ Le furlendemain de leur départ de ïl fë- r.ra# Sava, nos Voyageurs virent la mon-1 ragne de Giavar-Abad, d'où. les. Perfans difent qu'on ne revient jamais. & le lendemain matin . ayant traverfé' une petite rivière fur un pont de dix arches » ils- entrèrent dans la ville de* Rom, fituée à 3 y degrés de latitude». Elle a dix milles de circonférence:: les maifons & les murs font en très-mauvais état;, par l'effet djss pluit3>; les places, font peu de choie,, les: Bazars médiocres, Riais les Mofquées; font grandes.& belles ^quoique tombant en ruines ; les.Caravanferas.fonc: ©omrnodes/, les campagnes- voiilnes» fexxile^^&J'cuifaf^iquedàns là villes '6o Découvertes » de très-beau chagrin de Turquie, de chap"ix toutes couleurs, pour les babouches oufouliers des Perfans. An.16*4. U y a une Mofque'e que les Per* Tombeaux fans révèrent autant que celle d'Ar- fi&deschah ^ev^ » Parce qu'elle renferme les tom-. ébis. beaux de Schah-Sefî , de Schah-. Abas II , l'un & l'autre Rois de Perfe ; de Sidi-Fathime, fille d'Iman-Hocen , fils de Hali ; & de Fathime-Zuhra, fille de Mahomet. La grande-porte ouvre fur une longue place garnie de boutiques , & l'on voitau-delfus, en lettres d'or , une inscription à l'honneur de Schah-Aba3 II*. Elle donne entrée dans, une cour oblongue, plantée de tilleuls & ornée de quantité de rofes, & d'autres fleurs odoriférentes. A droite-on voit des petites chambres où les pauvres mangent tous les jour3 la yiande, le riz & le pain , qu'ils re-. çoivent comme des aumônes de la Mofquée , fuivant l'intention du Fondateur. I! y a aufîi un afyle , ou ceux qui doivent fe retirent, & font entretenus au grand préjudice du commerce. De la première cour -, on Çafle dans la féconde qui eft- plus: grande-,, plantée égalemencd'aibres^ t> e s Européens, o*r & où font les logements des domef- _ tiques inférieurs- de la Mofquée,- Chap, ix!. Dans la troiliéme font les demeures des Moullahs & Prêtres , avec une An*l65>4* fontaine au milieu II y a une quatrième cour , où l'on monte par-douze degrés de brique t. on y voit la façade de la Mofquée , qui eft magnifique ,.avec trois portes, dont une conduit aux tombeaux , une autre à la falle où l'on diftribue les aumônes, & celle du milieu donne entrée dans la Mofquée, dont le feuil eft couvert de lames d'argent. Les Moullahs étoient en prières ; mais quand ils virent Gàmelli, ils lui firent ligne d'entrer, & le conduifirent avec beaucoup de politeflè autour de toute la Mofquée. Elle eft' de forme octogone, & l'on voit au milieui. le tombeau de Sidi-Fathime , petite-fille-de Mahomet. :• ce tombeau eft quarré . couvert d'un riche tapis d'or te de (oie, entouré d'une grille d'argent, &. éclairé d un grand' nombres de lampes d'or & d'argent. L'inté--rieur de la Mofquée eft d'un très--beaus travail , & la coupole en- eft: peinte, & dorée a fa manière des, iLrab.es,. A droite: eft: là grandlc&Laar 62 Découvertes. *"*--■ bre couverte de tapis , où l'on dik chap.ix.' n'i^ue fes aumônes : du même côté., en montant trois degrés, de en paf- An. té?*, f£nt par dcux portes, on entre dans une grande pièce , d'où un paff'ge conduit au. tombeau de Schah-Sefî.-il eft fait en torme d'autel, élevé de quatre palmes ,. de couvert d'une étoffe d'or. La pièce eft voûtée, de aux côtés font quatre portes , dont une conduit an tombeau de Sidi». Fathime , une autre donne entrée-dans un Cloître, & par la quatrième^ on entre dans-le tombeau de Scharu Abas II, couvert d'une étoffe de foie rouge , de entouré de grands Livres = que lifent les Moullahs. Les murs.' font ornes d'or de d'azur, & le toir •ft de tuiles de divers couleurs , atr*~ rangées avec goût.- s*itc du- 2 Qe Juillet, vers le coucher iroyage juf-du Soleil, nos. Voyageurs partirent *i4Ca;iu*. £je £orn>& apj-ès avoir fait douze milles, ils s'arrêtèrent dans.un grand village, nommé Kaffum-Abad. Le lendemain Samedi, ils firent quinze-milles dans un pays fablonneux de: ftérile , qui les conduifit au Caravanfera d'Abchirin , c'eft-à-dire d'eait Jraîçhe, £arce qu'il. yv en. a une ci— r>Es Européens. 63 terne j mais on n'en trouve pas une feule goûte cinq lieues à la ronde, " n:[ eniorte que les chiens &i les autres animaux y meurent fouvent de foif. A"* Ils en partirent le foir, paflerent par Naflar-Abad , ville entièrement détruite , où ils virent feulement les reftes de quelques beaux bâtiment0» Ils s'y arrêtèrent en plein air julqu'aa point du jour du Dimanche , fe remirent en route, & arrivèrent deux heures-avant la nuit à Cachan. Cette Ville , qui eft gouvernés par un Cham, a environ trois milles de longueur; les bâtiments en font paflables. Les Bazars font clair & Jbinn diftiibués, les Caravanferas bien bâtis , avec de grandes cours -, & au milieu de quelques unes, il y a des fontaines, autour defquelles les -Marchands placent leurs lits- pendant: l'été, pour jouir de la. fraîcheur. Le principal commerce de Cachan , eft en étoiles de foie, ce qui y attire ur> nombre infini de Marchands , tant des Indes, que des. autres parties de i:A{]"e/. Gemelli & fon Compagnon, ,vif£-terent la mailon & les jardins dm &oi, qui fQntdaRS.le3ToiSnage.de.Ui 64 Découvertes ■ ville. Un petit ruiffeau pajfe par un i!ï:ipîït dcs îarains > & les bords en font plantes de pins & de plufieurs au-An. i6p4. tres forles d'arbres rangés régulièrement; ce qui fait voir combien le goût des Perfans l'emporte fur celui des Turcs. La façade de la maifon du Roi, eft garni de briques de di-verfes couleurs, fuivant l'ufage du pays , & les logements en font très-beaux. Il y avoit devant une troupe de Cavaliers, qui formoient un allez beau coup d'œil, par la variété de-leurs coérfures ; les uns ayant des» turbans , d'autres des bonnets, d'autres des plumes de diverfes couleurs,. Us forcèrent nos Voyageurs de rendre leurs refpeéts à genoux à ce palais , comme à un lieu royal &: facré. ReTrrroirj II partirent le foir du même jour j^schach-^ furent très-incommodes en route ». par un vent chaud qui les obligea de temps en temps, à mettre ua, mouchoir mouillé fur leurs vifages** Après quatre heures de marche ils arrivèrent au Caravanfera de Guaiaiour-Abad, dans des montagnes folitaires. Six milles-plus loin-,, ils trouvèrent les réfervoirs conf— fruits par le Roi de.Perfe,, Schahr des Européens. 6*5" Abas II, pour fournir d'eau à la « ville de Cachan pendant l'été. Ils ^£p!m font fermés par un mur de cent pas de long, de trente de large, & de cinquante de hauteur, qui s'étend entre deux montagnes, pourconfer-ver l'eau de pluie pendant l'hiver, & il y a fept ouvertures pour en faire la diftribution. Le lundi, ils firent fîx milles avant Gemdtî ar. le point du jour , & s'arrêtèrent au1^ a v.liage de Corou, dans les montagnes , où l'on ne trouve pas un feut pied de terrein fertile; mais les vallées font pleines d'amandiers, ainft que de toute autre lorte de fruits excellents. Après avoir palfé ces montagnes, ils traverferent une plaine aulli ftérile ; enforte que dans l'ef-pace de trente milles, ils ne virent p?s un feul village, quoiqu'ilsappro-chaffent beaucoup d'I'pahan»Le jeur di, ils fe logèrent de grand matin, dans le Caravanfera d'Agaka Mala, qui eft à neuf milles de Corou: mais comme i's vouloient arriver promp-tement à la capitale, ils partirent le lendemain de bonne heure, & après cinq heures de marche, ils paf* üerent dans un village ruiné, qu'on ïf>6 Découvertes ■ 1 nomme Mixacor, continuèrent â ehapS/ marcner après le lever du foleil, & s'arrêtèrent à Galî, Caravanfera bâti An. par le Roi ; leurs chevaux étant ex-celîivement fatigués d'une fï longue traite, par un pays auflî fec que ftérile. De Gah* àlfpahan, la campagne eft fertile, produit de toutes fortes de grains & de fruits, & eft ornée de villages & demailons de plaid fance. L'après midi, ils fe remirent en marche & furent bien-tôt à la vue dlfpahan , qui, de loin , paroît un grand bois : ils marchèrent encore quatre heures-, & quand ils y furent entrés, ils allèrent loger chez les Pères Portugais de Saint Auguf-tin, qui les reçurent avec la plus-grande politefTe, & leur donnèrent les plus beaux appartements qu'i's euflent. Ces Religieux vivent très-bien, mangent les meilleurs mets que le pays produit , apprêtés par des.Cuifï-ùers Portugais, ôz font fer-vis par do le hommes, dont les uns font Arméniens, les autres Arabes, & quelques-uns Noirs,. î) e s Européens. 6*7 CHAPITRE X. Defcription iPIJpaHan, & de ce qiCon y poil deplus remarquable* TSpahan, qu'on nomme en lan» gemeiu, Ji. s; ue Perfane Spahon ,eft fitué dans chaP- x-la Province deHierak, qui faifoit An.1694-autrefois partie de l'ancien Royaume Dcfcript:0 des Parthes. Quelqu-rs-uns croyentd'iipaiuu. que cette ville a été bâtie fur les ruines d'Iîecatompolis; mais il eft évident qu'elle a été formée par l'union de deux petits villages , qui ont, juf-qu'à préfent, confervé leurs radiions féparées, &ont eu des difputes, lou-vent terminées par quelque batterie. Quand les Ro.s de Perfe tenoient leur Cour à Cafbin ou àSultanie, Ifpahan n'étoit guères plus important qu'un village; mais Schah-Abas y tranfporta le fiege de fon Empire , attiré par la fertilité du terrein, qui eft arrofé de divers canaux,, tirés do la rivière Senderou. La circonférence des murs eft d'en» viron douze milles : ils font conf-*iui:s en terre avec de petites tours * 0*8 Découvertes ..... & un foflé de peu de profondeur; Gcha"x' rempli d'eau, près duquel on voit plufieurs allées d'arbres, qui four-An. 165,4. niffent une ombre agréable. Il n'y a pas de promenades autour de la ville à caufe des murs des jardins, & des autres bâtiments contigus aux murailles : fi l'on y compréndi Zulfa & les autres fauxbourgs, avec les jardins qu'ils contiennent, le tour d!f~ pahan feroitalcrs à peu prés de trente milles. Cette Ville a dix portes j les rues en font étroites, tortues Ôc inégales, & fi l'air du pays n'étoit pas naturellement très-fain, la faletér & la boue qui y féjournent, y oçca-fionneroient beaucoup de maladies» Comme elle n'eff. point pavée, la poufliere, en été, & la boue, en hiver, y font également infupporta-bles. Quoiqu'il y ait des gens établis pour arrofer les rues trois fois par jour, ils ne le font gueres que dans l'Atmeïdan ,. &dans celles qui font habitées par de riches Marchands r mais l'hiver, la pluie qui détrempe les immondices qu'on jette des maifons , le fang des tueries, &: les béte3 mortes qu'on laiffe dans les places-publiques,, en rendent le iéjoux fort des Européens. 6"o peu agréable. Les maifons ont prel- ———— que toutes des murs de terre, avec chap.Lx.' des rangs de briques non cuites, de quatre palmes en quatre palmes. An-x6**' Il es ont ordinairement un portique au milieu, & une fontaine ou une citerne. De trois côtés, il y a des fenêtres vérs le toit, & au-defibus, de petites pièces où. Ton peut jouir de la fraîcheur de l'air. Dans l'intérieur de la maifon, on trouve uue grande chambre, où il y a des couffins 8z des matelats, foncés de coton, pour fe reposer; mais le plancher eft couvert de tapis, proportionnés à la qualité du propriétaire. Il eft \rare que les palais des Seigneurs ayent plus de deux étages, & de chaque côté du portique , on trouve deux cham-' bres voûtées, ornées de peintures de plufieurs couleurs , dans le goût Arabe. Les toits font plats comme à Naples, &l'on y couche en été, à caufe de la grande chaleur. Ils font de terre, mêlée de chaux & de paille hachée, fur quoi l'on place des bri- Î[ues cuites, & en hiver on a grand oin de ne pas y laiiTer amaffer la neige, crainte de les trop charger, &es meubles des appartements fonj; 70 Découvertes —1 cie très-peu de valeur, excepté dans Gchwx ' 4Ll€'clLies"Lins SP* fervent à recevoir les vifïtes. An. Ifpahan eft fi peaplé, tant à caufe râlais & du bon air, que par rapport à la Sun! dlf"grande étendue du commerce, quilj difentque cette ville contient la moitié du monde ; ce qui n'eft pas fans raifon , tant par la diverfité des langues qu'on y parle, que par la ri-cheffe prodigieufe des Bazars & des boutiques de toutes fortes de mar-chandifes. Entre autres curiofîtés , on y remarque la tour de Monaj Kalé, bâtie par Schah-Abas le Grand, & couverte des os des bêtes fauvages qu'il tua dans une chaflè. On rapporte qu'un des Ouvriers lui dit qu'il rnanquoit une téte pour rendre l'ouvrage complet, & qu'il fit auflî-tôt couper la fienne pour y mettre. Elle a de hauteur environ quatre-vingt palmes & quarante de tour. Gemelli vit enfuite la maifon de la Compagnie Hollandoife , où il trouva l'Agent qui tiroit des tourterelles dans un jardin délicieux, orné de fontaines & de belles allées d'arbres. Il le régala d'excellent vin, & lui montra dojjze des plus beaux chevaux $ç dis Européens. 71 juments, tant pour être pleins de vigueur , que pour les taches curieu- ch*p.x.' fes de diverfes couleurs dont leurs corps étoient couverts. 11 lui fit voir An*1 9* auflî des faucons dreflés pour la chaflè de toutes fortes d'oifeaux; cet a^u-fement étant l'un des plus grands chez les Perfans. Le Docteur parcourut enfuite à cheval, les plus belles rues & les Bazars, où il vit de riches boutiques remplies de toute efpece "de marchandife, La principale rue eft celle qu'on nomme Schiarbach : elle a un mille de longueur, depuis le palais jufqu'aux jardins de Zulfa : une portée de moufquet de largeur, & l'eau coule au milieu , dans un beau canal de pierre, qui s'élargit â quatre endroits, 8t forme comme autant de réfervoirs. Des deux côtés du caaal ; on voit deux rangées d'arbres, nommés Tchinars, avec un parapet pavé deffous , de quatre pieds de large & d'autant d'élévation, pour qu'ort puilTe s'y promener à 1 ombre, fans être incommodé par les chevaux,. Les Perfans y vont en grand nombre , fe divertir à fumer ou à manger du fruit dans des boutiques fort pro-»-pres, dont ce parapet eft bordé» D* 72 Découvertes ■ l'autre côté de la rivière Sanderou, up x' ' ce'tc même avenue eft continuée l'eu pace de deux milles , &elle eft bor-1,1dée de maifons de campagne & de magnifiques bâtiments, jufqu'au g^pd jardin du Roi, appelle Azar-Gerib, qui a trois milles de long & un mille de large. Ce jardin peut erre comparé aux plus fuperbes de l'Italie, tant pour l'écendueque pour la beauté des arbres, & pour la variété des fruits & des fleurs. Aux quatre angles, on a élevé quatre belles tours qui fervent d'ornement & de colombiers. Au milieu du jardin eft un canal de belles eaux, qui cou« lent lentement, fuivant la déclivité du terrein, & réflechiiïent la déli-cieufe verdure des Tchinars dont elles font bordées. Sur la hauteur, on \oit deuxj pavillons peints pour les femmes du Haram, qui vont s'y amufer;& ont aufîî un petit bateau pour fe promener fur le réfervoir, Aflez près de ce jardin , on trouve le parc, où l'on garde plus de vingt lions, tigres & autres bêtes féroces, II y a auflî trois pars, animaux à peu près de la grofïeur d'un chat, & qui fçrvent à çhaifer le daim & d'autres bêtes bes Européens. 73' bêtes fauves. On lâche les Pars après "* elles, quand les faucons étendus fur cpap.x.' la tête de la proie , lui couvrent les t m An, 1694,] yeux avec leurs ailes. L'Atméidan mérite d'être remar- jgjj'*»* que par les Etrangers, d'autant que c'eft un des plus beaux édifices d If-pahan. Il a été bâti par Schah-Abas, fur le modèle d'un autre , où demeu-roient les Princes du fang royal, mais qui eft préfentement tombé en ruines. La place a un quart de mille de longueur du nord au fud, & à peu près la moitié en largeur, de l'eft à l'oueft. Elle peut être comparée aux plus belles de l'Europe , ü elle ne les furpaGTe par l'uniformité & la beauté des arcades , par les boutiques & par les croifées du fécond étage , ainfi que par beaucoup d'autres avantages. Les boutiques fer-, vent pour le commerce, &l'on ha-" bite les appartements au-defïus; les uns & les autres fènt également voûtés. Près de l'Atméidan , eft le palais du Roi, qui a deux parties principales , dont une conduit à unegrande rue, où l'on trouve de petites chambres pour recevoir les Criminels qui s'y réfugient. A,u bout de cette rue^ Tome jX. JX 7-f Découvertes - eii: une porte, nommée ïlaii, fur le *euil ^e laquelle on voit une pierre ronde, fore refpeétée des Perfans. "l6>4' Au-deffus, eft un grand balcon quar-ré, dont le plafond eft artiftement peint & doré, foutenu par vingt colonnes de bois, ornées de même. Ce balco# eft ouvert de trois côtés , & le quatrième eft occupé par le trône du Monarque, qui s'y rend ordinairement, pour voir les réjouifiances publiques qui fe font dans la grande place. La plus amufante eft celle de l'arc : le Roi fait fufpendre une coupe d'or à un arbre, pour fervir de ré-compenfe à celui qui, après avoir pafte l'arbre au grand galop, tourne tout-à-coup & le frappe d'un coup de flèche. L'autre porte, nommée porte de Juftice, eft gardée par plufieurs compagnies d'Infanterie & de Cavalerie. Devant ces deux portes, il y a cent dix pièces de canon, qu'on y a apportées d'Ormuz , quand cette place fut prife fur les Portugais ; mais ce ne font que des fauconneaux excepté quelques pièces moyennes. Au-delà de ce front de canons inutiles , eft un portique , qui conduit à la porte de derrière du palais, par ou des Européens.. 75* Ton apporte toutes les provisions. — Vis-à-vis de cette porte eft un bâ- G£2JSJ; timent fermé , ou font toutes les différentes fortes d'ouvriers , particu- Ah*x6** lierement de francs, qui travaillent pour le Roi. Au fuel du palais, on trouve la Mofquée du Roi, avec un très-beau frontifpice couvert de petites briques de diverfes couleurs, Se deux tours aux côtés, terminées en forme de turbans. La première porte conduit dans une cour ou cloître de forme irréguliere ; la féconde, couverte de plaques d'argent, donne entrée dans la Mofquée , qui eft toute peinte à l'Arabefque, & dorée ; en-forte que les voûtes le difputent en beauté avec le pavé , quoiqu'il foit couvert des plus riches tapis. La moitié de la place eft employée comme un grand marché; mais la partie du côté du palais eft libre & fans boutiques ; parce que le Roi y va quelquefois voir la chaiïe aux taureaux & aux autres bêtes fauva-ges : mais de temps en temps des Bateleurs & des Charlatants fe mettent dans cette place, où ils amùfent le peuple par leurs tours & leurs bou-fonneries. Depuis le palais jufqu^ 76" Découvertes l'angle me'ricjional, toutes les arcades GçjJ*Et j ' f°nt autant de cafFés très-fréquentés ; 1 ■A* ]es jjervis s'y rendent matin & foir, An- iô*4- & y déclament iufqu'à ce que leur bouche en foit écumante, pour quelque petite récompenfe qu'ils reçoivent enfuite des Spectateurs. r>«caravan- Les Arméniens ont leurs bouti- feras royaux, ques près de l'Atméidan, dans le quartier des Caravanferas royaux, fondés par la mere de Schah Abas fécond. Ces Caravanferas, de fondation royale , font de beaucoup préférables aux autres. On n'y eft pas reçu gratis, mais les effets y font bien plus en sûreté, d'autant que s'il fe perd quelque chofe, le Concierge en eft refponfable, ainfî que de tou* tes les marchandifes qu'on y vend à crédit, enregiftrées fur fon livre, au moyen d'une rétribution de deux pour cent, qu? levendeur lui donne, ce qui rend le Concierge garant de la totalité rfo prix. Au nord de l'Atméidan , on voit deux pilliersde fept palmes de haut, & autant éloignés l'un de l'autre, pour jeuerau mail à cheval, ce qu'on fait en frappant la balle au grand galop, pour la faire paffer entre ces pilliers. ©es Européens. 77 Le lundi 10 , Gemelli retourna à "' l'Atméidan , voir un Chattar ou Cou- Jjjf^.jk reur,qui devoit faire fes preuves, pour être reçu au fervice du Roi.. Il An'l6yv avoit une culotte courte & ouverte , Epreuve i d un v^hû.- comme nos Coureurs les portent, tar ouCou-avec trois fonnettes pendues à fatcuc. vefte : fes jambes & fes cuififes étoient nues & frottées d'une efpece de graïf-fe, pour prévenir la laflitu'de; de même qu'autrefois, ceux qui s exer-çoient à la lutte , commençoient par fe frotter d'huile. Il courut depuis la porte d'Ala Capi, jufqu'à une pierre qui étoit fur la montagne, à trois milles de la ville ; fit la même courfe fept fois (ans manger, mais en buvant de temps en temps, prit chaque fois un petit drapeau placé près de la borne, & fut enfuite reçu au nombre des Chattars du Roi. Le Mercredi 21 , on apprit que Mort du Roi le Roi étoit tombé malade, ou plu-defc c* -tôt qu'il s'étoit trouvé plus mal des attaques d'apoplexie auxquelles il étoit fuiet, parce qu'il buvoit trop de vin. Tous les jours, auOi-tôt qu'il étoit éveillé , ce Prince commen'çoit à boire , & quand il ne pouvoit porter fon verre, fes Echanfons lui fai- Diij 78 Découvertes » 1 ■ ioient avaler trois rafades : revenu Gbmblu, un peu à lui, il en buvoit trois autres Ciiap. A. Y > . de la propre main , julqu a ce qu ac-An. HÎ54. ca^]c parles fumées du vin, il re-tomboit & s'endormoit : c'elt ainfi qu'il pafloit les jours à dormir & à boire : quand il ailoit au Confeil, il fe taifoit toujours apporter du vin , s'endormoit (ouvent pendant la féan-ce , & l'afiembiee le rompoit fans qu'on eût terminé aucune affaire. Craignant alors pour fa vie , il ordonna de distribuer aux pauvres, trois mille fept cents Tomans, & fit donner ordre aux Gouverneurs des Provinces, de remettre en liberté tous les Prifonniers du Royaume. Au milieu de la femaine , la mort du Roi fut rendue publique vers midi, les Eunuques & le Kilar-A^afi , pa-roilTant avec leurs habfts déchirés, ce qui eft la marque du deuil chez les Perfans. Le corps fut porté le même jour dans un jardin, où il lut lavé dans une fontaine, par le CafuN Bachi , ou Chef des Laveurs de corps , qui n'exerce jamais cette fonction qu'à la mort du Roi, ou elle lui vaut cinquante Tomans , r-vec les habits, & tout ce qu'on trouve-. bes Européens 79 fur le Monarque défunt. Quand le ' corps lut lave, on 1 étendit dans thjp>x< une chambre, fur un tapis , pour le tranfportes enluite a Kom , ou font les tombeaux de fes ancêtres. Le Médecin qui l'avoit gouverné pendant fa maladie , fut arrêté pour être mis à mort, ou banni, fuivant l'ufage de la Cour de Perfe. Schah-Soliman mourut âgé de Pöwvr <ƒ« cinquante-trois ans , dont il en avoit" nai" régné trente. Il étoit fils d'une Géorgienne, & comme il avoit parlé fa vie ,avant demonter fur le trône, avec les femmes & les Eunuques noirs , il n'y avoit reçu que des leçons de cruauté ou de débauche. Pendant plufieurs années , il s'étoit livré à fes difpofitions fanguinaires , en faifant mettre à mort plufieurs Seigneurs de fa Cour, pour des fu-jets très-légers. Enfuite il fe livra totalement à l'ivrognerie 5c aux plai-firs du lïaram, ne conferva que lo nom de Roi, & laiffa toute la charge du Gouvernement à Mirza-Taher, fon Grand Vizir, âgé de quatre-vingt ans, mais tellement adonné à l'avarice , qu'il ne confidéroit que ceux qui lui donnoient le plus, & avoit Div $ö Découvertes quelquefois la baffeue de recevoir un Gemelli, * Chap.x. ÇCU* Les préparatifs ayant été faits •An. i«?4» p0ur le couronnement du nouveau Roi, il fut décidé, par ordre des Aftrologues, que le vendredi, à fepc heures du foir, on couperoit les robes pour le couronnement , & le lendemain , le Monarque fut proclamé. Les AmbafFadeurs furent confinés dans leurs maifons, & Ion défendit à toutes perfonnes de fortir de la ville, jufqu'à ce que la cérémonie fût achevée. Ses'funç- Le Dimanche premier d'Août, *aUici' on fit les obfeques du Roi défunt. La marche étoit ouverte par cent chameaux & mulets chargés de confitures & d'autres provifions pour ceux qui accompagnoient les funérailles. Le corps fuivoit dans une grande litière couverte de drap d'or, & portée par deux chameaux. A côté, étoientdeux Officiers qui brû-loienr les parfums les plus précieux dans des calTolettes d'or, & une multitude de Moullahs qui récitoient leurs prières avec grand bruit. Il y avoit à la fuite, une autre litière pour en faire ufage, s'il arrivoit quel- ces Européens. 8r que accident à la première, & elle — étoit lùivie de tous les Grands de la G(gj5S;t£* Cour, à pied, en habits déchirés. A mefure qu'ils palTerent dans la An' Ville, on entendit de grandes lamentations, le nombre de ceux qui ac-corapagnoient le cortège , augmentant de plus en plus, jufqu'au nombre de dix mille perfonnes. Ils s'arrêtèrent dans un jardin, environ à un mille d'Ifpahan : on fe remit en marche à une heure de nuit, pour la ville de Kom , & il vint de toutes parts , fur le chemin, des Payfans qui fe tailloient la chair d'une manière barbare , pour exprimer leur douleur. Le mardi , on fit le facrifice du SKjiGccâ* chameau : il fut conduit par deuxchacucau* Exécuteurs, fuivis du Deroga, qui le promenèrent par la ville, jufqu'à un grand champ, nommé Mufaila, qui eft un cimetière de Turcs. On attacha cet animal par les jambes , il fut étendu fur la terre, le Deroga mit un bonnet de Sophi -y le frappa d'un coup de lance. Un Exécuteur lui coupa la tête , avec une hache, pour la préfenter au Roi, &le corps tut abandonné aux gens du peuple, Dv S 2 Découvertes r qui fe tuent presque les uns les autres Chap!x' ' Pour en avoir un petit morceau, qu'ils mangent avec grande dévo-Ani6»* cion. Les Pei fans font fous les ans cette céiémonie en mémoire du fa-crifice d'Abraham: mais ils difent que c'étoit Ifmaël qui devoit être facrifié, &que Dieu envoya un chameau & non un bélier, pour être immolé en fa place. ConttrmM Près dTspanan eft un village de JcsGaures. Gaures, que quelques- uns regardent comme faifant partie des fauxbourgs; c'eft une grande rue, d'environ un mille de long, habitée par des gens de cette race , qui fubliftent de la culture des terres. Quoique très-ignorants , ils croyent en un feul Dieu > . Créateur de toutes chofes , & n'adorent pas le feu; mais ils le révèrent feulement, parce qu'ils cKfent qu'Abraham échappa , fans aucun mal, de celui où il fut jette, par ordre d'un Roi des Chaldéens , fuivant i'inter-, prération qu'ils donnent à ces mots : 5) Je fuis le Seigneur ton Dieu y >» qui t'a retiré de i'Ur des Chal-33 déens •'». Ils prétendent être les defc tendants d'Abraham & des anciens Rois de Perfe. Quand ils fe marient 3 ©es Européens. 83 Vaccordé & l'accordée paroiïîent de---* vant le Prêtre, qui, en preience ûe ciiap.x. plulïeurs témoins , reçoit le confen-tement des parties : eniuite il leur ~ lave le front, & prononce certaines paroles , après quoi ils ne peuvent êtreféparés fans caufe légitime. Lorf-que quelqu'un d'entr'eux meurt, ils portent le corps dans un endroit environné de murailles y près de la montagne ils l'attachent droit contre un poteau , font des prières pour l'ame du défunt , de demeurent juf-qu'à ce que les corbeaux viennent fur le cadavre pour le manger. S'ils commencent par l'œil droit, ils enterrent le corps , & reviennent avec joie ; mais s'ils tirent l'œil gauche le premier, ils font inconfolables,5c s'en, vont fans l'enterrer.Leur habillement ne difrére point de celui des autre* payfans de Perfe ; celui des femmes eft tres-modefte ; elles portent des juppes comme les Italiennes , &. deftbus elles ont des caleçons & des fouliers à la mode de Perfe. Leur tête eft couverte d'une pièce d'étoRe de foie & deiin : à leurs narines pendent des anneaux d'or ou d'argent, un peu plus petits ciue ceux des Arabes». D vj 3i Découvertes ■" Zulfaou Giolfa.eft auffi regardé ïha^x.' comme un Qes fauxbourgs d'Ijpahan, dont il n'eft féparé que par la rivière An. 16*4. Sanderon , 5c les jardin* de l'un fern-Defrtiptjon blont n'être qu'une continuatiou des maux* ,1csgranas jardins de l'autre. Il a trois AiiDémeus. milles de longueur , & neuf de tour; eft habité par les Arméniens, qui s'y établirent en conféquence des ordres de Schah Abas le Grand , quand la guerre étoit le plus vivement allumée entre les Perles & les Turcs. Les maifons lont belles en dedans, quoique de terre en dehors : les rues plus nettes & plus droites que celles d'Is-pahan , avec de longues allées , de grands Tchinars de chaque côté , & un canal au mîtieu , où l'on trouve un grand nombre de très-bons cancres. Les Arméniens qui y demeurent font gouvernés dansles matières civi-par un Kalenter , ou juge de leur propre nation, qui ré^le aufli ce qu'ils doivent payer au Tréfor Ç.oyal ; mais dans les affaires criminelles, le Roi ait exercer rigoureufement la juftic par fes ordres immédiats. Ce font les Sujets les plus riches detoute la nation , àcaule du grand commerce qu'ils lont dans les pays étrangers, t> e s Européens. 8 y* particulièrement en foie. Pour le ■■ fpirituel, ils font gouvernés par un GcEhMap''XV Archevêque, quÉcftindépendant du Patriarche , & qui a quatre Evéques Aa< l6s4' futiragants. Les Arméniens parlent la langue des Turcs & celle des Perles ; mais quand ils é*. rivent ils le fervent de deux fortes de caractères, les uns pour le culte religieux, les autres pour l'ufage vulgaire. I! n'y a que très-peu de Catholiques, & encore moins d'enfants inftruits dans cette Religion, parce qu'aufîi-tôt que les Prêtres en ont connonnoiffance , ils excommunient les parents. Les femmes Arméniennes font très-belles fans aucun fecours de l'art. Elles fe couvrent la tête d'une coëffe de toile blanche très-fine qu'elles nouent fous le menton, elles trelTent leurs cheveux, & les laiflent tomber furie dos dans une bourfede velours : les plus riches portent- de l'or & des joyaux, comme dans tous les pays. La vie des Archevêques eft très-auf-tère : quelques uns ne mangent de la chair & du poiffon que quatre ou cinq fois par an ; & dans tous les autres temps, ils fe nourrilTent uniquement d'herbes & de racines. Les Lkiç% 86* Découvertes ——— même , ainiï que les Eccléfiaftiques; çbaSx!' ontfïx mois & trois jours de jeûne dans l'année, pencNfct iefquels ils ne An. 1654. mangent qUe du pain & des herbes crues. Leurs grandes fêtes font le , jour de Noël, l'Afcenfion .l'Annonciation de la Sainte Vierge & Saint George : il arrive fouvent qu'avant ces folemnités , ils s'abftiennent de manger pendant deux ou trois jours y particulièrement pour Saint George qu'ils révèrent avec la ■plus grande dévotion. Les Arméniens marient leurs filles très-jeunes , & prefque dans l'enfance , crainte que le Roi ne les faffe enlever pour fon Haram. Ce font ordinairement les mères qui règlent les conventions , & elles en font enfuite part à leur mari.. Quand tout eft conclu, la mere du garçon va avec deux vieilles femmes & un Prêtre chez la mere de la fille, & lui donne l'anneau de fon fils: il vient en fuite lui-même ,& ehV béni par le Prêtre , conjointement avec la fille. Quand on veut célébrer les noces , le pere du mari envoie les mets trois jours avant chez 1$ mere de la fille : le lendemain le malie envoie un habillement à fa ma.» d e 5 Européens. 87 riée , dont la mere donne aufli un ■ mm1 m habit au garçon , après quoi elle lui ctaj!*" remet fa fille. Quand un Arménien meurt , le An'l6*4* Mordichion*. ou laveur de corps , Leurs ceré- \ 1» . , mi ' 1 1 j moniesfuuc- après lavoir dépouille , le lave dansas, une eau bénite, après quoi on lui met une chemife neuve de toile de lin, & on le coud dans un fac. Enfuite on le porte , accompagné de tous les parents, dans l'Eglife , & on le laiiTe toute la nuit devant l'Autel avec des cierges allumés autour. Le lendemain matin, après la Mefle,on le porte de- . vant la maifon de l'Archevêque ou de rtvêque, pour qu'il dife l'Oraifon Dominicale fur le corps r enfin on le conduit au tombeau , l'Evêque jette deiTus une poignée de terre, en difant trois fois : « Tu es forti de 33 terre, &tu retournes en terre : de-» meure ici jufqu'à l'avènement du 3> Seigneur ». On remplit la folTe, & tous les affiliants fe retirent. Les Arméniens font fermement attachés à leurs anciens ufages & à leur Religion y & malgré toutes les perfécu-tion élevées contr'eux par les Maho-métans, il y en a très-peu qui em-bralTent celle du pays, quoique pax 88 Découvertes * 1 fon apoftaiie un Arménien acquière chap.Lx/ t0US *es °iens de fes parents , ceux 169+. même de fon pere , qui ne vit enfuite Àn' que des dons du fiis. couronne- Le vendredi 6, ayartt éré déclaré tcau'Aol°U Par fes Affrologues le jour fortuné pour le couronnement du Roi, on publia un ordre d'illumi&er toutes les boutiques dans les Bazars , 8c d'entretenir cette illumination toute la nuit, fous peine d'une amende de douze Tomans. Cependant elle n'avoit rien d'extraordinaire , & l'on eut foin feulement d'entretenir quelques chandelles allumées dans chaque boutique. L'heure favorable étant arrivée , quoiqu'elle fût très-défagréable, à caufe de la pluie qui tomboitabondamment; c'eff-à-dire, à une heure & demie après minuit „ on entendit un bruit difcordant de ^Tambours & de Trompettes, parce que Schah-OfFens'afFeyoit aioi's fur le Thrône, & il n'y eut pas d'autre cérémonie pour l'inauguration d'un • aufli puiflant Monarque. C'eft aufli mal-à propos qu'on lui donne le nom de couronnement, puifque les Rois Mahométans ne portent pas de Couronnes, & que le tout conüïte à des Européens. 89 recevoir l'hommage de la Noblefle. ■■ ■■ Le famedi 7, le nouveau Roi dé- çJÏÏÎx.' fendit l'ufage du vin , fous peine de mort, en commençant par fon pro- An-l6'->7' pre Palais, où il fit brifer tous les^fj^^ vafes que fon pere avoit fouillés de cette liqueur. Il eft probable que cette févérité ne fut pas de longue durée, puifqu'en ce pays l'ivrognerie eft annexée au Thrône, & qu'elle pafte comme un héritage d'un Prince à fon fuccefïeur. Le lendemain, le fils du Grand Mogol envoya au Roi un préfent de la valeur de trente mille Tomans : il étoit cpmpofé d'un éléphant, d'une bai ?;noire d'argent, & d'une grande corbeille d or , garnie de joy. ux , à la manière de Perfe. Le lundi , leMonaïque parut en pu-bl ic , avec un habillement rouge, après avoir diftriHué deux mille riches vêtements à la Noblefle & aux Courtifans, à chacun fuivant fon rang & fa qualité. Le jour fuivant, deux miférables furent furpris buvant du% vin , & quoiqu'ils proteftaflent qu'ils n'avoient eu aucune connoiflance de l'Edit , ils furent ballonnés cruellement fous la plante des pieds dans l'Atméidan, jufqu'à ce que les on- $0 Découvertes' gles leur en tombalTent, encore nom* *cfiiapL x.* ma-t"on cette exécution un châtiment miféricordieux en faveur de An i*5>4- ]eur ignorance & de leur fimplicité, il donne Le mercredi 11 , le Roi fit les "c publique, marnées . c'eft^-dire , qu'il donna audience publique , & un grand repas. Les Ambaffadeurs entrèrent par la porte d'Alà-Capi, au fon de l'harmonie difeordante , montèrent par quatre degrés dans la falle d'audience, 1 qui eft fort longue, & dont le pla-•' fonds eft peint & doré, & foutenu par quarante colonnes. Cette longueur eft partagée en^trois parties, dont chacune eft d'un degré plus élevée que la précédente; afin que la no-bleiïe puifîe s'y placer , chacun fuivant fon rang & fa qualité. Dans la partie la plus haute, eft le trône du Roi, élevé de quatre palmes au-deiîus du plancher; il a environ huit pieds en quarré. Le Monarque étoit afîis fur un coulîin de brocard, & ap-gpuyé contre un autre. A fa droite & a fa gauche, il y avoit dix Eunuques debout, qui portoient fa pipe, fon cimeterre, & plufieurs autres chofes. Quand les Ambaffadeurs du Pape, & du Roi de Pologne entrèrent, le d e s Européens. $ i maître des cérémonies leur fit pofer ———— le front en terre , & ils en firent de c\lJp!'x7 même quand ils approchèrent du troue : le Roi leur fit ligne de s'af- An* feoir avec toute leur fuite. Après environ une heure d'audience, on fer-vit le repas : la table fut couverte à la manière du pays, '& chacun s'é-tant afiis les jambes croifées , on donna à tbus une nape ou ferviette I de foie, avec une peau par-deflus. ! On fervit» d'abord plufieurs fortes de fruits & de confitures dans des plats d'or, enfui te on apporta trois grands badins de pilau, rouge , blanc & jaune , garnis de poulets & d'autres viandes , qu'on diftribua dans des affrètes d'or. Le Roi fut fervi de même à une table couverte d'un tapis d'étoffes d'or. Chacun mangea "en grande diligence, fuivant l'ufage j du levant, & quelques-uns burent beaucoup de limonade & d'eau-roie, avec du lucre candi. _ Le Mardi 17 , le bruit fe répan- : 11 *p?Wnè dit que le Roi apprenait à monter kmoute,: * . à cheval dans fon jardin , parce qu'il ' 3 * j avoit été renfermé dans le Haram, dès fon enfance, fuivant la coutume delà Cour de Perfe, où l'on ne donne #2 DéCQUVER tv€ S • » ' » aucune 'inftruction à celui qui doit gemelli, monter fur \e trône, puifqu'on le cache même a tous les Grands du An. i«9+. Royaume. L'art de monter à cheval lui eft néceiTaire pour paroître en public, parce que l'ufage eft qu'il ne fort jamais autrement : aufli tant pour le Roi que pour les femmes du Haram , les Eunuques & d'autres Courtifans , entretiennent quinze cents chevaux, dont les plus beaux ont des mangeoires d'or , & les pieds attachés avec des clouds du même métal. Allez près deZulfaeft le beau jardin de Saratabat, qui .communique avec les jardins d'Ifpahan, par un pont, de quatorze arches de pierre, fur la rivière Sanderon. A l'extrémité de ce pont, eft une gallerie, dont le plafond eft foutenu par vingt colonnes de bois doré ; c'eft où le Roi reçoit les AmbalTadeurs , quand il prend fes amufements. De cette gallerie, on defeend dans le jardin, qui eft orné de plufieurs grands vergers d'arbres fruitiers, de belles & longues allées, de canaux & de fon. taines , enfin d'un Haram, qui va julqu'à la rivière, & qui eft corn- des Européens. pofé d'un nombre de petites cham- ■ Drvb' Chap. X. Le 21 , Gemelli *accompagna l'Ambaffadeur de Pologne à fon au- Au,x*54, dience de congé : ils attendirent une A0undg^n" heure le maître de cérémonies, & les Ambaffa-cinq chevaux que le Roi envoie or-dcttt* dinairemerrt ; & ils fe mirent en marche avec une fuite de foixante per-fonnes , dont il y en avoit dix-neuf à pied , armés de moufquets , & les autres étoient à cheval. Ils mirent pied à terre à la porte d'Ala-Capi ,a où ils virent quatre tigres , plufieurs lions , quatre éléphants , deux grands & deux petits, tous rangés en haie , & couverts d'étoffes d'or. L'un des éléphants avoit fur le dos un grand fiége d'argent , fuivant l'ufage des Perfans. L'Ambaffadeur & fa fuite furent conduits dans un appartement , où ils trouvèrent plufieurs autres Ambaffadeurs aflïs qui atten-doient le temps de l'audience. Dans l'endroit le plus enfoncé , étoit celui du Roi des Jemama, Prince Arabe : vis-à-vis étoit l'Arménien , Ambaf-fadeur du Pape , & le Provincial des Dominicains. Sous une autre arcade ù la droite, l'AmbalTadeur du Roi 04 Découvertes --des Usbecks étoit aflis à la manière Gemelli , pays ayec fa mite. Après être demeures encet endroit environ une An:i«M. heure, entourés d'Officiers & de Valets, on commença enfin l'audience. L'AmbalTadeur du Roi de Jemama pafTa le premier dans un jardin éloigné d'environ cinquante pas du iieu où étoit le Monarque : près de la falle voûtée, où fe donnoit l'audience , ils virent>une belle fontaine, d'environ vingt palmes de long, avec une terrafle, où le Roi & les Sei« gneurs vont prendre le frais ; à l'extrémité du côté de la falle , il y avoit deux grands vafes d'argent. Dans une allée, près de la falle d'audience, étöient rangés deux cents Topchis ou Moufquetaires, & près de la muraille il y avoit vingt chevaux, dont les équipages étoient ornés de gros diamants , de rubis, d'émeraudes & d'autres pierres précieufes de grand prix. Les étriers étoient d'or maflif & les moindres felles étoient d'étoffe d'or , avec des clouds du même métal. La falle d'audience étoit grande, avec les murs peints & dorés, ornés de plufieurs glaces. Au milieu étoit une fontaine, & au fond, une Des Européens. 9 y grande eftrade où le trône du Roi — étoit placé. Du côté du jardin , plu- GiJJJ x.' fieurs Muficiens, afîis fur des tapis, laP' jouoient de divers inftruments, & An. d'autres chantoient une mufique barbare. L'AmbalTadeur & fa fuite, montèrent de la première partie de la falle, dans la féconde, d'où l'Am-bailadeur fut conduit feul , par-deifous les bras , vers le Roi, qui étoit aflis fur un carreau de brocard, avec deux autres carreaux derrière lui, pour s'appuyer. Quand l'Ambaffadeur fut à fix pas du Monarque, il pofa fes mains à terre, & inclina fon front, prefque jufqu'à toucher le tapis. Lorfqu'il fut relevé, l'Athmath Doulet alla au-devant de lui, prit la lettre du Roi, dans un baflin d'or p rempli de fleurs, aux pieds du Monarque , & la remit à l'Ambaffadeur, qui la pofa fur fa tête-avec grand refpect. Cette lettre , qui avoit deux palmes de long & autant de large . * étoit couverte d'étoffe d'or, fuivant l'ufage des Orientaux. Quand il eut reçu la lettre & le compliment d'audience, ipar la bouche de l'A-thmath-Doulet, il fit une révérence femblableà la première, fut recon-. $6* Découvert f's ■ duit dans le jardin, d'où il retournai gemellt, ç maifon avec fa fuite; la lettre étant attachée a Ion turban, pour. An. irte d'Ala-Capi, où alîifterent toute laNoblefïe & tous les Ambaffadeurs. Les chevaux & les bêtes fauvages, furent rangés en ordre devant le palais, fuivant l'ufage ordinaire ; on ôta toutes les boutiques de l'Atméidan , pour faire place à plus de mille chevaux de la fuite des Seigneurs , qui étoient venus à la fête. Plufieurs procédions de toutes les parties de la ville, entrèrent de bonne heure dans la place : quelques-uns portoient de très-longues piques, avec des bannières attachées à l'extrémité ; d'autres conduifoient des chevaux chargés des armes & des turbans de leurs prétendus martyrs, en l'honneur desquels ils chantoient des vers lamentables , & danfoient d'une manière ridicule, au fon de deux badins qu^on frappoit en même-temps. D'autres portoient les effigies, de ces mêmes martyrs, dans des bierres autour desquelles ils dançoient de même : enfin d'autres menoient avec eux deux. Tome IX. E $S Découvertes —-- enfants attachés fur un chameau ; CchapLIx' comme s ^s euiïênt été morts , avec deux chevaux qui portoient leurs An. armes. Toutes ces procédions pat ferent deva(fc la gallerie où étoit le Roi, & beaucoup de ces infenfés fe frappoient fortement pour repré-fenter le meurtre avec plus d'énergie. Ils ne craignent pas même de fe tuer en cette occalion , pleinement perfuadés que quiconque meurt dans cette confullon, va directement au ciel. Les Propriétaires des boutiques, offroient de l'eau fraîche à tous ceux qui étoient altérés, en mémoire de la foif que fouffrirent Haifan & Hoffen , après que leur pere HaU eut été bielle. bes Européens. $f CHAPITRE XL De la Religion, du Gouvernement civil ^ des Mœurs , d;s Habks, des Sciences & des Funérailles des Perfans. DAns les Etats de Perfe, il y G a des Mahométans, des Gaures chap xi. ouPaycns. des Juifs & des Chrétiens An l<9+. de différentes feétes : mais la Reli-gion dominante eft le Mahométif- des j^Jfi». me, quoiqu'il diffère de celui des Turcs, au fujet des véritables Suc-cefTeurs du faux Prophète. Les Perfans prétendentqu'Abubeker, Omar & Ofman , ufurperent l'héritage qui appartenoit à Ali, neveu & gendre de Mahomet. Le Nabab eft le chef de leur Religion, & cette dignité lui rapporte tous les ans quatorze mille Tomans. En public, il prend fa place immédiatement après l'Ath-math-Doulet, ou premier Miniftre, & difpofe à fa volonté, des legs faits aux Mofquées , qu'il tourne toujours à (on profit. Le Nabab, en Perfe, eft comme le Mouphti ea ïoo Découvertes ».■ ., Turquie, avec cette différence, qu'il glmeil., peut pafl"er aux emplois civils, ce af' ' qui eft interdit au Miniftre Turc, An i«*4, Sous le Nabab, font deux Juges, nommés le Cheik ou Axond, & le Ca4% après quelque temps , que les mariés ne fe conviennent pas, la femme demande fon douaire, & quand ils font convenus de fe féparer, ils vont devant le Cafi, & le nœud matrimonial eft diffous en fa préfence. Ce divorce peut être répété jufqu'à trois fois, après lelquelles le mari ne peut plus la reprendre qu'elle n'en ait eu un autre , &: que ce dernier ne l'ait renvoyée. En Perfe, la juftice eft exercéepunhîondc» avec autant de diligence que de ft-Criminel», vérité. Les Kans ou Gouverneurs en ont l'adminiftration dans les Provinces : ils nomment un Déroga ou Juge criminel, dans chaque ville, & il a fous lui un Aatas pour faire exécuter fes ordres: mais il y a deux Officiers du Roi, chargés de veiller à ce que les Sujets ne foient pas opprimés par le Ran. Les Meurtriers font punis promptement & rigou-reufement : on les livre aux Parties offenfées. qui peuvent les mettre à mort de leurs propres mains , en leur Eiv '104 Découvertes ■ "' faifant fouffrir tel genre de fupplicç ap.x{.* qu'ils veuleut choifir. On peut les renvoyer pour de l'argent; mais il ,.1694. eft- f] déshonorable en Perfe, de pardonner une offence, que cette com-poiition n'arrive que très-rarement : & peut-être jamais. Les Voleurs de grand chemin ne reçoivent point de grâce , & on leur fait fouffrir diverses punitions. Quelquefois on les pend la tête en bas à la felle d'un chameau , & on leur ouvre le ventre : d'autrefois on les enterre juf-qu'au col, une pipe à la bouche, & on les laiffe ainfi mourir miférable-ment : enfin il y en a qu'on brûle avec du lard allumé, en leur coupant peu à-peu des morceaux de chair. Ces vols de grand chemin font très-rares, parce que les routes font gardées par les Rattars, &que le Ran de la Province eft obligé de payer la valeur de ce qui a été pris, . après quatre mois & dix jours , qui lui font accordés pour faire chercher le voleur. Les vols des villes font punis comme ceux des grands chemins, & l'on a grande attention à châtier les infoîences commifes dms les tavernes, chez les filles de joie, des Européens. 