ABREGE CHRONOLOGIQUE HISTOIRE DES DÉCOUVERTES Faites par les Européens dans les différentes parties du Monde , Extrait des Relations les plus exactes & des Voyageurs les plus véridiques , Par M. Jean Barrow , Auteur du Di&onnair* Géographique. Traduit de CAnglois par M. T A R G E TOME SEPTIEME H m • \BIBLI0 A PARIS, Saillant , rue S. Jean-de-Beauvaîl jhezJ Delormel, rue du Foin. Desaint , rue du Foin. Panckoucke , rue de la Comédie Françoïfe^ i M. D C C. L X V I. Avec Approbation Privilège du Roik HISTOIRE DES DÉCOUVERTES Faites parles Européens dans les différentes parties du monde. Suite de la Defcription de Cfylan, CHAPITRE VII. Troubles apris la mort de Dom Juan : Donna Catharina prend la Régence , & epoufe Ccnuwleraat, qui avait ûffàfiinéle Prince d^Ouve : Les Hollandais envoyent une. Ambaffade au nouveau Roi , qui leur accorde de prodigieux avantages : Honneurs rendus à VAmbaffadtut de cette nation : Les Rois de Cotiarurn & de Panua font aceufés de haute tra-Tom. VU, A t DÉCOUVERTES hifon : Le dernier ejl décapité : Mort de Chéritier préfomptif de la couronne ; On foupfo/ine qu'elle ejl occa-Jionnée par lepoijom : Magnificences de /es funérailles. 5e Ceé" Après la mort du Roi Jean, il y -' s'élevaplufieurs fatlionsjdont chacune Chap. vu. fît fes efforts pour difpofer du gouvernement. Les principales avoient Donna Ca- pour chefs le Prince d'Ouve, qui af- M£gcncc"d Piroit ouvertement au trône , & Ce-nirwieraat, qui en qualité de frère du dernier Monarque, reclamoit la Régence, jufqu'à ce que fon neveu fut en âge. Donna Catharina arrêta tous ces mouvements , en déclarant que fon intention étoit de conferver elle-même pour fes enfants le trône qu'elle pofTédoit, & en faifant tomber hardiment les têtes de plufieurs des plus turbulents de ceux qui s'op-pofoient à fon gouvernement. Cependant les peuples dès pays les plus voifins de la mer, fatigues des ravages que commettoient le Prince d'Ouve & Cenuwieraat, formèrent contre cette PrincefTe une confédération avec les Portugais, Elle refufa i» il* 1 alliance qu'ils lui orfrirent, ce qui des Européens. 3 auroit pu lui être préjudiciable, fi Defcriptir.t elle n'avoit déclaré dans une affem- dèfCeyhfl. blée générale des Etats que la con- chap. vil; duite de ces Princes étoit contre les loix, qu'ils étoient des rebelles , & que leurs biens dévoient être con-nfqués. Malgré cette fentence,ils eurent Le Princ* peu de temps après la permifïïon de eft aflaffiae« venir à la cour : l'un & l'autre avoit en vue d'époufer l'Impératrice, & fe tenoit en garde contre les entreprifes de fon compétiteur. Cependant la' bonne fortune de Cemrwieraat l'emporta : rencontrant le Prince d'Ouve, qui étoit le plus Agé, à la porte du Palais, il lui fit la politeffe de lui céder le pas, ce que ce Prince crédide accepta , & Cenuwieraat lui donna un coup de poignard dans le dos , en difant feulement : » Traître ! voilà ta récom-» penfe. » Le Prince mourut fur le champ, & Cenuwieraat fortit de la ville avec fes gens. Ce meurtre fut fuivi de quelques Cemtvvivrait mouvements tumultueux dans Candi, ^wilc!^ 011 il y eut du fang répandu : mais ils furent appaifés par la préfence de l'Impératrice , qui déclama forte-fnent contre Cemiwieraat, paroifTant Ai) 4 DÉCOUVERTES — ne refpirer que vengeance d'un ou* de ceyUn. trage aufli atroce, commis prefque Chap.Vji. en fa préfence. Cependant le meur-rrier réinTit en peu de temps à lui perfuader que cet affanmat avoit été inévitable, & nécellaire pour la pro-pre confervation de Sa Mnjefté ; elle lui accorda même l'honneur de partager fon lit & fon trône , & il y monta enprenantùfon couronnement le nom de Camapati Mahadafcyn. Vers le même temps , les Rois tfcription alliance avec l'ennemi commun. De Ceyian. ce nombre étoient les Rois de Cotia- chap.vil. rum & de Panua , dont le premier fut déclaré innocent après une information régulière ; mais on regarda la faute du dernier comme manifefte, fur ce qu'il refufa d'obéir à la Sommation qui lui fut faite de venir répondre aux charges portées contre lui. Les Princes de Migonne & d'Ouve marchèrent vers fes Etats à la tête de trente-cinq mille hommes, déterminés à ravager fon pays par le fer ik. par le feu ; mais les habitants prévinrent leur dévaftution , en payant line très forte contribution, & en promettant que leur Prince paroîtroit en perfonne à la cour dans fix ou huit jours , ce qu'il fit exactement. Après une longue information le Roi de 1 1 / 1 ' "1 Pannaa la tft* pardevant le Conieil-prive, il pa-It tranchée, rut évidemment par les dépofitions des témoins : » Qu'il avoit concerté » conjointement avec les Portugais » une dangereufe confpiration contre » l'Etat, & qu'il avoit gagné un » fcélérat pour tuer l'Empereur au >♦ moyen d'une récompenfe confident rable. » Ce Prince reconnut fon Aiv 8 DÉCOUVERTES "r>efcrip»ion crime & demanda grâce , mais ce ♦le CcyJan. fut inutilement, & il fut condamné Cbap. vjj. à perdre la tête. Le 24 de Mars 1613, jour deftiné à l'exécution , on le fit monter le matin dans le château de Meddema-Honore fur un cchafaud couvert de blanc, couleur particulière en ce pays à la Royauté : il s'a Hit fur un fiége doré, 6c quoiqu'il eût marqué d'abord beaucoup de courage , quand il entendit la proclamation publique par laquelle il étoit dépouillé de fa dignité, il commença à déplorer fon fort, 6c demanda s'il n'y avoit aucune efpérance de pardon. On lui répondit que non, & il fe laifla deshabiller par les Gentilshommes qui Faccompagnoient , auxquels il distribua fon or 6c fes joyaux : enfuite il mâcha du Bétel & de l'Arecca : fit deux ou trois tours fur Féchafaud, comme s'il eût efpéré que l'exécution de fa fentence feroit dirFérée : fît quelques exclamations qui parurent involontaires : demanda à être enterré conformément à fa dignité Royale, 6c mit enfin la tête fur le bloc. Elle fut féparée d'un feu! coup , 6c fon corps fut inhumé honorablement fur les inftances de la noblefTe. ' DES EUROPEENS. o? Samatway, oncle de ce Prince, lui Dtfcril,tion iâiccéda avec le confentement de JeCcyian. PEmpereur, 6c après avoir Surmonté chap< VHV quelques factions , il s'affura la pof-fefïïon tranquille du trône. Il paya les arrérages dus à l'Empereur pour le tribut auquel étoit affujetti fon royaume , 6c rejetta des offres très àvantageules qui lui furent faites par les Portugais. Quelque temps avant cet évé-^ Martyr* nement , le Prince héréditaire de t cm>Ja*n*' l'Empire , fils unique de Dom Juan , mourut. L'Impératrice fut inconfo-l'able de cette perte, & le peuple infpiré par quelques efprits turbulents , s'imagina qu'il avoit été em-poifonné par les ordres de l'Empereur régnant, ce qui fut près d'ex--citer un foulèvement : mais ces Soupçons , qui peut-être n'étoient pas fans fondement, furent détruits par les foins des Princes de Migonne 6c d'Ouve , qui afiiirerent qu'il étoit morf d'une fièvre. Le tumulte étant appafre,. le corps fut porté au bûcher funèbre' avec la plus grande magnificence. Le cortège commençoit par les* muliciens du jeune Prince habillés de toile noire : ils étoient fui vis de pkv- A. v 10 DÉCOUVERTES DëÊr^Hon fours piquiers, de ceux qui portoient du Ccyian. des boucliers & des Hallebardiers , Chap. vu. tousjoignant leurs armes en marchant trois à trois. Enfuite venoient quarante Eléphants de guerre conduits par autant de Gentilshommes , &C nuit beaiLx chevaux Perfans, montés par huit Chevaliers du Soleil d'or : après eux marchoient les valets de chambre richement vêtus, qui pré-cédoient le fceptre &: la couronne » portés fur un couflin de velours noir orné des armes du Prince. Le corps fuivoit immédiatement, accompagné de huit des principaux Seigneurs de l'Empire , après lefquels on voyoit la litière de l'Impératrice entourée de feize porteurs d'éventails , de quatre paraffols, de huit boctes de Bétel , & d'un bouquet facré en fleurs d'or qui ne fert qu'à Fufage du Souverain* L'Empereur marchoit enfuite, fou-tenu par les Princes de Migonne Se de Mewater, & la cavalcade étoit fermée par les Pairs & par les principaux Gouverneurs de l'Empire. Les rues par lefquelles ils panèrent ctoient ornées d'arcades conftruites en plâtre & garnies de riches étoffes : «piand on fut arrivé au lieu detfiaé des Européens, ii pour les funérailles, le corps fut dé- DcfcriptioIJ pofé au milieu d'un édifice quarré, d<-- Oyian. d'environ fept pieds de haut, orné chap. vil* de branches d'arbres, & dont le dedans étoit rempli d'épices & de bois de Sandal, mêlé d'une grande quantité de beurre odoriférant, & de trçis fois autant d'huile de canelle. Au-deffus étoit un dais, fous lequel montèrent les Seigneurs pendant que les prêtres prononçoient quelques mots, après quoi le Prince de Migonne s'avança vers le bûcher, portant un réchaud d'or, une poignée de paille , & un flambeau allume, ce qu'il reçut des mains du Prince d'Ammé. Il mit le feu au bûcher, le corps fut promp-tement confumé & tout le cortège fe retira. A v§ 12. DÉCOUVERTES Defcription & les confpirateursfont mis à mort. Ambajjade des Portugais à Ceylan fans aucun fuccès. Efcar-mouches entre les naturels ou Cin-galcfes £• les Portugais. Boujchouwer revient en Europe ; entre au fervice ,du Dannemark & meurt. Les Danois font trompés dans leurs vues pour le. commerce de Ceylan : L'armée des Portugais' ejl trahie , & totalement mife en déroute : Columbo reçoit du renfort , & les Cingalèjès jont re-pouffés. Avantages T 'Empereur rît marcher line* iel^!?Le.*r 1 ' forte armée contre les Portugais tcui en mer. . /• / « « qm etoient poïtes à W aiane. Il eni- des Européens. 13 porta d'affaut la citadelle de cette ',w ■ Il * -i /• 1 jr* . , Description place , mais il en lut chaile par le ceyj»». peu de dilcipline de fes gens, tk ilehap. \UL en fit pendre cent vingt-cinq pour s'être abandonnés au pillage avant que la conquête fut affurée/Ce défaut d'ordre avoit été d'autant plus défa-vantageux pour lui, qu'il avoit laiifé aux ennemis le temps de recevoir des fe cours , 6c de fe rendre plus formidables qu'ils ne l'étoient avant. Il eut plus de fuccès en mer ; quelques vaifleaux qu'il avoit envoyés fous les ordres d'un neveu du Prince d'Ouve, revinrent avec un butin prodigieux au port de Cotiarum , d'où ils étoient partis, après avoir pillé lix vaifleaux Portugais , dont ils jet-rerent tous les hommes dans la mer , ne confervant que les femmes & les Nègres. Au mois de Juillet 1613 , l'Impé- *ort * il • Donna Car ratnee mourut dans la trente - cin- ^ilini% quieme année de fon âge, après une longue maladie. Peu de temps avant fa mort r elle remit fes cinq enfants, trois fils & deux filles aux foins des Princes de Migonne &: d'Ouve : marqua folemnellement fon repentir d'avoir paUé fa vie dans l'Idolâtrie, les- 14 DÉCOUVERTES ' ; . —prit pour témoins de l'abjuration Defmption r . t1r r .r • 1 r o de Ceylan. qu elle fanoit de les erreurs, & mou- & ^es provifions à Walane. Le Commandant iurpris à la vue inat-rendue du Prince , effaia, mais en-vain , de trouver des raifons pour excufer cette démarche. Le Prince donna ordre de le fouiller,. & l'on trouva dans fa poche une lettre adreiTée au Gouverneur Portugais, qui découvroit le complot. Quand le Commandant vit l'extrémité à laquelle il étoit réduit, 6c que tout etoit découvert, il fit fes-efforts avec fes gens pour fe mettre fur la défensive : mais ils furent bien-tôt taillés en pièces, &.périrent tous, à l'exception d'un- petit nombre, qui fe fauverent dans les bois. Punition Gael, qui ignoroit cet événement, d'uneconfpi-ffo mandé à la Cour, & s'y rendit aufii-tot. Il tut interroge, & fit pa-roître tant d'innocence, que fi l'on n'avoit eu des preuves convaincantes de fa perfidie, il auroit pu être déchargé : mais quand il fut confronté avec le Bramine, le courage lui' manqua, il avoua tout le complot,, & demanda grâce. Cependant il re-&fa de découvrir les noms de fes des Européens. 17 complices, qui étoient au nomfere ncfcriptiarck vers le milieu de l'année 1617. Il y négocia un traité de paix & de commerce avec Sa Majefté Danoife, ait nom du Roi de Ceylan : on lui fournit un vaiffeau de guerre, & un yacht pour fon retour ,.& il fe remit en mer au mois de Mars i6r8, avec fa femme, qui avoit pris le rang &T le titre de PrincefTe de Migonne, 6c une fuite nombreufe, accompagnée de cinq vaifleaux , commandés par Gule Gedde , Seigneur Danois. B of-chouver mourut dans ce voyage, qui fut très malheureux, les vaiffeaux furent près-de deux ans , avant d'arriver dans rifle de Ceylan, où il* mouillèrent en différents ports- ©es Européens. 21 Gule Gedde fit aufîi-tôt favoir fon 'Ut;fLris,tial, arrivée à l'Empereur, en lui décla- àc Ctyian. rant la mort du Prince de Migonne, ch»p. vm. & lui faifant part du traité que ce Les Danoig Prince avoit conclu avec le Roi de font trompés Dannemarck. Campapi reflua de 1« d™1 ratifier, difant qu'il n'avoit pas donne de tels pouvoirs au Prince, en-forte que les Danois ne retirèrent pour fe dédommager des frais de cette expédition, que les richeffes particulières de Bofchhouwer, qui étoient à bord du vaiifeau, & que Gule Gedde faifit auffi-tot au nom du Roi fon maître. La femme, qui avoit fauve quelque partie du naufrage , fut conduite a Candi, d'où elle fkt envoyée fept ans après, avec quelques-uns de ceux qui l'accom-pagnoientàTranquebar. Gule Gedde mit à la voile pour le Dannemarck, après être demeuré quelque temps fur la côte, où il perdit un de fes vaifTeaux, qui périt fur un rocher, & dont le peuple de Trinquenemale s'empara. Les foldats &c les matelots {e fauverent dans leur chaloupe fur la côte de Coromandel, où les uns s'enrollerent au fervice des Portugais, & d'autres au fervice des Hollandois. 11 DÉCOUVERTES Defcription ^es Portugais furent délivres patf deCeyhn. le départ de Gule Gedde, des crain-Chap. vin.tes qu'ils pourvoient avoir du côté du Dannemarck, & ils prirent les me-^wp'0rftruy/s.Sures qu'ils crurent les plus efficaces, pour fe rendre maîtres du commerce de toute l'ifle, à l'exclufion des autres nations Européennes. Dans cette vue, quoiqu'ils fuffent convenus pofitivement, & en termes exprès avec l'Empereur, de ne point élever de nouveaux forts, ils ne laifferent pas, en partie par fraude , & en partie par force, de coriftruire deux nouvelles fortifications, qui jointes à ce qu'ils poffédoient déjà, leur fit le nombre de fept forts, avec Iefquels ils efpéroient fe rendre facilement les maîtres des principales avenues de l'ifle. L'Empereur, que ces entreprises gênoient exeelîivement, réfolut de faire frapper un grand coup, pour chaffer les Portugais, & il efpéroit d'autant mieux de réuffir, qu'il avoit la promeffe d'être foutenu par les Cingalèfes de Columbo, qui étoit leur principale fortereffe. Quelques Cingalèfes, qui s'étoient infinués dans les bonnes grâces de Conflantin de Saa, Gouverneur de la place, lui des Européens. 23 perfuaderent d'en faire forrir toutes DefcrJptiot/ fes troupes pour faire le liège d'Ouve. & ceylan. Il s'y porta d'autant plus volontiers, chap. VHU qu'un corps de huit milles Cingalèfes l'arTura qu'ils étoient près de fuivre fa fortune. Pendant qu'il étoit en route, il furvint un violent orage, qui mit les Portugais dans l'impofli-bilité de fe fervir de leurs moufquets, dont les mèches étoient mouillées, & les Cingalèfes profitant de cet accident, ainfi que de l'approche de l'armée de l'Empereur, fe tournèrent contre leurs alliés. Ils les attaquèrent en flanc , conjointement avec les troupes Impériales, lorfqu'ils defeen-doient une hauteur : tirèrent fur eux, couverts par un bois, d'où ils tombèrent le cymeterre à la main au milieu des Portugais, & en firent un ii furieux carnage, qu'il n'en échapa qu'un très petit nombre par la mite. La tête du Commandant Conflantin de Saa , fut coupée par un des Cingalèfes révoltés, qui la mit fur un tambour, & la préfenta à un des fils de l'Empereur, qui fe baignoit dans un ruiffeau voifin. On ne peut difeonvenir que de Saa ne méritât un meilleur fort, & plus de fincé- 24 DÉCOUVERTES Defcriprion rite de la part des Cingalèfes de Code Ceylan lumbo, envers lefquels il avoit tou-Chap vin j°urs tr^s humain, & très bien-faifant. Belle dé- Cette défaite répandit une confie d'un deternation générale parmi les Portu-mandants, gais, particulièrement a Columbo , parce qu'il ne refïoit prefque aucunes troupes pour défendre cette place , à moins qu'on ne voulut donner ce nom à un petit nombre d'habitants , dont il n'y en avoit pas un qui n'eût paffé la fleur de la jeuneffe. Cet état de foibleffe encouragea l'Empereur à envoyer fon plus jeune fils Mahaftanne , nommé depuis Raja Singa, mettre le fiége devant cette place : mais Lancellotte de Sefies, qui avoit fuccédé dans le Gouvernement à. Conftantin de Saa-, fît une défenfe fi belle & fi Surprenante, que Raja Singa, après avoir paffé un mois devant les murailles, perdu un grand nombre de fes gens, & consommé une quantité prodigieufe de munitions & de provisions, fut obligé de lever le iiége. La ville fut peu , de temps après renforcée par quatre cents hommes de Goa, avec des provifions, des Européens, iç provifions, des armes, & des mu-"Dcrc';ipJon nitions, ce qui mit la garnifon en deCeyh*. état de faire encore tête aux enne- chaP. îx. mis, & de ne pas craindre leurs attaques ; aufiï les Cingalèfes ne pen-ferent plus alors à revenir à la charge. CHAPITRE IX. Mort de F Empereur i Ses Etats font partagés. Raja Singa prend L'autorité Impériale: Il fait la paix avec les Portugais , qui la violent peu de temps après. Il follicite P alliance des Hollandois , & leur accorde de très grands Privilèges. Les Portugais pillent Candi, ils font attirés dans une embufeade, & entièrement mis en déroute : Ils perdent Batecalo & Caliture : La ville de Pontegale ejl emportée dUaffaut ; un gros corps de Portugais ejl défait : Siège de la ville de Columbo : Le Roi de Ceylan envoyé une ambaffade au Général Hollandois Huljl, & promet de P aider dans ce Jiège : La garnifon ejl réduite à une grande difette, faute de provijions. U Empereur arrive Tom. VII. B lé DÉCOUVERTES jJefcripnon dans le vcifinage du Camp des HoU de Ceylan. landois , il ejl -vifité par le Général, Chap. IX. f*?01' magnifiquement. Huljl meurt de fes bUJf'ures. qJrdv™"a 1" E v*en feperenr étant mort en mondei'£m- JL/ i6?z, fes trois fils partagèrent entr eux les Etats ; le plus jeune prit le titre Impérial fous le nom de Raja Singa Adaîcyn, & à la mort de fon frère aîné, il s'empara de la Province d'Ouve, qui avoit été la part du premier, fans offrir de la partager avec fon fécond frère Viria Palla Haftanne, ce qui occafionna entre eux une rupture irréconciliable. Les Portugais avoient forcé la plus grande partie des Princes voiiins de la mer k fe liguer avec eux, & ils firent leurs efforts pour étendre leurs conquêtes plus avant dans l'intérieur du pays: mais le nouvel Empereur les furprit dans leur Camp, & les obligea de fe retirer précipitamment à Columbo, ce qui leur arriva toujours, quand ils voulurent s'établir dans les montagnes. Ils conclurent peu de temps après avec ce Prince, une paix paffagere ; mais ils manquèrent aux articles à la première oc- des Européens. 17 caiion qu'ils trouvèrent favorable, ce Ddcnptio« qui obligea l'Empereur de folliciter * CeyUn. le fecours des Hollandois. Il écrivit chap. ix. à ce fujet au Gouverneur de Pallia-cate , nommé Charles Reyners, qui prit de juftes mefures pour former une ferme alliance avec Sa Majefté Impériale contre les Portugais, Se par reconnoiflance, les Hollandois eurent la permiflion de charger quelques vaifleaux de canelle & de poivre. Vers le même temps il y eut un combat naval à la hauteur de Goa, entre les flottes des Portugais & des Hollandois : les premiers lurent battus , & leur marine dans cette partie du monde, fut réduite à un état de foiblefTe, qui leur fit perdre enfuite deux ou trois vaifleaux, richement chargés. Ils commencèrent alors à foup-çonner fur de fortes conjectures, la confédération de l'Empereur ave£ leurs ennemis, & pour la détruire efficacement, leurs Généraux de Me-lo, Damijao Bottado & Sorde, ré-folurent unanimement de marcher contre Candi, jugeant que par la prife de cette place, ils affoibliroient confidgrabiement Raja Singa. l8 DÉCOUVERTES pefcription L'Empereur, informé de leur def-de Ceylan. fein, abandonna cette ville, & fe Chap. ix. retira dans les montagnes, où il emporta fes effets les plus précieux. II Nouvelles-1 i r- 1 > pertes des jugea que les ennemis, après avoir Portugais. pu[é la place, & y avoir mis le feu, ne manqueraient pas de le fuivre précipitamment dans fa retraite, où ils penferoient qu'il feroit hors d'état de foutenir leurs attaques. L'événement jultifia fa prévoyance, mais les Portugais furent cruellement trompés dans leur attente. L'Empereur, qui étoit campé dans une très forte fituation, donna fes ordres aufh" - tôt qu'il les vit engagés au milieu des montagnes, pour que le chemin par lequel ils y étoient entrés, & toutes les autres avenues, par où ils auraient pu fe retirer, fiuTent embar-raffées de grands arbres qu*on abattit , & qu'il n'étoit pas pomble d'ôter par la feule force des hommes. En-fuite il chercha l'occafion favorable pour les attaquer, & une pluye abondante ayant mis leurs armes à feu prefque hors de fervice, il tomba tout-à-coup fur eux avec toutes fes forces : ils furent bien - tôt mis en fléfordre, & la déroute fut totale, des Européens. 19 Le maflacre fut fi horrible, que de Dcfcriptio„' deux mille trois cents Portugais & deCeyian. Maures, il n'y en eut que foixante Chap. ix« & dix, dont la vie fut épargnée par la clémence du vainqueur, qui les fit prifonniers* Les Portugais perdirent dans cette journée tous leurs grands Officiers, entre autres le brave Général de Me-lo, dont l'épée fut enfuite préfentée à l'Empereur, qui avoit été témoin de l'action, s'étant tenu fur un ter-rein élevé de l'autre côté de la rivière , qui bordoit le lieu où le combat avoit été livré. On fît devant ce Prince un monceau en piramide des têtes de tous ceux qui furent tués dans cette défaite. Après cette victoire il fit marcher fon armée contre le fort de Batecalo, que l'Amiral Hollandois Weilerwold attaqua eh même-temps par mer. Après neuf jours de fiége, ce fort fe rendit par Capitulation, les Portugais tk les-Metices, au nombre de cent - huit furent tranfportés, avec leurs femmes, & Teurs enfants à Negapat-nam : cinquante Cingalèfes , qui avoient eu part au meurtre d'un Gen--tilhomme de la Cour de l'Empereur' B iïj }0 DÉCOUVERTES Dcfcripcion de Ceylan, furent empalés, & quelle Ceylan. ques autres furent mis en efclavage. chap. rx. Après la reddition de cette pla-Nouveau ce, il y eut un nouveau traité de HoiLmiS»" Pa*x ^ ^e commerce » conclu entre o an ou. (jey{an & la Hollande , il fut ligné crun côté par l'Empereur, avec le grand fceau, qui étoit une garde de cimeterre, imprimée fur de la cire rouge ; & de l'autre par l'Amiral Vefterwold, & par Guillaume Jacob Rofler, pour les Etats Généraux. Les articles étoient en fubffan-ce les mêmes que ceux qu'on avoit réglés précédemment avec Bofch-hower, &c en conféquence de cette nouvelle convention , on fournit immédiatement aux Hollandois quatre cents balles de canelle , quatre vingt-iept quintaux de cire , & trois mille cinquante-neuf livres de poivre, pour les rembourfer des dépenfes extraordinaires qu'ils avoient faites pour fecourir l'Empereur. Ce Prince envoya enfuite deux Ambafîadeurs à. Batavia, avec des préfents confidérables, & la ratification du traité, adreffée au Général & au Confeil des Indes. Us furent reçus avec les plus grands égards, & renvoyés à des Européens. 3 î Ceylan, après leur avoir rendu tous TScT^wT les honneurs qu'on pouvoit accor- dcCcyian. der a leur caractère. Ce nouveau Chap. IX. traité fut fait en 1638. Au mois de Mars de la même an- vu j'emp*-née, la ville de Pontegale, qu'on™*Voa' nomme plus ordinairement Gale, fut prife d'aflaut parle Vice-Amiral Kof-ter, qui commandoit l'attaque, Se elle devint enfuite une des plus fortes places des Hollandois dans les Indes Orientales. Il y a une baye très commode, mais l'entrée du port eft embarafTée par un rocher très dangereux , Se il faut un bon Pilote pour le pouvoir éviter. La rade eft fous le canon du fort, & la ville défendue par trois bons baltiôris, eft tellement entourée de rochers, que la plus petite barque n'en peut approcher que très difficilement. 11 y a un fallot pour fervir de fanal, un canon pour donner le fignal, Se le pavillon de la Compagnie eit planté fur un angle, qui avance allés loin en mer. La ville eft bien bâtie, les maifons font de pierre, Se élevées avec de beaux jardins, Se de très bonnes eaux : On a pratiqué pour B iv 32 DÉCOUVERTES i>crcriprio"y arriver de belles routes, coupées *»c ceyhn. entre les rochers. chap. ix. Au mois d'Odobre 1655, Cale-iis fe rendentture ? place alTés forte, entourée d'un maîtres de mur de terre, &c dans une iituation Caictuxe. agr(iaj;)je ^ {e renciit au Général Hulft. La garnifon Portugaife, compofée de deux cents cinquante-cinq hommes, fut conduite en Europe aux frais de la Compagnie, conformément à la capitulation. On y trouva une grande quantité de munitions de guerre , Ysbraad Godskens en fut nommé Gouverneur, & on lui donna un corps de troupes fuffifant pour la défendre. Gafpard Figeiro étoit alors en marche avec fix cents foldats, pour fecourir Caleture, & les Hollandois en ayant été imtruits par un prifonnier, envoyèrent auffî-tôt des troupes au-devant de lui. Elles le rencontrèrent à peu de difîance, l'attaquèrent , le mirent en déroute, oc" continuèrent à marcher vers Colum-foo, oii il ne retourna que cent foi-xante hommes, des fix cents qui avoîent accompagné Figeiro. h h? emCde Vers le milieu d'Octobre , le Gé-Coluaio. néral Hollandois fe prépara à faire te fiége de Columbo : le 23 il reçut DÈS E U If O P É Ê S, 1%_ cfe l'Empereur de Ceylan, une let- Defcriptio» tre que ce Monarque avoit écrite lui- de Ctytm» même, & qui corïtenoit de fortes af- ch*p*UU ftirances d'amitié. Elle fut apportée par un de fes portillons particuliers, elle étoit très parfumée, & de chaque côté de l'écriture on avoit re-préfenté une figure de femme avec les mains jointes, & les yeux levés vers le Ciel. Le 1-6., on reçut quelques infrruc-fions utiles par un Hollandois, qui avoit précédemment déferté vers les Portugais, & qui revint alors à fes drapeaux. Le même jour on finit d'élever quelques batteries, & l'on y conduifit plufieurs pièces de canon pour tirer fur un des quartiers de la Ville. Le 4 de Novembre , le Général Hulft reçut une amballade très gra-cieufe de la part de Raja Singa, qui en chargea Tenecon Apuhamy, lequel avoit devant la poitrine une plaque d'or ornée de pierres pré-» cieufes, &c foutenue par une chaîne du même métal, Le 9 le Gouverneur Portugais fut unr foœ fommé de fe rendre, mais il en '&lSg** jetta la proportion 7 6c le 1 x on don- une wmgiMr B v 34 DÉCOUVERTES Dcfcript.on ^ un aniiut général à la place. Hulft d« Ceyiàn. y reçut une blefTure à la cuiiTe , ce Chap. ix. ^1" "^1 ^a conuulon dans fon armée , & donna, quelques mois de relâche à la ville. Dans la même attaque le Lieutenant Melchior Van Schonbeek, Gentilhomme Allemand monta fur le baliion de Saint Jean, mais n'ayant pas été fécondé, il y fut tué en combattant en homme défefpéré, & fa tête fut enfuite ex-pofée fur le même baliion, au bout d'une pique. Peu de temps après, une flotte de trente frégates Portu-gaifes de Mi nées à fecourir Columbo , fut difpcrfée par une tempête , & prefque tous les bâtiments périrent-Le Général Hollandois reçut encore un ménage de Raja Singa, pourl'af-furer que malgré les Portugais, qui foifoient tous leurs efforts pour aliéner fon amitié des Hollandois, il étoit non-feulement réfolu de demeurer ferme dans fes engagements, mais encore de faire la plus grande diligence pour foutenir le liège pat: une armée de fes fujets. Le 26 le Général apprit par un Nègre déferteur, que le fils du Gou-verneitr avoit été tué depuis peu par des Européens. 35 une balle de moufquet, lorfqu'il en- Dercrirncm courageoit fes gens au travail, & de Ceylan. qu'on avoit préparé une mine fous cbap. ix, le balf ion de Saint Jean , pour la faire jouer la première fois qu'on l'attaqueroit. Les habitants de la ville commencèrent alors à fouffrir la plus grande difette de provifions: ceux qui étoient en état de porter les armes , fe trouvèrent forcés par la faim à s'enroller, & l'on permit aux femmes 6c aux enfants, de fe retirer vers le camp des Hollandois: mais ils y devinrent bien-tôt fi incommodes , que le Général donna ordre de les repouflèr vers le baflion de Saint Jean. On apprit aulïi par des nouvelles fures, que les provifions de la garnifon ne pouvoient durer plus de deux mois , parce qu'il n'y avoit plus qu'une petite quantité de riz, rempli de pierres, 6c de toutes fortes d'ordures. L'Empereur ayant établi fon camp Honneur dans le voifinage des Hollandois, fit iu'™ rH r r 1 " , au Oenera» favoir au General par une lettre qu'il HoUa»db«N. attendoit fa vilite ; Se en conféquen-ce Hulft fe rendit le 5 d'Avril au quartier de Sa Majelté, avec une fuite nombreufe. Il y fut reçu avec la plu* Bvji }6 DÉCOUVERTES Defcription grande magnificence , tk logé dans de Ceylan. une maifon préparée pour fa recep-Chap. ix. tion , donr les chambres à lit étoient meublées en étoffes d'or, & les autres en toile de coton blanche. Lorf-qu'il approchoit , il rencontra un détachement de foldats, qui venoient au devant de fui, avec des porteurs de parafais, des trompettes , d'autres infîniments de mufique, onze éléphants Ô£ deux beaux chevaux richement caparaçonnés, & ornés d'or & de pierres précieufes. Le lendemain , on apporta dans une barque une grande quantité de différentes provifions pour le Général, & pour ceux qui l'accompagnoient. L'Empereur étoit alors affés dangereufement malade, on l'avoir faigné au bras , & l'on eut tout fujet de craindre que Son Excellence , dont la préfence étoit abfolument néceffaire devant Columbo, ne retournât fans avoir eu l'honneur de l'entrevue qui avoit été l'objet de fon voyage. Sa Maje&é informée du defîein que le Général avoit de partir, lui marqua par une lettre , que malgré fa maladie il lui donneroit audience le lendemain 8 d'Avril x tk le jour in> des Européens. 57 diqué on vit à midi fur l'autre bord D r j ■ * de la rivière les tambours, les trom- dc CcyUn» pettes, & la mufique particulière de chap. îx. l'Empereur , avec quelques perfon-nes de la première qualité pour accompagner le Général. Il traverfa la rivière à la tête de fa fuite : fut reçu par le Capitaine des Gardes-du-corps de l'Empereur ; fk fe rendit au quartier Impérial dans cet ordre. La marche commençoit par les Ilcftsâmii Gardes-du -corps de Son Excellence ; ^ l'Etape-fuivis des enfeignes & des étendardste>r-pris fur les ennemis , & qu'on traî-noit fur la terre : enfuite venoient les chevaux & les Muficiens de l'Empereur avec cinq éléphants apprivoisés , tout le chemin ^tant bordé de foldats. Quand les Hollandois furent entrés dans le palais, on ferma la porte, & ils furent introduits dans une lalle , où ils trouvèrent l'Empereur afTis fur un trône, avec plufieurs degrés pour y monter : tous lesCour-tifants fe proffernerent, & les Hollandois fe mirent à genoux, jufqu'à ce que Sa Majefté par un figne de tête leur marquât de fe lever. Quand le Général fut près du trône , il fit fine harangue élégante ? dans laquelle 3$ DÉCOUVERTES i)ef«iption"u an"ra SaMajeftc de fon inviola-di ceylan. ble attachement, lui marqua la re-Chap. ix. connoiffance la plus parfaite de l'honneur qui lui étoit accordé de lui faire fa cour, & lui protefta que les Etats de Hollande avoient le plus grand defir d'entretenir avec lui une intime amitié , &c de l'aider à chalTer de fes Etats une nation qui n'avoit prefque aucttU v'gard aux Traités & aux Alliances , quand il étoit de fon intérêt do les violer. Il offrit enfuite à l'Empereur quelques prélents de peu de valeur ; fe mit à genoux fur un couffin qu'on avoit pôle à deiTcin aux pieds du trône. &: eut l'honneur de baifer les mains de Sa Ma jeux , qui lui mit au col un collier d'or, & au doigt une bague rrcs précieufe. Le Général fe retira à quelque diffance, fit en peu de mots la récapitulation des avantages qu'il avoit remportés fur les ennemis ; l'Empereur l'écouta avec la plus grande fatisfadion , le fît approcher une féconde fois du trône j & lui donna une jarretière d'or , en Paffurant qu'il l'avoir portée lui* Fre'fcntî m^me* «*îï fait i Après cette cérémonie les préfents des Européens. 39 deilinés pour Sa Majeffé furent ap- Vt^..t\en portés. Il y avoit, entr'autres, un deCeyia». bouclier blanc , qui avoit autrefois cbaB. 1X# appartenu à un Seigneur Portugais , & un cimeterre dont la garde etoit un très bel ouvrage d'or tk d'agathe» En mettant ce cimeterre aux pieds de Sa Majefté , le Général lui dit qu'il étôit defriné pour le jeune Prince , afin qu'il l'employât contre fes. ennemis quand il feroit plus avancé en âge , tk contre les Hollandois» mêmes, s'ils avoient le malheur de mériter fon indignation ; compliment dont il parut que l'Empereur fut très fetisiait. Les préfents de la Compagnie à. PEmpereur confiftoient en deux beaux chevaux coureurs de Perfe , deux arcs aufli de Pcrfe ,. avec les flèches tk les carquois artiftement travaillés , un- canon de Turquie, une riche robe du Japon , deux lévriers „ deux moutons de Perfe , deux chèvres de Vifapour, & un morceau; de bois de Sandal. Les préfents pour le Prince étoient un beau cheval Perfan, deux fufils , dont les canons étoient d'un très-fccau poli : un baiîin d'argent ^deux 40 Dec o u vertes Dcfcripti^n pièces d'étoffe de Perfe travaillés eit de ccyian. OTj deux boëtes d'argent de la Chiner Chap. ix. une pièce de bois de Sandal, & une pierre de Cochon. Hort du Gé- Quariu on eilt examiné ces préparai Huift. fents, on donna ordre à toute la fuite de fe retirer, & le Général eut avec l'Empereur une conférence particulière d'un quart d'heure.* On le reconduifit enfuite à fes quartiers-en grande pompe y & il en partit le lendemain 9 d'Avril pour fon camp.-Il y arriva le foir, & trouva que les travaux du fiége étoient fort avancés : mais le 10, pendant qu'il en-courageoit les travailleirrs & les? foldats à l'une des batteries , il reçut une bleffure dans la poitrine, dont il mourut quelques heures après , & par cette mort, les Hollandois perdirent un des meilleurs Officiers-qu'il euUent encore eu dans les Indes, des Européens. 41 CHAPITRE X. Continuation du fiège de Columho : La ville fe rend : Calomnie fur la conduite des vainqueurs : Les défer-tears Hollandois font punis : Dif-pute de Raja Singa avec fes alliés: Il traite avec les Portugais , il en agit mal avec les Hollandois : Thyf-fen met en déroute quelques-uns de fes gens , & s'empare de plufieuxs Eléphants : Raja Singa fe rend Maître d'un des établiffemtnts Hollandois , il arrive du fecours de Batavia : VIfie de Manaar eft prift fur les Portugais 9& entièrement réduite par les Hollandois : Vanité d'un Kégre : Soins des Jefuites pour inf-truire les peuples : Les Portugais fe retirent devant les Hollandois , qui affiegent Jafnapatnam : La villt efl réduite, & quelque temps après le château fe rend par compoftion : Etat fâcheux de la garnifon : Découverte d'un complot fomente par Us Portugais : Puniticn des chefs. Joute Pljle efl réduite par les Hol-> 41 DÉCOUVERTES *l>rtiijnK>;r landais : Avantages qu'ils retirent dp Ceylan. de leur alliance avec l'Empereur. LE liège fut pouffé avec vigueur, malgré la mort du Général, qui .cXilbo^ eut pour fucceffeur Adrien Vander Meyden, Gouverneur de Puntegale, & les alîiégés furent réduits à une telle extrémité qu'une mere y mangea fon enfant. Pour augmenter leur calamité, la flotte Portugaife de Goa qui venoit pour les renforcer, & pour leur apporter des provifions, fiit défaite près de Tutocorin par quelques vaiiTeaux Hollandois, au lieu que ceux - ci reçurent dans leur camp du fecours de Batavia. Le 7 de Mai, ion Excellence donna fes ordres pour un aflaut général, mais on ne put emporter qu'un baflion , 6c même après la plus vi-goureufe réfiftance. Cependant on y établit un logement, 6c l'on en tourna le canon contre la ville, ce qui obligea les alîiégés à arborer le drapeau blanc fur les murailles. Le 12 la ville fe rendit par capitulation , la garnifon Portugaife en fortit avec tous les honneurs de la guerre , tambours battants 6c enfeignes dé- des Européens. 43 ployées jufqu'au quartier général , Defcriptio* où ils fe rendirent librement. Un dé- «fc ceylan. tachement des vainqueurs entra aufïï- chj x tôt dans Columbo, où l'on arbora le pavillon Hollandois, & c'elt ainli que cette place importante tomba entre leurs mains après un fiège de près de neuf mois , & après qu'elle eut été cent cinquante ans en la poflelïïon des Portugais. De treize cents hommes qui étoient dans la ville au commencement du (iège, le nombre fe trouva réduit à cent quatre-vingt-dix, entre lesquels il y avoit plulieurs eflropiés & même des vieillards, qui avoient aidé de tout leur pouvoir à la dé-fenfe de la place. On prétend que ce fiège coûta aux Hollandois plus de trois mille hommes , oc autant d'argent qu'il en auroit fallu pour bâtir un autre Columbo. Les Portugais ont avancé que Tmrutatien» leurs ennemis en s'emparant de l*îfSÏÏmd!SL place y commirent les plus grands défordres, qu'ils permirent qu'on pillât les habitants, que les prifon-niers furent très maltraités, & qu'on dépouilla & profana les images tk les Eglifes, contre les articles de la ca- 44 découvertes Wctfption pitulation réglés entre les Commanv de Ceyhn. dants : mais les Hollandois ont Sou-Chap. x. tenu que cette imputation étoit absolument faulTe. Notre Auteur allure que bien loin qu'on permît aucune licence , un Soldat pana par les verges pour un léger larcin , tant la difcipline étoit, dit - il, exactement obServée par Vander Meyden. Plu-fieurs déSerteurs Hollandois, qui n'a-yoient pas été compris dans le traité titrent exécutés aufïï-tôt que pris ; de ce nombre fut Simon Lopez de Bafto, qui avoit cauSé de grands dommages aux alTiégeants. L'Empereur Le butin qu'on trouva dans la îpj$21em ville fllt comPofé d'environ Sept charges de ris moifi, quelques baies de canelle, une afTés grande cjuan-tité d'arrack, vingt-quatre frégates légères, dont neuf étoient coulées à fond ; quinze cents écus d'or en argent comptant ; trente-trois balles de drap ; vingt-cinq cloches de bon métal ; Soixante canons de Sonte & Soixante Se dix-huit deSer,un mortier , dix mille boulets , {oixante 8>c cinq milliers de bonne poudre , cent cinquante milliers de poudre endommagée, & une grande quantité de des Européens. 45 fourrre & de falpêtre. Peu de temps £^3^ après, Raja Sin^a écrivit une lettre de Ceylan. très vive au Général Hollandois pour chap. x. fe plaindre, de ce qu'il n'avoit reçu aucun avis formel de la reddition de Columbo, prétendant que cette place devoit lui être remife, en conféquen-ce d'un traité paffé entre lui & le Général Hulft. Les Hollandois n'a-voient nulle intention de lui accorder fa demande : Vander Meyden lui répondit en termes très refpeç-tuenx pour s'exculer, & liii envoya en préfent un fauton , un épervier, & un fauconnier Perfan. Les fujets de l'Empereur commencèrent à commettre plufieurs hoffilités contre les Hollandois lorfqu'ils les rencontroient en petit nombre , & à faire leurs efforts pour enlever leurs provifions. On apprit aulTi par deux déferteurs que ce Prince avoit fait un traité particulier avec les Portugais , & qu'il leur avoit accordé plufieurs établiffe-ments très avantageux. Sa conduite en donna bientôt des preuves : non-feulement il réduifit en efclavage quelques Hollandois qui lui tombèrent entre les mains, mais il fit aufîî couper le nez &c les oreilles à ceux 46 découvertes ;!* . . .— de leurs efclaves qui eurent le mal-de c heur de le trouver en ion pouvoir. Cha x Les Hollandois eurent encore le chagrin de voir que les Cingalèfes qui étoient à leur fervice rompoient toutes leurs mefures, fans qu'ils puffent pénétrer dans les deffeins de Raja Singa. Cependant il y avoit lieu de croire que fon plan étoit de faire agir les Hollandois contre les Portugais , & les Portugais contre les Hollandois , en donnant toujours du fecours au parti le plus foible pour les empêcher de. devenir les uns ou les autres fi puilTants qu'ils puiTent ouvertement lui tenir tête. La politique naturelle lui faifoit juger que ceux qui auroient la fupériorité met-troienr fa couronne en danger , ce qui arriva réellement quand les Européens eurent enfin réufîi à s'établir folidement dans cette Ifle. Après la prife de Columbo, & de quelques autres places qui fe rendirent enfuite, l'Empereur voyant qu'on ne les lui remettoit pas entre les mains, comme il l'avoit toujours efpéré, ne fe reconcilia jamais fin-cérement avec les Hollandois, quoi-. que les Portugais n'euffent pas beau- des Européen s. 47 coup lieu de triompher de fa défec- De/cripnoB tion. Peu de temps après cet événe- œencerent à fe conduire tyrannique* ment. L'Empereur fut bien-tôt convaincu , que fi les Portugais étoient des voifins perfides, des fujets dé-fobéiflants, Se des Alliés infidèles , les Hollandois étoient encore plus pernicieux, & qu'il avoit perdu beaucoup au changement. Il efl: vrai qu'il > le mérita par la conduite artificieu-fe & peu fincère, qu'il tint avec U» deux partis. Fin de la Relation de Ceyla*, VOYAGE A^a/cZ> DE VEUROPEr Contenant une Defcription des côtes & des mines de Norvège, de la Laponie , de la Sibérie , de la Borandie , de I'Islande , de la Zemble y & de plufieurs autres pays, avec des remarques curieufes , à quoi Ton a ajouté quelques mémoires authentiques iur les anciennes mœurs &c fur les ufages des Ruiîès , tirés des obfer-vations d'un Voyageur employé par la Compagnie de la mer du Nord à Copenhague pour faire des Découvertes. CHAPITRE PREMIER. Obfervations fur ce Traité & fur fon Auteur : Ce qui a donné lieu à fon voyage : Defcription de la Baye dt Sckaloti Le vaiffeau efl en danger bés Européens. 59 d'échouer : H arrive fur la côte de. Norvège : V Auteur defcendà Obflo , où il eft très bien reçu : Il vijîtc '■ quelques endroits de l'ifle : Defcription des bâtiments, des bêtes ter-reflres , des oijeaux & des coutumes de la Norvège : Il va à la chaffe de VElan & ejl très bien traité par un Gentilhomme de Campagne : Mal caduc de ces animaux : Le vaiffeau met à la voile pour Berghen. Quoique le voyage dont nous voyage' allons donner l'extrait ait été fait il au Nord, y a plus de cent ans, plufieurs rai- chap. r, fons nous empêchent de le palTer An, l6sii fous filence, tant parce qu'on y trouve la defcription du terrein & aes l'Â^teui dew mœurs de quelques pays, dont on voyage, n'a eu jufqu'à préfent que peu de connoifTance, que parce qu'il mérite notre attention par la candeur avec laquelle il efl: écrit ; plufieurs cir-conftances étant aufïï propres à procurer de l'amufement qu'à augmenter nos connoiffances. L'Auteur qui étoit d'une famille honnête, fut nommé Chirurgien d'un vaiffeau, équipé par la Compagnie de la mer duNord , avec un privilège du Roi de Danae; Ç v) 6o découvertes \ o y a c e marck pour étendre le commerce } au Nx>rd. &; p0ur faire des découvertes con-Chap. i. jointement avec deux autres vers le An. i6sî Pôle Arctique. Nous fuivrons Tordre naturel qu'on trouve dans les mémoires de l'Auteur, excepté en ce qui concerne la Rufîie, parce que cette partie rompt le fil de fa narration , & nous la donnerons en forme d'appendix. îi met à la Au commencement d'Avril 16j 3 ^ Jpnbague?0 ( notre Auteur ) après nous être chargés de toutes les provifions ÔC des munitions néceffaires, nous mîmes à la voile du port de Copenhague en compagnie de deux autres vaif-féaux avec un bon vent de Sud-eit-Nous arrivâmes heureufement au détroit de Kat-Gat, qui fépare la mer d'Allemagne de la mer Baltique, paf-fage que les rochers rendent très dangereux r & qui s'étend depuis Elfeneur jufqu'à Schagerhor dans un efpace d'environ quarante lieues. Lorfque nous fumes vis-à-vis de Mailftrand , petite ville avec un port de mer à trente lieues de Copenhague , le vent s'étant mis au Nord nous fit retourner en arrière au moins de dix. lieues y ôc nous força fcde re» des Européens. 