105* & dans tous les autres endroits pu-blics. Pour ce qui concerne les pro- cn^xi'. vifions, il y a un Surintendant avec quatre Alfiftants , qui, le premier An,,é^ jour de la femaine, met le prix à chaque denrée qui fe vend au poids. Si quelqu'un vend au-delà du prix réglé , ne fut ce que d'un denier, la punition ordinaire eft de lui mettre un bonnet avec une petite fonnete, & de le conduire par la ville, comme les gens qu'on fouette, après quoi il paye une amende , &on lui donne la baftonade fous la plante des pieds. Les Provinces font gouvernées par Desîr«.m& les Rans ou par les Vizirs ; les pre- desViûé* niiers ont le commandement fur les troupes, outre le gouvernement civil & criminel; mais le pouvoir des Vifirs eft plus limité. Il y a même des cas où ils ne peuvent rendre de fen-tence de mort, & il faut qu'ils ren-Voyent le criminel au K.an le plus proche. Quatre-vingt-une Provinces font gouvernées par des Kans,. & il y en a trente-fept régies par des Vizirs. Les mœurs des Perfans lont diamétralement oppofées à celles des Turcs ; car ils font polis, doux, paisibles , modeilss, reconnoiSants, g£- to6 Découvertes ■ néreux, ennemis de la fraude & ama- chapVxi." teurs Qes Etrangers. Ils ne portent pas aux Chrétiens la même haine An. iâ54. qUe j£S T/urcs ; au contraire , ils leur font doux & affables, permettant à chacun de s'habiller comme il lui plaît, & le verd n'y eft pas interdit aux Etrangers comme en Turquie* Entre autres expreffions de politelfe dont ils fe fervent, ils difent fouvent : « je me facrifie, ou je me dé-*» voue à votre volonté. Je fouhaite » que les prunelles de mes yeux puit » fent vous obliger à marcher fur » elles. Je fuis votre efclave : c'eft à a* vous à me commander». Us fe font des vifites dans les temps des gran-des fêtes, pour fe fouhaiter réciproquement d'en pafler un grand nombre d'autres; & les Seigneurs reçoivent alors , dans leurs palais , let compliments de leurs inférieurs. Xmnfe- Les Perfans diflîmuîent les injures ■icnts des a£n mieux faifir l'occafion de s'en venger, l.slont natteurs , ambitieux d'honneurs, & fe biffent aifément perfuader ; enforte que les Million- ' naires Catholiques les engageraient facilement à embrafler la foi, s'ils pouvoient exercer librement leux Aa» i des Européen- sv 107 million entre les Naturels. Us jouent rarement, pour fe conformer à la °^J" défenfe de Mahomet, & ne prennent que très-peu le plaifir de la promenade, comme les Européens; mais ils s'alToyent à leur manière, pour entendre le murmure des eaux, & pour jouir de la vue d'un jardin. Les hommes ne danfent jamais : ce font les femmes qui s'adonnent à cet exercice, & on en loue dans les fêtes. Le plus grand amufement de la jeunefle eft de faire comme un gros tuyau de carton, couvert de peau , qu'ils fou-tiennent en l'air, par le moyen d'une longue corde, quand il fait alfez de vent, ce qui rend un fon à peu près femblable a celui d'un orgue. Ils ne font jamais leur prière qu'ils ne fe foient lavés dans l'eau courante, ou au moins dans un badin, & chacun en a pour cet ufage dans fa maifon. Quand ils ont eu la compagnie de leurs femmes, ils vont fe laver aux bains publics , ce qu'ils peuvent faire jufqu'à deux heures après le lever du foie 1 ; mais le refte du jour , ces bains font pour les femmes feules. Ils ne portent pas la barbe longue» & les Juiifconfultes fe la coupent ds "" ' temps en temps avec des cifeaujc, Chap^xV. ^es Courtilans & les Soldats ($nt ratés , mais ils Jaiflent de longues Au. ii?4- mouftaches, avec un bouquet fem-blable à une queue d'hirondelle fous la lèvre inférieure , pour fe donner un air plus refpecèable ou plus terrible. Les vieillards fê noir-eiflent la barbe , ce qui dure plufieurs jours , & les jeunes gens s'arrachent le poil des joues pour avoir la peau plus unie. On fait en Perfe beaucoup d'attention aux obfervations fuperftitieufes , & il n'y a perfonne qui n'acheté un almanach où il eft marqué quels font les tempsheureux pour chaque action, & où l'on prédit fi l'année fera abondante ou "on. Us circoncifent leurs enfants rrès-jeunes, & font avaller aux femmes ftériles, la chair qu'on coupe dans cette cérémonie, ce qu'ils regardent comme un moyen excellent pous les rendre fécondes, leurs noms Les Perfans n'ont prs de fui-noms» & ieumour-& [fe difent un tel, fils d'un tel : ils donnent, par honneur, aux bavants le titre de Mina , & aux Miliraires celui de Bech. Lns Dépendants de Mahomet font nommés Sahet > ce des Européens. top qui lignifie à peu près Seigneurs. Us ■' font tort adonne's à la chàfle , parti- 2bap.xt." culierement à celle du faucon, & les gens riches no jrriffent un grand nom- An*l6,4r bre de ces oi'eaux, ainfi que des chiens & des chevaux. Outre le tabac, qui eft en Perfe d'un ufage général ; ils fe fervent de l'opium, qui les fait tomber dans l'ivreiïe & dans la ftupidité , qu ils ne peuvent acquérir par le vin, dont ils n'ofent boire. Ils avalent quelquefois juf-qu'à une demi drachme d'opium , ce qu'un Européenne pourrjit prendre en quinze fois fans danger. Us boivent beaucoup de caffé, mais dans Èeurs repas, ils ne boivent qu'apiès avoir maure : les vufes dont ils fe fervent, font de cuivre ou de porcelaine , parce que les loix leur défendent d'en avoir d'argent, & qu'il n'y a que ;le Roi, qui puilïè boire ou manger dans de Tor. En général, ils font très-fobres, les gens du commun font contents d'avoir à leur diné , de l'Azéri . qui n'eft autre chofe , que du pain & du lait, qu'on vend dans des outres de cuir, avec du fruit, fuivant la faifon ; le fok ils mangent du pilavw La nobleûe & les. iro Découvertes 11 riches, mangent du roti & des vian-ClupSï aes rnarinéesau vinaigre. Leur pain eft applati comme du gâteau , & ils An. 1^4- \q font cuire dans des vafes de cuivre* mais il feroit excellent, s'ils le fai-foient à la manière des Européens., leur habil- Les Perfans portent des veftes qui ?menr, jeur defcendent au-delïous du genou , avec des manches étroites qu'ils attachent autour de leurs poignets» Us ne mettent point de boutons■ s mais ils les lient avec des rubans fous le bras gauche & fous la cuilfe droite : les perfonnes de qualité les portent en argent ou en étoffes d'or, & ont des chemifes de foie ou de co-toi/de couleur, avec des caleçons ferrés y qui leur defcendent jufqu'à îa cheville du pied. Leurs turbans font de foie fine de diverfes couleurs & fort pefants ; quelques-uns font d'un fi beau travail en or , qu'ils coûtent jufqu'à fept ou huit cents écus de notre monnoie. En hiver, ils portent fur leurs veftes, une larçe robe fans manches, bordée de martre ou de petites peaux d'agneaux , & par-delfus tout, une1 ceinture de foie , à laquelle pend leur poignard , qu'ils appellent Cangiar. Leurs fouliexy des Eurorée-ns. iir font faits comme nos pantoufles, avec un fer de quatre doigts de haut qJJJxJ' fous le talon. Les habillements des fem'mes fout à peu près comme ceux 4»~l-'$** d s hommes ; celles de qualité , portent un petit bonnet orné de pierre» précieufes, & garni d'un voile qui tombe par derrière avec leurs trèfles.. Leurs caleçons & leurs bas font fem-blables à ceux des hommes. Les Perfans aiment les fciencesra^.Litî' & ils. ont des Colleges , nommés Médres /pour les enfeigner. Les Ecoliers y ont feulement le logement, & le maître leur explique les livres qu'ils lifent. Us font particulièrement adonnées à la poëfîe, & leur génie y eft très-propre. Us ont des. livres Arabes bien choifis, dont quelques-uns font traduits en Per-lan, mais tous manufcrits , parce qu'ils n'ont pas l'ufage de l'Imprimerie. Us fe fervent de plufieurs fortes de cara&eres d'écritures, très-beaux ; & quelques-uns prétendent avoir onze caractères différents. Pour la langue» les gens au-deffus du commun en ont trois; le Perfan, qu'ils nomment doux; le Turc, qu'ils appellent l'orgueilleux ; l'Arabe»qu'ils ils, Découvertes m " qualifient de l'élégant, outre le jar-cbapELxL' Son corrompu des Paylans, connu fous le nom de Unlaat. Le Perfan a An. i<$y+. par iui.méme très-peu de mots, mais il en emprunte beaucoup de l'Arabe , dont on fait ufage dans toutes les fciences. Leur jour eft divifé en quatre parties égales, dont la première commence à minuit. En ce qui concerne la Religion, ils fe fervent des mois lunaires, mais les Aftrologues employent tes mois fo-Jaires de deux manières différentes; l'une conforme à notre ufage, & l'autre fuivant celui des Egyptiens. Leur année commence à l'équinoxe du printemps, où tous les grands de l'Etat vont fouhaiter au Roi une heureu'e année, & ils lui préfentent quelques curiofués. Le même jour les Nobles habillent leurs Valets & leurs Efclaves, & empruntent même de l'argent, s'il eft néceflaire en cette occafîon, de crainte que s'ils y manquaient, ce ne fût un mauvais pré-fage pour toute l'année. Cette opr-nioii eft fi bien enracinée chez eux\ que les plus pauvres tont leurs efforts pour être alors habillés d^ neuf » de la tête aux pieds» ©es Européens". 113 Quand quelque Perfan eft dangé- m reufement malade, on allume plu- chap^ii! fieurs feux fur le toit de fa mailon , afin d'avertir fes voifins de réciter An-, âc dss EüROfÉENï. i i 5* particulièrement fur la côte du Gol- ——--- phe Perlique, le chaud y eft excef- SJJjm" fit & très nuilible , en ce qu'il s'en-gendre dans les jambes des Euro- An-l6i"*' péens , une efpece de vers de quinze ou feize palmes de long, qu'on ne peut tirer que peu à-peu, en les roulant lur un morceau de bois, pendant plufieurs iours. En Perfe, on voit des fleurs de DesrWste toutes fortes, &les campagnes nondciflU;"* cultivées, font remplies des plus belles tulipes. Elles abondent particulièrement en rôles , dont les Habitants tirent, par diftillation, une eau qu'ils envoyent dans les Indes & dans les autres pays. En générai, les fruits y font beaucoup meilleurs qu'en l'urope , & on y en trouve de toutes les eïpeces. Les melons y font d'un goût exquis, & l'emportent fur ceux de Parabito, dans le Royaume de Naples : il y a des Perfans qui en mangent jufqu'à trente livres en une-journée. Les figues y font auflî très-bonnes , les amandes > les noix & le* pêches ont un goût excellent, & l'on en trouve en grande abondance. On. y voit des raifins de diverfesefpéces» entre lesquelles on en diflingue trois TIÓ" DECOUVERTES d'un goût délicieux , d'où l'on tire 1 cua'E x!i ^es v*ns excîlus' Les Habitants en confomment beaucoup , & ils en An, fourniffent aufli aux Indes , à la Chine, & à d'autres pays. Us le confer-vent dans des vafes de terre vernis en dedans , ou au moins frottés de graiffe de queues de mouton. Les Celliers ne (ont pas profonds : il y a ordinairement une citerne au milieu -des tapis autour pour s'alfeoir , gedans les murs de longues niches avec plufieurs vafes de différentes fortes de vins. »cs mines. On trouve en Perfes quelques mines de cuivre , de plomb , de fer, & d'acier : dans la montagne de Phi. ruskon, on tire des Turquoifes de grand prix, llyaaufli une excellente pêcherie de perles , vers fille de Baharen. Anîmauvdo* En bêtes de fervice , les Perfani meftiques & ont Je très-bons chevaux , de bon-nés mules , de gros chameaux , & deux fortes d'ânes , ceux de Perfe propres à porter des fardeaux, & ceux d'Arabie, qui font plus vigou-reux , & qui fervent de monture. Pour la chaffe , on trouve une grande quantité de fangîiers,de porc-épics, des Européens. 117 de dains rouges & fauves, de che- m yreuils , de lièvres , de tigres , de -£ÜaE xbb i lions , d'ours , & d'autres bêtes fau- iap" '(i vages. Quand le Roi veut chafler, on Kn-l6'** forme une enceinte de quarante milles & plus, avec trente ou quarante mille hommes qui dirigent leur marche vers le centre, ce qui diminue le cercle à mefure qu'ils avancent. On trouve encore en Perfe une quantité prodigieufe d'oifeaux, tels que des pigeons , des oyes fauvages , des grues , des canards, privés & fauvages, ainfi que beaucoup d'autres : on tient les pigeons dans des tourelles , pour attirer ceux de la campagne. Les chafleurs ont des faucons & d'autres oifeaux de proye, bien dreffés ,' & ils s'en fervent même quelquefois centre les animaux à quatre pieds» Pour les y accoutumer, ils leurs donnent de la nourriture dans les trous 4es yeux de ces animaux, dont ils confervent des peaux empaillées pour cet ufage , on les met fur un cheval qui court au grand galop, ce qui forme l'oifeau de proye à tomber fur la tête de l'animal, & à lui crever les yeux pendant que le chalfeur le pourfuit, Outre les fau* ï 18 Découvertes » ■"■)■! cons & les chiens, on fe fert auffi de S^vÏt' onfes, qui font des animaux , à peu pres de la groueur d un Re; ard A "'*• forts actifs , & fi doux , qu'on les porte derrière foi à cheval ; mais s'il arrive que le chalfeur fe trompe s qu'il les lâches après la bête à leur défavantage, & qu'ils ne puiffent la joindre, ils deviennent fi honteux, qu'ils fe laiiferoient tuer par ua enfant. leut mon- On ne frappe pas de monnoie *cie. d'or en Perfe , excepté au couronnement des Rois. Il y a de trois fortes d'efpéces d'argent, dont quel-ques-unes ne portent pas le portrait du Prince , mais feulement des caractères qui expriment le nom du Roi, & l'année de l'Ere Mahomé-tane. Ils ont aufli de la monnoie de cuivre de diverfes formes, & différemment imprimée. Leurs at- ^es armes *es P*us ordinaires des «es scieure Perfans font les arcs , les flèches & coupes. ]es cimeterres , quoiqu'ils fâchent fe fervir du moufquet , & qu'ils ayent aufli l'ufage des canons & des mortiers. Le Roi n'a pas de confiance en fon infanterie ; mais Ü peut lever en très-peu de temps cent ©es Européens, iif ■cinquante mille hommes de Cavale- ■ » rie très-bien montée, qui, cependant chap£ xn, combattent en confuhon & fans aucun ordre. Pour la Mer , ils n'ont An-l6»4. pas feulement une barque armée. La principale place à la Cour de offlcicrs de Perfe, eft celle de l'Athmat Doulet, 'pacï^ut ** qui eft comme le grand-Vilir en Turquie , & toutes les affaires majeures du Royaume panent par fes mains* Après lui eft le Nazar , chargé de tout ce qui eft préfenté au Roi. Le Mether eft toujours dans la chambre du Monarque , avec plufieurs mouchoirs dans une bourfe , pour lui en donner quand il en a befoin. Outre ces Officiers, il y en a un grand nombre d'autres , dont chacun à fon département. Les principaux font le fur-Intendant des Ecuries du Roi, ïe chef de la fauconnerie, celui des meutes ; l'Officier qui porte fon épée , celui qui porte fon arc , for» Sécrétaire, le grand maître d'Hôtel, le maître des cérémonies , le chef des Aftrologues, & plufieurs autres ; enforte que la Cour de Perfe furpaffe toutes celles de l'Orient en fplendeur & en magnificence. 120 Découvertes «MM»—— CHAPITRE XIII. Voyage de Gemelli à Schiras : Défi, cription de cette Ville & du Palais de Dürius, qui en eft proche, GEmet, li partit dTspahan U j- r • J c mercredi premier de oeptem- bre, en compagnie de trois Reli-gieux , dont un etoit Napolitain, & Gemelli les deux autres Portugais, fuivis de lll dsona" leurs Domeftiques, avec douze mu-voyage juf- Jets qu'ils louèrent d'un Chiarvatar. qu'a Schiias. de Schiras > ta„t pouf eux qug pour leur bagage. Quand ils eurent quitté les environs dTspahan, ils continuèrent leur route à la lu„ miere de la lune, & rirent neuf milles dans un pays ftérile. Ils furent obligés de s'arrêter dans un Caravanfera bâti de terre, & d'y refter tout le lendemain, parce que le Chiarvat-tar avoit oublié une charge de vin. On dit que Schah-Abbas le Grand donna dans ce Village & aux environs , une grande étendue de terrein à un Seigneur Perfan, auquel appar- tenoienç des Européens. 121 tenoient les deux dont on a formé ■ ■ * Ispahan.Le Chiarvattar étant revenu Sfw^VJ avec le vin , les Voyageurs après leur foupé fe remirent en marche à An-I6*>*» une heure de nuit, & firent vingt-quatre milles jufqu'au Village de Mayar, très-incommodés du froid & auvent. S'étant repofés tout le Vendredi , ils partirent au coucher du foleil : firent feize milles par un pays défert, & arrivèrent à la petite ville de Coumouchia, fituée dans une plaine fertile , & abondante en fruits excellents. Les Chiarvattars étoient caufe qu'ils alloient ainh de nuit, parce que ces gens dormant tour à tour fur leurs ânes , aufli profondément que s'ils euflent été dans de bons lits, ils ne vouloient point for-tir de jour hors des Caravanferas , difant qu'il étoit plus sûr de marcher la nuit ; mais quand on les eut tous bien éveillés à. force de les battre . ils commencèrent à aller de jour. Le famedi 4., ils partirent deux heures avant la nuit, firent feize milles en fix heures par un pays aride , & s'ar- , réterent au Caravanfera de MalTour-Belc. Le Dimanche Ç , ils partirent Tom IX. F 122 Découvertes " à la même heure , palTerent la nuit m.xm Par *e VQtlt vu'aSe û'Aunabar, & dix milles plus loin,ils arrivèrent à un bon • l6?4- Caravanfera, en un endroit nommé Yesdcas , fur les bords d'une rivière : ils y trouvèrent le pain beaucoup meilleur qu'à Ispahan , & permirent à leurs Chiarvattars de dormir fur leurs ânes, pour les récompenfer de ce qu'ils partoient de jour. Le Lundi 6, ils fe mirent en marche avant le coucher du foleil ; firent trente-deux milles, par des vallées (ans arbres, en grand danger des voleurs, & au point du jour ils arrivèrent au village de Dighirdon. Le Caravanfera étoit plein, & ils furent obligés des'arrê-ter,avec leurs bêtes,dans une maifon ruinée. Toute leur incommodité étoit de veiller les nuits pour voyager , & d'être très-importunés des mouches pendant le jour ; mais ils trouvoient des vivres en abondance & à un prixraifonnable. Le mardi jt ils s'arrêtèrent tout le jour, &s'amu-ferent à voir palier des caravanes de quatre à cinq cents mulets ou chameaux , parce que cet endroit eft fur la route la plus fréquentée pour Je commerce des Indes. Après le des Européens. 123 Coucher du foleil, ils fe mirent en ——• marche, paflerent par le Caravan- x/ii, fera de Ki val a , de feize milles plus .loin, trouvèrent la rivière de Rout- Al1, couna, 011 les Géorgiens, qui étoient avec eux , prirent cent cinquante livres de gros poiflbn, dans des filets qu'ils portent toujours en voyage. Six milles au-delà de cette rivière , ils logèrent dans un village nommé Couskifar , ce qui fignifie poiflbn fec ; endroit très-froid , à caufe du voifinage des montagnes toujours couvertes de neige. Pendant qu'ils y étoient, il y arriva quatre autruches de deux vaches fau-vages, que le Sultan deBaharen en-voyoit-au Roi. Ces vaches étoient grofles comme un veau , mais beaucoup plus grafles 2>c plus tendres. Leur couleur tire fur le blanc : elles ont fur la téte de grandes taches noires , des cornes aiguës , droites de unies. Ils fe remirent en route peu de temps avant la nuit ; paflerent de très-mauvais chemins, dans des plaines remplies de marais de par des montagnes qui ne préfentoient que l'aridité la plus affreufe : enfin après avoir fait vingt milles, dont les trois Fij ' 124 Découvertes —1 derniers furent par une defcente très- cÏÏp.x'in' rapide, ils arrivèrent au village d'Ak pas, dont les maifons ne valent gue-ar. 1694. re j^ieux qUe fes cabanes. Le jeudi 5), ils partirent encore deux heures avant la nuit, & firent feize milles dans une plaine découverte, qui les conduifit au Caravanfera d'Oud, gioum. Le terroir y produit beaucoup de bled, à caufe du voifinage d'une rivière , fur laquelle eft un pont de pierre de neuf arches. Le vendredi 10, ils partirent à la même heure ,&, après avoir fait vingt-quatre milles , ils s'arrêtèrent à Mayn, où ils trouvèrent un très-bon Caravanfera. Quoique cet endroit foie entre de hautes montagnes , ils y virent d'excellentes figues & de bon tabac, qu'on tranfporte à Ifpahan, Le famedi 11 -, ils firent vingt milles , par un pays uni ; traverferent Ia rivière fur un beau pont d'un quart de mille de long, & arrivèrent au Caravanfera d'Abighermé , cinq milles au-delà de ce pont. Près de cet endroit,-étoit la montagne qu'Alexandre fit applanir pour donner paf-fage à fon armée. Ils partirent de bonne heure, le dimanche au foir. des Européens, i 2 y pour gagner un village près le palais ——* de Darius; mais ayant manqué lëur^^h. chemin, ils changèrent d'avis , &, après vingt milles de route, ils lo- An' gerent au Caravanfera de Poulicor. Ee 13 , ils fe mirent en marche une heure après le coucher du foleil, firent vingt-quatre milles & arrivèrent au point du jour à Schiras. Cette Ville eft fituée dans une Defcriptio* i • i A~ de Schiras, plaine charmante, entourée de montagnes très-agreables. Quelques-uns prétendent que le nom de Schiras vient du mot Perfan Schiré , qui lignifie dujvin doux, à caufe de la grande quantité de vignes qui font aux environs. On dit aufli que la plaine où elle eft bâtie , étoit autrefois un grand lac, & qu'après la destruction de Perfepolis , les Habitants le remplirent pour y former leur établiflement. Ce qu'on trouve de meilleur à Schiras, eft d'excellent vin , & de très-belles femmes , qui ont tant d'agréments, que leur beauté leur tient lieu de dot. Les jardins de cette ville font aufli propres à fa-tisfaire le goût par la variété &c la bonté du fruit, qu'agréables à la vue, par les longues allées de cyprès, F iij 126" Découvertes — qui, de loin, cachent les murs de Ch»?iui terre QOnt ^es m^ons f°nt conf, truites, ce qui fait que la ville ne pa- A ■ is<>4- roit être qu'un grand bois. Elle a près de feize milles de tour, étendue beaucoup plus grande qu'il n'eft né-ceflaire pour environ vingt mil]e perfonnes qu'elle contient. Il y a de très-beaux Bazars, couverts de longues voûtes, de belles places, des Caravanferas & des Molquées qui en augmentent la beauté. Schiras tire beaucoup d'argent de la vente des fruits fecs, du vin, de l'eau-rofe , des oranges,& des autres fruits, On y fait des glaces, & l'on y travaille le criftal pour différents, ufa-ges : on y prépare des cuirs, & l'on -y imprime la foie. A la Monnoye, on fabrique des efpeces de cuivre, & quelques-unes d'argent, mais en petite quantité , quoique le Gouvernement dont Schiras eft la capitale , foit un des meilleurs de toute la Perfe. On y voit un très-beau jardin qui appartient au Roi: il eft entouré d'un double rang de cyprès, & partagé comme un échiquier, en des quarrées de rofîers & d'arbres irai tiers, Des Européens. 127 Comme les ruines du palais de Darius , font mifes, par quelques- aSfiiJfc uns, au-deflus de celles de l'ancienne Rome ou de la Grèce, des Pyrami- An'1<îi>4' des d'Egypte & des Edifices conf- r*lais d« truits par Alexandre ; Gemelli pouffé DaMUS' d'une louable curiotîté, ne voulut pas quitter le pays fans les voir. Le mercredi 1 y, il loua un cheval pour lui, un pour fon valet, & après vingt milles de marche , il arriva à la rivière & au pont dePolixan ; enfuite 3uittant les montagrfes, il fuivit penant quinze millet, un chemin fangeux , & une heure avant le coucher du foleil, il arriva au Caravanfera de Mirxafcon , à un demi mille du palais de Darius. Ce vafte bâtiment eft au pied d'une haute montagne, qui regarde une plaine de plus de trente milles de long & de vingt de large, où l'on prétend qu'étoit fituée la fameufe ville de Perfepolis. La façade du palais tournée à l'oueft, a cinq cents pas de longueur, le côté feptentrio-nal en a quatre cents , & le méridional deux cents cinquante. Du côté de l'eft , la montagne fert de muraille. La forme, comme on le voit F iv t28 Découvertes —— par ces dimenllons, en eft irrégu. Sî!uftï£fii liere, & il y a de chaque côté p|u-. Jieurs angles d elpace en elpace, dif. An. 10514. p0fés uniformément, comme autant de demi baftions. Les pierres dont ce palais eft bâti, font d'une grandeur prodigieufe, & l'on voit évi-demment qu'elles ont été tirées de la montagne voiline , tant à caufe delà proximité , que parce que le fommet en eft applani & mis de niveau avec Je palais. Les murs de la première pièce qu'on trouve encore (ur pied, font revêtus de marbre noir; ils ont dix pieds de hauteur en quelques endroits , vingt en d'autres, & vont même jufqu'à trente. A l'extérieur de la partie méridionale , on voit une infcription gravée dans un ef. pace de quinze palmes de long fur îept de large, dont le caractère n'a jamais pu être déchiffré. Le grand efcalier du palais eft à gauche: il eft compofé de deux rampes, dont chacune eft entre le mur d'un côté, & un balcon du même marbre, de l'au. tre. Au fommet, eft une plate-forme de la même largeur que les marches : elle fert de lieu de repos, & en pallant de cette plate-forme aune des Européens. 129 autre, on trouve la première pièce. " Elle elt d'une grande magnificence , ckap^xm! de trente pieds d'épaifïeur , & il eft fi aifé d'y monter, qu'il y a quatre- An"1:ol : d'autres ont des bonnets plats & ronds fur la tête , avec des habillements qui leur tombent jusqu'aux talons , très amples &pliiTés comme des robes de Sénateurs. D'autres ne différent que par les bonnets qui font plus élevés fur le front. Il eft remarquable que dans un fi grand nombre de figures, il n'y en a pas Une feule de femme, & l'on doit être étonné de ce que dans un édifice qui fubfifte depuis plus de deux mille ans , le marbre ait confervé, fans aucune altération, le même éciat que s'il venoit d'être travaillé. Avançant à une portée de mouf-quet du côté de la montagne , on voit une façade de trente pieds quarrés , coupée dans le roc même , avec des figures de marbre blanc , qui y font incruftées. Au-delTous de ce frontif-pice eft une grande voûte, fous la- 1^4 Découvertes »■ quelle il y a deux tombeaux aulîl tait. cwïiix les aans le roc » ^e ^ePc Palmes de long, & de trois de large : on croit An. i6^+ que |e Tréfor Royal y étoit enterré» A une autre portée de moufquet, on trouve une autre façade , avec des figures & une voûte fembl.ible. A cent pas hors du Palais, du côté du midi, eft une colonne, qui a le roc même pour bafe. Conjures Quelques-uns penfent que ces rui» fut ce palais,nes font celles du fameux Temple > bâti par AlTuerus , d'autres prétendent que c'eft Je Palais d'un des Rois qui ont porté le nom de Darius , fans qu'on puifle dire duquel, à caufe de l'ancienneté. Quoique que ]es plus anciens Ecrivains n'ayent point parlé de la magnificence de Perfepo-lis, on peut ju^er parle récit de ceux qui les ont fuivis , que cette Ville égaloit celles de Babylone & de Nï. nive, mais , comme elle étoir fituée très-loin à l'eft,elle étoit peu fréquentée par ! s Européens , & pdr conféquent im onnue à leurs Hifto-riens. En effet nous n'avons de même que des connoiHanc's très - légères fur d'autres fameufes Villes, quoique renommées pour leur magnificence des Européens, ï 3 f & pour leur antiquité ». telles que * Memphis & Thèbes, en Egypte, On ne peut douter que l'ancienne Perfe-polis ne fût en cet endroit, fi l'on An' confïdere les relies de ces édifices, & le voifinage de la rivière d'Araxe, pré.entement nommée*' Bendarnir 9 près de laquelle les anciens nous dirent quelle étoit fituée. Si cet endroit eût été fréquenté par les Européens , non-feulement ils auroient mis ce fuperbe Palais au même rang que les fept merveilles du monde ; mais ils auroient été convaincus qu'il n'y a jamais eu , & qu'il ne fub-au;une merveille qui puiiTe lui être comparée. Après avoir paiîé tout le jour à Voir & à obfèrver en détail ces antiquités , Gemelli retourna à Mirxaf-con. Le vendredi 7, il en partit de grand matin pour Schiras, & y arriva lefo ir : mais un des Religieux étant tombé malade , ils réfolurent tous de prendre la route de Bander-Congo. La principale caufe de fa maladie fut cinq iours de pénitence qu'il fit à la table du Pere Amedée. Tl ne voulut pas leur permettre de vivre à leurs dépensée crainte de manquer à Tnof- 1%6 Déco u^v èrtes I — pitalité , mais il leur fit fi maigre cha"" lïi cnere > ^UJ*8 n'avoient pas de quoi fe P* ' iubftanter: les volailles qu'on avoit An. fervies à dîné reparoiffoient le foir, & s'il arrivoit qu'on ne pût les man. ger à caufe fje leur mauvais goût, quand elles étoient rôties, on les fer-"voit encore le lendemain bouillies. if E s E u R O f t E n s. 137 CHAPITRE XIV. #^oyage de Gemelli à Bander-Congo : Defcription du commerce de cette Ville , £r iie lapêcke des Perles. LE Religieux continuant à être GEMliLU) malade, les Voyageurs louèrent chaP. xiv. d'autres chevaux, & le Dimanche 1 $, An % ils quittèrent Schiras, fans avoir fou- . ' - » • 1 v 1 ' Gemsll: pair pe, environ une heure après le cou- de Schilas. cher du foleil. Ils marchèrent toute son ^JjjW la nuit, & s'arrêtèrent le lendemain Congo, au village de Bagboun, à trente milles de Schiras. Le lundi 20 , le Pere fe trouva plus mal, & l'on- fit venir une femme morefque pour lui appliquer les ventoufes. Elle prit un verre, auquel étoit ajufté un tuyau ; l'appliqua au dos du malade , fit des fcarifi-cations dans les chairs & fuça jufqu'à ce qu'elle attirât le fang Le mardi 21, ils partirent une heure avant la nuit, & continuèrent leur voyage par un pays uni , rempli de fangliers & de gazelles , en fi grand nombre, qu'ils en virent trente dansl'efpace de trois milles. Ils firent foixante 5c cimj 138 DÉCOUVERTES ■ milles en trois jours, & arrivèrent au cha^iiV Caravanfera d'AflToumayer , bâti de U pierre 5c de chaux, ce qui eft très-An. 1654. rare en perfe. Le vendredi 24, avant qu'ils fe milTent en route, un Dervis quidemeuroit dansce Caravanfera,^ portoit une longue chemife , avec une peau de brebis fur fes épaules f comme un rochet, & une autre fur la tête , au lieu de bonnet, leur fit un fermon ridicule, pour tirer d'eux une aumône de quelques gazes. Le pays qu'ils traverferent étoit très-abondant en riz & en palmiers ; mais avant qu'ils arrivaient au Caravanfera de Mokak , éloigné de vingt-cinq milles de celui qu'ils quittoient, ils recommencèrent à trouver le ter. rein ftérile. Us y virent une prodi. gieufe quantité de perdrix , & il en vint des compagnies jufqu'à la porte du Caravanfera pour manger le grain qui tomboit de la nourriture des mulets. On commence en cet endroit à fe fervir de citerne , ce qui dure jufqu'à Coneo , parce que les fources font très-rares , & que toutes les rivières font falées. Le famedi 2 7 , Üs fe mirent en marche vers midi, en fuivant une belle route , & , après des Européens, i^p avoir fait trente milles, ils arrivèrent ■ < ■ à Gearon, qui paroît plutôt un bois ^a^xi qu'une ville, d'autant que les maifons n'en font pas continues, mais An" 169 bâties féparément entre des plantations de palmiers, dont les dattes donnent un profit confidérable. Cette Ville eft fituée dans une plaine fabloneufe , entourée de haute montagnes , & , quoi qu'elle foit petite , elle eft gouvernée par un Vizir, dont la jurifdiétion eft très-étendue. Plufieurs des maifons font conftrui-tes en chaux & en pierre. Le Dimanche 26, ils s'arrêtèrent dans un beau Caravanfera , bien bâti, près de Gearon , où ils furent régalés à dîné d'une longe de gazelle rôtie , qu'ils trouvèrent excellente , aufli tendre que le veau de Naples, & d'un très-bon fumet. Le lundi 27 , ils partirent de bonne heure , & , après cinq milles de marche , ils commencèrent à monter de hautes montagnes pendant un elpace de vingt milles , ce qui les conduifit au Caravanfera de Chiartalk. lis rencontrerenten route une fi grande quantité de perdrix, que Gemelli en tua vingt à terre,, fans fe donner aucune peine. Us ƒ 140 Découvertes ■ remarquèrent que lesPayfans de Per* ?EMEtL,« fe , quoique pauvres , font polis , fin* Ciiap. XIV. JTT r 1 r ceres , honnêtes & limples , lans au. /n. i6j>4- cune haine contre les Chrétiens ; qua. lités qui les diftinguent entièrement des Turcs. Les Voyageurs continuèrent leur marche le mardi 28, & après avoir fait trente milles par un pays coupé de hauteurs & de plaines, ils arrivèrent au Caravanfera de Mau-fer,qui eft bien bâti, comme tous ceux du pays, parce qu'il y a beau-coup de bois. Le lendemain , ils firent vingt-cinq milles , & s'arrête-au village de Benarou , à quelques milles duquel eft la montagne de Oa-rap , toute de pierre noire , d'où diftille le baume précieux , connu improprement fous le nom. de momie. Il eft d'abord liquide, devient dur comme une gomme , de couleur un peu noire, On prétend qu'il eft G excellent pour la guérifon des fractures, & pour la réunion des os brifés , que fi on l'applique chaud après avoir bien remis les os en p]a. ce, la cure (e fait en vingt quatre heures. La montagne eft gardée par ordre du Roi, & tout le baume, dont on tire environ quarante onces paj 'des Européens. 14* an, lui eft envoyé fcellé pour préve- 1 nir les fraudes. Le 30 de Septem- chapfxiVt bre, Gemelli & fes compagnons partirent allez tard de Benaron, &, après An'I* avoir fait trente milles par un chemin très - mauvais, ils arrivèrent au rivage de Beli. Le lendemain , ils firent vingt milles par des montagnes arides, s'arrêtèrent au Caravanfera de Pacomel, & le famedi 2 Octobre, après avoir fait vingt milles fur des montagnes & des rochers très-fati-; guants, ils arrivèrent à Lar , capitale du Royaume qui porte le même nom. Cette Ville eft fituée dans une plaine entourée de montagnes , Se, comme beaucoup d'autres , elle rel-femble de loin à un bois. Les mai^ fons ont des murs de terre, mais la place du marché eft fpacieufe & entourée de bons bâtiments, avec une efpece de cheminée au fommet,difpo-fée de façon à faire entrer dans les appartements l'air nécelTaire pour les rafFraîchir,de quelque côté que le vent foufHe. Le Dimanche 3 , ils partirent de Lar ~ firent quinze milles entre deux montagnes , & s'arrêtèrent au village de Nimjba. Le lendemain ils fe remirent en marche, Se firent en 142 Découvertes ». trois jours foixante & dix milles fans gemelli, rien trouver d'iinéreftant. Le fa nie-Chap.xiv. ^. ^ ^ apres avoir fait neuf milles dans Aa. i694. ia plaine , ils marchèrent dix-neuf milles dans des montagnes fi efcar-pées qu'on a été obligé de bâtir des murailles en quelques endroits de la route , pour que les caravanes ne uif„ fent pas en danger de tomber dans les précipices. Ils firent neufmillesde ce chemin dangereux, ce qui les con-duifit au village de Baitak. Le Dimanche io , après avoir pafle une montagne très-rude, & marché pendant vingt milles, ils arrivèrent au village de Kouxert. Le lundi 11, Üs firent dix milles , traverlerent une petite rivière , fuivirent une route toute de feî, fi dur , qu'il refiemble à de la pierre blanche, & trouvèrent enfuite tant de précipices , qu'ils furent obligés de marcher à pied ; enfin , après avoir employé douze heures à faire dix milles dans les montagnes & un peu plus dans la plaine ils arrivèrent au Caravanfera de Ba. nicon. Le chemin fut beaucoup meil. leur les deux jours fuivants, quand ils eurent paffé la haute & rude montagne de Chiampa, ils trouvèrent au * des Européens. 143 fommet un très - bon Caravanfera, * nouvellement bâti ; & deux milles S2*iî£ ... . ■ ni, Cnap. XIV. plus loin , ils commencèrent a découvrir le Golphe Perlique, & Ban- An*x69+' der-Congo. Us defcendirenr la montagne , & logèrent cette nuit dans le Caravanfera de Chiampa. Le Jeudi 14 , ils partirent quatre heures avant le jour n s'arrêtèrent après une marche de quinze milles , au village de Barchia, où ils trouvèrent la chaleur aufli forte qu'elle l'eft en Italie dans le temps de la canicule, & s'é-tant remis en route, ils arrivèrent vers midi à Bander-Congo ; dînèrent dans le Monailere des AugufKns , & y prirent leur logement. Bander - Congo n'efl: autre chofe^ Defcrîptïo* qu'un Village ouvert fur le bord de Je Bander, 1 . . 1 1 Congo. la mer ,& la plus grande partie des maifons ont des murs de terre : il eft gouverné par un Déroga que nomme le Vizir de Lar, parce que Bander efl dans fa Jurifdiction.Les Portugais & les Chrétiens font gouvernés par les Officiers du Roi de Portugais , qui reçoivent tous les ans prefque la moitié des tributs, montant à onze mille Tomans , ou vingt mille écus , ayee cinq beaux chevaux. Ce Mo- ï 44 Découvertes fc. * narque a obtenu de grands privilèges .£ENtEV,l/ pour ceux de fes fujets qui y habi- •Cnap. xi». r , . , ». • tent ; ils y ont un étendard eleve fut An. i*9+ une maifon , avec le libre exercice de leur Religion , fans qu'aucun Chrétien ofe fe faire Mahométan en ce lieu. Si l'on en furpiend quelqu'un en intrigue amoureufe avec une femme de la Religion de Mahomet, [\ n'eft point puni de mort , comme dans les autres endroits , & ne fouffre pas plus de châtiment que s'il avoit été furpris avec une femme de fa propre Religion. Commerce On fait un très grand commerce à 8c rexics. Bander-Congo , & il y aborde continuellement des Vaiifeaux des Indes, de la Mecque , de Balfora, de l'Arabie Heureufe, & d'autrespays, chargés de riches marchandifes,ou-tre le grand nombre de caravanes qui arrivèrent par terre de la Perfe, tant pour l'importation , que pour l'exportation : c'eft aulîi le centre du commerce des perles de tout le Golphe Periîque , qui rapporte un profit immenfeaux Marchands-La manière de faire ce commerce eft très - fmguliere : on met les perles en petits monceaux : le vendeur: des Européens. 145* Heur touche la main de l'acheteur ,———» & trafique avec lui par lignes ; s'il £*^xiv\ lai ferre toute la main, ce ligne marque milles s'il ne lui touche que la An" l4*m paume, cela lignifie cinq cents , un. doit veut dire cent , & la première jointure feulement exprime dix. L'acheteur lui fait (es offres par les mêmes figures, & comme ils ont un mouchoir fur la main, leurs conventions font fécrettes, enforte que per-fonne de ceux qui font prélents ne peuvent en avoir de connoiffance. Quand ils font d'accord, le courtier joint les mains du vendeur & de l'acheteur , les frappe avec la fienne, & Je marché eft conclu. Les avantages que procure le commerce des Perles à Bander-Congo, eft bien contrebalancé parlamauvaife qualiré de l'air, & il y eft fi chaud en été , que non» feulement les hommes , mais aufli les oifeaux & les autres animaux fe cachent pour s'en garantir. Les gens du commun vont entièrement nuds excepté pour la pudeur : ceux de plus haut rang, portent un vêtement de foie, d'une fineffe exceftive; & les maifons font conftruites de façon à pouvoir profiter du moindre vent. Tome Q Découvertes —... On y eft aufli tourmenté d'une ek Pece devers, qui ne font pas p]ua Cnap.XlV. » j jjiLr gros que des cordes de luth; mais An. 1694» qUi ont vingt ou trente palmes de long ; ils s'attachent particulièrement aux mufcles, & il faut les ti-reravec beaucoup de dextérité, d'au, tant que fi on les romp, ils occa-donnent des enflures & de grandes douleurs. Il y a dans Congo, environ di* mille Habitants, Maures, Indiens Arabes, Juifs & Arméniens, avec urj petit nombre de Perfans. La rade eft très-sûre pour les vaifîeaux, parce que la pointe de l'Arabie heureufe qui forme le Golphe Perfique, romp la fureur de l'Océan. Quand le jout eft ferein , on peut voir la côte op-pofée de Zulphar, qui n'en eft éloignée que de quarante milles. Cette jade eft aflez profonde pour recevoir de grands vaifleaux, & il en vient de toutes les Nations, qui com. mercent dans cette partie du monde excepté des Anglois & des Hollan-dois qui vont à Gomron. pêche de» Après avoir parlé du riche commerce des perles, il eft à propos de dire en peu de mots, comment on bfs Européens. 147 çn fait la pêche, & quelle en eft la ■ ■ ■» faifon. On la fait dans le Golphe Perfique , & à l'iflede Baharen , deux fois par an : la première faifon , aux Anr lê** mois de Mars & d'Avril; la féconde aux mois d'Août & de Septembre. On pêche à cinq lieues de la ville, depuis la profondeur de quatre braf-fes d'eau jufqu'à douze, & l'on met plusieurs barques de Pêcheurs en mer, depuis le matin jufqu'à midi. Chaque barque a fon Plongeur , qui s'enfonce dans la mer avec un poids de fix livres, attaché au doigt du pied & une forte corde fous les bras , qui tient à la barque : quand il eft au fond il remplit d'huîtres, le plus promp-tement qu'il lui eft poftible, un filet tenu ouvert par un cercle de fer : mais quand il ne peut plus iuppor-ter le défaut d'air, il tire la corde qui lui pafie fous les bras, on l'enlevé aufli-tôt dans la barque , & il recommence le même exercice pendant dix heures de fuite. On prétend qu'il y a des Plongeurs , qui, pour demeurer plus Jong-temps fousl eau, confervent de l'huile dans leur bouche, & en lâchent de temps en temps Une goûte pour mieux voir le fonds. i^S Découvertes m > , Après midi, quand ils ont raflernbJé" ^'hlyVv les huîtres, toutes les barques re-viennent au rivage avec un bon vent .A» ifif*. de mer. Les plus pauvres pêcheurs vendent immédiatement leurs perles à bas prix, mais ceux qui ne font pas dans le befoin , attendent que la îaifon de la pêche foit pafiée l, & alors ils les vendent aux Maures & aux Banianes. On ne trouve pas des perles dans toutes les huîtres : quel, ques-unes n'en ont point; d'autres en contiennent cinq ou fïx de dirTé. rentes grolTeurs, & les plus groffes font toujours les plus près du bord, On trouve des perles en différents endroits de l'Europe & de l'Aile, mais celles de l'ifle de Baharen, font les plus belles & les plus brillantes. Celles qu'on pêche fur la côte occidentale de l'Amérique, font fortef-timées par les Dames du Mexique ; | - mais on en fait peu de cas en Europe, à caufe de leur couleur terne & plombée. Comme nous nous fommes déjà aflez étendus fur ce qui concerne les perles, nous allons parler des autres particularités de cet eadroit. Toute l'eau des environs de Baha- r rën eft très- mauvaife, & ceux qui- veulent en avoir de fraîche ,' la ti- chapE> rent du fond de la mer, à une lieue-de l'Ifte. Quatre hommes fe mettent An,li dans une barque, & deux d entre eux plongent dans la mer avec des vafes bien fermes à leurs ceintures, Quand ils ont atteint le fond, ils débouchent leurs vafes , les reropliflent d'une eau douce qui règne jufqu'à trois ou quatre pieds du fond ; ferment leurs vafes , font un fignal avec une corde, & ceux de la barque les retirent (*). Leur façon de conftrui-re ces barques eft affez fingulierë t au lieu de clouds de fer, ils fe fervent de chevilles de cane ou de bam-houcs , & joignent les planches avec des fifeeles & de petites cordes de jonc ; enforte que quand ils font une nouvelle barque, il femble que ce foit une troupe de tailleurs qui y travaillent. Le lundi 18, quelques Arabes , qui paftbient pour de rigides obfervateurs des préceptes dé ( * ) On trouve fouvent de l'eau noace au fond' de 1j mer, foit par les fources abondantes qii s'y* ifncoütrent, foit par les rivières foute'iaincs qiii «7 déchargent» G iij iyo Découvert** --— la loi de Mahomet, allèrent par les chap^xiv rues Pour demander des aumônes, & afin d'y mieux réuflir, ils fe met-An. JCS4. toient dans la bouche, des charbon* ardents , comme on y auroit pft mettre des cerifes. D'autres fe frap-poient la poitrine à grands coups avec un morceau de ter d'une palme de long-, dont la téte pefoit fept on huit livres, & ils n'en relTentoient aucun mal, quoique cet inlhument eue pu renverferune muraille , pouffé de la même force dont ils fe frap-poient ou paroifioient fe frapper. rêteduDïea Q.iatre vaiueauxHollandoisétant Divali. jTous voile à Gomron, nos Voyageurs envoyèrent un exprès pour demander le paiïàge, mais il arriva trop tard, & ils étoient déjà partis pour Batavia. La même nuit, les Bania-nes idolâtres, pour honorer la fête de leur Dieu Divali, qui, difent-ils, a pris un fort ; commencèrent à illu. miner leurs maifons , & à les orner de riches tentures dedans & dehors. Cette fête dure trois jours , pendant lefquels ils ne font aucun travail. Gemelli alla les voir la première nuit, & fut très bien reçu de ces Marchands, qui lui jetterent de l'eau- fe E s Européens, iyt rofe fur le vifàge, le firent afleoir à ■ 1 " la place d'honneur, & le régalèrent cha^xiV, de diverses fortes de confitures du pays. Peu de temps après , quelques An* l6>* dan feules du Syndi parurent, les unes habillées à l'Indienne, & les autres à la manière de Perfe. Les dernières portoient une veffe de foie rayée , qui leur defcendoit jufqu'à la moitié des jambes, &qui étoit plus large par le bas comme une jupe* deiîous elles avoient de grands caleçons qui leur tomboient jufqu'à la cheville du pied, avec une bordure d'argent. Leurs doigts des mains & des pieds, étoient garnis de plufieurs anneaux d'or & d'argent, & teints de terre rouge, ainfi que leurs dents, mais les yeux & le front étoient peints de noir. Sur la tête, elles portoient de petits bonnets d'une efpece de foie , & leurs cheveux attachés en longues trèfles tomboient jufqu'à leur ceinture. Outre les pendants d'oreilles, chacune avoit un gros anneau d'or pendu entre les deux narines , & d'autres joyaux , qui leur tomboient du front , ou qui y étoient collés; mais celui du nez paroiffbi: les gêner beaucoup. G iv DÊéötrvERïEs « ■ C étoit un clou d'or qui leur perçoit Sm?SIY. ^ Par"e fupérieure du nez , au-deihjs des narines, ce qu'elles regardoient M-1694- comme un grand ornement-. Elle portoient aufli des colliers d'or; d'autres de perles, & de très-beaux bracelets. Elles commencèrent à danfer gravement, ce qui fut bien-tôt fuivi de mouvements & de poftures auflï rdicules qu'indécentes, en frappa,-,! de leurs doigts comme des caftagnet-tes, & joignant de temps en tempj leurs chants à leurs danfes. >ifcr«dc5 Le jeudi 21 , Gemelli & le Pere jaaiane». Vicaire, allèrent voir la Pagode, & l'arbre des Idolâtres ou Banianes. Cet arbre eflle plus fingulier qu'on puifle imaginer , étant allez large pour que plus de mille perfonnes puiflent fe mettre à couvert deflbus> parce qu'il a autant de troncs qu0 de branches, & que lorfque quelqu'une de ces branches elt aflez étendue , elle fe tourne vers la terre, y prend racine & devient un nouveau .tronc. Les Indiens nomment cet arbre Wora, la feuille reflembleà celle du platane. Près du même endroit elt un petit temple rond ou Pagode, .d'environ vingt palmes, de tour,. & V es Eu r o f é E W s. xy3 derrière, il y en a un autre encore ■ nu plus petit, pour recevoir les offran- c^xivV des de beurre, de riz, & d'autres denrées. Vis-à-vis la porte du pre- An l6***> mier, eft la figure d'une femme af-fife : ils la nomment Vavani, & di-fent qu'elle étoit fi prodigue de fes charmes , que jamais elle n'a refufé de fatisfaire les defirs d'aucun homme. Elle a la tête & les pieds d'argent, & le corps , qui peut avoir deux palmes de long, eft couvert d'une pièce de foie, depuis les épaules jufqu'aux pieds. Le jour que Gemelli y alla, étoit fête pour les Ba-nianes , & il en vit plufieurs- qui firent trois révérences à cette figure», en touchant la terre de leurs fronts.- Le lundi 2y,un bâtiment Maure,, de Surate, arriva à Bander-Congcv Ces bâtiments fe mettent en mer à certains temps fixes, qu'ils règlent fur deux courants , ou plutôt fur des-vents alizés , qui s'étendent- fuivant la longueur du détroit, entre Bander-Abafîi & Bander- Congo ; de façon-que ces deux courants fe réunifient' à la pointe de l'ifle de Kechimia, - dans la baie. Le mercredi 2,7 , Gs-meili montai cheval avec le msraçe 15*4- Découvertes ■ ■ Religieux, pour aller voir le jardin-ChaUpExiV dc Moullah-Ahmet, c'eft à dire du favant Ahmet. Il eft petit, mais eu-An. »6*4- jieux, & le plus beau de tous ceux des environs de Congo. On y voit une grande quantité de figuiers Européens, de vignes, d'orangers, plu. lieurs plantes Indiennes, & un arbre* nommé Badamos , qui produit des fruits femblables aux amandes. CeWmonîes Après minuit, tous les Idolâtres, 4c»idoiâcteJtanc hommes que femmes, allèrent fe baigner féparément dans la mer : les Bramines ou Brachmanes, prêchent les hommes, & leurs femmes prêchent celles de leur fexe. Ils font cette cérémonie une fois par mois,, à un certain jour de la lune, après avoir jeûné la veille, & ils croyent qu'elle les purifie de tous leurs péchés. Le lendemain, Gemelli vit un Faquir Ethiopien , habillé d'une manière extravagante. Il avöit fur la tête un bonnet dont Je haut étoit tout garni de plu mes, & le bord orné de coquilles. A fa ceinture, pen-doient une quantité étonnante de fabotsde chèvres, qui faifoient pref-que autant de bruit que des fonnet-tes» La gravité de fa marche, étoit des Européens, iyy suffi ridicule que fon habillement. ■ ■ ■ ■» < Le vendredi r de Novembre, un Sf"6^ ■rr a i • i , Chap.XlV. vailieau Anglois entra dans le port où il venoit charger des marchanda An> l's* fes pour Surate ; le lendemain , le chaud fut fi excefîîf, que plufieurs perfonnes palTerent la nuit fur les terra ffes de leurs maifons ou dans leurs cours. Le jeudi* 11 , il arriva un exprès d'ifpahan, pour apporter la per-millîon déboire du vin , & l'on apprit que le nouveau Roi étoit aufïi grand buveur que fon pere. Le 18 , le vaiffeau Anglois étant prêt à mettre à la voile, les deux Religieux qui avoient fait prix pour y être reçus en qualité de Paffagers.» le préparèrent à leur voyage, & le le nde m ai n, ils partiren t p our Ban der-Abafîi, d'où ils dévoient fe rendre à Suratte. Ils préférèrent de montet fur un bâtiment Anglois, parce que les Maures, qui habitent les bords du Golphe, étant alors en guerre avec le Portugal, avoient quatorze navires armés en mer à Mafcaté, 8c eommettoient de fréquentes hoftil-lités. Gemelli, au contraire,, choifit de paffer dans un bâtimant des Maures » voulant éviter d'aller à Surate, G vjj iyó* Découvertes 11 parce qu'on lui avoit dit que 1$ chap.xiv. QOUane de cette ville étoit très-ri-goureufe pour les perles. Il craignort ^..0,94. au(|i en montant un navire Anglois, d'être pris par les François , qui étoient alors en guerre avec cette nation , & qui étoient en force pour tomber fur eux aux environs de Surate. Le Mardi 23 ,4e Surintendant lui donna un repas , avec le divertif-fement des danfeufes ; quand on eut étendu des tapis, elles commencèrent leur exercice, danfant quelquefois trois , & d'autres fois deux, à la mufique des flûtes, des tambours & de quatre tambourine. Après plu, fieurs mouvements graves & différentes façons de tourner , elles chantèrent quelque temps ; la plus jeune s'avança avec de petits grelots aux bras, danfa feule, fit différents fauts & des mouvements de corps, pour exciter à rire ceux qui prenoient plai. £1 à l'indécence.^ Û E S E TT ftö * Ê Ë S. CHAPITRE XV. Foy^ge r Auteur à Daman, ^?nr l'hidoftan tDefcription de cette Ville ainji que de Surate & de Baçaim : Description d'une Pagode dans fi fit de Canarin. 'Out étant difpofé pour le voya- ge, Gemelli fit tranfposter fej gj»}j ballots du Monaftere , &'fe rendit a bord avec le Nicoda ouCapitaine.Le vendredi 26, il y trouva toutes les Gomeinpu* profilions dont il avoit beloin , que le fur-Intendant Portugais avoit eu la générofité d'y faire porter. Ils mirent à la voile le foir fort tard,& arrêtèrent le lendemain à Angon pour faire de l'eau , parce qu'il n'eft pas permis d'en emporter de Congo , crainte que les Habitants n'en manquent-, .Toutes les citernes d'Angon étant à fec, ils furent obligés d'en aller chercher dans l'Ifle de Kéchimi, qui en eft éloignée de deux milles. Pendant que les Mariniers étoient occupés à iaiie Aiguade ». Gemelli defeendif ïy8 Découvert e"« i mm pour voir llfle, qui eft longue , s'e*. gJ2^»«ttd du côté de Bander-Abaffi, & ap ' peut avoir quatre vingt-dix milles Au i«?4. fe t0ur. Le terroir produit des rai-lins, des figues, des dattes, & d'autres fortes de fruits ; mais la principale nourriture des Habitants eft Je poifton. Ils ont beaucoup de fardi-nes qu'ils font fécher au foleil, p0Ur en manger pendant toute l'année. I| y a dans cette Ifte une citadelle réguliere de quatre baftions , bâtie par les Portugais , qui depuis l'ont cédée au Roi de Perfe , & l'on y voit aufli quelques villages ; mais la capitale a été ruinée par les guerres, Zc parles fréquents changements de Souverain. Le mardi 30 , la met étant calme, le Nicodar & les autres Maures s'amuferent à tirer à balle feule contre une corde r en quoi ils marquèrent beaucoup d'adrefTe, & ie Capitaine la coupa deux fois. Le mercredi premier de Décembre, ils mirent à la voile de grand matin . avec un bon vent , & le lendemain paflerent à la vue de Tlfle d'Ormuï Située à l'entrée du Golphe Perfique, & à 2 lieues du continent. Cette Ifle a trois milles de tour : il n'y croît ai des Européens, iyp arbre, ni aucune autre verdure, mais ""«a-elle eft entièrement couverte de très- cÏÏSyJ beau fel blanc, qui la rend abfolu-ment inculte : cependant ti l'on en An-,6*4* vouloit croire la tradition du pays, c'eft le lieu du ParadisTerreftre, ois furent créés nos premiers parents, & qui fut enfuite entraîné par la marée. Le Vendredi 3 , ils virent la montasrre de Daba dans l'Arabie neureufe, parce que le vent leur étoit alors contraire , & qu'ils reculoient plutôt que d'avancer. Le foir ils eurent un Ouragan, qui, le famedi 4. fe changea en un vent li favorable qu'ils gagnèrent l'Océan Indien , fans cependant perdre la terre de vue» Les Mariniers s'occupoient alors particulièrement à fe peindre tous les jours les yeux d'une couleur noire qu'ils difoient très - bonne pour la vue. Ils s'arrachoient avec des pinces les poils de la barbe danslesendroita où ils ne vouloient pas en avoir, & teignoient les doigts de leurs mains & de leurs pieds avec de la terre rouge. Dirigeant leurs cours à l'Eft, ils arrivèrent le Dimanche 5* à la vue des Ifles de Cocalati, de Giabar, de Grvani » & de quelques autres, has- *?5d D£ couverte^ M i - bitéesparlesBaloucques, Pirates quï Chmelli , fe cachent derrière ces Ifles dans de C.hap.xv. petites barques , pour guetter les I4»x^+. Vaifleaux & s'ea rendre maîtres. Ils ónt aufli une grande étendue de terrein entre la Perfe & les Etats du Mogol. Ils font Arabes de Religion & de mœurs , traitent leurs Efclaves avec la plus grande cruauté, & leuç coupent fouvent les mufcles des ta-Jons , pour les empêcher de prendre la fuite. Le Mardi 7, le chaud fut fi vio. £ de crient i qum fembloit que l'hiver des faunat. Indes fût comme l'Eté en Italie , d'autant qu'il n'y a pas de différence pour la longueur des jours. Pendant ces chaleurs, les Perfans fe dépouil-loient tous les jours de grand matin entièrement nuds , & fe jettoient beaucoup d'eau de mer fur la tête pour fe laver tout le corps, qui rend ordinairement une très - mauvaife odeur, à caufe des chemifes colorées , qu'ils portent plufieurs mois de fuite fans les laver. Le vent continua, à leur être favorable le mercredi 8 % & à midi ils eurent une faufle al larme , voyant un bâtiment qui venoit fur eux.. On ne peut exprimer l'eû> des Eüii o y 1 g ?; i o'i' barras & la précipitation des Maures m*nmmm**\ à préparer leurs moufquets , qui ne- ^"p\LXv. toient que des arquebufes, & cependant leur feule détenfe: mais quand Ie An'lÓ94* Vaiffeau fut plus près, il mit pavillon rouge, ponr faire connoître qu'il étoit ami, & continua fon cours à l'Oueft. Le Jeudio, avant le lever du So-1 Negiigen" 1~:t • i \ * • i des Maure» reil, ils découvrirent une petite bar-pour ic ga-que à l'Eft, ce qui donna occasion lantuàcs^i» aux Maures de faire paroître leur va-ralc'' leur ; ils prirent leurs armes rouillées, & commencèrent à aboyer de loin comme des chiens.La barques'écarta, & fit route au nord , ils jugèrent qu'elle appartenoit a des Pirates, nommés Sangas ou Banas,qui ne font pas d'Efclaves , mais fe contentent de prendre tout ce qu'ils trouvent à bord, fans faire aucun mal aux hommes. Ils habitent le continent près de Syndi, & quelques Ifles médiocres ; courent la côte dans de petites barques > & vont quelquefois jufques dans la baie de Surate. Leur petit Roi eft tributaire du Grand Mogol; il demeure dans la Ville de Ramora au continent , & quelquefois dans l'isle de Sanganibet. Le calme étant 102 Découvertes! "I revenu, ils virent vers le foir un hâw châp^xV. ti"ment de Sangans qui venoù vers leur Vaifleau. Gemelli , jugeant de 4n. 1694. leurdeflein, conteiila au Nicoda de donner de la poudre à 20 Soldats qui étoient à bord, de charger fes canons , & de placer des (entinelles, d'autant que Ls Maures naviguent comme des bêtes brutes, fans aucune précaution,fans munitions,& ne chargent leu:s armes à feu que quand les ennemis font fur eux. Le famedi après midi, un matelot prit un poiffon qui pefoit environ 5 livres, le fala, & le vendit Éixécus aux paflagers: c'étoit le premier qu'on avoit pris dans le voyage. La nuit du lundi il s'éleva une tempête , & non feulement elle dura tout le jour; mais elle fut fi violente le mardi 14, que le Capitaine & le Pilote , également ignorants, perdirent tout le chemin qu'ils avoient fait, & retournèrent à Ke» chimi, Ils avoient à leur vue un autre VaiiTeau , vraifemblablement le Navire Anglois chargé pour Surate qui continua fa route, fans en riert perdre : Gemelli fit fes efforts pour perfuader aux Maures de fuivre cet exemple i mais toutes fes remon-, des Européens, tfff* trances , & fes ibllicitations furent infruclueules. Le mercredi iy , te-gE^y* vent fut fi violent, que le Vaiflèau fut en danger : la pluye tomba pen- An* l69**i dant tout le jour, de l'on étoit aufli mouillé fous le pont que deflus. Les femmes Maures pleuroient amèrement dans la chambre de poupe 9 ainfi que leurs maris , & ils invo-quoient leur Prophète Mahorttet , pour qu'il les délivrât de la mort dont ils étoient menacés. Le Jeudi 16, le vent devint favo- Gemcllï rable ; mais , quoique le VaifTeaUp^j0^ t* allât très-bien,ils purent à peine rega- conduis d» gner ce qu'ils avoient perdu laveille.batimcnt* Leur retard venoit de l'ignorance du Pilote, qui ne voguoit qu'au hazard >. & le Capitaine s'en étant enfin convaincu , dit avec affez de hauteur à Gemelli, que c'étoit par rapport à lui. qu'il alkmaux Indes , & qu'il falîoit qu'il examinât fi le Vaifîeau faifoitr un bon cours. Gemelli lui répondit qu'il n'en étoit rien : que le Pilote prenoit beaucoup d'Opium , ce qui augmentoit fa ftupidité naturelle » & que fe tenant toujours près de terre , il courroit rifque pendant la: nuit de donner fur quelque rocher^ — Sur cette remarque, le Capitaine 1q- «hapVxV crut très-expert clans la navigation, le pria d'obferver le compas de mer, i694. & ^e pendre la conduite du Vaif-feau. Gemelli.voyant le danger qu'il couroit avec les Maures , & que le Pilote étoit abfolument hors d'état de les conduire, confenrit à la demande du Capitaine. Il fe mit au goiHfernail , dirigea leur cours au Sud , & quand il paroiflôit quelque bâtiment , il obiigeoit les hommes h fe tenir fous les armes, crainte que leur poltronerie n'eût des fuites fâ-cheufes. Enfin , ils prirent tant de-confiance , que fur le plus léger accident, ils avoient recours à l'Aga Gemelli, croyant qu'il devoit tout fa, voir , parce qu'il étoit Européen y tant ils font prévenus avantageufe-ment en notre faveur. Le Vendredi 17 , ils fe retrouvèrent au même endroit d'où ils étoient partis 11 jours avant, inconvénient auquel font fujets tous ceux qui voyagent dans des Vaiffeaux Maures. Le famedi r 8 , le vent fut très favorable , & ils firent beaucoup de chemin , parce le Vaifléau voguoit légé-aernent, qu'ils avoient fix voiles> Cf ES ErJ..RfJpif»S.' iSf '-ique le Nicoda, ne fuivant plus les " ■** avis du timide Pilote , fe confor- Chap.pcV, moit à ceux de Gemelli, qui faifoit mettre toutes les voiles au vent quand*4n'1 il étoit bon. La nuit on tira un coup de canon, en réjouiflance de la vue de la nouvelle Lune , & tous, en fe ferrant la main, fe fouhaitoient réciproquement un mois heureux. Les «ix jours qui fuivirent , ils ne firent prefque point de chemin , & le famedi 2 y , Gemelli, trompé dans fon . efpérance, de faire la Fête de Noël à terre, lit jetter la fonde, pour con-noître s'ils en étoient fort éloignés. O n ne trouva que dix-huit bralfeS «eau, & peu de temps après, il virent flotter fur la mer une grande quantité d'herbes ou de joncs, apportés par la rivière des Indes. Le lendemain , ils remarquèrent quelques ferpents que les mêmes rivières avoient entraînés dans la mer ornais vers le foir,il s'éleva un vent contraire , qui leur ôta l'efpérance de gagner encore la terre. Avant le jour,l'igno-rant Pilote & les Matelots s'imaginèrent qu'ils voyoient le fort de Diou, qui n'eft pas éloigné de Daman, & qu'on voit toujours le premier, parce .tm'il avance beaucoup en mer. Sur,, "ï 66 découvertes ^> o r j cette agréable nouvelle, le Capitaine GtMtLLi, régala tous les Matelots deCacciari, lâp ' qu'ils mangèrent à leur manière , 4ix.«P" que ce qu'ils voyoieut étoit le village i«>4- de Mayn , près de Baçaïm , Ville qui appartient aux Portugais ; & qu'ils étoient , par conféquent au terme de leur voyage. Les Matelots étoient dans la* joie , &c les Marchands en-encore plus, penfant que leurs vies Se leurs biens étoient en sûreté : l'i, gnorant Pilote enflé d'orgueil, pour avoir amené le Vaifleau en bon état aux Indes , s'avança avec une feuille de papier à la main , pour y marquer ce que chaque Paflager voudroit lui promettre pour récompenfe de fej foins. Quand il fut à Gemelli , il en eut pour toute réponfe , qu'il méri-toit plutôt d'être puni que d'être récompenfe , d'autant que la terre qu'ils voyoient n'étoit pas celle qu'on s'U .maginoit. fi aborde au Le famedi premier de Janvier &™dej^^ ' iIs SaSn,erent le rivage, fur la faufle idée qu'ils étoient dans les * territoires Portugais, & la chaloupe fut envoyée à terre pour reconnoître, Gemelli , regardant moins au danger , qu'au plaifir de fatisfaire fa cu-riofité, monta inçoniidérément fur cette, des Européens, i 6g' cette'chaloupe, pour voir le pays , i & apprendre quelques nouvelles. Ee GçhMaELxV* vent contraire , qui foufÏÏoit afcec ap' violence , ne lui permit pas d'aller An* l6*à directement au Village", & il les pouffa, au rivage, environ à un mille d eloignement. Quand ils eurent été découverts de terre, on envoya une barque, pour s'informer quel étoit leur Vaiffeau , & de leur côté, ils demandèrent en quel pays ils abor-doient. Ils apprirent que le Viilage fe nommoit Mangalor, dans le royaume de Guzarate, à quatre cens milles de Daman. Gemelii, effrayé, fit fes efforts pour perfuader aux Maures de couper la corde qui les tenoit à la barque, & de gagner leur VaiiTeau, x s'il étoit poflible : ils refuferent d'y confentir, difant que la barque étoit trop forte pour eux, qu'il y avoit $lus de rames , & qu'elle les attein-droit bien-tôt. Ne voyant aucune reffource , ils fe lailferent conduire devant le Commandant de la Place, qui les reçut très-poliment, contre leur attente, & leur permit de faire de l'eau , dont ils avoient très-grand befoin. Ils apprirent en même-temps que la pointe qu'on avoit prife poux Tome IX. H *70 Découvertes. ..........Diou, étoit le pays des Pyrates'San- vMp.xv'. Sans » vis-à-vis defquels le calme 'les v'av<#t retenus pendant trois jours. An. i69<. QUiInd ils eurent t'ait de l'eau, & on chafieobtenu la permiliîon de retourner à le riicte Juj Vailïeau , ils remirent à la voila au point du jour, avec un ve:.t tuvo-rable, qui tomba bien - tôt , & fe changea en calme. Tous les Matelots eVles Paflagers blâmeientJe Pi-■ k>te , qui, au lieu de les conduire à Daman, les avoit fait aller à quatre cens milles plus à l'eir. Quelques-uns e'toient d'avis de le jetter en mer; mais d'autres fe contentèrent de le railler, & de le chafler du gouvernail, pour le punir de fon ignorance. Douze Marchands, ou faquirs Maures , qui n'alloient aux Indes que pour mendier , refuferent de continuer à faire route dans le VailTeauj on les mk à terre, & ils continuèrent à pied leur voyage. Le lundi 3 j je vent étant contraire , ils ne purent aborder à Diou , parce que les Maures avoient paiTé une heure entière à appareiller une voile, en appellant .Mahomet à leur fecours par une en* nuyeure chanfon. ri* arrivent l^e mardi 4 , le vent fe tourna à Daman. DES E-U £ Q V £ E K S ïj î Comme ils le déliroient, & fetrou- ——-vaut la nuit près de terre , ils ne chapïvâ conferverent qu'une voile, & tinrent toujours la fonde en mer, quoiqu'ils An*l6si* fuffent à trente lieues du rivage ; mais cette précaution étoit nécelïai-re , parce que l'Océan Indien eft rempli de bas-fonds. Le mercredi ç, ils découvrirent la terre, & pen fêlent qu'ils étoient entre Daman & Baça'imzen approchant davantage, ils virent que l'eau étoit plus blanche , à caufe des rivières qui fe joignent à celle de la Mer. Les Maures jetterent l'ancre , voyant que le Vent étoit encore peu favorable, parce qu'ils ne favent pas voguer, à moins qu'ils ne l'ayent abfolument arriére. Ils la leverent à minuit, & la jetterent encore le jeudi,parla même raifon : Gemelli qui s'attendoit à faire les Rois à terre, après un jeûne de 40 jours en mer , fut obli gé', contre fon inclination , de continuer fon ab-ftinence, d'autant que fes próvifions diminuoient beaucoup. Impatient de con noitre en quel pays ils étoient, il fe remit dans la chaloupe ; mais les bas-fonds l'ayant empêché d'approcher à plus d'un demi mille, deux Hij '172 Découvertes .....i hommes fe mirent à la nage pour c^MELri, aller aux informations. Il n'y en eut Gnai). XV. . . A . ... ' "u qu un qui osât revenir,&il leur apprit A*-I6*S' qu'il» étoient à deux journées d'un homme de pied de Daman. Le ven* dredi 7 , ils mirent à la voile vers midi ; ils fe remirent en route à mU Huit, & le famedi 8, au lever du foleil, ils mouillèrent enfin devant Daman, & jetterent encore l'ancre le foir< Jls efpéroient entrer dans le Portl'a-près midi avec la marée, mais, par l'ignorance de leur Pilote, quand ils mirent à la voile , ils perdirent la terre , & jetterent l'ancre enco:ç une fois, enforte qu'ils n'arrivèrent que le lundi, après un voyage de douze cens milles, qu'ils avoient fait deux: fois. Gemelli débarqua auift-tôt avec le Capitaine : il trouva les deux Religieux qui étojent venus dans 1Q Navire Anglois ; ils le conduisent au Monàftere de Saint Auguftin, où le Prieur le reçut très-bien , & l'engagea à y loger avec lui. Il y pafla, la nuit, fit débarquer le lendemain fon bagage, & il ne fut point yifité, par laconfidération que le Facteur marqua pour la recommandation du fui» Intendant de Bander-ÇongQt fc ES ËüttÖï'É,Eft$. MJ$ La ville de Daman appartient aux ■..... Portugais : elle eft fituée à gauche de la rivière du même nom (a 21 degrés de latitude. Elle eft allez Aar''6^' agréable , quoique mal peuplée ; les J^fy^J bâtimens font à l'italienne. Elle eft le, • partagée dans fa longueur par trois grandes rues, avec quatre autres qui les traverfent, & bâtie fi régulièrement , que le mur d'une maifon n'excède pas d'un pouce celui d'une autre : la plus grande partie n'ont que le rez-de-chauffée, & elies font couvertes de tuiles. Au lieu de Vitres, les fenêtres font garnies de coquilles joliment travaillées & tranfparentes : chaque rnaifon a un jardin ou un verger , planté d'arbres fruitiers. L'aie de Daman eft très-bon & frais le matin , même en Eté , qui dure depuis le mois d'Oclobre jufqu'à la fin d'Avril. La ville a environ deux milles de tour, fans aucun foffé du côté de l'eft, ni de celui du fud ; il y a feulement un retranchement d'environ quatre pieds de haut; mais on y voie quatre baftions bien bâtis à la moderne, quoiqu'ils n'ayent pas de canon. Le Gouvernement eft entre les» H iij 174 Découvertes 11 " mains d'un Commandant , qu^ y iuTzv' entrerient toujours une bonne garni-3P ' fon , & le Facteur, dont nous avons • ***** parlé, eft chargé de ce qui concerne» les revenus du Roi. Les f'abitants font Portugais , Métis , Payens & Mahométans ; mais ceux des deux dernières feétes n'ont pas le libre exercice de leur Religion. Il y a plufieurs beaux Monafteres, particu-. lierement celui de Saint Auguftin , où l'on voit un très beau cloître j avec douze-colonnes de pierre, outre les quatre pilliers qui font aux-angles. Tout ce que nous difons ici regarde le nouveau Daman ; mais \\ y a aufîî la vieille ville, de l'autre côté de la rivière , habitée par des, Maures & des Payens, qui vivent dans des maifons très-balfes avec des, murs de terre , & couvertes de feuilles de palmier. Entre les deux villes eft le port, formé par la rivière ; • mais aucun vaiffeau, foit grand, foie petit, ne peut y entrer qu'à la faveur de la marée, le courant étant aufli fort que le flux. Les vaifleaux de forte charge ne peuvent y entrfer ni en forti.r, que dans les marées du !>es Européens fff printemps. L'entrée du port elt dé-fendue par un petit fort avec trois caî^.ÏÀ « baftions, allez uien tournas de canon» ^ En iy$î , Martin Alphonfe de Soufa, prit & détruiht Daman en trois jours. En i S$9 , Dom Conf-tantin le reprit fur Afid Bofeta, qui s'étoit révolté contre fon Souverain» Le Grand Alogol a effayé plufieurs fois de s'en rendre makre , particulièrement Aureng-Zeb , qui mit le fiege devant cette place, avec une armée de quatre-vingt mille hommes ; mais elle fut fi bien défendue , que ce Monarque, après y être demente? trois mois, fut obligé de fe retirer avec perte de la moitié de fon armée, Les Portugais vivent magnifique' ne? rtfmr ment aux Indes, tant à leur table QAni"s ix: *^ que dans leurs habits. Ils ont un grand nombre de Caffres ou Efcla-ves, dont quelques-uns les portent fur les épaules dans des palanquins,. & d'autres les mettent à l'ombre fou» de grands parafols de plumes. Ces Palanquins font faits comme des brancars, avec deux bord» à chaque extrémité , très-bien travaillés v fk couverts de tapis de Perfe ; ils auettent deiïbs, des coufîins decuijf liiv l7°* Bé couverte 9 ■ '■ de Ruflie & de foie. Il y a des con cuàp. xv. ^ons ou aes trinö^es de 1er aux deux bouts ; on pa^e dedans des barri. .An.iôp5. DoucS ( qUi portent fur les épaules des noirs dont ils fe fervent. Dans les temps pluvieux, ils ont une autre efpece de voiture appellée an-dora, couverte de feuilles de pal, mier en pente comme le toit d'une maifon,avec deux petites fenêtres, qu'on peut ouvrir de chaque côté j pour voir dans les rues. Quand i]s îbrtent de la ville, ou quand ils font un voyage de quelques jours, ils fe fervent d'une efpece de carroiïe tiré par des bœufs, guidés par une corde qui leur prend les narines. Ces car-roffes font quarrés, & ne peuvent contenir que deux perfonnes : le def-fus eft ordinairement couvert de foie, & ils font ouverts de trois côtés. Afjïmatix du On mange peu de bonne viande »a?3, à Daman , parce que le porc & le boeuf v font de très-mauvais goût. Les Habitants tuent rarement des chèvres & des moutons, & Us ne font pas tous en état de mettre le prix à la volaille. Le poiffbn y eft rare & allez médiocre , mais le pain y eft excellent, même celui qui eft ■des Européens. 177 fait de riz. lis n'ont pas un feul de ■ nos fruits d'Europe, mais beaucoup ^""xv. de fruits des Indes, tels que des cocos , des manfanas, des jambos, des undis & plulieurs autres. Pour les herbages, il y en a beaucoup de ceux d'Europe , & d'autres qui iont particuliers au pays. Le gibier y eft en abondance, outre les fangliers, les loups, ies renards & les lièvres , on trouve dans les montagnes, des animaux nommés Eaccareos, qui ref-femblent à des boucs , & dont le goût eft à peu près comme celui du cochon. Il y a des zambares qui ont le corps comme le boeuf, & des cornes fembiables à celles du cerf: des gazelles, qui reflemblent à des chevreuils ; des dives , pareils à nos renards ; des rofes, fembiables à des vaches ; des loups , qui ont du poil aux cornes ; des chats fauvages noire avec des ailes comme les chauves-fouris ; trois fortes de tygres , des chevaux fauvages & des vaches auiü fauvages. Outre les animaux à quatre pieds, on trouve dans les bois, des paons, des perdrix de deux espèces , des canards, des pigeons, des tourterelles & d'autres oifeaux biea H y 178 Découvertes ■»■■ connus en Europe. Cha^iv. ^ux Indes, on doit être très-reglg pour la nourriture , autrement, on An. i69s. court rifque de tomber dans des ma- Nourritu«IadieS,inCUrat>leS » 0U aU, moir>S tel- 4ufa/î._ les qu'on ne peut les guérir que paj le fecours du feu,, à la manière du pays ; l'expérience ayant fait voir que les.remedes Européens n'y font d'aucun ufage. Il y a des maladies qu'on guérit, en appliquant un fer-rouge aux talons; d'autres , en mettant le feu au ventre vers le nombril r pour éviter ce s maladies , les jours gras, ils ne mangent de viande qu'à dîné & font leur foupé de poiflbn. UabiUc- L'habillement des Portugais éta- *tm* blis à Daman , eft très-vilain ; f0u$ leurs robes ou veftes , ils portent des efpeces de culottes, qui tombent fur la jambe comme des tiges de bottes , au-deffous de l'endroit où elles font liées. D'autres, fous un habit très-court, ont de larges culottes de foie, qui leur tombent jufqu'à la cheville du pied, & leur tiennent lieu de bas. Les Payens portent un long habit de foie, plifle autour de la ceinture, comme une jupe: delfous, ils mt de. longues, culottes qui lem des Européens. 17^ Tombent fur les talons ; fur leurs ■■ épaules, pend une efpece de mante-? ^nap.xv! let de foie, qu'ils, fe mettent fur la tête dans le froid. D'autres vont en- n* * ,J" tierement nuds , à l'exception d'une ceinture de toile. Les femmes n'ont d'autre habillement qu'une longue' pièce d'etoiie, dont elles fe couvrent tout le corps, à l'exception des jambes , & d'une partie du ventre. Quelques-unes ornent leurs bras de bracelets & de cercles de verre ou de-laiton, leurs oreiiles,de gros-pendants d'argent, & la cheville de leur pied* d'autres cercles des mêmes métaux. Gemelli ayant la curiofité de voir- eternrttst» Suratte-, ce qui lui étoit tiès-faciie d'autant qu'il y avoit un convoi prêt à partir pour Cambaye & pour d'autres endroits; demanda le paiïage au. Capitaine Major des; galliotes , à bord de fa frégate, qui portoit vingt canons. Le Capitaine le lui accorda très-poliment : ils s'embarquèrent le famedi 1 y , & la grande marée \ëà ayant conduits hors- du port ^ ils firent voile avec un bon vent pendant: toute la nuit. Le dimanche 16, il* virent au point du jour la baie der Surate, qui. eft-environ a foixantü- Mvji à Sm- *8o Découvertes -— milles de Daraan. Gemelli defcendit Châ" xv' au^1-toc > avec *e neveu du Capitaine, pendant que les Officiers de la doua^ Au. i69s ne vifitoient très-exactement leurs équipages, pour faire la recherche des perles. J1umfn Surate eft à 21 degrés de latitude, à l'embouchure de la baie de Cambaye , & près du Royaume de Gu-zarate. Cette ville a peu d'étendue & eft environnée d'une foible muraille. Le château n'eft pas de dé-fenfe, puifqu'il n'a que quatre tours, fans remparts. Le Gouverneur ne commande que les Soldats de ]a garnifon , &. la ville eft gouvernée par un Nabab, qui reçoit les taxes pour le Roi dans toute la Province. Les maifons des Particuliers font bâties de terre, mêlée de bouze de vache, & de petits morceaux de bois brifés. Il n'y en a pas plus de douze qui foient en bon état : cependant Surate eft le principal marché des Indes : toutes les Nations du monde y trafiquent ; aucun vaiffeau ne na-vige dans l'océan In dien , fans s'y arrêter, fou pour vendre, (oit pour acheter, foit pour charger. A Surate, on fait le commerce non-feu- des Européens. iSi lement de toutes fortes d'épices, i . ■» mais aufli de riches étoffes d'or & de ^',ltJ'1' f • j \ i ii Cnap XV. loie, de tres-oeaux cotons, &d autres marchandifes , qu'on y apporte Aa-I62J« de divers endroits éloignés. Défection Cambaye, capitale de ce Royau-decambaye. me, éroit une ville très grande & très-riche, tant que les Portugais en ont été les poflefleurs : mais depuis qu'ils l'ont abandonnée, & que la mer s'eft retirée, elle a beaucoup perdu de fa fplendeur & de fa magnificence. Baroche, à dix milles de • Surate, eft fameufe pour les beaux cotons blancs & peintsqu'ony trouve , ainfi que pour le gingembre. Beaucoup d'autres pays portent leurs richefles à Surate , comme les rivières vont à la mer, parce qu'ils trouvent beaucoup de profit à la vente. Dans le voifinage de Surate eft un . 'AAractt i j t> • o j des Faquiis. arbre des Banianes, & une pagode femblable à celle de Bander-Congo. Sous cet arbre, & aux environs , font plufieurs Faquirs ou Pénitensyqui fe preferivent eux-mêmes , «\ accorn-plilfent des pénitences fi étonnantes , que le Lecteur pourroit les regarder comme fabuleufes. On en voit fie fufpendus par une corde attachée 182 Découvertes —■m' ■ fous leurs bras & à l'arbre , enforte ^ha^Kv' nY a c*ue *e ^'0Ut ^ 'eurs P*6d* 'a ' qui touchent à terre ; le refte de leur An. i«j>>. corps eft en l'air, & ils demeurent ainii des années entières, fans changer de pofture ni jour ni nuit. D'autres ont les bras élevés, de façon quQ par la fuite du temps, ils fe roidif-fent tellement dans les jointures,. qu'il leur devient impoflible de les baiffèr. D'autres Retiennent toujours fur un pied, & d'autres font cou-*chésàterre , les bras fous la tête,, comme pour leur fervir d'oreiller,. Ils demeurent ainh entièrement nuds dans toutes les faifons de l'année,, îaiiïant croître leurs cheveux & leurs ongles d'une longueur exceffive, ex, poie's à la pluie, à l'ardeur du foleü le plus brûlant, & aux piquur'es des, mouches , qu'ils ne peuvent chafler^ D'autresFaquirs fe chargent cependant de ce foin, & de leur donner à. boire & à manger, fcôpîtalpoar Le Jeudi 20,. un jeune François Us animaux. con(luifit Gemelli dans un hôpital où ces Payens entretiennent des oi-feaux & plufieurs autres efpeces d'a-. aimaux. Ils exercent envers eux cette,-sharité 3 parce qu'ils, croycnt à. iau des Européens. 183 tranfmigration des ames , & qu'ils -penfent que celles de leurs ancêtres GEMti.u , peuvent être jointes aux corps des chap xv* plus vils animaux, ce qui les porte An. k>-vj. à avoir foin de leur nournj^ire. Les linges fauvages y viennent manger ce qu'on leur prépare, & l'on y en* tretient un nombre prodigieux de bêtes de toutes efpeces^ mais on a un foin particulier de celles qui.fonc-malades ou eftropiées. Gemelli y vit, dit-il, avec horreur, un malheureux entièrement nud, pieds & mains liés, pour nourrir les punaïfes & les aur tres vermines qu'on faifoit fortir de leurs trous infects pour le dévorer,, & il demeuroit plufieurs heures ex-pofé à leurs aiguillons, pour un léger falaire, proportionné à la Ion* gueur du temps. Le vendredi 21, revenant dans fa maifon , il vit une grande foule de peuple autour d'une boutique de Payens, au milieu desquels étoit un nomme, tenant une poule d'une main, & un couteau.de . l'autre : on lui dit que c'étoit un coquin qui portoit fa poule, quand il avoit befoin d'argent, dans les rues où demeuroient les Gentils, les menaçant de. la. tuer 3 afin d'en U泥 i&4 DÉCOUVERTES m 1 1 quelque monnoie pour conferver lg Clw "xv" Vie de Cet animaI » ParCe qu'ils croyoient que lame de quelques-An. i69j. uns de leurs pères y pouvoir être jointe. 4$ çemflîice- Le ^amedi 22, tous les bâtiments tourne à Da. de Cambaye, Diou, Baroche, & Man' d'autres endroits s'étant rafïemblés pour aller à Goa, & aux autres ports appartenantsauxPortugais, Gemelli monta fur un ; ils firent voile de l'eiru bouchure de la rivière avec un bon vent, & continuèrent leur cours toute la nuit. Le dimanche 23 , les gal-liotes jetterent l'ancre vers midi, dans la rivière de Daman : quelques petites barques la remontèrent : Gemelli quitta le convoi, & retourna dans cette ville; mais le lendemain, il prit congé de fes amis, trouvant une occafiofi de s'embarquer pour Baçaïm. 11 fe rend à Le mardi 25", Gemelli monta avec ïaçaiœ. Jes deux Pères dans un bâtiment de . Diou , chargé pour Baçaim ; il p0r-toit fix rames, un fauconneau, & étoit chargé de dix-fept foldats Portugais & Canariens. Au reflux, ils fe mirent en route , aidés d'un petit f?ent, & favorifés par la marée, qui des Européens. iS^ les portoit du côté de Baçaïm. Le • ■■ mercredi 26, ils virent le fort de £EMKV,r* rapour, qui elt un endroit bien habité, avec plufieurs Couvents de Al*l6»s« Dominicains & de Rccolets. A dix milles de Trapour, eft un autre château imprenable qui appartient aux Portugais, & que l'on nomme Azéri. Le vent continuant à être favorable, ils paflerent devant le fort &le village de Mayn, & virent enfuite la petite ifle de la Vache, qui a trois % milles de tour, & n'eft pas éloignée de Baçaïm ; cependant ils paflerent beaucoup de temps à attendre les barques &: les parangues qui venoient fous leur convoi, enforte qu'il étoit minuit avant qu'ils arrivaflent. Us jetterent l'ancre devant le canal formé par la petite ifle & par le continent , & le jeudi 27 , ils entrèrent avec la marée. Il n'y a point de maifons à loger dans cette ville: mais ils furent reçus par le Pere Félician , natif de la Chine , & Prieur des Au-guftins , qui les traita aufli bien qu'au-., roit pu le faire un vrai Portngais. Baçaïm eft dans le Royaume de Defcnptîon Cambaye, à ip degrés de latitude :de««eviiic en 1 y 3 y, Nuno d'Acunha prit cette 186* Découvertes 1 Ville pour le Roi Jean de Portugal chaïïv fur Badour, Roi de Cambaye , qui * épouvanté par la valeur des Portu-An< l5, gais , leur abandonna Baçaïm & Jes Ifles voifues. Elle a trois milles de: tour, avec huit battions , qui ne (bnc pas entièrement finis, de même que quelques autres fortifications , du, côté du nord, où les murs font accompagnés de remparts. Du mémej côté, le tiers de la Ville n'avoit point d'Habitants, à caufe de la pefte, qui y avoit fait de grands ravages depuis, quelques années. Les rues-font large* & droites & il y a de fort beaux Ut. timents autour de la grande place,, ou marché. Le Port formé par une Ifle , & par le-continent, eft tourné du côté de l'Eft. Un Capitaine eft Gouverneur de la Place , & pour l'adminiftration de la Juftice, il y a un Vuidor & un Defembargador , qui eft Ju^e des appels de tous les Vuidors de la côte feptentrionale„ Le Général Portugais réfide à Baçaïm avec une autorité fouveraine fur le Capitaine de cette Place , & fur ceux de toutes les autres Places dans la partie du Nord. Le Dimanche 50 , le chaud fut des Européens. 187 beaucoup plus conhdéraole qu'à ■ Daman: les hommes & les femmes ^^jn allèrent également nuds par les rues, les hommes fe couvrant feulement A°'169 d'un morceau de drap, & les femmes d'un linge. Les petfonnes d'un état pjus élevé portoient alors des habillements d'une foie ou d'une mouiTeline tres-légere. Tous les Gentils le percent le nez, pour y portet des anneaux : les pauvres , de même que les riches , paflent tous les matins deux heures à fe frotter les dents ' avec un morceau de bois , fuivant l'ufage du pays. Le lundi , dernier jour du mois, quelques Maures vagabonds firent des fauts. & des tours de foupleife, comme nos fauteurs & nos danfeurs de corde. Ce que Gemelli vit avec le plus d'éton-nement, fut un homme qui tournoit fur une canne de trente palmes de hauteur, qu'un autre portoir fur fa ceinture : ce qui paroiflbit d'autant plus furprenant, que ni l'un ni-l'autre ne mettoit la main à la canne., Enfin , après avoir fait deux fauts en-l'air , il fe trouva- debout fur une-poutre fort élevée qu'on avoit placée pour le recevoir.. ï 88 Découverte* ■ Le Mardi premier de Février,il ar-gemelu, riva un député du Nabab de Surate Map.xv. ^ Palanquin,avec 30 Soldats, An. 169j. pour quelques affaires dont il vouloit traiter avec le Gouverneur. Le mercredi 2 , Gemelli alla dans une An-dore pour voir Calfabo , oà font toutes les maifons de campagne. L'efpace de quinze milles , on ne voit que des jardins délicieux, platl, tés de différentes fortes d arbres frui-tiers du pays, tels que des palmiers, des figuiers , des Mangas, & d'une grande quantité de cannes de fucre« * Les payfans, dont il y en a de Chrétiens , de Mahométans &de Payens, entretiennent les jardins toujours verds & garnis de fruits, en les arro-fant avec des iniîruments faits exprès : les nobles , attirés par la fraîcheur, & par la beauté des promenades , s'y retirent dans la faifon la piUs chaude , pour y prendre l'air , & pour éviter la maladie conta^ieu-fe , nommée Carazzo , qui elt une efpece de Charbon fi violent, que non - feulement elle ne donne pas le temps de fe préparer à la mort, mais qu'en peu d'heures elle dépeuple toute une Ville. des Européens. iSg Les cannes de lucre qui viennent ' çlms ce pays lont preflées entre deux cKîîîv! rouleaux de bois, qu'on fait tourner avec des bœufs , jufqu'à ce qu'elles An,1*vj» foient bien écrafées : enfuite on en fait bouillir le jus dans des chaudières, on les met refroidir la nuit dans des formes de terre, & il s'y durcit en fucre blanc. Le Jeudi 10 , il y eut un mariage* cérémonie de gens de qualité à J'EgliÇ de No- d* tre-Damç de la Vie: le marié ne don-noit pas la main droite à la mariée , «nais il la prenoit lui-même , fuivant l'ufage de Portugal, & celui des têtes couronnées. On dit pour raifon à Gemelli, que le marié doit avoir la nia in droite libre , pour être en état de tirer l'épée & de défendre fa Darne. La mariée étoit richement habillée à la françoife^, & accompagnée de quelques trompettes d'un fon fi lugubre, qu'il différoit peu de celui qu'on entend quand on mené quelque criminel au fupplice. Il n'y a pas de Doéleurs en Droit Civil, dans tous les Etats Portugais des Indes, excepté quelques Cana-rins qui s'attachent à cette fcience, y réuniffent très-peu ; font d aufli jr;o Découvertes ■- pitoyables Avocats, que de mauvais '.r.f'xv ^onle^lers • & quelquefois un même p' homme plaide pour le Demandeur & \n.i69i. pour le Défendeur. Lescaufes y font ordinairement jugées par d'ignorants Capitaines , fans le (ecours d'aucun Ailefleur, faute d'univerfités ou de Colleges pour s'inltruire dans les Loix. flv«ijal- Dans IMlle de Salzette que les ?<•:• ou ca-Portugais nomment Canarin , il y a une Pagode qu'on regarde comme une des plus grandes merveilles de l'Allé, tant parce qu'on croit qu'elle a été bâtie par Alexandre le Grand, que par rapport à la beauté du travail qui eft au-deflùs de toute expref* lion. Gemelli ayant la curiolité de la voir, on lui confeilla d'y aller p'ar Deins. Il fe mit le I 3 dans un barque, qui le conduifït au Village de 'Gormandel dans rifle de Salzette , & il fe rendit enfuire par le détroit, au Village de Deins. Le Pere Edouard , Procureur des Autruftins 'le reçut dans fa maifon , iur une lettre dé recommà hd ation. Gemelli étant très altéré, le Pere lui donna c> ;x écorces de en rons conhts : Gemelli. en mangea une ians la regar» des Européens, xo i der, & but un verre d'eau ; mais après ■ .avoir couiideré l'autre, il y vit plu- ^apvxv. iieuts centaines de fourmis en vie. Après ce médiocre rafraîchilTement, An'l6si' il alia au Village de Monopoffer , éloigné d'un mille, pour y voir une Eghte fouterraine, qui étoit autrefois une Pagode taillée dans le roc , fur lequel eft le College & le Mo-naftere des Francifcains. Elle a cent palmes de long & trente de Lrge : les murs des côtés font le roc même.; & il n'y a que celui du front qui loit l'ouvrage de fart. De retour à Dems, le Pere Edouard lui dit., que quelques efforts qu'il eût faits , il n'avoit pu trouver perfonne pour conduire fon Andore, parce que les gens de la Maifon avoient pris la fuite, ce qui fit juger à Gemelli que ce Moine n'avoit pas la politeiîè ordinaire aux Portugais. Il fut obligé de fe contenter dun mauvais cheval , que le Propriétaire 'ui amena le lendemain, lorfque le jour étoit déjà fort avancé : il vouloit prendre quelque nourriture avant de partir , mais l'avare Edouard lui dit que le pain n'étoit pas encore venu, qu'on (eroit longtemps à le cuire , & qu'il dîiieioit 102 Dé r OUVERTES > dans un Village à moitié chemin. J[ chîpïv. refufa de lui donner un payfan ou ' un valet pour le conduire à la Pago-An. 1695- je; enforte pue Gemelli partit, avec celui qui lui avoit loué le cheval, en danger de manquer fon chemin, faute d'un bon guide, dans une montagne remplie de finges, de tigres, de Hors, d'autres bêtes fauvages , & d'animaux venimeux. Arrivé au village où il avoit deflein de dîner, il n'y trouva qu'un peu de riz à demi bouilli dans de belle eau claire , ce qui l'obligea de remettre fon repas à une autre occahon. Il rencontra en chemin des oifeauxfïnguliers,quelques-uns verds , à peu près de la grofleur d'une grive , avec un chant très-agréable , d'autres plus gros , d'un noir velouté, & portant de longues queues : il y vit aufli une quantité innombrable de perroquets, de finies & de Guenons, aufli avec des queues très-longues , qui fautoient d'arbre en arbre. Après avoir fait huit milles dans un bois très-épais, fans rencontrer la Pagode, ils ne favoient quel chemin prendre , lorfque la providence leur fit rencontrer quelques femmes payenne* r> F & Européens, ip 3 payennes entièrement nues , qui les -..... - mit dans leur route. Quand ils fu- eiusiVt rent au pied du roc, ils trouvèrent Un payfan auquel ils donnèrent leurs An' '6yï' chevaux en garde, grimpèrent fur ce rocher, qui eft très-efearpé. & gagnèrent la grande Pagode, taillée dans le toc , avec quelques petites aux environs. On voit d'abord deux grandes co- Befcr-ptin» lonnes de vingt palmes de haut, e a ** dont le premier tiers en montant eft quarré, le fécond eft octogone, & le troiftéme rond: le diamètre de chacune eft de fix palmes ; il y a feize palmes de diftmee de l'uneà l'autre, & elles font à huit palmes du roc. Elles portent une architrave de piene de quarante quatre palmes de long, de quatre d'épailTeur , & de huit de large , couoée dans le roc , de même que les colonnes. Elles forment trois portiques , qui condui-fent dans une efpece de falle , auflï taillée dans le roc. Au fond il y a trois portes, dont une a quinze pieds de haut, fur huit de la ge, qui fert à entrer dans un endroit plus bas. Au-dèflus des portes, on voit une corniche de la même pierre , qui a quatre Tome IX. I ip4 Découvertes ' palmes de large. A trente palmes cta'xv' au QCU"US ^u rez ^e chaunrée » il y a des portes fembiables , & des fenê-An. 169s- tres taillées dans le roc. En avançant dix pas vers la droite, on trouve une efpece de grotte, ouverte des deux côtés , de vine;t-quatre palmes de long , & de quinze de large , & au-delTus eft une coupole ronde de quinze palmes de haut, & de dix de profondeur. On y voit une Idole taillée dans le roc en demi-relief; elle paroît tenir quelque chofe à la main, & porte un bonnet femblable à celui du Doge de Venife. A côté font deux ftatues dans une pofture foumife , comme fi elles repréfen-toient des domeftiques , avec des bonnets en pain de fucre. Au de flus il y a deux petites figures, telles que nous dépeignons les Anges en l'air, & au-deflbusdeux petites ftatues qui tiennent un bâton , avec deux enfants à côté , qui femblent être en prières, & qui portent fur le dos quelque chofe qui reflemble à une pièce de bois. A côté de cette coupole , on en voit une autre également ronde, toute d'une feule pierre j mais qui n'a pas de creux en de- des Européens. ïoy dans. Près de cette féconde, il y a -quatre grandes figures en demi-re- ghal>.h, lief, qui tiennent de la main droite chap' xv* une efpece d'habit : vis à vis on en An. voit trois petites, qui font afliies : fix autres grandes, Se trois de moyenne taille, debout, toutes également taillées dans le roc. De l'autre côté font feize figures, toutes atlifes, avec les deux mains fur la poitrine. A quelque diftance, du côté du nord, on trouve une petite grotte de huit palmes en qaarré, où il y a un lit de la même pierre, qui a 4 palmes de lar^e & 8 de long. Sur l'autre fron-tifpice eft une ftatue alfiie fur fes jambes, avec les mains fur la poitrine : Une autre debout,qui porte à la main une branche d'arbre fruitier , & au-delfjs de tout eft un enfant ailé. Du même côré , eft la fameufe Pagode de Canarin : on y entre par une ouverture de quarante palmes de Ion» , faite dans un mur de la même pierre , qui a cinquante palmes de long, & huit d'épaifleur, Se fur lequel il y a trois ftatues A main droite, avant d'entrer dans la Pagode , eft une grotte ronde, & au milieu s'éjeveune coupole, également ron- t$6" Découvertes i--de , aufii coupée dans le roc, avec Sp*xv* différents caractères gravés , que ptr->ap ' fonne n'a encore pu expliquer. En An> *69t entrant par le premier portique de la Pagode, qui a yo palmes en quarré, on voit deux colonnes de 60 palmes de haut, &: de 6 palmes'de diamètre. Au-delà de ces colonnes , à l'entrée de la grotte, vers la gauche , il y 4 deux grandes ftatues debout .qui pa. roiflent fe regarder l'une l'autre. Un peu plus loin , font deux grolfes fta, tues fur la gauche , également debout , avec pluheurs autres petites ftatues devant elles. A droite , on voit deux grands vafes , pofés fur des pieds-deftaux bien proportionnés. En continuant, on trouve trois portes de trente palmes de hauteur chacune , & de huit de large, dont celle du milieu eft au raiz de chauffée , & celles des côtés, quatre paU mes plus haut. Sur les côtés, outre plufieurs petites figures, on remarque deux grandes ftatues de géants debout, d'environ vingt-cinq palmes de hauteur, avec des pendants d'oreille, à la manière des Indiens. En entrant par la grande porte , on yoit à droite quatre ftatues debout, des Européens. Jj?7 dont une repréfente une femme , " m qui tient une fleur dans fa main. §ïï^iv*. A gauche, il y en a quatre autres , dont deux, qui font des figures de An-l6fiâ femmes, ont de gros anneaux de la même pierre, aux pieds, & elles font accompagnées de feize autres petites ftatues. La Pagode, qui eft voûtée, a quarante palmes de largeur, cent de longueur, & fe termine en rond. Au-dedans, il y a trente colonnes , qui la partagent en trois parties : dix-fept de ces colonnes ont des chapiteaux avec des figures d'éléphants ; mais le refte eft octogone & plein. L'efpace entre les colonnes & le roc, c'eft-à-dire la largeur des côtés, eft de fix palmes. Tout ce que nous venons de décrire, eft coupé dans le roc , fans qu'on ait rien ajouté pour les ftatues, mais fur le plancher de la Pagode, on voit plufieurs pierres taillées, qui ont peut-être fervi de degrés pour conduire à quelque parv tie. En fortant de la Pagode, &cn montant quinze degrés, tous taillés dans le roc, on trouve deux citernes d'eau de pluie bonne à boire: quinze degrés,plus haut, il y en a un* TpS Découvertes .