6ï lâcher à Schalot, le premier port oùvTTTg? nous mouillâmes. Nous jettâmes l'an- Nord, cre à l'abri du château, cmi paroît chap. i. prefque entièrement ruine ; mais la An. rade en efl: très bonne avec un bon promontoire très connu de tous ceux qui commercent dans la mer Baltique. Nous y demeurâmes trois jours, & le quatrième de grand matin , le vent s'étant tourné à l'Efl:, nous levâmes l'ancre pour continuer notre voyage : mais quatre heures après , le vent nous devint encore contraire,, l & comme il fouffloit avec violence , il Rous força de quitter la côte de Gottenbourg, que nous avions toujours eu en vue , & de gagner celle de Jutland. Nous la fuivîmes avec de grandes précautions, toujours la fonde à la main, à caufe des bas-fonds dont elle eft bordée. Si nous n'avions pas eu un habile pilote & de bons matelots, nous aurions certainement échoué, n'ayant trouvé dans un endroit que trois bralTes & demie d'eau : mais nous travaillâmes avec la plus grande a&ivké, & ayant recouvré l'avantage du vent, nous nous troiir vâmes en une heure ôt demie avf« quinze pieds de fonds». t^o v a g e Nous pourfuîvîmes notre cours ^ au Nord, en côtoyant des bancs de fable l'ef-Chap. i. pace de deux lieues : mais quoique An. Msi- nous eufîions ferlé toutes nos voiles il eft pré»^ ^exception de celles du grand mat, d,éckouer,&& que nous fifïïons tous nos efforts ©Tflo/ Pour ^es éviter, nous fûmes jettes fur une barre, où nous nous trouvâmes auffi fortement arrêtés que fi nous y eufuons été à l'ancre. Nous aurions eu beaucoup de peine à nous tirer de cet endroit fi le vent ne s'é-toit tourné un peu au Sud-eff, & ne fut devenu très frais, ce qui nous mit en état de nous en dégager. Quelques jours après nous fûmes à la vue de Chriftianfand, promontoire de Norvège, qui prend fon nom d'un petit village qui efl au pied , avec un port très fur. Nous n'y demeurâmes que très peu, & le lendemain nous arrivâmes à Chriftiana ou Obflo, ville capitale d'un des cinq gouvernements de ce royaume. Nous fumes très bien reçus par les agents de la Compagnie , l'un d'eux qui étoit un marchand fort effimé, dont j'étois un peu connu, me combla de politeffes. Non - feulement il &tisfît ma cwiofité, en me faifanjj des Européens. 63___ remarquer tout ce qui méritoit d'être voïuï vu , mais de plus il donna ordre à au Nor(1* un de fes domeftiques , qui parloit chap. I. affez bien François, de m'accompa- An. um gner dans une promenade que je fis le lendemain au-dehors de la place. Nous montâmes à cheval pour gagner un gros village nommé \Visby, finie entre deux collines , environ à neuf milles de Chrifliana. Les maifons en font bâties de bois, & couvertes de gazon : elles font très baffes , fans aucun fer & fans fenêtres , à l'exception d'un treillis placé au toît pour donner paffage à la lumière. Il faut remarquericipour empêcher de confondre l'une avec l'autre, que la Capitale de la Gothie où l'on a fait les fameufes loix marines , porte auflî le même nom. Les payfans de Norvège font tous d^c*"pti** pêcheurs , & efclaves de la nobleffe : UJ?a7S* mais très fimples &: forthofpitaliers : • les femmes, qui gardent les grands troupeaux dont ce pays eft rempli y ont en général une figure très agréable, quoiqu'elles ayent les cheveux rouges , & font paffionnées pour les étrangers. Elles font aufîi très bonnes ménagères ? ôc font ordinairement v" o y a o ttous ^es habillements de la famiïfei »u Nord Le pays eil excellent pour la charTe^ Chap. i. pon y trouve des Elans, des cerfs , A«. 16-53. des chevreuils , des fangliers, des chèvres, des lapins , des lièvres,. des loutres, des lynx tk des chats fau-vages de diverlès couleurs, avec une grande quantité d'oifeaux également iauvages. La Norvège eft. un paya montagneux, couvert de très bons pâturages tk de très beaux bois , mais il ne produit que fort peu de grains, tk les habitants en tirent d'autres endroits qui leur en four-nifTent abondamment. En revenant à Chriftiana , nous trouvâmes un Gentilhomme du voifinage , avec deux valets tk plufieurs chiens, qui alloit à la chafTe de l'Elan. Il connoif-foit l'homme qui m'accompagnoit y & ayant appris de lui que fétois étranger , il m'invita à partager fon amufement y ce que je fis avec plai-fir, ayant afîes de temps à pouvoir y employer. Après avoir fait environ un mille avec lui, nous trouvâmes fon pïqueur , plufieurs de fes domeffiques, tk dix ou douze pay-fans, qui nous conduifirent trois mille» plus loin dans ua bois rempli de biuj^ des Européens. , 65 . fons : nous mîmes pied à terre en y v 0 Y A G^ entrant, & nous donnâmes nos che- Nor*« vaux en garde à un de fes gens. ChaPii. Les préparatifs de la chaffe avoient Alu l6sit été faits le jour précédent par les vaf-. faux du Gentilhomme, & nous avions à peine fait cinquante pas dans le bois quand nous apperçûmes un Elan ; mais en peu de temps il tomba mort, faifi, comme on me l'a prit, du mal caduc , ce qui lui fait donner dans le pays le nom d'Elk, qui lignine une créature miférable : il paroît que ces animaux tombent fort fouvent de cette manière dès le commencement de la chaife , fans procurer aucun diverthTement. Sans cet accident, je crois que nous aurions eu beaucoup de peine à le forcer , puifque nous fumes plus de deux heures à la pour-fuite d'un autre, que nous aurions vraifemblablement manqué s'il ne lui étoit aufTi arrivé le même accident. Avant de tomber il tua deux chiens avec fes pieds de devant, ce qui cau-fa tant de chagrin au Gentilhomme qu'il quitta aufTi-tôt la chafiè. Il fit venir un chariot pour emporter les deux Elans, & inlîfta pour que nous l'accompagnaifions à fon château, 66 DÉCOUVERTES Voyagé **tu^ environ à quatre milles deWisbyj au Nord. Le bâtiment en étoit très vilain , fans Chap. i. goût & fans élégance , mais nous y An. KJ53. fûmes traités avec autant d'abondance que d'agrément. Préjugé fur A mon départ, mon hôte me pré-iwiiaus. fenta les jambes gauches des Elans, en m'afliirant que c'étoit un remède immanquable contre le mal caduc. Je le détrompai de fon opinion, en lui faifant obferver que c'étoit une erreur populaire, puifque l'Animal lui - même ne pouvoir fe guérir de cette maladie. ïl m'avoua que depuis long-temps il foûpçonnoit que ce remède n'étoit pas aufïï falutaire qu'on le prétendoit, mais qu'il en étoit convaincu par mon raifonnement, &: qu'il penfoit même qu'on s'expo-foit à gagner ce mal, en mangeant de la chair d'Elan : en effet plufieurs exemples peuvent fervir à prouver les effets pernicieux de cette efpèce de nourriture. . Nous panâmes la nuit chez ce Gentilhomme, où nous déjeunâmes le lendemain matin, & nous revinmes enfuite à Chriftiana. Après y être refiés quelques jours, nous mîmes à la voile pour Berghen, l'un des meil- DES EUROPÉENS. 67 leurs ports de l'Europe, où nous vTTTg* avions ordre de décharger une par- ™ Nord, tie de notre cargaifon. Nous eûmes chap* 1u avant de nous y rendre, un calme An. itm de cinq jours, pendant lelquels nous péchâmes aiTés de poilTon, pour qu'il nous lèrvit long-temps de proviiion. CHAPITRE II. Defcription de Berghen, commerce par* ticulier de cette ville. Singularité d'une Compagnie de Marchands qui s'y font établis. VAuteur arrive à Drontheim 9 & fait un voyage aux mines d'argent & de cuivre : Manière dont il y ejl reçu : Il defcend dans une mine , dont il donne la. defcription : Une fièvre le met en danger: Règlement des mines, & amufements de ceux qui y travaillent : Hofpitalité d'un Payfan : L'Auteur retourne à Drontheim 9 & continue fon voyage au Nord : L'équipage du vaiffeau acheté le vent d'un prétendu Magicien. BErghen eft partagé en ville JJjjJSj haute, & ville baffe : la der- e "£ 8B< niere eft bâtie fur le bord de la mer. v o y a g t k première fiff des rochers plus7 au Nord élevés. Cette ville eft grande, d'un Chap. u. commerce fort étendu : elle étoit au-An. trefois le fïége d'un Archevêque, mais elle a perdu cet honneur depuis la réformation, qui y efl la religion dominante, ainfi que dans tous les Etats du Roi de Dannemarck. Le Palais Archiépifcopal a été donné aux villes Hanféatiques, pour faire la ré-fidence de leurs anciens Marchands, autant de temps qu'ils demeurent feuls : mais quand ils fe marient, ils font obligés d'en déloger. Ces Marchands font appelles Moines, quoiqu'ils ne foient affujettis à aucune régie, & leurs magafins portent le nom de cloîtres. Berghen étoit autrefois fournis à la jurisdiclion d'un Couvent ; les principales branches de commerce de cette ville, font le ha-rengh, le merlus, & le flockfiche, qu'on vend très bien en Mofcovie, en Suéde, en Pologne, en Dannemarck, en Allemagne, & en plufieurs autres pays de l'Europe. Une partie de notre cargaifon, compofée particulièrement de pain & de bierre , étoit deflinée pour Drontheim, où nous devions la re- ■des Européens. 69 mettre à FIntendant des mines d'ar- v 0 y A c E gent ôt de cuivre, pour l'ufage des a» ^ord« hommes qui y travailloient. Nous chap. 11. mimes à la voile pour cette ville, An. ma. avec le vent Sud - oueft : mais nous eûmes un calme de plufieurs jours , pendant lefquels nous péchâmes une grande quantité de klip-nche, que nous mîmes dans des barils , parce que nous en avions beaucoup plus que nous ne pouvions en confom-mer. Ce poiffon eft une efpèce de merlus, que les Allemands appellent Idip-fîche, qui fignifie poiffon de rocher, parce qu'on le trouve toujours ou fur des rocs, ou deffous. Lorfqvie nous fumes arrivés à ^'^u^o"" Drontheim, nous priâmes l'Intendant [hcim. de faire décharger notre vaiffeau le plutôt qu'il lui feroit poffible ,mais il nous dit, que cela n'étoit pas en fon pouvoir, parce qiul y avoit un Of-iicier particulier, qui étoit alors aux mines, & dont les fondions com-prenoient la Surintendance des pro-vifiofis deftinées pour les travailleurs. L'Intendant offrit d'envoyer un homme à cheval pour lui donner avis de notre arrivée, & j'obtins la permif-fion de l'accompagner. Le chemin 7<» découvertes Y*0 ' A G E qui conduit aux mines efl fi rude, que au Non», nous ne pûmes aller ce jour plus Ch»p. il. loin que Steckley, qui n'eft qu'a dix-An. ion. huit milles de Drontheim. Le lendemain nous panâmes un bois très-long , rempli de fangUers, de loups &C de lyns, ce qui le rend fort dangereux. il fait un Le foir nous atteignîmes au but joyage aux de notre voyage, & nous logeâmes aux forges, où, fuivant la coutume, nous fumes régalés de tabac, de bierre, & d'eau-de-vie, par ceux qui ont le foin des mines; notre hôte pouffa fi loin i'hofpitalité, que nous en prîmes plus qu'il n'étoit convenable, avant de nous mettre au lit. Je fis connoiffance avec un Officier des mines, qui parloit François, &z qui me promit de me fervir de guide, fur le défîr que je lui marquai d'y defeendre. Le lendemain marin celui avec lequel j'étois venu de Drontheim, partit pour y retourner rivec un homme chargé du foin de faire décharger les vauTeaux,3e déjeûnai avec l'Officier qui parloit fran-çois, & un maître des mines, chez qui j'étois logé, & qui promit également de me bien guider. des Européens. .71_ Après le déjeuné , qui fut fplen- v 0 Y A G » dide, parce que les Norvégiens en au Nord, général, aiment la bonne cbere, nous chap. il. fortimes des forges, & environ à foi- A -Xante pas nous trouvâmes 1 embouchure d'une des mines, fur le fom-mer d'une montagne fort haute. On avoit élevé au-defTus de l'ouverture une machine qui rellembloit allés à une Grue, que font tourner deux grandes roues , conduites chacune par un homme, ce qui fert à tirer la matière hors de la mine. Le maî-tre de la mine 6c moi nous nous mîmes dans un baquet de bois, on attacha nos mains avec des gantelets de fer, & l'on nous defcendit à cinquante toifes de profondeur. Je ne crois pas qu'on puine ima- Defcripti*m gîner un féjour plus aifreux , que ce-d'u** ^13** lui où je me trouvai, & que rien dans la nature puine mieux repré-fenter les régions infernales. Des cavernes , dont le terrein raboteux ne permet pas de faire quatre pas fans être en danger de trébucher ; des tourbillons d'un feu violet, qui fe répandent de toutes parts ; des êtres qui renemblentplus à des habitants des enfers, qu'à des créatures humai- 71 DÉCOUVERTES Voyage nes » tous ces °kjets femblent réunis *u Nord, pour imprimer dans l'a me la ter* .! Chap. u. reur la plus fombre. Ces hommes s font habillés de cuir noir, & cou-' 'SS3> ^erts de côtes de maille, avec des pièces du môme cuir, attachées autour de leur tête, précifément fous les yeux, & qui leur tombent fur la poitrine, outre un tablier de fem-blabîe matière. Tous ont leurs différentes occupations, les uns fépa-rent la matière minérale de la malfe ; d'autres cherchent de nouvelles veines du métal ; & d'autres font chargés de veiller fur les torrents d'eau qui s'élancent fouvent des entrailles ' de la terre, & les mettent tous dans un danger imminent d'être fubmer-gés : mais quand on peut en prévoir les fuites , il eft. plus facile d'en prévenir les inconvénients. Le maître de la mine s'imaginant que j'étois près d'être faili d'un accès de frifTon , très commun dans ces fouterrains, fonna une cloche , pour fervir de lignai à ceux qui de*-voient nous retirer, & nous fumes remontés avec la même facilité qu'on nous avoit defeendus. Je n'ai jamais éprouvé de fenfation plus agréable, que des Européens. 73 crue la falubrité de l'air frais que jev 0 yA G* refpirai, après avoir eu la poirrine au Ncra. chargée des vapeurs pernicieufes de chaP* cetre habitation fouterraine. a«. Je dînai le même jour avec l'Officier qui parloit françois: c'étoit un homme que les voyages avoient poli , & il me traita très bien. Après le dîné nous montâmes à cheval pour aller aux mines d'argent, nous trouvâmes l'Infpe&eur, qui nous préfen-ta à chacun un verre d'eau-de-vie , &C nous régala de bierre & de tabac. Il fe rendit enfuite avec nous aux forges, éloignées d'environ un mille de fa maifon, d'où nous allâmes à l'embouchure de la mine; on nous y defcendit comme dans celle de cuivre, & tout ce que j'y remarquai , me parut totalement femblable. Les Mineurs ne travaillent jamais DesMukmé en Hiver: pendant le Printemps & l'Automne, ils ne font occupés que trois heures le rtfatin, & autant l'a-près dîné : mais en Eté ils travaillent quatre heures le matin, & cinq après leur repas. Le refte du temps ils le panent fort gayement, ils font paf-ûonnés pour la danfe, & la bonne Tom. VIL I> 74 DÉCOUVERTES v o .■ „ v chère : ils ont des violons, des haut-au Nord bois, 6c d'autres inftruments qui re-€nap, il. veillent les efprits, & font très en An. un. état d'en faire les frais , puifqu'ils gagnent un écu par jour, foit qu'ils travaillent, foit qu/ils ne travaillent pas. J'ai eu occalion de les voir dans leurs amufements, dont la fimplicité m'a procuré le plus grand plaifir. Ces mines produifent un revenu très confidérable au Roi de Dannemarck, t &c l'on fabrique une grande quantité d'efpèces d'argent fur le lieu même , auiîï-tôt qu'il eft rafiné. Après avoit vu tout ce qui me parut mériter quelque attention , nous retournâmes à la maifon de i'Infpe£teur, qui nous donna pour collation le régal ordinaire de bier-re, de tabac , 6c d'cau-de-vic, ce qui fut fuivi d'un louper ïplendide. Le lendemain, le contremaître des mines 6c moi, nous fîmes nos re-merciments à notre hôte fur fa bonne réception, 6c ^pus revînmes aux mines de cuivre. Je pris congé de l'Officier qui parloit fançois, 6c je repris la route de Drontheim, accompagné du Contre-maître. pllnS.* ^a nuit nous furprit avant qUe "b e s Européens. 75 nous euiîïons fait huit milles de che- voyage min, Se nous fumes obligés de nous a» Nord, arrêter dans un village, à la maifon chaP. il. d'un Pavfan, qui fe crut très honoré An. de cet événement, 6c fit tous fes efforts pour nous bien recevoir, U •nous donna d'abord la bierre, le -tabac, Se l'eau - de - vie dilfillée de JDréche : enfuite il nous fervit pour le fouper, deux phaifans Se un lièvre -qu'il avoit tués depuis peu. Après le repas nous continuâmes à boire de la bierre & de l'eau-de-vie, au milieu des nuages épais de la fumée d« tabac. Le Contre-maître tomba enfin ivre-mort, ce qui donna la plus, ■ ■ grande fatisfac~fion au Payfan, qui ie hâta de fe mettre dans le même état, & ma fituation approchoit de bien près de la leur. C'eif la coutume du pays, Se il n'elt pas poffible de s'en garantir, quelque rang qu'on y tienne, parce qu'ils n'ont point d'autres idées des plaifirs de la focié-té, que de fe réunir pour s'enivrer & faire la débauche. Lorfque-nous en eûmes fuffifamment, nous pallâ-mes le relie de la nuit fur de la paille fraîche, dont on avoit couvert le plancher pour notre repos, Se nous Dij a 7*5 DÉCOUVERTES ,v o r a g n Y dormîmes jufqu'au matin. Je fus le au Nord, premier éveillé, & je fis entendre Chap. u. par fignes au fils du Payfan, qu'il An. falloir préparer promptement nos chevaux, parce que j'avois deffein de gagner Drontheim le jour même, s'il étoit pofîible. Aufïï-tôt qu'ils furent fellés, j'éveillai mon compagnon, & notre hôte : nous recommençâmes à boire & à mangtr, plus que je ne le voudrois faire habituellement ; nous prîmes congé du Payfan , nous montâmes à cheval, &c nous arrivâmes à Drontheim avant la nuit. Il remet à la Deux jours après mon retour, le roik. vaiffeau étant déchargé, & muni de tout ce qui nous étoit néceffaire, nous mîmes à la voile avec un bon vent, pour continuer notre voyage vers le nord. Après quelques jours de cours, nous eûmes un calme fous le cercle polaire , & quelques - uns des gens de notre équipage, s'étant imaginés que les habitants de la côté voifine, femblables à ceux de Finlande , avoient le pouvoir de commander aux Eléments, & de difpofer des vents : notre Capitaine envoya à terre la chaloupe, avec le Contre-, des Européens. 77 maître, que j'eus la curiofité d'ac- v o y a g a compagner ; nous eûmes ordre d'à- au N°rJ» cheter un bon vent, marchandifb qui Chap. 11, nous étoit certainement plus nécef- An. un* faire que toute autre, dans notre fi-iuation actuelle. Nous defcendîmes au premier vil- Prétendu» lage que nous découvrîmes , 6c le vendent le' Contre-maître , qui parloit un peuvcnt» le langage du pays, demanda le principal Négromancien. Il lui dit qu'il voidoit acheter un bon vent, qui pût durer jufqu'à Mountmanskinere : mais cet homme lui répondit, que fon pouvoir ne s'étendoit que juf-qu'au promontoire de Rouxella. Le Contre-maître jugea que fi nous nous rendions promptement à ce promontoire , ce feroit pour neus un grand avantage, 6c il invita le Sorcier à fe rendre à bord avec nous. Il fit fon marché avee le Capitaine, promit qu'il auroit immédiatement un vent favorable jufqu'à Rouxella : attacha à notre mât de mifaine, une bande d'étoffe de laine d'environ un pied & demi de long, 6c d'un demi-quartier de large , où il fit trois nœuds, en recommandant de délier le fécond , 6c même le troifieme, s'il ar- 78 DÉCOUVERTES V o v a c, i:rivoit que le vent changeât: on lut au Nord, donna pour récompenfe dix kronen, Chap. u. qui valent environ trente fchellings,' An, i6si: & une livre de tabac, après quoi il retourna au rivage dans un petit bateau de pêcheur, qui l'avoit conduit à bord. Peu de temps après fon départ^ le Capitaine défit le premier nœud, conformément à fes initruftions, Ôc il commença auffi-tôt à fouffler un vent frais de Sud - oueft, qui nous ehafla avec vîteffe, au moins à trente lieues de Maelftroom, gouffre de la mer de Norvège, fatal à un grand nombre de vaifleaux. Les Pilotes qui connoiflent bien la côte, fe tiennent toujours à huit ou dix lieues en mer, non-feulement pour éviter ce gouffre , mais aufli pour fe garantir de plufieurs barres voifines du rivage, ainfi que des rochers dT)ftraford. Le vent commençant à tourner un peu du côté du Nord, le Capitaine lâcha le fécond nœud, & il fe rétablit comme il étoit d'abord, ce qui dura jufqu'à ce que nous enflions atteint Rouxella. Quand nous eûmes pafle le promontoire, l'aiguille; clé-, riva de près d'un demi-pouce, cV des Européens. 79 notre Pilote n'eût pas été un hom-v Q Y A G * nie très habile, & qui connoiflbit au Nord, parfaitement la route , nous aurions chap. il. perdu certainement notre cours. Il An, iôsî,' ferma le compas de mer, & fit mettre un pavillon au petit hunier, pour fervir de fignal aux autres vaifleaux, afin qu'ils dirigeaffent leur manœuvre fur le notre. Nous voguâmes ainfi pendant deux jours , le Pilote fe conduisant par fes cartes marines : mais le troifieme , comme nous nous trouvâmes à une afles grande difïance de Rouxella, l'aiguille reprit fa direction naturelle, d'où nous jugeâmes que nous approchions du Cap Nord. Le vent commençant alors à nous manquer, le Capitaine délia le troifieme nœud, &c aufli-tôt il fouffla avec force du Nord-eft ; mais ce vent fût bien-tôt ftiivi d'une horrible tempête. Nous fumes alors obligés de plier toutes les voiles, & de courir les mats raids, ce que nous regarda-. mes comme une jufle punition de notre commerce infernal. Nous étions à plufieurs lieues de la côte de la Laponie Danoife, fans aucun danger d'être jettes fur la terre, & nous croyions aufli n'avoir à craindre au- D iv 8o découvertes } o y a r, t cun rocher, lorfque nous en tou-■u Noid châmes un. Aufîï-tôt que nous fen-Chap. u. tîmes le choc, nous nous jugeâmes An. i6st. perdus, & chacun commença à avoir recours aux prières : mais par un bonheur inexprimable, la mer agitée , amena une haute vague qui nous enleva par-demis; cependant le vaifTeau avoit fouffert quelque dommage : deux ou trois planches du fond de cale étoient brifees, & il s'étoit fait au-denus de la quille une petite fente, par laquelle l'eau entra en allés grande abondance, ce qui nous obligea de travailler fans relâche à la pompe, autrement nous ne ferions pas reflés long - temps à la furface de la mer. Enfin la tempête s'appaifa, le vent nous devint favorable, & nous réfolumes de gagner le port le plus proche pour nous radouber ©es Européens. Si voyage au Nord. Chap. III. CHAPITRE III. im Comment on peut expliquer naturelle* LE le&eur a vu fans doute avec €onjefiwej r • r fur la rentt iurprile, ce que nous avons rap- des vents,, porté de la puiffance prétendue fur-naturelle de ces peuples feptentrio-naux, qui font un commerce du vent: mais on ne peut douter, que femblables à toutes les autres efpè-&es de forts, ou de magie, cett£ ment tuf âge de vendre le vent pratiqué par les peuples feptentrionaux-Le vaiffeau arrive fur la côte de Wardhus, & entre à Varanger pour être radoubé: De quelle façon tè-quipage y efl reçu : Abrégé de la religion, des fuperjlitions , des ufa-ges, & des Mœurs de la Laponie : Les femmes y font prodigues de leurs faveurs : Defcription des habillements de la nation ; On y prend fouvent le Chat noir pour un efprit familier : VAuteur & quelques-uns des hommes d'équipage , font un voyage dans le cœur du pays; Pv, ro y "a otPll'^ance n'a'r *on fondement dans an Nord, la fraude, tk dans Padreflè à en im-Chap. m. pofer au public. Ceux qui s'y atta-An. ion. chent , étudient les variations du temps, avec le plus grand foin, 6c par une fuite d'obfervations, ils fe mettent en état de prévoir les changements de vent pluiieurs jours devance. Quand ils font un de ces marchés , ils ont foin de n'en Venir à la conclufion, que lorfqu'its appcrçoi-vent des fignes certains qu'on aura dans peu le vent qu'on demande. Notre prétendu Sorcier déclara, que fon pouvoir ne s'étendoit pas plus loin que Rouxella , parce que réellement fes obfervations étoient limitées à ce point, 6c s'il avoit voulu en promettre davantage , il auroit été en danger de perdre fon crédit, n'ayant aucune certitude fur les vents au-delà de cet endroit. Nous avons tiré cette remarque de quelques per-fonnes intelligentes, qui ont demeuré en Mande, où il y a des gens fameux pour cette efpèce de trafic, 6c qui difpofent des vents , avec plus d'affurance que dans tout autre endroit, parce qu'étant dans une ifle, .où ils ont la mer libre de tous les des Européens. S 3 côtes, ils peuvent faire avec plus de v 0 Y A G s facilité leurs obfervations fur les va- au Nord, nations du vent. Chap. 111. Cette efpèce de connoilTance eft An, 16$$ bornée à un petit nombre de gens, qui prétendent .difpofer du vent, comme d'une marchandife qui leur appartient. Par cet artifice ils fe fou- -mettent leurs voifins, & font payer une efpèce de tribut aux étrangers. Cette conduite, foi - difant diabolique , ne doit pas paroître furprenan-te dans un climat enveloppé des ténèbres de l'ignorance, & où la feien-ce peut à peine envoyer un foible rayon de la lumière: mais ces ab-furdités fe détruiront à mefure que la raifon & la religion feront des progrès, &: la barbarie &£ l'erreur feront toujours forcées de fe retirer devant elles. Comme les ports'& les anfes font iiarriveei prefque inaccefîibles, à caufe de laLaP0I4ie« multitude des rochers qui bordent la côte, nous fumes obligés ( continue notre Auteur) de tenir la voile pendant deux jours avant de trouver un port commode. Enfin nous abordâmes à la côte de Wardhus, ville .Capital* de la Laponie Danoife, où Voyage u Y a deux Compagnies de foldats au Nord, des troupes du Roi de Dannemarck. Chap. ni. Le Receveur des droits impolés aj>. i6n. fur les étrangers, qui trafiquent dans la mer blanche, foit par importation, foit par exportation, jugeant que nous étions Danois, tant par nos pavillons, que par le falut que nous fîmes au Château, nous permit de nous rendre à Varanger fans aucune vifite. Le pays des environs hous parut entièrement fauvage, Nord, leurs filets s'il leur arrive de ne pêcher cll3P- M1, qu'un feul peiflon à la fois , ce qu'ils An. i<>;3* regardent comme un terrible prog-noftique, & comme le préfage de quelque malheur prochain. Les hommes tk les femmes font de petite taille , mais forts tk actifs ; ils ont le vifage large & le nez plat : leurs yeux font petits comme ceux des cochons, tk leurs paupières faites de façon qu'en regardant ^ ils femblent avoir la vue trouble. Leur teint en général ' eft très bafanné, tk ils font biutaux tk fort adonnés à la débauche. Les femmes , quand elles peuvent fe dérober à la vigilance de leurs maris fe proïtituent au premier venu fans aucune délicatefTe. Elles portent fur la tête une coeffe ornement* de gros cannevas, aflèz reffemblante d;s femmf5« à- celles de Norvège, tk leur linge en gênerai n'efl guères plus magnifique. Leurs cheveux font ordinairement trèfles en deux queues qui pendent de chaque côté. Elles ont une eipèce de fraife large de huit doigts. Leurs habits tk leurs bas font de drap» profile* ou de peau.de Rennes, donc v o y a g t *e e^ tourn^ en dehors : leurs tu Nord, fouliers relTemblent affés aux fabots Chap. iji. des payfans de France, fans attaches An. 1653. & faits de peau de poiffon avec les écailles. ^«hommef ^es na^'its ^es bommes qui font ' très courts, & ne defcendent guères au-deffous des hanches ; leurs culottes, leurs bas & leurs chapeaux font de peau de Rennes, dont le poil eff tourné en dehors. Les chapeaux, ou plutôt les bonnets font bordés d'une bande de fourure de Renard blanche ou grife. Quelques-uns portent des bottes de peau de poiffon, dont les coutures font fi bien faites qu'à peine les peut-on reconnoître. Leurs maifons ne différent que très peu de celles de Chrifhana, & le jour entre de même par une petite ouverture faite au toit. Ils vivent comme les autres Lapons , & même comme prefque tous les peuples fep-rentrionaux, mêlés les uns avec les autres, maris &: femmes, fils & filles, maîtres & valets : tous fe couchent fans aucun cérémonial au milieu de la chambre fur des peaux d'ours } qu'on a foin d'ôter & de rouler 1^ matin jufqu'à la nuit fuivante, Des Européens. 89 Il y a dans chaque maifon un gros v 0 Y chat noir, auquel le maître parle au Nord, quelquefois pendant une heure , com- chaP. m. me à une créature raifonnable, & il An |6„ l'accompagne partout, foit à la chaiTe, Lcuramirii foit à la pêche, foit à la promenade; pouricscbaw, fi j'avois été fuperftitieux , ils m'au-roient confirmé dans l'opinion que ces peuples font des forciers, & qu'ils ont un efprit familier fous la figure de cet animal. Lorfque nous eûmes déchargé le vaiffeau, nous le tirâmes à terre, & nous trouvâmes que les habitants de Varanger étoient difpofés à nous aider autant qu'il étoit en leur pouvoir. Le bâtiment étoit fort endommagé : nous avions befoin de bois pour le radouber, & ils nous fournirent promptement tout celui qui nous étoit nécefTaire, qu'ils apportèrent d'une montagne voifine. Comme il y avoit lieu de croire j,>Aut«ir que la réparation du vaiffeau occu- 6« un voy*j peroit quelque temps ; le Supercargo pay?,ans l€ nous propofa à mes deux aides & à moi de faire un voyage dans le pays, pour connoître quelles fortes de marchandifes on en pouvoit tirer, & nous y consentîmes volontiers. Voyage ^ e^ vra* ^ue *e c^nr ^e Satisfaire au Nord, ma curiofité eut* plus d'effet fur moi ehap. m. que celui d'étendre le commerce. An. 1553. Après nous être munis de bœuf falé , de porc, & de bifcuit pour nos provifions, avec du drap & du tabac pour trafiquer, nous nous mîmes en marche le 12 de Mai, conduits par trois habitants de Varanger. Ils nous firent pafTef fur des montagnes très hautes, & par des bois fort ferrés, oit nous ne vîmes rien de remarquable, excepté à quatre heures après midi, où nous apperçûmes des ours blancs, d'une gronèur prodigieufe qui s'ap-prochoieht. Nous crûmes qu'ils venoient pour nous dévorer: mais nos guides ne firent que rire de la terreur que nous caufoient ces animaux, & ils nous afïïirerent que nous n'avions rien à craindre, & qu'ils ne nous attaqueroient pas fi nous tenions nos armes en état. Nous reconnûmes bien-tôt qu'ils nous difoient la vérité, & d'abord que nous eûmes préparé nos fufils, les ours prirent la fuite avec précipitation , foit qu'ils fufiènt épouvantés du feu qui fortit de nos pierres , foit qu'ils fentilTent l'odeur de notre poudre, ce que je ne puis décider. des Européens. 91 Une heure avant la nuit, comme v 0 y a c * nous defcendions une montagne , au Nord, nous vîmes à quelque dillance un chap. uÉ troupeau de bêtes affés femblables An. ic5* à" des cerfs, tk nos guides nous di-rent que c'étoient des Rennes. Nousc; pJJ^Sj arrivâmes peu de temps après à un ■***■««■< village compolé d'environ douze mai-fons écartées les unes des autres, nous nous arrêtâmes dans une pour y loger. Nous étions excefTivement fatigués, ayant fait une longue journée avec nos paquets fur le dos, tk nous étions très contents de nous re-pofer. Nous donnâmes à notre hôte un bout de tabac, ce qui parut lui être très agréable, tk- par reconnoifTance il nous préfènta fa bouteille d'eau-de-vie , avec du poiffon fec tk de la chair de Renne accommodée fans fel. Ces mets n'étant pas de notre goût, nous les donnâmes à nos guides , tk nous nous régalâmes de ce que nous avions apporté,»après quoi nous nous couchâmes fur des peaux d'ours fuivant l'ufage du pays. Le lendemain matin nous trafiquâmes avec notre hôte, tk avec quclques-wns de fes voifins du drap &c du tabac pour des peaux de loup, de ci DÉCOUVERTES Voyage renard > & d'écureuils blancs, avec au Nord, quatre garnitures d'habits de peau de Chap m. daims, qui font des doublures très An i£ nos marchandifes dans un des traîneaux, chacun de nous fe plaça dans le fien couvert d'une peau d'ours , nous élevâmes nos ar* mes au - deffus de nos épaules attachées avec d:ux couroyes de cuir placées dei rlère le traineau pour nous dés Européens. 9$ tenir fermes , & on nous donna à v 0 Y A G B chacun un long bâton garni à l'ex- au Nord, trémité d'un fort contrepoids pour CnaP*11 contrebalancer le traineau , s'il arri- An. voit qu'il fut en danger d'être ren-verfé par les racines des arbres, ou par les pierres qui pourroient fe rencontrer fur la route. Lorfque nous fumes près de partir, notre hôte marmotta quelques mots à l'oreille de chacune de nos rennes, & j'appris depuis par notre guide , que c'étoient des inftru&ions qu'il leur donnoit , pour qu'elles nous conduififfent où nous voulions aller, la crédulité & l'ignorance étant li grandes dans ce pays, qu'ils s'imaginent que ces bêtes les entendent. Elles font au refte li bien accoutumées à cet ufage, qu'aufli - tôt que le payfan eût celle de parler aux fix, elles nous emportèrent avec une vîtelTe incroyable, fans fuivre aucun chemin fraye, & ne s'arrêtèrent qu'à fept heures du foir dans un village iitué entre deux hauteurs fur les bords d'un grand lac. Elles firent halte à la quatrième maifon, où elles jugèrent à propos de nous conduire par préférence, & commencèrent à 94 Découvertes \ o y a o i-battre fortement du pied fur la terre^ au Nord, comme pour annoncer notre arrivée. Chap. m. Le maître de la maifon, & quel-An. ques-uns de fes hommes fortirent à ce bruit, détachèrent nos conductrices, & nous mirent nous mômes en liberté, après quoi ils nous prér fenterent a chacun une rafade d'eau-de-vie. C'étoit un extrait de Genièvre, qui eft très commun en ce pavs, & qui fert à faire tous leurs vafes de bois. Il paroît que leur defTein en nous donnant ce reftaurant, fut de rappeller nos efprits, parce que notre guide leur avoit dit, que nous avions été fort effrayés de nous voir emporter avec autant de vît elle, n'étant pas accoutumés à cette manière de voyager. Défection Les Rennes font de la groffeur, &c ges Rennes. de ja couleur d'un Cerf, avec les pieds fourchus de même, & des fa-bots femblables à ceux du bœuf. Leurs cornes font plus hautes que celles des Cerfs, mais elles n'ont pas tant de rejettons. Les femelles donnent du lait comme les vaches, les Laponois en font de bon beurre & du fromage. Ces ainimaux vivent de moufle, qu'on trouve par tout des Européens: 9$ dans ce pays, & on les attache avec v Q y A f ' un collier de cuir aux côtés du traî- au Nord, neau , à peif près comme nous atte- chaP«1V» Ions nos chevaux quand nous les Ab< 16 mettons à la chaife. as s CHAPITRE IV. ^Defcription d'un village, & de quelques ttfages des habitants : EJlimc qu'ils font du tabac^Notre Auteur & fes Compagnons font un commet ce de peaux affés avantageux : Cérémonies funèbres des Lapons : Entrevue fecrette avec la femme d'un jaloux. LE s habitants de cet endroit font habillés comme ceux de Varan- D»fcrîptîô« ger, excepté que les femmes y por- habitante » i 1' m \ 1 de l'intérieur tent des bonnets pareils a ceux des du pays, hommes : les maifons font petites & baffes, couvertes d'écorces d'arbres , avec un ouverture au toît pour donner pafiage à la lumière. Il nous parurent plus barbares que ceux que nous avions vu jufqu'alors ; cependant nous gagnâmes leur protection, en leur donnant à chacun environ la longueur de deux pouces de ta- / o y a g b ^ac ' ^ notre hôte en ayant reçu au Nord, davantage pour fa part, devint no-Chap. iv. tre fidèle ami. Leur langage eft très An. un. différent de celui de Varanger, d'où nous nous étions fort éloignés, ayant fait ce jour plus de trente lieues, pour arriver en cet endroit, qui eft dans le territoire de Mourmanskei-more. Nous foupâmes de nos provifions , & nous panâmes la nuit fur des peaux d'Ours à l'ordinaire. Nous échangeâmes nos étoffes pour d'autres plus longues, & plus commodes, & à la place de notre tabac nous rapportâmes cent écureuils gris, dont la fourure eft très eftimée en Dannemarck. Le lendemain ces gens nous procurèrent fix autres traîneaux , nous régalèrent de leur eau-de-vie, nous fouhaiterent un bon voyage, & après que nos Rennes eurent reçues leurs inftruûions comme les premières, elles prirent leur cour-fe avec une vîteffe inconcevable, & ne s'arrêtèrent qu'à trois heures après midi, dans un village compofé de huit cabanes, agréablement fituées à côté d'un bois, fur le penchant d'une colline. Nous n'y vîmes point d'habitants , & notre guide nous dit pour raifon, des Européens. 97 raifon, que ce village appartenoit voyage aux Kilops, qui font une des nations au Nord, les plus fauvages des Lapons. Ils Ghai'- lv« fuyent à la vue des étrangers, & ne An. vivent que de leur chafTe. Nous donnâmes à nos Rennes de la moufle, qui abonde en ce pays, & nous nous raffraîchimes avec du bifcuit, du bœuf, & un petit coup d'eau-de-vie, que nous avoient donnée les habitants de l'autre village: mais notre interprète fe nourrit de venaifon & de poiffon. Après une heure de repos, notre guide fit fes efforts pour nous conduire plus loin , mais il trouva nos Rennes très difficiles à perfuader, quoique je n'aye pas connu de Lapon, qui fut plus expert à les conduire. Ce village étoit leur ftation ordi- Conrinuauo* naire, & elles ne vouloient pas le ge,°nvt>ir*1 quitter, quoique pour les y engager il fit toutes fortes de cérémonies aufîi ridicules, que fuperftitieufes. Il fe retira dans le bois, où il fit les conjurations , qui dévoient être les plus efficaces, & enfuite il revint leur parler, mais il fut obligé de répéter fes ordres bien des fois avant qu'elles vouluffent y condefcendre ; en- voyagé n reuflït a ^es gagner, & elles fe i au Nord, mirent en marche : mais ce ne fut .chap. iv. pas avec la même vîteffe que la pre-An. i6$). miére fois. Comme nous panions devant la montagne, nous trouvâmes quatre Kilops , qui firent changer de route à leurs traîneaux, 6c en prirent une différente pour éviter de nous rencontrer. Environ une demi- . heure après nous entrâmes dans un grand bois, oit nous ne vîmes rien qui méritât notre attention; mais nos oreilles y furent frappées de hurlements 6ç de lamentations , dont nous ne pûmes voir la caufe, 6c nous ne crûmes pas devoir nous arrêter à la chercher. Après avoir defcendu une autre montagne , nous arrivâmes à un petit village , 6c nos Rennes s'étant arrêtées où elles jugèrent à propos, elles firent leur lignai ordinaire. Le maître de la cabane qu'elles avoient choifie, parut aum-tôt, nous folli, citâmes fon amitié par un morceau de tabac, 6c il nous fit connoître que nous étions les bien-venus. Comme nous avions foupé , nous ne fongeames qu'à nous repofer à l'ordinaire, Se nous en avions grand des Européens. 99 befoin, ayant allés fatigué. On nous voyage dit le lendemain matin, que nous au Nord, avions fait, le jour précédent 14 de chap. iv. Mai, quarante lieues; mais je penfe An, 1653. qu'il y avoit quelque erreur de compte , d'autant que ces quarante lieues de Laponie, en auroient valu cent foixante de France , tk qu'il faut qu'un homme ait un bon cheval pour en pouvoir faire cinq par jour. Notre guide nous apprit que nous 11 arrive dans étions alors dans la Laponie Mofco- Jj^JJJJJ vite, tk s'étant informé h* les habitants avoient quelque chofe à échanger contre nos étoffes 6c notre tabac , ils apportèrent des martres, des écureuils, 6c des peaux de Renard de diverfes couleurs , pour lefquel-les nous eûmes bien-tôt fait marché, en leur donnant particulièrement du tabac. Quand nous eûmes fini nos échanges, .nous nous afiimes pour boire avec eux, & quoiqu'ils ne fuf-fent pas tout-à-fait aufîi brutaux que quelques autres, avec qui nous avions eu affaire, nous les trouvâmes cependant durs, fales tk très indécents. Notre hôte nous fournit tous les traîneaux dont nous avions befoin, 6c nous partîmes en grande diligence, 100 DÉCOUVERTES YOYAGEfans fuivre aucune route pratiquée} au Nord. &: fans trouver aucune marque d'ha-Chap. iv. Citation jufqu'à iix heures du foir, is j3. que nous arrivâmes à deux hutes , habitées par des Kilops, que nous vîmes prendre la fuite avec leurs familles , aufTi-tôt que nous approchâmes. Vers neuf heures du foir, ayant fait une journée très fatigante, nous trouvâmes un grand village, finie au pied d'une montagne, fur les bords d'une rivière. Nos Rennes s'arrêtèrent au milieu de ce village, tk le maître de la maifon où nous entrâmes , nous reçut avec beaucoup de politelïe : alluma du feu au milieu de la hute pour nous réchauffer , 6c nous régala d'eau-de-vie, de poiffon falé, de venaifon falée, de beurre également falé, tk de lait. C'étoit la meilleure chère que nous eulfions faite depuis notre départ, & nou» aurions trouvé notre foupé délicieux, s'il nous étoit relié un peu de pain, mais toute notre provision étoit alors confommée. Cet endroit étoit le premier où nous trouvions qu'on fe fervit de fel dans ce pays, mais notre guide ne voulut point en faire ufage, tk il mangea de la ve^ . des Européens, ioi rmifôn fraîche. qu'il avoit apportée, voyagé Le matin nous trouvâmes que les a" N°ra-habitants n'avoient rien à trafiquer, chaP- IV« & qu'ils ne pouvoient nous fournir An. 1653. de traîneaux , ce qui nous détermina n arrive à à palfer la rivière, dans l'intention Kola, de gagner Kola. Nous trouvâmes bien-tôt un autre village, où nous fumes fournis de ce qui nous étoit néceflaire, & nous arrivâmes vers midi à Kola. C'eft une petite ville , éloignée environ de dix lieues de la mer du Nord: elle eft bâtie fur les bords d'une rivière, avec des montagnes très élevées du côté du Midi ; le pays de Mourmanskeimore à l'Oueft, tk de grands déferts, ou des bois immenfes à l'Eft. Il nV a qu'une rue alfés vilaine , les ^mailons iont de bois, joliment couvertes d'os de poifTon, avec une ouverture au toît pour donner pafTage à la lumière , comme dans les autres endroits de la Laponie. Les habitants de cette ville, tk même tous ceux de la Mo-fcovie en général, font très jaloux, tk renferment leurs femmes à l'approche des étrangers. Celui chez qui nous logeâmes à Commerce Kola, prit tout ce qui nous reftoitcePay«> E iij 102 DÉCOUVERTES voyage d'étoffes, & nous donna en échart» au Nord, ge deux peaux de Lynx, très bien Chap. jv. mouchetées * quelques Hermines , /b. i6$3. trois douzaines de peaux de Renards blancs, & une demi - douzaine de 'Vyctfras, efpèce d'animal qui ref-femble affés au Blereau, mais qui porte un poil plus long &: plus rude , d'un rouge foncé, avec une queue femblable à celle du Renard. Il nous donna aufîi autant de provi* fions qu'il nous en falloit pour retourner à Varanger, & nous fit trou-» ver des traîneaux à l'autre bord de la rivière, que nous avions paffée depuis peu, par reconnoiffance de quelques aunes de mauvaife étoffe qui nous refloient, & que nous lui donnâmes. Efti3u't™ ^e kndemain matin quelques gens fcac de la ville demandèrent s'il nous ref-toit encore du tabac, nous leur répondîmes affirmativement, & peu de temps après il nous apportèrent affés de fourures pour acheter tout ce que nous en avions, à l'exception de fept ou huit roulleaux que nous gardâmes pour payer notre retour à Varanger, d'autant que ce* g:ns efiiment plus le tabac que l'arS des Européens. 103 gent, tk qu'un bout de la longueur voyage d'un pouce, leur eft plus précieux a» Nord, qu'un écu. Il faut donc que tous ceux chaP- IV< qui veulent voyager dans ces pays An. ,Sj,. fauvages, & peu fréquentés, aient foin de s'en bien munir, puifqu'il peut leur procurer des Rennes , des traîneaux, & les autres chofes né-ceflaires, mieux que ne le feroit une fomme. d'argent. Les Rois de Dannemarck tk de Suéde, ont mis de très forts impôts fur cette marchan-dife , tk il y a des Commis dans toutes les places frontières, pour en recevoir les Droits. Lorfque nos affaires furent terminées, nous nous amufâmes à nous divertir avec nos Marchands, qui buvoient l'eau-de-vie, comme nous buvons la bierre. Vers deux heures après midi, nous dîmes à notre hôte qu'il étoit temps que nous partilfions, tk en une minute il nous procura des Rennes tk des traîneaux. Il enveloppa bien nos fourures, nous fournit du bifcuit, du pain d'épices, de la chair de Rennes falée, tk un petit baril d'eau-de-vie: nous nous mîmes en route, tk je crois que nous allâmes avec «ncore plus d« vîteife pour gagn«r 104 DÉCOUVERTES Voyage ^a nviere, que nous n'avions fait au Nord, jufqu'alors. Nous l'eûmes bien - tôt €hap. iv. traverfée, & nous arrivâmes direc-An. i6f3. tement à notre première ftation, où notre hôte , dans l'efpérance d'avoir encore du tabac, nous reçut avec grande jove. Il nous préfenta à notre arrivée un gobelet d'eau-de-vie , & fi nous avions voulu, il nous auroit fait avoir aufîi - tôt des Rennes, & des traîneaux pour continuer notre voyage ; mais nous préférâmes de pafîèr la nuit dans fa maifon, parce qu'il y avoit plufieurs lieues à faire avant de trouver aucun village. Voyant notre deffein, il nous engagea à l'accompagner aux funérailles d'un de fes voifins, qui ctoir mort quatre heures avant. Funérailles je fLls très content de cette invitâtes Lapon. . . , non, parce que j avois beaucoup entendu parler de leurs cérémonies funèbres, & je l'accompagnai à la maifon du défunt. Le corps, qui étoit enféveli dans une toile, à l'exception de la têfe & des mains, fut enlevé par fix de fes plus intimes amis, de la peau d'Ours, fur laquelle il étoit expiré, & ils le mirent dans une bierre, avec de l'eau - de - yie ^ des Européen s. 105 "du poiffon fec, & de la venaiibn, VOYAGb pour fubfifter pendant l'on voyage au Nord, aux régions celeftes. Dans une de Gjwp. îv. les mains on mit quelque argent pour An. 165ï. donner au portier à Ton arrivée en Paradis, & dans l'autre un certificat figné d'un Prêtre, & adreffi à Saint Pierre, pour lui faire favoir que le porteur avoit été un bon Chrétien, & cru'il devoit être reçu au Ciel. A la tete de la bierre étoit une image , qui repréfentoit un homme habillé en pèlerin, ils le nommoient Saint Nicolas, l'un des fept Diacres dont il eit parlé dans les A&es des Apôtres. Ce Saint eft très révéré dans tou- leur dïvow tes les parties de la Mofcovie : on^V^1 penfe qu'il eft, particulièrement chargé du foin des défunts, & l'on met toujours fon image près du corps, au lieu de Crucifix. Ils allumèrent en-fuite un feu de bois de fapin à quelque diffance du cadavre, pleurant, amèrement, & exprimant leur cha*-grin par les lamentations les plus extravagantes : firent plufieurs tours en procemon, en lui demandant pourquoi il étoit mort} S'il avoit eu «lu bruit avec fa femme? S'il avoic E Y ro6* DÉCOUVERTES v o y a g e manqué de viande , de boiflbn , oir tu Nord, d'habits ? S'il n'avoit pas été heu* chap. jv. reux à la pêche, ou s'il avoit perdu An. itst *°n temPs a la chalTe \ Après qu'ils lui eurent fait ces quefhons & mille autres aulîi frivoles, ils recommencèrent leurs cris lamentables, pendant qu'un Prêtre qui étoit prêtent,, afpergea le corps, & tous les afîif-tans d'eau bénite. Jaloiificdcs Ennuyés de ces triages barbares,. Lapons. J A . ° ■ nous retournâmes a notre quartier,, laiffant notre hôte achever la cérémonie : Iorfque nous entrâmes dans la cabane, nous vîmes une femme qui fe retiroit précipitamment, mais notre guide la fuivit, & la fit revenir avec nous. C'éroit la femme de notre hôte , qui s'éroit échapée de la chambre où fon mari l'avoit confî- I •née : mais elle revint librement quand elle fut qu'il étoit abfent. Elle nous examina attentivement l'un après l'autre, nous parut de très bonne humeur, &c fort contente d'être en notre compagnie. Quand elle eût fatis-fait fa curiofité ,• elle s'alîit au milieu de nous, & nous fît voir quelques morceaux de broderie de fon ou-■vrage, qui me parut fait avec gout, ses Européens, lof Après avoir goûte de nos provifions, voy agi particuliéreiTient du pain d'épices, »u Nord, qui parut lui plaire beaucoup, elle chaP. iv. but deux ou trois taffes d'eau-de- Art Ims retenuesque ceU au Nord. les de tous les autres Lapons , font Chap. v. les habits de leurs maris, & ceux de A*, itf». route la famille : elles en brodent les bords avec du fil de clinquant tiré entre leurs dents, d'une finefTe fur-prenante. Elles travaillent avec beaucoup de propreté , font de figure agréable, bien faites , & dîme humeur gaie ; mais tellement portées à la débauche que fi on ne les garde pas avec foin , elles s'abandonnent au premier venu. Animaux On trouve en Laponie une grande t* p»y»» quantité de volailles , comme des-oyes, des canards & des poulets , qui vivent du même grain que les habitants font leur boifTon, ou qui fe nourrifîènt de poiffon fec. On y voit aufîi im oifeau de proie, d'un gris de perle foncé, aulîi gros qu'un aigle, mais qui du relie ne reffemble à cet animal que par le bec & par les ferres. Il a la tête comme celle 4!un chat, les yeux rouges & étin-celants, & ne fait fa curée que de lièvres & d'autres bêtes pareilles* Prefque tous les animaux de la Laponie font blancs, tant les curs que les loups, les renards , les lièvres-, des Européens, m & plufieurs autres : les corbeaux voyage 'même font entièrement blancs, A l'ex- ™ Nord, ception des pattes 6c du bec. Les chap- v* Lapons ont de petits chiens qui font A°. I(J>* la chaffe airx fouris, 6c guettent leur proie dont ils fe nourriffent comme les chats : on les eftime beaucoup , quoique fort laids. Ils n'ont qu'un pied de longueur 6c quatre pouces de hauteur : toute leur tête, à l'exception des oreilles qui font droites comme celles du loup , refTemble à une tête de rat : ils ont la queue bien tournée, le poil d'un jaune brillant, fort rude , 6c en général hériflè. Le poiffon qui tient lieu de pain dans ce pays eft nommé Roff, il a la chair ferme , eft très nourriffant, 6c a fort bon goût excepté la graiffe. On ne lui trouve point d'arrêtés , il eft fort gros, de deux ou trois aunes de long, On pêche en Laponie beaucoup d'autres efpeces de poiffons , que les habitants mangent ordinairement bouilli , Se il eft à remarquer que malgré leur antipathie pour le fel, ils préfèrent de les faire cuire dans l'eau de mer quand ils en font voifins , ^plutôt que dans l'eau douce. Deux ©u trois jours après notre l'Au«nr nt-tàla voir, t_ 112 DÉCOUVERTES* VOYAGi; retour, le Capitaine ayant repar# au Nord. je dommage arrivé à fon vaiffeau, Chap. v. fit charger la cargaifon & le left fuffi-An i6s3. fant 9 & nos gens régalèrent les habitants de tabac & d'eau-de-vie , crainte que par leurs conjurations ils ne nous rendiffent les vents contraires. Nous mîmes à la voile le 27 de Mai avec un vent aufli favorable que nous pouvions le défirer, ce que nos mariniers attribuèrent à l'amitié des Lapons, mais il s'éleva peu de temps après une brife , qui nous porta fous l'ifle de Wardhus ; le Commandant du château fâchant qui nous étions, vint à nous dans une chaloupe, & nous le reçûmes affés bien pour qu'il eût Heu d'en être fa-tisfait. Le vent ayant changé le lendemain , nous continuâmes notre cours au Nord-eft avec toutes nos voiles lâches, & en trois jours nous arrivâmes à un degré de latitude oir nous n'avions point de nuit, le foleil étant toujours à notre vue d'un côté ou d'un autre fans fe cacher fous l'horifon, 'iab«gC.aH ^e 31 ^e ^3* nous aPPercurne$' les hautes montagnes du Spitzberg^ & le vent du nord commença à des Européens. 113 fourrier avec tant de force, que nous voyage fiimes obligés de côtoyer le rivage au Nord« pour nous mettre en fureté , en fai- Chap. v. fant cours à l'Efi-fud-eft.. Les trois An. i«j3, jours fuivants nous fumes tellement incommodés par les glaces, qui tom-boient fur nous de toutes parts avec la plus grande violence , que nous craignîmes à chaque infiant qu'elles ne nous coulaffent à fond, ce qui nous fit chercher à nous mettre à couvert fous un promontoire que nous avions à l'Eu : mais le vent continuant toujours à fouffler vivement du nord, nous gouvernâmes pour la côte de Borandie : nous entrâmes en peu d'heures dans une bonne baye, où nous trouvâmes un bon port fur avec l'eau à douze braf-fes de profondeur , tk nous eûmes aufli la joie d'y trouver à l'ancre deux de nos conforts, dont nous avions été féparés par le fort temps à la hauteur de Varanger. Nous arborâmes le pavillon tk nous tirâmes trois coups de canon pour les faluer : ils y répondirent par fix coups, tk déployèrent tous leurs drapeaux. Le vent fut fi violent pendant yingt-quatre heures, qu'il ne noug 114 DÉCOUVERTES v o y a g tnlt Pas po^kle d'iffer notre grande an Nord, barque longue, quelque impatience chip. v. que nous enflions, de favoir com-An. ment nos gens avoient pu échaper à la tempête, les ayant regardés comme perdus. Enfin la mer étant devenue plus tranquille, nôïts en fîmes venir un à bord, & il nous dit qu'ils avoient été jettes fur la côte de Ju-horskt, où ils avoient fuivi le rivage à trois braffes de profondeur, fur un fond plein de rochers , & très inégal:, mais qu'ils avoient réufli à revirer de bord à la faveur d'un vent de Nord-nord-efï, &c à fe remettre en haute mer, quoique ce fut avec affés de difficulté, & qu'enfin après avoir combattu contre les,flots pendant trois jours, ils avoient gagné la baye où nous les trouvions. Après nous être félicités réciproquement fur la fatisfaction de nous voir tous fans accident, nous tînmes confeil fur la manière dont nous devions nous conduire fur cette côte : il y eut plufieurs débats, & l'on convint enfin que le Capitaine, un Supercargo , deux Ecrivains experts dans les langues Septentrionales , tx moi, avec vingt hommes bien ar- des Européens, hç mes, nous dépendrions à terre , tk voyagi prendrions avec nous des provifions au Nord, pour plufieurs jours, ainfi que quel- chap. v. ques marchandifes qui pulfent fervir An. 1653. à faire des échanges. Ce projet fut aufîi-tôt mis à éxé- 11 fait un cution : nous fumes prêts en très peu JJJJ**p3r de temps, on mit à l'eau la barque longue qui nous conduifit à terre. Nous montâmes fur une Colline pour voir fi nous découvririons quelque habitation, mais nous n'en vimes aucune. Nous gagnâmes une montagne voifme, d'où nous apperçumes entre des buiffons & des bruyères , cinq ou fix hommes qui prirent aufîi-tôt la fuite, tk nous les perdimes bientôt de vue. Nous fuivimes leurs traces autant que nous pûmes les diftin-guer, & après une marche d'environ deux heures, comme nous traverf-iions une montagne, nous vimes en defccndant plufieurs cabanes à quelque diftance, avec trente ou quarante hommes, armés de dards tk de flèches, qui paroiffoient difpofés à nous attaquer. Lorfque nous en fumes plus près, nous commençâmes à être un peu intimidés, & nous pensions férieufement à reprendre le îî6 Découvertes fov âge chemin de nos vaifleaux, jugeant au Nord, que nous ne gagnerions rien à corn-Chap. v. battre des hommes, qui nous pa-An. 1653. roiffoient aufli barbares 4 que fau-vages ; mais un de nos Ecrivains s'offrit à marcher feul en avant, pour leur parler amicalement , tk pour leur demander s'il avoient quelques marchandifes dont ils vouluifent trafiquer. Il s'avança aufîi-tôt avec deux rouleaux de tabac, tk un petit baril d'eau-de-vie: quand il fut à la portée de la voix, celui qui paroifToit leur chef lui cria en langage Mofcovite, pour favoir quelles étoient nos intentions. On lui répondit que nous étions Marchands venus pour trafiquer , fans aucun mauvais deffein ; il parut fatisfait, tk dit à notre Ecrivain de s'approcher. Il nous fît ligne d'avancer, nous les joignîmes en cet infiant, & nous fumes bien-tôt bons amis : ils prirent toute l'eau-de-vie, tk tout le tabac que nous avions apporté , tk nous donnèrent des fou-rures en échange : mais comme nous vimes qu'il leur en refioit une grande quantité , nous les engageâmes à les apporter au rivage, en leur di-fant que nous avions beaucoup de. des Européens. 117 tabac , & d'eau-de-vie à bord , dont voyage nous commercerions volontiers avec au Nord. eilX. Chap. v. On fit venir aulîi-tôt nos barques An. 1*5 3. des vaifleaux, nous conduifimes à n fait le bord nos Marchands , qui étoient commerce de dans l'admiration: nous fîmes pré-fourilie*" fent à chacun d'une once de tabac, & nous leur fîmes boire une rafade ' d'eau-de-vie, ce qui parut les rendre très contents. Nous achetâmes toutes les foliaires qu'ils avoient apportées, ils nous dirent que c'étoit l'unique marchan-dife du pays , & que fi nous voulions aller parterre , ils nous condui-roient jufques dans la Sibérie , parce qu'ils avoient des Rennes & des traîneaux , oii l'on fe mettroit aifément deux perfonnes, ces animaux y étant beaucoup plus forts que ceux de la Laponie- En conféquence nous convînmes avec eux qu'ils feroient nos guides en allant wwi d'Ours blancs , qui leur defcendent jufqu'au gras de la jambe, &c ils portent une large ceinture autour du corps. La feule différence qu'on remarque entre les hommes 6t les femmes , qui font très habiles à la chaf-fe, eft qu'elles ont leurs cheveux trèfles fur leurs épaules. Les deux fexes portent un carquois fur le dos, avec une pierre cpii coupe comme un razoir, attachée à leur ceinture. Les cordes de leurs arcs font tirées deTécorce d'un certain arbre, & ils portent ordinairement à la main un, gros bâton pointu, qui leur ferr d'arme défenfive. Lorfque nous eûmes terminé nos affaires dans ce village, nous primes chacun congé de nos hôtes avec un verre d'eau-de-vie , &c nous montâmes dans nos traineaux. Nos Rennes coururent environ neuf heures fans s'arrêter, jufqu'à ce qu'elles nous euffent conduits à un village de quelques huttes, que nous trouvâmes abandonnées, Nous y demeurâmes Fij 124 DÉCOUVERTES Voyage environ trois heures pour nous raf-au N»rd. fraîchir, & pour faire repofer ces chap. vi. animaux, après quoi nous continua-An. mi. mes notre voyage. Nous fumes quinze heures fans voir aucune créature humaine, ni rien qui marquât que le pays fût habité: mais enfin nous ap-perçûmes trois Chaffeurs fur le penchant d'une colline. L'un d'eux étoit habillé comme les Mofcovites, avec une longue robe, relevée Se attachée autour de fon habit par une ceinture de quatre pouces de large. Cet habillement étoit blanc, bordé d'une belle fourure noire , fon chapeau étoit aufîi de Renard noir > affés ref-femblant à un bonnet de Matelot : fa culotte &: fes bas étoient de peau de Rennes, & fes fouliers reffem-bloient à ceux qu'on porte à Varanger. Les deux autres étoient équipés comme nous de peau d'Ours blanc, avec le poil en dehors. Ces derniers portoient derrière eux des fourures d'hermine, de martre, de peaux de Loups , de peaux entières de Renards , Se de peaux d'Ours, avec la ■Crueue pendante: le premier ne por« toit qu'une douzaine de corbeaux frlancs, Se fept martres pendus à fa des Européens. 115 ceinture. Nous firmes très furpris de v 0 y a ci voir qu'il vint au-devant de notre a" No.d. guide Borandien , auquel il parla ehaP. vr. quelque temps, lui donna place dans An. i65î. fon traineau, & nous quitta. Ni le Supercargo, ni moi nous ne entent ~ . r P , . . eit reçu très lavions que penfer de cette complai- fovorabie-fance, cependant nous continuâmes ^ntàVnor-à courir encore une heure fans trouver aucun figne d'habitants. Enfin nous arrivâmes au fommet d'une montagne fort haute, Se nous dé-couvrimes au pied plufieurs maifons bâties les unes près des.autres, qui formoient une petite ville, d'où l'on voyoit difiin&ement la mer. Lorfque nous y fiimes arrivés, nous jugeâmes par les refpeéfs qu'on rendoit au Ghaffeur , &c par l'empreffement qu'on marqua , à fuivre les ordres qu'il donna pour nous, que ce de-voit être un homme de considération. Il nous reçut très gracieufement dans fa maifon , nous vendit quelques belles fourures, &C enfuite envoya fon valet dans la ville, pour s'informer fi quelqu'un votiloit trafiquer pour du tabac, ou de l'eau-lWi,* F v IJO DÉCOUVER TES y77777 jaloux, & fans aucune politelfe. Te-au Nord. dis les plus confidérables, parce qu'il Chap. vi. n'y a prefque aucun Gentilhomme, a», un. ou Noble dans tout le pays. Aufîi ne fumes nous pas furpris de voir un Receveur des droits à Pezora, prendre le titre de Gouverneur, Se être regardé comme le Premier de la ville. Nous lui fîmes une vifite au Château, où il nous régala de vieux hydromel très bon, ce qui fut fuivi d'eau-de-vie, & de pain d'épices, efpèce de colation , fort en ufage dans toute la Mofcovie. Il étoit chargé de la vente des Martres duCzar,, 6c nous achetâmes tout ce qu'il en -avoit, confiftant en cinq zimmers, dont chacun contient quinze paires. Il y en avoit deux plus noirs que du jai, & les plus belles que j'aie jamais vues : il nous les vendit mille écus, 6c nous donna le relie pour huit cents-. Toutes ces peaux étoient. marquées des armes Ducales de la Ruuie. Lorfquenous l'eûmes payé il nous régala fplendidement de gibier, dè chair de jeunes Rennes, qui avoit très bon gout, & de poiffon frais, parce qu'à notre arrivée il avoit en--wavcl deux barques pour pêcher, ij e s Européens. 131 pour être en état de nous bien re- voyage cevoir. Après ce repas nous panâmes au Nor^« huit heures à boire de l'eau-de-vie ChaP- Vf. & de l'hydromel. Je me ferois fure- An. icjj, ment enivré, fi je n'avois mangé un morceau de bifcuit de temps en temps , quoiqu'à dire la vérité le pain des Molcovites foit excellent. Enfin en ayant tous un peu plus qu'il n'étoit convenable, nous nous couchâmes fur des peaux d'Ours blancs „' parce qu'il n'y avoit pas djautres lits, 6c nous y domaines très bien fix ou fept heures. A notre réveil, on nous préfenta à chacun une rafade d'eau-de-vie. Après avoir déjeûné, un Officier eut ordre de nous accompagner dans la ville, 6c nous fîmes cette promenade tant pour fatisfaire-notre cu-riofité, que pour trafiquer avec ce peuple. Nous trouvâmes bien-tôt un grand nombre de Marchands , 6c pour quatre cents ducats nous achetâmes cent vingt peaux de Loups,-Se cinq cents de Renards, les unes oc les autres blanches , deux cents fouines > ou faux martres, deux mille écureuils gris, 6c quarante-huit fier-' mines; nous pavâmes moitié en cui- v o y a g tvre » C1" nou? embaraffoir, & le relre au Nord, en eau-de-vie & en tabac. Toutes Chap. vi. nos marchandifes furent portées à An. Ma. la maifon du Gouverneur, oit elles furent mifes en balots couverts d'une étoffe pareille à celle des voiles de notre barque, &: on les chargea fur un petit vaiffeau, à la garde de nos; Ecrivains, &Z de trois Borandiens,, dont le Gouverneur, qui nous les. avoit loués dix ducats, nous garantit la fidélité. Outre le falaire qu'il' leur donna pour le voyage, nous leur fîmes prefent à chacun d'un morceau de tabac. Lorfqu« notre bâtiment eut mis à la voile, ayant le vent à i'Eft-Sud-Eft, nous nous remîmes encore à boire , & la quantité que notre hôte de Vitorza en prit pouvoit exciter la furprife. Nous y reftâmes plus de quatre heures, & nous nous jettâ-mes enfuite fur nos peaux d'ours, pour repofer. Le lendemain matin % fur la demande que nous lui avions faite , il nous fît avoir fept fimples Traîneaux & autant de Rennes pour nous conduire en Sibérie , avec les provifions néceffaires pour gagner Papinowgorod , ville frontière du des Européens. 153 Pezora & de la Sibérie. Le Gouver- voyage neur nous donna lui de fes domeili- au Nord, ques, avec ordre de nous efcorter chap. vu jufqu'à la première ffation , qui n'é- An. m* . toit qu'à fept lieues , & de voir fi on nous y recevroir bien ; ce qui ne nous coûta que quatre ducats ; en partant le Gouverneur nous força encore de boire cinq à ûxrafades d'eau-de-vie» Nous montâmes enfuite dans nos .-Hennéta traîneaux, & nous courûmes pendantSl enc* quatre heures, par des chemins non battus, & fort coupés, fans rencontrer autre chofe que quatre ours blancs, d'une groifeur énorme, qui nous traverferent, 6c fe réfugièrent dans un bois voifin., Environ deux heures après, nous nous arrêtâmes-à un village , dont nous jugeâmes que tous les habitants étoient à la chaffe, parce que nous trouvâmes toutes les cabanes vuides.Nous mîmes pied-à terre pour nous rafraîchir; & en même temps, il arriva fix familles qui re-venoient de chaffcr, avec une afTez-bonne prife. - Ils avoient fix peaux d'ours, quatre de loup, deux hermines & quatre martres. Ils auroient pris la fuite d'abord qu'ils nous virent& IJ4 DÉCOUVERTE 9 Vo y a g domeftique du Gouverneur dè au Nord. Pezora ne les eût appelles dans un Chap. vi. langage qu'ils entendoient ,-leur di-• fant que nous étions des marchands '* amis, chargés pour Papinowgorod, & que nous ■ faifions commerce de peaux. Ils quittèrent alors leur timidité; & après avoir latisfait leur curiofité , en nous regardant fixement , parce que notre langage-, notre figure, &■ nos habits leur étoient entièrement nouveaux, ils nous vendirent toutes les peaux dont ils pou-voient difpofer pour du tabac & de Peau-de-vie : enfuite ils nous fournirent des Rennes & des traîneaux, pour nous conduire à l'embouchure de la rivière de Papinowgorod. B'E S E V R O P Ê E N S. I y C - v o y a GfW au Nord. Chap. VII, CHAPITRE VII, An. xjtm. L?Auteur rencontre cinq exilés dans les bois de Sibérie , du nombre desquels étoit un Gentilhomme de fa. connoiffance : la caufe de fon ban-niffement : Dureté de la vie de ces ■ malheureux : Defcription de leurs huttes: L'un d'eux donne a t Auteur un manuferit très curieux : Les Danois achîttent quelques faux martres & des Renards blancs : ils quittent les exilés , & continuent leur voyage : Danger auquel ils font expofès : Ils arrivent à la ville de Papinowgorod9 où ils font très bien reçus du Gouverneur & de fa femme : Cérémonie Jinguliere que fait cette Dame. NO u s quittâmes les bords de la l'Ame*-. . 1 j T rencontre rivière de Pezora, que nouscing.cxil^ avions iuivie depuis quelque temps, & nous gagnâmes celle de Papinow-gorod,par de s cheminsprefque impraticables, tant ils étoient pleins de bois • ik demont?gnss. Après avoir couru i «aviron trois> heures , comme nou$> 1^6 DÉCOUVERTES Vo v a o *e approchions d'un bois fort ferré ; au Nord, nous vîmes cinq hommes habillés Chap. vu. de peaux d'ours blancs comme les ^ l Mofcovites , dont chacun portoit '16si' un fufil, & un couteau à gaine à fa ceinture, avec une bourfe de l'autre côté. Notre guide qui étoit très bon , les voyant avancer fît arrêter nos Rennes : quand ils furent à la portée de la voix, un d'eux nous fouhaita le bon jour en langue Allemande, difarrt qu'il voudroit être aulîi libre que nous. Notre Supercargo , natif de la Baffe-Allemagne , attiré par le fon de fa langue maternelle, regarda attentivement celui qui nous parloit, fauta hors du traîneau, le prit dans fes bras, & l'embraffa tendrement y reconnoifTant en lui un de fes amis intimes, qui avoit été banni parle Czar pour la chaffe des martres , qui efl un crime capital-n «conneîf Pendant qu'ils sTentretenoient, j'eus fes le temps d'examiner les autres : j'en remarquai particulièrement un dont les traits ne me paroiffoient pas inconnus, quoique je n'en euiTe qu'une idée confufe, fans pouvoir me rap-peiler qui il étoiu 11 me demanda des Européens. 137 en François cToîi je venois, & où v 0 Y A G ~ gallois , en me faifant fouvenir que au Nord, nous nous étions connus à Stockholm, chap., vh. Aufîi-tôt qu'il m'eut dit fon nom, je An. 1^$. le reconnus pour un Gentilhomme de Loraine, qui avoit été Lieutenant-Colonel d'un Régiment de Cavalerie au fervice Mofcovite , m'a voit rendu fervice en plufieurs occafions , même m'avoit offert de me procurer un bon poife à Mofcou. Il éroit excefïîvement changé depuis que je ne l'avois vu, couvert d'habits greffiers , avec la barbe longue oc la tête chauve, & accablé par une profonde mélancholie , qui l'avoit réduit pref-que à l'état d'un fquelette. Je fus vivement touché de le voir dans cet état, après l'avoir connu lorfque fa naiffance , fon rang, fon mérite & fa fortune le faifoient gé-nérallement refpecler ; & je ne pus retenir mes larmes. Il me dit que le Czar avoit eu d'injuftes foupçons fur fa fidélité , & qu'il étoit exilé pour trois ans. La defcription qu'il rue fit des peines qu'il fouffroit dans ce climat ftéiïle, auroit touché les cœurs les plus infenfibles. Il les par-tageoit avec fes compagnons, dont !38 D É C O 17 VERTE 5 Voyage un avoit été Major - Général ; fe «u Nord, f-cond, Receveur-Général dans les Chap. Vil. £fats fa Czar ; & le troifieme , un An. 16S3. homme d'un état également confi-déré. Mirere des [\ fe paffoit peu de jours qu'ils ne fuffent attaqués de quelques bêtes fauvages qui marchent ordinairement par troupes pour chercher leur proie; Ils n'avoient d'autre fubufiance que celle qu'ils pouvoient fe procurer, parce que dans ce pays , donner du fecours aux exilés, eft un crime fuivi d'une punition févere. Ils étoient condamnés à fournir aux Officiers du Czar un certain nombre de martres ; & s'ils y manquoient, on les foucttoit durement avec des lanières „ de cuir, jufqu'à ce qu'ils euffent le corps tout couvert de fang, ce qui, joint à la rigueur du climat, & à la fatigue qu'ils fouffroient par l'inclémence des temps , rendoit leur vie plus miférable qu'il n'eff pofïïble de l'exprimer. Ils déclamoiertt fortement contre le Czar, & proteffoient que lorfque le temps de leur exil feroit fini, ils ne fongeroient qu'à fe mettre hors de fa puiffance, & à s'éloigner de fes Etats. Nous leur offrîmes dés Européens. lyg de faire nos efforts pour faciliter leur vT7Tc~e évafion; mais ils nous répondirent au Nord, que cela étoit impofiible , parce que chap.vu. toutes les frontières étoient garnies gAn. hsm, de forts, dont les Commandants con-noiffoient parfaitement leur vifage, & que la mort la plus cruelle qu'on pût imaginer, feroit la punition qu'on leur feroit fouffrir, ainli qu'à nous s'ils ef-fayoient de profiter de nos offres. Après nous être rafraîchis avec eux fur la mouffe, au moyen des provifions que nous avions apportées , nous réfoltimes de demeurer encore quelques heures, ne pouvant nous réfoudre à qidtter fi promp-tement des gens que nous avions vu-dans un état brillant,. quand la fortune les combloit de fes faveurs. Mon inclination me portoit à refier quelque temps avec eux ; mais il n'en étoit pas de même de mes compagnons , qui n'avoient pour objet que le profit du commerce qu'ils feroient dans ce voyage , au lieu que je cher-chois particulièrement à fatisfaire ma curiofité. Je connoiffois le Lieutenant-Colonel pour un homme d'un excellent jugement, & très en état de répondre à toutes les queftions que I40 DÉCOUVERTES Vo Y l ct je pourrois lui faire fur la Rufiie , bc au Nord, fur les pays où il avoit demeuré ; oc Chap. vn. j'en aurois été d'autant plus flatté, An. 16S3. °,ue ^es obfervations d'im homme auffi fenfé, bc qui avoit autant d'expérience , auroient donné un nouveau poids à mes propres remarques». On pourroif croire que le défir de paner quelque temps avec ces infortunés , étoiz uniquement fondé fur celui d'acquérir ces connoiffances ; mais je puis protefter que j'étois encore plus fortement entraîné par celui de contribuer à la confolation de malheureux que je croyois dignes d'un meilleur fort, leurs habi- Ils furent très fafisfaits de voir que mons. nous volljions palfer quelque heures en leur compagnie ; Se pour nous y encourager, ils nous conduifirent à cinq petites huttes qu'ils avoient élevées dans le bois voilîn, Se où ils fe retiroient féparément quand ils vouloient fe livrer à leur mélancho-lie, bc s'entretenir dans les douces idées d'un avenir plus heureux , ou dans les trilles réflexions fur leur mi-fere actuelle. Il y avoit anèz de place pour nous recevoir tous ; bc nous ordonnâmes à nos guides de déhar- des Européens. 141 nacher nos Rennes, & d'y apporter v o y a g s nos marchandifes. La compalîion & au Nord, le refpecf furent les motifs qui nous chap. vu. engagèrent à cette vifite , le Super- An. 1653, C cargo oc moi; mais nos compagnons y furent attirés par l'efpérance d'y acheter quelques bonnes fourures. Ces Mefïieurs nous dirent qu'ils en avoient de très belles indépendamment de quelques martres, qui étoient refervés pour le Czar, & dont ils ne pouvoient par conséquent dif-pofer. La ftructure de ces cabanes nous prouva évidemment que la nécenîié eff. la mere de l'invention. Elles étoient plus hautes que toutes celles que nous avions vues jufqu'alors dans notre voyage , & beaucoup plus commodes, ayant chacune deux ou trois chambres avec des treillis au mur pour donner entrée à la lumière. Elles étoient conftruites en fapin , & pavées d'os de poiffon fort épais ; ce qui faifoit paroître le plancher aun! beau que de l'ivoire, 11 y avoit au deffus un bouquet d'arbres allez agréables ; & pour les défendre des attaques des bêtes fauvages , ils y avoient fait un foffé , paliffadé *vec DÉCOUVERTES ~v o Y A G J de forts poteaux , & des pièces de au Nord, boistravcrfanres, dont le demis étoit Chap. vu. garni d'os de poiffon qui formoient An. i<$c*. comme autant de lances , enforte que lorfque leurs portes étoient fermées, ils étoient autant en sûreté que dans une place fortifiée. Ils avoient au dedans un magalin de bifeuit, de chair de Rennes falées & d'hydromel , avec tous les uftenfiles nécef-fàires pour la chaffe & pour la pèche. Pendant que le refte de la compagnie s'amufoit à boire, le Lieutenant-Colonel , qui étoit un homme fort fobre, & moi, nous nous retirâmes dans une autre hutte pour re-nouveller avec plus d'agrément notre ancienne connoiffance. Il me dit que fon intention étoit de retourner dans fa patrie., quand le temps de fon exil feroit fini ; & il me donna fon adreffe en Loraine. Sa çonverfation me fut très agréable; & Je feu qu'il mit dans la defcription qu'il me ht du féjour affreux qu'il habitoit, & de la barbarie de la nation, m'en rendit la peinture encore plus frappante. Je le priai de me faire part de quelques obferva-fions fur les ufages, les difpofitions Bis Européens. 145 €c les mœurs des Mofcovites, en vTTTgT lui difant que j'avois deffein de don- a« Nord, ner au public la Relation de mon chap. vu» voyage, & qu'une defcription des An. i«ja, parties intérieures , dont je n'avois pas le temps de m'inlfruire perfon-nellement, le rendroit beaucoup plus întéreflant. Il me répondit que nous avions , L'un<3'eu* , r * donne un trop peu de temps pour nous entre- Manufcrit 3 tenir fur un fujet auffi étendu: maisl'Auteur* il ajouta qu'il av.oit écrit fes obfer-vations fur les différentes Provinces de cet Empire pendant feize ans qu'il y avoit demeuré ; & ouvrant une cafTette , il me donna un manufcrit qui contenoit environ vingt feuilles, Je refufai d'abord de l'accepter ; mais il inlifla à me le faire prendre, en difant qu'il ne pouvoit lui être d'aucun ufage , parce que les maux qu'il y avoit foufferts, lui avoient donné un tel dégoût pour ce pays , que lorfqu'il en feroit foi ti, le moindre fouvenir lui feroit affligeant. C'eft à ces Mémoires que le public efl redevable de ce que j'ai ajouté fur les mœurs & la politique de la Rufïïe, ainfi que fur ce qui regarde la Sibérie. Comme ils m'ont paru aufuutiles, i44 Découvertes Voïagiqu'exacts &amufants, j'ai fait mes au i/ord. efforts pour les rendre plus confor-Chap. vu. mes au goût général, en retranchant An. irtjî. quelques détails, 6t quelques répétitions inutiles. Les réflexions du Lieutenant-Colonel fur les hommes & fur les autres objets, font aufîi juffes que judicieufes ; & il y a joint de temps en temps quelques particularités de l'Hiftoire de Mofcovie ; ce qu'il a fait avec d'autant plus de facilité qu'il parle oc écrit la langue du pays aufîi exactement & aufîi élégamment que les meilleurs littérateurs. Il eft vrai qu'il ne faut pas un grand effort pour les furpaffer ; 6c qu'en général les Mofcovites ne fe piquent pas d'être favants. Ils ont même un mépris inné pour la li:té-rature ; 6c leur Clergé eft aufîi brute & aufîi ignorant que leurs laïcjues. Lorfque nous eûmes parle affez long-temps , mon ami &moi, nous nous jettâmes pour dormir fur les peaux d'ours ; & nos compagnons en firent de même quand ils turent las de boire. Le lendemain nous nous levâmes matin, & accompagnés des cinq exilés, chacun de nous étant armé d'un fulil, des Europe e'n s. 14c /ufil, nous traverfâmes les bois , & v-orAGJ nous examinâmes les pièges, pour au Nord, voir ce qui avoit été pris dans ceux Chap. vu. qu'on avoit tendus le loir. Nous n'y An. trouvâmes que quelques fouines gri-fes, & environ une douzaine de renards blancs ; mais nous ne voulûmes pas nous fatiguer à chaffer, parce que nous avions defTein de continuer notre voyage l'après-midi. Nous retournâmes donc aux hut-fo"^^ tes ; nous dînâmes de bon apétit avec nos hôtes nous bûmes amplement, 6z nous primes congé d'eux, très fâchés de ne pouvoir contribuer au foulagement de gens d'autant de mérite. Ils nous forcèrent en partant d'accepter quelques hermines , des peaux d'ours , de renards &c de loups , pour lefquelles ils ne voulurent pas recevoir d'argent : mais nous infiftâmes à leur faire préfent de tabac , d'eau-de-vie bc d'étoffes ; &C nous eûmes foin de faire enforte que ce que uons donnions excédât la valeur de ce que nous avions reçu. Les larmes furent réciproques lorf-que nous partîmes ; Se quand nous eûmes enfin dit le dernier adieu, nous montâmes fur nos traîneaux , Tom, Vll% G 146 DÉCOUVERTES •Voyage & nous connn"âmes notre route au Nord, avec la promptitude ordinaire. Chap. vu. Après environ trois heures de An, ion. courfe nous arrivâmes à cinq ou fix huttes, habitées par dix ou douze gens du pays , qui nous vendirent tout ce qu'ils avoient de peaux : mais en reprenant les bords de la rivière de Pezora , nous trouvâmes que les villages étoient plus fréquents, quelques-uns abandonnés, & d'autres avec les habitants. Par-tout oii nous rencontrâmes du monde rîous y achetâmes des fourures, foit pour de Peau-de-vie, foit pour de l'argent; mais perfonne ne voulut fe hafarder à nous vendre des martres. Enfin nous arrivâmes à une chaîne de montagnes très rudes & très hautes, toujours couvertes de neiges , qui féparent la Sibérie de la Borandie. Stérilité du Ce voyage fut le plus fatigant, ***** le plus défagréable & le plus dangereux que nous eufTions encore fait. Nous y trouvâmes l'air très mal fain, la terre abfolument lférile, & les chemins fréquentés uniquement par les ours blancs & par les loups r qui nous firent fouvent craindre pour notre vie : cependant je crois que, dés Européens. 147 Ces animaux nous craignoient autant Vo r a o * que leur vue pouvoit nous effrayer ; Nord, car ils prenoient la fuite de toutes ckl?- V1I< parts, épouvantés peut-être par Té- An. 16m ' clat de nos armes, que nous tenions toujours difpofées à notre avantage. ■ Après avoir marché pendant plus de douze heures dans ces montagnes, qui fatiguoient beaucoup nos Rennes , nous defcendimes dans un village de Sibérie, dont les habitants portoient des chemifes de lin, des botines étroites, 6c des habits de peaux d'ours avec le poil en dehors. Ils nous parurent moins barbares que ■ tous ceux que nous avions vus juf-qu'alors, nous reçurent très bien, 6c nous demandèrent poliment quel étoit notre pays , quelles affaires nous attiroient dans le leur, 6c en quel lieu nous allions. Quand nous eûmes répondu à leurs quelfions, ils nous vendirent toutes leurs peaux argent-comptant, nous régalèrent de gâteaux de riz, de pain d'épices , & de chair féche d'ours 6c de loup, nous bûmes affez pour ranimer notre courage, 6c nous nous couchâmes enfuite fur des peaux d'ours, dans des maifons bâties comme celles de G ij I48 DÉCOUVERTES ,777777Laponie. A notre lever, ils nouj au Nord, présentèrent à chacun un verre d'eau-Chap. vu. de-vie, tk nous nous mimes enfuite en route pour Papinowgorod, où An. i6jj. . V r o nous arrivâmes en vingt heures, u arrive à Le Gouverneur de cette ville ; Papinowgo- inu-ruit de notre arrivée, envoya aufîi-tôt s'informer de notre pays, & des affaires qui nous faifoient venir dans le fien. Nous nous rendîmes au château, & nous répondîmes à toutes fes queftions, de manière qu'il en parut très content. Quand il fut que nous étions des Marchands Danois , tk que nous venions acheter des fourures, il nous reçut avec amitié ; tk voulant nous marquer une attention particulière , il fît venir fa femme pour nous entretenir ; com-plaifance très rare dans ce pays. Politeflê Elle parut avec une bouteille d'eau- jïaguiiere de de-vie dans une main, tk une taffe la femme du ' , . . . . SSouvcmeur. d argent dans 1 autre. Elle etoit fuivie d'une fille qui portoit un pîat avec du pain d'épices. Nous la faluâmes à la façon des Mofcovites, en courbant notre tête ; elle défît un de fes nœuds de manche qu'elle laiffa tomber à rerre : notre Supercargo le ra-jnaifa, le baifa, tk me le donna pour Dès Européens. 149 en faire de même. Elle le reprit en-vTTTgï fuite, le ratacha , & nous préfenta *v> Nord, à chacun une rafade d'eau - de - vie, chap. vu » & un morceau de pain d'épices, s'af- An, i6>)t fit au bout de la table à côté de fort riari, où elle reffa quelque temps, & lorfqu'elle fe fut retirée , le Gouverneur nous regala d'un excellent fouper. Nous paffâmes la nuit dans le château où nous dormîmes dans des lits que je trouvai très bons pour le pays. Auiîi-tôt que nous fumes levés , de Gouverneur vint à nous avec un valet qui portoit une bouteille d'eau-de-vie, dont il nous fit boire à chacun un grand verre. 11 nous montra enfuite fes peaux , & quoiqu'elles fuffent les plus chères de toutes celles que nous avions encore vues, elles étoient très bien choifies & valoient le prix qu'il nous en demanda. Quand il eut difpofé de ce qui lui appartenoit, il ordonrifc à fes domeffiques de s'informer de celles qui étoient à vendre dans la ville : Je laiflai le Supercargo faire les marchés les plus avantageux qu'il lui fut pofîible, & je m'amufai à me promener dans la place. au Nord. r^i^*^^^mm^m^^^m^^m^m*mm~^m^immam^m ili.^ Char. viii. «rx* CHAPITRE VIII. Defcription des bâtiments, des habU tant s & des ufâges de Papinowgorod; Les Sibériens font très jaloux dt leurs femmes : Grande force de leurs loix : VAuteur & fa compagnie quittent Papinowgorod, & entrent dans le pays des Samoiedes, qui adorent le Soleil : Ils arrivent fur la côte de Borandie : Ils mettent à la voile pour la nouvelle Zemble dont les habitants prennent la fuite • Idole nommée Fetiço : V Auteur efl attaqué d'une maladie ordinaire en ce pays : conduite prudeme qu'il tient pour fa guérifon : Defcription de la pêche du cheval-marin : Grand prix de la corne de cet animal, Defcription T Es maifons de Papinowgorod *.-Papinovv. 1 , font baffes & mal bâties, de 10 ' * terre ou de bois, dont les fentes font remplies de mouffe. Au lieu de pavé, les rues font garnies de pièces de bois très bien jointes. Le pays des environs eft très fertile , ôc bien ar- des Européens. 151 rofé par une belle rivière , où l'on voyage trouve une grande quantité de diver- au Nord, fes efpèces de poilTons excellents, chap.vni, Ij.es gens au-denus du commun por- An, un, tent de longues robes avec des manches étroites d'une autre couleur, qui leur tombent jufques fur les doigts. Us ont delfous des culottes & des kas de pareille étoffe. Leurs fouliers, ou plutôt leurs bottines, femblables à celles desPolonois, font de cuir, bleu, rouge ou jaune, & boutonnées par le haut. Ils portent des bonnets de drap bordés & faces d'hermine , de martre, et fouvent de peau de renard noir. Les femmes en général y font graffes , ' belles & fort agréables : elles ont les die veux d'un très beau châtain qui leur tombent en boucles fur les épaules. Elles portent de larges ceintures garnies de perles , $t leurs chemifes font de très beau coton avec des manches frifées depuis le poignet jufqu'à l'épaule, en-forte qu'il entre près de cinq aunes de coton dans chacune : auffi font-elles très peu d'ufage des manches de leurs robes, qui font très longues, & ne font fouvent attachées qu'avec des épingles. Ces robes ou habits G iv 1^1 Découvertes v"ô y A n tcIe demis, leur defcendent jufqu'aux au Nord, pieds comme ceux des hommes , Chjp. vin.elles font d'étoffe bleue, rouge ou An. us), violete bordées de martre, ou de peau de renard blanc. Mœurs des Les naturels de Sibérie font graves & hardis : ils fe fervent très bien de l'arbalêtre, font ignorants, grofliers & avares, jaloux de leurs femmes qu'ils tiennent ordinairement fous la clef ; quand ils ne le font pas, elles n'ofent fortir de leur maifon fans la permifiîon de leurs maris, & elles croyent qu'ils ne les aiment que mé* diocrement s'ils ne les battent pas fréquemment, tant la coutume a de force. La religion de ce pays fe nomme le Nicolaïfm£, leurs procès font promptement terminés, 6c leurs loix qui ne font pas fi compliquées ni fi étendues que les nôtres, les mettent à couvert de tous les détours & de toutes les chicanes qui deshonorent les nations qu'on nomme plus policées. On ne voit point chez eux cette pernicieufe race des fuppots de la chicane qui dans nos pays dévorent la fubftance d'un plaideur ignorant ou peu fur fes gardes, & qui fous le prétexte fpécieux de donner aide »es Européens. 