■ ' ■ ■ grande avec plus d'eau , & en mon-chaj'xv! tant encore vinnc degrés , on en ren». contre une petite au milieu d'une .An. i69i. grotte< A une petite diftance de ces grottes eft une autre Pagode, avec une belle place bien unie devant de petits bancs autour pours'alleoir, & une citerne au milieu. Des deux côtés , iU au-defïus de l'entrée, il y a environ quatre cents figures grandes & petites, comme toutes celles dont nous avons parlé , dont quelques-unes font debout 8c d'autres allïCes. On defcend cinquante marches au bas defquelles on trouve un efpace uni, taillé dans le roc , qui n'eft pas .fort dur, 8c huit colonnes oclogones de douze palmes de hauteur, entre lefquels on monte par cinq degrés •dans un endroit voûté. Sur la gauche, on rencontre une grande idole, af-jfife , tête nue , avec deux autres •grandes ffatues debout, 8c quelques ■petite's. La Pagode a cent palmes de .longueur, cinquante de large,&dix de haut. Il y a auprès une arcade de jhuit palmes de largeur, avec dix piU liers quarrés. Enfin, on eft furpris de la quantité d'arcades, de grottes, de colonnes & de ftatues, le tout d'un tdes européens. 1§Ç très-beau travail : ou prétend |que ' cet édifice a été conftruite par les 2SSSi' ordres exprès d'Alexandre le Grand. Quand Gemelli fut delcendu de An- l6"-ce rocher, il monta à cheval, très- grnndequan. , , r , , f, » tue de tour- arrame, a cauie du jeune involontaire mis daos C4 qu'il avoit fait cette ournée. Il vit en py*' chemin une grande quantité de linges & de guenons : il fut près de tuer un de ces animaux, mais il céda aux inf-tances du Payen , qui le pria de ne pas leur faire de mal. Près du village de Canarin , qui donne le nom à la Pagode , eft un rocher d'environ cent pas, avec plufieurs grottes ou citernes au-deffous. Du côté de l'eft, devant la plus grande de ces grottes, en voit une grande idole aftife, les mains croifées fur les jambes. De retour à Deins , Gemelli fe retira dans fa chambre & demanda quelque chofe à manger : un domeftique mit devant lui un petit pain, avec quelques écorces de citron , couvertes de fourmis, parce que ces infectes gâtent tout dans les Indes -, & que pour s'en garantir,autant qu'il eft pof-ïible , on eft obligé de mettre ce qu'on veut conferver, fur des tables dont les quatre pieds font pofés dans liv 200 Découvertes » des vafes de bois pleins d'eau. Enfin \i^'xv. le ^r » tres'tard » le Pere Edouard parla de fouper : ordonna de mettre An, lâpj. ja napCi & |'on fervit deux plats de pcrc::rtion petits poilïbns frits, dont les moin-d< iût sai-drcs furent mis devant Gemelli, & les autres devant le Moine. L'ifle Salzette, où eft cette Pa-gode, a environ foixante & dix milles de tour , vingt de longueur & quinze de largeur : elle eft très-bafle & coupée par différents canaux qui viennent de la mer ; mais il y a quelques montagnes fort élevées & couvertes d'arbres. Le terroir y eft très-fertile , & produit en abondance, des cannes de fucre, du riz & des fruits. On y trouve plufieurs villages habité* par de malheureux Gentils, Mores & Chrétiens, qui vivent dans des maifons faites de claies, remplies de terre, & couvertes de paille, ou de feuilles de palmier. Ces villages font donnés en fief, pour trois vies , à des folda's qui ont fervi longtemps , ou à d'autres perfonnes qui ent bien mérité de la couronne , & ils font enfuite leurs efforts pour que le don foit renouvelle - mais on donne pour toujours aux Eglifes. des Européens. 20ï Il y a dans cette Ifle , plufieurs--m places importantes, telles que Boni-bay, ville & forterefle de plufieurs milles de tour, qui elt féparée de An*l6*^ Salzette par un canal guéable dans la bafle mer. Cette ville fut donnée par le Roi de Portugal, en dot à la Reine Catherine d'Angleterre, & en conféquence, les Anglois en font poflefleurs depuis 1662. II y a auflî îos forts de Bandora & de Verfava » avec leurs villages , ainfi que Tana, &cinq petits forts aux environs , où il y a garnifon & quelques pièces de canon. Les Jéfuites pofledoient la: meilleure partie de cette Ifle, étant maîtres de toute la pointe qui regarde l'eft, & l'on prétendait même alors, qu'ils avoient plus de revenus aux Indes , que le Roi de Portugal. Le mardi 1 y, aufli-tôt que le jour Gemcin recommença à paroître, Gemelli fetoucnc *Lir mit en route & revint a Gormandel : à fon arrivée, il vit une barque de Maures qui partoit, & il leur fit ligne de revenir pour le prendre. Ils le refuferent d'abord, mai3 il leur préfenta fon fufil, & menaça de le* décharger fur eux y ce qui les enga^ 202 Découvertes m -gea à plus de complaifance : il entra chaMtxv ' £^ans la marque, & le ^oir même» ils e ap' dépendirent à Baçaïm. Le famedi ip, M- i6ff le convoi étant prct à mettre à I3 voile pour Goa; Nuno d'Acunha Capitaine d'un navire de guerre, lu| offrit très-poliment le paflage à bord do. fon vaifleau. des Européens, 203 C H A P I T_R E X V I. Voyage de V Auteur à Goa. Defcription de la Ville 6r du Canal. Grande étendue des Etats que pofédoient alors les Portugais dam les Indes : LE lundi 21 , la flotre mit à la voile une heure avant le jour : ^.EMEtLI,/ elle etoit compolee de trente -iix parangues, deux galiotes, l'une pour An- »6?^ l'Amiral & l'autre pour le Vice- il sVm-Amiral, avec quatre ManchouquesJ;aJ£ac poa* de guerre. Ces derniers bâtiments portent une grande voile fort large, douze rames, & quatre petits canons, chacun étoit monté de quinze Soldats Portugais. Le vent n'étant pas favorable , ils ne firent que-très-peu de chemin : le mardi 22 y ils jetterent l'ancre vis-à-vis de la ville & forterefle de Chaul, fituée dans une plaine, à fix milles de la mer, fur les bords d'une rivière, qui, dans la haute marée, porte les plus gros vaifleaux , jufqu'à la ville» Une fort nommé El Morro, bâti parles Portugais ,en 1520, défend fentrée 2 O.-i, D è C O. U V E RTF. S, —---du. port. Jafli, alors Gouverneur de {' (. que les Anciens croyoient inhabitable, à caufe de l'ardeur exceflîve du fbleil ; mais la providence l'a pourvue de pluies continuelles, qui y tombent abondamment, depuis le mois de Juin jufqu'en Octobre, & de plus , le ciel y eft quelquefois couvert des femaines entières, par des nuages épais ; mais quand la pluie cefle au coucher du foleil y la chaleur y eft infupportable. Alphonfe d'Albuquerqueprit Goa fur Hidalkan , fans effufîon de fang, en 1 yo8. Hidalkan la reprit enfuite ; mais Albuquerque la recouvra en lyio , y maflacra fept mille barbares , &yfit élever un fort. Confïdé-rant enfuite la bonté du terroir & la fîtuation avantageufe de cette place, il la prit pour la capitale des Etats Portugais dans les Indes. Pour établir folidement fon maître Emmanuel en pofleiîion de ce pays, par 2o8 Découvertes ■ ■ Famour de fes nouveaux fujets, H tL^ïvi mCK'era ^e rri°ut qulIs payoient à P' ' Hidalkan ; enfuite, voulant former Au. t óp s- Ull grand nombre de Soldats, il travailla à la converfïon des Elles In» diennes, pour leur faire épouferdes Portugais, afin que les-deux nations étant unies par ces alliances , les Indiens fulfent plus difpofés à foutenir leurs nouveaux maures. Goa, centre de toutes les conquêtes Portugal, fcs, augmenta en richeffe & en réputation ; devint la ciel de tout le commerce d'orient, &la principale foire des Incks. On en peut juger par l'étendue des murailles , qui ont douze milles de.tour,, avec de bons bâfrions & de très-belles redoutes. C'en: la ville des Indes qui a les plus belles maifons ; cependant elle ne con-tenoit plus, du temps de Gemelli, qu'environ vingt mille Habitants, de différentes nations 8c de diverfes religions. Le plus petit nombre eft des Portugais , qui quittent leur pa. trie, pour s'y établir en poffedant des emplois.Les Métis font lespîus nombreux, & L'on donne ce nom à tous ceux qui font nés d'un Portugais & d'une Indienne i le quart du peuple de s Européens. 209 environ , eft compofé de Mulâtres, 1 ■« e'eft-à-dire de gens nés du mélange ch«!xvî. des blancs & des noirs. Les Canarins font aufli noirs que An' li9S' les Ethiopiens, mais ils ont de longs ti°"af*îJj cheveux , & le vifage large. La plus Langoiis. grande paitie font Prêtres, Jurif-confultes, Procureurs,Notaires, &c. & s'attachent fortement à ceux qui les occupent. Plufieurs d'entreux defcendent des Bramiaes, des Badianes , & des Charodos ; ils ont le jugement excellent, font propres à l'étude des fciences , ont l'efprit fub-til, ingénieux Se vif, ce qui eft caufe que chacun délire d'en avoir pour domeftiques. Les Langolis font tout le contraire, il n'y a peut-être pas dans toute l'Alie , d'aufli hardis voleurs & de plus grands coquins. Ils vont nuds „ cultivent la terre, s'attachent à la pêche , à ramer, à porter ksandores, & à d'autres vils emplois. S'ils menoient une vie aufli dure pour l'amour de Dieu, on pour-roit les regarder comme des Saints : ils couchent nuit Si. jour fur la terre nue, fe nourriflent d'un peu de riz, qui nage dans le plat, ne mangent jamais de pain , à moins qu'ils 2îo Découvertes ne toient dangereufement malades chap Lx»i. Cette frugalité elf l'eifet de leur relie , & quand ils peuvent fe procura* i69s- rer an peu de riz , ils ne travaillent point julqu'à ce qu'il (oit ent.élément confommé. Quand ils font bien battus, ils entendent ce qu'on leur demande, & fervent avec activité* mais ce feroit perdre fon temps que de vouloir les y engager par de belles paroles. Les coups leur font agréables, qu'ils font partie des plai, fîrs du mariage ; & quand il s'en fait quelqu'un entre les gens de cette race le marié & la mariée fe mettent au! lit, où leurs parents & leurs amis les battent fi bien qu'ils s'en reffentent pendant plufieurs jours. r>cs Maho- La plus grande partie des Bour-ZfSSitsf1 geois & ?es Marcna»ds de Goa" font Idolâtres ou Mahométans : ifo vivent dans un quartier féparé de h ville, fans aucun exercice public de leur Religion. Il y a auffi un grand nombre de Cafres ou Noirs ; quelques Portugais en ont jufqu'à trente ou quarante : le moins eft d'en avoir lïx ou douze pour porter les para-fols & les andores , ainfi que pour les plus baffes occupations. Ils leu5 des Européens. 2 t t ■font très-peu à charge , puifqu'il Tuf- < ■ » fit de leur donner un plat de riz à ^e^yi dîné& un le foir: pour les habillements , ils n'en ont pas d'autres que An'l6y5* celui qu'ils ont apporté en naiffant. Ces Noirs font amenés par les vaif-feaux Portugais des cotes d'Airique , où ils les achètent pour très-peu de chofe , parce que les prifonniers de 'guerre font déjà efclaves dans leur propre pavs. Quelques-uns fe vendent eux-mêmes de défefpoir, & le nombre de ces derniers feroit encore beaucoup plus grand, s'ils n'avoient la fol'e idée de croire qu'on met en poudre à Goa, des gens de leur nation. Ils font idolâtres , mais il eft • facile de leur perfuader d'embraiTer la Religion Catholique ; ils le rendent aifément aux raifons qu'on leur fait entendre , & confentent volontiers à être baptifés. Dans les Noirs dont nous parlons, Adrcflc ?t on en trouve quelques-uns qui ontp"^ delà nobleffe dans les fentiments,ftc. & des difpoiïtions heureufes. Dom Francifco deTavora, Comte d'Al-var, étant Gouverneur d'Angola , le fils d'un Roi voifin vint pour le vifiter. Sachant que les Portugais 2.12 Découvertes » étoient fcrupuleux fur le cérémonial, î:,LMt't,I' & qu'il feroit reçu debout, il arne-naavec loi deux rLlclaves, bien înf. An 1695. triljts de ce qu'ils dévoient faire. Quand il fut entré dans l'appartement du Gouverneur, & qu'il vit qu'on ne lui préientoit pas de liège, il ordonna aux Efclaves de s'acrou-pir, de façon qu'il fe pût afleoir fur eux. Le Portugais admira la conduite du Caffre, & fitaufli-tôt apporter des chaifes. Après Ja vifite, les deux Efclaves refterent dans la maU fon du Comte, dont les DomeftU ques avertirent le Caffre, pour qui] les rappellât ; mais il repondit qu'il n'avoir pas coutume d'emporter les (îeges fur lefqueîs il s'étoit affis. courage des- De même que les Princes & la *CI1S ée c"te Noblefle de cette nation penfent avec grandeur , aufli le commun du peuple eft courageux & adroit, &il furmonte des lions & des éléphants avec de foibles armes- Pour les éléphants, ils font un étroit fentier, par lequel ils réufliïfent à faire palTer l'animal, au moyen de plu-heurs artifices , & les Catfres , montés fur les arbres, les tuent adroitement avec leurs javelines, D'autres» quand ils. fc'fi Européens 21$ trouvent l'éléphant couché, lui fau--*' tent fur le corps, le percent avec chà^xvi. une longue dague, &fe tiennent ferme, jufqu'à ce qu'il foit mort. Us fe An-font un amufement de tuer des lions : quand ils en voyent un dans lesbois, un Caffre s'avance avec deux petits bâtons à la main, en met un entre les jambes du lion , & badine avec l'autre, pendant qu'un fécond Caffre paffant adroitement par derrière, prend l'animal par les tefticules, ce qui le tue en un inftant. Pour revenir à la defcription de Beauté . Surate, Daman, Trapor, Maïrn , ua, çaïm , Tana , Chaul, Dabul, & plu. iieurs autres Places , dans une étendue de deux cents milles lur la côte. Ils fe rendirent maîtres des Ifles de Goa , de Salzette , de Bardes, d'An-degive de d'autres. En avançant vers la Chine, ils s'emparèrent de la place importante de Malacca , des Ifles Molucques, de l'ifle de Timor, & fonderent la Colonie de Macao, avec l'agrément de l'Empereur Chinois. Leur domination s'étendit aufli ftir la côte d'Afrique, où ils occupèrent Angola & Mozambique, qui eft une Ifle de trois milles de tour , & d'un millede long, où les Jéfuites avoient feulement un jardin de Palmiers. Le fort eft à l'entrée ducanal, & le Château a quatre bons baftions , avec foixante & quatorze pièces de canon choifles. Les marchandifes que les Vaifleaux de la Compagnie condui-fent dans ce Port, font vendues à un prix qui règle le facteur du Roi & il les envoyé enfuite à Chilimani à l'embouchure de la rivière Sanna, des Européens. 219 De Chil imani on les fait remonter la....... rivière dans de petites barques. Les £fapExvfc CafFres viennent à ce Port de toutes les Provinces, & des différents royau- Aq' 1 i9î' mes, jufqu'à la diftance de trois ou quatre mois de voyage : ils achètent & enlèvent les marchandifes fur leur bonne-foi , qu'ils ne manquent jamais d'apporter l'année fuivante , à moins que la mort ne les en empêche. Ce commerce rapporte plus de cent pour cent , & c'eft avec raifoa qu'on dit que les Portugais ont d'autres Indes en Afrique. Senna eft une petite Ville à droite ville &riv»e* de la rivière de même nom ; elle eftie dc Scnna* habitée par trente familles Portu-gaifes, ce qui la rend affez peuplée , » caufe du grand nombre de noirs qu'elles y entretiennent. Sur la même côte , à quinze journées de Mozambique, les Portugais pofledent aufli le Port de Zofala , & dans l'Arabie heureufe, ils avoient encore la Place importante de Mafcaté , avec fes dépendances. Us étoient également maîtres du Royaume d'Ormuz , de plufieurs Ifles dans le Golphe Petfï-que, & de la Ville de Balfora , qui paye toujours au Roi de Portugal ua 220 DÉCOUVERTES », tribut annuel de cinq cents mille Ci e m t Li i, ^cus s avec un cheval ; mais quand lÇfi*y' ' ils ne voyent pas une flotte puiflante An. 16^5. ^ans le Golphe, les Mahométans fe çjifpenfcnt volontiers de ce tribut. ie*HoUan- Les Portugais s'étoient aufli ren-d^îsenicvent jus maîtres du Royaume de Canara guis LT'des forts d'Onor,de Barfelor , de" grande partie Çarn|>biinj & dans l'Ifle de Ceylan %!uue°a' trois des lept Provinces paflerent fous leur domination , en conséquence des dernières volontés d'Acoza, qui en étoit Souverain. Ils avoient encore fournis la Ville & le Fort de Negapatnam, dans le Royaume de Maduré , deTamboulin , dans celui de Bengale , & de Macaflar, dans 1Q Royaume de même nom. Devenus ainfi formidables à tous les Princes de l'Aile , ils avoient rendu tribut?.}, res tous les pays des environs, & étant maîtres du grand Cvéan , par leur puiflantes flottes , aucun Vaif-feau , de quelque Nation que ce fût ne pouvoit naviger dans ces mers fans un palTeport des Portugais. Ces conquêtes acquifes au prix de tant d'hommes , & de tant de fang répan. du , leur demeurèrent à peine un fo'cle Se demi, d'autant que les HqJ- des européens. 11 f landois , quand ils s'adonnetent au ■ ■« commerce des Indes, an lieu de por- GtME1:-\1' ter leurs armes centre les liles &c les Royaumes des Mahométans & des An'l6»s« Payens , s'attachèrent uniquemeat à enlever aux Portugais ce qu'ils avoient gagné avec tant de danger & de fatigues. Une autre caufe du déclin de ht Autreca*t« puiflance Portugaife d'ans ce pays, ^cinl.ewI fut la conquête qu'ils firent du Brefil, parce qu'ils y trouvèrent des profits beaucoup plus confidérables, qui leur firent rriéprîfer celui qu'ils tiraient des Indes. Il eft certain qug le Roi de Portugal fut pendant quelque temps dans la réfolution de leà abandonner abfolument , & il l'au-roit fait, fans les Millionnaires , qui lui repréfenterent que s'il renonçoit à ces contrées, tous les Chrétiens qui V étoient, retourneroient dans peu a l'Idolâtrie ou à la Religion de Mahomet. Ce qui refte à préfent aux Portu* gais dans les Indes, eft fi peu confi-dérable, que bien-loin de leur être profitable, il peut à peine foutenic les dépenfes qu'ils font obligés d'y^ faire, Ceux qui leur portent envie g K iij O CM EL LI 222 Découvertes difent que leurs pertes font une pu-. nition de leur défaut de zèle pour la Religion , & de ce qu ils ne le f0nt Aa. pas attachés, comme ils auroient dû à la faire fructifier dans les Indes j mais la véritable caufe de leur ruine eft d'avoir fait tant de conquêtes éloignées les unes des autres , & d'avoir eu des guerres en Europe , qui les ont empêchés de donner du fe-cours aux Indes, Gor.vornc- Tout ce qui refte fous la domina-jncm.ie.Por-tion des Portugais, depuis le Cap de S au" Bonne-Efpérance jufqu'à Macao , dans la Chine , eft gouverné par un Viceroi, qui a le titre de Capitaine Général, & réfide à Goa , qu'on regarde comme la Capitale de l'Inde. Il y a fix ou huit Défembargadors ou Juges , qui ont part au Gouvernement , & forment un CcBfeil Souverain. Ils portentdelongues robes, & de grandes perruques, comme les Magiftrats François- Ilsadmimftrent la Juftice dans les affaires civiles & criminelles , ayant pouvoir fur tous les autres Juges, & décidant en dernier reffort des appels de toutes les autres parties dépendantes des Portugais. Le Viceroi prélîde, comme: des Européens. 223 chef de cette Cour , ailîs fous un dais. .Chap.XVI* L'Inquiution eft plus refpeétée & plus redoutée par les Chrétiens de An-l69i" Goa & des environs , que ne l'eft l'Archevêque ou Primat Non feulement le Viceroi, & tous les Officiers civils & militaires , mais aulli les Ec-ques , ont des revenus donnés par le Roi, en quantité fuffifante* pour vivre dans la ipleadeur. Les appointements du Viceroi font de dix milles pièces de huit : l'Archevêque en a environ trois mille quatre cents : les Officiers de l'Inquifî-tion , les Chanoines, les Moines, & « les Curés, font payés à proportion ; mais toutes les dixmes appartien-, nent au Monarque. On trouve aux environs de Goa , Fruits fcar. de toutes les différentes efpeces de F** r . . . rc r 1 a i Lc Cocotier fruits qui croulent iur les cotes des Indes. Avant de quitter cette ville, nous allons donner une defcription abrégée des plus remarquables , ainfi que des arbres, en commençant par le Cocotier, parce que c'eft le plus utile aux hommes. On prétend que cet arbre fuffit pour équiper un vaif-feau en mer, & pour le charger de' • Kiv 224 Découvertes ....... toutes les provifionsnécefTaires,farts Geuelu , aucun autre fecours. On fait des voi-Cliap'XVI'les avec les feuilles , le bâtiment An. i6<;j. avec le bois: le fruit fournit à boire & à manger , outre une marchandife de grand débit. L ecorce extérieure fe file , pour faire tous les cordages nécefiaires ; la coquille, qui eft très-dure, fert à former des talfes pour boire le chocolat, &pour beaucoup d'autres ufages. Au-dedans, on trouve une poulpe ou chair blanche, qui entoure une autre coquille, & qui eft épaiffe de la moitié du doigt : fe goût en eft femblabîe à celui d'une amende , & au milieu, l'on trouve une eau très claire & très-agréable à boire. Le même fruit fert à faire diverses fortes deconfitures, 6V ionen tire une huile bonne à brûler, qu'on peut encore employer aux mêmes ' ufages que l'huile d'olive. Aufli le Cocotier eft l'arbre qui rapporte le revenu le plus ccnfïdérable aux Indes , d'autant que ce pays produit peu de riz , de coton & de bled. Il pouf-fe jufqu'à la hauteur de foixante palmes , & eft d'une égale grofleur du haut au bas. fcesTaWr* Te Palrriier ou Dattier des Indes, ou DattKW. ï5ës Européens. 225* ne porte pas de fruit, mais on en tire de deux fortes de liqueurs, quon §5f5t"j appelle Nira & Soura. Une autre efpece nommée Tranfolin, porte trois Alï*1 *5** petites noix en triangle, on en prefle la poulpe, & il en fort une liqueur blanche très-rafraichifiante. Cet arbre croît à la hauteur du cocotier, niais les feuilles en font plus ferrées, & forment une efpece de balai. Celui qu'on nomme le Palmier des linges , a les branches faites comme de grandes difciplines. Le fruit fert à faire des chapelets très-curieux, parce que les grains portent un travail naturel , plus beau que l'art ne le pourvoit imiter. L'Arequeira ou arbre L'AK*ocs* d'Areça, eft femblabîe au palmier, niais plus menu & moins élevé : il porte une efpece de fruit, qu'on mâche avec le betle, & qu'on recueille quatre ou cinq fois par an. Le Fi- LcFls*«ra gueira ou Figuier, eft un arbrifleau aufli tendre que le rofeau , épais comme la main d'un homme, haut de quinze à vingt palmes, avec des feuilles d'environ quatre palmes de large: les Indiens s'en fervent au lieu de plats, & ils en changent à chaque nouveau mets. Il ne porte du fruit 226 Découvertes - 1 qu'une fois, car aufli-tôt qu'une bran; Chap^xyi. cne a donné foixante , loixante & dix , & quelquefois cent figues, or» Au> i6j>j. COUpe |e figuier & il en pouffe un autre fur la même racine. Il y en a de deux efpeces, qui mûriffent dans, tous les temps de l'année : les unes, qu'on nomme figues à rôtir, ont une palme de long , & font grofles à peu près comme un ceuf : les autres, nommées figues de jardin , ne font pas fi groffes que les premières, mais elles font plus douces, & on les mange? leMangot-crues. Le Manguera ou Mangottier^ eft de la hauteur d'un poirier , mais, il eft plus étendu & avec des feuilles plus douces. Le fruit, qu'on nom» me Mango , eft pefant & plat, attaché à une longue queue : il eft verd en dehors , & la poulpe , au-dedans de la coquille, eft blanche & jaune : il y en a de plufieurs efpeces, dont le 'tecanva. goût eft différent. Le Caramboleira fcolci», eg de la grolnreur j'un prunier, &a des feuilles de même : ie fruit, quand il eô mur , eft blanc en dedans & jaune en dehors : il a la forme à peu près du li aofl , & le up : lesHabitans en con-fcven: à „ufe de fa qualité ra frak chiiïànte, des Europee n s. 2*27 L'Anoneïra eft fort gros, & pro- ■ duit aux mois de Mars & d'A vril, un cïiap xviV fruit de la grofleur d'une poire: il eft rouge & jaune en dedans, tirant aui69î. fur le blanc en dehors, & plein d'une L'Anoneïr» fubftance,. d'un goût agréable, qu'on mange avec une eu illier. L'Ateïra Vèttm* eft de la groffeur d'un pommier ; porte de petites feuilles : le fruit qui relfemble à celui de la pomme de-pin, eft verd en dehors, blanc en dedans, très-doux, & fe mange aufli avec une cuillier. Le Cajueïra n'eft Ca-}U^U pas élevé, mais il a beaucoup de branches & de feuilles :'le fruit eft fîngulier, en ce qu'il a le noyau et* dehors,comme une crête verte, au. lieu de l'avoir en dedans comme les autres fruits: les Millionnaires Portugais alfurent que l'odeur de ce fruit fortifie beaucoup la mémoire. On le coupe en quartiers , qu'on trempe dans l'eau fraîche, pour les manger, & il en fort un jus très-bon pour les; obftruétions d'eftomach. Le Jambe- Eejwn&g* leïra vient fauvage, & porte des feuïl îcïra,. les fembiables à celles du limonier;, le fruit en eft h délicieux ,. qu'une; Indienne qui étoit à Lifhonne , n'avoir que du. dégoût pour les me.\v ■m. leurs fruits de l'Europe , quand elle " ' pend aux branches comme les ceri-Au nos- fes ou les olives : r^flemble au premier de ces fruits, par la couleur rouge, & à l'autre , par la forme & par le noyau. -Le jango- Le Jangome'ira eft fort gros, plein *cïra' de piquants, & a les feuilles très-petites : le fruit eft de la grofleur des noix, & dun goût acre, à peu près " te Brindcï- comme la nèfle. L ; Erindeïra eft de «a. la grandeur du poirier : mais les feuilles en font plus petites : le fruit reflemble aux pommes d'or, avec iccaram- la peau beaucoup plus dure. LeCa- *ua. ramdeira eft petit & épineux, avec cfes feuilles fembiables à celles de l'oranger ; le fruit n'eft autre chofe que le raiiin fauvage de l'Indouftan. tejaqiKÏra. Le Jaqueïra eft de la grofleur d'un laurier, avec des feuilles vertes & jaunes : le fruit eft le plus gros qui foit au monde, puifqu'un homme ne peut en porter plus d'un : on en voit qui ont quatre palmes de long, & une palme & demie de diamètre: mais.comme il feroit impoflible que les branches puflent fupporter un pareil fruit, la nature y a pourvu? des Européens. 220 en le tailant croître au pied de i'ar- ■■ bre. La peau en eft jaune, verte & cL^xvî. épineule , avec des pointes fembiables à celles des colliers qu'on mec An-l6*J* aux chiens. Au dedans , on trouve des féparations jaunes , comme dans l'orange : chacune contient un noyau qui reflemble à un gland, de qui a le goût de châtaigne quand il eft rôti» Le Canellier , quoiqu'il ne porte,.Le Cantf-pas de fruit, eft cependant un arbre précieux par fon écorce, qui revient apiès avoir été coupée, & donne un nouveau profit au Propriétaire. L'Amfaleïra eft de la grofleur d'unL'Amralf,it poirier ; le fruit croît à la partie la plus épaifle de la branche : il reflemble à une pomme d'or , & a des côtes en dehors comme le limon. L'Anananfeïra eft une plante qui ref- f^AnaJUS"' femble à notre joubarbe: le fruit, nommé ananas, eft rond & garni de pointes. Il a une palme de long & plus d'une palme de diamètre : il s'élève comme un grand artichaut. On le cueille fouvent avant qu'il foit mûr, on le confit avec du lucre , & on l'envoyé ainfi préparé en Europe* Il eft très'fain , mais fi chaud, que fi on laiffe un couteau dedans pendant 2jo Découvertes ■ un jour, il perd entièrement fatrerrr.. cha " vï Pe' ^ Mogoreïra eft une plante qui, ip' depuis le mois de Février jufqu'à la. An. fin fe jvia.L, porte une fleur blanche le Mogoreï-très belle , & d'une odeur beaucoup plus agréable que celle du jafmin. On en a envoyé plufieurs plants à Lifbone , dans des pots de terre, pour des Seigneurs Portugais, & on les a jugés dignes d'être mis dans le jardin royal y à caufe de la beauté de la fleur. I*Afafrcïra- L'Afafreïra eft plus gros qu'un pommier, & il produit une efpece de fafran:les fleurs s'en épanouiflent la nuit, ce qui dure pendant toute Le Pimen- l'année. Le Pimenteïra eft une plante *J"- bafle , qui croît près des arbres & des murs : elle porte du poivre nommé piment, dans des goufles fembiables à des grapes de raifin : il eft rouge dans fa maturité, mais les Indiens le brûlent pour le rendre noir, afin qu'on ne puifle le femer autre *eBeteleira.Part- Le Beteleïra eft une plante tendre comme le lierre, elle s'attache & cou r de même :. la feuille eft les délices des Afiatiques : hommes: & femmes, depuis le Prince jufqu'au Payfan , font leur plus grand plaifu» des Européens. 2 3 r d'en mâcher tout le jour, foit feuls, —— foit en compagnie. Les Efpagnols en font une compofition avec l'aré-ca, & en portent dans de petites- An>l*9^ boëtes, joliment travaillées pour en mâcher de même continuellement, foit hors de chez eux, foit dans leurs maifons. Le bétel rend les lèvres il fines, fi rouges & fi belles , que les Dames Européennes, fi elles pou-Voient en avoir , l'acheteroient au poids de for.. Les arbres dont nous avons donné lcîow»; la defcription, font les plus beaux de l'Indouftan, mais il y en a encore un grand nombre d'autres qui ne doivent pas être méprifés. Le Puna eft fihaut & fi droit qu'il peut fervit à faire des mats de vaifleaux. On trouve aufîi des pommiers aux Indes, & beaucoup de Tamarins dans tou tes les cfmpagnes. Le Pndolim Le Pndft-produit une belle fleur & un longlim* fruit femblabîe au concombre. Il y a aufli un fruit blanc qui vient en terre comme les taupmambouis , mais beaucoup plus gros , & qui pefe quelquefois plufieurs livres : quand il eft bouilli , le goût en <.ft meilleur que celui de nos pommes de terre, 2 52 Découvertes -.......... On y trouve encore beaucoup d'au; chaMExvi tres e^Peces °e fruits , tant du pays ap" * que de ceux qu'on y a apportés de An. i69i. p^fe & d'Europe, fi f. s Européens. 23 3 CHAPITRE XVII. #î0)'tfge de ly Auteur à Galgala, oi «oif c^mpe le Grand Mogol. Afo-gnificence de ce Monarque, £r mœurs de fes Sujets. GEmelli avoit réfolu dès le commencement de fon voyage , xviifc de voir la Cour & le Camp du Grand An té.9f* Mogol, fans faire aucune attention au danger nia ladépenfe. Dans cette jJJJfSi î vue , il loua un Bégarin pour porter pafler à la fes provifîons de quelques jours, ainfi c°**à* que les uftenfiles néceflaires pour pré- s parer à manger , écant allure de ne Tien trouver en chemin. Le Bégarin ne favoit pas la langue du Mogol, & Gemelli loua aulïi un garçon de Gol-cor.de, qui, outre fa langue maternelle , avoit appris le Portugais. Il laiûa tout fon bagage au Pere Hipo-lite Vifconti, en le priant de changer , en fon abfence, tout fon argent en pièces de huit, afin de s'en fervir après fon retour, pour le voyage qu'il projettoit de faire à la 1 Chine, 234 Découvertes » Le vendredi 4, l'Interprète & le J?EH"i"j Porteur, l'ayant averti que tout étoit prêt, il fe mit en marche, laiffint ^.-u, -----------------> --"h.ijc An. 1695. fon Domeftiq.je au Monaftere. Le lien obtientpafTage de Daugi, où il devoit pren-dff£dlSt«e une barque pour aller à Ponda, que. éto:.t fermé par ordre de l'Archevêque, qui gouvernoit en labfence du Vice-Roi, & qui avoir détendu que perfonne ne paffât dans le pays des Infidèles , fans fa permiilion particuliere ; mais aufîï-tôt que Gemelli lui eut parlé , il lui donna un> pafTeport de fa propre main. Après avoir traverfé le canal, ils demeurèrent long-temps daas une cabane qui appartenoit aux Gardes , parce qu'ort ne trouvoit ni hommes , ni bêtes pour porter le bagage d'un Arménien & d'un More qui l'avoient joint. Enfin, voyant que la nuit s'ap-prochoit , ils forcèrent quelques Gentils du village d'ArcoIna, à le porter. Ils paflerent lanu.tfousquelques cocotiers, fans qu'il leur fût pofîible de dormir , à caufe du bruit des tambours, & des cris des Idolâtres, qui célébroient la fête de Si-m inga, dans le temps de la pleine kiae» des Européens. Le famedi , avant de partir , ■ l'Arménien & le More rirent un am- j?J£ïllJg pie repas de cachiuri, qui e(t%unc compofition de riz, de fèves & de lentilles pi'éos & bouillies cnfemble. papoue N'ayant pus de bêtt s de t liarçe pour M,rdcL porter leur bagage ji fqu'à Ponda , qui étoit éloi0:.é de doi>7e milles j Gemeih prit trois Gentils , & lut obligé , contre fon inclination ,de fe fervir du baron , pour les faire marcher. Le foled étoit fi brûlant, que de diftance en diftance, apics avoir fait très-peu de chemin , ils étoient forcés de s'arrêter, pour fe rafraîchir avec des melons & deutres fruits du pays. Ils trouvèrent fur leur route le village de Mar dol, où il y a une fameufe Pagode. Pour entrer dans la cour, on paffe fur un pont couvert y q'û a trois aiJies, avec deux efea-he.s p-vir y monter. A droite de la cour, eft an édifice de figure octogone, compofé de fept rangs de pe-tites colonnes, dont les chapiteaux font d'une très-belle architecture. Veisle portique, & devant les arches du pont, il y a plufieurs boutiques ; mais tout cet édifice tombe en ruine, depuis que le Grand Mo~ 336" Découverte^ ■ ■ 1 ■ gol a conquis ce pays fur le Roi de GEMELLt vifapour. La Pagode eft au fond de ChîP. XVII. » . rr i la ceur : la première pièce reilenible An.i69j. £ une petite falle, plus longue que large,qui conduit dans une féconde, & un peu plus loin, fur la droite, on en trouve un autre, qui eft petite; niais ornée de belles peintures, avec diverfes figures, dont une a quatre mains: deux fervent à tenir un bu-ton, la troifieme porte un miroir, & la quatrième eft pofée fur le côté de la figure. On y voit auîfi différentes fortes de monftres, de bêtes & d'oifeaux. Derrière la Pagode , eft un des arbres des Banianes , avec un bafîln ou citerne defTous, & de grandes marches de pierre autour, pour, que les Idolâtres puiffent s'y laver & le purifier de leurs fouillures. il arrive à Après être partis de cet endroit, fonda. iis marchèrent long-temps dans des plaines & fur des montagnes , & arrivèrent fort tard & très - fatigués à Ponda. Gemelli y trouva un petit camp des troupes du Mogol , entre lefquelles étoit François de Miranda, qui le reçut très-poliment. Ces troupes venoient le même jour, de Bi-chiolin , avec le Divan ou Receveur ©es Européens. 237 fles droits du Roi à Ponda. Devant **** fa tente, étoient fept cents hommes tous les armes , Infanterie & Cavalerie , avec deux compagnies de feize Alu Gentils , qui danfoicnt confufémenc au fon des tambours , des fifres 6c des trompettes. Le Divan étoit un homme d'environ foixante ans, avec des cheveux blancs : il monta à cheval , précédé de deux Timbaliers aufli à cheval, fuivi de deux autres fur un chameau, & accompagné d'une troupe de gens à pied & à cheval , qui alloient tout nuds Se en dé-fordre , fautant comme un troupeau de chèvres. Le Divan fe rendit à une tente, dreflee pour la cérémonie ; il mit pied à terre, & falua le Mef-fe^er du Roi, qui lui apportoit une velte, & une commiflion pour prendre poiTeflion du Gouvernement de laforrerefle bafle de Ponda. Il prit le Tchira ou Commiflion .qu'il mit fur fe tête, pendant que le Ménager te* noit fa ceinture pur un bout. Ce dernier prit une veiïe de foie grife rayée d'or, dont il revêtit le Divan, lui ^itdeux feiTes ou ceintures au col, pendant qu'il avoit toujours le cimeterre à fon côté. Le Divan pofa. 238 Découvertis m cinq fois fa main à terre , & la porta gemrlu, a chaque fois fur fa tete, en remer-ciant le Roi, qui lui raifoit 1 honneur *M*i<>9i> de lui envoyer ce prélent. Oh dit que cet honneur lui coûta vingt! mille roupies , qui reviennent à deux mille cinq cents livres , qu'il envoya au Secrétaire , pour l'expédition de la 'commiflion , parce que le Grand Mogol n'écrit jamais lui-même à fes fujets. Tjefcrîption La ville de Ponda, fituée entre 4cponda. plufieurs montagnes, eft compofée de cabanes & de maifons de terre. Le fort, aufli de terre, a une garni-fon d'environ quatre cents hommes, infanterie & cavalerie , avec fept petites pièces de canon. Le pays qui en dépend & qui a écé conquis fur le Savagi, par le Grand Mogol, eftgou-. verné par un Souba ou Général, qui reçoit les revenus de fept cents villages, & eft obligé d'entretenir un certain nombre de Soldats : aufli il exerce toutes fortes d'exacT:ions fur les campagnes, & force quelquefois un petit nombre de cabanes de payer des milliers de roupies. Femme btü- Le lundi 7 , après midi, Gemelli iéc avec fon vit l'affreux fpe&acle d'une femme: mari. * Dp. s Etjropéehs, 239 çayenne , qui fut brûlée avec le 1 corps mort de fon mari, fuivant l'im-if"*;"» pitoyable coutume du pays. Elle tortit très-bien habillée , ornée de Aa fes joyaux , comme une nouvelle mariée , accompagnée de gens qui chantoient, & jouoient de divers ■nitruments,avec fes parents des deux fexes, fes amis & plufieurs Brach-manes ou Prêtres Indiens. Quand elle fut arrivée au lieu deftiné, elle parut d'un air intrépide , & prit congé de tous ceux qui l'accompagnoient. Enfuite elle fut couchée toute étendue , la tête fur une pièce de bois, dans une cabane quarrée, de douze palmes en tout fens , fa;te d'un bois léger , trempé dans l'huile , & on 1 attacha à un poteau , pour que l'approche du feu ne la fit pas changer de place. Dans cette fituation , & lâchant du bétel, elle demanda à ceux qui étoient prélents s'ils n'a-Voient rien dont ils voululTent la charger pour l'autre monde: elle reçut plufieurs préfems , & quelques lettres que lui donnèrent des gens de ce peuple ignorant, pour rendre à leurs amis décédés : elle les enveloppa dans un morceau de drap ; rcmctcnrou te 240 Découvertes er.fin' le Brachmane qui l'avoit en-ch^xvii courao^e à la mort, fbrtit de la ca-ap" bane, on y mit le feu, & en peu An. ie9i. je teinps elle fut confumée. Gêmeihd Gemelli , voyant qu'il n'y avoit dans le pays, que des bceuts pour toute voitute , acheta à Ponda, un cheval pour foixante roupies , prit un palleport du Bachei, afin de ne pas être arrêté par les Gardes des frontières : laifia fon fuhl, pour qu'on le renvoyât à Goa , crainte détre fait prifônnier par les gens du Sa-vagi : partit le mardi 8, & après avoir fait huit milles , arriva à Chiampon, village compofé de quelques maifons de terre. Il fe fit préparer à manger , mais fon Porteur, ayant pris une feuille de figuier pour fervir de plat , fuivant l'ufage des Indes , la femme Payenne à qui cet arbre appartenoit, & d'autres qui vinrent à fon fecours, firent de fi grands cris, qu'il fut obligé de partir aufli-tôt. Ils marchèrent par les bois , & après avoir traverfé un bras de mer dans une petite barque, ils entrèrent fur les terres d'un Prince Payen, Seigneur de quelques villages entre les montagnes, mais fujçt tjEs Européens. 241* &.tributaire du Grand Mogol. Ils ■ t firent encore quatre milles , & arfi* ^^j^ji Verent à un village nommé Kakoré, d'un petit nombre de cabanes. Le Aa*ltf5>«* -foir , ils virent des troupes de fin-ges , qui fautoient d'arbre en arbre, & dont quelques-uns tenoient leurs petits fi fortement ferrés contre leur Ventre , que quoiqu'ils leur jettaffent beaucoup de pierres, ils ne-purent en faire tomber un feul. Ces linges font fort gourmands du fruit de coco, & les Indiens s'en fervent fouvent pour les prendre. On fait un trou à la coquille, par où l'animal paffe fa patte, pour en tirer la poulpe, & , ne pouvant la retirer pleine, plutôt dans un pays rempli d'arbres Lij 244 Découverte-s .. ■ vereis 6V très-agréable , ce qui les GtM^i.u conciui|]t à ia ville de Mandapour 6c après le dîne , ils tirent encore Aa. 165.5. deux colles pour gagner Betché, autre ville entourée de murailles, où ils s'arrêtèrent. Singer de II eft très - différent de voyager voyage sedans les Etats du Mogol, ou dans Mufe*'L ceux de Perfe & de Turquie, car on n'y trouve ni bères de charge, ni caravanferas à des diftances convenables , ni provifions, 6l ce qui eft encore plus fâcheux, il n'y a aucune sûreté contre les voleurs. Un Voyageur qui n'a pas un cheval à foi, êft obligé de monter fur un bœuf, & n'a, îanuit^que le ciel pour cou-verture, excepté quand il trouve quelques arbres, Outre cette incommodité, on eft continuellement ex-npfé aux excurfions des troupes du Savagi, & à celles des Mogols mêmes, qui font d'habiles & hardis voleurs. Ils regardent l'argent & les habits d'un Voyageur , comme leur propre bien, vont avec lui pendant plufieurs jours , & quand il croit erre en sûreté dans leur compagnie, ils le volent avec plus de facilité, Pe tous les Royaumes fujets.au des Européens. 245* grand Mogol, celui de Vifapour eft ■ le plus dangereux pour voyager , r3^*xwïS parce qu'il eft conrlnuellement fatigué par les guerres. a*.h»s. Le mercredi 16, après trois cof-fes de chemin, ils arrivèrent à un village nommé Kodelki, Octrois cof-fes plus loin, ils trouvèrent Edoar, Japlus grande ville de toute la route. Tous les Marchands qui viennent des Provinces méridionales , pour vendre leurs marchandifes , s'arrêtent en cette ville , d'où ils vont au camp, pour y faire le commerce en détail. Quand Gemelli y paha, elle étoit infectée de la pefte. Après le diné , ils firent fix cofles, & arrivèrent à la ville de Mouddol, fituée fur les bords d'une rivière, ce qui eft Un grand avantage fur une route où Ion ne trouve point de citernes, « où les fontaines font très-rares. ; Le Jeudi 1*7 , après avoir fait H arr'vc 1 cjnq cofles, ils palTerent dans uneG~l.£ala« Ville , environnée de murailles, nommée Matour : & deux lieues plus l°;n , ils trouvèrent le village de Galgala , où étoit le camp du Grand Jïogol. Ils allèrent au quartier des Mahométans, nommes Lafcais,& L iij 2^6 DÉCOUVERTES —— y furent bien reçus par quelques chapExvii.Soldats Chrétiens, d'Agra. Le len-' demain , Gemelli alla au quartier des An. 16*5. Canoniers Chrétiens, pour entendre la meiTe, & trouva une chapelle convenable , dont les murs étoient de terre , défervie par deux Prétres Ca-narins. Après la mette, François de Borgia, Vénitien d'origine & Capitaine des Chrétiens, l'invita à venir à fa mai fon. Le même jour, le Pvoi demanda au Cail, ou Juge de la Loi , lequel étoit. le mieux pour le fervice de Dieu , de combattre fes ennemis , pour étendre la Pveîi-gion de Mahomet, ou d'aller à Vi-iapour, faire leur carême ou ramadan. Le Cafi demanda du temps pour répondre, ce qui plut beau* coup au Mogol, qui étoit un Prince très-dilTimulé.' camp du Le famedi 19 , Gemelli fe rendit Grand Aio-au Gulalbar ou quartier du Roi, & *° ' trouva le Monarque qui donnoit au- dience , mais il y avoit tant de multitude & de confufion, qu'il ne put bien voir cet Empereur. Ses tentes & celles des Princes qui l'accompa-gnoient , occupoient un elpace de trois milles > défendu de toutes parts ^ des Européens. 247 avec des palilfades , des fofles & cinq———» cents fauconneaux. II v avoit trois ?BUBÎQÀ portes, une pour le Haram, ou quartier des femmes , & les deux autres, An- 16s*' pour le Roi & pour fa Cour. On prétend que ce camp contenoit foixante mille hommes de Cavalerie, & cent mille d'Infanterie, avec cinquante mille chameaux , pour porter le bagage, & trois mille éléphants. Le nombre .des Vivandiers , des Marchands & des Ouvriers , étoit beaucoup plus conhdérablc : tout le camp pouvoit être regardé comme Une ville mobile, de trente-fix milles de tour, contenant quatre millions d'habitants , & abondante , non-feulemenr en provilions, mais encore en tout ce qu'on pouvoit délirer. Les Omrahs , ou Généraux , font Des troupe* obligés d'entretenir un certain nom-du MOSo1* bre de Cavaliers & de Fantah"îns à leurs propres dépees ; mais le Mogol leur affîgne les revenus de quelques pays ou Provinces , tant qu'ils confrrvent leurs emplois , & quel-qnes-uns jouiffent , par an , d'un million - & demi venant de ces fiefs. Les meilleurs font donnés aux Prin- Liv 248 découvertes . ces du fang royal, dont queîques- (Sï jrai uns ont Julclu * un million & ia? par mois. Non-feulement ils font An. x<;>*. 