153 a l'innocent, tk de foutenir le bon voyage droit opprimé , s'enrichiffent des dé- au Nori pouilles de la veuve & de i'Orphe- chaP. vin. lin. En Sibérie le parjure eft puni fé- An. vérement; le meurtier paye ordi-nairement de fa vie ; l'adultère de l'un tk l'autre fexe eft lapidé ; & le voleur eft châtié fuivant la nature de fon crime ; enfin toutes les cours de juftice y font réellement des cours d'équité. Nous nommons ce pays barbare : mais prenons le flambeau de la raifon pour en comparer les mœurs avec les nôtres, tk jugeons qui mérite le mieux cette épithete. Lorfque nous eûmes fait des balots de nos fourures , parmi lefquelles il y avoit quelques martres que le Gouverneur nous avoit vendues fecret-tement , nous trouvâmes que nous en avions affés pour charger un traineau tk la moitié d'un autre. Il nous reftoit encore un peu de tabac & cinq mille ducats , & nous nous déterminâmes à retourner à nos vaifleaux, en panant par le pays des Samoïe-des, dans l'efpérance que nous trouverions en route des occafions favorables d'en difpofer , tk d'acquérir une plus grande quantité de fou- IJ4 D É c o u v e r t e s ,v o ï a c, trures* I)ans cette vue 9 nous acheta-au Nord, mes du Gouverneur des provifions Chap. vin. pour douze jours, des Rennes pour An.itfsj. toutlevoyage, &nouschargeamesde nouvelle eau-de-vie, parce que nous avions confommé tout ce que nous avionsd'ancienne. Quand nous eûmes conclu notre marché,6c donné l'argent dont nous étions convenu, nousfumes obligés de boire ce qu'on appelle le vin du marché, fuivant l'ufage de toute la Ruine: nous eûmes le verre à la main L'Auteur pendant dix heures, & enfuite on nous tevicnt par le t -sr rpnofer pays des Sa- iailia FeP° . ittoïedcs. Le lendemain nous trouvâmes à notre lever tout difpofé pour notre départ. Nous montâmes fur nos trai-neaux, & nous nous mimes en route ; nous courûmes dix-fept heures en nous arrêtant de temps en temps pour acheter quelques fburures, 6c après avoir traverfé les montagnes de Riphée , que nous fumes fix heures à paffer, nous entrâmes dans le pays des Samoïedes , où nous ne trouvâmes d'abord que d'anreufes montagnes , remplies de fapins , de pins oc de genévriers , dont la terre étoit couverte de moufle en quelques endroits 6c de neige en d'au- des Européens. 155 ttes. Nous y voyions de toutes parts v o y à g e des loups , des ours & des renards a» Nord, blancs, ce qui nous jettoitfouvent dans chap. vnr, une terreur affés juliement fondée. Anj l6„% Lorfque nous eûmes atteint le fom-met du mont Stolphen , où la rivière de Borfogatz prend fa fource , nous trouvâmes un petit village où nous achetâmes diverfes fortes de fou-rures , particulièrement des caftors & des loutres. Nous fîmes nos efforts pour perfuader aux habitants que nous ne courions aucun rifque d'être fouillés jufqu'à nos vaifleaux ; ils re-fiiferent affés long-temps de nous vendre despeaux dont le commerce efl prohibé , mais nous parvînmes enfin à les rendre plus hardis par le fecours de l'eau-de-vie , & ils nous cédèrent alors les plus beaux martresque nous eiuTions eu dans tout notre voyage. Après avoir dormi quatre ou cinq Religion Si heures en commun , avec toute la SmoTeiw* famille, hommes & femmes, fur des peaux étendues par terre, dans la principale hute du village, nous filmes éveillés par notre hôte, qui fe leva & les appella tous. Lorfque je les vis fortir, la curiofité m'excita à fes fuivre, & je les apperçus derrière^ 156 DÉCOUVERTES V 0 v A G j.la cabane, à quelque diftance, toi:4 au Nord, à genoux, les yeux & les mains élc- Ghap. vin. vées vers le Soleil levant, comme An. x«j3. pour lui rendre un Culte d'adoration , 6c en effet j'appris depuis, qu'ils regardoient cet aftre comme un Dieu. Les Samoïedes l'ont plus petits, 6c plus gros que les Lapons 6c les Borandiens : ils ont la tête groffe, le nez plat, très peu de traits dans le vifage, 6c presque point de cheveux. Les femmes font encore plus mal favorifées de la nature que les hommes: elles vont à la chaffe comme eux, avec des arcs 6c des flèches, 6c y élèvent leurs enfants. Leur habillement eft à peu près le même, excepté qu'elles portent une treffe de cheveux, qui leur tombent entre les épaules, 6c elles y joignent une efpèce de queue de ruban fait d'écorce d'arbre, qui leur defeend jufqu'aux talons. Hommes 6c femmes portent un bonnet fouré de peau d'agneau , des culottes de peau d'ours blanc, des bas , des fouliers, 6c des jupons des mêmes peaux, qui ne leur defeendent que jufqu'aux genoux. Par deffus tous ils portent une peau .d'ours noir? dont les pattes pende*» dés Européen s. 157 aux quatre coins, tk ils la tournent VoïACÏ toujours plus du côté droit, que du au Nord* côté gauche. Elle eit attachée furchap- vi1i« leurs épaules avec un carquois plein An- I6** de flèches. Après nous être défait de tout ce Les Danois 1 , partent pou» que nous avions apporte dans ce u zembic, voyage, tk après y avoir acquis de très belles fourures, nous retournâmes en douze jours à nos vaifleaux, qui nous attendoient au lieu indiqué fur la côte de Borandie. Nous y portâmes toutes nos niarchandifes, nous payâmes notre guide , nous nous embarquâmes, & deux heures après nous mimes à la voile avec un bon vent pour la Zemble que nous vimes dès le lendemain. L'après midi nous jettâmes l'ancre près du rivage, à une bonne profondeur, tk comme le temps étoit très clair, nous vimes à quelque diftance environ trente hommes, qui paroifibient plus barbares qu'aucuns de ceux que nous euf-fions encore rencontrés. Ils étoient ■armés d'arcs tk de flèches , tk à genoux pour adorer le Soleil couchant. iAprès quelque délibération, il fut ^décide que chacun des vaifleaux enlever oit fa barque longue pleine; DÉCOUVERTES vô y a G Ed'hommes bien armés, & en état de au Nord. fe détendre s'ils étoient attaqués par «hap. vin. ces fauvages, avec lefquels on vou-An. un. loit elîàyer fi l'on pourroit faire quelque commerce. Je fus du nombre de ceux qu'on choifit pour ce fervice; mais aulii-tôt que nous fumes defcen-dus, les fauvages fe levèrent, Ôc déchargèrent leurs flèches fur nous, après quoi ils prirent la fuite avec une vîtefTe prodigieufe, fans que nous euffions reçu aucun mal, parce qu'ils avoient tiré de trop loin pour nous incommoder, idole* du Nous les pourfuivimes autant qu'il nous fut poffible, dans l'elpérance de faire un ou deux prifonniers, de les bien traiter, & de les renvoyer enfuite pour apprivoifer les autres. Tous nos efforts furent inutiles, nous les perdimes de vue près cPune colline couverte de neiges, cependant nous continuâmes à avancer dans le pays. Nous arrivâmes à un terreirç élevé, où nous trouvâmes une Idole , que les habitants appellent Fe» tizo, & un de nos gens, qui avoit déjà été dans le pays, nous afTura que le diable rendoit quelquefois des grades par fon organe. Elle étoit ^ des Européens. 1^9 figure humaine, de bois grofïiére- v 0 y A G"J nient travaillé, & nous vimes de- au Nord, vant elle deux Zembliens à genoux, Cn3P« niais aufïï-tôt qu'ils nous apperçu- An. 16; 3, rent, ils fe retirèrent précipitamment dans un bois de fapin. La nuit ap-prochoit, nous ne crûmes pas devoir les fuivre, tk nous réfolumes de retourner à nos vailfeaux jufqu'au lendemain matin. Cette même nuit je fus faifi d'un Maiacîïe « • 1 • rr- 0,1' eruérifon de violent vomiflement, 6c d une gran- i»Ameui, de douleur de tête, qui dura trois heures, après lefquelles ma gorge devint fi douloureufe que je ne pou-vois avaller ; les glandes en étoient très enflées, ainfi que mes gencives: mes dents devinrent branlantes, mes jambes pouvoient à peine me fup-porter, tant j'avois de foibleffe , mon eftomach ne faifoit plus fes fondions, la fièvre me prit avec violence, j'eus des demangeaifons infuportables de la tête aux pieds, avec une ébulli-tion de fang, l'haleine très courte, ne refpirant qu'avec difficulté. Pour appaifer ma foif, je me fervis de vinaigre tk d'eau mêlés enfemble, mais voyant après deux jours que le mal ne diminueit point, je jugeai qu'il l6*0 DÉCOUVERTES Voyage venoit des glandes piruitaires, en-au Nord, flammées partie par le froid, tk par- chap. vin, tie par Pillage des viandes falées, ce Aji. un. qui avoit dérangé toutes les humeurs* Je m'abfUns auffi-tôt de toute nourriture 011 il y eût du fel : je bus une ceuillerée d'eau-de-vie, tk de fyrop de régliffe à chaque heure, je me gargarifai la gorge avec de l'eau-de-vie, ou du vinaigre, tk je me frot" tai la bouche de miel rofat. Plufieurs hommes de notre équipage furent attaqués de la même maladie , tk en obfervant cette méthode pour nous traiter, je réunis en quinze jours à les guérir, & à me guérir moi-même. Les autres vaiffeaux en furent également infcclés, tk il mourut deux hommes entre les mains des Chirurgiens, qui voulurent les traiter par les faignées, tk les purgations, ce qui n'eut aucun fuccès. Alors on fît une confultation, je fis le rapport de la conduite que j'avois tenue, & je la juftifîai par des preuves. Elle fut adoptée, tk je ne m'en fuis ja-r mais écarté par la fuite. J'ai obfervé dans la pratique de la Chirurgie, que les faignées & le* des Européens. 161 purgationsfne doivent point être ad- vTTTcTJr minirtrées dans les maladies cacochy- au Nord, iniques, ni dans celles qui font oc- chaP« VUI< cafionnées par de mauvaifes humeurs An. 16«. qui refluent dans le fang. Il arrive fouvent qu'elles caufent la mort au malade , dont elles affoibliffent la vue, débilitent les nerfs, diminuent la chaleur naturelle, & confirment l'humide radical. Je ne prétens pas cependant condamner entièrement la faignée, & je crois qu'il efl né-ceffaire d'en faire deux ou trois dans toutes les maladies de chaleur, ainii que dans les pléthoriques. Après être demeurés feize jours dé"oiTô"i fur la côte de la Zembîe, tous les Weygatt» équipages fe trouvèrent en bonne fante, à l'exception de trois ou quatre hommes, qui même étoient bien près de leur parfaite guérifon, &: nous mimes à la voile avec un bon vent pour le détroit de Weygats, où nous voulions faire la pêche des chevaux marins. Nous demeurâmes trois jours fans en voir aucun, quoique nos chaloupes fuffent en mer avec huit hommes, non compris les rameurs, armés de harpons, & des autres ufleruilesnéceffaires, toujours DÉCOUVERTES VoyÂoe uir k qui-vive. Enfin le troifiémâ au NorH. jour on découvrit trois de ces poif- çhap. vin.Ions, dont un avoit une groflc cor-iin. 1653. ne au fr°nt- Les premiers le frappèrent avec leurs harpons, lâchèrent de la corde en quantité fuffifante , tk fe retirèrent pour être hors de fa portée, tant qu'il fe débattroit i mais il s'arfoiblit bien-tôt, on lui coupa la tête , & on laiua le corps en mer, parce que la chair n'en eft bonne ni à manger, ni à faire de l'huile. On fait la pêche du cheval marin, uniquement pour en avoir les dents , & la corne , qu'on vend beaucoup plus cher que les dents de l'Eléphant, parce qu'elles font plus blanches , tk ne jaunilfent pas de même. La corne de celui que nous primes avoit dix pieds de long : elle étoit fort pefante, & depuis la racine, qui étoit aulîi large que l'épaule d'un homme . jufqu'à la pointe, elle alloit toujours en décroif-fant, d'une forme torfe très agréable. Une des barques ayant approché de trop près un autre poiffon pour ne le pas manquer, & ne s'étant pas retirée à propos, fut ren-verfée d'un coup de la queue de ceç des Européens. 163 animal, qui commença à en frapper v oy A G"i avec fureur, auffi-tôt qu'il fentit le a" Nord, harpon. Deux hommes furent noyés chap. vm* par cet accident, cependant nous An, primes le poiffon , ÔC quoiqu'il ne nous recompensât pas de la perte de nos Matelots, il nous fut très avantageux, parce que les dents en étoient très groûes, & d'une grande blancheur. Après cette avanture nous fumes Quantité 1 . r , prooigieuiij quatre jours lans trouver aucuns de d'Ours, ces poiffons, 8c nous nous préparions à quitter cette flation, quand nous en apperçumes quatre très gros ; nous en primes trois, & en douze heures nous en découvrîmes cinq autres, dont un étoit à corne. Il s'échapa avec fes compagnons : mais peu de temps après nous en frappâmes un, dont chacune des dents ma-cheliéres pefoit vingt « neuf livres. Deux jours après nous en primes encore cinq, entre lefquels il y en avoit un à corne, mais il étoit petit, &c n'avoit guéres que fept pieds de long. Nous fumes enfuite cinq jours fans en voir, & nous profitâmes d'un vent de Nord - efl pour faire voile vers les détroits de Weygats, 164 DÉCOUVERTES v o v a c. jdans l'efpérance de pouvoir le pa£ au Nord, fer, ce qui raccourciroit de trois Chap. vin quarts le chemin des Indes Orien-An. us»• taies, fi l'on y réufïïffoit. A peine avions-nous fait trente - fix lieues, que nous nous trouvâmes embaraf-fés dans les glaces, & entourés de ces montagnes auffi de glaces, & toutes couvertes de neiges, qu'on voit toujours à l'entrée de la mer glaciale : on les nomme Pater-nofter, & elles étoient en fi grande quantité, que nous ne pûmes aller plus loin. C'efl de ces obftacles qu'on a donné à ces détroits le nom de Wey-gats, qui en Anglois lignifie ce qu'on ne peut paffer. Nous jettâmes l'ancre près terre fur la côte Orientale de la Zemble : un de nos hommes, qui defcendit à terre, y fut renverfé par un Ours, qui le furprit par derrière : heureufement nous le vimes, & nous tuâmes l'animal à coups de fufil, autrement l'homme auroit péri fans reffource." Cet accident empêcha le refte de l'équipage de defcen-dre à terre : mais peu de temps après trois autres Ours vinrent à côté du vaiffeau, & même un d'eux grimpa à bord, quoique nous euffions cou« 3 e s Européens. 16*5 pé les pattes du premier, & queVû;iCJ nous eufïions tué le troiiiéme d'un au Nord, coup de filât. Lorfque cet animal Chap. viil; monta, un des Matelots qui fe trou- An. i^a, va près de lui, fit un cri affreux, ce qui nous fît prendre les premières armes orfenfives que nous trouvâmes fous la main, &c cette bête féroce périt bien-tôt fous nos coups. Nous en tirâmes & tuâmes encore deux autres, qui nageoient près de nous, & nous pensâmes que leur mort nous déli-vreroit à l'avenir de femblables attaques , mais nous fumes trompés dans notre attente. Quelques heures après dix ou douze s'avancèrent fur les glaces le plus près de nous c[u'il leur fut pofïible, enfuite ils fe jetterent dans l'eau, & nagèrent directement à notre vaiffeau : nous réufîimes à les tuer tous, mais femblables à la tête de l'hydre , plus notis en détrnifions, & plus il en ve-noit fur nous, qui defcendoient des hauteurs. Enfin voyant que nous avions affaire à un fi grand nombre d'ennemis terribles , nous retournâmes à la côte Occidentale de la Zem-ble, & nous nous dégageâmes des jdétroits de Weygats eu quinze heu- ro y'ag tres av?c un, bon ven5 d'Eft; m»îs au Nord, ce ne fut qu'après avoir été expofés chap. ix. à de grands dangers par les monta- I An. ut}, gnes de glaces qui s'oppofoient à notre paflage , oc qui nous incom- modoient excefîivemenr. CHAPITRE IX. Quelques gens d'équipage defcendent dans une des Ijles des détroits de Weygats, ou ils tuent un grand nombre d'oijeaux: Defcription de celui qu'on nomme Penguin : Us défendent à la nouvelle Zemble, & fe rendent maîtres de quelques-uns des habitants : Forme de barques fin-guliéres : Habillements de peau d'Oi-feaux: Laideur des habitants de ce pays : Phénomène étonnant dans Pair : Une violente tempête jette P Auteur vers le mont Hècla ; U veut examiner cette montagne , & ejl en danger d'être fuffoqué : Propriété Jinguliére de deux Fontaines en Jflande. Sentiment abfurde de gens qui prétendent que P Enfer eji dans cette montagne ; Quelle ejl la ses Européens. 167 nature du terrein en Iflande, raifon v"OÏA G g *fc fa flèrilitê. Habillements, mœurs au Nord. 6* coutumes des Iflandois : Leur chap. ix. penchant à la Nêgromancie : De~ An, i$$î» fcription d'une Trombe qui caufe quelque frayeur à F Auteur & à fes compagnons : Leur vaiffeau arrive en Dannemarck , & efl déchargé à Chrijlianhaven : Conclujion du jour-nal de V Auteur par quelques remarques fur la Corne de Licorne. Quelques hommes de notre Deicriptio» équipage defcendirent à l'em-desPensuin* bouchure des détroits dans une ifle couverte de fapins & de geniévriers, où nous tirâmes environ foixante Penguins, que nous emportâmes à bord. Cet oifeau n'eff. pas plus haut qu'un Cigne, mais il eft beaucoup plus gros, avec un bec aigu, fous lequel commence une efpèce de poche qui defcend en s'élargiflant juf-qu'au milieu de l'eftomach. C'en: où l'animal conferve fa nourriture, & d'où il la retire pour la manger en-fuite à fon aife. Les Penguins ont les pieds plats comme les Oyes, & font de couleur brune : la chair en eft de très bon gout, approchant de V O v A g k au l6î DÉCOUVERTE^ celle du Canard fauvage, mais beau-Nord' * coup plus grade ÔC plus déîicieufe. Chap. ix. C'en ce que nous avons trouvé de An. um< rneilleur dans tout notre voyage. Avant de les accommoder nous étions obligés de les écorcher, parce JTV que la peau en eH épailTe & rude. Le* Danois Etant demeurés deux jours dans înaîcCr«7c cette iflenous levâmes l'ancre, Se jeux zera- nous remimes à la voile avec un hlxen9' vent frais de Sud-eft, qui nous dégagea bien-tôt des détroits de \7ey-gatz, & après environ trente heures de cours, nous nous trouvâmes vers la pointe de terre où nous avions vu les Zembliens adorer le Soleil. Le Roi de Dannemarck étoit très curieux d'avoir quelques détails exacts fur les richefTes, & fur la nature de la Zemble ; 8z pour acquérir plus ai-fément ces connoifTances, il avoit ordonné à nos Officiers de prendre quelques naturels du pays. Nous ré» folumes d'exécuter fes ordres, fi cela nous étoit pofïïble, & pour y réuf-lir, trente de nous furent partagés dans les chaloupes. Je dis de nous, parce que j'étois toujours de toutes les expéditions qui pouvoient me faire Voir quelque chofe de curieux ou des Européens. 169 Ou de nouveau. Nous vîmes bien-(rrrrrrr* tôt un Zembhen dans ion canot en- au Nord, viron à une demi-lieue de terre: chap. ix. mais aufîi-tôt qu'il apperçut que An. u$u nous ramions à lui, il s'éloigna avec tant de vîteiTe -, qu'il y auroit eu de la folie à vouloir feulement efîayer de le joindre. Il gagna le rivage , jetta fon canot fur fes épaules, & prit fa courfe avec la vîteffe d'un Cerf, fans paroitre embarraffé ni par le canot, ni par un dard qu'il tenoit à la main droite. Nous le vîmes monter une colline, & en peu de temps il fut entièrement hors de notre vue. Nous en découvrîmes bien-tôt deux autres plus avant en mer, que nous environnâmes avec affés de difficulté, & dont nous parvînmes à nous rendre maîtres ; mais quand ils virent qu'il ne leur étoit plus poffible d'échaper, ils pouffèrent des hurlements fi affreux, que je n'en ai jamais entendu de fem-blables. Il y avoit un homme & une fem- ^nr port me habillés de peaux de veaux ma- "au* rins, dont le poil étoit tourné en dehors : chaque habit étoit de deux peaux jointes enfemble , qui leur Tom. VIL H 17O DÉCOUVERTES vovAGfctomkoient jusqu'aux genoux, 6c les au Nord, queues de ces animaux y étoient de-Chap. ix.. meurées pendantes. Leurs culottes An. un. ou caleçons étoient fort étroits;l'hom-me paroiflbit âgé d'environ cinquante ans; il n'avoir point de cheveux, mais il portoit une barbe taillée en rond , de poils châtains. Les cheveux de la femme, qui n'avoit pas plus de trente ans, tomboicnt fur fes épaules en trelfcs : fon nez & fes oreilles étoient ornés de pierres^bleues, en forme de pendants. L'un 6c l'autre étoient d'une laideur excenive. Nous mîmes nos deux prifonniers dans une de nos chaloupes , 6c nous emmenâmes auôi leur canot , qui étoit fait de côtes de poiffon , artif-tement jointes , 6c proprement couvertes de peaux aufîi de poiffon, cou-, fîtes les unes aux autres. Il avoit environ fix pieds de long, 6c deux pieds & demi de large, étoit couvert d'une peau de poiffon, qui laiffoit feulement au milieu une petite ouverture , où fe plaçoit le conducteur : il tiroit cette peau de tous côtés, l"at-tachoit fortement autour de fon corps, de façon que feau ne pouvoir, y entrer ; tenoit le rame entre des Européens, ijt fes mains, & s'abandonnoit à la y0Y AGg ftierci des flots, fans jamais craindre au Nord. d'en être fubmergé. chap. ix. Ce fut inutilement que nous ef- An. i6;i\ fayâmes d'apprendre quelque chofe de nos deux captifs , trop ffupides 6c trop fombres pour en rien attendre. Voyant qu'ils ne nous étoient d'aucune utilité, nous defcendîrrves à terre au nombre de trente, avec des provifions pour plufieurs jours, & nous nous partageâmes en deux Compagnies, éloignés de cent cinquante pas les uns des autres. Nous nous cachâmes dans des cavernes fous des rochers, & nous mîmes des fentinelles aux endroits commodes , pour découvrir fi quelques fauvages anprochoient, dans l'efpérance de les engager de force , ou par la per-fuafion à nous faire voir leurs habitations. Pendant deux jours, nous n'apper- \u en pren-çumes aucunes marques d'habitants : dcux au* enfin nos fentinelles nous avertirent qu'il en defcendoit deux d'une colline vers le rivage de la mer. AufTi-tôt nous nous partageâmes en pelotons à des diftkncés convenables, & les Zembliens donnèrent dans notre em- Hij 171 DÉCOUVERTES Y"OYAGEbuicade, fans nous voir, tk fans fô au Nord, méfier d'aucune trahifon , jufqu'à ce chap. jx. qu'un de nos compagnons tirât un An. i<$5*. coup de fufd. A ce fignal nous parûmes tous ; tk les Sauvages, voyant qu'il leur étoit impoffible de fuir , fe laifferent prendre aifément. Ils étoient habillés l'un comme l'autre, quoiqu'ils fuffent de différent fexe : ils por-toient des culottes étroites , 6c une efpèce d'habit dont les manches ne venoient que jufqu'au coude. Cet habillement étoit de peaux de Pen-guins avec les plumes, excepté en quelques endroits du devant tk du derrière de l'habit, où elles étoient arrachées. Leurs bas étoient de peau de veau marin-avec le poil en dehors, & ils portoient des bonnets en pain de fucre. L'homme paroiffoit avoir environ vingt-quatre ans : il étoit fans cheveux tk fans barbe ; le vilage large, plat tk bafané. Il portoit une hache fur fes épaules, un arc à la main droite, tk un carquois plein de flèches fur fon dos. La femme, âgée d'environ vingt ans , avoit un dard à la main : fes cheveux tomboient en deux trèfles fur fes épaules ; fon dès Européens. 175 Vifage étoit orné de deux raies bleues v qyage au menton , & de deux autres au au N°rf|-front : fes narines étoient percées chap* ix-de même que fes oreilles, & elle y An. ns5j. avoit des anneaux d'os de poiffon , ou des pierres bleues aufîi groffes que des avelines, mais celles des oreilles n'étoient que de la groffeur d'un pois. Nous limes de vains efforts pour Laideur des tirer d'eux «quelque inftruclion furCe"pay" c leurs habitations, tk fur ce qui pou-voit nous intéreffer. Ils demeurèrent toujours obftinés & muets : nous les conduifimes à bord, & nous trouvâmes qu'ils connoiffoient très bien les deux premiers , quoiqu'ils mffent habillés différemment. Les naturels de la Zemble que j'ai vu, font les hommes les plus méprifables qu'il y ait dans la nature humaine : ils font plus petits tk plus trapus que tous les autres peuples feptentrionaux, aufîi laids qu'il efi pofïible à l'imagination de le concevoir dans une efpèce humaine , avec des voix tremblantes, tk l'haleine puante , parce qu'ils ne mangent que de la viande fans fel,. du poiffon, tk de l'huile infecte. Leur marche reflèmble à celle des canards : Hiij voyage ccux ^ue nous Prnnes ne buvoiem au Nord, que de l'eau ; ils haïflbient l'odeur du chap. ix. tabac , regardoienr notre eau-de-vie An. iân. comme inlîpide, tk. ne voulurent jamais goûter de notre pain , de notre bifcuit, ni de notre bierre. Le bois de leurs arcs tk de leurs dards eft pcfant tk d'un rouge brun : celui de leurs flèches eit plus blanc tk plus léger. Leurs aiguilles , les pointes de leurs flèches, & leurs -autres armes oïîenûves tk délènnves , ainii que divers inftruments , font faits proprement d'os de poiffon. Us revien- On étoit alors à la fin du mois "ia.1 Gt0-d'Août, tk bientôt à celle de l'été: les nuits commençaient à devenir longues, tk le froid augmentait de jour en jour; ce qui nous détermina à fonger à notre retour. Nous dirigeâmes en conféquence notre cours au Sud - Oueft, ; mais le vent nous étant devenu contraire , nous fumes obligés de le changer, & nous gagnâmes la côte de Groenland. Nous jetrâmes l'ancre au milieu des flottes Françoifes & Hollandoifes, occupées à la pèche de la baleine. Leurs vaiffeaux s'éloignent rarement du rivage , parce que les baleines, qu'or* fi e s Européens. 17c prend de la même manière que les v o y a G Ë chevaux marins, fe trouvent ordi- au Nord, nairement près de terre. Quand elles chap' 1X> fontprifes, on les coupe en pièces, An, icj*, on fépare la graiffe du corps, tk on la met dans de grandes chaudières j où elle fe fond en huile ; ce qui fe faitprefque toujours dans des huttes , conflruites fur le bord de la mer pour cet ufage. Pendant que nous demeurâmes fur la côte, je vis une baleine qui produifit trois cents cinquante liv. pelant de la fubliance nerveufe qui en porte le nom ; ce qui joint à l'huile qu'on en tira , doit avoir donné un profit très confidérable aux Entrepreneurs- Notre arrivée en cet endroit fut très heureufe pour nos prifonniers Zembliens, qui languif-foient faute d'huile de baleine, parce qu'ils ne pouvoient rien manger fans cet affaifonnement> tk que notre pro-vifion en étoit épuifée : nous en primes de nouvelle, à leur grande fa-* tisfa&ion. Après être demeuré deux jours fur cette côte, nous levâmes l'ancre, ayant le vent Nord-Eft; tk le lendemain vers cinq heures du matin, nous vimes l'un au deffus de l'autre Hiv VOYAGÉ tro*s *°leus ' ^ont ^clat étoit fi fem-»u Nord, blable, qu'on pouvoit difficilement Chap. ix. distinguer le véritable. Ce Phœno-mene fut fuivi d'une violente tem-An. Isa. p£.te ^ qui nous obligea de ployer toutes nos voiles, excepté la mizene, 6c nous fumes chaffés de côté & d'autre dans une mer furieufe pendant un jour 6c une mut. Le marinier qui étoit monté au mât pour obferver, découvrit un grand feu ; ce qui lui caufa une terrible frayeur : mais le Pilote reconnut que c'étoit le mont Hécla en Iflande ; & il fe détermina à en gagner la côte pour y chercher un port, parce que n«us n'étions pas en état de tenir plus long-temps la mer. ils arrivent Nous arrivâmes vers le rivage de M mande. pruande à la fin du jour, & nous vimes diflindement les flammes qui fortoient en abondance de la montagne , accompagnées d'un grand bruit, qui infpiroit la terreur 6c l'épouvante. La mer étoit fi rude, 6c la côte fi remplie de rochers que nous n'aurions ofé approcher de plus d'une lieue de terre fi nous avions eu un Pilote moins habile : mais comme il connoiffoit parfaitement les fonds, il des Européens. 177 entreprit de nous conduire au Cap voyagé Hé ri, où nous jettâmes l'ancre en au N°r toit de l'eau au lieu de flammes, tk d'autrefois des pierres-ponces & des cendres. Fontaines Du mont Hécla nous arrivâmes fpgulicrcs. £n trois heure$ de cheva] à ^ fontaines, éloignées l'une de l'autre des Européens, igi d'environ quinze toifes. Il y en a v o y a g £ une fi froide que tout ce qui y en- au Nord, tre devient aufîi dur que du fer ; ce chai5* IX* que j'éprouvai en y trempant une An. 1653. partie dune petite cane, qui, à mon grand étonnement, fut changée en une matière aiilli pelante que le fer même , peu de temps après y avoir été plongée ; tk il parut auffi qu'elle en avoit acquis toutes les propriétés. Environ à trente pieds de diftance dans l'autre fontaine, dont l'eau eft d'une chaleur bouillante , nous vimes une efpèce d'animal de couleur rouge , environ de la groffeur d'un canard , qui fautoit fur la furface. Il plongea au fend aufîi-tôt que nous le remarquâmes, tk reparut quand il fut hors de notre vue. Cette fubflan-ce fait toujours la même chofe , à ce que nous dit notre guide ; & jamais on n'en a pu prendre aucune : fi Ton en croit ion rapport, elle fe tient à la furface de l'eau quand per-fonne n'en efl proche , tk plonge au fond, qui a foixante braffes de profondeur, d'abord que quelqu'un s'en approche. De ces fontaines, nous gagnâmes la côte de la mer ; tk environ une l8l DÉCOUVERTES /ov,n,t. demi-licue avant d'y arriver, nous au Noci. entendimes les lamentations les plus Chap. ix. plaintives tout le long de la côte. A», un. Ces cris reffembloient aux accens de créatures humaines , tourmentées des plus vives douleurs ; tk ils étoient li lugubres, que le fang fe glaçoit dans les veines à les entendre , tk que le cœur le plus ferme en étoit effriyé. Ces plaintes imaginaires étoient caufées par l'agitation des glaces tk des eaux , qui, pouffées violemment contre les rochers par le vent , produifent ce bruit affreux, qui efl considérablement augmenté par les échos d'un grand nombre de cavernes. La curiolité nous porta à voir ces énormes glaçons, qui ne bordent que ce côté de fille , où il$ viennent au mois de Juin, & y demeurent jufqu'en Septembre. Les habitants dellflande croyent, & notre guide fit fes efforts pour nous le per-Hiader, que cette mer efl le féjour des damnés , que les diables plongent dans les eaux glacées pour leur faire éprouver le froid le plus cui-fant, après les avoir tenus long-temps dans les cavernes enflammées du mont Hécia. C'eû, difènt-ils, dans cette air des Européens. 185 temative du froid au chaud, tk du voyage chaud au froid que confident leurs *«» Nord, tourments. chaP. ix. Le 16 de Septembre nous retour- An, l6su nâmes à Kirkebar , où nous nous repoiâmes quelques heures. Nous remontâmes enfuite à bord , tk nous trouvâmes dans nos vaifleaux le Gouverneur de fine avec un Evê-que, qui étoient venus nous faire une vifite. Le 19 nous profitâmes d'un vent t climat fl$ de Nord , pour mettre à la voile tk 18 quitter 1'Iflande. Cette ifle abonde en bcfliaux , tk a une grande quantité de riches pâturages , dans lef-quels vient une herbe nommée Cai- ' tophe , dont les troupeaux mange-roient jufqu'à en étouffer, fi on les y laiflbit autant qu'ils le voudroient ^ mais on les borne à une certaine quantité. Les campagnes y paroiflent vertes tk agréables; mais le froid y efl fi vif par le vent de Nord-eft., qui y fouffle fréquemment, qu'aucune efpèce de grain propre à faire du pain, ne peut y parvenir à maturité ; il périt dans la terre > ou lorfqu'il en eft forti. Les Iflandois mâles & femelles i>cf<.-rîPti«» ï$4 DÉCOUVERTES ^ovACfcfont excefïiyemcnt laids , &: d'un m Noni. teint bafanné. Ils s'habillent comme Chap. ix. les Norvégiens, avec des vêtements An. i6s3. de peau de veaux marins, dont le poil eit tourné en dehors. Leur linge reflèmble à la toile qui fert aux embalages. Us vivent fous le même toît avec leurs troupeaux, dans des cavernes creufées fous les rochers, ou dans des huttes, dont la vue ne préfente que la mifere. Elles font bâties de bois, ou d'os de poiffon, 6c couvertes de gazon comme dans la Laponie. Toute la famille couche dans fes habits fur un lit commun de foin ou de paille , & fe couvre avec des peaux: ils vivent de leur peche, font très brutaux , d'une malpropreté excefiïve, cv prétendent être Négromanciens. On dit dans le pays, que le diable, qu'ils adorent fous le nom de Kobald, leur pa-roît fouvent fous la figure humaine. Us ont une efpèce de Dieu domefti-que, taillé en bois, dont la forme eft des plus hideufes. Ils lui rendent un ho m m a ge confiant, mais fecret, parce qu'ils font retenus par les Prêtres Luthériens , qui font leurs efforts pour les inftruire dans les prin- des Européens. 185 cipes du Chriftianifme , qu'ils pro- voyage ferlent en apparence, quoique dans au Nord, la réalité il y en ait très peu qui chaP. ix. ibient réellement convertis. An» Le vent étant devenu très fort, nous fumes en peu de jours à la Vue de Talfo, promontoire fur la côte de Norvège, avec une petite ville & un fort château, environ à quatre lieues de la mer. Nous fui-vimes le rivage pendant environ douze heures, croyant être aÛiirés de pouvoir gagner la terre, mais i le vent ayant changé au lever de la Lune , il nous rejetta malgré tous nos efforts, au moins quarante lieues en arrière. Ce coup de vent fut fuivi d'un calme, ce qui eft plus dé-fagréable qu'une tempête pour un marin prêt d'arriver au port après un long voyage. Pendant qu'il duroit, nous fiimes allarmés par une trombe que nous vîmes au Sud-oueft ; nous travaillâmes à l'éviter en pliant toutes nos voiles, & en abaiffant toutes nos vergues : mais nous fumes délivrés de nos craintes , en la voyant fe rompre naturellement environ à deux lieues de nous. La trombe eft un nuage noir, qui Des Trontf bcs. lS6 DÉCOUVERTES voyagerefTemble à une colomne, fituée en-au Nord, ne la moyenne région de Fair, 6c Chap. ix. la furface de la mer: quand elle tom-JVn. 1653. be, elle répand une quantité d'eau fi prodigieufe, qu'elle peut coulera fond en un inllant un vaiffeau qui s'y trouveroit expofé. Le vent nous étant devenu favorable, nous vîmes dix jours après la ville de Copenhague : nous faluâmes le Château, nous jettâmes l'ancre, nous dépendîmes dans la chaloupe, &: nous débarquâmes , très fatisfaits de nous retrouver dans notre pays natal. mDnnty™ Deux jours après, nos vaifleaux «urck. eurent ordre de fe rendre à Chrif-rian-havcn, où ils furent déchargés. Les armateurs furent très fatisfaits d'en voir la cargaifon , qui leur rapporta un profit confidérable. L'un d'enti-'eux préfenta à Sa Majefté Da-noife les deux cornes, qui furent regardées comme des curiolités qui n'avoient point de prix, parce qu'on jugea que c'étoient de véritables cornes de Licorne On donna des ordres pour qu'elles fuiTent dépofées dans le tréfor, Se" le marchand qui les avoit apportées à la Cour, reçut une chaîne d'or, à laquelle étoit at- des Européens. 187 taché le portrait du Roi : on lui ac- voyage corda la liberté du commerce pen- an Nord, dant un nombre d'années fans payer char. ix. aucuns droits; & Sa Majefté promit An. l6s3, aufîi à la Compagnie en général de la faire jouir de plufieurs privilèges très avantageux. Nous conduifimes avec nous les Zembliens à la Cour, & le Roi prit quelque plaifir à voir la fingularité tk la laideur de leurs habillements, & de leurs figures, qui attira aufîi l'attention de tout le monde. L'Intendant de la maifon du Roi eut ordre de leur procurer des logements convenables, & de les faire inftruire dans la langue Danoife. On efpéroit qu'ils pourrqient enfuite donner fur la Zemble quelques notions plus exadtes, que tout ce qu'on en avoit publié jufqu'alors : mais je n'ai point eu connoifîance qu'on en ait retiré aucune fatisfaclion. En terminant ce Journal, je crois Scntimcnw qu'il ne fera pas hors de propos d'ob-^Vi^JSmc, ferver qu'il n'y a point, félon mon<|u'onaPPeil« fentiment, d'autre corne de Licor- c ^01"^ ne, que celle qu'on trouve à la tête du cheval marin, & que les vertus n'en font pas à beaucoup près telles çju'on les a toujours représentées. Il ^OVAC,Éme ParOU" aU"f'1 SUe ^S AuteurS qui au Nord.' ont prétendu traiter de la nature & Chap. ix. des propriétés de la Licorne , ont An. 1653. dépeint des animaux créés dans leur imagination, plutôt qu'ils n'ont don* né une defcription tirée de la nature: quelques-uns mêmes, tels que Marc Paul, Vénitien , ont confondu la Licorne avec le Rhinocéros. Pline nous dit que la Licorne eft fembla-ble à un Bœuf, marquetée de petites taches blanches ; & Munfter la repré-fente comme étant de la même couleur que la Belette , & ajoute qu'elle eft femblable à un Poulain d'environ trois ans. Philoftorge lui donne la tête d'un Dragon, la barbe d'une Chèvre, le col & les pieds d'un Lion, la peau d'un Serpent, & le corps d'un Cerf. Heliodore prétend qu'elle eft fi agile, qu'elle échape ai- les plus aètifs. Enfin Louis Paradis, ries de pois, de fèves & de lentilles : mais il paroît, après un mur examen, que tous ces récits font plutôt faits pour exciter l'admiration, que pour faire connoître la vérité. pourfuite des chalfeurs qui en donne une étrange defcription, nous apprend qu'on en a pris quelquefois, & qu'on les a nonr- i§9 MÉMOIRES AUTHENTIQUES Donnés par le même Auteur fur les affaires de Rufîie. CHAPITRE X. Caractère général de ces anecdotes fur la Ruflie : Etendue prodigieufe des Etats du L\ar : Des mines & des autres produclions qu'on y trouve : Quantité étonnante de cire & de miel que ce pays fournit: Manière dy voyager ; Ignorance & méfiance excefjîvc des Ruffes : Leur averfion four les feiences : Leur religion & fes différentes cérémonies: Leur cruauté envers les femmes : Rufe contre le C\ar Alexis Michaèlowit^, pratiquée par un de feé principaux Cour-Ùfans : Education Jinguliére du Prince Royal de Rufjie* Rua ! ion de Kuâfie. Ç*'Il fe trouve quelques légères cha,.. x. i3 inatentions dans le Journal que UtDité de nous venons de donner, 6c dans la 85£M*' r^at'on Suivante , on en eft bien dédommagé par les objets curieux è'c intéreffants qu'ils renferment. L'air de fincérité qui y régne, 6c la force de jugement avec lequel ils font écrits, les rend également eftima-bles. Quoique la relation de la Ruf-fie foit écrite avant le régne de Pierre le Grand, qui a commencé à en civilifer les habitants, ils font ha •:-tellement fi brutaux, li opiniâtre , Se û ftupides, que les foins de ce Monarque n'ont pu encore réformer, au moins entièrement, les Provinces intérieures, enforte qu'on peut toujours regarder ce que nous en allons rapporter, comme une peinture exacle de leurs mœurs», situation de Les Etats du Czar font plus éten-1 Ruflïe. Jus qlie c„ux d'aucun autre Potentat de l'Europe, fans même y comprendre ce qu'il polTéde en Afie, qui eft encore très vafte. Ils font finies entre le quarante-feptiéme, & le foi-xante Se douzième degré de latitude Septentrionale, 6c entre le cin- des Européens. 191 quantième tk le quatre - vingt - trei- "R v L AI., ON zieme degré de longitude Orientale. de lUffie* Dans cette grande étendue de ter- chap. x. rein , il doit y avoir nécciTai'rement une grande différence de climats. Les Provinces méridionales, oc le cœur du pays, font d'une chaleur modérée , tk quoique cette partie intérieure foit couverte de neiges pendant lîx mois de l'année, tk que la gelée y foit continuelle, durant tout ce temps, cependant lorfque l'air s'adoucit, tk quand les neiges fondent, le terrein , qui efl trc-J fertile, produit toutes fortes de végétaux avec une vîteffe étonnante dans ce court intervalle de temps. C'eif. cette fertilité qui fournit abondamment des provifions aux parties Septentrionales de I Empire , qui par elles-mêmes font fïériles, tk n'ont que peu d'har hi'tarits. Elles font couvertes de forêts , de fondrières, de fables & de marais, enfévelis fous la neige, pendant neuf mois de l'année. Au com^ mencement de l'hiver, le vent de Nord-cfl, qui devient encore plus piquant, , en traverfant de vaifes étendues de terrein couverts déneige tk de glace , rend l'air d'un froid IOX DÉCOUVERTES -excefîîf; tk le vent de Sud n'eft pas r hl ATI ON , 1 /• 1 • de Ruflic. moins piquant , lorlque les neiges chap. x. font aufli tombées dans cette partie. &. La Ruine eit un pays uni, ex-. iupayl °ncepté dans la partie Septentrionale , où s'élèvent les montagnes de Stolp : elle produit du bled , du lin , de la poix , du goudron , de la térébenti-ne, des lapins tk des chênes. On y trouve'de bonnes mines d'argent, de plomb tk de fer, ce qui met la Rulîie en état de vendre aux étrangers une grande quantité d'armes à feu. Le commerce des fourures y eft fi confidérable, qu'elle •fournit tous les ans la charge de mille yailfeaux étrangers pour ce feul article. Elle fait aufli un trafic très étendu par terre avec la Chine tk les Indes Orientales, par le moyen des chameaux ; ce qui donne un profit im-menfe à la Couronne. La cire 6k le miel font très communs dans cet Empire, tk ces feules denrées font la fortune de plufieurs particuliers. Ils coupent des arbres dans les bois, les partagent en tronçons qu'ils percent d'outre en outre, ferment les deux ouvertures oppofées avec «le la cire, tk ne laiffent qu'un petit paf- fage des Européens. 193 fege pour que les abeilles puiffent RUA1IOîa Y entrer. Par les anciennes Loix du de Ruffié. pays , tout homme, qui prépare ainfi chap. x. Un arbre , en acquiert la propriété, Se peribnne ne peut la lui difputer. Dans les Provinces Méridionales ^ Animaux Se Orientales, on trouve des mou- u 1 ays* tons, des chameaux , Se une efpèce de chevaux petits, mais très forts ; les Provinces Septentrionales four-nilfent des oileaux fauvages, des poilfons, des rennes, Se une multitude de différents animaux, dont les fburures font très eftimées. La principale liqueur qu'on boit dans le pays , elt une eau - de - vie tirée du feigle par la diffillation, qu'ils préfèrent à toutes celles qu'on leur apporte , Se un hydromel très fort qu'ils tirent du miel. Au milieu de la RulTie on voyage dans des traîneaux, tirés par des chevaux qu'on change quand ils ont fait quatorze ou quinze milles ; mais plus au Nord on fe fert de rennes. Quand on fait attention à la vîteffe étonnante Se prefque incroyable de ces animaux , on elt furpris de ce que la Cour de RufTie ne prend pas une connoinan-Ce plus particulière qu'elle n'a fait Tom. Vil. I Î94 DÉCOUVERTES Ïuxamon iuiqu'a préfent, des différentes Pro-ï «le KufTie. vinecs foumifes à fon Empire. Elle Ch*p. x. le pourroit aifément par le fecours de ces animaux, qui courent fur les terreins glacés avec beaucoup plus de vîteffe qu'un cheval qui iroit ait grand galop dans le chemin le plus beau & le plus uni. }Mtnte ics Les Ruffes font fi méfiants, & ont &ufl'«. peu de connoilfance dans les affaires temporelles & fpirituelles, qu'ils foupçonnent tous ceux qid font quelques recherches fur leurs principes, ou fur leur gouvernement, quoiqu'ils ne puiiTent eux-mêmes en rendre aucun co npte. Cette jaloufe difpofition occasionne des difficultés insurmontables à tous ceux qui voyagent dans la Mofcovie, foit pour augmenter leurs connoiifances, foit pour fatif. faire leur curiofité. I«wr igna- Le Czar qui régneit en 1560, y étabht un Collège pour l'étude d« la grammaire, & vers le même-temps l'Imprimerie commença à y ctre introduite : mais ces établifTe-ments ne purent fubliffer par la ma* Kce de leurs Prêtres. Quoiqu'ils fuf-ient d'une ignorance grofîîére , &c «ftns lettres, & que la feule puret^ des Européens. 195 de mœurs les rendit plus eftimables TTlÂtwT que les laïques ; ils eurent cependant dc Ruffie. afTés de prévoyance pour juger que chap. g, ce Collège pourroit étendre les con-noiffances, ce qui diminueroit leur pouvoir : aufli ne négligèrent - ils rien pour y mettre ohflacle. On prétend qu'un Prêtre de Chioif ayant autrefois, par fes prières, obtenu la guérifon d'un Grand Duc de Mo-fcovie , qui étoit dangereufement malade, cet événement porta fes Sujets à embraffer la religion Chrétienne. Leur liturgie eff tirée de celle des Grecs, tk ils font leurs prières en langage Efclavon , quoique le plus grand nombre n'ait aucune intelligence de cette langue. Leurs Eglifes font bâties comme Leoc CuJta celles des Grecs , tk font ornées de * ieu" Pries peintures, ils avoient anciennement des images magnifiquement ornées 9 devant lefquelles ils faifoient leurs prières , ce qui a été défendu par des règlements Eccléliafriques furve-nus depuis, ainfi que de fléchir les genoux devant ces figures. En priant ils fe profternent fur la terre, tk les veilles de quelques fêtes particulières, ils paffent les nuits entières datte kiLATioN Ies Eg,if*es- Ils {e jettent ibuvent à àc Ruflle. terre, frappent le pavé de leurs tê-chap. x. tes, & font enfuite le ligne de la Croix. Dans les intervalles du fervice Divin, ils s'entretiennent de leurs amures; & l'Empereur qui y arMe toujours en public, accompagné de toute fa Cour, en expédie plufieurs mirant ce temps. En général il elt très mécontent quand il voit que fes Sujets ne font pas exads à fréquenter les Egliles. . Les RufFes prennent par erreur l'Erable pour le Sycomore, &: ils eu ornent leurs Temples le jour de la Pentecôte, parce qu'ils croyent que «de même que la manne tomba fur les feuilles de chêne dans le Défert, le Saint Efprit defcend fur ces branches , quand ils font proflernés en terre. L'ufage des innVumcnts de mufique cff abfolument défendu dans les Eglifes, par une Ordonnance rendue ■depuis quelque temps. Trois heures après le lever du Soleil, ils difent une prière nommée Obedni ; après le coucher de cet aflre, ils difent celle qu'ils appellent Vackerni ; &: ils en ont une troifiéme nommée Zaoutrings, qui doit être dite à une, freure apjrès minuit. dès Européens, i 97 Voici quelle elt PObedni : » Ayez RFLA.1](fN; » pitié de moi, Seigneur, fuivant de Kuifie. votre amour plein de tendreffe. Chap. x, » Effacez tous mes péchés par la » grandeur de votre miféricorde , m &: par la multitude de "vos bon-» tés. >r Dans le Vackerni, ils difent i » Seigneur, écoutez ma prière lorf-» que je m'adreffe à vous, & ordon-» nez que mes cris s'élèvent jufqu'à » vous. >f Le Zaoutrings eff en ces mots i' >> Nous mettons notre confiance >f dans le Chrifi notre Sauveur, tk >f toute notre efpérance efl en lui. >t Ils répètent le Miferere , qu'ils ap- De leur» pellent Hofpedy pomelée, jufqu'à cent j^p"" °* fois , & on regarde comme le meilleur Prêtre, celui qui en dit davan-tage. Cinq ou fix de ces Prêtres font enfemble des lectures de la manière la plus eonfufe: l'un recite une prière , un autre bredouille un chapitre i un rroifiéme lit un pfeaume, tk. les autres ce qu'il leur plaît. On donne à chaque Prêtre le nom de Pape , qui fignifie Père , ainfi l'on dit 1« Pape Paul, ou le Pape Nicolas; mais-les Evêques font diftingués par le 'r mat ion nom ^e Métropolitain, tk le Patriar-4e Kdffie. che ou chef de leur E^life, eft ap-thtp. x. pelle le Proto-pape. Les Curés ou Prêtres des Paroiffes, ne font diftingués des Laïques, que par leurs têtes rafées, ik couvertes d'une ca-loîe de laine rouge, tk par deux perites pièces d'étoffe attachées des deux côtés de Peftomach ; du refte ils s'habillent de bleu, de rouge, de jaune, ou de telle autre couleur qui leur plaît le mieux. Ils fe font raier avec foin la couronne qu'ils ont fur la tête , mais ils ne coupent point le refte de leurs cheveux, tk ils biffent auui croître leur barbe. Ils peuvent être mariés, mais à une feule femme, fuivant la régie de Saint Paul, tk ne peuvent en prendre une féconde après la mort de la première ; auui ils ont pour elle beaucoup de tendreffe, parce que leur privilège de Prêtre finit à la mort de cette femme unique. Jt«nrb»ptè- Leurs cérémonies du baptême font toc# à peu près femblables à celles de l'Eglife de Rome, mais avec cette différence qu'ils plongent le corps de l'enfant dans l'eau. Ils avoient des Européens. 199 anciennement l'ufage d'acheter des \lLATiÔH Infidèles, pour les obligera embraf- de Ruff* fer le Chriftianilme , mais cette Chap. coutume a été abolie depuis quelques années. Quiconque veut pro-feflèr publiquement leur religion, foit Catholique, foit Proteftant, doit re- renoncer à fon premier baptême , de même qu'à fon pere & à fa mere , & cracher trois fois par-deffus forç épaule. Quelques anciens habitants du pays ont remarqué que d'un grand nombre d'Anglois, d'Ecolfois tk de Hollandois , qui ont abjuré leur propre religion pour prendre celle des RiuTes , il y en a eu très peu qui foient morts naturellement. Les mariages des Mofcovites fe font , L«iri «j» fans beaucoup de cérémonies: fans au- rwS"« cun refpect pour la pudeur, la femme eit examinée par cinq ou fix de fes amis, tk s'ils lui trouvent quelques défauts corporels, on les répare autant qu'il eif poflible. Il arrive fouvent que l'homme n'a jamais vu avant le mariage celle auquel il doit être joint pour toute fa vie. Les folemnjtés nuptiales font très courtes : lorfque le prêtre a formé le nœud conjugal , Je Sacriftain jette du houblon fur 200 découverte s" Z*-' les mariés en ibuhaitant que la fcm» ic RuiVx. me loit aulli fertile que cette plante, chap X Un autre Officicr de l'Eglife habillé d'une peau de chèvre avec le poil en dehors les accompagne jufqu'à la maifon , la mariée étant conduite par une vieille femme & fi bien cachée qu'il n'eff pas pofîible de rien voir de fa perfonne ; cet Officier ne cefiè de faire en chemin des prières pour qu'elle ait autant d'enfants qu'il -y a de poils à fon habit : le Curé porte la croix devant elle depuis l'Eglife jufques chez le mari qui efl efcorté par une troupe de jeiuiçy garçons. Le nouveau couple fe met à table,' on lui fert du pain & du fel pendant qu'un chœur de jeunes gens des deux fexes chante un épithalame fi impudent qu'il ne peut être entendu fans rougir par ceux qui ont quelques fen-timents d'honnêteté. Après cette cérémonie les mariés font conduits dans la chambre à coucher par une vieille, crni recommande à la femme d'obéir à,fon mari, & au mari d'aimer fa femme. Alors le marié s'alfied , &c dit à la fe mme de choifir une de fes botines pour la lui tirer ? après avoir des Européens ±&f Commencé par cacher clans l'une un RlUATION7 fouet, & dans l'autre une bourfe & Ruffîc. pleine d'argent ou quelque joyau. Si chap. elle choilit bien , on -en tire un heureux préiage, mais fi elle a le malheur de prendre la botine où eft le fouet y c'eft un prognoftic fimftre , ck le mari lui en donne auiîi-tôt un coupy pour lui faire eonnoître ce qu'elle ctoit attendre à l'avenir.- Après cette cérémonie on les 'laine feuls pendant deux heures,la vieille revient enfuite, & fi elle a lieu de croire que le mari l'ait reconnue pour vierge,. elle lui attache fes cheveux, qui avant étoient-éparts fur fes épaules, & la jeune femme va demander fa dot à fa mere. Les Ruffes font très inhumains en-- tcut dîttri vers leurs femmes , quoiqu'il y aàtj.n*crs eu quelque réforme à cet égard depuis un certain nombre d'années. Il a été connu de tout le public qu'un Négociant de Mofcow a brûlé fa femme dans ime chemife trempée d'efprit de vin, après l'avoir cruellement battue , &c il n'y a jamais- eu aucunes-pourfuites contre lui pour ce meurtre,, parce que fuivant les loix de Ruiiie,; la mort d'une femme quand elle euV rhation *a n"te ^l,ne corre^»on de fon mari; JcRuffie. n'eft pas imputée à crime. Ils les at-gkap. x. tacnent quelquefois par les cheveux à un poteau , tk les fouettent jufqu'à ce qu'elles en meurent, mais il efl rare qu'ils exercent ces châtiments févères, excepté pour adultère ou pour ivrognerie, ce qui môme n'arrive pas fréquemment, parce qu'on oblige fouvent les hommes à figner des articles de mariage , par lefquels ils s'engagent à traiter leurs femmes fuivant leur qualité, à leur donner de bons mets tk une boiflert convenable, tk à ne jamais les fouetter, les égratigner, ni les frapper à coups de pied. Si une femme tue fon mari, on l'enterre jufqu'à u col, tk on la laifTe mourir dans cet état. On fait peu de mariages qui ne foient accompagnés de charmes tk de conjurations, tk ils prétendent que par certains enchantements on peut empêcher l'u-iiion conjugale ; mais avec une petite fomme d'argent, le mari eff fe-couru par le magicien blanc qui a le pouvoir de détruire ces obftacles. Suivant leur droit canon, il eff défendu aux maris d'approcher de leurs des Européens. 103 femmes le lundi, le mercredi &: le relaiion vendredi, & celui qui tranfgreffe de Recette loi elt obligé de fe baigner avant Chap x, d'entrer dans l'Eglife. Un homme qui fe marie une féconde fois elt obligé de relier vers la porte, & celui qui prend une troifieme femme eft excommunié. Quand une femme elf fté-rile, fon mari eft en droit de la battre jufqu'à ce qu'elle fe retire dans un couvent fi elle ne veut pas y con-fentir volontairement. Lorfque le Czar veut fe marier, il le fait publier dans fon Empire, on lui amène les plus belles filles qu'on peut trouver, tk il choilit entre elles celle qui lui plaît le plus , pour en faire fa femme. On rapporte qu'Alexis Michaelo- ,,s"r5,rcb?,rîe ■witz , pere de Pierre premier, man-RuOe. qua d'épouferune fille très aimable, à laquelle il étoit fortement attaché, par l'artifice de fon premier Miniftre Boaris Juanovitz, qui lui fit prendre pour femme Marie , fille d'Elie Da-nelowitz, homme riche, mais de baffe naiffance. Marie n'avoit pas une grande beauté, mais elle étoit Spirituelle 9 adroite, avec toutes les apparences de la dévotion tk de la modeftie. Le Miniftre favoit qu'en s'oppofant ou,- 204 découvertes" r ri at, «m vertement à l'inclination du Czar; de Huffie. non-feulement il ne reufiiroit pas , Ch»p. x. mais qu'il couroit même 1« rifque de s'attirer fan averiion : il gagna la femme qui devoir préfenter la couronne à celle que fon maître avoit choifie , Se elle lui attacha les cheveux de fi près, que la jeune per-fonne s'évanouit. Alors le Miniftre foutint qu'elle romboit du haut mal. Son pere qui l'avoit conduite à la cour fut aceufé de trahifon , on le fouetta ignominieufement, Se il fut relégué dans la Sibérie. Après cet accident, Boaris engagea le Souverain à époufer Marie, & il y confentit dans la crainte d'être enforcelé, parce qu'on réufïït à lui faire entendre qu'il y feroit expofé s'il la refufoit. L'artificieux Miniftre époufa la feeur de Marie , dans l'ef-pérance de s'agrandir par cette alliance , Se d'affurer fon crédit à la cour fur un fondement qui ne pour-roit être ébranlé ; mais s'il en retira quelques avantages , il" perdit le plus grand de tous les biens en perdant la tranquillité. II étoit vieux Se par conféquent jaloux, fa femme étoit eime Se helle , la défunion fui vit dés Européens, zo^ de près leur mariage, & il fit bannir ^yLAll0^ dans la Sibérie M. Guillaume Barn- de Ruflïc. fley, Gentilhomme du Comté de r-u , y W orceftcr, parce qu il penia eue fa ftmme étoit trop familière avec lui. Ce Gentilhomme après vingt ans d'exil, retourna à Molcow, embrafia la religion des Ruflès , époufa une femme très riche, avec laquelle il vécut dans l'état le plus brillant. Le Czar ayant découvert que la Elle efl dé-mal a die de celle qu'il avoit voulu ^Clk, p" époufer n'étoit qu'accidentelle , en eut un très grand chagrin : il rap-pella fon pere, ck leur donna à l'un &: à l'autre une peniion très confidérable. Elle conferva précieufement l'anneau & le mouchoir que le Czar lui avoit donnés , pour fe retrouve-nir du haut rang où elle avoit été ii près de monter. Elle refufa toujours de fe marier, quoiqu'il fe présentât des paitis très avantageux. Les* parents de la Czarine Marie, &: même fon pere &L fon oncle n'oferent jamais prendre le titre d'alliés de la famille Royale , quoique le dernier fut élevé à des places très confidérables. Le Czarowitz ou Prince Royal ne Sirpcrrtitio» paroil point en public, mais il efis.ui croiîiclïe 266* DÉCOUVERTE» cardé à vue par un petit nombre de Ruffie. de lu jets charges de ion éducation ^ Chap. x. jufqu'à ce qu'il ait atteint l'âge de quinze ans. Alors on le fait paroître iaîflS" voir° dans la place publique , pour que les kur< enfants. Mofcovites ne puilfent douter de fon identité, parce que plufieurs impo-fleurs ont fouvent voulu en impofer. Les gens même du commun ne permettent pas à leurs enfants de fe faire voir , parce qu'ils croyent que les yeux des étrangers peuvent leur attirer quelque malheur. Ils les févrent ordinairement à deux mois, tk ils deviennent forts tk robufles : enfuite ils leur font fuccer du lait chaud de vache, foit dans une corne, foit dans quelque infiniment d'argent ; & commencent à les faire jeûner très régulièrement dès l'âge de deivj^ ans. bes Européens. 107 Relation de Ru/Titr. Chap. XI, CHAPITRE XI. Les jeunes gens de Ruffle tenus très fèvèrement : Jeunes rigoureux dans ce pays : Ils regardent comme impures diverfes fortes de viandes : Des différentes efpeces de champignons communs en Ruffie : Avantages que la nation retire des jeûnes : Leurs pénitences : Ereciion de la dignité patriarchale en Mofcovie : On célèbre avec pompe le Dimanche des Rameaux : Hifloire plai-fante d'un domejlique ignorant : On fait préfent d'oeufs à Pâques : Les femmes y boivent beaucoup : Débauche excefjive du peuple en général : Defcription de leur mufique, LE s jeunes gens qui dépendent sévérité r leurs Carc- Les Ruffes ont quatre carêmes par ws" an, pendant lefquels ils fe nourriffent de choux, de concombres tk de pain de feigle , ne buvant que du quaili qui eft une liqueur moins forte que de la petite bierre. Ils ne mangent pas même alors de poiffon, & regardent comme une tranfgrelTion de boire après quelqu'un qui auroit mangé de la viande , ou de fe^ervir d'un couteau qui en auroit coupé , à moins que ce ne tut vingt-quatre heures après : enfin de rien prendre qui fut même rréceffaire à leur fanté ^ comme de la corne de cerf, du fucre,. ou du fucre candi. Il y a plufieurs fortes de viandes* qu'ils regardent comme impures ; telles font la chair de cheval , 1er Xeau.*.l'élan, le lièvre tk le lapin* des Européens. 209 Ils mettent aufli au même rang le kjlation lait d'âneffe, celui de jument, ik ne d« ftuffi*. voudroient pas prendre de théria- ebap. xi. que, parce qu'il y entre de la chair de Vipère. Ils ont la même horreur pour tout ce qui efi mêlé de mule, de civette, ou de chair de Caflor. Cependant ils ne font pas Juifs, tk ils ont de très bon lard , puifque dans un des magafins du Czar , qui fut brûlé il y a quelques années, il en fut confumé par les flammes plus de fix mille flèches. La Ruflie produit une grande cuan- ciumpï-tité de différentes efpéces de cham-f"u°£se, c pignons, qui font d'un grand fecours pour les pauvres , tk dont on fait des ragoûts pour les tables des riches. On en vend la charge de plus de mille chariots tous les ans à Mofcov,'& il s'en trouve très peu de ceux que les Botaniftes rangent dans la claffe des poifons. Il y a une efpèce précoce nommée Smitzkies, ou champignons de miel, queGerrardcompte pour venimeux , tk qu'il appelle Fu:vgi - farinofi , cependant ils font très chers , & on les fert comme un mets délicat fur les tables de la 110-Weffe Ruffe, où l'on en fait des pâtés, JuITtTÔn ('es por«igcs , cV différents ragoufs. d* Ri; (fie, Les plus précoces de tous font les Chap. xi. Grilibeys , dont la couleur efl brune, ou plutôt d'un jaune foncé", avec une queue formée en pilaflre & enflée au milieu. Les Volnitzics font bruns &c noirs avec un peu de rouge mêlé, & le fommet élevé en pointe. Les Growdys font percés comme une ruche a miel, le jus en elt amer , & fi corrofif qu'il fait élever des pu-flules douloureufes dans la bouche , quand on le mange avant qu'il ait bouilli. On en trouve une autre efpèce qu'on nomme Maflamies, qui lignifie gras ou huileux, à caufe de de leur qualité, 6c ils fe fubdivifent en différentes claffeS. Avantage» $i les Mofcovites n'avoient pas au* [u ils retirent , . A ». 1 es jeûne», tant de jeunes, ils manqueroient fouvent de vivres, parce qu'ils renferment leurs belliaux dans lesétables durant cinq ou fix mois d'hiver. S'ils faifoient autrement, les payfans ne voudroient pas fe donner les foins né-ceffaires pour augmenter le troupeau, crainte que leur chef ne s'emparât de tout , genre d'opprefîion qui n'efl pas rare en ce pays. Ils s'abfliennent fouvent de toute autre forte de nour- be5 Européens, trt riture que du pain, du fel, & des ^fLAT10H" concombres, avec de l'eau pure pour & Rwfficn boiflbn. Ils tendent quelquefois leurs chap. xi, corps comme un arc, & frappent leur tête contre une image , genre de pénitence très ordinaire en ce pays. Le Patriarche de Rume, chef de T«a & ne mangés rien de trois des Européens. 115 jours. >» Le valet d'un marchand relation ' Anglois, né dans une Province très de «-urtie. éloignée, entendant cette injonction, chaf.xu crut la devoir oblerver à la lettre, & s'y conforma exactement; mais il jura depuis qu'il n'y affifteroit jamais , & dit que c'étoit plutôt une malédiction qu'une bénédiction , puisqu'elle favoit conduit prefqwe à la mort. Le temps de Pâques eft chez les ■ *-cl" Pi#$ Ruffes cehri d'une grande réjouiffan-ce, non-feulement à caufedelafolem-nité de la fête, mais parce qu'il finit le jeûne long & févére qu'ils obfer-vent. En fe faluant alors, ils fe difent : » Le Chrifl efl reffufeité, « à quoi on répond : » Oui, il efl vrai-» ment reffufeité. » Il fe font réciproquement préfent d'œufs peints de bleu, de rouge, de verd, ou d'autres couleurs, dont quelques-uns par la délicateffe de la peinture, content jufqu'à deux richdales chacun. Durant cette fête, toute la maifon du Czar baife la main du Patriarche , qui donne trois œufs aux gens du premier rang, deux à ceux qui font moins qualifiés, tk un feul aux gent fie rang inférieur. ii6* Découvertes rÏTatTon* Aucune fête ne fe termine en Ruf-d Rjflie. fie fans ivrelfe, & elle eft fi commuer, xi. ne même entre les femmes du plus us font haut rang, que lorsqu'une Dame en-adonu 'sài'i- voye s'informer de la fanté de celles qui ont mange chez elles, la repon-fe ordinaire eft de dire : » Faites mes »> remereiments à votre maîtrefle de »> la bonne chère qu'elle m'a faite, » j'étois fi bien, que je ne me ibu-» viens pas comment je fuis forîie » de fa maifon. ■» Quiconque meurt fans Conrèiïion , ou fans Extrênie-onètion , ne peut être admis à la fépulture des Chrétiens , qui eft ordinairement accompagnée de cérév monies affés ridicules. Aulîi-tùt que l'ame eft féparée du corps, on le met dans la bierre avec un morceau de pain auprès de la tête. crainte crue le décédé ne foit affamé en arrivant au Ciel; pour qu'il foit moins tari-gué on lui met aux pieds une paire de fouliers noirs, & pour les autres dépenfcs néceffaires, .on place quelques pièces d'argent dans fa bouche. Il emporte avec foi dans une de fes mains une bande de papier, adreifce à Saint Nicolas, & lignée du Curé pour attefter que le mort a été un homme des Européens. 217 homme de bonnes mœurs. S'il laiffe RtJAT1Q^' une femme, non-feulement elle eft «Je Ruffie. obligée de r paroître inconfolable , ebap. xî. mais il faut encore qu'elle paye d'autres femmes pour pleurer avec elle; 6c au milieu de leurs lamentations, elles font au défunt différentes quef-tions , en lui difant : » Ah ! mon >> cher ! pourquoi êtes-vous mort ? *> Pourquoi nous avez-vous quitté? » Eil-ce que votre femme ne rem-» pliffoit pas exactement tous fes » devoirs? Eft-ce* qu'elle ne vous » donnoit pas de beaux enfants, & » n'avoit-elle pas grand foin de vo-» tre maifon ? Aviez - vous à vous » plaindre de fa douceur, ou de fa >> tendreffe ? Elle faifoit tout ce qui » étoit en fon pouvoir pour vous » bien fervir? Vous laiffoit-elle ja« *> mais manquer de bonne eau - de -»> vie? Et n'en aviez-vous pas au-*> tant que vous en pouviez boire ? >» 11 femble qu'ils regardent l'eau- Acriden». de-vie comme la liqueur de l'immor- ^ ^"e^0 talité, & ils en ont une efpèce fi forte, qu'on croit fentir du feu dans la bouche; mais ils ont foin d'avoir toujours du lait fous la main quand ils en boivent, $C ils croient qu'ils Tom. VII, K 21$ DÉCOUVERTES KtLwiuN s'expoferoienr à un grand danger s'ils ^ Kuffie. n'avoient recours à ce remède. Les Chip, xi Mofcovites célèbrent le Carnaval par des débauches exceffives, & ils boivent avec tant de fureur dans la femaine qui précède le Carême, qu'on penleroit qu'ils veulent fe remplir de liqueur pour le refte de leur vie. Quand ils font ainfi dans Pivref-fe, il leur arrive fouvent, qu'en retournant chez eux ils tombent dans la neige, dont la fraîcheur les fait mourir. Si quelqu'un de leur con-noilTance les rencontre dans cet étar, il efl très rare qu'il les relevé, parce que s'ils montaient entre les mains de celui qui leur donne du fecours, il feroit obligé de fubir l'examen d'un homme nommé le Juge deZemli-precaufe , qui lui feroit payer chèrement fa compafîion. Bes Sttrues II fe paffe peu de Carnaval oîi il sïna^Nic©-ftar"Ve ^euX OU tr°'S cents ^e ces •••• accidents ; & il n'efl pas rare de voir dans ce temps, dix ou douze corps morts de la populace, menés fur un même traineau, avec une partie du vifage, ou des épaules rongées, quelquefois à n'y refier que les os. Ceux qui font ainfi morts, on les laiffe des Européens. 119 deux ou trois jours dans un endroit RltAT10H' public pour les reconnoître : d'autre- de luflîe. fois on les porte au Bogzi-dome, ou chap. xi, Hôtel-Dieu, & on le%met dans une cave voûtée, ou il y a quelquefois trois ou quatre cents cadavres en même-temps, que les Prêtres enterrent l'un après l'autre dans le Cimetière de Saint Jean. Ils y demeurent un mois entier fans que la foffe foit couverte d'autre chofe que d'une nate, pour les garantir de la pluye, & les Prêtres y vont tous les jours lire un Pfeaume. Les images ou fta-tues que les Mofcovites gardent dans leurs maifons, font très grofliérement faites, & ils répondent à ceux qui leur demandent, ce que repréfente des figures fi difformes, que leurs Dieux ne font point orgueilleux. Lorfqu'une image efl vieille , ou qu'elle déplaît à celui qui en eft le poffeffeur, il la porte à l'ouvrier qui l'a faite, & pour une petite tomme il en reçoit une neuve à 11 place. Dans cette efpèce de trafic on ne prononce pas un mot, & le vendeur repouffe l'acheteur fans parler, •jufqu'à ce qu'il lui ait offert le prix qui lui convient, Kij relation Q"™* on jwg* que ces images ae Rnffle. font abfolument hors de tervice , on Chap. xi. les jette dans l'eau avec une pièce d'argent, enfilant : >♦ Adieu frère, ou » Dieu foit avec vous, monfre->► re. » S'il arrive qu'une Eglife foit brûlée, on dit feulement qu'elle eft montée, & ils en difent de même de leurs images, qu'ils fauvent toujours les premières dans les incendies. Ces images ou ftatues, qu'ils appellent leurs Saints Nicolas, font magnifiquement ornées , 6c ils les donnent fouvent ainfi parées à l'Eglife, où ils vont faire leurs dévotions. Les Prêtres firent couper la main à une pauvre femme, qui dans un état d'opulence avoit donné une image richement habillée , 6c qui fe trouvant enfuite dans la mifere, avoit repréfenté fon état à fon Saint Nicolas, lui avoit demandé la per-miffion de lui ôter un ou deux des rubis dont elle l'avoit orné , 6c les avoit réellement détachés, prenant fon filence pour un confentemenr. Les Saints Nicolas que l'on garde dans les maifons , font également enrichis de joyaux: mais il arrive fouvent que flans le befoin, celui Des Européens." m qui les poflede les dépouille entière- KïLA.noN" nient nuds. ie ****** En Ruffie les Moines & les Reli- chap. xi. gieufes ne font point affujettis à des . / 1 • r Des Moines règles fort feveres ; les premiers tont& d« Reii-commerce de chevaux, de houblon 5S«"fc* de bled, ou de toute autre marchan-dife ; tk les Religieufes vont où il leur plaîr, prenant fouvent des libertés peu ^pmvenables à leur fexe., tk encore moins à leur profelîion. Quand quelqu'un eff convaincu d'hé-xéfie, on le jette de la terralfe d'une maifon dans un feu préparé à côté, où fon corps elt réduit en cendre». Un des derniers Patriarches a dé- leur nwfr fendu de faire des inflruments de,ut* mufique, parce qu'il les regardoit comme propres à énerver le peuple , tk comme dangereux pour l'Etat. Cependant les Rufles font paf-■fionnés pour la cornemufe, tk ils •ont aulîi une efpèce de violon, ave« un ventre comme un luth ; mais ils ne peuvent jouer deffus que quatre ou cinq notes, aufli leur game eft très peu variée , tk fe borne prefque ^ S3' êa> ge, qui revient à notre ici fa la, ce qu'ils ont pris ou des •Grecs, ou des Eidavons. Leurs ca^- K iij 111 DÉCOUVERTES relation dences font extravagantes, & Ton 4e Ruflia. ne peut imaginer rien de puis ridi-«hap. XI» cule, que leur pitoyable imitation du récitatif Italien. Cependant il eft étonnant que leur mufique foit fi mauvaife, puifqu'ils ont des Ecoles publiques, où Ton inftruit leurs en-fents avec beaucoup d'attention. Les pauvres en Mofcovie demandent Pau, mône, & expofent Imr mifere du ton de ces récitatifs. Un Ambaffa-deur Mofcovite étant à la Kaye, on lui fit entendre, pour Iamnfer, une mufique des plus belles voix, & des meilleurs inftruments qu'on pût raf-lembler : on lui demanda enfuite comment il l'avoit trouvée : >♦ Très » bien en vérité, répondit-il, voilà >♦ comme les mendiants exercent leur » profefîion dans mon pays. » La mufique militaire de ces peuples con-fiiie en tymbales, avec quelques cornets de cuivre, & des trompettes, dont ils ne lavent pas ménager le fon. Ils regardent la danfe comme au-delTous de leur gravité , mais ils font venir des Efclaves Tartares &c Polonois, pour les amufer dans des temps de récréation & de débauche, par des fauts qui fe reflentent de U fcaffeffe de leur état. » e s Européens, xi^ Le Gouvernement de Mofcovie ReLATIoK eft abfolument Monarchique : il y a Kuffie. peu de Loix écrites, une efpèce de Chap. xi. Droit coutumier fait la régie de leurs Leur G Cours de Juftice, qu'ils nomment veri«»cui. pRECAUSES,&la Sentence prononcée par le Juge, eft en dernier reflbrt: mais elle eft fouvent bien payée, prévarication qui leur eft très ordinaire. Les Greffiers font à ge*-roux, avec des tables devant eux, ils écrivent les lignes fort écartées les unes des autres, ce qui employé beaucoup de papier, Ôc augmente les frais du client. Les Parties font aufti maltraites par ces harpies, qu'on nomme Podiacks, & par leur chef nommé Diack, que fi leurs affaires étoient entre les mains d'un de nos Procureurs. Les placets font en forme de requêtes: l'Avocat les préfente roullés au Juge, ou au Boyar^ qui eft chef de la Juftice, quand il lui plaît de tenir le Siège. Il répond car fon Secrétaire , qui eft très lent a délivrer les expéditions, à moins que l'Avocat ne lui prenne la main, parce que dans ce pays, comme en beaucoup d'autres, l'argent reveille l'attention, 6c fait expédier les affai* K iv rma "ok fes- L'alphabet RulTe eft compofé'de ie Ruflie. quarante - deux caractères, dont ta Cbap.xn. plus grande partie font les mêmes que ceux des Grecs. C HA P ï T R E XII. aè'!: f) > i '<■>* rtoii;onnvyic( , -:jv;rr Z?« CW5 , 6«' de la con~> , duite que tiennent les RuJJes envers les criminels : Combien ils font cn± clins aux vicis, qui font horreur A la nature : Leur vénération pour Saint Nicolas : Comment les Grands • expient leurs rapines* Du langage des Ru fes: Polonais qui s'y font introduits : Barbarie des Loix P0-lonoifes : Malpropreté des gens de set te nature ; Ce font eux qui ont - les premiers introduit Puf'age dé poudrer les -cheveux : Mœurs & ufages des Circafjîens : La Ruffiç je révolte contre le Gouvernement Tartan : Hifoire d'un Ambaffa-deur Anglois. .. ni >■ ••»:: >"• : '■' .n -jf;îovAtJ -:wo Cours de î L y a en général trop de confii- ju-icature. £Qn (|ans £Q ^ con( er ,e {çs Cours de Judicature de Rufiie, pou*» des Européens. 115 que nous.entreprenions de les faire REiATU.*f connoître en détail. Il y en a une de établie dans chaque Province; le chap.xu. chef repréfente la perfonne du Czar^ & a fous lui un Chancellier, un Diack ou Secrétaire, des Sous-fe-crétaires, & d'autres fuppots de Juftice. Quand le Juge n'efl pas corrompu , la Partie plaignante efl prel-que fure d'obtenir une Ordonnance en fa faveur. Il efl rare que les criminels foient condamnés à mort en Rufîie ; le fouet ell le châtiment le plus ordi* naire : mais il y en a d'autres auxquels la mort feroit préférable. Ur* * meurtrier fe racheté par une fomme d'argent; & fi perfonne ne fe préfente pour le ponrfuivre, le Magif-trat ne le fait jamais d'Office. Perfonne n'efl regardé comme convaincu d'un crime capital, à moins qu'il ne l'ait avoué : mais les moyen* dont on fe fert pour tirer cet aveu, font terribles. On commence par donner l'eflrapade au coupable ; s'il garde le filence, l'Exécuteur le frap- . pe avec un fouet de neuf brins , dont fix ou fept coups fortement appliqués pourroient tuer un homme ; ost K v ViiATfoN uu Perce ^es fôiés aveG des fers de Ruflîe. chauds : on lui fend les chairs, on Chap. xii. y met du fel, & pendant qu'elles tiennent au corps , on les fait rôtir à petit feu. Quand il demeure encore muet, on prend le foin de bien gué* rir fes bleffures, & s'il y fiirvit on recommence les mêmes tourments , après vingt jours de repos. D'autres-fois on lui écorche la moitié du corps, & s'il fouffre cette horrible opération avec confiance , on termine cet affreux fupplice en lui verfant goûte à goûte du plomb fondu fur la tête , après l'avoir bien rafée. Jti«ru*arée* Un faux - monnoyeur elt obligé f>ppiises. cPavaller le métail fondu des pièces qu'il a contrefaites. Si quelqu'un tire une Chouette dans une baffe-cour du Palais , on lui coupe la main droite tk la jambe gauche, parce qu'on fuppofe que le plomb auroit pu porter dans la chambre du Czar. Ceux qui font coupables de trahifon, après de cruelles tormres, font envoyés en exil en Sibérie, quand on ïeur a arraché les yeux, ou coupé ks, oreilles ; & fouvent on les abandonne fur la route , où ils périffent.. Ce n'èft que depuis peu qu'on a Î>ES EUROPÉENS. Ï.1J introduit en Ruilîe l'ufage de pendre RlIAT]ON' les malfaiteurs ; ce fupplice étoit an- «*e Rufiïe. trefois défendu, parce qu'on croyoit chap. xn, que le col étant ferré, l'ame fortoit par la partie oppofée ; ce qu'elle ne pouvoit faire, fans y contracter quelques fouillures. Le criminel eit. à pré-fent obligé de fe paffer lui-même la corde au col, & de fe jetter quand l'exécuteur le lui ordonne. Quoique cet oflice ne confère pas la nobleife, comme en quelques autres pays,. ( au moins fi on en veut croire ceux qui l'exercent ; ) il elt héréditaire en RufTie , & les pères innVuifent avec' foin leurs enfants dans la pratique de cet art. Les crimes contre nature ne font pas punis de mort comme chez les nations plus policées , mais-pour dérmire des abominations trop communes, les mariages font très encouragés. N'arrêtons pas nos yeux fur d'autres horreurs, dont l'Auteur que nous traduifons n'auroit pas du' même rapporter le nom. Les criminels depuis quelque temps font amenés des diverfes parties de l'Empire dans la capitale pour y être jugés?, ce qui jette en de grands frais , &: oÈ fujet à' beaucoup d'insonvenienisv 2l8 DÉCOUVERTES relation Les habitants des environs d'Ar-de RurTie. changel & de Cola regardent Saint du;-, xu. Nicolas comme un Dieu ; tk on fe- leur Ai r0'1 el1 T'^'CiUQ ^e *a V*e » " ^on Pil* tionà saCiac roilfoit douter de ce qu'ils aiïurent; xuola*. qUe ce 5ainr eft venu d Italie au port qui porte l'on nom près Archangel fur une meule de moulin. Us célèbrent des fêtes en l'honneur de plufieurs autres Saints ; mais il n'y en a point qui foit tenu dans une aufli haute eltime. Ils difent pour raiiori que Saint Nicolas étant né en Faillie doit a voir naturellement plus d'égards pour eux que Saint Pierre & Saint Paul, qui ne les ont jamais connus. Les Boyards ou autres Grands de l'Etat y quand Bs ont amaflé des ri-cheilès, foit en pillant les étrangers, foit en s'emparant de ce qui appartient à des nations voitines, penfent qu'ils expient toutes leurs fautes envers le ciel, pourvu qu'ils bâriffent des Eglifes, qu'ils leur donnent de belles cloches, avec quelques Saints Nicolas richement ornés. Les RulTes en général font tous barbares & entièrement brutes, à l'exception de ceux qui fe font polis par le commerce avec les nations étrangères, des Européens. 229 Là Langue RulTe, qu'on écrit avec R ,.1A.,,ON quarante-deux caractères , dont la te lï.flU-. plupart font tirés des Grecs, diffère Chap. xn. autant du Polonois, que la dialecte Leur langue. Ecolfoilè diffère de l'Anglois. Quoique celle des Ruffes foit regardée comme plus forte tk plus expreffive, elle eft certainement beaucoup plus dure : il y a des mots , où l'on trouve jufqu'à fix confonnes de fuite fans aucunes voyelles, & il n'eit pas pof-fible de les prononcer fans être fort incommode pour ceux à qui on par-leroit de trop près. - Les-Mofcovites ne peuvent fortir p» Pote des Etats du Czar fans fa permifiion , qu'il n'efi pas facile d'obtenir ; & ceite reftriction doit donner aux Polonois, qui font libres de voyager 1011 il leur plaît, une grande fupé-ïior'té fur leurs voifins.pour les ufa-$ps, Cependant, malgré cet avan-ftgiè les Polcnois lont encore moins .polis que les Rulies. Ils font orgueilleux- , ignorants , prodigues , pleins -de faite & glorieux. Ils affectent -d'àv ojr.de beaux chevaux, richement caparaçonnés, parce que c'eil ce qui .frappe d'abord la vue. Ils reçoivent volontiers les étrangers pendant deux RU.Al ION OU tr°'S i01.'1"5 > m3*S P^lS lOllg- 4e Rnffie, temps , uniquement pour donner Cbap.xu. une haute idée de leur grandeur. Durant ce temps ils font paroître la vanité la plus imupportable , & enivrent quatre ou cinq fois leur hôtes; on y boit autant, & peut-être plus y qu'en Ruflie ; il eit rare de trouver en Pologne un Gentilhomme qui ne foit pas eftropié, ou qui n'ait pas été blciié dans quelque partie de débauche , étant très querelleurs quand ilg ont bu. Les loix Polonoifes font fi barbares, qu'un meurtrier en eft tou-j<^«J auitte pour de l'argent. Pour avoir tué un psyian on ne paye que fix écus ; & le prix augmente a proportion du rang de celui qui a perdu la vie. La puiffance Royale eft renfermée dans des bornes très étroites: le Roi ne peut rien faire fans le con-fentement de la Diette générale; & il eft au pouvoir d'un feul des membres d'empêcher qu'une affaire de la plus grande importance ne foit terminée , en mettant feulement fa mai* fur la garde de fon épée pour marquer fon oppofition. Il faut absolument l'unanimité pour qu'une réfo--Juuon ^uilTe pafler.. Le Monarque des Européens. 13 r qui régna en France fous le nom de T10£ Henri III. trouva Cjue la Couronne Ruflîc Polonoife étoit un fi grand fardeau, chaF-qu'il refufa de la porter à quelque condition que ce pût être. ( * ) Lorfque les Molcovires firent la Mairie conquête de Vilna , & de quelques^"* Provinces fur les frontières de Pologne , ils gagnèrent aufîi avec les femmes du pays des maladies inconnues jufqu'alors en Ruffie. Elles font très communes en Pologne, ainfî que la Plica, cjiù eft une efpèce de teigne occafionnee par les eaux qui coulent fur des mines pleines d'arfenic, dont elles font imprégnées quand on les boit. Quand la Plica entre dans une famille, elle s'y perpétue , & tous les membres en font bientôt infectés. Il n'y a peut-être pas d'infirmité aufE dégoûtante : autant elle fait horreur à la vue, autant elle elt infuporta-ble à l'odorat; & il n'y a pas de vieux ulcère qui répande une odeur C) Ce fait n'eft point d'accord avec «os Hiftoriens , puifque tous rapportent «pie Henri III. fut couronné à Cracovie le 15 Février 1574, &- qu'il n« q0'"3 ce pa> s que pour venir occuper U couronne «e France^ 2 3 1 découvertes •ru.vr.on auiTi infecte. Cependant ils la regard «le Ruffi* dent comme un figne de Tante l 5c Clup.xii. comme un attribut de la nobleiTe ; un Gentilhomme n'a pas bonne opinion de lui-même s'il en efl exempt. Les cheveux des moines, ainfi que ceux de la nobleffc intérieure font ordinairement fi adhérents les uns aux autres par cette maladie, que la vue feule peut fat*? foulever l'ef-tomach le moins délicat. Les chevaux mêmes y font fu ers ; 6c ceux qui en font attaqués font regardés comme les plus torts, & d'un meilleur fervice. Leurs queues font comme une malfe de glu par la matière virulente qui fort de tous les pores; &C fi Ton en veut couper quelque partie, l'animal tombe dans une eipece de folie, ou meurt, ou devient elfro-pié ou aveugle , ce qui le rnet hors de fervice. On prétend que pour cacher cette teigne, les Polonois ont été les premiers qui ont commencé à poudrer leurs cheveux ; ce qui eft depuis palTé en ttfage chez toutes les nations de l'Europe ; &: en effet le commerce d'amidon efl trèsconfidé- aans les b» Les Mofcovites ont beaucoup de Ikis. »Es Européens. 233 bonne loi dans les affaires particu- kf,at1~,7 lieres, 6c ils ont le faux ferment en à* Ruflhe. horreur ; cependant ils ne font au- ch«P. xuv Cun fcnipule de rompre les alliances les plus folemnelles , & les traités publics les mieux cimentés quand leur intérêt l'exige. Les Ruiïes fe courbent très bas quand ils faluent ; les Polonois fe tiennent plus droits, fk. marquent plus de fierté : les Tar-tares cmbraflent les genoux de leurs Supérieurs ; mais pour faluer leurs égaux, ils leur fecouent la main, &L -mettent un de leurs doigts fur la bouche de celui qu'ils faluent. Les Circafiiens s'informent de la fanti des valets , des vaches, des brebis, des chiens , des chevaux , des coqs, des poules 6c des dindons de ceux è. qui ils font un compliment. ; Les Circaiïiens habitent une partie D« cii**/# de la Tartarie, où le climat eft plus Ge™> tempéré , 6c le terroir plus fertile que celui de Rufîie. Ils font de couleur tannée, 6c ont des mœurs très barbares. Les femmes y font très graffes 6c tellement adonnées à l'ivrognerie que dans les repas publics, elles chancellent ordinairement avant fgu'ort ferve les viandes. Les fumées 134 DÉCOUVERTES Rilation ^e ^ koiflbn fe dilîîpent en mangeant; d.- Rtiflle. mais elles s'enivrent une féconde fois; & pour dilfiper cette nouvelle ivrcfïe, Chap. m e|[esfe mettentà danfer, amufement dont elles font pafîîonnées, ou elles fe livrent à quelque autre exercice qui leur plaît. Le violon elt l'inftru-ment le plus en ufage dans ce pays, & un homme qui n'en fait pas jouer ne peut fe flatter d'être bien venu auprès des femmes. Les Circafliens dans une révolte ont maffacré toute leur nobielfe, 8c ont été depuis partagés en tribus, dont chacune eft gouvernée par un Colonel choifi par le peuple , qui fe conferve toujours la liberté d'agir, tant contre fa perfonne que pour le priver de fa place. Leur religion eft la même que celle des Rulfes, avec cette différence qu'en Ruffie on ne permet pas aux étrangers d'entrer dans l'intérieur des Eeliiës, au lieu que celles des Circafliens font ouvertes a tout le monde, & qu'ils reçoivent en général les étrangers avec autant d'amitié que d'hofpitalité. Ils font fort adonnés à la magie, & c'eft l'étude ordinaire des femmes de dif-tincfion, non-feulement en Circafîie» BÏS EUROHtNÎ. 15 J i^ais aufli dans toutes les autres par- KtLAT10M" ries de la Tartarie. ikftuffi*. La Rulîie a été feus la domination chap. xii. des Tartares jufqu'en 1479, °iue ^ean » «rf» Duc fouverain de Volfdomir, hom-^^rv^ me très vaillant, fe rendit maître de Mofcow, & chaffa les Tartares de l'Empire. Son fucceffeur Jean Bafi-lovîtz, furnommé le Tyran , éleva beaucoup la réputation des Ruffes, qui avant ce temps étoient le mépris du Nord. Courageux & prudent, mais très capricieux: il préfenta un jour à fon Secrétaire d'Etat une humble requête, qu'il avoit fignée lui-même , par laquelle il le fupplioit de lever pour fon fervice une armée de deux cents mille hommes dans un temps qu'il lui marquoit, lui promettant par reconnoiffance de fe fouvenir toujours de lui dans fes prières. Le Miniftre qui connoiffoit fes bizarreries, leva l'armée le plus promptement qu'il lui fut poffible, avec fon fecours, Jean le rendit maître de la Sibérie & de plufieurs autres territoires très étendus. Ce Prince étoit doux pour le peuple , & févere pour la nobleffe, ce qui le rendoit très cher au commun de %1% Û i C 0 tT T 1 ft T! 3 rj t-fes fuiets. Il portoit ordinairement dcRu/r.c. i la main un bai on avec un pointe çkip. xu. de fer, dont il piquoit aux jambes les Seigneurs qui l'approchoient, Ôc ceux qui le iouffroient, fans faire paroître de fenfibiiité, il leur mar-quoit enfuite beaucoup d'eitirae. 11 lit payer une forte amende au» habitants de Bologda , parce qu'ils avoient trompé les Commis de la Douànne par une mefure différente de celle dont ils fe fervoient ordinairement. De* Anglois ayant en l'imprudence de rire de quelques-uns de fes caprices , il les fit amener en fa prclènce , & pour les épou* vaqter, ii ordonna de les dépouille! nuds : mais il ne leur lit fouffrir d'autre punition que de les obliger à ramener des pois , dont il avoit fait répandre cinq à fix corbeilles dana la chambre. Après les avoir bien ennuyés par ce frivole exercice, ir leur fit donner à boire & les renvoya en les avertiflant de fe mieux comporter à l'avenir, crainte qu'ils ne s'en tiraffent pas aufîi bien une autre fois. Fcrmn'- d'un Ce même Jean Bafilov/itz fît clouer An^.kur *e chaPeau fur la tête d'un AmbauV • es E V R O P é e N 5. 2.37 deur, qui avoit paru couvert en fa. rUa-|70V préfence : mais, cette cruauté n'in- *e Ruffiè, timida pas Sir Jérémic Bbwes , Am- chap. xj4, bafiadeur de la Reine 'Jilifabeth à Mofcow. Il eut la hardieiTe de pa?-roître le chapeau fur la tête en préfence du Monarque, qui lui demanda s'il n'avoit pas entendu parler de la punition qu'un «autre AmbaïTadeur avoit foufferte, pour avoir ofé prendre une pareille liberté : » Oui Sei-» gneur , répondit Bowes , mais je m fuis >AmbalTadeur de la Reine d'An-« gleterre, qui n'a jamais paru tête » nue devant tel Prince que ce foit,: »Je la repréfente, & ce fera elle » qui me vengera fi je fuis infulté. *♦ 1» Voilà un brave homme, dit le Czar, •m en fe tournant vers fa cour, qui » ofe agir & parler ainli pour l'hon-*>neur de fa maîtreffe : Qui de vous en feroit autant pour moi? » Cet Ambaffadeur devint favori de Jean, & cette faveur lui attira l'envie de lanobleffe. Un des Seigneurs allée familier avec le Monarque, l'engagea à éprouver l'habileté de l'Ambaâà-deur. On le di foit très expert à monter à cheval, & il lui en lit donner un (trè* fauvage , çfpérantque Bowes 13$ DÉCOUVERTES ^7—7^7 feroit au moins eftropié par cette feRu% épreuve. L'envieux eut le chagrin «hap. xii. d'être trompé dans fon attente : le brave Anglois non-feulemeni rédui-fit le cheval, mais il le fatigua de façon qu'il en perdit toute fa vigueur, & mourut peu de jours après. Cette avanture augmenta encore le crédit de PAmbafîadeur auprès du Czar, qui l'honora toujours depuis par des marques particulières de faveur. Fréfwti Le même Czar fit un voyage en £« aCu°&* différentes provinces de fon Empire ; & non-feulement les Boyars tk la nobleffe lui firent des préfents, mais il en reçut auffi d'un grand nombre de gens du commun , parce qu'on favoit qu'il en étoit flatté. Un Cordonnier entr'autres voulant marquer fon attachement à fon Souverain, confulta avec fa femme ce qu'il pour-roit faire pour le mieux : ils arrachèrent un gros navet qui étoit dans leur jardin, & le mirent aux pieds du Czar avec une paire de fouliers, nommés dans le pays Lopkies. Le Monarque fut fi fatisfait de ce pré-fent, qu'il ordonna à tous ceux de fa fuite d'acheter des fouliers de cet homme, & de les payer le double des Européens. 139 de leur valeur , ce qui enrichit l'ar- RfJATlol(J tifan qui lailTa un bien honnête à Tes dc Ruflie. enfants , & on les diftingua par le Chap. xii, nom de Lopoftkies. Près de la maifon de ce Cordonnier eft un vieux arbre au pied duquel les voyageurs jettent fouvent leurs vieux fouliers en mémoire de cette action. Le Czar apprit par hazard qu'un Gentilhomme inftruit de la façon dont il avoit récompenfé le Cordonnier , efpéroit aufli recevoir des marques de fa libéralité pour un beau cheval qu'il lui avoit préfenté , &C Jean par reconnoiflance lui donna de fa main le navet qu'il avoit reçu de l'artifan. On rappone du même Empereur Bonté** ... . ri . . 