0bligés de fervir en guerre , mais ils doivent toujours accompagner le Monarque, &fur la faute la plus légere, on leur retranche un giaguir, qui vaut trois mille neuf cents^ roupies , ou une moindre fomme, à proportion de leur paye. Quoique ces Généraux duflent fe trouver en état d'amaifer de grandes richefles , ils ne s'en occupent que très-peu , parce qu'à leur mort, le tréfor royal eft leur héritier: on donne feulement une médiocre penfion à la veuve, pour fubfifter, & les enfants favent que le Roi leur accordera des fiefs encore plus conlidérables que ceux de leurs pères, s'ils les méritent par leur fidélité & par leurs fervices. • Chacun des Omrahs commande fes propres troupes, fans être fubor-donné à aucun autre , & ils obéiflent feulement à un Lieutenant du Roi, quand ce Monarque eft abfent. Plufieurs François qui étoient dans fen armée , difoient que c'étoit un amu-fement de fervir dans les troupes du Mogol , parce que t l'on ne veut pas dés Européens. 249 combattre ; ou (i l'on quitte fon pof- _ te , on n'a d'autre punition que de cl,ai,. jvii. perdre la pave de la journée où l'on n ■ , 1 J - y. , 1 Au. i&9}» eft tombé en faute. Il n y a pas de Prince dans le monde qui paye mieux fes troupes ; un Etranger qui entre à fon fervice, devient riche en peu de temps i mais quand on y eft engagé, il eft très-difficile d'en fortir, à moins de déferter. La Perfe & l'Arabie, lui fourniflent des chevaux pour fon armée, qu'il paye quatre ou cinq cents roupies chacun , il ne croit pas d'or«< ge dans l'Indouftan , & on leur donne Par jour, quatre livres pefant de lentilles bouillies, œt is en hiver , on y ajoute une demi-livre de beurre, t£ quatre onces de poivre. Une des , grandes dépenfes, eft l'entretien des éléphants , dont chacun mange au moins cent quarante livres de bled par jour , outre les feuilles , les cannes vertes, le fucre Ôc le poivre , en-forte que le Roi paye fept roupies par jour , pour chacun. Le dimanche 20 , environ deux mille Soldats, infanterie & cavalerie, furent rangés en bataille, devanr la tente du Schialam, ou fils aîné da Roi, pour accompagner ce Prince L v 2yo Découverte s » ■ ■ ■■ au quartier de fon pere. Il monta à cï^xvii cnevaI > Pour a!ler renare fes rek 1 P' ' pecis au Monarque, & mit pied à Ao i«yy. terre aufîi-tôt qu'il l'apperçut : le Schialam avoit environ foixame & cinq ans , il étoit grand & fort gras, avec une longue barbe qui commen-çoit à blanchir. Gemelli a Le lundi 21 , par l'entremife d'un «ne audien- Chrétien d'Agra, Gemelli eut l'hon- ïcduMogol'neur d'être admis à une audience particuliere du Roi. Dans la première cour du quartier de ce Monarque, il vit une grande tente, remplie de Timbaliers, de Trompettes & d'autres inftruments: il remarqua auiîî une boule d'or, entre deux mains dorées, pendue à une chaîne, qui eft l'étendard royal, qu'on«porte fur un éléphant, quand le Mogol fe met en marche. Il psiïa enluite dans la fe, conde cour, & fut conduit dans Ia tente du Roi, qu'il trouva afl's à la manière du pays , fur de riches tapis, avec des coulïins brodés en or, . Gemelli fit fa révérence, fuivant l'ufage du Mogol, & s'approcha en-fuite, le même Chrétien lui fervant d'interprète. L'Empereur lui demanda de quel) Royaume d'Europe il des Europe eh s. 25t étoit, s'il en étoit parti depuis long- ■ temps , dans quel pays*il avoit pane, qJJJSvu. pourquoi ilétoit venudansfon camp, s il vouloir s'attacher à fonfervice, Aft* l€*im & où il avoit deflein d'aller ? Ge-. melli répondit à toutes les queftions, & lui dit que des affaires de la plus grande importance , l'obligeoient de retourner dans fon pays , quand il au-roit fait un voyage# à la Chine. Il fut enfuite congédié, parce que le temps de l'audience publique étoit proche. La tente deftinée pour ces audiences, étoit foutenue par deux grands pilliers, l'extérieur couvert d'une toiie rouge ordinaire , mais l'intérieur garni de petits rideaux de taffetas. Au fond , il y avoit une place quarrée, élevée de quatre palmes, entourée d'une balufrrade d'argent , de deux palmes de haut, & couverte de riches tapis : au milieu de cette plateforme, étoit un autre enclos , élevé d'une palme , avec quatre pilliers couverts d'argent aux quatre angles, qui atteignoient le haut de la tente. Dans cet enclos, étoit le trône , également quarré, de bois dorré, élevé de trois palmes au-deffus du tout, avec un petit max- Lvj 2 ^2 Découvertes * chepied d'argent. Le Roi parut bien- châp'xvii tôt, s'appuyant fur un bâton fourchu par le haut, pluiieurs Omrahs An. & Courtifans marchant devant lui. Il étoit de petite taille, le nez large, le corps mince & voûté par le grand âge. La blancheur de fa barbe, taillée en rond, fe faifoit particulièrement remarquer fur fa peau couleur d'à» live. A mefure que ceux qui avoient 3uelques affaires s'approchoient eux Secrétaires prenoient les requêtes, & les remettoient au Roi, en lui en rapportant le contenu. Le Monarque écrivoit au dos fans lunettes, & l'air de gayeté qui pa-roilToit fur fon vifage, faifoit juger qu il prenoit plaillr à cette, occu» pation. Revue ces Cm fit la revue des éléphants, pour Éléphants, je t^0i connoître en état ils étoient, à chacun de ceux qui pailoit, le Conducteur lui dé-couvroit la croupe , pour la faire viir au Rot; lui* tournoit enfuite la tête vers le trône, & lui faifoit faire trois révérences au Monarque , en élevant & abaiflant autant de fois fa trompe. Le fils & le petit fils diî Sçhialam, vinrent enfuite, ils firent des Européens, iï$ chacun deax falutarions , & s'aflïrent * fur le premier rang près du trône ^cS^ivï gauche. Ceux qui n'étoient pas du Sang Royal, étoient obligés de faire Au-trois falutarions. Adroite, horsde latente, étoient cent Moufquetaires , avec un pareil nombre de Mailiers, qui portoient fur leurs épaules , des bâtons garnis Q une boule d'argent à l'extrémité. A gauche de la tente , étoient les cnfeignes royales , attachées à des piques , portées par neuf Officiers, qui avoient des vertes de velours cramoifi, brodées en or, avec des manches très-larges, & des collets pointus , qui leur tomboient fur le dos. Au-cedans de l'enclos qui ren-fermoit los tentes du Monarque, il y avoit pluheuis Compagnies de cavalerie & d'infanterie fous les armes, avec des éléphants, qui portoient de grands étendards, & des Timbaliers-, qui frappoient continuellement de leurs timbales. Quand l'audience fut finie , le Roi fe retira dans le même-ordre qu'il étoit venu, les Princes en firent de même v quelques-uns dans des palanquins, & d'autres moot- 25*4 Découvertes » é tés fur de beaux chevaux caparaçori- £EMEL" > nés en or. •haP. xvii. 0n rait que la fucce(Tlon ^ cette An. i69s- grande Monarchie, dépend plutôt Hiftorc du de la force que du droit; mais le Grand Mo- jviogol, qui étoit alors fur le trône, |eb.AUie"S y avoit ajouté la fraude, en faifant périr , non - feulement fes frères , mais même fon propre pere, nommé Schah-Gehan. Ce Prince, à 1 âge de foixante & dix ans , après en avoir régné quarante, devintéperduement amoureux d'une jeune Morefie. Cette paflion déréglée , le jetta dans de tels excès, que réduit à la plus grande foiblelfe , ii fe renferma pendant trois mois dans le Haram, fans fe laiffer voir à fes Sujets. Il avoit quatre fils & deux filles : fon fils aîné fe nom. moit Dara ; le fécond , Sujah; le troifieme , Aureng-Zeb, & le dernier , Morad-Bakché. Schah-Gehan, voyant que tous fes fils étoient" mariés & très-puilfants , & qu'ils afpi, roient à la couronne , ce qui les ren» doit ennemis les uns des autres, craignit qu'ils ne fe tuaffent réciproquement en fa préfence, &, après y avoir beaucoup réfléchi ; il réfolut des Européens. 2 y j* de !cs éloigner de la Cour. Il en- ■ voya Sujah, dans le Royaume de Bengale; Auretig-Zeb, dans celui de Dékan ; Morad-Bakclié, à Guzarate; AB> ,6*s* & il do nna àDara, Caboul & AIoul-tan. Les trois premiers fe rendirent dans leurs Gouvernements, s'y con-duifirenten Sultans, s'en approprièrent tous les revenus, & y entretinrent des armées , fous prétexte de tenir les Sujets dans l'obéifiance. Dara Qui étoit l'aîné, & par confequent l'héritier préfomprif demeura à la Cour, & fon pere voulut même que tous les ordres paifaflent par fes mains. Lorfque ce Monarque fe retira dans le Haram, le bruit fe répandit qu'il étoit mort, & fur cette nouvelle , fes fils armèrent auifi-tôt, pour s'emparer des Etats de leur pere. Aurenz-Zcb, pendant que tout étoit en confufion , dillimula fon ambition ; déclara qu'il renonçoit à toutes les efpérances terreftres , & qu'il vouloit le faire Faquir, ou mer> diant, pour fervir Dieu plus en paix. Il écrivit à fon frère Morad, que puifqu'il avoit la valeur en partage, & que fes deux autres frères avoient abandonne la religion de leurs anec-: '2 $6 découvertes ■ tres, Dara étant Idolâtre, & Su- gemelu, ;an Hérétique, il lui conleilloit de s emparer du trône; lui promettant A* »6*5. fon lecours, pourvu qu'il lui donnât fa parole; que quand il feroit maître du Royaume, il le lailferoit prier Dieu tranquillement le relie de fes jours. Pour marque de fon affection, il lui envoya en même-temps un préfent decent mille roupies , &lui confcilla de fe rendre promptement maître de Surate, où étoit letréfor. Morad ajouta foi a^ux proteftations s« tre dans une cabane de bois, fur un éléphant, & on letranfporta àDelhy, dans le petit fort fitué au milieu du fleuve. - Aureng-Zeb s'étant ainfî affuré de it faîf mou-Morad, pourfuivi Dara, & laifia fon £ fils pour achever de détruire Sujah iobligekuoi. mais le jeune Prince nommé Moha-J^1^ med , afpirant déjà à un rang auquel il ne devoit pas encore fonger, excita les foupçons de fon pere, qui le fit arrêter fur le fleuve du Gange, l'envoya prifonnier à Gualeor , & fit dire à fon autre fils , de demeurer dans fon devoir. Il fe rendit enfuite à Delhy , où il commença à fe conduire en Roi, & pendant que fon Général agifïbit contre Sujakî, il ef-faya de fe rendre maître de Dara, Par adrefle. Il y réuflit, &quand on le lui eut amené aux portes de la ville , il le fit monter avec fa femme & fon fils , en habits médiocres, fur un éléphant : il traverfa ainfî les rues, a~rès quoi on le mit à mort. On avoit fait quelques poèmes, pou* n6o Découvertes ■i louer la valeur de Morad-Bakché- cGia ''xvîi Aureng-Zeb , en fut jaloux &le fie ,ap" ' auiîijnourir. Il ne reftoit plus que le xq. i«^î. Sultan Sujah, quife foutint quelque temps à Bengale ; mais il fut enfin obligé de céder à la puilTance & à la bonne fortune de fon trere : fon armée fut entièrement mife en déroute , & lui-même forcé de prendre . la fuite , fe retira ou en Perfe, ou en quelque autre 'pays , ce qui fit dire, en plaifantant r à Aureng-Zeb, que. Sujah s'étoit fait pèlerin, i! empare Cette guerre , 11 contraire à la na-4u «inc. ^ étant terminée après avoir duré cinq ans, Aureng-Zeb trouva encore de l'oppofition par la fermeté du Grand Cadi, qui devort le mettre en poifefîîon du trône , &qui lui, objecta que fuivant la Loi de Mahomet & celle de la nature, perfonne ne pouvoit être déclaré Roi, pendant que fon pere étoit encore vivant , & moins que tout autre Aureng-Zeb, qui avoit fait mourir fon frère aîné Dara. Pour lever cette difficulté , Aureng-Zeb affembla les Docteurs de la Loi, & leur dit que fon pere étoit hors d'état de régner à caufe de fon âge, & entraînés par i> e s Européens. 261 fes raifons , les Cafuiftes Mahomé- —— tans, dirent qu'il méritoit la cou- ^^Jytl ronue , & devoit être déclaré Roi. Le Cadi perfifta dans fon oppofi- An-1*»** tion, il fur dépofé, & l'on en mit Un autre en fa place» qui, par re-connoiflance, confentit à tout ce que voulut fon Bienfaiteur. En conséquence , Aureng Zeb fe rendit à la Mofquée , le 20 d'Octobre iô'6'o, & prit place fur le trône, le plus riche en joyaux qui foit au monde ; ayant été commencé d'orner par Ta-merlan, & 6ni par Schah-Gehan : il y reçut l'hommage de tous les Grands de l'Empire. Aureng - Zeb , frappé d'horreur s« remords, quelque temps après, de tous les crimes par lefqucls il étoit parvenu à remplir fes vues, s'impofa volontairement une rigoureufe abftinence, s interdit l'ufage du pain de froment, du poiffon , de la chair , &c ne vécut Pjus, que de pain d'orge, de riz, d'herbes, de confitures & d'autres nourritures fembiables , il fe fit aufli Une loi de ne boire, à l'avenir, que de l'eau. Les principaux Princes de TAfie & de l'Afrique , lui envoyèrent des 26*2 Découvertes ». ■ Ambaffadeurs , pour le féliciter fuî chaMExvii ^on avénement autr°ne» mais leKoi ap* de Perfe, au contraire, lui écrivit, An. 169$. p0ur iui reprocher le meurtre de Dara & l'emprifonhement de Schah-Gehan , & s'arrétant au titre d'Alem-Guire , qui lignifie Seigneur du monde, qu'Aureng-Zeb avoit pris, il conclut fa lettre par ces mots , « Puifque vous êtes Alem-Guire , *> je vous envoyé une épée & des «chevaux, afin que nous puiflions w nous rencontrer ». Câofcdeces Tels font les moyens dont on fe uojibics. fert p0ur monter (ur le trône de l'Indoultan ; ils ne font pas établis fur aucune coutume pernicieufe qui ait lieu chez ct*tte nation ; mais ils font occahonnés par le défaut de bonnes loix, qui puilTent affurer le droit d'aîneue héréditaire. Tout Prin. ce du Sang, penfe avoir un droit fulTifant à la couronne , & en s expo-fanr à la cruelle néceilité de vaincre pour régner, il entraîne fouvent une infinité de fujets dans fa ruine; pour établir plus folidement le règne de saccefîloncelui qui s'empare du trône. des Empc- Le vafte Empire du Mogol, dont toi" M°: le nom, en langage de llndoufhn, ces Européens. 26*3' «Jgnifie blanc , contient tous les pays " faués entre l'Indus &le Gange. Il elt S^it, orne a 1 elt par les Royaumes d A-facan, de Tipra & d'Aflem ; à l'oueft, An-l69t' ar la Perfe & par les Tartares Uf-ecs ; au fud , par l'océan Indien 8c par quelques pays qui appartiennent aux Portugais , & à divers petits Rois ; enfin au nord , par le mont Caucafe, & par le pays de ^gathai. Ee premier qui jettales fondements de cette puillante Monarchie , fut Tamerlan , autrement nommé Tey-rnur, qui, par fes conquêtes étonnantes , depuis l'Inde jufqu'à la Pologne, a de beaucoup furpafle tous «s anciens Commandants. II avoit une jambe plus courte que l'autre „ ce qui l'a fait furnommer le boiteux ; il n'étoit pas de balTc nailTance , comme quelques-uns l'ont afliiré , Puifqu'il defcendoit de Schah-Gis-Kan , Roi de Tartarie : il étoit né à Samarcand , dans le pays de Zaga-' thaï, ou des Tartares Üfbecs , 8c il y finit aufli fes jours. Après une fuite de neuf Princes du même fanç, le trône fut rempli par Aureng-Zeb , qui ajouta à fon Empire, les Royaumes de Vifapour & de Golconde, 20*4 découvertes —«— une partie des Etats du Savagi, & 5;.EMEVvtT,T d'autres petites Principautés de l'In-douitan. a.kjm- Aureng-Zeb s'attachoit à gagner occupations [a réputation d'un exaét obfervateur Zeb.men&~ de la Loi de Mahomet, & d'amateur de la juftice. Il diftribuoit fon temps de façon qu'il étoit difficile de Ie trouver jamais dans l'oifiveté. Il y avoit des jours de la femaine, où il fe baignoit avant le jour , faifoit en-fuite fa prière, prenoit quelque nourriture, &, après avoir palTé deux heures avec fes Secrétaires , il donnoit audience publiquement avant midi ; après quoi il faifoit encore quelques prières, dînoit, & donnoit une féconde audience, ce qui étoit fuivi d'une troifïeme & d'une quatrième prière. Il s'occupoit de fes affaires domeftiques jufqu'à deux heures de nuit, foupoit, repofoit feulement deux heures , & enfin lifoit I'Alcoran , jufqu'au point du jour. Cette 1 conduite, dit Gemelli, devroit fervir d'exemple à plufieurs Princes" d'Europe, qui s'abandonnent à la pareffe & à la volupté, négligent les devoirs de Jeur état, & ne fe font remarquer t) e s Européens. 26*5* Remarquer que par leur intempérance 11 ■■■«■■» & par leurs excès. J^t. i^uand Aureng-Zeb le tut prêtent ce genre de vie, il ceflTa de ré- An',6,$' ] pundre le faner, & il devint même fi O* dune dou ooux, que les Omrahs & les Oouver ccur excefli "eus fe difpenfoient fouvent devc* leurs devoirs, fâchant que le Monarque étoit h clément, qu'il ne pouvoit fe réfoudre à les punir. Cette manière de gouverner, eft totalement différente de celle de la Turquie , où la moindre tache de défo-héiffance , ne s'efface qu'avec le fang. Dans fa jeuneffe même , il ne fe livra jamais aux plailirs des fens, comme avoient fait fes PrédécelTeurs , quoique fuivant la coutume du pays, il entretint, dans fon Haram, plufieurs centaines de femmes, par of-tentation. Outre cette abftinence, aPrcstantde crimes, la table n'étoit pas entretenue des revenus de la couronne ; il difoit que la nourriture ne pouvoit être bonne, quand çlle étoit trempée de la fueur des Sujets , & que tout homme devoit travailler pour gagner dequoi fub-fîfter. Par cette raifon , il s'occupoit encore à faire des bonnets, & les Tome IX M 266 DÊCOUVFTITES ■ envoyoit en préfent aux Gouver- ChaMExv i neuisR°yaurre & des Provinces, iap' ' qui lui rnarquoient leur reconnoit- An. 169$. fance de cet honneur, en lui en-voyant plufieurs milliers de roupies. Le Grand Mogol réfïde ordinai. rement à Delhi, & quelquefois à Agia ou à Lahor : qu« nd il elt dans quelqu'une de ces villes, il a toujours pour garde un Omrah avec un corps de vingt mille hommes de cavalerie , campé autour de la place, & ^ette garde eft relevée tous les huit jours. Aurem;-Zeb , qui crai-gnoit l'ambition àe (es fils", demeura quinza ans enritis en campagi e( changeant de pofte de temps-en-temps. Çuond il décampoit, on envoyoit devant lui une ter te, pour l'élever dans l'endroit où il vouloit établir fon nouveau camp , & eüe étoit porteep^rcent vin^r éléphants, quatorze cents c hame;uv ,& quatre cents petits iluriots. Huit autres éléphants portoient autant de ihai. fes, ou brancards, ornées d'or 8c d'ar^enr, ou faites de bois doré & fermées avec du criftal. Il y en avoit trois autres , portées chacune pat huit hommes, & le Roi s'en L.voit » E s Européens. 267 quand il ne vouloir pas monter fur éléphant. O^fxv/l, Aureng-Zeb eut plufieurs enfants : kfoé, nommé Mohammed, ayant An'l69*' afpiréà la couronne avant a mort de d> Pofteritc fon pere , fjt arrêté & empoifonné. Zcb.ai'"s" Le fécond, nommé Schialam , eut la nième penfée , fut renfermé pendant ^ ans, dans une obfcure prifjn, quoiqu'il fut âgé de foixante ans, & n'en fortit que peu de jours avant l'arriv'ede Gemeili au camp. Azam-Çchah, troifieme fils d'Aurtng-Zeb, forma aulîi des confpirations contre Ce Monarque , mais il fut pris avec le Roi de V:(apoar, qui neid.t fon Royaume; ilavoitalors emironcm-^uanre-cinq ans. Le quatrième fils, nommé Akbar, plus ambitieux en-c°re que les autres, ayant été en-v°yé par fon pere , en 1 680 , avec Une armée de trenre mille hommes, pour faire la guerre au Raja Lifonte, Joignit fes troupes à celles de ce Raja, contre Aureng-Ze > , mais il fur dé-kït, & contraint de orendre la fuite en Perfe , où il fut très bien reçu par °ehah Solyman , qui lui accorda \|ne penfion pour le faire vivre, conformément à fa naiffance Le plus Mij 2f5S Dé cou vertes m_ jeune des fils d'Aureng Zeb , nom- gemelli, mé Sikandar, alors âgé d'environ Cbap, xvn. trente ans ( étoit infecté, comme les An. ioy autres, d'une ambition contagieufe, enfoiteque le vieux Roi étoit obligé de fe tenir toujours à la téte d'une puiffante armée, pour fe défendre contre les entreprîtes de fes enfants, Gonve „c- Le Grand Mogol eft fi abfolu , iBcniduAio- qiie fa volonté eft regardée comme une loi, # décide en dernier reffort ; de toutes les affaires, foit civiles, foit criminelles. Il ufe tyrannique-» ment de fa Puiflance, & comme il eft Seigneur de tout le pays, les Princes mêmes n'ont pas de derneu> Xe affûtée, & le leur en fait cllan-ger à fa volonté. Il en eft de même les Payfans, auxquels on ôte quelquefois les terres qu'ils ont cultivées, pour leur en donner d'autres, qui font en friche, & de plus, ils font obligés tous les ans, de donner au Monarque, les trois quarts de leur ■ récolte. Pour la conduite des affaires publiques , & pour l'adminiftration de la juftice , il entretient quatre Secrétaires d'Etat,qui doiventl'inf-truire de tout ce qui fe paffe dans fon empire, & recevoir fes ordres, Cha-. ©Es Européens 2óp" Cun des jours de la femaine, excepté le vendredi, qui eft leur jour de fête, ch??*xxiu quelqu'un de ces Secrétaires eft obligé de rendre compte au Roi de ce à"'*6**" Cjui concerne les Provinces de fon département. Malgré l'attention continuelle qu'exigeoient ces audiences particulières, Aureng-Zeb ne man-quoit jamais à en donner de publiques tous les jours, excepté le vendredi. H entre perpétuellement des fom-ses Revenus* mes immenfes dans les coffres du Grand Mogol : outre les taxes ordinaires & les impôts excefîifs que les Sujets payent pour leurs terres ; on leur vend aulTï tous leurs emplois civils & militaires. Quand il meurt quelqu'un de ceux qui en font pourvus , tout ce.qu'il polféde retourne au Roi ; aufli une famille ne demeure pas long-temps dans la fplendeur, & le fils d'un Omrah eft quelquefois obligé de mendier fon pain. Il faut -aufu remarquer, que dans un Empire aufli vafte , il y a beaucoup de terres incultes ; quoique certaines Provinces foient d'une fertilité étonnante. Pe ce nombre , eft celle de Ben-Sale , plus abondance encore que M iij ^7* Dec ouverte j iMdMMl'Egypte, en productions de la terre-' GEMtLii, fe toutes efpc'ces. Enfin , l'Empiré C/iap. xvii. , _, . A /- t* F du Mogol eft fi peuple , que malgré An. 1695. jeur parefte naturelle, les Ouvriers font forcés par la nécelîité de travailler aux tapis, aux brocards , aux broderies , aux étoffes d'or & d'argent, & aux autres ouvrages qui fe font dans ce pays , d'où un nombre infini de Vailïeaux les tranfportent, non-feulement dans les diverfes parties de l'Aile, mais aulli en Afrique & en Europe. Mcbeffi de Pour que le Lecteur puifTe fe for, •et Empire mer quelque idée des richeffes de cet Empire, il faut remarquer qUQ tout l'or & l'argent qui circule dans le monde, vient enfin s'y rendre,, comme à un centre commun. Per-fonne n'ignore que celui qui vient de l'Amérique , après avoir circulé dans les différents Royaumes de l'Europe , eft porté, partie en Turquie pour y acheter diverfes fortes de denrées, & partie en Perfe, pour les foiries : mais les Perfans, les Arabes & les Turcs , ne pouvant fe pafler des commodités de l'Inde, envoyent des quanrités prodigieufes d'argent à Moka, à Balfora, à Bander-Abat te b s Européens. 271' fy > & à Gommeron , d'où les Vaif- — 1 féaux le tranfpoitent enfuite dans ^fMELYLvTt l'T 4 n ^ 1 . Chap.XVII, Wnaoultan , p>ur y acheter les mar-chatidifes des Indes. Deplus, les Na- An****** Vires Européens quipaflent tous les ans par 'eCap de Bonne- Efpérance, portent plus de vingt deux millions dans le même pays, « fin dy acquérir ces effets ; d'autant eue les marchandes qu'on y porte ne peuvent luf-hre pour les acheter. On prétend que le Mogol reçoit de fes feu's pays héréditaires huit cents millions de toupies par an ; mais on ne peut faire aucune eftimation des tributs que lui payent les pays conquis. 11 eft vnù qu'il fait des dépenfes proportionnées , d'autant qu'il entretient dans fon Empire trois cents mille hommes de Cavalerie, & quatre cents ^ille d'Infanterie , qui tous font à une très-forte paye. A la Cour, la dépenfe journalière eft de cinquante Brille roupies , pour l'entretien des éléphants , des chevaux, des chiens , des faucons , des tigres & des cerfs, outre plufieurs centaines d'Eunuques blancs & noirs, qui ont la garde du Palais , & un grand nombre de Miliciens , & deDanfeurs ou Danfeufes. Miv Découvertes j ■ ■ Les armes offenfives des Mogols âapfivïl. ^ont ae iarge ^a^res Pé^ants » courbe's comme des cimeterres : ceux du An. 1695- payS font fujets à fe rompre, & les Tfati^At" Anglois leur en foumilTent qui vien- Cmiahj. nent de l'Europe. Ils ont aufli des poignards afTez mal faits, qu'ils por-tenr toujours à leurs ceintures , des javelots , des piftolets , des mouf-quets , & des piques de douze pieds de long pour l'Infanterie ; mais la plus grande partie de leurs Soldats fe fervent d'arcs & de flèches. Us font aufli ufage de canon dans les - Villes & dans les Arme'es. Leurs armes défenfives font des boucliers ronds , de deux pieds de diamètre , faits de peau de bufle, & garnis de clous , des cotes de maille, des cuU raffes & des cafques. Les Soldats font payes par les Omrahs qui les commandent, & qui, pour fubvenir à cette dépenfc , ont des terres alignées par le Grand Mogol. Ces Omrahs ont différents grades ; leur paye eft proportionnée au nombre d'hommes qu'ils font obligés d'entretenir , & ils ont de plus une pen-lion pour leur propre ufage. Quelques-uns d'entr'eux font très-riches ; Des1'Européens. 273 *iais ils dépenfent tout leur revenu, " ' " par les préfents qu'ils font obliges caap^xvir, ;.s Q îequ s uns croyent q )'•/ v a des champs cliiées, & que p >ur y arriver , il lau*: palTer un àeuve, comme leStyx des Anciens, où les ames reçoivent de nouveaux corps : )'au r s penfetot que le monde I i ira dans )eu, aptes quoi ils vivront de u >uveau&iront dans d'autres pays Us croyent tous un Dieu fuprème, qui a nulle bças, autant d'veux 5c a jtant de pieds; mais qui ne •••rend aucune onn )ifiante des actions des hommes \ p irce qu'ils ne font pas dîmes d'occuper fon intelligence divine. Ils difent que les des Européens. 287 efprits malins font fi bien enchaînés, ■ qu'ils ne peuvent leur faire aucun ^p.^y'iL mal. Ils reconnoiiïent un premier ho mme , nommé Adam, pere com- An>x6i>5* mun de tous les autres hommes, dont la femme céda à la tentation de manger du fruit défendu, 6c en fit manger à fon mari. La prétnle eft héréditaire dans cette nation, comme elle l'étoit anciennement chez les Juifs. Toutes les Sectes de Gentils qui hab itent en deçà du Gange, fe font Un grand fcrupule de manger avec les Chrétiens 6c les Mahométans, ou Qe fe fervir des mêmes uftenfiles ; mais ceux qui habitent au-delà de Malaca, n'en font aucune difîiculté. Ils font 11 fimples ou fi ignorants, tJuMs croyent qu'une fen me peut concevoir par la force feule de l'imagination , & que quand ils feroient plufieurs années éloignées d'elles, à plufieurs milles de diftance , elles Peuvent devenir gr ffes, en s'imagi-nant qu'elles habitent avec leurs maris-, aufli quand ils apprennent qu'elles accouchent , fi éloignés qu'ils foient, ils en font de grandes ré-louiffances. Quand quelqu'un eft s88 Découverte's ■ i 11 foupçonné de vol, on l'oblige de r^iMEvvVi traverfer à latiage une rivière où il y Chap. XVII. j j-i o * a beaucoup de crocodiles , & s il ne An. 169s- \ui en arrive aucun mal, il eft réputé innocent. r>e leurs Dans tous les Temples ou Page* tdolcs' des de ces Idolâtres , qui font pref-• que tous bâtis en rond, il y a des figures de diables, de ferpents, de linges & de plufieurs monftres très-hideux. Dans les villages où il n'y a pas de Sculpteurs pour les travailler , ils prennent une pierre cylindrique, ou un petit pillier, qu'ils barbouillent de noir , le placent fur une colonne, & lui rendent leurs adorations comme à une idole, en lui fai-fant des facrifices de betel, d'aréca & d'autres végétaux. Dans les montagnes , les Payfans fe choifïfTent eux-mêmes leur Idole, les uns adorant une pierre, d'autres un arbie, & d'autres une plante. Les principales Pagodes où ils vont en pèlerinage font celles deGiagranate , de Bena-rous, de Matoura & de Tripeti. Il y a dans le Royaume de Bifnagar, une Pagode, où l'on voit trois cents pilliers de marbre, & l'on affure qu'anciennement on y dépenfoit tous les an| des Euro? £ nu s. 280 ans dix mille roupies, pour faire un À char avec dix-huit roues : que le J?1**"^ jour de la fete de l'Idole, les Brami- p" xm* nes montoient fur ce char avec deux An-cents danfeufes impudentes, qui fai-foient des fauts en l'honneur de la Divinité. Le char étoit tiré par cinq cents hommes, iis brifent tous leurs vafes de terre, pour en prendre de nou-An. 1^5. veaux> & courent tous en diligence au bord de la rivière, pour y faire bouillir du riz & d'autres nourritures , qu'ils jettent aux poiflbns & aux crocodiles. Pendant que l'éclipfe dure, ils fe jettent dans l'eau pour fe laver, &lesBramines accompagnent les perfonnes riches, avec des linges blancs, pour les effuyer. Enfuite ils allument deux ou trois petits morceaux de bois, pour faire brûler quelques grains avec beaucoup de beurre , &c ils jugent de la fertilité de l'année, par la nature de la flamme. Les Princes Idolâtres de l'Aue font les Rois ou Empereurs de Co-chin, de la Chine, de Tunquin d'Arakan , de Pegu , de Siam , de la Cochinchine ; plufieurs Kams de la grande Tartarie, les Rois du Japon $c de Ceylan ; quelques Princes des Moluques, & tous les Rajas de l'Empire du Mogol; mais ils fuivent diverfes Sectes, dont les unes font plus fiiperftitieufes que les autres. des Europeess. 291 CHAPITRE XVIII. Retour de P Auteur d Goa Il fait un voyage à Aialaca , cV pajje enfuite d la chine LA faifon de s'embarquer pour la i—i Chine étant proche , Gemelli 6't-la fuite, il attendit quelques jours, Gemdliie* dans l'efpérance d avoir de la corn- loiuncàu*** pagnie. Ne trouvant perfonne, il fe détermina à s'expofer feul, dans un pays rempli de voleurs Se d'ennemis du nom Chrétien. Le dimanche 27 , ll monta à cheval, très - chagrin , croyant cependant qu'il trouveroit fe foir à Edoar, une caravane de bceufs, ou quelques Chrétiens de Goa ; mais il fut trompé dans fon attente. Le mardi , il rencontra la Caravane , Se voyagea avec elle, juf» u'au foir, mais ayant été obligé de efeendre- de cheval , la Caravane continua toujours à marcher; il la perdit de vue, refta feul en pleine campagne, fans avoir rien à manger, 2p 2 DÉ COUVERTES . t & lans aucun lieu de retraite, pour gem.>i.u > palTer la nuit, ce qui l'obligea de de- Chap XVIII. " i i ;T r r meurer entre quelques buillons. Le An. lendemain, il continua à marcher feul, fans autre guide pour connoî-trela route , que les traces des boeufs. Quatre jours après, il arriva enfin aux Gardes Portugaifes, malade & très-foible , par la fatigue & la faim qu'il avoit fouffertes. Le Commandant & fa femme, voyant fon état fâcheux , voulurent l'empêcher d'aller plus loin, & firent tous leurs efforts pour le retenir avec eux. Cependant ils envoyèrent dans une ferme voifine, chercher une Andore pour le tranfporter à Goa ; mais un Soldat grodier l'emmena par force. Enfin Gemelli partit, accompagné d'un Soldat du château, qu'on lui donna pour efcorte, & le mardi 5* d'Avril, il arriva exceflivement fatigué à Goa. u fc remet Après y avoir paffe un mois pour enmrr, recouvrer la fanté & reprendre des forces; le mercredi 4, de Mai, il fit marché avec Jéiôme Vafconcellos Capitaine du navire le Saint Rofaire chargé pour la Chine, à condition qu'il fe nourriroit à fes dépens, des des Européens. 205 provifions qu'il emporterait pour le ———— voyage. Le famedi 14, ayant pris c^VAi. congé de fes amis , il s'embarqua avec fes équipages & un efclave An" noir, qu'il avoit acheté dix-huit pièces de huit. Le vaiffeau, ayant bailTé a l'entrée du canal, mit à la voile le lundi 16; mais, comme il faifoit très-peu de vent, il fut remorqué par plufieurs barques, de foixante rames & par des ballons qui étoient beaucoup plus petits : les Pilotes de la ville, vinrent à bord, Scies firent PalTer par-dclîus les bas fonds, juf-Su'au fort de Gafpar Dios. Le mercredi, le vent s'étant élevé, les Pilotes furent obligés de faire palier ta vailTeaux par-deflus les fables , Pour éviter les rochers, &, comme il y avoit lieu de craindre qu'ils ne fe fendiifent au montant de la marée, chacun fit fes efforts pour fauver fes pi'ovifions, & pour gagner la terre : ^ais, avec le fecours des barques ôc des ballons , on réuflit à les dégager , en perdant feulement l'eau fraîche & quelques provifions qu'on jetta dans la mer. Ils n'avancèrent point le jeudi 19 , parla faute des ilotes de la ville , mais le vendredi N iij Découvertes —1 20 y au point du jour , le vent étant chap'xvîii. devenu très-favorable , leur vaifïeau nommé , comme nous l'avons dit, le Aa. i69S. R0faire , avez cinq autres, gagnèrent la haute mer, &le mardi 24, les Pilotes jugèrent qu'ils étoient à là hauteur du cap Comorin. On doit remarquer que dans ce pays, on voit un effet fingulier de la nature; c'eft que l'hiver règne à Goa & fur toute cette côte, pendant qu'on eft dans l'été fur la cote oppofée. j, 3nivc 1 Le mercredi 27, ils prirent hau-Malaca. teur, & fe trouvèrent à la latitude de rifle de Ceylan, ce qui caufa une joie univerfelle à tout l'équipage, étant sûrs alors de pouvoir çor.tir»U£; leur voyage. Le vendredi 3 de Juin, ils furent à la vue de fille de Nico-bar , où l'on dit qu'il y a un puits qui change le»fer en or, mais per-fonne ne l'a jamais vu ; feulement un Matelot Anglois a affuré qu'un In-fulaire ayant apporté de l'eau à bord, il en tomba par hafard fur une ancre & que la partie qui en fut touchée, fe convertit aulli tôt en ce métal précieux ; ce que je ne rapporte ici que pour la fidélité de la traduction , $c que le judicieux Auteur auroit dû DES EUROPÉENS. 20 £ retrancher comme un conte fait a ■ «« Plaihr. Le lundi 27, après une ea-^ÏJ^, nuyeufe traveriee , pendant laquelle !{s lurent fouvent repoufles en ar- AQ-,tf"«* nere par des courants , ils jetterent l'ancre à Malaca; Gemelli débarqua avec le Capitaine, & alla loger dans une hôtellerie. Malaca eft fitué dans la partie la plus méridionale de l'ancienne Cher-lonefe, à deux degrés vingt minutes de latitude. Les Portugais en firent 'a conquête fur le Roi de Jhor, après avoir perdu beaucoup de monde. Ile leur fut enlevée en 1640, par les Hollandois, après fix mois d'une très-belle défenle. Le vendredi premier de Juillet, ir parte 1 Gemelli & fes Compagnons mirent Borne», a la voile de Malaca , & le mardi 12, ils entrèrent à l'embouchure du détroit de Sincapour , qui a un quart de mille de largeur au commencement ; mais il devient enfuite beaucoup plus ouvert. 11 eft enveloppé Qe tant d'ides , que c'eft comme un» labyrinthe pour les vaiffeaux, ôcque ceux qui ne l'oqt jamais paffé, croyent qu'il eft impoiîîble de s'en retirer; voyant la terre de toutes parts. Après N iv 2cö* DÉCOUVERTES ■ i être fortisde tous ces Ifles, ils con- au^xviii tmuerent ^eul* r°utc avec un bon UR" vent, & le dimanche 17 , au point An. 1655. (ju jour f i]s découvrirent rifle de Bornéo. Cette Ifle eft la plus grande que l'on connoilTe dans le monde , & elle contient des raretés d'un prix inellimable; mais elles font prel"que entièrement inconnues aux Euro-péens, parce qu'elle eft poffédée pat des Rois Mahométans , qui ne permettent pas que des Etrangers pénètrent dans l'intérieur du pays, n mite a« Le mardi 19 , le ver.t continuant Golphe de £ être favorable, ils dirigèrent leur cours vers Poulcandor; la mer n'ayant plus ni rochers, ni bas-ronds, &: leur vaiffeau ne faifant prefque aucun roulis, quoiqu'il voguât très-légèrement, ce qui les mettoit fort à l'aile. La bon vent fubfiftant toujours le mercredi 20 , les conduifit au Golphe de Siam , ou tombe la grande rivière, qui conduit au Rovaume de même nom , en traversant un pays habité des deux côtes, l'efpace de cent vingt milles. Le vendredi 22 ils furent à la vue de Poulcandor Ifle qui appartient au Roi de la Co. çhincfiine, mais qui n'eft pas habitée des Européens. 207 a caufe des ouragans 8c des pluies 1 SUi y tombent tous les jours. l*Zcb*vX\ÙÙ famedi 23 , au coucher du foleil, ils fe trouvèrent à la hauteur de Cham- An' pa, 8c firent voile le dimanche , avec un bon vent, en fuivant la même côte, ayant toujours aufud.lavûe de la baie du même nom , où vont différentes Nations, acheter des dents d'éléphant, du bois d'aigle, & plusieurs autres fortes de marchandées. Tout le pays de Malaca, de Cambaye , de Siam , de Champa, de la Cochinchine ik du Tonquin , abon deen éléphants. Les Siamois, particu-lieremejM, en font un très-grand commerce , en les tranfportant par terre fur la côte oppofée , où les Marchands les achètent , pour les faire paffer par mer , dans les pays fournis aux Princes Mahométans. : Le mercredi 27 , ils furent: furpris j\ arrWe r« d'ungrandcalrne.àlavûedesllovau-1" c,'"c* de m<-s de 1 onquin ce de Ja Locma-chine -, mais le vent leur étant devenu favorable vers le foir, ils arrivèrent le lendemain, près de l'ifle de Poul-catan , à trois cents foixante milles de Poulcandor. Cette ifle eft petite, na que trois milles de tour, eft hais' v 20 8 Découvertes •- bitée par des Cochinchinois , & ChapExviii. quelquefois gouverne'» par un Man. darin. Le famedi 30, le même vent Aü iê9s> continua jufqu'à midi, mais il leur devint enfuite plus favorable , leur fit faire beaucoup de chemin , & ayant continué de même pendant deux jours, ils le trouvèrent le lundi premier d'Août , à la hauteur de rifle d'Haynan , qui dépend de ,la Province de Canton. Le mardi 2 , ils approchèrent de l'ifle Saint Jean , fameufe par la mort de Saint François Xavier, qui y finit fes jours, dans le temps où il efpéroit entrer à la Chine. Le mercredi 3 , vers le foir, ils ne purent avancer faute de vent, & us demeurèrent toute la nuit dans un labyrinthe d'ifles , dont la vue étoit afTez amufante,à caufe des lumières qu'ils voyoient dans les barques de'Pêcheurs qui étoient aux environs. Ces gens parlent leur vie dans leurs maifons notantes, avec leurs femmes & leurs enfants „ &vont d'une Ifle à l'autre, en fuivant la pifte du po'.ifon. iWc'fcjrqaa Le jeudi 4, ils arrivèrent devant *m«c*o. Macao, & plufieurs perfonnes vinrent de la ville dans des barques dis Européens 299 pour voir leurs amis.-De ce nom-.., ■ -bre, fut le Pere Philippe Tiefchi, ^emu-li » P-~ i t . ChapXVIlI, •Procureur du Japon , qui apporta r des rafraîchiiTèments pour dix Reli- An. i«$>s* gieux de fon Ordre, qui étoient à bord. Gemelli fe mit dans la barque avec les Pères, & débarqua à Macao, dans la Chine , où il défiroit depuis fi long-temps d'aller. Il fut très-bien reçu au Couvent de Saint Ai> guftin, par le Pere Jofeph de la Conception , natif de Madrid, qui era &oit Prieur,. Yv9 300 Découvertes CHAPITRE XIX. Defcription de la ville de Macao ; Voyage de Gemelli à Canton d Nankin, & d la ville Imperiale de Pékin ; Defcription de ces Villes , & du Palais de l'Empereur t d Pekm. I A ville de Macao appartient aux a Portugais, qui l'ont baie vers *ft,i«9i. laR fur une langue de terre pleine de rochers d'environ trois dcjttrao! " milles de tour, hlle eft pretque entièrement environnée delà mer, & ils ont obtenu des Chinois, la per-miflion d'y bâtir. Tous prétexte d'avoir un endroit de sûreté , où ils pjfTent hiverner, jufqu'à ce que la belle làifon leur permit de revenir en Europe. Le terrein eft peu uni \ mais tes maifons font bien bâties, à la manière Européenne; il y a de très belles Eglïfei ; les rues font pavées , & on a élevé trois forts pour Ja dcfe.ife de la place. On eftime qu'il y a vingt mille Habitants, dont des Européens 301 cinq mille font Portugais , &lesau-i tres Chinois; mais tout le territoire ^w^ufc qui dépend de la ville , ne peut fournir des provilions pour fubfifîer feu- Aa'i6*s' lement un jour, & ils font obligés den taire venir des villages Chinois, qui jouiflent d'une telle abondance, & à (1 bas prix, que pour une pièce de h 'ait, un homme peut avoir a(fez de pain pour fe nourrir une demi-année. Tous les fonds & tout le revenu de cette Ville, dépendent de la mer, d'autant que tous ceux qui l'habitent, font adonnés au commerce, qui a diminué confidérablement depuis le maffacre des Chrétiens du Japon , où ils font encore actuellement mis à mort aufli-tôt qu'on en découvre quelqu'un. Cependant Macao elt toujours fourni abondamment de la Chine; on y vit avec beaucoupd'ai-fanec, & les tables des Habitants, ne font ïanràs fans confitures, qu'ils font délicieufes. Gemelli ayant deflein de fe ren- Omciüfc dre à Canton , s'adrefla le Jeudi 11 au Général Portugais pour qu'il lui obtint un pafïeport du Mandarin , afin de ne pas être troublé en route. '30-2 DécourÈRTf s ~-Le dimanche 14, s étant habillé à .la» (Cbap. xii. Chinoife , il alla voir lui-même le-Mandarin, & prit congéde lui, après An'1&95' en avoir eu un paffeport pour toutes les douanes de la route , parce qu'il avoit de gros ballots & un Efclave* Le lendemain, vers le foir,. il s'embarqua fur une barque chargée pour Canton, avec un Valet Chinois qu'il avoir loué pour lui fervir d'interprète. Cette barque vogua toure la nuit, avec une feule rame attachée à la poupe, fit beaucoup de chemin par le canal que forment les Ides, & arriva le lendemain à Oanfon, qui reflemble plus à un village qu'aune ville , n'ayant point de murs; &n'é* tant compcfé que de maifons fort baffes, la plus grande partie bâties en bois, & couvertes de paille. Tt arrive à Gemelli ayant loué une autre bar-Dantoa. qUe j partit pour Seolam1, qui luipa-. rut femblabîe à un grand bois habité,. d'environ trois milles détour:- il y a. un fi grand nombre de barques „ qu'elles femblent former une autre-ville. Sur le bord oppofé du canal, efb fituée celle de Santa, beaucoup» plus grande & mieux bâtie : tout le1 pays, des deux côtéseil orné de* GS kl LI , CtuiJ.1XIX. TÏES ECROFÉENS. ▼uiagcs, de campagnes couvertes d'une belle verdure, & d'un grand nombre de belles tours , qui paroiflent comme de hautes montagnes. Le A",6*s* jeudi 18, ilfe mit dans un rroifieme bâiiment, avec plufieurs Chinois, & le lendemain , au lever du foleil, ils entrèrent dans le port de Canton» Gemelli alla au Monaftere de* Pères Espagnols de l'Ordre de Saint François: ils le reçurent très-bien , mais avec quelque jaloufie, parce qu'ils le regardèrent comme un homme envoyé par le Pape, pour s'informer fecrettement de ce qui concernoit les divifions de la Chine, d'autant qu'il yavoit alors une d i (pu te entre-l'Evcque de Macao , & les Vicaires Apoftoliqucs de la Chine , du Ton-Juin & de la Cochinchine, pour la supériorité 'fur les Millionnaires & fur les Catholiques. Canton, caprale de la Province ncf«î?tro» ^e Kuanton, elt trop grande pour etre régie par un feul Gouverneur , & on l'a partagée en deux parties, par üne muraille de l'eft à l'oueft. Le Chifon, ou Régent, préfide furies denx Gouverneurs, & a fous lui deux Affiliants; maisie Viceroi, quïgou- D t COUVERTES ^ verne toute la Province , a la fupé- !hauE1xix. riorité fur les autres, quoiqu'il ait encore au-delTus de lui, le Vicaire An.i6j»s. Q^H^raj (je deux Provinces. Cette double Ville , avec les faubourgs , eft fi peuplée, qu'on ne peut y aller que difficilement en chaife , & les reres Millionnaires affûtent, ce qui pourroit paroître une table aux Européens , qu'elle contient quatre millions d'habitants , & qu'il y en a encore un pareil nombre dans toute la Province. Les maifons font baffes, bâties de pierre ou de brique, fans fenêtres fur la rue, & entièrement fembiables, parce que les Chinois bâtiflent toujours fur un même modèle , ce qui fait que toutes leurs villes fe reffemblent. Les Villes ont quatre portes principales , qui regardent l'eft, l'oueft, le n«rd & le fud, d'oùles fauxbourgs prennent auffi leurs noms : quand la ville eft grande, il y a plus de portes, mais on n'en fupprime jamais aucune de ces quatre. Les rues font longues, droites, à. h bien garnies de riches boutiques, que les villes & les fauxbourgs, femblent une foire continuelle. Si un Etranger veut évi- lik '11 1 i t des euroféems. 305* ter d'etre méprifé des Chinois, il ne doit jamais marcher à pied , mais il c faut qu'il fe faife porter dans une chaife: il eft vrai qu'on peut avoir An-,6**« ces voitures à très-bas prix , Se que pour fix fols de notre monnoie, on fe fait porter l'efpace de fept milles. Près de Canton, la quantité de Desharque» barques qui voguent fur lecanal, pa- Jedmriucf roulent comme une autre ville, d'autant que dans chacune vit une famille entière, avec fes bétes Se fes oifeaux. Elles font de la grandeur d'une mallere , couvertes de cannes ou de feuilles de figuier, Se ont dans la longueur , onze ou douze petites cnacabres , qui communiquent par une tuilerie de planches qui règne des deux cô:cs. Gemelli, réfolu d'aller à Pcxin, s'adrcffa au Supérieur du Monaftere Ou il demeuroit, pour avoir un Do-naeftique fidelle. Il lui procura un Guid ! Chinois, mais Chrétien, qu'il loua fix francs par mois, Se il lui en fi* nu'Ti avoir un autre, â ,é de dix-h.:it ans, pour faire la cuifine, Se remplir (es emplois les plus vi's. G.-me'iifc A y nt fait provifion de vivres,:c vrcn rot>-Gemelli s'embarqua avec fes deux k.Z'41 ?c" 306* DÉCOUVERT! s i ■ Domeftiques Chinois, le vendredi ÏÏMSl4U 26 % fur une barque de pofte, que le Chap. XIX. » . r . * .3 Viceroi lait partir tous les trois jours An. ic9s- pOUr l'Empereur. Ils mirent à la voile, le famedi matin , fortirent du canal de Canton, entrèrent dans un autre plus petit,rempli de barques, toujours à la vue d'un grand norribre' de villages & de maifons de campagne , entourées de champs très-agréables. Trois heures avant le coucher dufoleil, ils arrivèrent à une grande ville, nommée Fouchian, de deux milles de long, fur les deux bords du canal, avec une ouantitc prodi-"gtStlte de barques. Le lendemain matin, ils continuèrent leur cours, & avant midi, ils palTerent deux villages , dont chacun a un mille' de long, & qui enferment aulfi les deux bords du canal. En pourfuivant leur voyage , les trois jours fuivants, ils arrivèrent à la ville de Zin-Juenxien, où il y a de grands fauxbourgs 8c une Pagode près de la rivière. Le dimanche 4 de Septembre, ils abordèrent à Chiaoucheoufou, ville entourée de foibles murailles, 8c qui a quatre milles de tour. Le mercredi 7 , au foleil couché, ©es Européens. 307 ils arrivèrent à Chiankeou , petit ■ village, qui eft le terme où s'arrête £KMELif£* i, • 1 t. . Ciiùp. XIX. *a première barque. Ils en prirent une autre plus petite, à caufe du cou- An- 16?s* rant, & du peu de profondeur de leau; continuèrent leur voyage, & le vendredi p , ils mouillèrent à Na-nyunfou , dernière ville de la Province de Canton. Cette Ville a un mille & demi de longueur , & un quart de mille de largeur ; on y voit nne grande quantité de boutiques, tant pour les marchandifes que pour les provifions; ce lieu étant un très-grand paflage pour l'importation & l'exportation de Canton. •Le eahaî de Macao ne s^étencîpas u pouifTn. au-delà de cette Ville, & Gemelli &«>«"« pas loua des chaifes, pour lui & pour fes Domeftiques, afin de fe rendre par terre au grand canal, qui conduit à Nankin. Les Porteurs fai-foient cinq milles par heure , allant toujours une efpece de trot , & quoiqu'ils paflaflent par-deffus des montagnes très-efcarpées , ils ne s'arrêtèrent que trois fois dans tout le voyage- , qui eft de trente milles. Le cne-min reflemble à une foire continuelle,, tant on y voit de marchandifes & 30$ Découvertes „■ ,, de chaifes fur les épaules des Por-ge.iui.ii, teurs j Gemelli prétend qu'il en ap. rencontra plus de trente milles, qui An. iéj>s. alloient ou revenoient. Pour nourrir tant de gens, la route eft perpétuellement bordée de villages & d'auberges , où ces Porteurs dînent pour une petite pièce de monnoie, la moindre de toutes , qui revient à un grain de Naples. Trois heures avant la nuit, ils arrivèrent à Nanganfou lur le grand canal, & Gemelli logea dans la mai-fon desFrancifcainsEfpagnols. Cette Ville a environ un mille de long, fans y comprendre les iauxbourgs, Se l'on trouve aûiïl bêâuCoUp de vl-lages fur les bords du même canal. Les maifons font de pierre , de brique ou de bois, afïez mal bâties, Se les boutiques n'y font pas riches; mais le grand canal mérite l'attention Se l'admiration des Etrangers, parce que c'eft certainement un ouvrage pius magnifique Si plus étonnant , que tout ce qui a été anciennement fait par les Romains, lesPer-fes, les Afiiriens, & par les premie-»„ çrani res Monarchies, canal de fC- Ce grand canal, qui a environ kin. des Européens. 3op trois cents rrente milles de longueur, ■ commence à Pékin, où les Tartares occidentaux , quand ils eurent lait " la conquête de la Chine, établirent ^ lff £> le fiege de leur Empire , & on le fit principalement , pour fournir avec plus de facilité, les provifions nécef-faire à cette Cour puiffante. Pour rompre le courant de leau, & pour rendre le Canal plus profond, on y aconltruiten différents endroits, foixante & douze éclufes , qui font, en général, trcs-aifées à pafler; cependant il y en a quelques-unes de difficiles & de dangereufes, quoique les barques foient tirées par quatre on cinq cents hommes. Pour les pafler, ils attachent des cordes à la poupe de la barque ; les font tourner autour de quelques gros pilliers de pierre, enfuite on fe laiffe couler doucement , pendant que d'autres hommes , avec de longues perches , garnies de fer , empêchent qu^ la barque ne donne contre les bords. Le dimanche 11 .Gemellife trou- It arrive va fi foible & fi incommodé, qu'il» Kanci.ua-ne put partir, quoique la barquefoa" fut préparée. Le lendemain , il s'embarqua , ils partirent aufli-tôt à la fa- '510 DÉCOUVERTES ■ veur du courant, & paflerent près Grhet-ll, ^e plufieurs hautes montagnes , dont chap. xix. firent le tour< ^près un yoyage An. i$' dire, en langue Chinoife, la Cour Defcription du midi , eft lituée en grande partie ie.cmc Vl1* dans une plaine , & étoit autrefois h rélldence des Empereurs, qui ont depuis fixé leur féjour à Pékin. Le tour des murailles eft de trente-fix milles d'Italie, & quelques-uns afïu-rent même qu'il eft de plus de quarante. Les fauxbougs font auiîi grands que la ville qu'ils environnent, & l'on peut regarder comme une autre ville, la quantité prodigieufe de barques qui fervent de demeure fur les canaux. Quelques-uns font monter le nombre des habitants à trente-deux millions; mais, par les dernières observations , il paroît que ce compte eft exceflivement exagéré. Cette V il-le eft toujours la plus grande de tout l'Empire , celle où l'on voit les plus riches magafins, où l'on trouve les livres les mieux choifis, la plus belle impreffion , & le langage le plus poli. C'eft où les plus fameux Docteurs & les plus habiles Mandarins vont s'établir quand ils quittent leun 312 Découvertes ** " emplois : enfin elle eft le centre de a»ap.Tix. ''Ëmp>re > où. fe rafïemblent toutes les raretés & les curiofités des autres An. i6»5- provinces. Grandepo- Quoique le nombre prodigieux P"^0**13 des habitants de cet Empire, étonne les Européens; il eft cependant une fuite naturelle des maximes qu'on y obferve. Les Chinois regardent comme une infamie de demeurer dans le célibat, enforte que fi un homme a dix fils , il leur donne à chacun de très-bonne heure, autant de femmes qu'ils en peuvent entretenir. Il n'y a point, dans ce pays , de filles de débauche tolérées , crainte qu'elles ne corrompent la jeunefle, & fi l'on en découvre quelqu'une, on la punit très-févérement : les Chinois ne quittent jamais leur pays pour en aller peupler d'autres, & roéprifent fouverainement les vagabonds , qui en manquant à multiplier leurs familles , négligent ce qu'ils regardent comme un devoir envers leurs ancêtres décédés. La ville , par rapport à fa grande étendue, a deux Gouverneurs, auxquels font fubordonnés cent Man-darias, pour l'adminiftration de la Juftice, o e s Européens. 315 Juftice, outre plufieurs autres qui ****** m ne dépendent point des Gouver- uap^ix. neurs ; mais feulement de l'Empereur. Pour prévenir autant qu'il eft Ani6»i» poilible toute extorlion , toute corruption & toute faveur , il eft défendu aux proches parents des Mi-niftres, de parler à ceux qui en dé' pendent ; il eft aullï détendu, pas les Loix fondamentales du Royaume , à qui que ce foit, d'avoir aucun commandement dans fa propre Province, & d'avoir d'ami particulier dans celle où il polfede quelque place d'autorité. Entre autres chofes remarquables , ciochr< Ge vit lui , Chap. xix, "des Européens. 317 pechoient autant qu'il leur étoit pollible , qu'aucun Européen ne pût avoir connoifTance de l'état de cette Cour; mais , voyant qu'ils ne pou- An-i6$f' voient lui faire changer de réfolu-tion , ils eurent foin de lui faire avoir tout ce qui lui étoit nécefTaire pour fon voyage. Il auroit pu aller par eau jufqu'à une demi journée de cetre ville ; mais jugeant que ce Voyage feroit ennuyeux, & voyant que chacun y alloit de Nankin par terre , il choifit la même route. Après avoir remercié l'Evcque & «emcllî )es rercs, de leur bonne reception , un Dofum jl partit le famedi 1 y, après le dîné; chtaoi* n eut le bonheur de faire ce voyage en la compagnie d'un Docteur Chinois qui étoit Chrétien , & auquel il ne manquoit que de l'argent pour prendre fes degrés de Mandarin , P"-rce que fans ce fecours , on n'accorde aucun emploi à la Chine. Quand ils furent fortis de la ville, ils prirent une barque, paflerent.fous le pont, & fuivirent le canal autour cK«£ Xuntien , ou Pékin, fïtué à 40 degrés de latitude, dans une plaine An-l69j. fpacieufe, eft partagé en deux villes, »efciïpti5' & eft fi renommée , que les Savants, dans leurs écrits, fe fervent du nom de cette rue , pour exprimer la ville par excellence. L:s maifons font baffes, & quoique les Seigneurs ayent de grands & magnifiques Palais, ils font tous fur les derrieies; on ne voit à l'extérieur qu'une grande porte avec des maifons des deux côtés , habitées pardesDomeft.qucs, des Marr chands oudes Ouvriers. On ne peut s'imagmer la multitude de peuple qu'on trouve dans Pékin ; toutes les rues des deux villes en font également remplies, tant les grandes que les petites , & la foule y eft telle, qu'on ne peut la comparer qu'aux, foires ou aux procédions d'Europe. Quelques-uns des Millionnaires qui y rélident, ont af-furé que dans les deux villes, dans les fauxbour^s &. fur les canaux , il y avoit feize millions de perfonne^; mais il paroît, par un calcul plus exacl-, que ce nombre eft aufli exa~ ( géré q e celui de Nankin. ftünjpuuK* ke Palais de l'Empereur eft a^ des Européens. 323 milieu de cette grande ville ; il eft ■ tourné au midi, fuivant l'ufage du cha^xi. pays, Se entouré d'un double mur quarré : le mur extérieur a feize pal- A 1 i%[ mes de haut, Se eft bâti de brique ; rl a de longueur deux milles d'Italie te un mille de largeur, avec une porte au milieu , gardée par vingt Tarta- , les Se par douze Eunuques. Le mur/ intérieur , qui renferme immédiatement le Palais, eft beaucoup plus:, haut &plus épais, fait de grandes briques , toutes égales , Se orné de-" beaux crénaux. If a un mille & démit - de longueur , Se trois quarts de mille de largeur, avec quatre grandes por--tes voûtées. Au-deffus de ces portes; Se aux angles du mur , il y a huit falies excelîivement grandes , d'une' très - belle conftruction , dont les murs font enduits d'un vernis rouge' avec des fleurs d'or, & elles font couvertes de tuiles jaunes. Deux. Capitaines Se quarante Tartares , gardent: l'entrée des portes intérieures, Se à chacune, il y a un pont lèvis-, fur le-foffé qui entoure cette muraille.. Dans l'intervalle,.entre les deux mu--raillès, on a bâti plufieurs.. grandes» maifons. rondes; St. ifolée.., qui 1er-- Q vjj 324 Découvertes ■ '■■ — vent à différents ufages : du côte' de Chaîne ^ au-dedans de la muraille extérieure, coule une rivière fur laquelle An. 165s. on aconftruit plufieurs beaux ponts, tous de marbre , à l'exception du milieu , où il y a des ponts levis en bois. Du côté de l'oueft, eft une pie-ce d'eau, bien garnie de poiflon', d'environ un mille de longueur, avec un beau pont au miüeu, terminé à chaque extrémité , par un fuperbe arc de triomphe d'une très-belle architecture. Le refte de cet efpace eft partagé en rues très-larges , habitées par les Domeftiques, les Officiers & les Ouvriers du Palais de l'Empereur. DcsAppa-r- Pour les appartements renfermés won». par le fécond mur, quelques-uns difent qu'il y en a vingt , d'autres douze, d'autres neuf, avec autant de cours ; mais on n'en peut parler que par oui dire , parce qu'aucun Européen n'a jamais eu l'entrée de tous, particulièrement de ceux des femmes. On peut feulement aflurer que toutes ces cours & ces appartements font fur une même liene, avec de grand-'s ailes, d'une ancienne conf-UuCtion , ornées de beaux ouvrages des Européens. 325- çn bois, & de pièces Taillantes qui > ■ * avancent les unes au-defiùs des au- ÏÏJÎfïïi ï]es, comme des corniches. Ceux qui ont le droit d'y entrer „ afïurenc ****** que les voûtes foutenues par dégrafées colonnes, les efcaliers de marbre blanc pour monter aux appartements élevés , les toits éclatants de tuiles dorées, les ornements de fculpture, de vernis , de dorures & de peintures , le pavé de marbre ou de porcelaine ; enfin le tout enfemble forme lin édifice d'une grande beauté , digne d'admiration, & tel qu'il convient au Palais d'un grand Monarque: mais l'Architecture & les ornements n'en font point réguliers, & l'on n'y trouve ni la fymétrie, ni l'élégance de ceux d'Europe. SB 3 2:6* découvertes CHAPITRE XX. On préfente le nouveau Calendrier à l'Empereur ; Il accorde une audience à Gemelli ; Defcription du grand mur ; Des Religions qu'on fuit à la Chine , de l'étendue de cet Empire Çy de la forme du Gouvernement. "gemelu," T E Pere GrimaïaL envoya dire » ciup.xx.' 1 j Gemelli , qu'il pouvoit venir An. 165 s. avec, lui le matin dans le Palais, oùii devait préfenter à l'Empereur , le NonvcauCa-nouveau Calendrier pour l'année fcntJlV'Euv." 1696, que ce Pere avoit compofé pcicur. en Chinois & en langue tartare orientale & occidentale. Après avoir paffe le premier mur, au-dedans du* quel elt la maifon des Jéfuites François , ils entrèrent dans le Palais par-une grande porte, quega^doient plufieurs Soldats. Ils traverferent une: grande cour, où il y avoit des deux: côtés, des Soldats rangés en haie,, bien habillés & en un très-bel ordre ce qui les conduifit àla première falle ggax un. efcalier. de vingt marches. des Européens. 327' marbre blanc. Cette pièce eft très-grande , & outre les murs , le töit eft soutenu, par deux rangs de colonnes , ' bien peintes & dorées. On trouve enfuite la féconde cour , où il y a: une autre falle, & l'on, y monte de même : d'autres cours donnent enr trée à la troifieme & à la quatrième falle, dont chacune furpafle en beau* té celle qui la précède. Avant d'entrer dans la quatrième,. le Pere Grir maldi remit l'Almanach dans une boëte couverte de foie, à un Ofh> eier envoyé par l'Empereur , & il la reçut avec beaucoup de politeiïe & le plus grand refpecî. Le Jéluite dit enfuite à Gemelli GetnellUft de l'attendre, & qu'il l'introduiroit^'c^cc auprès de S* M. Il cela étoit néceffair i'rincc. re, crainte que le Monarque ne fut offenféjS'il apprenoit fon arrivée par quelque autre. Il demeura environ une heure à l'inftruire du cérémonial qu'il devoit obferver, &: un Do-meftique vint leur dire qu'ils pou- . Voient avancer. Ils palTerent quatre longues cours entourées cTapparte- . ments avec de hautes portes bien proportionnées de marbre blanc. Le *rône de l'Empereur étoit au. milieu. 32S Découvertes d'une grande cour fur la plus haute de cinq eftrades élevées les unes au-deffus des autres , en diminuant proportionnellement , & chacune étoit entourée d'une baluftrade du plus beau marbre blanc. Au fommet de la cinquième eftrade, & autour du Trône, étoit un fuperbe pavillon couvert de tuiles dorées , & foutenu par de groffes colonnes de bois verni. L'Empereur étoit ailîs à la manière des Tartares , fur un lofa élevé de trois pieds, & couvert d'un grand tapis, quis'étendoit fur tout le plancher du pavillon. Il avoit près de lui, de l'encre , des livres & un pinceau, pour écrire à la façon Chinoife; fon habillement étoit de foie jaune , qui eft la couleur Impériale, avec des dragons en broderie;à fa droite &à fa gauche , étoient plufieurs rangs d'Eunuques, très-bien habilles, mais fans armes. Après la cérémonie du falut , on donna ordre aux deux Européens d'avancer & de fe mettre à genoux d -v r t l'Empereur. Le Pere fervant d'i ^rprête , le Monarque fit pluGeu ' rueftions à Gemelli fur les guerres d'Europe, & il lui de* manda s'il étoit Médecin , & s'il en- Gemelli , CIjjjj.XX, des Européens. 329 tendoit la Chirurgie ou les Mathématiques. Gemelli répondit qu'il n'a-Voit aucunes de ces fciences, fcyant été bien inftruit par les Jéfuites de An"9*» paroître ignorant, crainte que l'Empereur ne le retint à Ton fervice, s'il le croyoit expert dans quelqu'une de ces parties II lui donna enfin Ton con^é, & il fe retira fans autre cérémonial. Le mardi 8, Gemelli prit une chai- v*?&t£tJ£ fe, qu'on loue très-cher à Pékin, pour ki^cr 1 voir la partie orientale delà ville, oà il remarqua, de toutes parts, de très-belles places publiques & de riches boutiques. Il trouva le froid très-vif dans les rues , & les autres jours, il fut obligé d'attendre pour fortir, que le foleil eut pris de la force. Cette dureté de l'air à Pékinp vient du voifïnage des hautes montagnes qui féparent la grande Tartara de la Chine; mais le temps le plus froid n'eft pas touiours en Janvier , d'autant que 1 hiver commenc* au mois de Novembre , & dure jufqu'à la moitié de Mars, fans qu'il j tombe une feule goûte de pluie. La force de la gelée, fait venir dans cette Taifou , de la Tartarie Orientale>, 530 Découvertes une multitude infinie de faifans- ; de perdrix, de cerfs , de fangliers & d'auwes animaux, fi engourdis par le froid , que les bêtes fauves, peuvent être gardées deux ou trois mois, Se les faifans , un mois entier. Depuis le mois de Mars jufqu'au milieu de Juin, on jouit du plus beau printemps, avec très-peu de pluie ; mais à la fin de Juin , en Juillet & jufqu'au milieu d'Août, les pluies font très-abondantes , & en même-temps très-néceffaires pour laver les rues de toute:? les ordures qui s'y amalfent ; les perfunnes les plus graves ne fe faifant aucune honte de fatisfaire leurs befoins naturels dans les places publiques. Pour fe garantir de la rigueur dît froid , les femmes portent des coef-fes & des bonnets , foit qu'elles aillent en chaife ou achevai. Les Chinois préfèrent de demeurer engourdis dans leurs appartements, plurct que de faire du feu , parce que le bois y eft très-ra-e , & qu'ils ne peuvent lupporter l'odeur pernicieufe d'une efpece de minéral , qui re£-femblc affez au charbon de pierre, dont on le fert en Angleterre, ôç des Européens. 331 donc ils ne brûlent que dans leurs — cuilines. ^^..u, ■ La lameufe Muraille delà Chine , "ap" n'étant pas éloignée de Pékin, Ge- An-,6?5-melli eut lacuriolité de la voir. Les MwaHleiç Jéfuites l'avertirent d'éviter les gar-u ciune* des , & d'aller à la partie voifine des montagnes : il partit le famedi 12 , avec un guide , 3c le lendemain, il arriva à la Muraille. Elle a quinze pieds de hauteur en quelques endroits , & vingt-fix en d'autres; mais dans les vallées, elle eft beaucoup plus élevée & plus épaiffe, puifque fix chevaux peuvent.y marcher de front. Elle eft toute conf-truite de grandes briques cuites , entremêlées d'un petit nombre de pierres. A deux portées de flèche l'une de l'autre, il y a de grandes tours quarrées très-fortes, ce qui continue dans toute la longueur de la muraille , qui va jufqu'à la mer, & même elle y entre l'efpace d'une demi-lieue. La longueur de toute cette Muraille , eft eftimée cinq cents lieues d'Efpagne, en pafTant par les vallées & fur les montar-nes qui s'y rencontrent, fans être par-tout d'un mêm$ 332 Découvertes ■ ■ niveau, comme quelques Voyagenn GfiufcLii, ont voulu ]e taire croire. Il y a plus Chap. XX. i i. I • ic de dix-huit cents ans que 1 tLmpe-An, !<>9j. reur Xi-Hoam-Ti, la fit élever contre les incurhons des Tartares, cependant à la vue, elle paroîtcomme fi elle étoit nouvellement bâtie, excepté en quelques endroits, qui (ont tombés en ruines, ce que les Tartares n'ont pas voulu réparer. La prudence demando t bien que les Chi-. nois fortifiaiTent les paflTages les plus dangereux; mars il paroît ridicule de voir cette Muraille fur le fommet de montagnes très - hautes Se très-eicarpées, où les oifeaux peuvent à peine atteindre , & où il n'y avoit pas a craindre que les chevaux Tartares pufTent monter pour fe répandre dans le pays. Le lundi 14, Gemelli retourna par le même chemin, & le lendemnin, il rentra dans Pékin avant la nuit. Cortège de Le vendredi 18 , l'Empereur alfa l'£mpe:cur. de fon palais à fa maifon de campagne, où il pafTe la moitié de l'année dans les plaifirs. Voici quel étoit l'ordre de fa marchei On voyoit d'abord deux mille Soldats Se DomeË jiques, fuivis d'environ vingt femmes r> h s EuttorêEws. 3 3 £ dans des calèches fermées, & Ie Roi —— venoit enfuite, accompagné des Prin- SJiJfS cesdu Sang & des Mandarins. Il étoit à cheval, habillé d'une étoffe de A"-16* couleur d'or, brodée de dragons, & fur fon bonnet à la Tartare, nommé Maufo, il portoit un joyau de grand prix. Quelquefois il fort dans Une chaife portée par trente-deux hommes, fur une efpece de treillis, fi bien difpofé, que chacun d'eux eft également chargé. Dans l'Empire de la Chine, il y a r*îigïéis diverfes Religions , félon la difre- *ayfc rence des peuples qui l'habitent. £*our commencer par l'Empereur , comme il eft Tartare, il fuit l'Idolâtrie de fon pays , qui s'accorde en beaucoup de points, avec la Religion des Chinois & des Japonois: cependant il y a différentes Sectes, fuivant les diverfes Idoles que chacune prend pour Dieu tutélaire. Les Tartares de la Grande Tarta-tie adorent une Divinité qu'ils regardent comme le Dieu de la terre,' & il n'y en a aucun qui n'en ait l'image dans fa maifon, avec quelques autres plus petites, qu'ils appellent fa femme Ôc fes enfants : ils leurrent 534 Découvertes * m, , dent particulièrement leur culte ; Gemelli , quand ils vont dîner ou fouper.Beau-chap.xx. cQUp ^e Tartares en rendent un au-4Xn.i6f$. tïe encore plus impie & plus ridicule , en adorant un homme vivant, qu'ils appellent le Lama, ou Prêtre des Prêtres. Cet homme eft adoré par tous les Rois de la Tartarie , & parleurs Sujets , "qui vont en pèlerinage , & lui portent des préfents confidérables, en lui rendant les honneurs comme à un Dieu véritable & vivant. Ce Prêtre, par une grandie faveur , fe montre à eux, dans un lieu obfcur de fon palais, magnifiquement orné en or & en argent, & éclairé de plufieurs lampes fuf-pendues: il paroît affis fur un couffin de drap d'or, pofé fur une efpece d'eftrade, couverte de riches tapis, & ils fe profternent le vifage contre terre, pour lui baifer humblement les pieds. A Pékin , il y a au-dedans du palais, un grand Temple des Adorateurs du Lama. C'eft une tour ronde, à douze étages, très-bien bâtie fur une hauteur de terres rapportées : elle eft de figure conique, toute de grandes pierres tirées du fond de la •mer. Sur le fommet de cette tour, il bes Européens. 33 ƒ y a de petites cloches , qui Tonnent 1 '» nuit & jour , étant agitées par le Vent. L'Idole eft fur l'autel, & a la figure d'un Payfan nud: elle eft ado- Att,ï6^- . tée par les Tartares Occidentaux, niais les Orientaux & les Chinois l'ont en horreur. La principale Idole qu'adorent ceux du Royaume de Barantola, fe nomme Menipe : elle eft formée de neuf têtes d'hommes, arrangées en forme de cône , devant lesquelles ils offrent leurs facrifices, & mettent différents mets, pour fe tendre l'Idole favorable. La Religion Mahométane a fait auffi de tels progrès à la Chine , où elle a été apportée par les Tartares de la Grande Tartarie, que les Millionnaires af-furent qu'il y a plus de deux millions de ceux qui la profeffent. La Religion propre des Chinois, ^KgJon des peut être réduite à trois principales 1-c:l^s-Seâes : celle des Lettrés ou Savants : celle des Lanzous , & celle du peuple. Celle des Lettrés a deux objets principaux ; le bien public du Royaume , & le bonheur particulier det Sujets , qu'ils fe procurent par le mérite des actions vertueufes, conformément aux préceptesd.e la raifon y '3 $6* Découvertes t-. ..... épurée & perfectionnée par la VhU CiMfcLU, lofophiemorale, où ils mettent tous leurs loms a taire des progrès. La An. i«fj. p]us grande partie d'entre eux, ne croyent point à l'immortalité de l'a-me, & ils s'attachent feulement aux préceptes de morale, autant quils Feuvent contribuer au bonheur de homme en cette vie. Cependant les plus fages faifant réflexion que les hommes & les bêtes, jouiflent également de la longueur de la vie ; qu'il y a même des animaux qui vivent plus long-temps que les hommes, & que les uns ont une vie courte Se les autres une vie plus longue, ils croyent à l'immortalité, fans la regarder comme une propriété naturelle de l'ame , mais comme une ré-compenfe des bonnes aélins. Ils difent que la vertu eft une qualité qui participe en quelque chofe, de l'Etre divin ; qu'elle a la force d'écarter tout ce qui eft de corruptible dans l'ame où elle réfïde , enforte que lorfque cette ame fort du corps, elle fe réunit à la Divinité. Le fameux Philofophe Chinois, Confucius , s- ont aulîi une Idole qui leur eft particuliere , comme les Européens avoient autrefois le Dieu Mars. Des chrc- H y a dans l'Empire de la Chine tien.- de la environ deux cents mille Chrétiens, dirigés par des Millionnaires de dif-férens Ordres. Ils ont to: s de grandes obligations aux Jéfuites de Pékin , qui, dans tous les temps fe font oppofés à la méchanceté des Mandarins , pour foutenir les autres Religieux répandus dans tout l'Empire , où ils veillent fur leurs Eglifes. Aucun autre Ordre ne pouvoit s'y maintenir par lui-même; parce que les Chinois , aimant les Européens , pour leur propre intérêt, les Jéfuites font les feuls en état de leur plaire , par la compofition de leurs Al-manaçhs en trois langues, où ils leur expliquent les mouvements des Planètes , & des Etoiles les plus remarquables, ainfi que les obfervations des éclipfes : ils leur font aufïï des inftruments Mathématiques & des - Horloges. Ces Pères ont encore fait faire uneprefie, où ils ont imprimé Gemelli . Caap. XX. d E s E t7 r o p t E h s. 34I plufieurs Livres de fcienee & de dé Votion, particulièrement une traduction de la Bible , & les Ouvrages de faint Thomas , par où ils ont com- An*l6yJ* mencé à détromper les Chinois, qui regardoient tous les autres peuples comme des barbares & des ignorants. Les Interprêtes de l'hiftoire Chi- succcffion noife établiiTent l'origine de cette d"Empc" grande Monarchie àFohi, qui commença à régner 205*2 avant Jefus-Chrift. Ce fut lui qui amena ces hommes fauvages & errants à vivre en fociété. Environ trois cents ans après régna Hoamti , nommé l'Empereur jaune, parce qu'il prit cette couleur, qui depuis n'a été permife qu'aux feuls Empereurs. Il inventa la mufi-que & les inftruments, ainfi que les armes > les filets , les chariots , les barques & les ouvrages de charpente, & il compofa plufieurs Livres de Médecine. Sa femme de fon côté s'attacha à élever des vers à foie, à filer & à préparer la production de ces animaux. Hoamti eut pour fuc-ceffeur Xao-Hao,qui bâtit des Villages & les entoura de murs. Chouen-Hio , qui vint enfuite , inventa P iij 342 Découvertes le calendrier -, &Tico , fon petit-fils,; & fon fuccefleur , choifjt des maîtres pour inftiu'ue le peuple , & lue l'inventeur de la mulique vocale. Après ces Princes , les Chinois eurent deux Empereurs & Légiflateurs célèbres. Yo & Xoun, qui onc lailîé les coutumes & les inltitutions civiles. Les familles Impériales font descendues de ces deux Fondateurs de là nation Chinoife,& l'on en compte vingt-deux , dont il y en a neuf gr.nd s & treize petites, en-y cora-pr naît la ramiî le des Tartares orientaux, qui ré me actuellement fur les Empires de Tartarie & de la Chine. Par leurs tables chronologiques , il paroît que cette Monarchie a duré quarre.mille fix cents cir.quante-fept ans depuis Fohi, fans interruption. On ne peut difeonvenir .qu'il n'y a aucun Royaume ni aucun Etat dans le monde qui puifTe fe glorifier d'une origine aufli ancienne, & d'un aufli grand nombre de Monarques fuccef-fils. Cette antiquité, jointe aux autres avantages de la Chine, infpirele plus grand orgueil aux Sujets de cet Empire , qui regardent leur Monarchie comme la plus puiffante de tou- des Européens. '5-43 tes , & ce qui leur appartient , coin-me n'ayant rien qui puifient lui être gemf.lh, compare dans le reite de 1 univers. D ans leurs Cartes ils repréfentent la A». i<*9>*r Chine fous, une forme q narrée , & très-grande, avec les autres Royaumes autour , fans aucun ordre , & fans aucune méthode géographique , en les marquant très petits, & de pou de confïdération , & en les défigurant par des noms ridicules & mé-prifables. Ce vafte Empire elt fîtué dans jîprwrt Se la partie la plus orientale ce l'M.- .cSJJf * fie , & occupe vingt -. trois degrés , ce qui forme, treize cents quatre-vingt miiles d'Italie. Il a douze cents milles de largeur en ligne droite de l'eft à l'oueft, eft borné à l'eft par l'océan- oriental ; au nord, par la grande muraille qui le fépare de la Tartarie ; à l'oueft , par desmontagnes trcs-çlevées , & des dé-ferts de fables qui le féparent de différents- Royaumes ; & au fud, par l'Océan. Il eft partagé en quinze Provinces, qu'on peut regarder comme* autant de grands Royaumes , outre plufieurs Ifles qui en dépendent. 11 y a dans, ce puilfanf Empire quatre* P iv 344 Découvertes ■ mille quatre cents deux Villes mu- me1vly> rées , partagées en deux clafïes , les civiles & les milita.res. An. \ Le nombre des Habitants eft pref. ., , .que incroyable. Un Auteur très vé- Dcta'l de cci M / , Eoiiire. ndique , tait monter ceiui des iamil-les à onze millions, cinq cents deux m:11e. huit cents foixante & douze, fans y comprendre , les Mendiants , les Maufdarms employés ,les Soldats, les Ba< hei ers , les Licenties , les Docteurs , les Mandarins retirés par leur grand âge, toutes les per-fbnnes qui vivent fur les rivières, les Bonzes , les Eunuques , & tous ceux qui compofent la famille Royale, parce qu'on ne comprend dans les rôles que ceux qui cultivent les terres, & qui pavent des taxes à l'Empereur. Suivant le même Auteur, il y a dans tout l'Empire' cinquante-neufmillions, feptcents quatre vingt-• huit mille trois cents foixante & quatre hommes : quelques-uns écrivent même qu'il y.en a trois fois autant que dans toute l'Europe. On compte qu'il y a trois mille fix cents trente-hx hommes renommés pourleurvertu, leurfcience, leur valeur, & leurs autres grandes qualités : on y voit des Européens. 34ƒ cent quatre- vingt - cinq Maufo- « lées remarquables pour la beauté rj*Mt":*î Ai n n • r „ i Chap. XX. oe la conitruchon , &-pour les richefles : quatre cents quatre-vingt Aa ***** Temples d Idoles renommées , où l'on fe rend de toutes parts à caufe ■de leur magnificence & des prétendus miracles qui s'y font opérés. Les anciennes ftatues les plus tameufes , font au nombre de deux mille quatre-vingt-neuf , outre les peintures & les autres ouvrages célèbres de même nature. 11 y a onze cents cinquante-neuf tours, avec des triomphes & monuments notables, élevés en l'honneur des Monarques, ou des Sujets diftmgués : deux cents foixante & douze bibliothèques, bien décorées & bien remplies de Livres r quatorze cents foixante & douze grande rivières , & fontaines efti-mées pour les eavx chaudes ou médicinales. Deux mille quatre-vingt-dix montagnes rendues fertiles par les fources qui y coulent, & d'une très-grande utilité pour les pâturages , & pour les minéraux excellents qu'elles fourniffent. Autant il y a de Villes , autant il y a d'écoles & de ■bâtiments publics élevés en.rhooc Pv 34^ Découvertes — ■ 1 ■ Deur de Contucius. Enfin on compte* pL'p.xx! dans cet Empire deux.cents trente-un grands.& beaux ponts.. An. 169^. -j^e gouyerjftement de la Chine eft Gouverne.digne d'admiration : des trois Sectes de Religion , celle des Lettres effla, première & la plus ancienne ; elle a pour objet principal le bon gouvernement- du Royaume , & les membres ont écrit un grand nombre de Livres à ce fujet. .Les Mandarins de l'Empire font partagés en neuf claf-fes > & chaque clalie a neuf degrés , mais cette diftinction n'eft qu'un titre d'honneur conféré par les Empereurs , fms aucun égard à leurs emplois. La feience & la fubordinarion de ces Ordres eft portée à une telle perfection., la fourmilion & la vénération des inférieurs envcis les Supérieurs eft fi grande , l'autorité des derniers fur les premiers eft fi parfaire x la puiflance- du Roi fur tous les, Qrdres de L'Etat eft fi abfolue , qu'il n'y a rien dans nos gouvernements Civils ou Ecc lcfiaftique qui pu ifle leur être comparé* rws Manvia Les .Mandarins de la première claflb loiy; membres du Con.eil d'iitat de. .Sa Majeftc, ce qui eft le. plus grand. de s Euro pé ens. ' 347 Honneur & la plus haute dignité à .■ laquelle un Savant puilTe parvenir ^hap^ x\v dans l'Empire. Ils jouiflent de plufieurs titres très-honorables , & dans An~l-6**~ le Palais du Roi , il y a plufieurs beaux appartements qui leur font donnés. Ce Confeil eft- la Cour fuprême de tout le Royaume ; on le tient dans la chambre la plus: élevée du Palais , au côté* gauche parce que les Chinois regardent ce-côté comme le plus diftingué. Il eft compofé de deux autres claffes .de-Mandarins , outre les premiers dont nous avons parlé; les membres font: chargés de lire, d'examiner, & de--juger toutes les Requêtes préfentéeS' à Sa Majefté par les fix grandes-Cours , fur les. affaires les plus- importantes du Royaume. Quand ils; ont pris une révolution, ils la prc-fentent par écrit à l'Empereur , quii 'l'approuve ou l'annulle à fa volonté.- Outre cette Cour ou Confeil.Sou- DesConr» verain, il y a onze autres grandes de J»^'-*»-Jurifdiéfcions , entre lefquelles mi-Empereur de la- Chine qui vivoit deux mille ans avant JefusChriff a1 partagé toutes les affaires de fon Em p,ire^&;. elles: ont toujpurs, cünlcr.vd: 348 Découvertes 1 depuis la même autorité. Il y en a foç ehap.Lxx' CÎU-1 f*ot attribuées aux Mandarins lettrés , & les cinq autres concer-An. 16515. nent jes ]\^iiiralves> La puidance de ces Cours elt très-grande & lans bornes, enforte qu'on pourroit craindre qu'elle ne caurat quelque trouble dans l'Etat ; mais par la fagefle des Empereurs Chinois , une aiïaire ne peut être terminée dans une , lans le concours des autres. Chacun de ces Tribunaux à un Kcvileur, qui examine tout ce qu'on y règle ; & s'il y trouve quelque erreur , il en rend compte auilï-tôt à l'Empereur. Les Chinois appellent ces Cenfeurs r chiens enrages , parce qu'ils mordent continuellement ,& ne peuvent faire que de la peine aux autres. Ces fix Cours tiennent leuis iéances fuivant leur rang près !e Pa!a;s Impérial du côté de l'Orient, t< i'F.mpereur fait fervir à dîner ro jr tous ceux qui les compofent , alm que les atfaires foient expédiées avec plus de diligence. Tondons Si les Mandarins , dans les affaires d« cours*.'1 & c'-'-'-* I -s décifions, fé régi oient toujours fur les Loix , ou fur Jes volontés du Roi, la Chine feroit l'Em- hes Européens. 34^ pire le plus heureux du monde & le mieux gouverné : mais autant ils gf"E^J font exacts à obferver toutes les formes à l'extérieur, autant ils font inté- An'ï6*1* rieurement malins , cruels & hypocrites. La première des fix Cours eft chargéede fournir tout leRoyaume de Mandarins, d'examiner leur mérite ou leurs défauts , & d'en rendre compte au Monarque , pour qu'il les élevé à des poftes plus honorables ou qu'il les faife defcendre à d'autres plus bas, félon qu'üs font dignes de ' -récompenfe ou de punition. La féconde Cour eft celle du Tréfor , & elle a dans fon diflrict, tout ce qui concerne la direction de toutes les caides , des revenus & des taxes 1 c'eft elle qui examine auflî les dépen-fes. On y conferve les rolîes ou dénombrements, qu'on fait tous les ans exactement , de toutes les familles & maifons , de tous les hommes , des mefures de terre & des taxes, ainfi que de toutes les douanes* La troifieme Cour a l'infpection fur les ce'rémonies, les rirs, les iciences, & les a'ts. Elle eft aulîî chargée du foin de la mufique de l'Empereur* règle les titres & honneurs, qu'il ac- 35"° Dé COUVERTES corde aux pcrfonnes de mérite, Se: Chap^is étend ^a jurifdiction furies Temples Se fur les Sacrifices que le Monarque A»,jâ$*$. offre au foleil ,à la lune ,au ciel, à la terre Se à fes ancêtres : enfin elle exerce fa puiflanec fur les arts Se métiers.,, ainfi que fur toutes les Religions, profellées dans l'Empire. La quatrième Cour a pour fa partie , les régls-' ments militaires dans tout le Royaume : c'eft elle qui choifit Se élevé les Officiers aux différents grades , Se qui les diftribue dans les armées, fur les frontières , Se dans les garnifons de toutes les parties de la Chine. La cinquième Cour juge les affaires-criminelles Se a l'autorité de punir les* crimes dans toute l'étendue de l'Empire. La fixieme Se dernière, eft nommée la Cour-des ouvrages publics:, elle eftehargée du foin de faire bâtir Se réparer les Palais du .Monarque, les Tombeaux des Rois, les Temples, les Tours, les Ponts , Se tous les autres ouvrages néceffaires, pour rendre les rivières navigables ,év pour la commodité des chemins. Ces fix grandes Cours ont fous elles, quarante quatre-Cours inférieures, qui; tiennent toutes, ieurâ. féantes.,, çha-.- des Européens. 35T cune dans l'enceinte de fa Cour fu- v périeure, où il y a toutes les cham- GBjJ*Etjj| bres & falies néceuaires. G ap Ontre les fix Cours fuprêmes , il M***0* y en a plufieurs autres qui rendent à Des cour?.; Pékin., dont la principale eft celle^ftticurc»' qu'on appelle Hanlin Iven , c'eft-à-dire le bois fleuri des lettres & des fcienc-S. Elle comprend un grand nombre de, Mandarins , diftingués par la pénétration de leur efprit : ils font partagés en cinq claffes, qui forment aufïî autant de Cours, dont les Membres font les Précepteurs oi Inftituteurs du Prince qui.doit luc-céder à l'Empire, & ils font chargés de l'inftruire dans.la vertu & dans les feiences, fuivant fon âge. Us écrivent tout ce qui.fe pane à la Cour & dans TEmnire, digne d'être tranfmis à U poftériré. Ce' font eux qui compo-fent riÎLftoire générale du Royaume ; & l'on peut les regarder comme les Hommes de Lettres du' Roi , entre lefquelsril fait choix.de fes Confeillei'Sk Une autre Cour,nommée Gouet-çou-Kieîi., eft l'Ecole Royale de tout l'Empire, & a l'infpection fur tous, les. Bacheliers, Ôc.fur tous les- Etu-r 5 5*2 Dec OUVERTE s m diants , auxquels l'Empereur a ao chapFxx' cc?r^ quelque privilege , pour le» rendre égaux aux Bacheliers. An. i<î«>s- La Cour nommée Cotao , eft éta-courpourblie pour avertir le Monarque, de îïfn ce de fci t ou tes les fautes qui fe commettent, fcutei. ou qu'il commet lui-même dans le Gouvernement. Les Membres de cette Cour , ont tant de fermeté dans l'exercice de ce devoir, qu'ils s'ex-pofent fouvent au danger de la mort ou du banniflement, pour dire lavé* rité au Prince, foit de bouche, foit dans des mémoires par écrit , & l'on en trauve plufieurs exemples dans J'HiftoireChinoife. Il eft arrivé quelquefois , que des Empereurs (e lont corrigés fur leurs remontrances , & qu'ils les en ont généreufement ré-compenfés. Gouverne- Après toutes ces Cours , dont îiric«"Pr0 n0US avons Parlé, chaque Province en a une Souveraine, d'où dépendent plufieurs autres, & dontlePrc-iident a le titre de Viceroi, Le droit .de gouverner dans la paix & dans la " guerre, appartient à cette Cour, & elle doit rendre compte à l'Empereur & aux fix Cours Souveraines, de tout ce qui mérite d'être rcmar* » e s Européens. 35^ que. Quelques Vicerois ont le Gou- m ■ vernenient de deux, de trois, Se SlSJïï,' quelquefois de quatre Provinces , paiticuherement iurles frontières de An,*sj» Turtarie. Outre le Viceroi, il y a dans chaque Province, un Vifiteur & un grand Officier, qui commande toutes les troupes de la Province. Il n'y a aucune ville capitale qui n'ait fa Cour civile & criminelle, pour les mêmes affaires qui font du reffort des fix grandes Cours de Pékin, Chaque Province eft partagée en plufieurs territoires, & chaque territoire a un Mandarin, qui eft pour ainfî dire , le Vifiteur & l'Infpedeur de tout ce qui fe fait de bien & de mal dans fon diftriét. Il eft aufli chargé du foin de faire payer exactement aux Gouverneurs, des grandes & des petites villes , les droits qu'ils doivent à l'Empereur. Le nombre des Mandarins lettrés, Grand no** dans tout l'Empire, eft de treize'jJJ.de,Ma*' mille fix cents quarante-fept, & les Militaires font dix-huit mille cinq cents vingt, ce qui fait en tout trente-deux mille cent foixante & fept. La diftnbution des emplois eft fi bien réglée ( qu'il femble que les Légifla- 55*4 DÉ COUVERT g s » . teurs n'ont rien obmis de néceffaire; Cu >m.,i oiU préyjp tous les inconvénients quipouvoient arriver, iousks iVlan- Ah. iöpj. cjar:ns dont nous avons parlé, ont leurs emplo:s pour trois ans, & quand ce temps elt expiré, on les éieve à d'autres plus conlidérables. Aucun n'eft maître de choifir fes Orficiers ou Domeftiques ; quand ils arrivent au lieu où ils doivent saire leur réfi-dence, il faut qu'ils prennent ceux qui leur font donnés & entretenus par le public , afin qu'ils n'ayent pas de confidents, & pour prévenir qu'ils ne reçoivent des prélents, ou ne vendent la Juftice. Lorfqu'un Mandarin perd fon pere ou fa mere , il faut . qu'il quitte fon emploi pour porter le deuil pendant trois ans : il ne couche durant un temps affez long,, que fur un peu de paille àx:ôté du tombeau , ne mange pendant plufieurs mois, que-du riz bouilli dans de l'eau, & ne porte qu'un efpece de fac pour habillement la première année ; coutumes très-gênantes, que les Empe-leurs x eux-mêmes, obfervem. des Européens. 375* CHAPITRE XXI. la Langue Chinoife ; De Vintelli-gence des Chinois dans les Arts libéraux , de leur cérémonial, de Uitr politeffe , de leurs funérailles & ds quelques autres ufages y De leur habillement de leurs mmes ; De la. grande richejjè & de l'abondance de t Empire de la Chine, ër des moyens-dont fefimtfervis les Tartares pour s'en rendre maîtres. L A Langue Chinoife n'a nulle rr i i • J GEMELLI , _i reUemblance avec aucune de cef- chaP. xxr. Us qu'on parle dans les autres pays de 1 univers, & il n y en a point qui puiffe lui être compare'e, pour ftüh e£a cienneté de l'écriture. Il n'y a pas comme chez les autres Nations , un alphabet d'un petit nombre de caractères, dont on compofedes mots; mais chaque lettre Chinoife exprime un mot entier» On admire aufli dans cette Langue, que tous les mots font monofyllables , & qu'il n'y en a originairement que trois cents vingt ; siais au moyen des accents, elle eiï 3c6" Découvertes , ailez nombreufe pour exprimer tout G*«mu ce qu'on veut; aulîi dans leurs écri-chap'XXI'tures, les Chinois le fervenu de cin-Aïk. i«9s quante - quatre nulle quatre cents neuf caractères. Les Millionnaires pi étendent qu'elL elf plus tacile à apprendre que routes les autres Lan-gues de l'orient, ce qui puroît allez vraifemb lubie, pui que ceux qui vont à la Chi en s appliquant feulement deux ans , prêchent, conlelTent & écrivent en cette 1 -an gue , comme li elle leur étoit naturelle, quoiqu'ils foient tous avancés en â;e quand on les y envoyé. Il n'y a dans le monde aucun Royaume ou l'on trouve tant d'Uuiverficés qu'à la Chine : il y a plus de quatre-vingt-dix mille Etudiants, Se dix mille Licenties , dont lix ou fept mille vmt tous les ans à Pékin , y font examinés févére-ment, Si l'on en choilit, dans ce nombre , trois cents foixante & cinq pour être admis au rang de Docteurs. ©e*L'mc» Les Chroniques Chinoifes com-«binois, rnencent environ deux cents ans après le déluge, & elles continuent jufqu'à qu'à notre temps, par une fucceflion d'Auteurs , non interrompue. Ils ont un grand nombre de livres fur la des Européens. 3£7 Philofophie morale , d'autres qui 1 traitent de la nature, de fes proprié £hap" xi. tés & de fes accidents, plufieurs de Mathématiques de de l'art de la Guer- An*l6,î* fe , & des Romans très ingénieux &: très-amufants. On y trouve une quantité prodigieufe de Livres d'hifto re\ des exeropies.de l'obéiffance des enfants envers leurs parents; de la fidélité des Sujets envers leur Roi, de l'Agriculture ; de très-belles Harangues , des Poëmes excellents, des Tragédies, des Comédies, & d'autres , fur tant de fujeîs différents, qu'il feroit trop long d'en laire l'é-numération. On v diftingue particulièrement cinq Livres, pour lefquels ils ont autant de vénération que nous en portons à nos Saintes Ecritures. Le premier elt nommé la Chronique des cmq anciens Rois ; le fécond eft le • Rituel , qui contient la plus grande partie des Loix, des Coutumes de des Cérémonies de l'Empire; le troisième, eft le Livre des Vers, des Romans de des Poèmes ; Le quatrième , compofé par Confucius , contient l'Hiftoire de fon pays, en forme d'Annales, où il décrit la vie; 5 5"S DÉCOUVERTES iM les actions de vertu ou de médian- GF.MEi.Lj cet(î çjçg princes • le cinquième, qui elt le pius ancien , & qu on prétend An.i^s- avoir été compoié par Fohi , ne peut être trop lu & trop eftimé , pour la beauté des (entences & des préceptes de morale qu'il contient. Il y en a encore un , d'une autorité égale à celle des autres, & qui elt un extrait ou abrégé des einq. LeurhaM- ^cs Chinois ne l°nt Pas rnoins teté dans u« furprenants & fublimes dans les Arts Anu méchaniques que dans les fciences ; mais comme un prix médiocre ne peut convenir pour un bel ouvrage , i's s'attachent à donner beaucoup d'apparence à fôut ce qu'ils font, parce que les Acheteurs ne dépen-fent que le moins qu'il ieur eft pof-fible : au refte, fi le prix repondoit au travail, ils en feroient de merveilleux. Ils écrivent de droite à gauche, & les lignes ne vont pas d'un côté de la feuille à l'autre , mais du haut au bas. Pour rimpreftion, quand la compofition eft faite en beaux caractères , fur un papier , qui eft trcs-fin & tranfparent, ils le colent iur une planche de pommier ou de poirier, aufli polie qu'il eft poflîble , des Européens. 350'' avec l'écriture tournée du côté de ic.« ■ planche, afin qu'après l'impreflion xxî; les lettres paroilient dans leur fens naturel: on coupé enluite les carac- An' l6p5' teres avec un canif ou un autre instrument tranchant, de façon que les lettres s'élèvent en bofle, & que le refie ae la planche eft en creux. Il y a deux lortes de noblelTe à la.^1^ Ia N"" Ch ine ; celle d'épée & celle de robe. Celle d'épée eft héréditaire du pere au fils, tant que la famille qui l'a élevée, demeure fur le trône; mais quand il y monte une nouvelle famille , elle fait mettra à mort tous les Nobles & en forme de nouveaux ; comme il eft arrivé, il y a environ cent cinquante ans. La Noblelfe ac-quife par la robe , ne dure que la Vie de celui qui en eft pourvu , & il arrive fouvent que les fils ou les petits fils des Docteurs Chinois, font très-pauvres, & obligés de te faire Marchands en dérail 011 Artifans; mais fouvent ils le mettent au nom--bre des Ecoliers , & deviennent Candidats-, pour les mêmes honneurs dont jouifloient leurs pères. Cependant il y a une famille toujours fl0-riffante, qui, non-feuleiiient, a con- 3 6"o Découvertes » lervé fes premiers honneurs depuis chaptxxi Plus ae vingt-üftu» hecles ; mais qui eft à préfent également relpectée An. it9$. jes Grands & du peuple, en forte qu'on peut la regarder, avec juftice, comme la plus ancienne tamille du monde. C'oftS celle de Contucius, Îui vivoit fous la troiheme famille mpériaie, cinq cents cinquante 6c un ans avant la naiilance de Jefus-Chrift. Les ancims Rois ont donné à la race de Confucius, le titre de Que-Cum , qui revient à peu près à celui de Duc, & ils font demeurés So uverains & exempts de toutes taxes, dans la Province de Xan-Tung , & dans la ville de Kiofeou, lieu de la naiflance de ce Philofophe. roiîtefTe On rempliroit plufieurs volumes Chinoife. des civilités & des cérémonies Chi-noifes. Ils ont un livre qui en contient plus de trois mille, & ii eft étonnant de voir l'exactitude avec laquelle ils les obfervent. A tous les repas, le maître de la maifon , fut-il un des plus grands Seigneurs , & beaucoup plus qualifié qu'aucun des convives , donne la place d'honneur à ceux qui font plus âgés que lui, ceux-ci la donnent à ceux qui viennent des Européens. 