1 • /j• vifrite «le qu il prit un jour un nabjt médiocre, plin«. & alla dans un village voifm de Mofcow, ou il demanda de porte en porte à loger fans trouver perfonne qui le reçût , à l'exception d'un pauvre homme , dont la femme etoit dans les travaux de l'enfantement , &: qui le regala le mieux au'il lui fut poflible. Le Monarque lui dit en le remerciant que le lendemain il reviendroit le voir, & lui ameneroit un parrain & une maraine pour ion «140 DÉCOUVERTES *T-enfant. Il ne manqua pas à fa pro- ■4c Ruffic mené , il retourna au village avec *»»p xii toute *a Splendeur de fon rang, Sz Ht ' la fortune à fon hôte ; mais il donna ordre de brûler toutes les autres maisons , à l'exception de fa cabane , & d'en chaffer les habitants dans la campagne, difant qu'ils deviendroient peut-être plus charitables , quand ils auroient éprouvé la rigueur du^temp.^ & lorfqu'ils fauroient ce qu'on f oui fre en demeurant expofé pendant iule nuit très longue & très froide aux inclémences de la faifon fans couvert 6c fans provifions. Hfcjotaji 11 joignit "n j°ur a une trompe *mcrroupcdcde voleurs , leur propofa de piller vokw'i le rréfor du Czar, 6c leur dit qu'il favoit le moyen de les en rendre maîtres. Celui à qui il fit cette proportion lui donna un foufflet, en lui difant qu'il étoit un coquin de penfer à piller un fi bon Prince, pendant qu'il y avoit tant de riches Boyars qui voloieat leur maître , fur lef-quels on feroit un gain plus légitime, & fans doute un plus riche butin que tout ce qu'on pourroit prendre au Czar. Cette réponfe lui fut fi agréable qu'ifchangea de chapeau avec le YQleur, êtes Européens. 141 Voleur , & lui donna rendez-vous REtATieï<" pour le lendemain à Duretz , où il Ac Rurtie. lui dit qu'il vouloit boire l'eau-de- ch*p. XM3 vie tk le Metheling avec lui. Cet homme ne manqua pas de s'y trou-Ver , & fut très furpris de le recon-noître pour le Czar. Ce Prince lui donna de bons avis ; tk pour le mettre en état de les fuivre, il le gratifia d'une place entre les gens de la fuite ; ce qui fervit aufli à détruire la troupe de voleurs. Le Czar Michael, ayeul de Pierre le <3dlv le Grand , étoit un Prince fort hu- Cmpoifon»cjj main tk très vertueux, bon pour les étrangers, & qui avoit l'ambition d'être lié d'amitié avec les autres Puiflances Chrétiennes de l'Europe. U vouloit donner fa fille en mariage au Comte Woldemar , fils naturel du Roi de Dannemarck; mais le clergé Ruffe, qui regardoit ce Prince comme hérétique , s'y oppofa. Alors leDa nois demanda à entrer en difpute avec un des chapelains du Czar fur la vérité de leurs religions refpecti-ves; mais les Ruffes ne voulurent pas accepter le défi. Michael en parut très piqué, & dit que leur religion étoit donc bien étrange, Tom. VIL L 142 DÉCOUVERTES -RtLATioN G elle ne pouvoit fe foutenir par la •de ituiTic. force des raifons & des arguments. Chap. xii. Après leur avoir fait ce reproche , il fe mit au lit, & fut attaqué d'un vomiffement violent, dont il mourut la nuit même , avec un violent foup-çon que ces prêtres lui avoient donné ce paffeport pour l'éternité. L'Impératrice ne lui furvécut pas long-temps, & le mariage n'eut pas lieu. U Iaiffa deux fils, dont l'aîné mourut jeune ; il avoit des difpofitions pour devenir un grand Prince, mais il marqua de la cruauté dès l'enfance : Son plus grand plaifir étoit de faire fouffrir des pigeons , auxquels il crevoit les yeux, & enfuite leur arrachoit la tête, en les traitant de traîtres 6c de rebelles. DEi Européens. 243 ^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^ Relation Chap. XI k. CHAPITRE X I I L Anecdotes au fuja du Pere de Pierre le Grand : Bonté de fon caractère ; Son chagrin d'avoir tué un Officier i Dépopulation de la Rufjre fous fon règne , eau fes de cet inconvénient .* Hijloite de Boaris , il ejl banni de la cour & rappelle : Il gagne F affection du peuple, & meurt très regretté : Le Gouvernement de Ruffii ejl très bien réglé en plufieurs parties par Elie Danelowit^ : Portrait de Nashokin , Chancellier de C Empire t Ce que fïgnifie le mot de C\ar : Titres & grandes richejjes de ce Souve» rain. T ECzarowitzAléxisMichaelowitz Repue 4« J—- fuccéda à Ton Pere Michael : itffonmfc avoit fix pieds de hauteur, le vifage plein & languin , étoit de belle pref-tance, généreux & bon dans fon état ordinaire , mais cruel dans la colère. Il ne fe fit jamais rafer la barbe. Un jour on lui préfenta à ligner l'ordre pour l'exécution d'un déferteur,$C Lij 144 DÉCOUVERTES Relation u refiifa de le faire , difant qu'il n'é* ic Rudie. toit pas jufte que cet homme mourût Chap. xiii. pour avoir eu moins de courage qu'un autre , puifqu'il n'a voit pas plu à Dieu de lui en donner davantage. Il étoit fort dévot, po nt débauché, parent affectueux, bon pere & tendre mari. Il alfiffoit matin & foir au f<*rvice Divin ; tk quand fa fanté ne lui permettoit pas d'y aller, on le çélébroit dans fa chambre. Il jeûnoit au moins huit mois chaque année, &; dans les jeûnes d'obligation, il n'avoit de repas réglés que les fame-dis, les Dimanches tk les mardis : les autres jours, il ne mangeoit que du pain bis & du fel, des concombres tk des champignons marines , avec un peu de petite bierre pour fa boiffon. Il arTiffoit tête nue aux procédons publiques, pourvu que le temps lût fec ; il donnoit à fes fujers le meilleur exemple , tant pour la pureté des mœurs que pour la religion ; mais il ne vouloit pas permettre qu'on léguât des fommes confidérables aux Ëglifes ; tk dans les cas de néceifité, il ne fe faifoit aucun fcrupule , fous prétexte d'emprunt , de prendre l'argenterie deifince m * des Européens. 245 fervice de l'autel. Il fut obligé d'avoir ^lul,ONg Recours à cet expédient, lorfque les « Ri.fli«. revenus de fes finances ne purent chap. XI1Iv lui fuffire, parce que l'Eglife poffé-doit au moins les deux tiers des biens de l'Empire. La nuit du Vendredi faint, il avoit coutume de vifiter les prifons, de décharger les débiteurs, de pardonner à quelques criminels, & de foulager les autres. Enfin , 0« lui connoifîoit d'excellentes qualités; & s'il n'avoit été trompé quelquefois par fes Miniftres , on l'auroit mis au rang des plus hahiles Princes de fon temps. Il étoit rare qu'il bût avec excès : Sa fobrietAi fa boiffon ordinaire étoit de la petite bierre, dans laquelle on mettoit un peu d'huile ou d'eau de canelle, dont les gens de qualité font un grand ufage en Rufîie. Il buvoit aufîi une bierre faite d'avoine qu'on nomme Brague , & mangeoit du pain de fei-gle, qu'il aimoit beaucoup , & que les Ruffes croyent plus fain que le pain de froment. Il fe plaifoit à enivrer les gens de fa cour pour bien con-noître leurs différents caractères, ôç il envoyoit ordinairement un plat de fa table à les favoris les plus in- L iij a46 DÉ couvertes Vu i on rimes. Le jour de Pâques, la haute de Kuiiïc ik la petite nobleffe étoit admiiè à Cha,.. xlii.lui baifèr la main, tk il leur faifoit préfent d'œufs. SoBv.ofrita- Environ à une lieue deMofcow, lût & fa juf- i\ £c Jlever un magafin très grand & très commode, richement dotté pour la réception des pauvres, qui y étoient employés à travailler le, chanvre & le lin. Il fit aufîi bâtir un hôpital dans les dépendances de ion palais , pour y recevoir les vitux hommes dans l'indigence , & il p,q-noit fouvent plaifir à A ntretenir avec eux de ce qui s'étoit palîé de leur temps. Il feroit difficile de trouver iin coup d'oeil plus agréable que celui du camp de ce Prince lorfqu'il étoit avec toute fa cour à Obrasankfi environ à trois milles de Mofcow : il y pafibit ordinairement la plus grande partie de l'Eté fous des tentes magnifiques : la lienne étoit dYtoffe d'or avec des bandes de martre ; celle de la Czarine étoit d'étoffe d'argent avec des bandes d'hermine , tk celles des Seigneurs étoient d riches étoffes élégamment doublées. Au milieu de toutes , on en voyoit une des plus fuperbes, qui fervoit d'Egliiè. des Européens. 247 y avoit des gardes à des diftances lULA1,oll-convenables pour tenir toutes chofes dc Ruffic. en bon ordre, & des paliffades au- chap. xuj. tour du camp , pour écarter la populace. Le Czar Alexis fut toute fa vie pénétré de regret d'avoir paffé fon épée au travers du corps d'un homme qui avoit couru vers lui pour lui parler en campagne, liberté interdite à tous les fujets , ce qui lui fît foupçonner que cet homme avoit deffein de raffaffiner. On fouilla le mort, & on ne lui trouva aucune arme , mais feulement une requête, qu'il vouloit préfenter lui-même au Czar , n'ayant pas d'autre moyen de la lui faire parvenir. Il y demandoit juftice contre Pierre Stelicoro, Gouverneur de la Rufîie blanche , fous lequel il avoit fervi en qualité de Capitaine , & qui lui devoit trois ans de paye. Stelicoro fut mandé à la cour , dépouillé de tous fes honneurs & de tous fes biens, & banni de la manière la plus honteufe ; le Czar difant que le fang du Capitaine devoit être fur la porte de ce Gouverneur , qui étoit réellement caufe de , fa mort. Liv Rh-aiion ^ ^x's êtoit pafÏÏonné pour la cha/Te ~ Je Ruffic. des bêtes fauves , & pourvu qu'il les jcW. xili. forçât, il ne cherchoit pas à les tuer. II chaffoit aufîi affez fréquemment avec des faucons, n'ayant pour tout habillement que fa chemife & fon caleçon avec une riche piquure de deux peaux , une delfus & l'autre deffous. Pendant le temps de fon règne, la Rufïie fut fi dépeuplée, que fur les bords du Volga , on trouvoit fix femmes pour un homme. Cette rareté de l'efpece venoit partie des in-vafions des Tartares, qui avoient emmené plus de trois cents mille hommes en captivité , partie de leur propre inclination pour la guerre, qui occafionnoit fouvent des actions très fanglantes avec leurs voifins , & partie d'une peffe qui détruifit huit cents mille hommes en fix ans. fcu" elïpo?6 Plufieurs Juifs avoient été intro-fenner fa duits à la cour de ce Monarque par **me* un Chirurgien de leur nation qui fe difoit Luthérien , & s'étoit établi à Mofcov, en fervant d'agent des plai-lirs à Bogdan Matfeig , Grand*-maître • de la maifon de l'Empereur. Matfeig avoit été compagnon d'Alexis dans tous les exercices de la jeuneffe, àt\ des Européens. 249 ce Prince avoit conçu pour lui une RtLAT10N haute efhme. Sa femme étant deve- de 'nue excefTivcment jaloufe de ce qu'il Chap. xiil avoit plufieurs concubines , particulièrement des filles Polonoifès qu'il aimoit avec pafïïon, elle en devint d'une humeur fi facheufe que fon mari la fit empoifonner. Le peuple inffruit de cette aclion par quelques amis de la femme, en murmura beaucoup , tk le Czar laiffa au choix de Matfeig ou de fe remarier en abandonnant fes maîtreffes, ou de quitter fon poftc. Il ne balança pas à prendre le premier parti : il n'étoit pas porté pour les Anglois, parce que les Hollandois avoient gagné fon amitié par leurs préfents. Le Czar Alexis ne vifita jamais aucun de fes fujets, excepté fon Gouverneur Boa-ris Juanowitz , qu'il alla voir une feule fois lorfqu'il étoit dangereufe-ment malade. Boaris avoit été fort aimé du pere Grandes d'Alexis, tk avoit partagé l'édtllcâ-qualitéa a« non de ce Prince , conjointement r;Si avec fon frère nommé Cîeat, fui-vant l'ufage de la Rufïie, où l'on eleve quelques jeunes gens de qualité avec le Czarowitzpour lui tenir com- L v 1J0 DÉCOUVERTES iHAiinN pagnie. Boaris avoit gagne un tel ée Ruflie afeendant fur ce Monarque qu'il lui Cbap. xill. avoit confié toute la conduite des affaires, publiques 6e particulières. Il fit des retranchements confidérables fur les dépenfes de la maii'on de fon maître; envoya dans des gouvernements éloignés ceux de la no-blelle qui pouvoient lui donner quelque fujet de crainte, Se fupérieur a toutes leurs intrigues , il n'avançoit que ceux en qui il croyoit pouvoir prendre confiance. Le peuple excité par les mécontents hors de place, aceufa le Miniftre de plufieurs actes d'injuflice, Se pour appaifer les clameurs , le Czar fut obligé de le bannir de la cour ; mais les fujets furent beaucoup, plus mal après ce changement. Ils s'imaginoient être vexés , & ils fe trouvèrent opprimés : les murmures fuivirent; Boaris, bon politique, fut biemôt informé de cette heureufe difpolition , 6e il fut tourner les efprits de façon que ceux qui avoient été les plus ardents à demander fon exil, furent les plus em-preffés à folliciter fon retour. Ils le firent dans une requête qu'ils prélen-terea; au Czar ; elie étoit d'accord des Européens. îyi avec fes vues, & il y confentit avec RHa1]on joie. Boaris revint triomphant à la ** Ruffie. cour , fut rétabii dans fa prt-miere Chap. xuL puiifance , & l'infortune lui ayant appris la modération, il fut plus „ attentif à obliger le peuple , tk à con-ferver la liberté des fujets. Il ne négligea pas de récompenfer ceux qui avoient demandé fon retour , tk l'ef-time du public pour lui augmenta de jour en jour. Quand il mourut, il fut regretté de fon maître , tk pleuré de tout le peuple : il n'y eut que l'ancienne noblefTe , dont il avoit fouvent traverfé les projets ambitieux , qui fut médiocrement touchée de fa perte. Ce fut à Boaris qu'Eue Danelo- „ Baleffè / i i oiiRinc oc . tpuz dut fa promotion au rang de u czarine, Général de l'armée du Czar. Nous avons déjà dit que la Czarine étoit fœur de Danelowitz , & que ce mariage étoit l'ouvrage du Miniftre : cette famille montoit à une grande élévation, mais c'étoit une fuite de Tufage où font les Czars de fe choi-iir une femme entre leurs fujets. Elie avoit précédemment tenu cabaret > & fa fœur avoit vendu des cham-|%nons dans le marché public : mai» RkiTnô7nlalgr^ baffeffede leiir origine, tl de iiuffie. nature avoit donné de grands talents £baP. xui. à Elie. 11 étoit vigilant , hardi, entreprenant , &c d'une mémoire fi excellente qu'il fe fouvenoit des affaires civiles ou militaires de tous ceux qui étoient à la cour , & qu'il connoif-foit les quartiers de quatre-vingt mille hommes, avec les noms & le caractère de tous les différents Officiers. 11 étoit aufîi à la tête de la trc-forerie, St poffédoit cinq ou fix portes confidérables, dans lefquels il fe con-duifit avec beaucoup de droiture jufqu'à ce que fon entendement hit altéré par une attaque d'apoplexie. Le feul défaut qu'on pou voit lui reprocher étoit un peu d'avarice, qui le rendoit trop dur au recouvrement de fes deniers : mais le Czar qui le craignoit plus qu'il ne l'aimoit, lui paûoit volontiers cette tache, fâchant 3ti'il hériteroit de fes biens par les roits de la Czarine. Belle «dmi- Quand la mauvaife fanté de Da-S^utVrc'Ni- ^elovtitz lui fît quitter l'adminiftration jhovn. des affaires publiques, elle fut confiée à Nashokin , homme f ge , intègre 6c modéré. La conduite qu'il bat dans les places de Chanceliitr, e s Européens. 153 de Gouverneur de h Ruffie, & dans--" piuheurs charges importantes ou 11 eu îiuffie. Succéda à Elie , fit beaucoup dTioh-Cha?. xiik neur à ^Empire dcsRuffes. Il conclut une paix avantageufe, tk forma une alliance avec la Pologne ; fit de la Ruffie le principal entrepôt de l'Europe pour le commerce de foie, ayant imagine d'y faire apporter celles de Perfe 6c des Indes , qui fe répan-doient enfuite de toutes parts ; mais cet avantage ne fut pas de longue durée. Il réforma la maifon de l'Empereur, corrigea les Loix Impériales, fît conférer au Gouverneur tk au Confeil de chaque Province, le pouvoir de prononcer les Sentences dans les affaires criminelles, fans les attribuer à la leule Cour de Juftice établie à Mofcow , comme elles étoient avant, tk abrégea beaucoup les anciennes Loix par la fageffe de fes Règlements. Un mi-férable , qui avoit renoncé à la religion des Juifs pour prendre le turban, & qui fervoit d'interprète aux marchands de Perfe à Mofcow, aceufa Nashokin d'avoir commis quelques înjuftices à la Cour ou Jurifdl&ion fies Ambaffadeurs, dont il étoit Chan- 1^4 Découvertes rhation cclier. Le Czar dit qu'il vouloit exa-dc Ruine, miner cette affaire ; 6c que li l'accu- Cbap. xin. fation de l'interprète étoit mal fondée , il payerait chèrement cette calomnie. Il tint exactement fa parole; le renégat fut reconnu pour menteur ; reçut trente coups de fouet, dont il fe relfentit long-temps; 6c la réputation de juftice que s'étoit ac-. quife le Chancelier n'en fut que mieux confirmée. Si haine Nashokin , zélé partifan des prin- «OMtreie*Ré-cipes Monarchiques , difoit fouvent , qu il etoir furpns de ce que tous les Rois de l'Europe, au lieu d'aider les Hollandois, ne fe réuniffoient pas pour les détruire , 6c pour renverfer toutes les Républiques, qui ne font utiles que pour les vagabonds & les rébelles à qui elles fervent d'afyle. En lifant quelques papiers, où l'on rapportoit les ravages que la pefte avoit faits à Londres , il dit qu'il étoit étonnant que les Anglois pu-bliaffent eux-mêmes leur infortune ; que les malheureux faifoient le récit de leur mifere pour profiter de la compafTion qu'ils pouvoient exciter ; mais que les Anglois ne pouvoient avoir aucun objet, en apprenant à des Européens. ItTK tout l'univers que leur capitale étoit RaA.110M' dévafféepar la contagion, à moins Ae Ruffie. que ce ne fut pour avertir les autres chap. xiil. nations de les éviter, comme on met des fignaux aux endroits dangereux pour marquer aux Pilotes de s'en garantir. La bonne conduite d'Elie, de Naf- Explktt** hokin , &c de deux autres habiles cL™" Minières avoit commencé à faire ef-timer la Cour du Czar. Ce mot Czar, qui en langue Ruffe fignifie Empereur efl fi femblable à celui de Céfar, qu'il paroît évidemment en être dérivé. L'Enfeigne de cet Empereur, de même que celle de l'Empereur d'Allemagne efl un Aigle éployé, avec cette différence que fur l\ifo-mach de l'Aigle Ruffe eft un f?ïnt George à cheval, & qu'il a une mître entre les deux têtes. On dit que le faint George a été ajouté par Jean Bafilowitï, parce qu'il fut honoré de l'Ordre de la jarretière par la Reine Eliiabeth ; & quelques politiques du temps ont même prétendu qu'il avoit eu deffein de faire des proportions de mariage à cette illultre Princeffe. Quoiqu'il en foit, il efl certain qu'il efiimoit beaucoup ies Anglois ; & que 156 DÉCOUVERTES T^KL^T10N dans Un temps où il s'éleva une (è* de RtflBe. dition A Mofcow, qui l'obligea de Cl»p. xni. quitter cette capitale , &c de le retirer avec Tes trélbrs A Wologda , où il fe fortifia , il eut quelque intention de fe réfugier e» Angleterre. Ses Mtre». Les titres du Czar font , Par la grâce de Dieu , Grand Seigneur , Czar, Duc de la grande tk petite Ruffie, ainfi que de la Ruffie blanche, Souverain de Mofcow, Kiovie, Pla-doinir, & Novogorod, tkc. Czar de Cafan , Czar d'Aftracan, Czar de Sybérie,Seigneur de Plefcow,Grand Duc de Smoîensko, Twerco, Vgosko, Petinsko , Véalsko , Bolgaricko ; Seigneur &c Grand Duc de Novogo-rod , des Provinces de Charnigora, Rhefan, Reftore , Yaraflieve , Be-k>wzer , Odouria, Obderia tk Con-dinea ; Seigneur de toutes les contrées fituées au Nord ; Seigneur de la Terre Yeveria, de tous les Duchés de Cotileran, de Grevzintan, tk dè* plulieurs autres Pays & Souveraine-, tés, à l'Eft, àfO-ieltik au Nord, . ainii que des Héritages des Seigneurs & Monarques nos prédéceffeurs, &c. oc tous ces titres font inferits fur le grand Sceau de l'Empire de Ruffie; fcEs Européens. 157 Les Etats du Czar font très éten- kilation-' dus; fes revenus font immenfes ; tk ie R»ffie.) dpoffede une grande quantité de crcsctwp. xin. joyaux, mais dont la plupart ont des défauts confidérables , ce que les Ruflesneconnoiifentpas.il a plufieurs Palais , tk différentes maifons de campagne élégamment meublées, & dont les appartements font ornés de très belles ta pille ries. Les Gentilshommes de fa chambre n'y entrent jamais , mais ils attendent que le Prince les appelle : les Miniflres d!Etat vivent dans la fplendeur ; mais ils ne jouiffent pas d'autant de diftinfrion que dans les autres pays. Lorfque le Czar paroît en public , ce qui arrive feulement en certains jours de rejouif-fances, il elt vêtu plus fuperbement qu'on ne peut l'imaginer ; tk fa fuite qui efl très nombreufe, efl aufii d'une grande magnificence. Quand il mange en public, ce qui efl très rare , les Nobles mangent aufîi en fa préfence ; fes gardes font poflés aux environs du Palais , où ils demeurent immobiles tk dans un profond filence. Perfonne n'efl admis à entrer dans la cour intérieure, excepté ceux qui y font néceffaires. lj$ DÉCOUVERTES R m. a t : o n L'habillement du Czar n'elt pas 4e Kurtîe. différent de celui de fes Nobles, dont Ciwp. xiii il n'elt diftingué que par la magnificence. Il en eft de même de la Czarine qui eft aufîi habillée comme les Dames de fa Cour , excepté que fa coeffure eft plus haute, tk que les manches de fa chemife font plus longues. Sa robe, de même que celles de fes femmes, reffemble a ceiles de nos Magiftrats, & elles les laifTenj tra-ner à terre. Elle fait fouvent des promenades de nuit dans une efpèce de char, avec les femmes qui lui font nécefiai"es;dans d'autres temps, elles vont enfemble à la chaffe, montées à cheval comme les hommes, avec un chapeau fur la tête , & un mouchoir de foie autour du col. Tous les enfants du Czir ont le nom de Czarowits. Quand l'Impératrice eft en couche , les fujets font des préfents au Monarque ; il leur en marque fa reconnoiffance par d'autres préfents; & s'il ne le fait pas, il leur en paye plus que la valeur par d'autres moyens. Crand fe. On punit de mort ceux qui rap-ïc«r.c°urPortent ce 4a'on fait dans le Pal*i* «es Européens. 159 du Czar , ^ ou qui ont l'audace de lltr.AnoN vouloir pénétrer dans les deftèins ; ^ iutfîe. & le peuple eft tenu dans une iîchaP. xilL grande crainte , qu'un Gentilhomme ayant demandé à quel ufage.on def-tinoit un bâtiment qu'en élevoit pour le travail du chanvre tk du lin , les ouvriers répondirent qu'il n y avoit que Dieu tk le Czar qui le favoient. L'Empereur dont nous parlons exa-minoit tous les loirs les regiftres de la Chancelerie , tk entret noit d:s hommes intelligents , qui lui fer-voienr d'eprions ; ils s'imroddfoii-nt dans les maifbns des AmbalTadeurs, & des autres perfonnes de distinction, ainli que dans les ferons des noces, tk dans les autres grands repas , pour obferver tout ce qui s'y palîbit, tk en faire leur rapport au Monarque. Le Czar eft tellement maître des Branche» f. que crime capital. Il reçoit des droits çiur. xili. confidérables d'importation tk d'exportation, eft propriétaire de toutes les boutiques où l'on vend la bierre tk l'eau-de-vie, ce qui lui rapporte tous les ans de très grofiès fommes, puifqu'il y a de ces boutiques qui îbnt louées jùfqû*à deux mille pif-toles. Les bains & les étuves font encore partie de fon domaine, tk produifent un revenu très fort, parce que les Mofcovites , hommes , femmes & enfants font obligés par leur religion, de fe baigner fouvent, & payent affés cher a chaque fois. Quand les bains font trop chauds, on les tempère avec de l'eau froide r tk plufieurs Rufles fe roulent dans la neige avant d'entrer dans les étuves. Tous ceux qui tiennent des terres immédiatement du Czar , font obligés de fournir fa maifon de provifions de toutes fortes, comme fa-. rine, avoine, miel, bierre, hydromel , poiffon, huile, tkc. à chacun de ceux qui la compofent. Le Czar eft le principal marchand de fes Etats, & il fait commerce de cendres à faire le favon, de enanvre des Européens. 161 & de lin à Archangel, pour des foies, J^Âaïô? des martres, des velours, des draps de Ruffie. d'or ou d'argent. Il trafique égale-.Chap. xmr ment en fatins, en draps & en damas. Il tire des fommes prodigiejules des peaux des martres, qui font envoyées tous les ans par les exilés de la Sibérie. Les ouvriers ne lui coûtent rien, ou au moins très peu ; & il tire un profit immenfe, non-feulement des bains. tk étuves, mais encore de la poix, du chanvre, du lin , du miel, de la cire, des émargeons , tk de leurs œufs qu'on nomme caviaires, ainfi que du poiffon fec tk falé qu'on apporte d'Artra-can, de Cafan, du lac de Balfire, & des lacs tk rivières qui abondent dans tous fes Etats, particulièrement dans* h Sibérie. 5 *• * * i IcSl DECOUVERTES kh.ahon _ Chap. XIV. CHAPITRE XIV. Z)efcripcion générale de la Sibérie; Grands inconvénients qui accompagnent les voyages en ce pays ; Comment on fait la chaffe des martres: Dfcnption du Béluga & de VEflurgeon : Différentes manières dont on prépare les Caviaires ; Mœurs & coutumes des peuples d* la Samoiedie : Plantes & fleurs odoriférantes qu'on trouve dans ce pays : Les habitants font exccfjivemcnt jaloux de leurs femmes : sldreffe de l'animal nommé Zourick , une tulipe de ces animaux met en dé for Ire un régiment de Cavalerie : Portrait des Tartares Calmucks, & dê ceux de la Crimée. Defcripion T A Sibérie eft une Province très a i cnc# |^ étendue, qui touche les frontières du Cathai, mais elle eft très peu connue des voyageurs , quoique quelques-uns l'aient traverfée jufqu'à la Chine, & jufqu'à la mer des Kai-mochites, dans la partie qui eft au bes Européens. 265 Nord-eft de la grande Tartarie, ou RllATloli" jufqu'au golphe de Nankin. Il fau- de Ruffîe. droit qu'un homme employât fix an- chap. xiv. nées pour parcourir toute la Sibérie , parce que dans l'Eté le chaleur y eft li grande, qu'on elt obligé de demeurer enfermé dans les maifons, & que durant une partie de l'Hiver le froid & les neiges rendent les chemins impraticables. Tobolskoi, félon quelques-uns, & félon d'autres Siber, eit la Capitale de la Province, & la réiidence du Viceroi. Il faut qu'un voyageur porte fon pain avec lui, parce qu'il n'en trouveroit pas un feul morceau dans tout le pays , où le poiffon fec en tient lieu. Non - feulement les habitants s'en nourriffent eux & leurs chiens, mais dans le froid , faute d'autre aliment, ils en donnent aufîi à leurs vaches, & le lait en prend le goût. Ils ont de très grofTes avelines, & les marchands Chinois leur ont appris l'u-fage du thé, qu'ils appellent chay, avec le fucre. Ils le regardent comme un fouverain fpecifioue contre les maladies des hypocondres, les indigeftions, & contre toutes les afc feéhons du poumon. Ils le confer- 2^4 Découvertes w vent dans des papiers, dont chacun Relation . 1 .? o r i r i t de Rufie. en contient une I vre, 6c fur lefqucls Ch»p. xiv. le nom 6c le poids eft marque en caractère Chinois. L?Mam«^ Leurs traîneaux font tirés par trente ou quarante gros chiens; ils s'en fervent pour aller à la chaffe enveloppés dans leurs peaux, 6c ils .' demeurent quelquefois fix ou fept femaines en campagne, paffant les nuits les plus froides dans des plaines découvertes. Ils y font de grands feux, tant pour corriger la rigueur de l'air, que pour faire rôtir leur poiflbn ; les chiens leur fervent à lancer les martres, qu'on ne trouve point autre part, & dont la peau efl la principale branche de commerce du pays. Cet animal efl fi fort qu'il s'échape quelquefois après avoir reçu un coup au travers du corps, mais le nez efl l'endroit où il efl le plus fenfible, & c'efl aufli où on le frappe le plus ordinairement; ce que les chaffeurs font avec beaucoup d'a-dreffe, pour que la peau n'en foit point endommagée. Dans le Volga , & dans la rivière Oby on trouve une gmnde quantité d'Effurgeons 6c Bélugas, poitfoa de douze pieds d* des Européens. 265 de long, qui eft de la même efpèce rhatiow que l'Effurgeon. On le mange ordi- ,le r"ffiî-nairement falé, la chair en eft plus chap. xiy^ blanche que celle du veau , tk -d'un goût délicieux, particulièrement quand elle eft fraîche. Les deux rivières que nous venons de nommer , arofent cette Province, & fe déchargent, la première dans la mer Cafpienne, tk la féconde dans la mer Glaciale. Quand la fonte des neiges tombe des montagnes, le courant en devient extrêmement rapi- , , de, tk les gens des pays difent que pour n'en être pas entraînés, les Ef-turgeons avaient de très groffes pierres. Ce font les habitants d'Aftracan Cequ'onap* qui font la meilleure efpèce de Ca- JjJJ0 Caml* viaires, avec la laitance de l'Eftur-geon tk du Béluga faupoudré de fel, qu'on met dans des barils; mais elle ne fe garde pas long-temps. Il y en a une autre efpèce faite feulement d'ceufs d'Efturgeons, qui eft noire tk gluante : les Turcs en font une grande eftime, tk les Ruflès la nomment Fekra, On en fait encore avec la .feule laitance du Béluga. Les Arméniens préparent différemment lem Tom. VIL U léo" DÉ couvertes "rhation Caviaire ; ils nétoyent bien les laide Kuffic. tances, tk après les avoir falées ; ils Chap. xiv. les mettent fur des planches inclinées, afin que la graine tk les parties hui-leufes s'en détachent ; enfuite ils les mettent dans des barils bien prelfées f)our les vendre. On prétend que la aitance du Béluga pefe jufqu'à cent cinquante livres, tk les œufs jufqu'à deux cents livres : les Arméniens nomment ces œufs Arminsko fekca. Defcription On dit que les habitants de la ^samoic partie Septenrrionale de ia Sibérie, mangent leurs prifonniers de guerre, ce qui leur a fait donner le nom de Samoïédes ou Tafambeidans , qui fignifie Cannibales, ou mangeurs d'hommes. Ils vivent dans des tentes faites en rond, tk couvertes de nates, ou de peaux de cerfs, avec .un trou au fommet pour faire fortir la fiimée du feu qu'ils font au milieu de la tente, tk autour duquel ils fe mettent tous. En Eté ils vivent de la pèche fur les bords des rivières, & mangent fouvent le poiffon crud; ils font lécher dans cette faifon celui qu'ils gardent pour l'Hiver: mais la nourriture qu'ils trouvent la plus dé-"iicieufe, eft la chair des jeunes chiens. des Européens. 267 &eur langue elt barbare, tk il y a peu 'Reiatjo^' de perfonnes qui puiffent l'entendre, de Bjiflîc non plus que leurs Loix, qu'on pré- Chap> X1V. tend qu'ils exécutent févérement; mais je ne fai fur quoi ce fentiment éft fondé. Ils adorent le Soleil tk la Lune, & font fort adonnés à la Magie, enforte qu'on regarde avec le plus d'efKme ceux qui ont la réputation d'y être les plus habiles. On dit cependant qu'ils n'emploient jamais leurs conjurations contre les RufTes, crainte d'en être punis, mais qu'ils en font un grand ufage contre les étrangers. Il m'a été rapporté (dit l'Auteur de cette relation) qu'un de ces Magiciens, après avoir été enivré par un Marchand Anglois avec tant d'excès, qu'il ne pouvoit ni fe foutenir, ni marcher, fut remis en un inffant dans fon état naturel, tk aufli tranquille que s'il-n'avoit rien nu, en fe faifant feulement toucher le front par une vieille ièmme qui prononça quelques mots. Des gens très véridiques m'ont auiTi affuré y avoir vu de la marjolaine, de la fau-ge, de la chicorée blanche, des 01V gnons", & de-très groffes afperges, ainii que de fort beSes rofes , tk des Mij l6& DÉCOUVERTES rhation tu"pes bien variées, avec plufieurs de Ruffie. autres racines, des fleurs 6c des plan-ttap. XIV. tes qui y croiffent naturellement, pendant que nous prenons tant de foins pour nous en procurer. On y trouve en abondance des navets, des carotes, 6c des panais: 6c les Marchands tranfportent tous les ans une grande quantité de nitre , 6c de fel gemme , qui efl d'une qualité très brillante. ir.celidiei Dans la partie Méridionale de la frciuçuts Sibérie, il y a une forêt de cinq cents milles de long, ou Ion voit de vafles champs remplis de cérifes d'un très beau rouge ; mais elles font d'un goût acre : cependant après les avoir tranfplantées elles deviennent un fort bon fruit. Tous les arbres en font nains, feulement de deux ou trois pieds de haut, parce que l'herbe devenant fort haute dans la forêt, elle s'enflamme aifément quand elle efl féche, par le feu que les voyageurs n'ont pas foin d'éteindre, quand ils quittent le lieu où ils ont féjourné, Se dont il efl quelquefois très difficile de fe fauver. L'incendie s'étend rapidemment ; & comme ces accidents y font ailés fréquents, les< des Européens. 169 arbres n'ont pas le temps de parve- R'FJA'rio»j' nh* à la hauteur oii ils devroient at- «fc Ruflie. teindre. La richeffe de ce pays con-chap. xiv, fute en Rennes & en Elans, qui y font plus gros qu'en aucun autre endroit. Ils tirent les traîneaux, font aifément quatre-vingt milles par jour, & font fi doux qu'ils relient en place jufqu'à ce qu'on "ait ajufté leurs har-nois. Quand les habitants vendent une Renne à un étranger, ils en gar« dent les entrailles tk les parties les plus fales des inteftins pour les manger. Quand ils vont à la chalTe, ils jaioufie 4« confultent leurs Prêtres pour lavoir de quel côté ils tourneront; & il eff rare qu'ils fe trompent dans leurs conjectures, fans doute parce qu'ils connoiffent bien le pays, tk. les endroits où les animaux le retirent. Les pères vendent fouvent leurs filles à fix ou fept ans, tk beaucoup de Marchands viennent les acheter à cet âjge, pour être fïirs de leur virginité. Quand ils vont à la chaffe, ils ont foin d'enfermer leurs femmes ; tk l'on prétend qu'ils ont des moyens pour empêcher qu'elles ne leur foient infidelles en leur abfence ; il n'y a pas M iij 'rTlITT^Td'Italien auiTi jaloux, que lesSamoïe-4c Kuffie. des le font en général. chap. xiv. °n voir dans cette Province un animal nommé Zourick, qui reffem-ccfcription ble à un Bléreau, mais d'une figure de l'ammal pi s a«réable. Il a les jambes cour-mki tes, la peau noire, hflee, & un peu marquetée, & vit fous terre comme le lapin. On rapporte des hifioires étonantes de l'ceconomie de ces animaux ; de la propreté qu'ils entretiennent dans leurs terriers ; des cér rémonies qu'ils font pour enterrer leurs morts ; de leur manière de combattre ; de faire des prifonniers, oc de tenir les vaincus en captivité, en les forçant d'aller leur chercher du foin oc de l'avoine pour leur fub-fiffance pendant l'hiver. Ils font une efpèce de heurlement, qu'on ne peut entendre fans frémir ; & l'on raconte qu'un grand nombre de Zouricks étant aflèmblés dans un bois, auprès duquel un régiment de Cavalerie étoit rangé en bataille, les chevaux Cirent tellement effrayés de leur cri, qu'ils prirent la fuite au grand galop jufqu'à dix milles de diftance, fans que les Cavaliers, qui n'étoient pas eoix-mêmes exempts d'effroi, pulfent les arrêter. des Européens. 271 La peau des Perivoskicks elt r^ioh" dune couleur brune éclatante, mar- de Ruflie.. quetée de noir & de blanc, mais lachap. xiv. fourure n'en eft pas fort effimée, _ _ . , .,r /iv Des Pen- parce que le pou en elt très court,voskicks & & par conféquent peu chaud : les^^r™'1" Rufles en font des habits pour l'Eté, Le Perivoskick eft un animal Amphibie , dont le nom fignifie , qui porte d'un lieu à l'autre. On pré-, „ tend qu'il lui vient de ce qu'il fe plaît à tranfporter fur fon dos les Hermines tk les Ecureuils , d'un côté à l'autre de la rivière. On vante beaucoup l'adreflè de l'Ecureuil de Sibérie, qui, dit-on, traverfe la rivière fur une petite pièce de bois, qu'il met lui-même à l'eau, tk qu'il gouverne avec fa queue pour aller chercher fa nourriture. Si le vent eft bon il fait agréablement le voyage ; mais s'il devient trop fort, 1«. malheureux Ecureuil ne peut manquer d'être noyé. Dans le voifinage de Cafan tk d'Aftra can, tk quelquefois aux environs d'Archangel, on trouve un* efpèce d'oifeau de la groffeur d'un phaifan, avec le dos tk les jambet «l'une bécaffine, & le col femblabj* M jv 'relation * ceuu ^'un cocb ^s ^e battent vcW de Ruflie. lontiers les uns contre les autres, €hap. xiv. comme les coqs d'Angleterre , fou-tiennent long-temps & vivement le combat, en fe tenant fur leurs gardes, le bec piqué en terre. Ils font d'un goût plus délicieux que celui de la caille. A Archangel on chaffe fréquemment une efpèce de faucon , qui n'elt pas plus gros qu'une grive, & qui fe nourrit des plus petits oi-feaux, après les avoir bien plumés & nétoyés. Il y a aufli une autre oi-, feau de la groffeurd'un cigne, dont le col eit très court, & fi gros, qu'il avale quelquefois des poiffons de fix pouces de tour. Ils volent en troupes, formant un demi - cercle , peu élevés au-defliis de la furface de l'eau où ils cherchent leur nourriture. Les Ruffcs fe fervent de la grailfe de cet animal pour les contufions & les meurtriffures, & ils lui donnent le nom de Dika-baba , qui en leur langue fignifie » une vieille femme fau-» vage. » Ce que difent Scaliger, & quelques autres Ecrivains d'un animal plante, qui fleurit dans ce pays , & qu'ils nomment Borometz ou Ba- ces Européens. 175 frannetz, ce qui fignihe un agneau, RH.AlioN ou un petit mouton, eft à préfent de Ru'fie. reconnu univerfellement pour fabu- chap. xiY« leux. Si Ton veut en croire leur rapport , cet animal ou cette plante, a la forme d'un agneau, couvert d'un duvet très doux, & il eft afles gros ' pour confommer toute l'herbe qui croît aux environs, comme fi elle étoit nécefîaire à fa nourriture. Aucun autre animal n'y touche, excepté les loups qui tombent fur cette plante, en la prenant pour un agneau, ce qui a fouvent fervi d'appas pour les détruire. Après avoir parlé de la Sibérie parce qu'elle eft une Province de l'Empire de Ruflie, nous allons terminer notre narration par ce qui concerne les Tartares de Crimée, qui depuîs quelque temps font payer tribut aux Rufles. La ville deMofcow leur fournit annuellement mille habillements de peaux de cerfs , & par le traité , le Czar eft tenu de donner dans fon chapeau une mefure d'avoine convenue, au cheval du Cham de Tartarie. Les Tartares de Crimée font pré-Des Tamrre lentement fous la domination des ^C"*** M v 174 DÉCOUVERTES Ri-LATioN Turcs : la ville de Crim, qui donne ck- Ruffie. Je nom à tout le pays, eft voiline Chap. xiv.de la mer de Tartarie ; les bâtiments font de brique 6c de pierre, 6c la ville eft entourée de murs très forts. Les peuples ont le nez plat, les yeux enfoncés, le front petit, les épaules larges 6c quarrées, 6c ils font de moyenne taille. Leur figure a un caractère particulier , qui les fait distinguer aifément de toute autre nation. Ils applatilfent le nez de leurs enfants aufli-tôt qu'ils voyent le jour, parce qu'ils difent qu'il eft ridicule de le laifter élever, pour mettre obf-tacle à la vue. Ils fuivent la religion de Mahomet, 6c raillent avec raifon les Mofcovites, de leur fuperftition pour les images de Saint Nicolas. Ces Tartares ne font autre chofe que des bandits , qui vivent de pillage , 6c des dépouilles de leurs voifins. Quand ils font battus ils fe difperfent aufti-tôt; mais ils fe rallient pendant la nuit pour recommencer leurs incurfions, & convenir de ce qu'ils doivent taire le jour fuivant. Ils font très robuftes, 6c peuvent faire quatre-vingt milles en un jour, chaque homme ayant» dès européens. 17ç foi trois ou quatre chevaux, ce qui RliA.nT0" les met en état d'en changer très fou- d« MPe,, vent. Quand un de leurs chevaux chap. xiv<> meurt, ils le coupent en morceaux, & le mangent crud avec autant d'a-petit que nous mangerions le meilleur bœuf, ou le meilleur mouton: mais quelques - uns des plus délicats en mettent des morceaux entre la felle 6c le dos de leur cheval, oh if acquiert une efpèce de cuiffon ; 6c quand ils ont faim, il les en retirent: pour les dévorer. Le lait de jument, & le fang de cheval qu'on tire exprès, elt leur remède le plus ordinaire contre pref-que toutes les maladies. Ils ont la Vue plus perçante qu'aucun autre peuple de l'univers ; & fi rien n'y met obfîacle, ils prétendent diftin-guer les objets à cinquante milles de diftance. Ils s'abftiennent de fel, parce qu'ils le croient pernicieux pour la vue, 6c ne mangent point de pain parce qu'ils difent que cet aliment rend pefant, 6c diminue l'activité. Ils font à chevalla bride lâche, s'élèvent fur leurs étriers, 6c frappent aifément leurs ennemis en courant au grand galop. Ij6 DEC OUVERTE^ KtiATioN Les Tartares Calmouques ou Cdfc de Ruflie. mucks, entre leiquels etoit né Ta-;kip. xiv. merlan, font poffeffeurs d'une gran*-de étendue de pays, égale au tiers-de l'Empire de Ruflie. Ils vivent fous des.tentes, &c ne les tranfportent que lorfqu'ils ont confommé tout le feutrage aux environs. Ils font plus grands , plus bafannés, & moins brutaux que ceux de Crimée, qu'ils ont fouvent battus : leurs femmes vont à la guerre, & chaflent à cheval comme les hommes. Fin du Voyait au Nord*, VOYAGE MUTOUR DU MONDE, ET DÉCOUVERTES /><*r Guillaume Dampier, CHAPITRE PREMIER. Naiffance & éducation de Dampier : Ses premiers voyages : // devient planteur à la Jamaïque : Il va couper du bois dans la baye de Cam-pêcke : // revient en Angleterre, met ordre à fes affaires particulières, & retourne à la Jamaïque : // fait un voyage avec le Capitaine Hogby au pays des Moskittcs ; Il joint le Capitaine Coxon , fait une expédition contre Porto-Bello, defcend à Pif-thme de Darien avec des Boucaniers : Ils pillent Sainte Marie ^ & attaquent Panama : Le Capitaine Sawkins efl tué: Us font voile à 172 DÉCOUVERTES rr--Ci (le de Juan Fernande? : Le Capi- L>ampier. -'. c, n j, >/}/■, Cbap. i. tame Sharp ejt dépouille du corn- mandement : Factions pour & contre ce Capitaine: Notre Auteur, & d'autres mécontents prennent la réfolution de traverfer Clflhrne de Darien pour gagner la mer du Sud: Ils trouvent des raffraîchiffements : Ils font bien traités par l'entrernife a" une vieille femme Indienne : Ils arrivent de Vautre côté de Pljlhrne : Ils montent fur un Armateur François : Ils font joints par huit vaiffeaux de Boucaniers : Ils jettent Cancre à tlfle des Vertes : Defcription des habitants : Quelques Corfaïres pè-riffent dans uns partie de débauche : Hiftoire du Capitaine Payne : Defcription de Coifeau niais : Defcription de Cljîe d'Aves: Defcription du Cocotier : Du poiffon nommé la Remore : Dampier arrive à la Virginie, Oridnede A/T Dampier. 1V1 • Guillaume Dampier naquît en l'année 1652, d'une bonne famille dans le Comté de Somer-fet. Il perdit fon père dans l'enfance; étant tombé entre les mains de quelques parents, ils lui firent don; des Européens. 