361 <3e .plus-loin , & tous la cèdent aux- Etrangers. Us furpafïent aufli toutes cïSi'S. les autres Nations dans leur attention à paroître,& il n'y a pas d'hom- An' l*9s' me li pauvre, qu'il ne foit toujours habillé décemment & proprement. Les femmes font ii modeftes & fi ré-fervées, qu'il femble que ces vertus ioient nées avec elles. Elles vivent dans une retraite perpétuelle , n'ont jamais les mains découvertes, & fi elles font obligées de donner quelque chofe à leurs frères, ou à leurs parents , elles le tiennent avec la main enveloppée de leur manche» Les Femmes Chinoifes regardent Des Fcn>< J 1 ' j» • nies. comme une grande beauté a avoir le pied très-petit, & pour acquérir cette perfection , on les leur tient enveloppés dès la naiflance, & fi ferrés , qu'elles en font toutes eltropiées. Quoiqu'elles foient très-glorieufes de cette efpece de beauté, elles ne font jamais expofées à la faire pa-roître, d'autant que la modeftie ne leur permet pas d'avoir des habillements allez courts, pour Çue leurs pieds puiflent être vus. Leurs, traits & leur teint n'ont rien qui les rende inférieures à nos femmes Européen-Tome IX. Q 3 6*2 Découvertes ■■ nes, & quoiqu'elles ayent le nez plat IGemelu, & de petits yeux enfoncés, eues ne Chap.XXi .£ î • j . parodient pas laides. Leur vie reti-An. los»s. rée , eft caufe que leurs mariages , fi on peut leur donner ce nom, fe font en aveugles, puifque le garçon ne voit jamais la fille avant le jour où elle eft conduite à la maifon de fon mari ; fouvent même le mariage eft conclu & arrêté quand ils font encore l'un & l'autre au berceau, d'autant qae ceux qu'on unit, font ordinairement de même âge. La dot d'une femme, n'eft autre chofe que fa perfonne, & elle fuffit, fi elle eft vertueufe. Par les Loix du Royaume , un homme ne peur époufer une femme de fa famille , fi éloigné que puilfe être le degré de parenté. Les Tartares n'achètent pas leurs femmes , mais ils en reçoivent des dots, quoique peu confidérablcs, & quand quelqu'un marie fa fiile à fon égal, la dot ne furpaffe jamais quatre-vingt vaches, autant de chevaux & autant d'habits. Mœurs des L'extérieur des Chinois eft très-chinois, grave & modefte ; un homme qui tourneroit promptement la tête, fe-roit regardé, chez eux, comme une des Européens. 3cTj cervelle légere : on ne leur entend ——-_ jamais prononcer de jurements, ni cla'p ^îxi aucun mot immodefte : iane l'amour ou paroître galant, cil fi éloigné de An'1 leurs mœurs , qu'ils n'ont pas même de mots pour les exprimer. C'eft une maxime reçue chez eux , qu'il n'eft „ pas de la nature des hommes de tirer l'épée l'un contre l'autre, & que la guerre eft une férocité à laquelle on a donné des règles que les betes fauvages ne connoiftent pas. Us font en général très-ingénieux, & ont l'efprit fort actif; mais les pauvres , particulièrement, furpaiîenr tout ce qu'on peut imaginer en adrelfe & en arti-. fice, inftruits par la nature dans les moyens de gagner leur fubfiftance, *.Si une profelîion ne leur plaît pas, ils la quittent à la lin de l'année , étant également propres à toutes. Ils font ttèsexpertsen toutes fortes de jeux, tels que les cartes, les dez, les échecs & les dames. Les Loix de l'Empire font fi fé-veres pour obliger les parents à donner une bonne éducation à leurs enfants , que fi quelqu'un commet un crime, & qu'on ne puilfe le prendre, le Magiftrat fait arrêter le pere, & 3 6*4 Découvertes . on lui donne la baftonnade , pour Gemelli . n'avoir pas inftruit fon fils à avoir ch p'XXI" de bonnes mœurs. Le Gouverne-An. i«9j. ment règle aufli l'économie domef-tique des familles pour le bien public. Les Chinois font fort adonnés . à la fuperftition & aux augures. Us regardent comme un mauvais pré-fa ge, d'avoir des Eglifes élevées en l'honneur du vrai Dieu, dans les villages & dans les campagnes , & craignent que cela ne fafle mourir les habitants. Il n'eft permis à perfonne de bâtir fa maifon plus élevée que celle de fon voifin , parce qu'ils pen-fent que fa fortune en foufiriroit. Longs che- Avant que les Tartares fe fuffenr veux aboliseinparés de cet Empire, les Chinois tares." portoient les cheveux longs, roulés derrière la tête: mais ces nouveaux maîtres les ont obligés, fous peine de mort , de les couper, & d'aller la tête rafée à la Tartare. Us leur ont aufli interdit l'ufage de leurs larges habits , avec de grandes manches , pour leur faire prendre l'habillement Tartare , ce qui leur a été très-fenfible. Leur chemife eft lacée fous le bras droit , fous les côtés ou fous la gorge : elle leur Gemelit , Des Européens. 5eTy tombe jufqu'à la moitié des jambes , & les manches en font longues & étroites. Us portent de larges culottes qui defcendent jufqu'aux talons, An-I6*r. & leurs bas font ordinairement de groffe foie. La Noblefle ajoute à la chemifeune longue robe noire, boutonnée fous le bras droit julqu'aux pieds, avec une ceinture en argent ; par defTus , ils mettent un manteau avec des manches larges , boutonné fur la poitrine .&les Savants les portent très-longs , contre l'ufage des Tartares, qui en ont de fort courts. A la guerre, les Chinois fe fervent Leuis Ar. d'arcs & de flèches , avec un long mes. cimeterre: ils n'ont que très-peu d'armes à feu , cependant l'Empereur les oblige à prélent de porter des moufquets. Quoique l'ufage 'du canon foit ancien à la Chine, ils ont toujours été mal fondus & mal proportionnés : mais depuis quelque temps , l'Empereur les a tous fait refondre de nouveau , fous la direction du Pere Verbieft, Jéfuite Flamand. Les Troupes Chinoifes font , compofées de Cavalerie , partagée fous huit étendards , dont chacun eft fuivide dix mille hommes, avec Qui $66 Découvertes -un Général particulier pour chaque divihon. La profeflion de Soldat, C ap.X.\i. _ , r r o t*X? pane des pères aux entants, cc I ri.ni-Ao. ifiys- pereur, non-feulement, leur donne une paye proportionnée à leur grade, mais il y ajoute du riz pour toute la famille, fans aucune épargne , d'autant que le tout eft fourni par les Provinces qui le donnent à titre de tri out. Quoiqu'il y ait à la Chine beaucoup dorde très-bonne qualité, on ne s'en fert pas comme monnoie , & on le donne au poids comme une autre marchandife. On fait de même pour l'argent qui vient des Etrangers , particulièrement pour celui que les Efpagnols y apportent d'Amérique. On s'en fert à payer les taxes à l'Empereur, & il demeure enterré dans Ion trélor, ou dans ceux des plus riches de l'Empire ; mais les Chinois ne font,aucun ufage de ce qui leur vient des autres pays. T>esFun«- On regarde à la Chine , l'avantage railles, d'être bien enterré, comme contribuant beaucoup à la félicité du défunt , & ils croyent même que fes defeendants y participent. Aufli ne s'en rapportent-t-ils pas totalement des Européens 36*7 a leurs enfants , & chacun, de fon —— vivant & en bonne famé , a particu- ^hap" lierement foin de fe pourvoir d'une bonne bière, de fix à lept pouces de- An"1 paiifeur, pour mettre ion corps, & d'un endroit convenable pour la placer. Il ne faut pas que la bière foie étroite, mais grande & bien proportionnée i ils la font Vernir en dehors , fcuplter , & garnir d'or, s'ils en ont le moyen , enforte qu'il y en a qui coûtent plus de mille écus. Pour la place, la plus heureufe eft ordinairementchoilie par les Devins, au pied de quelque montagne, & ils ne font jamais enterrés dans les villes. Aufli-tôt qu'un Pere de famille eft mort, fon lils femble entrer en fureur, déchire les rideaux du lit, les jette fur le corps, fe laide tomber les cheveux épais,Se enfuite envoyé fes Domeftiques chez fes parents & fes amis , auxquels il écrit qu'il a perdu fon pere. Pour recevoir les vifîtes, on met en deuil la plus grande falle, qu'on tend de nattes, ou de toiles blanches , parce que le blanc eft la couleur de deuil à la Chine. En même-temps on envelope le corps Qiv 3 6$ Découvertes « d'une belle pièce de foie très-fine ; thapfxxL on ^e metQ,ans ^a bierre, qui eft bien clofe, & dont on ferme encore tou-An. lóss- tes ies fentes avec de la poix , après quoi on orne tout l'extérieur d'étoiles d'or. On la place au fond de la chambre, le fils demeure à côté, couvert d'une grofle- toile de chanvre, avec un bonnet de même , les pieds liés avec de la paille, une étoffe grcffiere, de coton, autour des oreilles, & portant deux ceintures de greffes cordes, qui tombent jufqu'à terre. Ce funèbre appareil n'eft que le commencement de fon deuil, & il'faut qu'il paffe la première nuit près du corps, fur de la paille, fans avoir d'autre lit pendant plufieurs , mois. Toute délicatefle eft bannie de fa table, particulièrement la viande , & il eft obligé de conferver toutes les marques de deuifpendant trois ans. D«Min:s. La navigation , & l'abondance de toutes fortes de commodités dans un ^Royaume , font les deux principales fources du commerce, & la Chine" les poffede à un tel degré, qu'il n'y a pas de pays qui puifle lui être comparé à cet égard é encore moins en des Européens. 3 <5p Trouveroit-on qui la furpaffât. Il y a . une fi grande quantité d'or dans tou J^^t'/ 1 t> • 1 » 1 * j 1 Chap. XXI. tes fes Provinces , qu au heu de le convertir en efpece, on le met au An-16^* rang des marchandifes. Pour l'argent, leur avarice & leur induftrie à le ra-malïer, font aufli anciennes que la Monarchie ; ainfî la quantité doit eu être prodigieufe , d'autant que celui qui eft une fois dans le pays, ne peut jamais en fortir ; & que les Loix font très-féveres fur cet article. Il y aaufli des mines abondantes de cuivre , de fer , d'étaim , & de plulieurs autres métaux. La foie y eft plus belle qu'en aucun autre pays du monde,. & en fi grande quantité, que les Anciens nommoient la Chtfie, le Royaume de foie. 11 y en a de aeuxefpeces, la naturelle & l'artificielle ; la naturelle eft produite par les vers , dans les campagnes & fur les arbres , d'où, on la ramafïe pour la filer; mais elle n'eft pas aufli bonne que l'artificielle, produite par les vers qu'on nourrit dans les maifons pendant quararfte jours, avec des feuilles de mûrier. Leur cire eft la plus belle & la Delà ci»; plus blanche qu'on puiffe voir ; il y • en aaufli de deux efpeces :.celle qui Qv Découvertes ■ vient des abeilles, & celle qu'on» iwp^ixi trouve ^ur certains gros arbres on elle eft produite a fiez fîngulierement,. n. i op 5. jjn infecle à aiguillon, de la grof-feur d'une puce, y dépofe fes œufs;, quelque temps après, ils produifent des vers, qui rongent, percent & dévorent jjfqu'à la moële de l'arbre. Leur nourriture fe change en une cire aufli blanche que la neige : ils la cha/Tent hors de l'ouverture qu'ils, ont faite, & le vent & le froid la congèlent en groffe goûtes. Xe Thc\ La Chine produit une h grande quantité de coton, qu'on ne s'y fert que très peu de laine , excepté pour des couvertures de lit: il y a aufli. de pauvres gens qui , en hiver, portent des peaux groffieres & de la laine, mais les gens aifés font alors-habillés de Délies fourures. Pour la viande , le poiflbn , le fruit & les autres provilïons, ils en ont de toutes celles que nous pofïédons en Eu-• rope, & même beaucoup plus que nous n'en avons ; le bas prix en fait connaître l'abondance. Entre les diverss plantes particulières au pays, nous remarquerons principalement le Thé , qui eft la boiûon la plus ef- des Européens. 371 limée des Chinois, comme le cho- ■ colat chez les Efpagnols, & il ne fe ^MfcL"v r • r r v ., > t Chap. XXL tait aucune vilite, ou Ion n en boive en quantité. Quoiqu'on le regarde An' comme une herbe, on le recueille cependant fur de petits arbres , & le meilleur eft celui qui vient dans la Province de Chekiang. En été, cet arbrilTeau porte une fleur dont l'odeur eft très-agréable ; mais c'eft en? hiver qu'on en cueille les feuilles,. On les fait d'abord un peu chauffer dans un chaudron de cuivre , fur un feu doux, enfuite on les met fur une natte fine , où on les remue avec la main : on les remet fur le feu, jut qu'à ce qu'elles foient bien fechess enfin on les conferve dans des boetes de plomb , pour qu'elles ne s'évaporent point, & pour les garantir de F humidité. L'infufion en eft agréable & très-faine , quand les feuilles font nouvelles, mais il y a beaucoup-de choix , & tant de différence dans la qualité, qu'on en vend depuis dix fols la livre jufqu'à douze francs. La Chine produit aufli de la Rhu- ne IaRh«* barbe, qui vient dansles lieux hu-baibt* mides, & dans des terreins de couleur rouge ; les feuilles de cette plante Q4 372 DÉCOUVERTES --ont ordinairement deux palmes de chapExxi l°nS : elies font cotoneufes & étroites près de la tige qui s'élève d'un An. 1691 pied, & porte des fleurs fembiables à de grofles violetes. La racine a quelquefois trois pieds de long, eft aufli grofle que le bras d'un homme , & quand elle eft nouvelle, elle a une amertume exceflîve. On trouve auiii à la Cliine, une grande quantité de très-belles fleurs; celles qui font particulières au pays, flattent plus la vue que l'odorat : ils les plantent entre deux rangs de briques dans leurs cours , pour en faire de belles allées. Fertilité du La Chine, par fon étendue, jouit SaJs- de tous les différents climats, fans avoir la rigueur exceflîve du froid , ni les chaleurs infupportables des pays méridionaux. Elle n'eft ni toute en plaine ni tou'e en mo.itagnes , mais tout y eft h bien-cultivé, qu'elle paroît comme un jardin continuel. Quelques-unes des plus- hautes montagnes, préfentent de loin, l'afpeét le plus agréable , étant toutes coudées enterrafles, depuis le pied 'ufqu'au Commet. Pour les plaines, il y en a de fi grandes , que pour en donner une idée, il fufrk de dire que depuis des Euro f ééns. 373 Nankin jufqu'à Pékin , qui forme une — étendue de plufieurs centaines de <*»MEL"; ty-,'11 > n . 1 ■ Cnap. XXI. milles, ce n elt quune plaine continue, fans qu'on y trouve un pied Aa- ***** de terrein ou ftérile par la nature, ou en friche faute de culture. La fertilité y eft telle qu'on fait toujours deux moifïbns par an , & qu'on feme aufîi-tôt qu'on a recueilli. L'air, en général , eft très-fain à la Chine, & les faifons y font régulières. A Pékin, l'hiver dure plus long-temps qu'il n'eft ordinaire à éto degrés de latitude. Par la rigueur ou froid & par la nature de l'eau, depuis le milieu de Novembre, la glace eft fi épaifîe & fi forte fur les rivières & fur les lacs .qu'elle porte les chevaux & tes voitures, fans dégeler, jufqu'à la fin de Février. Dan3 les Provinces méridionales , il règne quelquefois un vent peftilentiel fi pernicieux, qu'il enlevé beaucoup de monde. Après avoir parlé du climat, du Comment fa. r* o J /"> J Chine ilt pal- vrouvernement & des Coutumes de «c aUx rai-la Chine, nous allons rapporter com- tatCï« ment les Tartares Orientaux fe font rendus maîtres de ce grand [impire. Pendant le règne de la famille Mins, 374 Découvertes „, i la dernière des races Chinoifes, l'es cba^xxV ^0l'ces ^e l'EmPire étant employées ap' à garder les frontières du côté de la 4b. i^5» Tartarie, huit Capitaines de Voleurs fe mirent en campagne , & leverent très-promptement huit armées. Ils difputerent entr'eux pendant quelque temps pour la fouveraineté , jusqu'à ce qu'ils fuffent réduits à deux, qui fe féparerent: l'un prit la roue des Provinces feptentrionales , & l'autre tourna du côté des Provinces méridionales. L'armée de l'Empereur marcha contre celui qui atta-quoit la partie du nord ; elle fut défaite r la ville où les fuyards fe retirèrent , fut détruite par une innon: dation , & il y périt plus de trois: cents mille perfonnes. Encouragé par ce fuccès , le Capitaine de Voleurs,. nomméLi, prit !etitre d'Empereur, & marcha à Pékin, avec une armée de trois cents mille combattants-Ayant attiré une partie du peuple dans fes intérêts, les portes lui furent ouvertes, quoiqu'il y eût une gar-sifon de foixante & dix mille hommes. L'empereur ignoroi: ab fol Liment ce qui fe pahVit, & demeuroit à faire des jeûnes & des mortilica- des Européen s- 375* tions au milieu de fes Bonzes ; mais w l'approche fubite de l'ennemi lui S'M*îr«* ayant appris trop tard qu il etoit trahi, il fe retira dans fon jardin , & l6s** fe pendit, à l'âge de trente-hx ans» L'Empire périt avec lui, ainfî que toute fa famille , qui fut détruite en peu de temps, quoiqu'elle montât dit-on, au nombre de quatre-vingt mille perfonnes. Li, s'étant ainfî affuré de la capi-rhy font tp* taie, marcha contre le Général Chi-gJ^P*16* nois,qui tint la campagne contre lui, avec une armée de foixante mille hommes. Pour venger fes propres pertes, & la mort de l'Empereur ; ce Général envoya une A.mbaffade fo-lemnelle au Prince Tartare, pour l'inviter de marcher avec fon armée,, contre l'Ufurpateur. Le Tartare vola plutôt qu'il n'entra dans la Chine,, avec foixante mille hommes, & défit bien-tôt Li ; mais il mourut avant d'avoir établi la paix, laiffant un fils-dans l'enfance , fous la tutelle de fon frère. L.s Chinois qui efpéroient que-les Tartares chargés de butin , re-tourneroient dans leur pays, furent cruellement trompés dans leur attente. Ces Etrangers étant entrés à 376 Découverts» - Pékin en 1643 , refuferent d'en for- ?.E5iELvLv,' tir, & dirent que l'Empire étoit dû Chap. XXI ' t » r * ' J r a leur valeur. L entant âge de iix ans, ▲h. *69$. y £t fon entrée en triomphe, auxap- Î)laudilTements du peuple ; fut placé ûr le trône , & déclaré Empereur. Les Tartares , après avoir loumis les Provinces Septentrionales, marchèrent au fecours de celles du midi, & ayant détruit les Capitaines de Voleurs en peu d'années , tout l'Empire reconnut leur puiffance. Pour s'en aflurer la polTeltion, & pour gagner l'amour du peuple, ils conferverent les anciennes Loix , les Règlements & la Police de la Chine , fans y faire prefque aucun changement, & don-. nerent de grands encouragements aux Gens de Lettres. GemclHpart Gemelli trouvant que le froid de-dcPckin. venoit trop vif à Pékin, pour fon tempéramment, fe difpofa à quitter cette ville, & le famedi 10 de Novembre , il s'adreffa au Pere Grimal-di, pour le prier de lui procurer trois mules, afin de continuer fon voyage. Le lendemain , il prit con;Té de tous les Jéfuites , & reçut du P^re Gri-maldi un paffepm, pour qu'il ne fut pas inquiété à fon retour de lia des Européens. 377 Cour. Etant convenu de prix avec » ■ m le Muletier, & lui ayant payé d'à- cha^'xxr vance le louage des trois mules, fuivant l'ufage de la Chine, il partit le i6?ï-mardi 22, après midi, & paiTa par la ville ou bourg de Loupou-Xaou, qui a de bonnes murailles , & deux portes garnies de fer. Il traverfa en-fuite la rivière, fur un magnifique pont de pierre, d'un demi mille de long , orné des deux côtés, de petits lions de pierre très-bien travaillés, de deux pasen deux pas; Gemelli y trouva un Tartare, accompagné d'un Valet de pied d'un Page & de plufieurs Valets , qui' prenoit la même route, & ils continuèrent enfcmble la voyage. Comme il fuivit le même chemin dort nous avons dé à parlé, nous ne iépét:rons pas ce que nous en avons dit, & nous observerons feulement que la préfence du Tartare les fit très-bien fervir dans les auberges ; qu'on leur donna des pro-vifïons en abondance, & à très-grand marché, puifqu'ils ne payoient un lièvre que trois fols, & un faifan fix fo's. Après trente-quatre jours de ma?- „ arrive ^ che, ils arrivèrent le dimanche 2yCant»n. '378 Découvertes pu n de Décembre à Nanchianfou, d'où g i: m t l l i, l'on fe rend par eau à Macao. Ge-c ap. xxi. mejj- ^ gfpf?ant pafler la tece de Noël An. i6s6. agréablement avec les Catholiques de cette ville, renvoya fes mules, traverla la rivière d après le dîné , il entra dans une autre barque chargée pour Canton , avec deux hommes &: cinq femmes qui ramoient. Comme il étoit alors dans la partie méridionale, il y trouva la chaleur exceflîve. Apres neuf jours de cours , il arriva à Canton le mardi 24, ayant fait environ quatorze cents milles par eau & par terre depuis Pékin. Gemelli étoit revenu à Canton , dans l'intention de fe rendre à Emouy, dans la Province de Fo-Jtien , & de s'y embarquer pour Manille : mais ayant trouvé que le chargement de Canton étoit déjà fait, & des Européens. 3 7P apprenant qu'il y avoit à Macao un ,r vaiiîeau de Manille , il changea de g™*!», réfolution. Il y fut d autant plus engagé, que le paffage lui fut offert fur An* l6*6' ce vailîeau , par trois Efpagnols qui y avoient intérêt, & qui étoient venus à Canton, payer cent quatre-vingt pièces de huit, pour des marchandifes de la Chine, ils turenttrès-furpris de la hardieffe qu'il avoit eue de venir à Canton fans pafTeport, 6c de pafler enfuite à Pékin, pendant que le Douanier ne vouloit pas leur permettre de partir, qu'ils ne lui donnaient trente pièces de huit pour * un pafleport. On faifoit alors les préparatifs Cafendrîei pour la fete Chinoife de la nouvelle dcs chim>u-année , qui commence toujours avec la nouvelle lune la plus proche du y de Février ; jour auquel, fuivant leur façon de compter, le foleil entre dans un ligne qu'ils appellent la réfurrec-tion du printemps. Ilscomptent douze mois lunaires, un de vingt-huit jours & les autres de trente, & tous les cinq ans, ils ajoutent un mois intercalaire, en faifant une fomme de tous les jours perdus durant cet intervalle , ce qui les remet au cour* 380 Découvertes 1 du foleil. Us partagent les femaines C6MSIL1 comme nous, fuivant le nombre des planètes, comptent le jour d un m h An. 169°. nuit à l'autre, le divifent en douze parties égales , & fubdivifent chacune en cent autres parties. L'année où Gemelli s'y trouva, le nouvel an tomboit le 3 de Février, & plu. fieurs jours avant, tous les Tribunaux & toutes les boutiques furent fermées , pour les préparatifs de la fête. La dernière nuit de l'année qui finit , dans toutes les maifons, les fils fe profternent devant leurs pères, les jeunes frères devant les aînés, & les Domeftiques devant les Maîtres, * en frappant la terre du front, & en faifant d'autres cérémonies d'ufage dans ce pays. Les femmes en font de même entre elles; mais avant d'exiger ce devoir des enfants , les Chefs des familles le rendent à leurs ancêtres , en frappant trois fois la terre , avec le front, devant leurs portraits. Le matin du nouvel an , long-temps avant le jour, les plus fuperftitieux vont en dévotion à leurs Pagodes brûW des parfums devant les Idoles ; enfuite ils font des vifites à leurs, amis, mais le cérémoBÏal eft rempli des Européens. 381 en écrivant fur un {papier rouge , ■ ■ qu'on eft venu pour les voir. ?£MBÏÏ2i Q, . r N . Clup. XXI. uelques jours après , arrive la fête des Lanternes, la plus fomp- An-l6s>*. tueufe de toutes celles des Chinois. F^tcs dc* L'origine de cette fête eft incertaine ; amcrncs* niais elle eft célébrée avec de grandes dépenfes par les riches & par les pauvres. Dans chaque quartier de la ville , on élevé diverfes figures d'Idoles , autour defquelles font plufieurs perfonnes déguifées en habits ridicules, avec des mafques. Dans cet équipage bizarre, ils parcourent la.ville, fur des ânes ouà pied, précédés d'un grand nombre de gens qui portent des lanternes attachées à de longs bâtons. Ces lanternes re-préfentent diverfes efpeces d'animaux , &font bien éclairées de plufieurs lampes : le tout eft accompagné d'un grand bruit d'inftruments de cuivre l69** On compte qu'il y a dans Manille , environ trois mille habitants, de différents mélanges & de diverfes couleurs , qu'on diftingue par des noms ridicules. Les femmes font habillées à l'Efpagnole, mais celles du commun fe paffen t aifément de couturières ; une pièce d'étoffe des Indes, liée au milieu du corps, leur fert de jupe, & une autre qui leur pend fur les épaules, leur forme une efpece de manteau. Us ne portent pas ordinairement de bas ni de fouliers, à caufe de la chaleur. Quoique la ville de Manille foit petite, elle paroît grande , en y joignant les faux-bourgs : au-dehors d'une des portes, eft l'habitation des Marchands Chinois , où l'on trouve de toutes fortes d'Ouvriers & de tous les genres de commerce; enforte que l'argent des Citoyens, paffe néceffairement par leurs mains , ce qui yient de la faute des Efpagnols & des Indiens, trop parelfeux pour s'appliquer à aucun genre de travail, Les Efpagnols tien: Tome IX. R 3 86" Découvertes fc_nent ces Chinois dans une grande G BLtXj fujetion: ils ne permettent pas qu'us c:'a)';:::tl reftent le foir dans les Eglifes des Ani!îp<î. Chrétiens, & ils les obligent de demeurer fans lumière dans leurs maifons & dans leurs boutiques. Au-delà du pont i confbuit lur la rivière , il y a d'autres lauxbourgs, au nombre de quinze , habités par des Indiens , des Tagalis , & d'autres nations, fous le Gouvernement d'un d'Alcalde. L'ef-pac-e, compris entre ces fauxbourgs, fur les deux bords de la rivière, juf*, qu'au lac de Bahi, eit occupé par des jardins, des fermes &des maifons de campagne. Il y a dans cette ville , quatre Monafteres, & un Collége de Jéluites, où environ quarante Ecoliers étudient les Humanités, la Phi-lofophie & la Théologie. La Cathédrale eft grande , mais l'intérieur en elf peu orné. Le chœur eft près de la grande porte , & l'on y remarque le trône de l'Archevêque, dont le revenu mome à foixante mille pièces de huit par an. Gouverne- La ville de Manille efl le liège du imentcivii2c Gouvernement pour toutes les: Ifles ci»c^/ 3 Philippines ; quoique ces Ifles foient fort_éloignées de l'Europe, ècdeh d f. s Européens. 3 87 Cour-de Sa Majelré Catholique, à |if « qui elle appartiennent, elles font ce- ^p'xxii. pendant très-bien gouvernées. Pour le fpirituei, il y a l'Archevêque de An* l6*6, Manille , qui eft nommé par le Roi, & pour rinquihtion, il y a un Com-rrrïrTaire choili par les Inquiliteurs de Mexico, L'adminiftration du temporel , eft entre les mains d'un Gouverneur, qui a le titre de Capitaine Général, & qu'on change tous les huit ans ; il eft aidé par quatre Juges avec un Procureur du Roi, qui eft à vie. Ce Tribunal, non-feulement, reçoit les appels des fentences des autres Magiftrats delà ville, mais encore de celles de' toutes les Ides. Le Gouverneur a d'appointemenr,, treize mille trois cents pièces de huit ,-& fi les Ifles Philippines étoient moins éloignées ,■ cette place feroit recherchée par les plus grands Seigneurs de la Cour d'Efpagne , parce que le Gouvernement eft illimité; la jurifdiéfción très-étendue : les-pié-rogatives fans bornes ; le profit inconnu , & avec de plus grands honneurs que n'en reçoit même le Vice- Exaroen K-roi des Indes. % vcrcduGcm- .Cette grandeur & cette paiflance Hume. Rij 333 Découvertes i eft un peu éclipfée par l'examen au- Gr:MEi.u, quel il eft fournis, quand il luiarrive ap-,XXII'un fucceiïeur. Les Accufateurs n'cn-An. 1696. trent point dans le détail des fautes qu'il peut avoir commifês, mais ils s'attachent aux fommes qu'il a reçues pendant huit ans, & c'eft plutôt la bourfe qu'on punit, que la perlonne. Us ont foixante jours pour porter leurs plaintes, après que la proclamation a été laite dans les Provinces, & trente jours pour les fuivre devant le Juge, quieftordinairement le fuc-cefleur de l'accufé, en vertu d'une commiiîion exprefle du Roi, & du Conleil fuprême des Indes : mais quand le Juge a reçu toutes les informations , il ne donne aucune dc-cifion , & il renvoyé toute la procédure à la Cour. Les quatre Juges ou Auditeurs, font fujets à la même enquête, & elle eft quelquefois ii rigou-reufe, que, fans égard à la qualité des perfonnes, elle eft fuivie de leur emprifonnement. Depuis la conquête de ces Ifles , il n'y a eu que deux -Gouverneurs qui ayent retourné en Efpagne , & tous les autres font morts de chagrin pendant le procès, ou en revenant en Europe, Cepcn- des Européens. 31$ dant le Confeil des Indes a modéré, ■■■ m depuis quelque temps ,cette rigueur »Chap"xii. en ordonnant que les Gouverneurs ne feroient plus emprifonnés , & An-,6*s' qu'on les envoyeroit en Efpagne avec les informations. Toutes les Ifles qui dépendent du Defcriprion Gouvernement de Manille, fiirentîipSpJ^*ƒ nommées les Philippines en iy4.3> par le Général Luis-Lopez de Villa Lobos , en 1 honneur du Prince Philippe , alors héritier préfomptif de la couronne d'Efpagne. Quoique leur ancien nom foit inconnu, quelques-uns prétendent qu'on les appelloit Ifles de Luçon, toutes ayant pris le nom de la plus grande , qu'on appelle aujourd'hui Manille. D'autres veulent que depuis Ptolomée, on les ait toujours nommées Ifles Manilles, Tout vaifïeau qui vient de l'Amérique aux Philippines, en approchant de la terre, voit néceflairement une des quatre Ifles de Mindanao, Leyte, Ibabao.ou Manille, parce qu'elles forment dans le grand océan, un demi cercle de plus de fix cents mil-Ls, Outre ces quatre principales , il y en a fix autres , très-grandes & très-peuplées, & l'on prétend que ce R iij Gemelli , Chap, xxii 5po Découverts? font les dix lues remarquables dont parle Ptolomée: on en trouve encore dix autres plus petites, toutes ha-An. 1696. bitées , outre un grand nombre de moins confidérabî :s, dont les unes font peuplées ck les autres déiertes. Hahîmnts de Toutes ces Illes font dans la Zone ccsjfles. Torride , entre l'équateur & le tropique du Cancer. Quand les Eipa-gnols arrivèrent à Manille , ils y trouvèrent trois Nations différentes. Sur lès côtes, habitoient les Ma-îayes, Mores qui venoient de Bornéo , comme ils le dirent eux-mêmes ; ceux qui habitoient les pays les plus bas , nommés les Bifayas, &les Nègres , qui font entièrement barbares. I's vivent des fruits & des racines que produilent les montagnes, & de tous les animaux qu'ils peuvent tuer, tels que des flnges, des- fer-pents & des rats. Excepté les Ma-layes, les autres habitants polTédent toujours la plus grande partie de ces Mes , le Roi d'Efpagne n'ayant pas un feul homme, dans les dix, qui reconnoiffent fon Gouvernement. Dans l'ifle de Manille même, on ne débarque point clans une étendue de cinquante lieues par la crainte des des Européens. 35)1' Noirs-, qui font les ennemis les plus ■ invétérés des Européens. chap?xxiî. L'ifle de Manille , avec quelques petites -, qui lui font adjacentes , elt- An"l6s>6' partagée en plufieurs Provinces, & J.l°dix£Si°,J! les habitants Indiens, qui font tri- pi*ts. butaires, payent leurs taxes en riz & en or, & font obligés de couper du bois dans les montagnes, pour . conftruire les grands vaifleaux du Roi. Cette Ifle produit un peu d'or, beaucoup de cire, de la civette, du coton , du fouffre , de la canèîle fau-vage , du cacao, du riz même fur les montagnes ; de bons chevaux, des vaches, des buffles, des cerfs & des • fangliers.'Le grand nombre d'Ifles de cet Archipélague, rend le canal pour la navigation, très-étroit, & les courants fi forts, que quelquefois ils font tourner les vaifleaux, de les dérangeât de leur cours. Affez près de Manille , eft Capoul, qui a trois lieues de tour, & dont le terroir eft fertile , agréable & très-commode pour les Indiens. Huit lieues au nord-oueft, de l'embouchure du détroit, eft l'ifle de Ticao, de huit lieues de circonfér ence, ha-bitée par les Indiens, A quatre lieues Riv %f)ï Découvertes oueft de Ticao, on trouve Bourias,' Cha"11"' tlUl a Cm(l mU^eS detOUl', & qönt les ' KJ' habitants lont de la Paroiffe de Maf. Ar..i6?«. Date > autre ifle au fud , qui n'eft pas éloignée de Ticao : elle a trente lieues de tour & huit de large , & eft habitée par environ deux cents cinquante familles Indiennes, qui payent leur tribut en cire, en fel & en civette. Il y a des mines d'or fi riches , que le contre-Maître du Galion fur lequel étoit monté Gemelli, ayant defcendu à l'une de ces mines, en tira une once deux gros d'or très-pur en fort peu de temps. A quinze lieues de Manille eft l'ifle de Marinduque, de dix- huit lieues de tour,. élevée & abondante en coco & en autres arbres fruitiers. Mindoro eft environ à huit lieues de Manille, & à cinq de Marinduque: elle a foixante & dix lieues de tour, le terrein , qui eft très élevé & montagneux , y produit aufli beaucoup de cocos &c d'autres, fruits ,. mais le riz n'y vient qu'en quelques endroits. Mindoro & Lou-ban , autre petite Ifle de cinq, lieues, de tour, contiennent enfembie dix-fept cents habitants qui payent tribut-Du côté du nord, au delà de.Louban* An. i6j6. c des Européens. 323 d n'y a aucune ifle remarquable, mais ■ à l'oueft, on trouve les Calamiones, c'hSSS&i qui forment une Province compo-fée de dix-fept iftes foumifes. Au-delà des Calamiones , à la vue des hautes montagnes de Mindoro, font les cinq ifles de Cuyo, peu éloignées les unes des autres, & qui contiennent environ cinq cents familles tributaires. L'ifle de Panay, qui en eft proche, a cent lieues de tour, Se contient environ feize mille trois cents foixante Indiens tributaires , avec quatorze Paroiffes.défervies par îes Auguftins. Entre les deux grandes ifles de Manille & de Mindanao, Ja première qu'on trouve eft Samar, de cent trente lieues de tour, & habitée par environ cinq cents familles. Elle eft remplie de montagnes, mais elle eft fertile dans le peu de plaines qu'on y trouve* Il y vient une plante, excellente pour la gué-rifon de plufieurs maladies, & les Iloîlandois donnoient autrefois le double du poids en or pour en avoir. La féconde ifle eft Leyte , de quatre-vingt-dix milles de tour, bien peuplée du côté de l'eft, à caufe de la fertilité des plaines, qui rapportent. Kv 3^4 Découvertes ce t & quelquefois deux cents bout" L ' un. i^-s peuples font fous la direc-ri ju v^ts Jéfuitcs, &, ont deux coutu- Ab. i6p6 11;CJ> excellentes, l'une de fe recevoir mutuellement quand ils voyagent, l'autre, de ne Jamais augmenter le prix des provillons, quelque difetté-qui arrive. La troifirme Ifle , qui eft aufli dirigée par les Pères de la Société , eft nommée Bohol, elle a envi on quarante lieues de tour , Se pp..duit beaucoup d'or, de palmiers & de bétes fauves. Sibu, qui a quatre-vingt-quatre lieues de circonférence, eftla première dont les Efpagnols ayent fait la conquête : quand ils s'en emparèrent , il y avoit trois mille familles guerrières ; mais elle a beaucoup perdu de fa fplendeur, de-pus eue Manille eft devenu le fïege du Gouvernement : cependant il va encore quelques autres ifles dans le voifinage, qui dépendent toujours do Sibu» Dans toutes les Tfles dont nous avons parlé, il y a environ deux cents cinquante mille Efpagnols Se Indiens fujers à la Couronne d'Efpagne „ quoiqu'il y air à peine le douzième des habitants de fournis, Les hom- des Européens. 30y mes mariés font taxés à dix réaies,11 les autres, depuis dix-huit ans juf-ciup^xxi'r. qu'à foixante , en payent cinq de tribut, de même que les filles, de- Ka'16*** puis vingt-quatre ans jufqu'à foixante. Le revenu du Roi. ne pâlie pas quatre cents milles pièces de huit» ce qui ne peut fuffire à payer quatre mille Soldats, ck les appointements exceiîîfs des Miniftres; enforte qu'il faut y porter tous les ans, deux cents quatre-vingt mille pièces de huit, de la nouvelle Efpagne. Ces ifles font riches en perles, en Avancercfe excellent ambre gris , dont on a'a fi*"fe* r . 2 ■ dcMauillfc trouve une rois un morceau qui pe-foit cent livres ; en coton &c en très-bonne civette. L'or eft le principal & le plus grand tréfor qu'on y trouve-tant dans les montagnes, où il y a des mines abondantes, que dans les rivières, où il eft mêlé avec le fable-On en tire tous les ans, pour la va- . leur de deux cents mille pièces de. huit, fans "lefe coursdu fou. L'Auteur de la nature a placé Manille fi avan-tageufement entre les riches Royaumes de l'Orient & de l'Occident „ qu'on peut la regarder comme unes des villes du plus grand commerce $$•6 D É C O ü V E R t E s> ----qu'il y ait au monde. On y apporte c'kapfzxiî;l'argent de la nouvelle Efpagne & du Pérou, dans le vai&eau qui ro-Au-isys. v;ent d'Acapulco , charge de ce riche métal :. les diamants de Golconde; la canelle de Ceylan : les perles &c les riches tapis delà Perfe ; ailes ouvrages curieux de la Chine. Trmpcr.if.t Dans les ifles Philippines, l'air eft ,cda*dimac-chaud & humide : cependant la chaleur n'y. eft pas fi violente , que cellc-de la canicule en Italie :. mais elle y eft plus incommode, à caufe de la fueur 6c de la foiblcfie qu'eue caufe. L'humidité y eft confidérable, parce que ces Ifles font en général arrofées de rivières, de lacs & d étangs ,. Se qu'il y tombe de fortes pluies, la plus grande partie de l'année. On remarque , avec furprife , qu'il commence par pleuvoir 6c éclairer, Se que le tonnere ne vient que quand la pluie eft paffée. On remarque aufli qu'il ne refte dans- ce climat, ni poux, ni autres vermines furie corps des Européens , quoiqu'ils y portent quelquefois la même chemife pendant plufieurs mois, au iieu que les Indiens en font fort incommodés. Les rofées abondantes qui tombent des Européens. 397 «Fans Ie beau temps, contribuent à ■■ 1 _ rendre je pays mal lain, & elles font Sp.e»«. il conlidéiables, qu'en fecouant un arbre, il en tombe comme une pluie ; An'1 mais elles ne font pas nuifibles aux; Naturels, qui y vivent jufqu'à quatre-vingt & cent ans. A Manille, on ne peut ni manger ni dormir fans être en fueur ,.ce qui engage les gens riches à vivre dans leurs petites maifons de campagne , depuis le milieu de Mars jufqu'à la fin du Juin. Quoique la chaleur foit violente en Mai, il y a fouvent, les nuits , des éclairs & des tonneres , avec de très-fortes pluies. Manille eft aulli fujette à de violents tremblements déterre , particulièrement dans les temps fecs.-. Au mois de Septembre 1621 , il y en eut un fi terrible, qu'une des plus hautes montagnes en fut applanie : en 164.y , le tiers de la ville fut- ren-verfé, & il y périt plus de trois cents perfonne3. Les anciens habitants de cette Ifle, L.mg.-.g n* Seigneurs remarquables dans l'Archipelague : chaque canton ou petit état fenom*-me Barangai, parce que les familles y étant venues dans des barques., pour s'y établir, font demeurées fu-jettes au Commandant de la.barque, ou au chef de la famille, ce qui leur a fait donner^ ce nom. La première loi du pays elt d'honorer fes ancêtres, patticu.liereme.nt fon pere ou des Européens. 402' fa mere : le chef du Barangai, avec ■ 1 quelques-uns des hommes les plus gêmej-li » âges, jugent toutes les affaires qui peuvent furvenir entr'eux. Pour le An-16^6' vol, quand le délit eft certain , 6c que le criminel eft inconnu, les acculés ont deux moyens de ie juftifier : le premier eft de tirer une pierre du fond d'un bailin rempli d'eau 'bouillante , & celui qui refufe de s'y fou-mettre , eft condamné à payer le prix de l'effet volé : l'autre eft de mettre tous les aceufés fur le bord d'une rivière profonde, la lance à la main; on les oblige de prendre leur courfe 6c de fe jetter dedans , celui qui arrive le premier au rivage op-pofé, eft jugé coupable ; moyen qui en fait noyer beaucoup , par la crainte d'aborder plutôt que les autres. Leu^s armes offünfïves, font les Letus ax# arcs & les flèches, les lances & lesmcs' v piques , avec des pointes de fer , de diverfes formes, & quelquefois feulement de bois endurci au feu, de larges poignards à deux tranchants, & des cannes creufes, qui leur fervent à lancer de petits dards empoi-fonnés. Us font fort fuperftineux,5c s'ils trouvent un ferpent fur leur har- tpi. Découvertes ■ bit, il ne le portent plus, quand gemelli, même il feroit neuf: ils en font de Crtûp. XXII. * . , ■ r >• i même de leurs mauons, s il arrive Ai ^ ys. qu'une chouette fe pôle deiTus pendant la nuit ; & jamais ils n'entreprennent rien fans confulter le fort. Lorfque quelqu'un d'entreux meurt, non-leulemenc les parents & les amis , mais encore des gens loués exprès , viennent taire des lamentations & chanter des chanfons lugubres : on lave & on parkime le corps ; on l'enveloppe dans de la foie , plus ou moins, fuivant fa qualité. Les pauvres font enterres dans leur propre maîion, & l'on mur ies riches dans un cofTre d'un morceau de bois précieux , li bien fermé , que l'air ne peut y entrer : d'autres enterrent les morts dans les campagnes, & font des feux pend uit plufieurs jours dans Ireurs maifons, pour que le défunt ne vienne pas emmener ceux qui font vivants. r>e> Ai: Toutes ces Tfles ont beaucoup maux. ' d'orfca.ix & d'aunes bêtes. Le Ta-von , qui elf. de la groffeur d'une ♦ poule , eft remarquable, en ce qu'il depofe fes ceufs dans le fable, où ils demeurent jufqu'à ce que la chaleur des Européens. 403 les faife éclore. On y trouve aufli m différentes efpeces de tourterelles , c^^xir. tk beaucoup d'oifeaux nommés fa-langansj environ de la grofleur d'u- Au"l6$6' ne hirondelle , dont les nids font un manger délicieux. Il y a aufli un grand nombre de paons , d'oifeaux de paradis, de cailles & de coqs fauvages. On voit tant de buffles, paif-fan t dans les campagnes , qu'un bon chaffeur à cheval, avec une lance, en tue dix & quelquefois jufqu'à vingt en une journée. Les bois font remplis de cerfs, de fangliers, de chèvres fauvages , de chevaux, de vaches , de linges, de ciyetes tkds quelques ferpents d'une grofleur pro-digieufe. On trouve dans les bois, une gran- Des Arbres, de quantité de différentes fortes d'arbres fruitiers ; mais le terroir n'eft pas propre pour les fruits d'Europe, tk quelques vignes qu'on y a plantées, n'ont jamais produit de rai fin qui vint à maturité. Les arbres qui donnent le plus d'agrément & le plus de profit font les Palmiers, dont il y a quarante efpeces différentes. Quelques unes des montagnes de Manilie, produifent des mufeades, tk dans 404 D £ CO TT V E R T E S l'ille de Mindanao , on trouve plu-cha" x'xn ueurs canelliers, L'arbre le plus éton-' nant, eft celui dont on dit que les Ai», ïâpfi. feuiHes deviennent des animaux vivants, avec des ailes, des pieds & une queue (*). Les bois, qui, depuis tant de fiecles, n'ont pas encore reçu un coup de coignée, font remplis d'abeilles, qui fourniffent de la cire & du miel aux habitants. A Manille , le figuier des Indes eft très-commun , tk les feuilles en font fi longues tk ü larges, qu'avec deux, Adam auroit pû fe faire aifément un habit complet, pefctiptirm Les Ifles Molucques étant au* des ifl« Mo-dedans de la ligne des conquêtes Ef-îacyues. pggnoies, te ayant été autrefois fou-mifes au Gouverneur de Manille , lorfque la couronne de Portugal étoit unie à celle de Caftille, il ne fera pas hors de propos de les faire connaître. Moloc, d'où vient le nom de Molucques, eft un mot Malayen, dé- $*) De telles transfcrma'.ious n'arrivent pas dans la nature; mais des in cCtis aynt depofrf leurs aufs furies feuilles, les vers q;ii en naif-fc-nt, y trouvent leur nourriture, de trui Cent entiç-jement la feuille ce en piennent la pràce , *e qui fait croire aux habitant» , qu'elles Üunt changée* ences animaux. des Européens. 405* rivé du mot Hébreu Malach, qui ■ ■» lignifie le chef de quelque chofe ; Cn8r. xxii! ces Ifles font lituées fous la ligne , à trois cents lieues, eft, de Malaca , An-l6s6r &-à pareille diftance, fud-oueft, de Manille : il y en a cinq en tout, & elles (ont tellement difpofées , que de l'une on voit toujours toutes les autres. La première, du côté du nord, nommée Ternate, a fix lieues & demie de tour , & l'qn y voit une montagne brûlante, qui a fouvent fait de grands dégâts par fes éruptions. Les feules productions de cette Ifle , avant que les Efpagnols y euf-fent mis le pied, étoient les clous de girofle & les mufeades; mais les in-fulaires, en haine de cette Nation , ont réufîi à en détruire tous les arbres. A deux lieues de Ternate, eft l'ifle de Tidore , qui a fept lieues de tour, & dont le terroir eft meilleur, & l'air plus fain que dans la premie-re. Les habitants lont guerriers, & peuvent mettre en mer vingt ou trente gros vaifleaux, avec fix ou fept mille hommes. La principale denrée qu'on y trouve, eft le clou de girofle , mais les habitants ne le cultivent plus. La troifleme Ifle , nom- 405 Découvertes 'i^r ■■ mee Murel ou Timor , eft fituée CEuELLt, direétement tous la ligne, & produit au (li des clous de giroriie. JLa qua-Aa, n$6. trieme, qu'on appelle Machien, a un volcan femblabîe à celui de Ternate , & fournit beaucoup de la même épicerie aux Hollandois, qui y ont quatre forts & un comptoir. Bachian, la cinquième & la plus grande, a douze lieues de circonférence ; on y voit aufli une montagne brûlante, beaucoup d'oifeaux & d'animaux ;er-reftres , des fruits de toute efpece , du tabac , & du fagou, qui y fait la nourriture ordinaire. Dc'oonvc-ie Ces Ifles furent d'abord découds cesiflcs. vertes par Magellan , ainfî que nous l'avons rapporté dans le troifieme Tome de cet Ouvrage: il fut tué à l'attaque de Mathan, & l'un de fcs vaifleaux , nommé la victoire, revint en Efpagne avec dix-huit hommes de refte des cinquante-neuf dont jil étoit chargé à fon départ des Molucques. En 1571, les Efpagnols fe rendirent maîtres de Manille, fans effufion de fàng ; le 24. de Juin, ils jetterent les fondements de la ville, &l'on y établit enfuite le commerce avec la Chine. Après que les Efpa- des Européens. 