179 lîer une éducation très médiocre : ^ le mirent en apprentiliage a 1 âge chap. 1. der dix-fept ans, fous le maître d'un vaiffeau, qui mit à la voile de Wey-rnouth dans le Comté de Dorfet. Il fit avec lui un voyage en France , & un autre à Terre-neuve. La différence de climat lui fut fi contraire dans le dernier, que lorfqu'il fut de retour, il réfolut de fe retirer à la campagne au milieu de fes amis, tk de ne plus fe remettre en mer : mais comme il avoit naturellement l'efprit variable, il changea bien-tôt de réfolution , fe rendit à Londres en 1670, monta en qualité de premier Pilote fur un vaiffeau des Indes Orientales, chargé pour Bantam, & fi un très heureux voyage. L'année 1672 Dampier vécut avec Ant fon frère dans le Comté de Somer-fet; & en 1673 il ^eryit contre les Hollandois en deux combats à bord d'un vaiffeau de Roi, nommé le Prince Royal, tk commandé par Sir Edouard Spragg , qui fut tué la même année. Il retourna encore dans le Somerfet, où il fe lia d'amitié avec le Colonel Hellier , qui avoit de grands biens à la Jamaïque, tk qui Dampier Ul* PerUiac*a PaMer pour s'occu-' chap. i. ' per d'une plantation. Il n'y demeura An. i67t. qu'environ un an, & fe joignit au Capitaine Hodfel pour aller couper du bois de teinture dans la baye de? Campêche. Ufc lie avec II fe livra avec ardeur à cette oc-ï les Boucan- aipati0n , quoiqu'elle fut accompagnée d'allés grandes difficultés ; 8c comme il vit qu'on en reriroir un profit confidérable , il s'y engagea une féconde fois. Ce fut alors qu'il forma des liaiions avec les Boucaniers, auxquels nous verrons qu'il s'attacha totalement par la fuite ; liaiions honteufes qui le firent fouvent rougir de les avoir formées, quand il fut plus avancé en âge. Quoiqu'il en foit il fit alors de grands projets pour l'établiffement de fa fortune, & revint avec ces penfées en Angleterre au mois d'Août 1678. Il y raffembla tout l'argent qu'il put avoir, fe pourvut de ce qu'il jugea lui être neceffaire, & fe rembarqua pour la Jamaïque au commencement de l'année 1679, dans le Loyal-marchand de Londres, commandé par le Capitaine Knapman, nrejoint Son deflein étoit de continuer à * K S EUROPÉENS, lf i touper du bois dans la baye den'" Campêche, parce qu'il connoilToit a^ï* très bien les avantages de ce com- An 1<7J^ nierce, & la façon de le conduire." Il changea bien-tôt de réfolution, & employa fon argent à acheter dans le Comté de Dorfet un petit bien d'un homme, dont il connoiflbit parfaitement les titres. Avant de repaf-fer en Europe il convint avec un nommé M. Hobby, de faire un voyage dans le pays des Moskites au Continent ; mais ayant jette l'ancre dans la baye de Nigral, tous les hommes de M. Hobby l'abandonnèrent pour fe joindre aux Capitaines Coxon, Sawkins, Sharp, & à d'autres avan-turiers, qui avoient formé le projet d'une expédition lucrative. Trois ou quatre jours après M. Dampier les nùvit, jugeant qu'il ne lui ferviroit de rien de demeurer avec M. Hobby, puifqu'ils ne pouvoient entreprendre de conduire le vauTeau fans hommes. La première expédition de ces ^fftft c i' / f t\ i 11 qucntal Mb. confédérés hit contre Forto-bello ,n*deDaùe«, & ils réfolurent enfuite de traverfer a«, im», rifthme de Darien pour gagner la mer du Sud. Dans cette intention as Dampier débarquèrent le 5 d'Avril 1680, prè* Chàp. 1. Tlfle Dorée, une de celles qu'on ap-An 1680. pelle Samballes, au nombre de près de quatre cents hommes, bien munis de provifions, & de différentes bagatelles propres à gagner l'amitié des Indiens. Après une marche de neuf jours ils arrivèrent à Santa Maria qu'ils pillèrent ; mais n'y ayant pas trouvé le butin qu'ils efpéroient > ils n'y demeurèrent que trois jours, &. s'embarquèrent fur quelques petits bâtiments pour gagner la mer du Sud. Le 23 d'Avril ils furent à la vua de Panama , & firent une entreprife mfruftueufe fur Puebla Nova, où le Capitaine Sawkins, & quelques au-» très perdirent la vie. leursditîë- Le 6 de Juin, ils firent voile pour rentes expc- < a i t> ' o, S • aimons. Ja cote du Pérou, oc après avoir touché à Gorgonia, & à Plata, ils s'emparèrent d'Ylo au mois d'Oètobre. Vers le temps de Noël ils arrivèrent à l'ifle de Juan Fernandez, où la plus grande partie de la troupe, mécontente du Capitaine Barthelemi Sharp, qui avoit pris le principal commandement à la mort de Sawkins, 1$ déplaça en faveur du Capitaine Wat« hing. Ce dernier tut tué avec vingts des Européens. 283 huit hommes, dans une entreprife ^ qu ils hrent lans lucces contre Anca, chap. 1. forte ville b atie dans 1 enfoncement a^, de la côte du Pérou. L'équipage du Vaiffeau fe partagea en deux raclions ; les uns vouloient rétablir le Capitaine Sharp, bk les autres vouloient Vè-loigner du commandement. Le premier parti eut le deffus, tk les mécontents au nombre de quarante -fept, entre lefquels étoit M. Dam-pier, réfolurent de traverfer l'ifthme, entreprife hardie, tk d'autant plus dangereufe, qu'ils formoient une efpèce de petite République, n'ayant fait choix de perfonne pour les guider dans leur marche , tk pour régler leurs projets; cependant ils achevèrent ce voyage en vingt-trois jours avec très peu de perte. Ce fut le premier de Mai, vers }^«f^ trois heures après midi qu'ils fe mitent en route pour cette expédition, ayant avec eux un Efpagnol tk deux Moskittes Indiens, dont les derniers étoient très adroits pour la pèche de la vache marine, tk. pour celle de plufieurs autres fortes de poif-, ions. Us emportèrent une chaudière pour faire cidre leurs provifions, de 1$4 DÉCOUVERTE* j)AMPIER la fleur de farine, vingt oit trerif» chap. i. livres de chocolat, & du fucre eà Ah j.sj. petite quantité. Le 2 ils ne purent faire que fîx milles, tk ils s'arrêtèrent à une plantation Indienne fur le penchant d'une colline, où ils ne trouvèrent que des femmes, dont ils ne purent entendre la langue : mais une leur donna pour les rafraîchir, d'une boiffon faite avec du bled. Le foir les hommes parurent, tk régalèrent les avan-ruriers d'oifeaux, de patates, deya-mes, & de plantain. L'un d'eux, qui parloit un Efpagnol corrompu , convint pour une hache de les conduire vers un Indien , qui favoit très bien cette langue, pouvoit les entendre, tk leur donneroit les inltruc-tions qui leur étoient néceffaires. l!s fontçui. Cet homme tint fa parole, & ils butait. arrivèrent le lendemain vers midi chez l'Indien intelligent : mais ils ne tirèrent d'abord que très peu d'avantage de fa converfation. Il ne leur parla qu'avec un ton de colère, répondit durement à toutes leurs quefhons, tk ils reconnurent aifé-ment à fon air fombre qu'il ne méditait rien de favorable pour eiyfj des Européens. 185 Cependant les avanturiers ayant ga- i5ampier gné l'amitié de fa femme par le pré- chap. 1. ient qu'ils lui firent d'un jupon ecla- a«. tant, elle gagna l'efprit du mari, qui leur donna un guide pour deux jours, ne pouvant lui-même les conduire, parce qu'il étoit bleiTé au pied. Il les avertit qu'un parti d'Efpapnols étoit (en campagne pour les détruire, & voidut les engager à paffer la nuit dans fa cabane, parce qu'il tomboit alors une forte pluye ; mais ils continuèrent leur chemin , préférant de s'expofer au mauvais temps, plutôt crue de courir le rilque de tomber çntfe les mains de leurs ennemis. Après divers événements, fur lef- P1"pi£ quels nous ne nous étendrons pas,£iniet parce qu'ils font relatifs à la defcription de l'Iûhme, dont nous parlerons plus au long dans le voyage de V^afer, ils arrivèrent à la clef, ou ifle de la Sonde, & montèrent à bord d'un Armateur François , commandé par le Capitaine Triftian. Ils firent Voile à la clef de Springer, une autre des ifles Samballes, où ils trouvèrent & joignirent une efeadre de huit «va miniers, dont les forces composée* au moins, de Çix cents homm,es# 1$6 DÉCOUVERTES DxMPiER ne Pouv°ient ^en exécuter d'impor-ciup i. tant, parce que leurs Commandants A.u itu. n'éroient pas d'accord entre eux; Dampier tk fes compagnons voyant cette défunion fe mirent fous le commandement du Capitaine Wright, qui les joignit avec une prife qu'il avoit faite fur les Efpagnols. Il en lit encore trois ou quatre autres avec eux, tk ils en partagèrent le produit : mais ils fe féparerent enfuite, &C Dampier avec ce qu'il avoit gagné , fe rendit à la Virginie. Pendant que Dampier fut avec le Capitaine Wright, ils touchèrent aux illes qu'on nomme des Bleds, &: que quelques autres appellent les illes des Perles, fîtuées à 12 dégrés 10 minu* tes de latitude Septentrionale. Les habitants, qui avoient fouvent été très maltraités par les Boucaniers, fe cachoient aufîi-tôt qu'ils décou-vroient quelques voiles, crainte d'être emmenés èfclaves, ou de fourfrir quelque autre mauvais traitement de ces cruels avanturiers. Defcription La couleur de ces habitants cil fles habitants i . , , . «k l'iOe dcsDrune, approchant de celle du cui-fciles. vre, ils font petits, mais forts , ont le vifage rond, de petftS yeux noirs J des Européens. 287 de longs cheveux , des lburcils bruns n qui leur pendent lur les yeux, le chap.u front petit, le nez large & plat, de An. grolTes lèvres, & le menton petit. Ils percent des trous dans la lèvre inférieure de leurs enfants mâles, quand ils font jeunes, & les empêchent de fe fermer, en y mettant des chevilles de bois, jufqu'à ce qu'ils aient atteint l'âge de quatorze ou quinze ans. Alors ils y mettent doc efpeces de barbes artificielles d'é-cailles de tortue, qui leur pendent fur le menton, & qu'ils ôtent durant la nuit. Us étendent autant qu'il leur eft pofiible, & ouvrent les oreilles de leurs enfants, garçons & filles avec des morceaux de bois ; & quand elles font bien dilatées, ils y mettent d'autres pièces de bois rondes & polies, de la grandeur d'un écu, enforte que leurs oreilles paroilTent comme un morceau de bois, avec Un filet de chair autour. Pendant que les filles font encore dans l'enfance, les mères leur enveloppent fort ferré le deffus de la cheville du pied, avec une toile de Coton ,, ce qui leur fait groïfir le gras «... ;pir-cvu 1$8 DÉCOUVERTES -de la jambe, & elles portent cette Ii- chaf>. i. gature toute leur vie. Les deux lexes An. mu. yont également nuds, à l'exception d'une toile de coton qu'ils portent à la ceinture. Ils marchent les pieds nuds, ce qui devroit naturellement les rendre gros & applatis, cependant ils les ont en général petits & bien faits. Eiiarr.it où Le Capitaine Wright croifa avec 5f"al£M?" fes gens pendant quelque temps, à d'tftrcei. 11 dégrés 40 minutes de latitude Septentrionale, à la hauteur de l'ifle d'Aves, qui n'a que quatre milles de longueur, & environ un demi-mille de largeur dans la partie Orientale. Du côté du Nord on y trouve un bon port, & quelques piuts creufés par les Avanturiers. Il y a une chaîne de rochers très dangereux, environ à trois milles de cette ifle. Ils s'étendent de l'Eft au Nord , d'oh ils tournent à l'Oueft, & ce fut fur ces rochers que fe perdit une forte ef-cadre de vaifleaux François, commandés par Monlieur d'Eftrées , peu de temps avant l'arrivée de Dampier, pour avoir manqué de fuivre les balifes. gueigues- Çorfaires qui étoienr débarqués dés Européens. 289 débarqués dans cette ifle, vécurent DamPi£R' agréablement pendant un temps af- ch»P. 1. fés long de ce qui leur vint de ce An. i6**, naufrage, d'où la mer leur apporta en abondance du porc falé, du bœuf, du vin, de feau-de-vie, tk d'autres denrées. Quarante de ces Avantu-riers allèrent à bord d'un des vaif-feaux naufragés, où il y avoit des liqueurs en abondance, tk pendant qu'ils étoient à boire , à chanter, tk à fe divertir, ils furent emportés en mer , l'arriére du bâtiment ayant été féparé du refte : donnèrent fur les rochers, tk y périrent tous. Dans le même endroit le Capitai- ^Ailçfe^X ne Payne, qui y avoit relâche avec payne, un vaiffeau de fix canons, fut en grand danger d'être pris par un navire Hollandois de vingt canons , qui jetta l'ancre le foir à un mille de diftance , tk tira quelques coups pour l'intimider, dans l'intention de tomber fur lui avec la marée, tk de s'en rendre maître le lendemain matin. Payne apprit par fes gens, qu'il y avoit dans la partie Occidentale de l'ifle , un vaiflèau marchand Hollandois à l'ancre, tk qu'il paroiflbit richement chargé. Le Capitaine donna To& VU. N Dampier. ordre au"^-^r de l'aborder dans deux chap.j. canots, qui l'approchèrent à la fa-An. 168!. veur des ténèbres, & eurent le bonheur de s'en rendre maîtres. La prife étoit confidérable, & il fortit de la rade dans ce vaiffeau avec le pavillon Hollandois, laiffant le lien vuide aux ennemis , qui n'eurent aucun foupçon de cette tromperie. De rifle Dans l'ifle d'Aves ou des Oifeaux, fl'AvCS. 1 • r t on trouve une grande quantité de ceux qu'on appelle boubies, ou oifeaux niais. Us ont le bec très large & très fort, & les pieds plats comme le canard. Ils font fi fimples qu'ils t* ne fe détournent point du chemin, quoiqu'on foit près de les écrafer îous les pieds. Ils font leurs nids fur des arbres dans cette ifle ; mais en plufieurs autres endroits ils dépofent leurs œufs fur la terre, où ils nour-riffent leurs petits: la chair en eft noire & fent le poiffon, cependant les Corfaires s'en font un régal. On trouve aufli dans cette, ifle un autre oifeau nommé l'homme de guerre, qui a la forme d'un milan, entièrement noir, à l'exception du col qui efl rouge : il fe nourrit de poilîbn, & cependant il ne vit point dans des Européens. 291 Feau mai, il tombe en plçngeantDAMpiER lur la proye , tk 1 emporte dans les cuap. 1. airs. Il a de longues aîles , tk fait fon An. x63l. nid fur des arbres, s'il en trouve quelqu'un près de l'endroit où il habite, autrement il pond fes œufs &: les couve fur la terre. On trouve le même oifeau dans oifeautd* les illes de Roca, ainli que le noddi, P*>s» qui eft très bon à manger, quoi qu'il ne foit guère plus gros qu'un de nos merles. On y voit aufli l'oifeau des tropiques, environ de la groffeur d'un pigeon , mais rond tk très gras, avec les plumes blanches , excepté quelques-unes des aîles, qui font grifes. Il a le bec court, jaune tk fort, fans autre queue qu'une fimple plume d'environ fept pouces de long, qui lui pouffe du croupion. On appelle cet oifeau des tropiques, parce qu'il eft très rare qu'on en trouve dans d'autres climats , que ceux qui font compris entre ces deux cercles. Ils font très bons à manger , & l'on en rencontre fouvent en mer, hors de la vue de terre. Dans la plus Septentrionale de De h rfa ces iiles, eft une montagne fort hau-i: c»r"«-te, toutte blanche, tk qui n'eft for- N ij nTT^TTT m^e flue de rochers : elle a au Midi Chap.i. une fontaine qui coule fi lentement, An. i<$8i. qu'en vingt - quatre heures elle ne fournit pas plus de foixantt pintes d'eau : elle porte un gout minéral très défagréable, & elt purgative quand on la garde quelques jours. Environ à vingt lieues de l'ifle d'A-ves efl la côte de Caracas, qui dans l'étendue de plus de vingt lieues ne préfente que de hautes montagnes, coupées par quelques petites vallées. Le terroir en eft prefque par - tout ftérile, excepté dans les vallées, où le fol elt couvert d'une efpèce de glaife noire ou rouge, qui les rend un peu plus fertiles. On trouve dans ce pays beaucoup de maïz, de plantain , de cochons, & d'oifeaux des Indes ; mais la principale production eft la noix dont on fait le chocolat. *?cSi#n Cetre noix nomme cacao : l'arbre qui la produit a environ un pied & demi de groffeur, & ne croît ordinairement qu'à la hauteur de huit pieds. La feuille en eft affés fembla-ble à celle du prunier, mais un peu plus large: les branches font fort étendues : les noix pendent irrégulièrement entre ces branches fur des des Européens. 29$. liges fortes tk flexibles, tk font ren- &lEn fermées dans des coques de la grof- €fcaP.i. feur des deux poings. On les coupe j c ■ 1 t • An. Kl» deux rois par an, au mois de Juin 6c au mois de Décembre, mais la première récolte efl la meilleure. La coque a environ un pouce & demi d'épaifleur, elle n'efl point fpongieu* fe, ni de la nature du bois, mais on la cafle aifément. Elle efl un peu plus dure que l'écorce du limon, avec la peau raboteufe tk inégale. La couleur efl d'un verd obfcur, qui devient enfuite d'un jaune brillant, & dans l'état de maturité elle fe change en un très beau rouge. Le cacao mûrit par dégrés, tk on le met en tas pour le faire fuer : en-fuite on brife les coques avec la main , tk l'on en tire les noix, qui font par rangs comme les grains de maïz, à peu près cent dans chaque coque, où l'on ne trouve aucune autre fubflance. On les étend fur des nates pour les faire fécher, & elles fe confervent très bien, parce qu'elles ont une peau fort dure, tk contiennent beaucoup d'huile, ce qui les garantit des imprcifions de l'eau falée. On en a mis quclque- Niij 294 découvertes n" „mrD fois avec de vieux facs moifis, fans cfaap.i. quelles en aient reçu aucun dom- An. uh. mage. L'arbre de cacao, qui vient d'une noix plantée en terre, le gros bout en delfous, commence à rapporter après quatre ou cinq ans, fans qu'il foit néceffaire de le tranfplanter. On met ces arbres dans des vallées ouvertes au vent de Nord, 6c à l'abri de la chaleur, qui leur eft très contraire. On en forme des allées alternativement avec des plantains, qu'on a foin de couper a mefure que le cacao acquiert de la force. Ces noix fervent de monnoie dans viii«* ci;-la baye de Campèche. mat du pays T J ... 1 ... , y-, «les Caracas. La principale ville des Caracas 3 fituée affés avant dans les terres, efî grande 6c riche : le pays tout en pâturage abonde en beftiaux, 6c eft très peuplé. La ville la plus confidérable qu'on trouve fur la côte, fe' nomme la Guife, 6c efl toute ouverte, mais avec un bon fort, 6i un mauvais port. Elle a été pillée deux ou trois fois par les Anglois : la fituation en eft environ à cinq lieues Ouelt du Cap-blanc, qui termine la côte des Caracas du coté de l'Eff. des Européens. 29^ L'air de cette contrée eft doux £)AMpIER' & très fain ; mais il y fouflle quel- Chap. i. quefois des vents brûlants qui font An-venir des boutons aux lèvres. Les Efpagnols ont des vedettes fur les hauteurs des environs, tk ils donnent même des armes à leurs Nègres, pour répouffer les ennemis en cas d'attaque. Dampier rapporte que dans fon Du poiflôn ls . T\ ' . . 1. A , nomme R«- voyage a la Virginie, ils péchèrent more, plufieurs des poiffons nommés remores, fans avoir befoin d'aucun appas pour les prendre. Ces poiffons ont à peu près la forme tk la grof-feur d'un fort merlan, mais avec la tète plus platte. Depuis la tête juf-qu'au milieu du dos, ils ont une uibftance cartilagineufe tk vifqueuie, de forme ovale, de fept à huit pouces de long, & d'un pouce d'épaif-feur, avec laquelle ils s'attachent à tout ce qu'ils rencontrent, de même que le limaçon s'attache aux murailles. Lorfque le temps efl ferein, ces animaux jouent autour des vaifleaux, mais quand il devient orageux, ils s attachent au fond, où ils vivent des excréments tk des faletés qu'on jette dans la mer. On fait cojnbte* N ir 196 Découvertes )ampi£r. ^aut Peu ^e cno^e Pôur retardef Chip A, le mouvement d'un vaiffeau , & il y An. 1611. a tout lieu de croire que la remore des anciens, dont on a fait tant d'hiftoires, n'étoit autre chofe que plufieurs de ces animaux attachés aux navires, tk en effet quand il y en a dix ou douze ils ralentiffent autant la navigation , que li le bâtiment étoit très fale. Ils font naturellement indolents, tk nagent très lentement, ce qui fait qu'ils s'attachent fouvent à de plus gros poiffons quand il en parîe quelqu'un près d'eux, tk il n'elt pas rare quand on pêche des goulus de mer, de trouver deux ou trois remores qui y tiennent, & dont les goulus ne peuvent fe délivrer, malgré la vivacité de leurs mouvements. Ils s'attachent aufîi aux tortues, aux vieux arbres, & en général à tout ce qu'ils rencontrent. Ils n'ont point d'écail-les, & font d'un gout très agréable. ■ 'f ) »es Européens. 297 CHAPITRE IL Dampier met a la voile de la Virginie avec le Capitaine Cooke : Ils mouillent aux i/les de Sel: Defcription de f oifeau nommé le flamand: On trompe un des Matelots : Defcription de Cifle de Saint Nicolas : Ils font voile à Mafto : Perfidie du Ca-pitaine Bond : Elle a d:s fuites facheufes pour le Capitaine. Cooke : Des ifles de Brava, de fogo & de Saint Jago : Ils jettent P ancre près de Sierra - leona : Ils trouvent le peuple très poli: Ils éprouvent un furieux ouragan.: Defcription du Kock-fish & du S napper, du Lion & du Veau marin. On trouve un Indien, qui avoit été laiffé par ha-lard a Pi fie de Fernande : Son aàreffe & fa joye de fe retrouver avec jès anciennes connoiffances : Les Indiens efliment beaucoup Us noms qui leur font donnés par les Chrétiens : Bravoure du Capitaine Davis y & de cinq de fes hommes* K v Dampier. „ , a , chaF. u. A PRÈS être demeuré quelque An. 1683. JT\. temps à la Virginie, M. Dampier s'afîbcia avec le Capitaine Coo-jowtâttSpU^fj..^^ connoiffoit anciennement, tainc Cooke &c ils réfolurent de croifer contre les Efpagnols dans la mer du Sud. Le 23 d'Août 1683 ils mirent à la voile d'Achacamack, & dirigèrent leur cours pour les illes du Cap-verd : quelques jours après leur départ ils éprouvèrent une tempête li violente, qu'ils perdirent prefque l'efpérance de conferver leurs vies, ayant duré plus d'une lèmaine avec la plus furieule impétuofité. Enfin ils arrivèrent à l'ifle de Sel, ainfi nom. mée à caufe de la grande quantité d'étangs f aies, & de concrétions de fel qu'on y trouve. Le terroir en efl ftérile , fans arbres ni herbes , & il ne produit que quelques mauvais buiffons vers le rivage de la mer. Dei'oifeau On voit aufîi quelques chèvres Kin^o.0 3 décharnées brouter entre les rochers, &. des oifeaux fauvages en petit nombre , entre autres le fla-mingo , qui efl de couleur tirant fur le rouge, & qui fe tient dans les marais y oii il efl difficile de le tirer, DES EUROPÉENS. Î99 Ces oifeaux font leurs nids de ter- -• r,~, . Dampier. re ? ramaflee en petits monceaux , ciiap. 11. qui s'élèvent au-delfus de l'eau, & An> utu qui portent fur les endroits les moins profonds des étangs. Ils n'ont jamais plus de deux œufs à la fois, ils les couvent de leurs croupions, pendant que leurs jambes, qui font très-longues , demeurent dans l'eau ; fi la Nature ne les avoit conffruits, de façon qu'ils peuvent refler longtemps dans cette fituation, le poids de leurs corps écraferoit leurs œufs, ou étouferoit les petits, qui ne peuvent voler que quand ils font grands, niais ils courent avec une telle rapidité, qu'il feroit très difficile de les atteindre. La langue de ces oifeaux efl un mets délicieux, le refte quoique d'affés bon goût, efl peu efliniè , parce que la chair en eft" noire & maigre. Ils fe tiennent ordinairement enfemble du même côté d'un étang, & comme ils ont tous Jes plumes à peu près de la même couleur, il femble de loin que ce foit fin mur de brique.- Cette ifle n'a que cinq otr fix .pjî^'jjj' habitants ; le Gouverneur, qui faifoit sdu, ïuie trille figure- nrétant couvert que Nvj, 300 DÉCOUVERTES JDampier. c^e baillons, vint à bord aves nri Chap. u. préfent de trois ou quatre chèvres ^ mu maigres, tk le Capitaine Cooke par reconnoilTance lui donna un habit. On lui acheta environ vingt boiûeaux de fel pour quelques vieux habillements : il demanda un peu de poudre tk de plomb, ce qui lui fut accordé , tk. il le retira très fatisfait. Un des gens de fa fuite feignant de fe cacher du Gouverneur, vendit à un marinier un morceau d'une fubf-îance, qu'il lui dit être de l'ambre gris; mais quelque temps après on reconnut qu'il étoit faux , tk vraifenir blablement une compofition de croies de chèvres. Ceux qui font commerce de cette marchandife, doivent s'y bien connoître, parce que dans tous les endroits où l'on en vend , les habitants font habiles dans l'art de la contrefaire, «sabordent De l'ifie de Sel, les Avanturiers h*-Koceda».e S'rent voile à Saint Nicolas, une autre des ifles du Cap-verd, à vingt-deux lieues de. la première, tk ils jetterent l'ancre dans la partie Méridionale. Cette ifle eft pleine de montagnes ftériles, tk entourée de rochers : mais dans l'intérieur il y a quelques val- des Européens. 301 lées fertiles, habitées par les Portu- ^ * gais ; ils y ont planté de la vigne, 6c chap. n. * lait d'autres plantations qui réuffif- An, rcsjy fent parfaitement. Les habitants font de couleur tannée 6c très bruns : fi Ton jugeoit de leur richeffe par leur habillement, on pourroit les croire très miférables, cependant le Gouverneur, & trente - quatre hommes de fa fuite , qui viiiterent le Capitaine Cooke, parurent en affés bon état, armés d'épées & de piflclets. Ils lui firent préfent de quelques barils d'un vin pâle 6c gros, dont le gout croit pareil à celui du vin de Madère. A quatorze milles de la mer efl la principale ville de fille : elle contient environ cent familles , 6c il y en a aufîi plufieurs de répandues dans les vallées. On y trouve quelques ânes 6c des chèvres allés médiocres , quoique très belles fi on les compare à celles de l'ifle de Sel. Après être refiés cinq ou fix jours PcrfHie.ru» dans cette ille pour nétoyer le fondsA^gicà',"* du vaiffeau 6c pour faire de l'eau en creufant des puits, parce qu'on ne peut en avoir autrement, les u\ an-iuriers firent voile à Iule de May<-»: fT*—~ qui efl aufîï une de celles du Cap-Chjp. il. verd , ou ils avoient deflein d ache- ah. m3. ter Jes Provifions ? Parce qu'elle produit de très bons boeufs Se des chèvres ; mais un accident arrivé peu de temps avant dans cette ifle, fut caufe que les habitants ne voulurent permettre à aucun des gens de def-cendre. Un Capitaine nommé Bond, natif de Briflol, qui paffa enfuite du côté des Efpagnols , avoit abordé à cette ifle, s'étoit rendu maître du Gouverneur, & de quelques-uns de fes gens venus à bord pour trafiquer ; leur avoit fait payer leur rançon telle qu'il avoit voulu le leur impofer, 6c enfuite avoit eu la perfidie de les emmener. L'abordage efl mauvais dans cette ifle; cependant comme il y a beaucoup de fel, il y vient un aflèz grand nombre de vaifleaux. On y trouve quantité de chèvres Se d'autres animaux à corne , avec de petites tortues de mer dans les mois de Mai, Juin, Juillet 6e Août: il y croît des plantains, desyames,.6e des pommes de terre ; 6c les habitants, quoique pauvres, y vivent mieux que dans aucune des ifles voilines. ihmouitienc Quatre ou cinq lieues plus à l'Ouetô' ♦Saint Jago. 1 * des Européens. 30* eft l'ifle de Saint-Jaep , où la plus 7^- grande partie des vaifleaux Euro- chap. 11. péens qui vont aux Indes touchent A|li mu pour faire de l'eau. Les habitants naturellement enclins à faire de petits vols, apportèrent de jeunes bœufs, des cochons, des chèvres, des œufs, des oifeaux, du plantain tk des cocos, qu'ils échangèrent pour des mouchoirs , des chapeaux, des caleçons , ou d'autres habillements de toile, parce qu'ils eltiment peu ceux de laine. A l'Ouelt de cette ifle , on en voit deux autres petites, nommées Brava tk Fogo , dont la dernière n'elt prefque qu'un volcan très élevé, d'où il fort des flammes qu'on apper-çoit de très loin pendant la nuit. Les autres illes font nommées Saint-Antoine , Sainte-Lucie , Saint-Vincent & Bona-vifla ; mais notre Auteur n'en dit rien de remarquable Le vent s'étant tourné Eff-Nord-Eft , le Capitaine Cooke mit à la voile pour les détroits de Magellan ;. mais à dix degrés de latitude fepten-îrionale il changea fon cours , tk porta à la côte de Guinée. Peu de jours après il jetta l'ancre à l'embouchure de la rivière Sherborough au 3°4 Découverte? Dampier Sud de Sierra-Leona. Un petit boi* chaP. il. ' qui ctoit fur le rivage cachoit la vue An. i5«i. d'une ville allez confidérable, habitée par les Nègres de la côre, avec une grande maifon au milieu, où les étangers fontbien reçus, tk régalés de vin de palmier tk d'autres rafraî-chiffements. Ces Nègres fe comportèrent très bien envers le Capitaine Cooke tk fes gens , auxquels ils fournirent des plantains , des canes de fncre, du vin de palmier, des oifeaux , du riz, tk du miel à très bas prix. Il y a fur cette côte une habitation Angloife , oii l'on fait un commerce confidérable de bois rouge propre à la teinture, qu'on appelle Cam-m-ood. ils paffcnt le Ils levèrent l'ancre vers le milieu ^rroirdcLc.de Novembre l68j ' & dirigèrent leur cours aux détroits de Magellan : ils eurent une grande variété de vents & de temps fâcheux, qui leur cau-ferent un retard confidérable : touchèrent aux illes de Sebald-de-Weert, qui font au nombre de trois, totalement ffériles, fans rien produire d'utile ni de digne d'être remarqué y excepté de petites écreviffes de mer, rouges tk de la largeur de la main; des Européens. 305 & enfin arrivèrent au détroit de le oAMPrE'^ Maire le premier de Février 1684. cj»p. 11. Le 14 ils elîuierent une violente tem- An. pête venant de rOueft-Sud-Oueft, qui dura jufqu'au trois de Mars, te 19 du même mois, ils découvrirent un vaifTeau qu'ils jugèrent être un bâtiment Efpagnol ; Se ils fe préparèrent à le bien recevoir : mais ils le reconnurent pour un navire Anglois , commandé par le Capitaine Eaton, Se chargé à Londres pour la mer du Sud. Le Capitaine Cooke alla de conferve avec ce bâtiment jufqu'à ce qu'ils fulïent fortis du détroit , Se lui donna du pain Se du boeuf pour de l'eau , dont Cooke commençoit à manquer. Le 23 , ils jetterent l'ancre à vingt- Tlsarnrfnt cinq braffes de profondeur, dans une baie au Sud de Jean Fernandez de», environ à deux cables du rivage. Cette ifle eft fituée à la latitude de 34 degrés 45 minutes, environ à cent vingt lieues de la Terre ferme. Elle eft remplie de hautes montagnes ; mais les vallées en font agréables Se 1res fertiles. Au milieu des bois on trouve de grands pâturages d'une herbe fleurie, j06 DÉCOUVERTES très épaifle , qui fert à nourrir ufle JAMPIER. i • i j ti t Chap. il. multitude de troupeaux. Il y a beau-An. i«4. collP de D°is propres à la conftruc-tion , mais non à faire des mars; tk Ton y mange des choux excellents. La partie occidentale de l'ifle eft un pays plat qui porte de l'herbe feche fon courte ; il n'y a dans cette par-tic ni arbre ni eau; Se l'on n'y peu* débarquer qu'en un feul endroit. Du poiflbn Quoique cette ifle foit inhabitée, ommcsnar-'j y en a pgu paroiflfe auffi convenable pour y établir une colonie ; le terroir étant fertile , Se la me* abondante en poiflbn. Les Snappers entr'autres tk les Rock-fish ou taton-neurs y font en fi grande quantité y qu'avec une ligne Se un feul hameçon , on en peut prendre en deux heures fufHfamment pour donner à manger à cent perfonnes. Le Snap-per a la tête très grolfe tk les ouies fort larges, le dos rouge, le ventre argenté , & les écailles de la grandeur d'une pièce de vingt-quatre fols: il a la forme d'un rouget, mais beaucoup plus gros , Se le gout en efl. excellent. Ce poiflbn efl particulier à la mer du Sud Se aux Indes occidentales. des Européens. 307 Le Roch-hsh eit a(Tez femblable aiijjAMpiEB merlus, couleur de brun foncé, avec ch^. n. de pérîtes écailles argentées : il elt An. I6Ï4, très bon à mane;er: tk l'on en trouve en quantité lut les cotes du Pérou ocfish. du Chili. Les veaux & les lions marins font fi fréquents dans l'ifle dont nous parlons, qu'on ne peut faire un pas fur le rivage fans en rencontrer. Le veau marin eft de la grofleur Du Veau de notre veau terreflre ; fa tête ref- mar,n* femble à celle d'un chien , avec deux longues nageoires très fortes fous les épaules, qui lui fervent h nager dans l'eau, tk à s'élancer fur la terre, en s'aidant aufli de la queue , parce que cet animal n'a point d'autres pattes. H nage très vî'e ; mais il eft fl lent fur terre , qu'il fout le frapper pour le faire ranger du chemin : alors il fait fon cri, tk fe jette fur celui qui l'attaque. Quand on lui donne un coup furie nez, cette blefture lui efl la plus funefte. Les veaux marins font couverts de poils noirs, gris , bruns, ou marquetés, tk font bien liifés quand ils fortent de l'eau. Us bêlent comme les brebis quand ils appellent leurs petits, tk ne fe trompent jamais à reconnoître les leurs , 308 DÉCOUVERTES en fi grand nombre que (oient les AMPIER ChaP. 11. autres. An i«8 ^e ^on mar*n eu* ^e douze ou quart. 1684. rQrze pje^s je iong. il eft a{r-ez femDla. f Bu Lion ble au veau, mais lix fois aufli gros. Il a la tête comme celle d'un lion , la face large, les mouflaches pareilles à celles d'un chat : fes yeux reflem-blent aux yeux de bœuf, & fes dents, dont les matelots font quelquefois des dés , font aufli larges que le pouce d'un homme ,& d'environ trois peu-ces de long. Ils n'ont point de poil ; leur peau efl brune ; & ces animaux font fi gras, qu'un feul peut fournir un muid de bonne huile , propre à fricafler les mets. Ce qu'ils ont de maigre efl: noir & dur, mais d'un affez bon goût : ils vivent de poiflbn ; vont en troupeaux comme les cochons , en faifant un murmure défa-gréable ; & quand rien ne les trouble, ils demeurent quatre ou cinq jours, l6^t entre les mains des Boucaniers Anglois. Le 19 on réfolut de faire voile aUX Ilianiveint Illes de Gallapaeos, qui font inha*-^1*..11*" de oitees, oc dont la lituation elt lous l'équateur & aux environs. Ils y arrivèrent le 31, & jetterent l'ancre le foir, à peu près à un mille du rivage avec feize braffes d'eau, fur un fonds de fable blanc, dans la partie Orientale de celle de ces illes qui eft le plus à l'Eft. Notre Auteur vit feidement quatorze ou quinze de ces Illes, dont quelques-unes ont fept ou huit lieues de long, & trois ou cpiatre de large. Plufieurs ne font prefque que des roches ftériles fans aucune verdure , excepté fur la côte de la mer : on trouve d'allés mau-vaife eau dans les cavités des rochers & dans quelques étangs. On voit dans ces Illes un arbre nommé Dil-do, de dix ou douze pieds de hauteur, fans branches ni feuilles, & qui eft couvert dans toute fa longueur de piquants très aigus, rangés ■par ordre. Cet arbre eft gros cooi- Dampier.1110 Ia iaml)e d'un homme, & n'eiï Chap. m.'propre à aucun ufage, pas môme à An. U8+. fail*e dl1 fciK Il y a quelques-unes de ces Mes i?c«X?n^tuées Plus a l'Oueft, qui ont neuf à dix lieues de long, & fix ou fept de large, bien arrofées de rivières & de ruilTeaux agréables; elles prd-duifent différents végétaux, ainfi qua des arbres propres à divers ufages. La chaleur n'y elt pas fi excciîive qu'en plufieurs autres endroits fitués fous l'équateur, parce que l'air y elt rarfraichi par des vents de mer, qut y fouillent le jour & la nuit. Il n'y pleut jamais dans les mois de Mai, Juin, Juillet & Août, qui font le temps de l'Eté ; mais il y a des pluies abondantes en Novembre, Décembre & Janvier, avec de violentes tempères, fouvent accompagnées d'éclairs & de tonneres. La mer où font ces Kk's efl. abondamment pourvue de poiffons de toute èfpece , particulièrement'de goulus, de mer, & il .n'y a aucun endroit dans.Je monde où l'on trouve tant de tortues de terre & de mer. Le Capitaine Davis & fes gens vécurent des premières $lans une de ces Ifles pendant plus ii O des Européens. 317 |p*ois"mois, & ils en tirèrent foixante r_)AMPIER' jarres d'huile, dont ils fe fervirent chap. 111.' an lieu de beurre, tk qu'ils trouve- Anj m & e,Ue a le dos plus rond tk plus élevé que les autres. La chair de la grolTe tête, qui tire fon nom de fa figure, n'elt pas beaucoup meilleure que la première. Le bec de faucon, dans quelques endroits, efl purgatif, tk excite le vomiffement, cependant la chair en eft d'un gout beaucoup plus agréable crue celle des deux premières efpf* ces. On fe fert de l'écaillé pour faire de très beaux ouvrages, comme des cabinets de marqueterie tk des bureaux; elle pefe depuis une livre jul-qu'à trois livres & demie. On nomme cette tortue bec de faucon , parce qu'elle a une tête longue tk pointue , qu'on prétend qui refTemble auv bec de cet oifeau. Il eit rare qu'elle fe joigne avec celles das autres efpeces ; elle fait fa ponte trois fois l'année, tk donne chaque fois quatre-vingt , ou quatre-vingt-dix œufs, gros comme ceux de poule, & couverts d'une peau blanche tk dure. On ne trouve de ces tortues que dans les Indes Occidentales, tk fur la côte de Guinée; elles font inconnues aux des Européens. 319 Indes Orientales, *ainfi que dans la tV'" " j c 1 DampieR. mer du Sud. chaP. in. La tortue verte tire fon nom de la couleur de fon écaille, qui efl An* 16t*' très belle tk fort mince. La chair en vfr^y°rtucs efl délicieufe, avec la graiffe jaune & le maigre blanc. Le poids ordinaire efl depuis deux cents quatre-vingt jufqu'à trois cents livres. On en prit une, il y a quelques années, à Port-royal, dans la baye de Cam-pêche, qui avoit quatre pieds d'é-paiffeur du dos au ventre , 6c fix pieds de large. Un garçon de dix ans fe fervit de fon écaille au lieu de barque jufqu'à un quart de mille du rivage , tk l'on tira de fa graiffe trente5-trois pintes d'huile. On trouve des tortues de toutes efpeces, tk de toutes groffeurs, dans les clefs ou petites ifles au Midi de Cuba, d'où Ton en fournit les marchés de deux ou trois places de 1» Jamaïque. Ces animaux vivent très long-temps, & font plufieurs années avant de parvenir à leur groffeirr naturelle. On prétend que leur conjonction dure neuf jours, pendant lefquels il efl très facile iW frapper le maie 8c O ir ^20- DÉCOUVERTES Jqamp1er la femelle, parce que le premier eft chap. in.'alors hors d'état de fe garentir du. An. jdij. coup, & fi la femelle veut s'échaper il la tient ferrée avec fes deux nageoires de devant, ce qui l'empêche aufîi de l'éviter. Dà efl« font On trouve dans la mer du Sud, tconpont». f|iE ja cote occidentale du Mexique une efpèce de tortue verte, petite, mais délicieufe. On remarque en général qu'elles quittent leur léjour ordinaire , pour aller pondre leurs œufs dans un endroit éloigné. Elles font deux ou trois mois à en faire le voyage , 6c elles deviennent alors fi maigres, qu'on pourrait croire qu'elles ne mangent rien durant tout ce temps. Les endroits les plus connus pour leurs pontes , font l'ifle de l'Afccnlîon dans l'Océan Occidental, 6c les Illes de Caïman dans les Indes Occidentales , oii l'on trouve alors de toutes fortes d'efpeces de tortues. Il faut que ces animaux nagent pendant long-temps, puifque la terre la plus proche d'oii elles . peuvent venir, eft des Clefs au Sud de Cuba, 6c qu'il y a quarante lieues -de.diftance jusqu'aux Ifles de Caïman. Quoiqu'il y en ait un grand nom- 1) fe s Européens. 311' ye qui faffent ces voyages en cette Damp1er; «îlon, & qu'elles foient fuivies de chap. 111." beaucoup de goulus de mer tk d'au- An, tfes poiffons, il en relie encore en quantité. Notre Auteur quitta les Ifles de Gallapagos le 12 de Juin, dans l'intention de toucher à celle des Cocos ; mais ils la manquèrent, tk continuant à tenir la mer, ils arrivèrent au commencement de Juillet à la vue du Cap-blanc dans la mer du Mexique. Le Capitaine Cooke qui avoit tou- Mo^nCa-jours ete malade, depuis Ion départ kr. Davis eft de rifle de Juan Fernandez, mourut ^Jg^ à" trois ou quatre lieues de ce Cap. Quelques jours après, M. Edouard Davis, Quartier-maître de la Compagnie , fut choifi unanimement pour Capitaine à fa place. Cooke avoit paru fe porter un peu mieux quelques heures avant fa mort, ce qiû arrive affés fouvent, & l'on a de plus remarqué en beaucoup de maladies, que ceux qui ont long-temps refpiré 1 air de la mer, périffent quand ils Commencent à fentir celui de terre, CHAPITRE IV. Le corps du Capitaine Cooke ejl tranf-porté à terre pour y être inhumé : Pendant la cérémonie les Matelots s'emparent de deux efpions de Ni-coya : On apprend qu'il y a dans le pays une grande quantité de troupeaux : On envoyé quelques hommes pour faire venir des vivres aux vaiffeaux : Ils font rencontrés par les Ej'pagnols, qui les rédvifent à un grand embarras : Ils font en danger d'être noyés, mais ils reçoivent à temps du fecours des équipages : Ils mettent a la voile pour Ria - lexa, ou efl une montagne brûlante : Defcription des If es de Mangera & de dAmapalla : Le Capitaine Davis entre avec un canot dans le golphe d' Amapalla : // efl embarraffé, faute de guide : Il arrive à une ville Indienne, il prend un Moine & deux jeunes garçons prifonniers : // va dans une autre ville, & ejl prêt à contracter amitié avec les habitants ; mais il ne peut ©es Européens. 323 y reujjtr par Vimprudence & Vim-patience d'un de fes hommes. Différents ufages qu< n faifoit des Egli-fes dans cette Ifle : Le Moine répare le défordre : Les Anglois font rifttés par les Magifrats, qui leur fournirent tout ce qui leur efl né-ceffaire. ENviron quatre heures après Dampier^ la mort du Capitaine Cooke, les Ch*p. iv. deux vaifleaux (parce que celui du An. iampie^; nommes propoferent de relier en cet chap IV, ^ndroit jufqu'au matin, où ils rem- An> J6^: pliroient leurs ordres; cette proportion fut vivement combattue par Dampier & par plufieurs autres, enfin la difpute fe termina par la* réfo* lution que prirent douze hommes , du nombre defquels étoit notre Auteur , de revenir à bord , au lieu que les -autres préférèrent de demeurer jufqu'au lendemain. Ils eurent bientôt lieu de fe repentir de leur témérité: au point du jour, lorfqu'ils fe préparaient à faire fortir du poulail-•lier le bétail qu'ils vouloient emmener, ils virent qu'ils étoient environnés de quarante ou cinquante Efpagnols, cachés dans les hayes, d'où ils leur tirèrent quelques coups de fufil. Les Anglois fe réunirent en un corps, & fe retirèrent à leur barque ; mais ils virent avec le plus grand chagrin , qu'elle étoit en feu, & les Efpagnols, qui fe tenoient à quelque éloignèrent , fe moquoient de leur embarras. Dans cette facheufe conjoncture ils marchèrent à un roc qu'ils virent à quelque diftance dans l'eau , oii ils ^toient fûrs qu'on ne pouvoit les ■ 32.6 DÉCOUVERTES 57mpiÊr environner, & ils y demeurèrent. Chap. iv.'fept ou huit heures: mais leur em-An. ta* barras augmenta quand ils virent que la marée montante les gagnoit d'une grande vîteffe, Se qu'ils couroient rifque d'être engloutis par les eaux, Ce fuf alors qu'ils furent fecourus bien à propos par un canot envoyé du vaiffeau, avec dix hommes pour les chercher. bîi gagne la Le Capitaine Eaton Se fes gens tjâi* s'emparèrent enfuite de trois bons canots qu'ils trouvèrent dans la baye, en bon état, Se très bien conditionnés. Ils fe munirent aiuTi d'une quantité de bois de lance , qui eft droit, fort Se pefant, pour faire des pales de rames, Se du bois pour le fervice du canon. Après avoir fait de l'eau, ils remirent à la voile le 20 de Juillet pour Ria-lexa , dont on voit la côte de vingt lieues en mer, à caufe d'une montagne brûlante qui la fait diftinguer. Ils avoient deffein d'y débarquer, mais quelques mouvements qu'ils virent fur la côte v leur faifant juger qu'ils étoient découverts , ils entrèrent feulement dans le port avec leurs canots, examinèrent de loin la ville, Se retournèrent enfuite à bord. des Européens. 327 Le Capitaine Davis & le Capi-D4MPIER'^ taine Eaton ayant tenu une confé- Chap. iv.' rence, convinrent de mettre à la voile pour le golphe d'Amapalla, où n' 1 4* il y a deux Ifles; l'une nommée iiîfbntvoile Mangera, efl ronde tk très élevée, Am" avec une petite baye de fable au Nord-efl : le terroir y efl noir tk • pierreux, tk produit de beaux arbres; il y a une ville habitée par les Indiens, avec une belle Eglife. L'autre Ifle, qui efl: la plus grande , fe nomme comme le Golphe, tk a deux villes affés confidérables, environ à une lieue l'une de l'autre. Chacune a une belle Eglife , ornée de flatues tk d'images de Saints, qu'on a tous faits du même teint que les Indiens, avec de femblables habillements. On remarque la même chofe dans toutes les villes fous la jurisdiclion Efpagnole, au lieu que dans celles qui font habitées par les Efpagnols mêmes, leurs Saints ont la couleur tk les habits de leur nation. Les habitants de ces ifles ont quel- .RSÉftSÇ ques plantations de maïz oc de plan-mapaiia, tain, mais ils n'ont pas d'antres oi-leaux que des coqs & des poules r ^lS DÉCOUVERTES E7~-~ ni de bêtes à quatre pieds que dei ampier. ,\ ., , V t „ . ci>ap. iv. chiens oc des chats. Il y croit des „ pruniers fauvages , dont le fruit qui porte un petit noyau elt allez agréable. Ce fruit eft moitié rouge & moitié jaune quand il eft mur; mais on y trouve prelque toujours des vers. La feuille de l'arbre eft d'un verd brillant, & relfemble aflèz à celle de l'aubépine. Ce 'fruit eft commun à la Jamaïque & dans la baye de Cam-pêchè, mais ces deux Illes font les feuls endroits oii Dampier en ait vu dans la mer du Sud. Il y a plufieurs autres Ifles inhabitées dans le Golphe, lequel n'eft autre chofe qu'un braf de mer, qui entre jufqu'à neuf ou dix lieues dans les terres. Il s'étend beaucoup plus loin que les deux Ifles dont nous avons parlé, mais il n'a pas affez de profondeur pour que les gros vaiffeaux puiffent s'y engager. Us font un Le Capitaine Davis y entra avec rentier, il deux canots, dans l'intention de faire îcurfcit de quelque prifonnier , s'il lui étoit . . ■ poffible, afin de prendre plus de connoiffance du pays. Le premier foir, il aborda à l'ifle de Mangera ; mais faute de guide, il ne favoit de des Européens. 