407 ignols fe furent bien aflurés de cette j. • 1 m Ifle, ils s'attachèrent à réduire les iiia£!;"( „ , Cnnp. XXII. autres, &, recevant tous les ans, quelques fecours de la nouvelle Efpa- An"l*9** gne , ils en fournirent le plus grand nombre à la domination de leur M cnarque. Pour reprendre le voyage de Ge- rc^demàell^[4 melii , un Galiion étant pret a par- vjcc. tir pour le Mexique où il défiroit al-1er, il pria le Gouverneur de lui procurer le paflage à bord de ce bâtiment , ce qui lui fut accordé très-gracieufement, quoiqu'on l'eut re-fufé à plufieurs Marchands de la nouvelle Efpagne. Après avoir employé une femaine à faire fes provi-îions , & à prendre congé de fes amis, il fe mit dans une barque pour paf-fer à Cavité, petite ville fur le bord oppofé^Öe la baie où étoit le Gai-lion. Il y vit l'Arfenaî & le Chantier, où deux où trois cents Indiens, qu'on y amené par force, travaillent aux Gallions 6c à d'autres grands bâtiments , qui ont cinquante-cinq ou foixante palmes de quille. '40S Découverte CHAPITRE XXIII. Long & dangereux voyage de l'Auteur 9 depuis Mandie jujqu'à Acapulco 9 en Amérique; Dejcription a Aca*-pulco ; Voyage de cette ville à Mexico ; Dejcription de cette capitale ; Situation , richejjes , nombre des Habitants, bâtiments &■ autres objets dignes de remarque à Mexico ; Des Indiens anciens & modernes ; de leur habillement & de leur manière d'écrire j Defcription des mints d'argent de P/ichuco. LE vendredi 22 de Juin , le vaif-feau ayant à bord toute fa car-cll,xxin" gaifon, Gemelli s'y embarqua. Le An. 169s- lendemain on fit des prières pour Gemciii fc l'heureux fuccès de leur voyage , & rcmbnEquc& plufieurs des Pilotes jugeant que le V^aI0!^bâtiment étoit trop chargé, leCa- les des Lar- r j xons. pitaine ordonna que tous ceux des gens de mer qui avoient deux cailles à bord en miflent une à terre, d'autant qu'il y avoit fur ce gallion, deux mille deux cents ballots, outre les provisions & les autres chofes néceflaires, quoiqu'il des Européens. 409 Sfuoiqu'i' ne dût en porter que quinze 1 ■ ■ cents. Le lundi 2 y, le Gouverneur cb'xïïiV fit débarquer tous les balots de fur-charge : le mercredi & le jeudi fui- An'l696' vant, on débarqua auflî huit cents banques d'eau, tk tous les balots des amis du Gouverneur, furent remis à bord. Enfin le vendredi 29 , ils mirent à la voile en préfence du Gouverneur :.le 10 d'Août, aorè* avoir côtoyé entre toutes ces Ifles , tk jette continuellement l'ancre, ils fortirent du détroit, tk entrèrent dans la mer ouverte, à leur grande fatis-faélion : ils roulèrent leurs cables entre les ponts, pour ne plus jetter l'ancre , jufqu'à ce qu'ils fuflent arrivés à la#ouvelleEfpagrfe, tk on lait fa la chaloupe à côté du bâtiment, pour qu'elle ne caufât aucun embarras , parce qu'on en avoit une autre toute prête en quartiers, qu'on pouvoit ratfembler en très-peu de temps, s'il étoit néceflaire. Le jeudi 6 de Septembre, vers le point du jour, . ils découvrirent quatre des ifles Ma-riamnes, après avoir été fortement battus d'une tempête qui avoit duré deux jours, pendant laquelle le Capitaine avoit expofé l'Image de Saine Tome IX. S 4io Découvertes . François Xavier , & fait vœu de gemuli, préfenter une offrande de» la valeur Ch. xxiu. \ r j i » ride la grande voile , quon eitimoit An. 1696. deux cents pièces de huit. Ces Ifles font nommées à préfent ifles des La-rons , à caufe de l'inclination parti-v culiere que les Habitants ont pour le vol. Ils font de haute taille, avec les membres gros & robuftes, & ils portent quelquefois fur leur dos jufqu'à cinq cents pefant, fans en pa-roître fatigués. Ils font grands nageurs , & plongent avec tant d'adref-fe & de vivacité, que fouvent ils fui-vent le poiflbn àlapifte, & le prennent fçms les eaux. On n'a trouvé aucun ligne de Religion dans toutes les ifles des Larons. • variation de Le langage des Habitants eft dif-Vaigniiie ai- férent de celui des Philippines, & le nxntée. terroir eft propre à produire tout ce qui eft néceflaire aux befoins des hommes. On remarque dans ce long voyage , une grande variation de l'aiguille aimantée, ce qu'on n'a pu expliquer par aucune raifon fatisfai-fante , depuis plus de deux cents ans qu'on fait la même route. Les Pilotes obfervent cette variation quand le foleil fe couche, parce qu'en mar- des Européens. 41 r quant le vrai point delieft, ilsvoyent ■■ comment il s'accorde avec les points c^xiuî. cardinaux de leurs cartes. Après avoir paffe fix mois en mer, Aai6**' & fouffert exceflivement, tant de-la H arrive* violence de cet immenfe océan , que 1 Sli co' du froid de certaines latitudes où ils furent obligés de courir, & du mauvais état de leurs proviuons , qui fourmilloient de vers & de toutes fortes de vermines, le lundi 3 de Décembre , ils furent très-contents à la vue d'une plante fort longue, avec une racine femblabîe à celle d'un oignon , ce que les Matelots affûtèrent être des lignes de terre, parce qu'ils jugèrent qu'elle étoit fortie de l'embouchure de quelque rivière. Aulli-tôt on chanta le Te Dtum, tous les gens d'équipage fe félicitèrent réciproquement au fon des tambours & des trompettes, comme s'ils fuf-fent arrivés au port ; cependant ils en étoient encore éloignés de fept cents lieues. Enfin le famedi 10 de Janvier 16^7, ils entrèrent dans le An. i69r. port d'Acapulco, par le grand canal : & tous s'embrafferent les uns les autres, avec des larmes de joie, de fe voir arrivés à ce port tant déliré, Sij -.....412 Découvertes après un voyage de deux cents qua- c^xxiiî tre iours cincl heures. A "■ Le dimanche, trois heures avant . An. i«97« la nuit, les Officiers du Roi vinrent à bord ; on leur remit le regiftre de tout ce,qui étoit fur le gallion , afin qu'ils réglalfent les droits de Sa Ma-jefté , qui montoient à quatre-vingt mille pièces de huit, outre le pré-fent qu'on fait au Viceroi. Après avoir demandé qui étoit Gemelli, ils le comblèrent de politefTes ,&lui offrirent leurs fervices. Il n'y avoit pas d'auberge à Acapulco , & le lundi 21, il tut obligé d'aller au Mo-naftert de Nueftra Sennora de la Guca, appartenant aux Francifcains, OÙ il fut très-bien reçu. Befcripticn ^a vilîe d'Acapulco pourroit être ie cctcc vil-nommée à plus jufte titre un pauvre lc* village de Pêcheurs , quoique ce foit le principal entrepôt de la mer du fud, & le port du voyage de la Chine. Les maifons en font pauvres & mal conftruites, n'étant que de bois, de terre & de paille. Elle eft fituée au pied de quelques hautes montagnes, qui la garantirent du vent d'eft, mais qui la rendent fu-jette à beaucoup de maladies. La \ des Européens. 415 tnauvaife température de l'air tk le r terroir montagneux, oblige d'y faire ch.^xm. venir les provilîons d'autre part, ce qui les rend très-cheres ; outre cette An'l*97' cherté, comme la place eft remplie de boues, & a beaucoup d'autres dé-fagréments, il n'y demeure que des Noirs & des Mulâtres. Les montagnes voifines , quoique ftériles, ont des cerfs, des lapins, d'autres animaux terreftres , & une grande quantité d'oifeaux de diverfes efpeces. Peu dè jours après l'arrivée du gai-lion , plufieurs vaifleaux , venant du Pérou, entrèrent dans le port, ayant à bord des Officiers & des Marchands, qui apportoient deux millions de pièces de huit, pour acheter des marchandifes de la Chine ; enforte que le vendredi 2y, Aca-pulco qui ne paroiiïoit avant, qu'un village des plus ruftiques, fut changé en une ville très-peuplée, d'autant qu'un grand nombre d'autres Marchands, étoient déjà arrivés de Mexico, apportant avec eux beaucoup d'argent, & plufieurs denrées Européennes. Le famedi 2 de Février, Gemelli alla voir le château, qui n'a ni folles Ciic°' S iij 4*4 Découvertes — ni battions, & qui eft feulement re-fj| marquable par de bons canons de fonte, qui iuffifent pour défendrele 7' fort contre les attaques de tout ennemi. Le mardi y, il y eut un léger tremblement de terre , mais il ne caufa aucun dommage. Ce phénomène eft li fréquent à Acapulco, que les habitants font obligés de bâtir les maifons trcs-bafïes. Le 12 , Gemelli fit tes difpofitions pour fon voyage à Mexico, loua trois mules, pour quatre vingt-dix pièces de huit, ou-' tre fix réaies qu'elles lui coûtèrent pai [our pour leur nourriture. Le lundi ï -S , s'étant muni d'un f|Kïe* port, ôc ayant pris un .^uicie, il partit à quatre heures après midi, & après avoir tait neuf milles, haut & bns, dans les montagnes, il arriva à l'hôtellerie d'Ataxo , compofée de cinq cabanes couvertes de paille, où les coufins lui fucerent le fang toute la nuit. Il voyagea de la même manière, pendant neuf jours, fans trouver aucune commodité dans les auberges , & obligé quelquefois de dormir fur la terre nue, dans des montagnes très élevées , où il étoit tout couvert de neige avant le matin. des Européens. 415* Enfin il arriva à Mexico, & entra 1 dans la ville, par une chauffée élevée ch?xxiïi. fur le lac. Le lundi 4 de Mars, il alla rendre les refpects au Comte de An' Montézuma, qui étoit Viceroi, Se qui le reçut très gracieufemeat. Le mercredi 6 , il vit la monnoie, & on lui dit qu'on y frappoit par jour, feize mille pièces de nuit. .Mexico, nommé par les Indiens, Defcrîptiori Tenoch Titlan, eft fitué à 15; degrés^ ceKC Vl1" 40 minutes de latitude, au milieu d'une vallée prefque plate, de quatorze lieues d'Efpagne de longueur, du nord au fud, de fept de largeur, Se d'environ quarante de tour. A l'eft r!e cette vallée , eft un grand lac, où tombent plufieurs rivières, Se d'autres eaux : le fommet des montagnes dont il eft environné de tous côtés, eft dans i'endroit le plus bas, de quarante-deux mille cinq cents verges Elpagnoles, au-deffus du niveau des eaux du lac. La ville, iituéedans une plaine, à peu près au milieu du lac, eft parfaitement q-uarrée , Se reffem-ble à un bel échiquier1, parce qu'elle eft longue , large , Se coupée par des rues bien pavées, qui fe partagent à angles droits. Elle a deux S iv 4i6" Découvertes ■ rïeues de tour, & l'on y entre par chMx.\iii cmcl chauffées ; mais il n'y a ni murs ni portes. Elle peut être com- a .1697. parée aux plus belles villes d'Italie, pour la beauté des édifices, & pour l'ornement des Eglifes ; mais elle a la fupériorité pour la beauté des femmes. Grand nom- México contient environ cent mil-trcs d& 4e~k habitants, mais le plus grand nom-touvcntï- bre eft de Noirs & de Mulâtres, à caufe de la grande quantité d'efcla-ves qu'on y a tranfportés. Toutes les terres font entre les mains des gens d'Egliie, ainfî que les maifons , ce qui fait que les Efpagnols & les autres Européens ne voyant pas de moyen à pouvoir acquérir des biens fonds, comme tout homme prudent doit faire, prennent rarement la ré-foiution de fe marier, & ils fe font prefque tous Prêtres ou Religieux. Aufli, quoique la ville foit petite, elle contient vingt deux Couvents de filles , & vingt-neuf d'hommes , de différents Ordres, qui, tous, font beaucoup plus riches qu'ils ne le devroient être. Pour donner un exemple de la richeffe des gens d'Fglife, le revenu de la Cathédrale feule A des Européens. 417 monte à plus de trois cents mille ■ « pièces de huit par an. JSîîVî™ **»,,. f rtr . , Cliap. XXIII, A Mexico , le temps eit tort irregulier pendant toute l'année, & il An. i«>7. arrive très-fouvent qu'on relient en climat de même temps un froid allez vif à l'om-Mc:UC0, bre , & une grande chaleur au foleil. L'abondance des pluies qui y tombent , fait recueillir jufqu'à trois moiflbns par année , mais on appelle la dernière, Adventurera, c'eft-à-dire accidentelle, parce qu'elle manque quelquefois. En général, la température de l'air, à Mexico, peut être regardée comme excellente , parce qu'il n'y a jamais de chaud nf de froid exceflifs , & que pendant toute l'année, on voit des fleurs & des fruits de toutes les efpeces, dans les marchés. Les anciennes hiftoires de Méxi- Hiftoire fa-co , parlent d'un déluge, où tous les buleufc d* hommes & toutes les bêtes périrent, à l'exception d'un feul homme 8c d'une feule femme, qui furent fauves dans une barque. Ce couple, après que la pluie eut cefle de tomber, defcendit au pied d'une montagne , & y eut plufieurs enfants, entre les defcendants defquels on remar- Sy 4i8 L^COUVERÎES ■ que quinze chefs de famille, qui par- ca.ïxnL loient le même langage, fe joignirent enfemble, & cherchèrent un An.entjroit commode, pour y établir leur habitation. Us changèrent fouvent de place, pendant cent quatre ans, & enfin ils vinrent à l'endroit où eft préfentement Mexico. Six des plus civilifées de ces quinze Nations y ayant fixé leur établiifement pendant trois cents deux ans , il en vint une feptieme, nommée des Mexicains, parce que leur Prince étoit appelle Mexi. Leur premier Roi régna quarante ans , & mourut fans avoir choiii aucun de fes fils pour fuccelfeur ; mais par reconnoiffanc* de fa modération, les principaux de la nation s'affemblerent, & firent choix d'un des jeunes Princes pour leur Roi. Il époufa la fille d'un autre Roi voifin,qui les avoit anciennement opprimés, & par cette alliance , il procura la paix & la tranquillité à fes fujets. Cet événement arriva, fuivant lears hiftoires, environ deux cents ans avant l'invahon des Efpagnols, qui vinrent à Mexico , la quatorzième année du règne de Montezuma, leur neuvième d s s Européens. 419 Hoi. Nous avons vû, dans la con- ■ 1 quête du Mexique, comment Cor- ch.^xiîi. tez le fit prifonnier , fa mort & celle de fon fueceffeur, après qu'il fut torn- An'l'91* bé entre les mains des Efpagnols , ce qui finit la Monarchie des Mexicains. De ces dix Rois , & de quelques autres circonftances , des Ecrivains ont effayé de tirer une compa-raifon entre l'Empire du Mexique & la bête de l'Apocalypfe, qui avoit fept têtes & dix cornes. N'ayant pas l'ufage des lettres, JjgJ Ca,«* les ingénieux Mexicains fe fervoient de fymboles ou de hiéroglyphes, pour exprimer les chofes corporelles , & pour les autres ils avoient des + caraéf,ères propres, pour faire paffer à la poftérité, le récit des principaux événements. Ils écrivoient en commençant par le bas du papier ou de la planche, & alloient en remontant, ce qui eft le contraire des Chinois. Us avoient de certains cercles peints, qui contenoient, avec des fymboles particuliers, l'efpace d'un de leurs fiecles, compofé de cinquante-deux années folaires , chacune de trois cents foixante & cinq jours , & tout le cercle étoit divifé en quatre parties G l m e l l I , Ch. XXIII 420 Découvertes principales, chacune de t.eizeans; Cette manière de compter par treize, s'obfervoit, non-ieulement pour An. 1697- les années, mais auill pour les mois, dont chacun étoit cependant com-pofé de vingt jours ; èc quand ils croient parvenus au nombre de treize , ils recommençoient par un. Il n'en arrivoit aucune confuilon, parce que chacun des jours du mois avoit fon nom propre : dix-huit mois de vingt jours chacun , for-moient une année , en y ajoutant cinq jours, pour le faire accorder avec le cours du foleil. Us obfer-voient aufli les jours malheureux , & avoient foin de les marquer au commencement de leur hecle. Saperftition Les anciens Mexicains croyoient des Méxi- que ie monde finiroit avec un de leurs flecles, & le jour qui en termi-noit quelqu'un, ils fe mettoient à genoux furies toits de leurs maifons, le vifage tourné du côté de l'orient, attendant avec crainte , li le foleil continueroit fon cours. Quand le jour paroiflbit, ils en folemnifoient le retour au fon des tambours & de leurs autres inftruments, remerciant Dieu de leur avoir accordé un nouveau» des Européens. 421 ficelé. Ils célebroient une efpece de ■■ '■'< Jubilé , chaque quatrième année , le ch.Uxxî!i. 15? de Mai, qui étoit l'a fête d'une de leurs Idoles. Ils jeûnoient les cinq An-Ifi*î« jours précédents: les Prêtres s'abi-tenoient de leurs femmes, & ils fe frappoient en habits de pénitents. Tous les autres Sujets formoient des procédions, habillés de même, & fe demandoient réciproquement pardon. Le jour de la fête , on facri-fioit un Efclave, en qui l'on trouvoit quelque reffemblance avec la ftatue de l'Idole, 6V l'on en facrifioit aufli plufieurs autres. Pour augmenter encore le malheur de ces capt^ , on les engraiffoit quelque temps avant, & on les adoroit dans la ville , comme des Divinités. Ils avoient une autre fête, encore plus déteftable, où ils écorchoient un Efclave, & revêtoient de fa peau un autre , qui la portoit par les rues , la montroit au peuple , & demandoit de l'argent pour le Temple. En d'autres temps , ils ornoient plufieurs Efclaves des habillements de leurs Idoles, une année entière avant la fête : il les conduifoient le jour dans la ville, pour qu'on les y adoras é\22 Décoüvihtij \ comme on faifoit leurs Dieux , les cïjüïïi. renfermoient pendant la nuit , les nourriflbient abondamment, & les An. t*97' facrifioient à la fin de l'année. Us en ont quelquefois ainfi facrifié jufqu'à vingt mille par an. Leurs Temples étoient bâtis en pyramydes; on y montoit par Vies degrés, la plus grande partie étoient conftruits en terre grafTe: on plaçoit les Idoles dans une efpece de tabernacle , & les logements des Prêtres étoient au pied du Temple. # LeurHabii» L'habillement des Mexicains kmcm. avoit quelque chofe de barbare : les Solcj^s, pourjparoître plus terribles à leurs ennemis , fe teignoient le corps nud , ou fe couvroient d'une peau, foit de lion, foit de tigre, avec la tête de l'animal fur la leur. Us portoient en forme de bandoulière , un cordon garni de cœurs, de nez & d'oreilles d'hommes, avec une tête au bout. L'habit des Rois & des Princes du fang, n'avoit rien de dé-fagréablç, en le comparant avec celui des autres, excepté l'ufage particulier où ils étoient, de fe percer la lèvre inférieur , pour y mettre un clou d'or ou quelque autre joyau. bes Européens. 42$ L'habillement des. Indiens actuels, ■■■ ■ > confifte en un pourpoint court & S?*1™,1,' J 1 1 ri r Ca. XXIII, en de larges culotes. Us portent lur leurs épaules , un manteau de cliver- ,#*7* fes couleurs, qu'ils appellent Tilma, qui leur paffe fous le bras droit, & eft attaché fur l'épaule gauche, où ils en font un gros nœud. Au lieu de fouliers, ils ont des fandales, Se dans telle mifere qu'ils foient, ils ne quittent jamais leurs cheveux. Les femmes portent des jupons très-étroits , avec des figures de lions, d'oifeaux ou d'autres animaux, & elles les ornent de belles plumes de canard. Les Indiens d'àpréfent, n'ont plus«îSnwSx rien du génie de leurs ancêtres, quiMcxicaîu», s'appliquoient avec fuccès, aux arts libéraux &aux Méchaniques: ils s'abandonnent totalement à la pareffe, & ne s'attachent qu'a tromper. Ils font naturellement timides , mais cruels à l'excès, quand ils font fou-tenus. Les vices dont les Efpagnols les chargent, font premièrement de manquer totalement d'honneur, ôc de n'en faire paroître aucun fenti-ment dans toutes leurs actions : de manger fans modération, comme les bêtes j de coucher comme elles kfur 4*4 Découvertes lp la terre nue, & de mourir fans faire ChîxxîlL aucune3 réflexions. Us fe fervent d'eux comme d'efclaves, en les fai-An, !697. fant travailler aux mines, & ce qui eft de plus condamnable, tout ce qu'ils en tirent leur, eft enlevé par les Gouverneurs & par les autres Officiers , malgré les défenfes réitérées & les menaces de la Cour. Eelife Ca- A Mexico, les Chrétiens ont conf-ifjcdraic. truit un très-beau théâtre, où l'on 'joue des pièces, dont le proiit lert à l'entretien de l'hôpital. La Cathédrale , qui n'étoit pas encore finie du temps de Gemelli, eft un bâtiment très-majeftueux , fort grand, avec trois nefs voûtées, foutenues par de beaux pilliers de pierre. Le chœur eft au milieu, avec de très-belles fculptures en bois odoriférant, des figures & des feuillages d'un travail recherché : il y a aufli quatre beaux autels dans la croifée , & autour de l'Eglife , plufieurs chapelles dorées. Le portail eft fuperbe , & y donne entrée par trois portes. Les Hifto-riens difent que les premiers fondements de cette Eglife furent jettes par Fernand Cortez, fur le même ter-rein où étoit un Temple de Payens, des Européens. 42 y Le jeudi 21 de Mars, Gemelli alla . a trois lieues de Ja ville, voir le fa- gemelli ~. 1 • 1 o * A ■ Ch.XXIII. meux jardin de Saint Ange, qui appartient aux Carmes déchauffés. An-»*s>7. Quoiqu'il n'ait de tour que trois EsIife des quarts de lieue d'Efpagne, un ruif- atmcs' feau qui coule au milieu, le rend li fertile, que les feuls arbres d'Europe qu'on_y a plantés, rapportent treize mille pièces de huit de revenu. L'Eglife de ces Pères eft fort petite, mais il femble que ce foit une maffe d'or qg| leur bibliothèque eft une des plus belles des Indes, & contient environ douze mille volumes. Le Jeudi Saint 4 d'Avril, on fit P'owflîMi _ . . t> rr 1» v t» «* la Semai- quatre rrocemons f une après 1 au- ne saint», tre, & l'on porta à chacune diverfes ftatues avec beaucoup de lumières, précédées d'une Compagnie d'Infanterie fous les aimes, & d'une de Cavalerie, au fon de trompettes affez difeordantes. Le vendredi y, Gemelli vit la procefîion de Jérufalem , ou du mont de Calvaire: vers trois heures après le foleil levé, on entendit trois trompettes d'un ton plaintif, accompagnées d'un grand nombre de Confrères , avec des cierges à la main , & au milieu d'eux, r^i6 Découvertes ■ plufieurs perfonnes qui fe frappoient ci^xxiii a C0UPS ae f°uet : enfuite venoient des gens armés, dont quelques-uns An. 1697. étoient à cheval, portant la fentence écrite, le titre , la robe, & les autres ornements de la pafîion, ce qui étoit fuivi de gens repréfentants Notre Seigneur, la Sainte Vierge, Saint Jean , Sainte Véronique , le bon & le mauvais laron: deux Prêtres Juifs montés fur des mules, & plufieurs .4^ autres très bien équipés, enforte que la magnificence égaloit ce qu'on peut voir de femblabîe en quelques pays de l'Europe. Il eft vrai que Mexico étant rempli d'Eglifes & de. maifons Keligieufes, une grande partie du temps des Citoyens eft employé à ces fortes d'aétes de dévotion. inondation Mexico , par fa fituation, eft fu-iMexico. jet à être inondé par les eaux des lacs, quand il en tombe une trop grande quantité des montagnes dont cette ville eft environnée. Ce malheur eft arrivé trois fois du temps des Rois Indiens , & l'année d'après la conquête par les Efpagnols, les eaux montèrent fi haut, qu'ils furent .obligés de faire une nouvelle chauf- des Européens. 427 fée pour s'en garantir : mais comme ■ 1 '"• elle ne fuffifoit pas contre la vio- ch.M|xîii. lence du débordement, ils commen- ' cerent à détourner la rivière de 97' Guautillan, qui caufoit le plus de ^ dommages. Il y eut une autre inondation en iy8o, & le Viceroi donna des ordres pour qu'on trouvât des moyens de deflecher tout le lac ; mais ce projet fut abandonné à caufe de la dépenfe exceflîve qu'il auroit occafionné.'En 1607 » ^ y eut un "* grand débordement, que la ville fut prefque toute engloutie par les eaux, & qu'on reprît enfuite le même projet. Henri Martinez, Européen, donna le plan du travail : le 28 de Novembre de la même année, après une mené folemnelle, le Viceroi prit lui-même un pic, & commecça le premier à creufer la terre. On y fit travailler depuis la fin de Novembre jufqu'au 7 de Mai, quatre cents foixante & onze mille cent cinquante-quatre Indiens , outre feize cents foixante & quatorze, qui n'étoient occupés qu'à préparer leur nourriture. En 1611 , le Roi d'Efpagne demanda qu'il lui fut envoyé par le Viceroi, un état circonstancié du 428 Découvertes ■ progrès du travail, & ce Seigneur lïxMU. ^pondit par l'avis de gens bien inf-truits, qu'on avoit mal pris les me-n. 1697- fures;ainiï toute cette dépcnt'e fut w perdue. On fit depuis plimeurs autres entreprifes de peu de durée ; mais en 1637 , on propofa encore de reprendre l'ouvrage, & les Ingénieurs déclarèrent qu'il falloir enlever cent quatre-vingt-cinq millions, fix cents quarante-trois mille , cent quatre vingt-treize pieds cubes de terre, pour faite fornr dix pieds & demi d'eau du !ac. L'ouvrage avoit été continué depuis 1637 iufqu'en I 6517 , & cependant il en reftoit encore beaucoup plus à faire, que ce qu'on avoit exécuté jufqu'alors. Il eft certain qu'ilétoit devenu ab fol u-ment impraticable , par les moyens qu'on s'étoit propofés, parce qu'on creufoit le canal fous terre, commt pour une mine , mais aufti-tôt que les rivières s'enfloient, elles y entraî-noient avec elles, des pierres & des arbres, qui le remplilfoient en peu de temps. Mines ie Le mercredi 17, Gemelli fe mit clivica en chemin , pour aller voir les mine» de Pachuca, & le lendemain, il y ♦ des Européens. 429 arriva vers midi. Il y fut très-bien < reçu par celui qui étoit chargé des Ch*xxiii.' droits du Roi, & auflî-tôt après qu'ils eurent dîné , il envoya fon gendre An* l697' avec Gemelli, dans les deux mines les plus proches, où ils arrivèrent après avoir fait une demi-lieue par un chemin très-rude. La profondeur de la première étoit de fept cents pieds, & la féconde de fix cents. Gemelli y defcendit par cinq arbres avec des entaillures, mais le Maître des mines ne voulut pas le laiifer aller plus bas, crainte qu'il ne tombât , d'autant que ces arbres étoient mouillés, & que le pied pouvoit aifément glilfer en cherchant l'entail-hire. C'eft cependant au moyen de ces coches, que les Ouvriers, dans plufieurs de ces tmines, montent la matière minérale fur leurs dos. Après être un peu refté dans la première, Gemelli alla à celle de la Trinité, reconnue pour la plus riche de toutes ; des perfonnestrès-véridiques lui affurerent qu'on en avoit tiré en dix ans pour quarante millions d'argent ; aufli neuf cents hommes, & fouvent mille, y travaillent continuellement. Dans une autre mine, d'environ qua- 4J0 Découvertes » 1 tre cents pieds de profondeur, il ré- ciTxïîii. ^ut ae v0^r *es vemes d'argent, mais après avoir delcendu cinq ar- An. 1697. ^VQS encaiHés, où. il avoit manqué d© tomber , il voulut remonter : cependant le Mineur l'encouragea, lui dit qu'il n'y avoit plus que quelques arbres pour atteindre le fonds, & enfin le détermina à y defeendre, quoiqu'avec beaucoup de crainte , le Mineur allant le premier avec une lumière à la main. Il eut plufieurs fois bien de la peine à embraffer l'arbre, & à mettre les pieds dans les en-taillures , mais en fe recommandant à Dieu, il arriva enfin au fonds trois fois plus vite qu'il ne l'avoit efpéré, & vit l'endroit où les Mineurs travail-loient à tirer la matière avec des inf-truments de fer. Il y refta environ deux heures, & remonta avec de nouvelles craintes, à caufe des mauvai-fes entaillures. Arrivé en haut, pref-que épuifé de fatigue par le temps qu'il y avoit employé, il fit des réflexions fur l'imprudence, ou plutôt fur la folie de cette entreprife. Il dit lui-même qu'il n'a jamais eu une pareille frayeur , pendant les cinq ans qu'il a voyagé parmi des dès Européens. 431 Nations barbares , & qu'il n'auroit "» pas retourné pour deux ou trois mil- ch.xx^m. les pièces de nuit dans cet endroit, où la curiofité feule l'avoit conduit. An-l* Le lendemain après le dîné, il alla voir les attelliers où l'on fépare le métal des matières étrangères : le famtM| di, il partit de bonne heure de Pa-chuca, &le lendemain , il fut de retour à Mexico. Tout l'argent qu'on tire des mi- Produîtd* nes de la nouvelle Efpagne, doit êtreCCÎ m"K8, parte à Mexico, pour être mis au ïréfor Royal, & l'on prétend qu'il y vient tous les ans deux millions de marcs d'argent, fans compter celui qui y entre par des voies indirectes. On en fabrique fur cette quantité', fept cents mille marcs chaque année en pièces de huit. L'argent qu'on y change en efpeces, rentre une féconde fois dans le tréfor, Se paye au Roi, une réale par marc. La monnoie qu'on y fabrique, eft de cinq efpeces différentes: des pièces de huit, des demi-pieces de huit, des quarts de pièces de huit, des réaies & des demi-réales. Quoique chaque Citoyen qui a de l'or, puifle le faire convertir en efpeces, la monnoie eft 43 2 découvertes » continuellement occupée pour les ^xxiil. Marchands , qui achètent le métal des Particuliers, en le payant deux An. i«5>7. r£aies par marc au-defïous de la valeur de celui qui eft monnoie. Comme il y a fouvent de l'or mêlé avec logent, on en fait le départ dans un «Rlroit féparé , &c on le frappe de même que l'argent, en pièces de feize, huit, quatre, & deux pièces de huit, auxquelles on donne le nom d'écus d'or. r îroceffion Le jeudi 6 de Juin, on fit lapro-du saint sa-ceftion du Saint Sacrement avec ««ment. grande pompe. Les rues & les fenêtres de la ville furent richement ornées de tableaux, de tapis & de couffins, ce qui, joint aux herbes vertes, &à la beauté des fleurs, formoit un coup d'ceil charmant. Dans une des rues des Orphevres, Gemelli vit la conquête du Mexique très-bien peinte , avec les maifons comme elles étoient alors, ainfi que les habillements Indiens. La proceflion commença par environ cent images ornées de fleurs, fuivies de toutes les Confrairies, & des Religieux de tous les Ordres, à l'exception des Jéfui-tes & des Carmes, Les Chanoines marchoient des Européens. 433 marchoient enfuite, portant le Saint * * Sacrement dans une efpece de bran- c^Sxiii. card , & après eux venoient l'Archevêque , le Viceroi, les Miniftres d'E- An* l6'l* tat, les Magiftrats de la ville Ôz la NoblelTè. Le if , jour de Saint Pierre & de Saint Paul, la fête en fut célébrée dans la Cathédrale, dont le grand autel étoit li richement oraé, qu'on en eltimoit les joyaux cent cinquante mille pièces de huit, le calice feu!, qui étoit garni d'émeraudes, en ayant coûté onze mille. Le mardi 16 de Juillet, mourut Dcfccn(jaht. DonnaFauftaDomenica Sarmiento, deMontézu» petite fille au cinquième degré , de lïl3, l'Empereur Montézuma , & fceurdu Comte Montézuma, alors Viceroi. Elle n'avoit que huit ans, & par fa mort, fa plus jeune fœur hérita de quarante mille pièces de huit par an. Les Comtes de Montézuma en Ef-pagne, defcendant d'un fils de l'Empereur de même nom , qui furvécut à fon pere , fe fit Chrétien, & reçut le nom de Pierre au baptême. Le Roi accorde à chacun de ces Comtes, quarante mille pièces de huit par an, fur le Tréfor Royal de Mexico. Don- 434 Découvertes *»■ na Faufta fut enterrée le lendemain,- tïlsKiii'. avec Sranae folemnité. Le io d'Août, quelques Indiens, An. i69j. p0ur faire voir ]eur adrelTe, tuèrent - * plufieurs petits oifeaux, fur les plus nauts arbres, avec des balles pouf-fées par une farbacane. Le 14 de Septembre, le prix du pain ayant été fixé à une demi réale pour quatorze onces , un Boulanger fut mis à l'amende , parce qu'il en avoit donné feize onces pour le même prix ; faute très-rare pour un homme de fon état. fyramidc. Le temps du départ de Gemelli étant très-proche , il alla voir quelques antiquités Indiennes peu éloignées de la ville. C'étoient deux Pyramides élevées , environ à vingt milles de Mexico. La première , nommée la Pyramide de la lune, a deux côtés d'environ fix cents cin-quantes palmes de longueur, & les autres , environ cinq cents ; la hauteur , autant qu'il en pût juger, peut être de deux cents palmes. Ce n'eft autre chofe qu'un monceau de terre, avec des degrés comme aux Pyramides d'Egypte, excepté que ces der- des Européens* 43 f nieres font de pierre. Il y avoit an- ■ trefois fur le fommet, une grande ch.xxiîw-Idole de la lune, formée d'une pierre dureaiïez grolîiere; mais le premier An'lS^ Evêque de Mexico l'a fait brifer en pièces par un zele religieux, & l'on en voit encore trois gros morceaux auprès de la pyramide. A deux cents Pas, au midi de la première, eft la Pyramide du foleil: dont deux côtés ont chacun mille palmes de long, & les deux autres feulement, fix cents cinquante, elle eft d'environ un quart plus élevée que celle de la lune. La ftatue du foleil, qui eft au fommet, a été mutilée & déplacée; mais on ne l'a pas jettée hors de la Pyramide, Cette figure a un grand trou dans la poitrine , où la figure du foleil étoit placée, & tout le refte étoit couvert d'or. On ne peut concevoir comment les Indiens, quin'avoient pas l'ufage du fer, pouvoient tailler des pierres fi dures, & élever de tels édifices, iâns mulets, fans chevaux, & fans bœufs, pour conduire des voitures, La conftruótion de ces Pyramides eft attribuée aux Ulmecos, les féconds fondateurs de la nouvelle Efpagne, Jij '43 ó" Découvertes - ii qu'on fuppofe y être venus de l'ille 'Sf*VvM.' Atlantide, dont parle Platon dans Ch. XXIII, r rr- ' a> i ion 1 îmee , a autant que toutes les An, \6S1, jjiftoires Indiennes s'accordent à dire que les Ulmecos venoient par mer de l'Orient. D'un autre côté, il paroît que les habitants de l'ille Atlantide ', tiroient leur origine des Egyptiens, qui avoient l'ufage d'élever des Pyramides. Animaux du. Il n'y a dans le monde, aucun pays pays, qui puifTe être comparé à la nouvelle Éfpagne, pour la variété &la beauté des oifeaux ; mais la préférence fur tous les autres, doit être donnée au Séfontlé, ce qui fignifie cinq cent voix, en langage Mexicain. Il eft un peu plus petit qu'une grive & de couleur cendrée , avec la queue & les les marquetés de blanc; 11 y a aufli pluiieurs efpeces de perroquets. Pour les oifeaux bons à manger, on trouve deux fortes de phaifans , d'autres qui reflemblent à nos poules , beaucoup de coqs d'Inde fauvages, de cailles & d'autres petits oifeaux. En animaux terreftres , on y rencontre des ours , des loups , des fangliers , qui ont le nombril fur le dos, des lièvres , des cerfs, des renards, des tygres, des des Européens. 437 lions, & plufieurs autres efpeces. Les ■ lions ne font pas fi courageux que c^lxiîi. ceux d'Afrique ; mais quand ils font pourfuivis par les chiens, ils grim- Alit lfi,7. pent fur les arbres. Il a y encore d'au* tres bêtes particulières au pavs , comme les fiboles, de la grofleur d'une vache, dont la peau qui elf très-douce, eft fort eftimée: les ardi'.ias, qui refïemblent à des loirs : les lobos , qui ont beaucoup de rapport avec les léopards ;& les zorillas , qui font gros comme des chats. Quand on les pourfuit, ih s'arrêtent & pif-font, ce oui fait leur défenfe, p7arca c]ue leur urine intecce l'air cent pas à la ronde, ce qui CüfBl pour en,écarter les ChafTeui'ô* Les plus beaux fruits de la nou- ,'. _C Amies c*. An . velle Elpagne» lont I or.&iargeut jbiiifcaux. les perles qu'on tire de la mer, les émeraudes qu'on trouve entre les rochers, & les autres pierres du Pérou; mais fi l'on parle des fruits qui viennent fur les arbres, il y en a de tous ceux qu'on trouve en Europe, excepté des noifettes,' des cerifes , des neffles & des cormes. Entre ceux qui font particuliers au pays, ondilfin-gue les platanes, les pommes de pin, Tiij 43^ Découvertes r les ananas , les cocos, les ates & les GEMsi.Lt, dattes, outre les agnacates, qui vien-Cft XXIi nent fur un arbre femblabîe au noyer, An. i<97- & les fapotes , dont le fruit eft très-doux, & d'autant plus eftimé qu'il vient dans un climat plus chaud. On en fait une compofltion qui fert à blanchir les dents des Dames qui en mâchent pour cet ufage. Entre les Arbrifleaux , le plus eftimé eft le cacaotier , dont le fruit eft le principal ingrédient qui entre dans la compofition du chocolat, avec la vanille , qui eft le fruit d'une cane des Indes , qui fe tortille comme le lierre , autour des orangers. Il y croît aufli une plante très-utile , 'nommée an-nil, ou indigo, dont nous avons eu occafion de parler autre part, & qui fert beaucoup dans les teintures, Fin du Tome neuvième. TABLE DES MATIERES Du Tome Neuvième. j4capülco j Ville d'Amérique , ia defcription , 411. Amfalcixa 3 arbre des In.les, X1.9. Anananjcira , arbre qui produit l'Ananas. 2 29. Anoncira > arbre des Indes la defcription, 127. Ararach , montagne de Perfe , où il pleut & éclaire tous les jours, Araxe, Fleuve de Perfe , 34. Araquéira t arbre des Indes , 2,1 leurs ufages, 8f. Leurs Mariages,86. Leurs Funérailles, 87. Afafrciui j arbre des Indes, ijo. Atèira j arbre des Indes ; zi7. Athinat-Doidet, premier Mi'niflre en Perfe, 1 19. Aureng-Zd' , Empereur du Mogol; fon Portrait, ijt. Son Kiiloire,2.54' Ses occupations , 264. Sa poiîérité , 267» B Baçaïm , Ville des Indes, 18 >. Baharen , Ifle où l'on pc-che les Perles , .148. Balaxor j Ville fur les frontières de Turquie , manière fnguliere d'y préparer les vivres, S. Balouques , Pirates de l'Océan Indien , 160, Bander-Congo , Ville fur le Golfe Perfqi.e, 143. S iij 440 TAB Grand commerce de cette Villle , 144. Chaleur exceflîve qu'on y iouftre, 14?. Banianes 3 Ptêtres Indiens , Arbres , & Temples.qu'ils ont à Bander-Congo, 152. Baume de Darap, les propriétés, 140. BdteleïrUy Arbre des Indes , 250. Defcription de fon-fruit.nommé Bétel , 231. B'g'ian-Beg, Gouverneur Perfan ; fon Hiftoire , 39. Bojata j Caravanne du Mogol, 240. Brindçira > arbre des Indes orientales, 12.8. Cac h an j Ville de Perle , fa defcription , 63. Cajueira , arbre des Indes, 2a7' Cali j Miniftre de la Religion en Perfe, 100. Cambaye > Ville & Royaume des Indes, 181. Hôpital pour les animaux, 18t. CanarîtZj fameufe Pagode 193. L E Canellicr > defcription de-cet arbre, Jip. Cu/ito/i j Ville de la Chine , fa'def.ription,.jc3. CaramboLeira j arbre des Indes, zt.6. Curamdcira , arbre des Indes, 228. Caravanferas , comment ils font conftruits en Perfe, 51. Chaitars , Coureurs du Roi de Perfe,comment on les éprouve, 77. Che'ekj Miniftrc de la Religion en Perfe. 100. Chinois > caufe de leur population, 312. Bas prix tles vivres à la Chine , 519. Muraille qui la fe-pare de la Tanarie , 331. Religion des Chinois , 333. Succefïion des Empereurs , 341» Etendue de cet Empire, 343. Quantité prodi-gicufe d'Habitants , 344. Du Gouvernement Chinois , 34e. Nombre des Mandarins, 353. De leur Langue & de leur Littérature ,355. Des Arts , 358. De la Nobleffe , 359. du cérémonial » 360. Agréments des DES MA Femmes ,361. Modef-tic des deux lexes, 363. De leurs Troupes ,30c. Leurs funérailles, $66. Productions du pays , 368. Sa fertilité , 372. Comment les Tartares s'en font rendus maîtres, 375. Leur Calendrier, 3 7 9. Cérémonies du nouvel an, 3 80. Fete des Lanternes,. 381. Cocotier j defcription de cet arbre, 22.3. D D a m an j Ville des Indes , aux Portugais , 163. Animaux & productions du pays , 176. Maladies & remèdes pour les guérir , 17S. Dattiers ou Palmiers des Indes , 225. D eroga , Juge Criminel en Perfe, 103. Diou ou Diu * Fort des Indes , aux Portugais , 166. JD.Vz//., Divinité des Gentils en Perfe. Fête en fon honneur, 150. E ecbat an e ou Tauris, ITERES. 44< Ville de Perle, %6i EgLifcs, ( les trois ) leur defcription, %6* Éléphants j grande dépende pour 1 entretien de ces animaux , 249. Eriyan j Ville de Perfè , fa defcription , 28. Er{crom, Ville Capitale de l'Arménie, 13. F Faquirs Indiens , leurs pénitences iurprenan-tes, 1S1. Figueïra ou figuier des Indes, 2>î» G G j ancienne Secte de Perfans, 81. Leurs ufages, »g. Gearon , Ville de Perfe , fa defcription , 139* Geiram ou GarcelU > animal de Perfe, Gemelli part deConflanti-nople si. Il arrive à Trébifonde , 4. Il fe remet en route par terre , 6. Il paffe à Balaxor , 8. Il traverfe l'Euphrate , 12. Il arrive à Erze-rura, 13. On le force W . TAB d'en fortir, 16. Il fe remet en route , 17. Des Voleurs n'oient l'attaquer , 21. Il arrive à Kàrs, 22. Il entre en Perfe, 25. Il paffe aux Ttois Eglifes,2 6. Il arrive A Erivan. 28. 11 le remet en route, 30. Son: voyage à Nakcivan,32. Il traverfe l'Araxe, 34. 11 arrive A Tauris, 36. On le prend pour un1 Amba(Tadeur,i9. Il arrive à Sultanie ,53 II paffe A Habar 54. Il arrive à Sava , 57. Il le rend A Kom 59. IlpaflTe à Cachan ,63. Il arrive àlfpaham, 66. Il part de cette Ville , 120. Il pafTe à Coumouchia , 121. Il arrive à Schiras , 12 jf. il paffe à Gearon, 139. Il fe rend à Lar , 141, Il arrive à Bander Congo , 1 4 3. Il s'embarque fur le Golfe Perfique , 157. Il arri-ye à l'ille de Kéchimi, 1 f 8. Il eft en danger des Pirates, 162. Il conduit lui-même le Vaiffeau, 164. il efl jette à Man-galor-, 169. Il arrive à Daman, 172. Il va à L E Surate, 179. Il fe rend à Baçaim , 18j. II va voir une Pagode à Ca-narin , 191. Il revient à Baç/iim, 202. Il fè rend à Goa , 206. Il va à Ponda, 236. Il arrive à Mandapour, dans les Etats du Grand Mogol, 244. Il joint le Camp du Mogol à Galgala >• 245 II efl admis à l'Audience de ce Prince , 250. Son retour à Goa , 291.Il fe remet en mer, 293.Il arrive à Malaca, 29J. H fè rend à Bornéo, 296. Il arrive à Macao. , 295. 11 va à Canton 303. On le prend pour un Efpion du Pape . IbitL II fe rend à Nankin , 310. Son voyage à Pékin, 320.11 eft admis à l'Audience de l'Empereur de la Chine, 327. Soit retour à Canton., 378. Il fè rembarque aMacao, 383: Il arrive à Manille , 384. Il paife aux Ifles des Larrons, 41 o. Il arrive à Acapulco , 411. Il fè rend à Mexico, 415. Il va aux mines de Pachuca, 43 *• BES MA H Ha t a r j ancienne ville de la Perle , fa defcription , 54. j Jamboleira j arbre des Indes , la description , 227. Jangome'ira , arbre des Indes , fa defcription , 228. Jaquclra , arbre des Indes , fa defcription,2i8. Ijpukam 3 Capitale de Perfe Ancienneté de cette Ville , 67. Son étcndile , 63 Des Mai-ions, 69. Des râlais , 71. JarJins du Roi, 72. De l'Atméidan, 7 3 Palais du Roi, 7j. Faux-bourg de Zulfa, 84. Jardin de Satarabat, 92. K Ka h s j Gouverneur des Provinces en Perlé , 103. Kars , Ville de Turcoma-nic , fa defcription , 22. T I E R E S. *4ï Kéchimi > Ifle du Golfe Perfique, ï 5S. Kom, Ville de Perfe, 59. Tombeaux des Rois de Perfë, 60. Kurdes > Peuples errants d'Afie , 24* L La m a j Grad - Prêtre ; adoré des Chinois, 334. Lar » Ville de Perfe , & Royaume de mèma nom, I41» M Macao j Ville de 1* Chine , fa defcription, 300 Malabares t Pirates dei Mers des Indes, 205. MaLachie j Arménien qui accompagne GemcilL ca générofité, 47. Manguera ou Mangotiier, arbre des Indes, 226. Manille, Ville des Ifles Philippines, fa defcription, 384. Son Gouvcr-ment, 387. Mexico J Ville d'Amérique; fà defcription,4.1 y. Supcrftition des anciens Habitants ,420. Maucs 444 T A des nouveaux Mcxi-qüains, 42 3,Eglifès& Fêtes du pays, 4-*4< Mijjlonnaires qui inftrui-fent le peuple par un jeu. Leurs travaux , 9. Ils font chaffés d'Erze-fon. i 6. M ogv^Empire dans les Inde-;. Ufage d'y brûler les Femmes,:3 S.Peudc sûreté pour les Voyageurs, 244. Defcrip. du Camp du Mogol, 246. De fes Troupes , 247. Etendue de fes Etats ,263. Forme du Gouvernement, 268. Ses revenus, 109. Armes du pays , 272. Des Officiers de l'Empire , 2,7 3. Fêtes du Mogol , 275. Portrait des Habitants , 176, Leurs funérailles, 279. Production : du Pays , 281. Des Animaux , zSz. De la Religion , ,83. Mogcrëira , arbres des Indes,fa defcription, 230. Melucquxs^IÛès de la mer des Indes, 404. 'JftouUahs*efpece des Prêtres Mahométans qui expliquent I'Alcoran 5 100. BLE Mujfc j defcription de l'Animal qui produit cette1 fubjftancc , 282» N A*a b a b , Chef de la Religion en Perfe, 957. Nakdvaft j Ville Perfe ; fa defcription , 31, Nj/ikin, Ville de la Chine , fa defcription , Ou s t , Animal dont on. fe fert en Perfe pour la chaife , 118* P a c n u c a j mines du Mexique, 429. Parr > Animal dont les Perfans fe fervent pour la chaire , 72. Pékin Capitale de Ja Chine , fa description , 321. Palais de l'Empereur , 322 fon Trône , 328. Température de l'air à Pékin , 319. Perles 1 manière d'en faire la pèche , ) 47, Perfans , leur fobriété » 57. "Sacrifice qu'ils font DES MA tous les ans d'un Chameau , 81. Mauvaifê éducation des Princes de Perfe , 91. Fête qu'ils font en l'honneur de la mort de Halfan, $6. Leur Religion , 99. Leurs mariages, 101. Punition des criminels. 103. Douceur de leur caractère , 105. Leurs amufements, 106. Leur fuperflition, I08. Leur nourriture , 109. Leur habillement, 11 o. Leur langue & leur amour pour les feienecs, ni, Leur Calendrier ,112. Leurs funérailles ,113. Chalfes du Roi, 117. Leur monnoie & leurs armes , n8. Cérémonies des Gentils , 154. Vcrfe j ( Royaume de ) fon étendue, 114. Production du pays , 115. Des Animaux , \\6, Grands Officiers du Roi, 119. philippines , Ifles de la mer des Jndes. Leur defcription, 389. Naturels du pays, 390-Leurs productions , 39T. Du climat , 396* Mœurs des Habitants , 399. T I E R E S. 445: Leur Gouvernement, 400, Pimentcïra , plante des Indes ; fa defcription , 2 30. Ponda j Ville des Jndes, fa defcription , 238, Portugais , leur magnificence aux Indes, 175. Leur habillement, 178. Combien ils y ont été puiffants, 217. Dimi.-nution de cette puiffan-ce. 221. Forme de leur Gouvernement dans ce pays, 222. Tudolim j arbre des Indes, fa defcription, 231 Puna , arbre des Indes, f» defcription, 231. R Rattars j Gardes des chemins en Perfe , 3'!, Leurs exactions, 34, Rhubarbe 3 defcription de cette plante , -372» S Salzztte j Ifle des In: des ; fa defcription, 200. Sava t Ville de Pcrfç ; fa defcription t j7. 44* ta: ïuvagij Prince des Indes, 204. 'fchah-Ojjcn , Roi de Perfe , fon couronnement, 8 8.11 défend l'ufage du ^rin, 89. Il donne une Audience publique, 90. Repas qu'il donne aux Ambaffadeurs ,91. Def cription d'une Audience de congé, 9 3 - Il permet de boire du vin , 15^. ^chah-Soliman 3 Roi de Perfe, fon hiftoire & fà mort, 79. Ses funérailles , 80. ^chiras, Ville de la P crie , fa defcription ,125. Palais de Darius, 127. $cnna , Ville des Indes , fa defcription , 219. 'fultanie t Ville de Perfe , fa defcription , 53. IÇucate* Ville des Indes, fà defcription, 180. ; L E. T Talen j le premier Village , qu'on rencontre en r'erfe , 16. Tauris , Ville de Perfe , fa defcription ,36. Tour qu'on prétend être celle de tabel. 37. Belle po« lice de cette Ville ,4.3. iupcrftition des Femmes, 45. Pont bâti fur une montagne, 46. Thé j Comment on le prépare à la Chine , 371. Trèbïçonit , Ville fur la Mer Noire, 4. V ys. rt iiBiER , Prédicateur Arménien , qui prétend guérir les chevaux par enchantement, fin de la Table du neuvième Volume. ERRATA. I*Age 143, ligne 24 , Portugais, l\fe\, Portugal^ Page 219, ligne 2 3, Vafce, Lifc\ , Vafco. Page 218, ligne 2 8 , qui, , que. Page 219 , ligne 7 , après bonne- foi, mettes pour dçtf Ibmmes confidérables. Cage 2ji , ligne 22 , Pndolim, life\ * Pudolina, \