329-quel côté trouver la ville. Le matin "** u. apperçut plufieurs canots dans la Uwpfiv!* baye, fe détermina à defcendre, & An. l6S^ fui\it un fentier qui l'y conduiïit bien-tôt ; mais tous les habitants , à l'exception d'un vieux Moine dont ils fuivoicnt les avis, s'étoienr retirés dans les bois. Le Capitaine fit ce Moine prifonnier , avec deux jeunes garçons qui ne l'avoient pas quitté : il les emmena au rivage tk les fit monter avec lui dans les canots, pour lui fervir de guides à l'ifle d'AmapalIa. Quand ils y furent débarqués , ils marchèrent directement à une ville fituée fur le fommet d'une montagne. Les habitants qui Vouloient prendre la fuite à leur approche , en avoient été détournes par le Secrétaire de leur premier Magiflratqui étoit Indien , quoiqu'il fut très bien lire tk écrire en Efpa-gnol , mais il n'aimoit pas cette nation. Il repréfenta à fes compatriotes que fi le Capitaine Davis étoit ennemi des Efpagnols , qui les avoient dépouillés de leur liberté , ni lui, ni aucun de fes gens ne leur feroient de mal , tk que leur pauvreté leur ierviroit de recommandation. Cepen- ■ 3fo" UfcOUVERTES y.1" ' dant le Secrétaire tk le premier Ma-Chap. iv giftrat ou Cacique étant lortis devant An. us* le refte du peuple ; le premier demanda en Efpagnol à Davis qui ils étoient ? Le Capitaine répondit qu'ils étoient des Bifcayens , envoyés par le Roi d'Elpagne dans ces mers pour les nétoyer d'ennemis ; qu'ils avoient été forcés d'entrer dans le Golphe pour caréner leurs vaifleaux, tk pour demander aux Indiens quelques fecours de chofes néceffaires dont ils avoient befoin ; mais qu'ils traite-roient en ^mis autant qu'il leur feroit poflible. Après ce difcours , le Capitaine Davis s'avança à la tète de fes gens vers les Indiens , qui de leur côté marchèrent à fa rencontre , le voyant conduit par le Moine , tk le reçurent avec de grandes marques d'eftime. Après cette première cérémonie, ils marchèrent à l'Eglife poul entrer en conférence. DivcrtiiVe- H faut obferver que dans les villes EsHgiifc*.8 Miennes en général, l'Eglife eft le lieu où l'on traite de toutes les affaires publiques, tk c'eft aufli oii ils prennent tous leurs divertiffements : on y conferve pour cet ufage des mafques, des habits antiques, de* des Européens. 331 hautbois & des ftrumftrums. Ce der- pA'MPIE^ nier infiniment eft fait de la moitié chap. iv." d'une gourde, dont le creux eft cou- An. «s*, vert d'une planche mince fur laquelle font tendues les cordes , & il ref-femble beaucoup au Ciftre. Les Indiens s'afTemblent dans les Eglifes pour fe divertir la nuit qui précède les jours de fêtes : leur joie paroît plus mélancolique dans les villes afïïi-jetties aux Efpagnols que dans celles où ils ont la liberté : mais en général ces divertiffements confiflent en danfes, en fauts & en divers amusements que leur procurent les habits & les mafques qu'ils mettent. Les* deux fexes y font réunis , tk les Egii-fes font très éclairées, particuliere-Xtient quand il ne fait pas de lune. Le Capitaine Davis étoit en fi bon- Trouble &t> *îe intelligence avec les Indiens que £™£ ^ rien ne fembloit devoir la troubler ; hmpwfcm* mais quand il entra dans l'Eglife, un £^ °* de fes hommes plus avancé que les autres, pouffa un Indien pour le faire avancer parce qu'il marchoit devant lui trop lentement pourfon impatience. Le Sauvage effrayé fortit de fon rang tk prit la fuite avec la plus grande viteffe. Sa frayeur allarma fes com- Découvertes' 5aMPI£R Pignons, qui en un moment fuivï-ckaj.. iv ' rent ion exemple , enforte que Davis? & le Moine demeurèrent feuls dans ,âS4- l'Eçlife. Le Capitaine qui ignorait la caufe de cette confufion, ordonna à fes gens de tirer fur les fuyards , ce qui acheva de rompre toute correfpon-dance avec ce peuple, le Secrétaire ayant été tué d'une des premières décharges. le Moine L'après-midi du même jour, les x^uiuué vaifleaux vinrent fe mettre à l'ancre ' vis-à-vis de l'ifle ; Davis & fes gens rembarquèrent avec le Moine. On tint confeil fur ce qu'il y avoit à faire , & l'on convint d'envoyer un, Indien qu'on avoit très bien traité, quoiqu'on l'eut retenu prifonnier, avec un meffage pour le Cacique ou premier Magiftrat , comme venant de la part du Moine, afin d'engager ce Cacique à venir à bord fur la parole que lui donnoit le Révérend Pere qu'il y feroit en fureté. Cette réfolution fut exécutée le lendemain, & le Magiftrat vint au vaiffeau avant la nuit, accompagné de fix des principaux de la ville. Ils y furent reçus avec amitié, ôt" de? des Européens. 333 fneurerent à bord tout le temps quer)4MPIEr" les Anglois relièrent dans le Golphe. chap. i\\ Ils fiirent d'un grand fervice , non- An< feulement en fervant de guides tk de Pilotes pour les conduire aux endroits où il y avoit du bois , de l'eau tk des troupeaux , mais encore en aidant de bon cœur à tout ce qu'ils purent faire. Par reconnoiffan-ce , Davis en partant leur fit préfent de quelques bagatelles qu'ils eflime-: rent beaucoup, tk dont ils parurent très contents. Dampier. Clup. v. An, 1684. CHAPITRE V. Les Anglois mettent le Moine à terre : Ils laijfent une prifi entre les mains des principaux Magifbats , & fartent du Golphe : Le Capitaine Eaton quitte Davis : Defcription de l'ifle de la Plata , ce qui lui a fait donner ce nom : Des productions 6' des habitants de Sainte Hélène : Plufieurs barques Indiennes font brûlées fur la côte : Les Avanturiers def cendent à Manta , & s'emparent de deux vieilles femmes : Des Boucan-mers qui étoient dans . Plflhim ; Expédition infructueufe : Ils font /oints par le Capitaine Swan & par le Capitaine PParris t Le Viceroi du Pérou fait de grands préparatifs contre eux : Ils font une defcente à Payta : La ville èfl brûlée : Pol-tronerie du Gouverneur de Piara : Du commerce de ces places : Defcription des barques faites de troncs d'arbres & de radeaux : Des bâtiments fur la côte du Pérou : Température du climat ; Les Boucanniers des Européens. 335 ft munijjènt de bois , d'eau , de tor- g^^Z^y 6* d'autres provifions à Lobos chap. v. de la mer & à Lobos de la terre : An. Ils forment le projet d'attaquer Guaiaquil. T E 3 d'Ottobre 16S4, le Capitaine j£ c£n -I—/ Davis mit à la voile du Golphe & Oavis fe d'AmapalIa, après avoir mis le Moine re*arcnt" à terre , & il laifla le Cacique &; fes gens en pofièflion de la prife, qui étoit à moitié pleine de farine. Le Capitaine Eaton étoit parti la veille avec fon vaiffeau, & quoiqu'il offrît trois femaines après de fe rejoindre au Capitaine Davis quand ils fe retrouvèrent à l'ifle de Plata, les gens du dernier furent affez peu railon-nables pour refufer aux fiens de partager également lesprifes qu'ils pour-roientfaire de part tk d'autre. L'herbe eft très bonne dans cette Ifle , tk il V croît trois ou quatre efpeces d'arbres couverts de moufle , dont le nom étoit inconnu à notre Auteur. On n'y trouve d'eau que dans la partie orientale, & elle y tombe d'un *oc , où il eft facile de la recevoir dans les vafes qu'on met deffous. Il fiy a aufli d'autres bêtes ni d'autrej 3 3 S DÉCOUVERTES rr-~ oiièaux que des boohis tk des hom- Chap. v. mes de guerre, qui y font en allez An. iï tient lieu ve un village habité par les Indiens cpoix. ou -j ny a n- granis ^ n- plantes, ni fruits, excepté quelques mêlons d'eau, qui font très gros & très doux."Les ■habitants font ©bligés d'apporter leur eau fraîche d'une rivière éloignée de quatre lieues , parce qu'ils n'ont n£ fontaine) des Européens. 337 fontaine , ni ruiffeau dans le voifina-DAMPIER" ge. A peu de diftance de l'endroit oii chap v. ' monte la mer dans les hautes marées An, ,6I^ Sort de terre une fubftance bitumi-neufe , cjue les Indiens recueillent dans des Jarres, tk après l'avoir fait bouillir , elle fert aux mêmes ufages cjue la poix. Ils vivent particulièrement de maïz, dont ils font fuffifam-ment fournis par les vaifleaux qui touchent à cette pointe : ils font tous pêcheurs, tk vont en mer dans des barques de troncs d'arbres. Le Capitaine Davis fit débarquer quelques-uns de fes gens ; ils s'emparèrent d'une petite barque à laquelle les Indiens avoient mis le feu, Se qu'ils feuverent des flammes. Ils la con-duiiirent au vaiffeau avec quelques prifonniers , par lefquels ils apprirent que le Viceroi avoit donné or-*h*e à tous les gens de uur de brûler leurs vaiffeaux Se de fe retirer avec leurs barques s'ils rencontraient quelques Boucanniers Anglois. Ils virent auffi brûler deux autres barques fans qu'il leur fut poffible de les fauver. Ne pouvant comprendre par cjuelle lb «ppw* raifon le Viceroi avoit donne desE^/go" Ordres fi rigoureux, les Anglois en-f?"":crsrfa»» Tom.flL P ' 33S DÉCOUVERTES DaMPIER voyerent de la Plata, où ils retour-ch.p. v. ' nerent le 16 , quelques hommes à An, 1684. ManTa » village Indien à trois lieues Ouefl du Cap Lorenzo , pour faire des prifonniers dont on pût apprendre quelques particularités. Auifi-tôt que les habitants les virent approcher , ils abandonnèrent tous la ville, à l'exception de deux vieilles femmes décrépites, par lefquelles on apprit qu'on avoit publié cet Edit fur la nouvelle qu'on avoit eue qu'un gros corps de Boucanniers s'étoit mis en marche pour traverfer l'Ilthme de Darien, & gagner la mer du Sud, dans l'efpérance de fe rendre maîtres de quelques gros vaifleaux, n'ayant avec eux que des canots & quelques barques. i?M4nta!0n Manta efl avantageufement fitué fur une hauteur, & quoique ce village ne foit compofé que d'un petit nombre de maifons difperfées , il préfente un afpeft très agréable du côté de la mer. Il étoit anciennement habité par les Efpagnols, & l'on y voit une belle Eglife, ornée de fcul-ptures bien travaillées. Le terroir en efl; fec & fabloneux ; il ne produit ni grains ai racines ; mais les nabi-» des Européens. 339 tants reçoivent ce qui leur manque rj>AMPIER' des vaifleaux qui viennent de Pana- chap. v. * ma & de Lima , pour lefquels ils ont toujours des befhaux tout prêts , parce que c'eft le premier ancrage oii s'arrêtent ordinairement ces vaif-feaux. Entre le village & la mer, on trouve une fontaine de très bonne eau. Derrière Manta , un peu plus avant dans le pays, eft une haute montagne en pain de fucre, nommée Monte-Chrifto. Vis-à-vis du village, environ à un mille & demi en mer, il y a fous les eaux un rocher très dangereux , fur lequel la mer ne forme point de brifans, parce qu'elle fe levé rarement en cet endroit ; auiîi les vaifleaux doivent être attentifs à s'en garantir. L'allarme qui s'étoit répandue dans tout le pays par l'arrivée des Anglois à la côte, les empêcha de trouver aucun butin en cet endroit, où Ton n'avoit laiffé nulles provifions, ni aucune chofe qui pût être de quelque valeur, & ils revinrent promptement à bord. Pendant qu'ils étoient indécis fur "^"{^ ce qu'ils avoient à faire, ils furent «ûnet Sv^ joints le 2 d'Oétobre par le Capi-tain.e Swan, dams le navire le Cygne pij Dampieb de Londres> av°it mis en mer char, v. 'pour le commerce ; mais après An. «s*. avoirr cncontrés divers obftacles, & éprouvés plufieurs contradictions , il avoit été joint par le Capitaine Har-ris, à la tête d'un parti de Boucaniers , qui avoient traverfé l'Ifthme, & fes hommes l'avoient forcé de tenter la fortune avec eux. Les chefs des Avanturiers fe trouvant alors trois enfemble, parce que le Capitaine Harris commandoit une petite barque , déliraient ardemment de rejoindre le Capitaine Eaton, parce qu'ils penfoient avec raifon que leurs forces étant réunies, ils pourraient former quelque entreprife importante. Ils envoyèrent une barque pour le chercher, avec une lettre d'invitation pour l'engager à partager la fortune des trois autres ; mais on ne put le rencontrer, parce qu'il avoit quitté ces mers, 6c fait voile vraisemblablement pour les Indes Orientales, comme il le projettoit depuis long-temps. Le troifieme jour après la réunion des Avanturiers, la barque prit un bâtiment de quatre cents tonneaux qui alloit de Guaiaquil à J.irna chargée de bpis. Ils apprirent. des Européens. 341 par les cens d'équipage, que le Vi- -" ceroi du Pérou rail oit armer dix fre- chaP, v. gâtes pour les chaffer, s'il étoit pof- An. fl6s+, fible, de ces mers. Quoique cette nouvelle leur eau-, lls font,une sat quelque inquiétude, elle ne lesPayra, & y empocha pas de former le projet™™MÏC d'une defeente à Payta, 011 ils débarquèrent le lendemain 3 d'Odo-bre à fix heures du matin. Ils s'emparèrent le jour même, de la ville, où ils demeurèrent dans l'efpérance que les habitants la racheteroient, en fe rançonnant ; mais voyant qu'il n'en paroiffoit aucun, ils y mirent le feu, après en avoir été les maîtres pendant lîx jours, tk fe retirèrent à leurs vaifleaux. Les Capitaines avoient offert de l'épargner pour trois cents facs de farine, trois mille livres de fucre, vingt-cinq jarres de vin , tk mille jarres d'eau. Ils jugèrent alors que la barque commandée par le Capitaine Harris étoit de mauvais fervice, elle fut brûlée, tk on lui don/ na en échange la dernière prife qu'or* avoit farte. Payta efl une petite ville appar- DefctÇttât tenante aux Efpagnols, avec «il port &iij 34* DÉCOUVERTES :-rein ftérile & fabloneux, à la lati- ci.ap v. tuile de 5 degrés 15 minutes, &: An. irtî4. compofée d'environ quatre - vingt maifons, affés mal bâties, & de deux grandes Eglifes qui n'ont rien de re-marquable: il y a un fort fur le bord de la mer, mais pas une feule groffe pièce de canon pour le défendre. Cependant les Efpagnols auroient pu s'oppofer à ce que les Anglois entraient dans la baye avec leurs feuls moufquets , parce que ce fort le commande entièrement ; mais le Gouverneur de Piara, qui s'y étoit rendu avec cent hommes pour le garantir des ennemis, prit la fiùte aufîi-tôt qu'il les apperçut. Il y a un autre fort fur le fommet d'une montagne, qui commande toute la ville & le fort inférieur. L'eau dont on fournit les vaifleaux qui abordent à Payta, elt apportée d'une petite rivière très fraîche, qui paffe dans une ville nommée Colon, environ à deux lieues de Payta, qui tire aufîi de la même ville à un prix raifonnable du poiffon, des cochons, des oifeaux, des plantains, des Yams, du maïz, & les autres denrées nécef-faires, parce que le terroir des en-» des Européens. 343 Virons de Payta ne produit prefque £>AMPIER rien qui mérite attention. Le pays chap. v. " voifm eft ftérile & rempli de mon- An, l6t^-lagnes, ce qui eft affés général dans tout le Pérou. La rade eft la meilleure de toute la côte, & l'ancrage y eft très bon quand 'a mer eft tranquille , depuis fix braffes de profondeur jufqu'à vingt, dans une belle baye, affés large pour contenir une flotte nombreufe , & bien couverte du côté du Sud-oueft par une pointe de terre élevée. Après la ville de Payta, celle qui Defcription mérite le plus d'être remarquée efldcPiara' Piara, à la diftance d'environ quarante milles. Elle eft fituée à 7 dégrès de latitude Septentrionale, fur les bords d'une petite rivière, qui fe décharge dans la baye de Chiroper. Cette baye eft très peu fréquentée, à caufe des bas fonds dont elle eft remplie, & la plus grande partie des denrées qu'on porte à Piara , font conduites par terre de Payta. Les Indiens de Colon vont tous Barques fafcei à la pêche dans des barques de fou- dclouc^» ches d'arbres, faites de deux ou trois troncs de bois léger, ajuftés enfemble avec des chevilles aufli de bois > Piv J44 DÉCOUVERTES - ÎT—-Se lies fortement avec des oziers, Dampier.- 1*1 j r i_ Chap. v. La plus longue de ces fouches An. i«4. eft d'environ fept à huit pieds, Se elles font difpofées de façon que la barque forme un angle à chaque extrémité , ce qm la rend très propre à bien couper l'eau. Radeaux qui On fait d'autres efpeces de ba*-font cinai>. v-la place des hommes qui doivent con- ^ duire ce radeau, lequel eft très grand, & à l'avant on laifle nn autre endroit pour préparer la nourriture, avec un , foyer deftiné à cet ufage, particulièrement quand on doit faire des voyages de long cours ; ils font quelquefois de cinq à fix cents lieues , comme de Lima à Truxillo , & de Guia- ■ quil à Panama. Au milieu eft un mat, avec une grande voile qui le fait aller très vite quand le vent eft arrière , mais jamais il ne peut faire cours contre le vent. On difpofe le fond T & le tout pour le lieu oh l'on veut décharger, d'autant que dans ces mers le vent eft toujours le même r & qu'il varie à peine d'un point dans tout le cours de Lima à la baye de Panama ; quand il y a quelque variation ils craignent peu la groffe mer; car s'il arrive quelques brifes de vent de Nord, ils abattent leur Voile, & fe laiffent chaftèr par ce vent jufqu'à ce qu'il change, avec l'unique foin de ne point fe laiffer approcher de terre, parce que ces kâtiments par leur conflruèrion y P V 346 DÉCOUVERTES niuDlcB ne coulent prefque jamais à fond. Ils chap. v. font aiiement conduits par trois ou A». quatre hommes, & portent foixante ou foixante 6c dix tonneaux de mar-chandifes: On s'en fert pour porter de l'huile , du vin, du lucre , de la farine, des étoffes de Quito, du fa-yon, des peaux de chèvres préparées, 6c plufieurs autres fortes de marchandées. Avec les plus petites barques de troncs d'arbres, ils ofent aborder les vaifleaux, aidés par les; vents de terre, qui ne leur manquent jamais de nuit fur cette côte, 6c le vent de mer les ramené de jour au rivage. Bagues Ces efpeces de barques font très jtaamanâfc en ufage aux Indes Orientales 6c Occidentales , & il efl très commun de voir fur la côte de Coromandel un feul homme conduire une barque d'une louche de bois léger, avec un aviron , les jambes 6c les cuiffes enfoncées dans l'eau, enforte que de loin il femble être aflis fur le dos d'un poiffon : on appelle ces barques catamarans. Les bâtiments de Payta, de; même que prefque tous ceux de la côte du Pérou font très mal confirmas , les murs n'étant que d'une ef- des Européens. 347 pece de brique, formée d'un me- T>. ' * u~ 1 "01 -u V l / Dampier. unge de terre oc de paille iechce au chap. v. Soleil, fans autre cuiffon. Ces bri- An> ques ont ordinairement trois pieds de long, deux de large, Se un Se demi d'épaiffeur. En plufieurs endroits ils ne font Maifor>«rani point de toits à leurs maifons, parceC0UYCItu,c* qu'il ne pleut jamais dans ce climat. Les murs font très élevés: ils mettent feulement des perches en travers de l'un à l'autre, & les couvrent de nates pour fe garentir de l'ardeur du Soleil. Ils n'ont point de bois , point de pierre du côté de la mer , Se le peu qu'on en trouve dans l'intérieur du pays, efl de nature fi caf-fante qu'on la met aifément en pouf-fiere entre les doigts. Cependant leurs murs durent long-temps, parce qu'ils ne craignent ni vents qui puiffent les ébranler, ni pluies qui puifle les miner ou les parer. Les n: ai ions des perfonnes au-de£ fus du commun font blanchies en dedans Se en dehors, Se l'on fe feft pour les conffruire, de bois qu'on, apporte de Galleo Se de Tomate» y pour la partie Septentrionale du Pérou , 6c de l'ifle de Chiloe r pour la P v; •ncr, }48 DÉCOUVERTES Dampier;partie Méridionale. Les portes, les ciup. v. ' poteaux, tk même les poutres ou fo-A*. m84. îives des chambres ibnt ornés d'ouvrages de fcuipture, tk les appartements font garnis de riches tapiffe-rics, de belles broderies, ou de beaux tableaux qu'on y apporte d'Eipagne. Tbarrivcnt Le io de Novembre, l'Eicadre à Lobos de h jes goucariniers fortit de la baye de Payta après le coucher du Soleil, profitant du vent de terre. Ils dirigèrent leur cours à l'ifle de Lobos de la mer, & le 14 ils virent Lobos de la terre, oii ils débarquèrent le lendemain quelques hommes, qui tuèrent un affés grand nombre de penguins, de boobies, tk de veaux marins, ce qui Leur donna un bon raffraîchiffement, parce que depuis long-temps ils n'avoient mangé d'aucune forte de viande. Le 19 ils arrivèrent à Lobos de la mer, oit leurs. Moskittes tuèrent beaucoup de tortues. Ils reprirent à bord des planches pour brûler, tk pour d'autres-ufages qu'ils avoient trouvées dans une prife, tk lahTées dans cette ifle,. & ils réfolurent enfuite d'attaquer Guiaquil- des Européens, 349 CHAPITRE VI. Defcription de F Ifle, de la Baye, & de la Ville de Gui a qu'il. Fatal effet des bief iues faites par les chats de mer: Defcription de rifle de Pu-na & de Punto dArena : Maifons élevées fur des poteaux : Defcription de P arbre nommé Palmetto: Le projet contre Guiaquil efl fans effet > partie par la mêfntelligence des Capitaines , & partie par la trahi fon d?un des hommes de Davis : Les Boucanniers s'emparent de trois bar-ques chargées de mille Efclaves Nègres, ite en mettent à terre la plus grande partie : Réflexions de Dampier fur Pindifcrétion de leur conduite : Ils entrent dans la baye de Panama, & jettent P ancre dans la: rivière de Saint Jago: Defcription de P arbre à chou, & du ctton rouge & blanc : Pourquoi ni tes Efpagnols, ni aucunes des autres nations Européennes n&nt fait de conquêtes entre P Equateur & li Golphe Saint Michel : Dampier remonte Ut 3 50 DÉCOUVERTES rivière de Saint Jago, & trowc quelques provifions; Us habitants prennent la fuite: Les Anglois font prifonmer Dont Diegue de Pinos9 Chevalier Efpagnol : Les Indiens Efpagnols prennent les Anglois pour des gens de cette nation , à caufe de la flotte qu'on envoyé tous les trois ans d'Efpagne, pour ap~ porterie tréforde l'Amérique : Quelle route tient cette flotte , & les différents ports où elle touche: Le climat de Panama efl très dangereux pour les naturels du Pérou. Dampier f*^ UiAQUiL eft une ville riche , chap. vi. \jjf fituée clans une baye de même An. 16*4. nom, au Sud du Cap blanc, & au 1>e{V.ription Nord de la pointe de Chandy. En-deCii^iui. viron à vingt - cinq lieues du Cap blanc eft une petite Ifle nommée Sainte Claire, qui a la forme d'un homme étendu, de l'Eft à l'Oueft. La partie Méridionale de la baye eft remplie de bas fonds très dangereux, & un vaiffeau richement chargé y fît naufrage, quelques années avant l'arrivée du Capitaine Davis. Les habitants n'oferent plonger pour en retirer les effets, par la crainte des bes Européens. 351 chats de mer, qui font en grandee>ampiem1 quantité dans cette baye. Ils font chap. vi, fouvent des blefliires mortelles avec Aa. isstn leurs nageoires ; 6c lorfque ceux qui en font attaqués en reviennent ef-tropiés de quelques membres, ils doivent regarder cet événement comme très heureux. Ces animaux font de différentes groffeurs ; ils pefent quelquefois fept ou huit livres, 6c d'autres ne font pas plus gros que le pouce ; mais la bleffure du plus petit eft aufîi dangereufe que celle du plus gros. Ils ont la forme d'un merlan, la tête femblable à celle d'un chat, 6c la bouche fort large, d'où ils fort plufieurs pointes de chaque côté comme des mouftaches. A fept lieues Eft-nord-eft de Sainte De rifle 4« Claire eft 1111e de Puna, dont la poin- Pun»t te la plus Occidentale eft nommée Punta Arena : tous les vaifleaux chargés dans la baye de Guiaquil, s'y arrêtent pour attendre des Pilotes. Il n'y a dans cette Ifle qu'une feule "ville, habitée par des Indiens, qui font tous gens de mer. Le milieu de l'ifle eft en pâturages, 6c en différents endroits on trouve de petits iois, dont la plus part des arbres 3^2 DÉCOUVERTES nllimrD font inconnus en Europe. Ceft par- Jw'AMPIER. , s. n * chap. vi. ticuherement a rima quon trouve A». 1584, ceun ^11* e^ nomm^ Palmetto. Defcripriôn Cet qui vient très droit, de rarbre eft de la groflèur d'un frêne : il croît nommé Pal- \ i i i • j , , Bicto, a la hauteur de trente pieds, nade branches qu'au fommet, oti elles font de la longueur de trois ou quatre pieds: à l'extrémité de chacune de ces branches , pouffe une très grande feuille, qui paroît d'abord pliée, mais qui s'ouvre enfuite par dégrés, & s'étend comme un large éventail. Dans les Bermudes & en plufieurs autres endroits, on le fert de ces feuilles pour faire des chapeaux , des corbeilles , des balais, & des écrans à allumer le feu, au lieu de fourflets. Elles fervent aufli â couvrir les maifons de Puna, qui font environ au nombre de vingt, toutes élevées fur des poteaux de dix ou douze pieds de haut, & l'on • y monte par des échelles. On trouve des bâtiments conflruits de même chez les Malayens dans le» Indes Oriental as. productions Les Efpagnols obligent les habi-pays' tarrts à monter exactement la garde fur une pointe de terre élevée. Ils des Européens. 353 fcnt de très bonnes plantations de U T. , 01 , Dampier, maïz, de yams, 6c de pommes de chap. vi. , terre. Vers le milieu de la ville eft An. ihi ques chargées pour Guiaquil, tk ils„sfcren(,cat trouvèrent à bord mille nègres hom- iMjtr«ta mes tk femmes. Ils en choilirent foi- grcJj xante tk dix des plus forts tk des mieux faits, laiflerent aller les autres avec leurs barques, tk ils les virent bientôt gagner la terre. M. Dampier paroît croire qu'on fe conduifit en cette occafion avec fort peu de jugement. Il dit que s'il avoit eu le commandement, il les auroit tranfportés directement par l'iflhme, & les auroit conduits pour les faire travailler aux mines d'or de Sainte-Marie, ne doutant pas qu'il n'eût été fi bien foutenu dans fes def-feins par tous les avanturiers François tk Anglois de toutes les parties des Indes occidentales , que non-feulement il auroit été en état de conferver fon terrein contre toute la puiflance Efpagnole dans ce pays, mais qu'avec le temps il auroit pu fe rendre maître des côtes tk des riches mines d'or de la Province de Quito. Le 13 de Décembre ils partirent de Punta-Arenas, tk retournèrent à retour- 7 nent à la PI* Mi fi6 DÉCOUVERfE! n ~B"r» la PIata- Dans leur traverièe ils reft-J chap. vi. contrèrent la barque quils avoient A». 168*. envoyée à la recherche du Capitaine Eaton, lans qu'elle en eût eu aucunes nouvelles. Ils partagèrent le drap de Quito qu'ils avoient pris, & le Capitaine Swan garda le bâtiment. Ils lé remirent en mer le 23 , après s'être munis de tortues : le Capitaine Davis prit à bord quelques Indiens bons tireurs ; au lieu que le Capitaine Swan n'en avoit aucun : le» gens de Davis murmuroient même quand il partageoit dans quelque pri-fe , parce que depuis l'affaire de Guiaquil, dont ils lui attribuoierlt le peu de fuccès , ils ne le regardoierit qu'avec indignation, ils entrent Les Anglois firent voile a la baie SïsSN^ Panama , & emrcrent dans fc» JaSo. rivière de Saint-Jago, pour avoir 1» facilité de jetter l'ancre à Gallo, ill« du voilinage. Leur deffein étoit de .chercher quelques canots dans les en*-droits tels que celui dont nous pas-Ions , où les Efpagnols n'avoient aucun établiffement , ni aucun commerce avec les Indiens. Depuis la ligne jufqu'au golphe de Saint-Michel, 6c même jufqu'à la baie de Panama., ©es Européens. 357 m ne trouve point d'Efpagnols, ni DamPier même d'Indiens qui leur foient fujets,, chap. vi. excepté fur les bords d'une ou deux An. rivières, où quelques-uns s'occupent à chercher de l'or. La rivière de Saïnt-Iazo eft très Defcription 1 o ■ 1 1 1 r i- de cette n- large , oc. navigable pluiieurs lieues viere. en remontant dans le pays. Environ à fept lieues de la mer elle environne une petite ifle très agréable, au def-fus de laquelle la rivière a une lieue de largeur, & le courant y eft très droit tk rapide. La terre de l'ifle eft noire, de même que celle des deux rivages oppofés : elle produit beaucoup de beaux arbres, dont les plus grands & les plus remarquables font l'arbre à chou , tk celui d'où l'on tire le coton. Il y a en cet endroit de deux for*- Defcription tes de coton, le blanc tk le rouge : *u cotOB* le blanc croît à une hauteur prodi-gieufe ; pouffe des branches qui ref-femblent affez à celles de nos chênes : le corps de l'arbre n'a point de nœuds, mais il eft enflé par le milieu, avec une écorce brune très unie. Quand le coton eft mur , ces arbres ref-femblent à des pommiers en fleurs. . i*e coton de cette ifle eft très beau 9 35$ DÉCOUVERTE? --mais fi court qu'il n'cft pas propre à Dampier. a ri' t j • i chap. vi. etre mc- ^eun des Incles orientales An. 1484. *"ert à Sarnir des orfiIIers ' les feuilles tombent au mois d'Avril, èc il en vient de nouvelles immédiatement à leur place. Le cotonier rouge eft totalement femblable au blanc, excepté qu'on n'en tire pas de coton : le bois en eft plus dur que celui de l'autre efpèce ; mais ils font tous les deux doux & fpongieux, propres feulement à faire des canots, qui ne font pas même de longue durée, à moins qu'on ne les tire fouvent à terre 6c qu'on ne les gaudronne. »ei*arbreà L'arbre à chou eft leplus haut de 3hou* tous ceux de ce climat, de même que le cotonier eft le plus gros. Dampier en mefura un dans la baie de Campêche, qui avoit cent vingt pieds de long : cet arbre n'a de branches que vers le fommet, oit elles s'étendent à la longueur de douze ou de quatorze pieds. Elles font couvertes de petites branches longues, li bien arrangées , que de loin il femble que chaque branche ne forme qu'une grande feuille. Le fruit croît au milieu de ces branches; il eft de la grofleur^ie la janxbe d'un homme, a e s Européens. 359 aufîi blanc que du lait, tk d'un goût -4 ■t^n j . r - » 1 & , dampier. très doux , ioit qu on le mange crud chap. vi. ou bouilli. On coupe ordinairement An. ks* la tête de l'arbre pour en avoir le fruit ; & fi on le cueilloit autrement, cet arbre périroit en peu de temps. Il porte aufli de petits rej#ttons entre le chou tk les branches, tk il y pouffe des efpeces de cérifes, qui font une très bonne nourriture pour les cochons. Le corps de l'arbre, depuis le fommet jufqu'au pied eft couvert d'anneaux ronds environ à un demi-pied de diflance les uns des autres : l'écorce efl: mince & caffan-te, le bois efl: noir tk dur, tk. l'on trouve une moelle blanche au milieu du tronc. Cet arbre portant une très belle verdure fert beaucoup à l'ornement des promenades , tk les planteurs de la Jamaïque en font grand ufage. Les Efpagnols ont fait peu de pro- R«r«»i*i % , 1 0 -i rn > - m peu d? pro- grès dans cette partie du Pérou; us grcs des Ef- eu ont été empêchés en grande par- gçjj» d»» tie, par les pluies abondantes, tk par les bois impraticables qu'on y trouve , tk ont été intimidés par la férocité des habitants, qui paroiflent ■d'autant plus difficiles à apprivoifer^, Dampier" ^ue 'eUr? r^cres & lcurs bois les Chap. vi."rendent inacceffibles. Ceux qui ef-An i«4. fayent de remonter ces rivières à la rame , font expofés à des embufca-des de chaque côté, & les Indiens ont de fi bons tireurs, qu'en général leurs flèches rempliffent leurs intentions. Ils haiffent mortellement les Efpagnols, & font leur principale nourriture du plantain & du maïz, dont ils ont de très bonnes plantations. fies Boucan- Malgré ces difficultés , notre Au-"entunche.teur? avec quelques-uns de fes com-vaiierEfpa- pagnons remontèrent à la rame fix sno1, lieues dans cette rivière. Ils arrivèrent à deux fuites, où ils trouvèrent quelques oifeaux, du plantain, ÔC un cochon de la même efpèce que les nôtres. Ils l'apprêtèrent éc le mangèrent avec grand appétit : mais les Indiens, à qui appartenoient ces huttes , aufîi-tôt qu'ils les virent approcher , fe jetterent dans leurs canots avec leurs femmes, leurs enfants & leurs couvertures, & s'éloignèrent avec tant de diligence, qu'il ne fut pas pofîible de les joindre. Après avoir employé environ un jour à cette excurfion, les Anglois retournèrent des Européens. 361 ^ereiit à leurs vaifleaux, demeurésj^AM 1 '■ " à l'ancre dans l'Me de Gallo, qui chaP. vu petite & inhabitée, environ à trois An> lieues de l'embouchure de la rivière Tomaco. Ils rirent la nuit fui vante une defcente dans un petit village d'Indiens , qui s'appelle aufli Tomaco , éloigné de quatre lieues & demie de l'endroit oii ils étoient, & prirent tous les habitants, avec lef-quels ils trouvèrent un Chevalier Ef-pagnol, nommé Dom Diego de Pi-nas, qui y étoit venu pour charger du bois. Us ne trouvèrent dans la barque iisfontvil. qui l'avoit conduit que treize jarres ]"£^Je5 de vin, qu'ils emportèrent, & ils laifferent aller la barque au courant de l'eau. Le même jour trois Indiens d'une couleur tannée, tirant fur celle du cuivre, bien proportionnés fans être de haute taille, les cheveux noirs, le vifage long, & fort laids de figure, vinrent à bord dans un canot, les prenant pour des Efpagnols : ils burent librement du vin qu'on leur donna dans des calebaf-les, & s'en retournèrent enfuite. Le 3 1, deux canots appartenants j&ux Capitaines Davis & Swan, re- Tom.rn. Q DÉCOUVERTE^ rr—vinrent avec quelques onces d'or? Chap. vi. qu ils avoient trouvées dans une mai- M. 1m4. i°n & ^P*. ou mut lieues; en remon-rant la rivière. Cette maifon appar-tenoit à une Dame qui demeuroit à Lima, & qui y tenoit quelques do-meftiques pour trafiquer de l'or avec les Indiens ; mais à la vue des canots Anglois, ils avoient pris la fuite dans l'intérieur du pays. Usintercep- Le premier de Janvier 1685, en ^"deTct. aUant avec leurs canots & leurs prives! : fonniers de Tomaco vers Gallo, les Anglois s'emparèrent d'un paquet de mSt lettres Efpagnoles , par lefquelles ils apprirent que la flotte étoit arrivée d'Efpagne à Porto-bello, où elle at-tendoit les Gallions de Lima. C'étoit de cette dernière ville que le Préfi» dent de Panama envoyoit le paquet, pour que la flotte fit le plus de diligence qu'il feroit poflible. Cette flotte ne va qu'une fois en trois ans aux Indes Occidentales : le premier port où elle aborde efl celui de Carthagène ; elle y demeure foixante jours, & fe rend enfuite à Porto-bello, où elle refte un mois pour y recevoir de Panama le tré-jor du Roi, qui monte, dit-on, à des Européens. 363 Vingt - quatre millions de pièces de :' ' " mut, outre 1 argent enbares, 6c les chaP. vi. richeffes des Négociants particuliers A,,, ï6Sfc| qui fraudent les Douanes, en les emballant avec des marchandifes de différente nature, qu'ils embarquent à la Vera-crux pour Porto-bello. Le trentième jour après l'arrivée de la flotte dans le port de Porto-bello , l'Amiral fe* rend à l'embouchure de la rivière, où il demeure ordinairement une femaine pour obliger les marchands; enfuite il retourne à Carthagène pour charger les re« venus du Roi, qu'on raflemble fur la cote, avec un grand Gallion Espagnol , qu'ils appellent la Patache. Quand toutes ces affaires font terminées , la flotte fe rend à la Havane , oii elie prend à bord les richeffes qit'on y apporte des Ifles Philippines par le vaiffeau de Manille, ainû que les tréfors du Mexique, qui viennent de la Vera-crux dans une petite efcadre cu'on équipe pour leur tranfport. Porto-bello efl: un endroit très Nf«Taî*afc mal fain, 6c les commerçants de Li- bcii©!^ ma n'y demeurent que le moins qu'il leur eit poflible : mais Panama eit 36*4 Découvertes pAMPIER beaucoup meilleur, tant pour l'air ; chap. vi. que pour la fituation. Les pluies n'y An. i68j. *onl Pas ^ abondantes que de l'autre côté de la Baye, & de plus ie pays eft découvert du côté de terre , ce qui garentit cette ville des brouillards ; elle reçoit aulîi du raffraîchif. fement par les vents de mer qui fouf-flent, durant tout le jour, & par les vents de terre qui s'élèvent toutes les nuits. «efeription Les marchands Péruviens, dont Panama. ^ cyimat natUrel eft beaucoup plus fa-lubre, coupent leurs cheveux quand ils font à Porto-bello, pour fe garen-tir des fièvres. Notre Auteur dit que la vue de Panama, prife de la mer, préfente un des plus beaux payfages qu'on puiffe trouver aux Indes Occidentales. La nouvelle ville, qui eft très bien bâtie en brique, environ à quatre lieues des ruines de l'ancien Panama , fut réduite en cendres pour la plus grande partie en 1673, par Sir Henri Morgan. Elle eft très bien ornée, tant par la maifon du ' Préfident, que par plufieurs belles Eglifes, par plufieurs Monafteres; & par d'autres édifices publics. Elle eft environnée d'un haut mur de des Européens. 36$ pierre, garni de pièces de canon. Le —T**?, commerce du nouveau Panama elt chap. vu. très étendu , parce que cette ville eft An. l'entrepôt de toutes les marchandifes du Pérou & du Chili, & une des ftations de k -flotte des Gallions, .Outre fon commerce particulier. CHAPITRE VII. Les Boucanniers établirent leur croi-Jtere aux environs des Ijles des Perles : Ils font une prife : Les Singes fauvages ouvrent les huîtres: Defcription de Lavelia , Pachea & Pe-rico, ainji que des Ijles de Tabaco & de Saint Paul : Les Avanturiers font près de périr-par une trahifon près de Toba^illo : Ils font joints par d'autres Boucanniers : Le Gouverneur du petit Guava leur donne une commifjion pour agir hojlili-ment : Ils font voile au Golphe de Saint Michel, & font renforcés par le Capitaine Townly, avec cent quatre-vingt hommes : Ils font pra-vifion de chocolat, de poiffon, St d'autns denrées: Ils dirigent Utif Qiij " 366 DÉCOUVERTES cours aux IJlcs des Perles : Defcription du Sapadillier , du Poirier d% Avogato, du Pommier à étoile , & de plufieurs autres arbres fruitiers : Ils craignent d attaquer Panama : Combat naval qui fe termine par un feu roulant ; Timidité des Efpagnols» Dampier. T s Boucanniers inflruits de ce Chap. vil JLj qui fe pafToit par l'interception An. i685« du paquet , changèrent le projet lu établir- qu'ils avoient d'abord formé d'aller Se7,aitt à Lavelia , & choilirent pour leur me» àtt i»«r- rendez-vous, les Ifles des Perles, par lrs" où doivent paffer tous les vaifleaux. qui vont de Lima k Panama. Conformément à cette réfolution, ils levèrent l'ancre le 7, & ils prirent le $ un vahTeau de quatre - vingt - dix tonneaux chargé de farines. Ils firent «nfwite voile à l'ifle de Gorgonie, éloignée environ de quatre lieues du Continent, & à vingt-cinq lieues de Gallo. Cette Ifle fhuée à 3 dégrés de latitude feptentrionale, a deux lieues de long, & une de large; elle efl remarquable par deux hauteurs qu'on appelle la Selle. On y trouve abondamment du bois & de l'eau; ell$ be s Européens, tfj eft fujette à des pluies fréquentes, 6c ta i on n y voit d autres animaux que chap. vu, des lapins, des ferpents , 6c des fin- A>( ,6IJg ges. Les derniers dans le temps de la baffe mer ouvrent les huîtres, pour en tirer le poiffon : il y en a une grande quantité, &' quelques-unes portent des perles médiocres. Le 13 ils avancèrent vers les Ifles des Perles, autrement nommées les Ifles Royales , qui font en grand nombre, baffes & couvertes de bois, environ à douze lieues de Panama. On nomme Pacheca celle qui eft le plus au Nord; 6c Saint Paul celle qui eft le plus au Midi ; les autres n'ont point de nom particulier, quoiqu'il y en ait de plus grandes que ces deux premières. Le 25 , la petite efeadre compo- iisfonnme fée de deux forts vaifleaux, corn- ggfiffi d< mandés par les Capitaines Davis Se Swan, d'un brûlot de la prife de 3uatre - vingt - dix tonneaux, 6c de eux Allèges, entrèrent dans un canal profond, bien renfermé au Nord de l'ifle de Saint Paul, qui étoit un lieu très favorable pour caréner. Les Avanturiers nétoyerent les fonds de . Jeurs vaifleaux 6c de leurs barques, Qiv DÉCOUVERTES Dampier apr" ^110* remifent à la voile ; Chap. vu.'pour croifer dans la rade de Pana-«s;. ma« Le 31 ^s revinrent avec une • prife chargée à Lavelia de bled d'In-ie, de bœuf falé, & de volailles. Lavelia eft une grande ville, en? viron à fept lieues de la mer, furies **<■ bords d'une rivière, qui tombe dans la partie feptcntrionale de la baye de Panama. Cette ville, & celle de , Nata , qui eft allés confidérable , tk mr la même rivière , fournirent Panama de cochons, de volailles, de bœufs & de maïz. Le 14 de Févrief, les Anglois étant, bien munis d'eau, de bois, &: de provifions, retournèrent entre les Ifles , St jetterent l'ancre à dix - fept braffes de profondeur, n'étant qu'à une lieue de Pachea. envi™0""* ^ 20 ' ^S mouu^erent à une lieue. TaUto, C des Mes de Perico ; tk le 21 ils firent une autre prife, chargée de cochons, de bœufs, d'oifeaux tk de fel, venant de Savelia. Le 24, ils firent voile pour Ta-baco, petite Ifle de trois milles de long, tk d'un mille de large, dans la baye de Panama, à fix lieues au ..Sud de cette ville. Le terroir de Ta- des Européens. 369 kaco produit beaucoup de mammets, Dampier de plantains, de bananes, de cocos chap. vu. & d'autres fruits. La partie de cette An. Me, qui eft au Sud-oueft, eft cou-Verte d'arbres tk de bois propre à brûler; tk du côté du Sud il y a un très beau ruiffeau d'eau fraîche, qui tombe dans la mer. Il y avoit autrefois une belle Eglife, qui a été détruite par les Corfaires. Au Nord-nord-oueft on trouve une petite ville nommée Tobazilla, près de laquelle les Boucanniers jetterent l'ancre le 25. Il s'en fallut peu que leurs vaifleaux ne fiuTent détruits par la trahifon d'un prétendu marchand 9 qui feignit de vouloir trafiquer fe-crettement avec eux : fous ce prétexte il s'approcha des bâtiments dans un brûlot; mais quelques Anglois foupçonnant fon deffein, commencèrent à tirer fur fon vaiffeau : alors ceux qui le guidoient fe jetterent dans leur chaloupe, tk le brûlot fauta en l'air, fans qu'il en arrivât aucun accident aux Boucanniers. En même-temps une efpèce de radeau qu'ils voyoient venir conduit par un feul homme , tk qui étoit vraifemblable-nxent garni de matières combuftiblesi- Qv t 37o Découvertes' JDampier. Pour a/tacher à leur gouvernail, dif- Chap. vu. parut également. A». i6ij. Ces machines étoient de l'inven-tion du Capitaine Bond, dont nous avons rapporté la détection, car l'ignorance des Efpagnols pour tout ce qui concerne la marine dans les mers du Stid eft fi grande, qu'ils ne Us auroient jamais imaginées, fc'autre* Le 28, les Anglois furent joints Boucanniers . r» fc joignent par quatre-vingt autres tioucanniers aux premier*. de ieur nati0n, & par deux cents François qui venoient de la mer du Nord par l'ifthme de Darien, ou ils avoient été très bien traités. Les Anglois fe partagèrent entre Davis & Swan, & les François fe mirent à bord de la prife de farine, fous les ordres du Capitaine Gronet, un de leurs compatriotes. Ils avoient des Commiflions en blanc du Gouverneur du petit Guava, & ils offrirent d'en faire part aux Capitaines Davis & Swan. Le premier accepta leur offre, mais le fécond avoit déjà une CommilTion du Duc d'York. «♦mmiffion. 11 étoit alors fort ordinaire que ce ib,.né« par Gouverneur donnât des Commiflions Bwmnçoîs.aux Boucanniers, & qu'il leur en remit d!autres en blanc, pour ceux qui «es Européens. 371 te joindroient à eux: elles ne conte-r»...™^" noient réellement autre choie quune chap.vii. pcrmiflion de pêcher & de chafler, An, i raifraîchiflèments des habitant^. <£vjj Dampier.^! n'entencloient pas l'Efpagnol, Ce Chap. vji. qui fit juger qu ils n avoient aucun An. itîsj» commerce avec cette nation. Ils résolurent de gagner le port de Pines, mais la mer couroir û* haute près le rivage, que les chaloupes ne pouvoient aborder la terre : elles retournèrent à bord, tk l'on regagna la pointe , où ils arrivèrent le 29». Ce fut encore inutilement qu'ils cherchèrent de l'eau: mais ils firent une prife chargée de cacao. Alors ils dirigèrent leur cours à Tabaco avec le vent Sud-fud-oueft, tk trouvèrent en route un canot chargé de quatre Indiens tk d'un Mulâtre. On les reconnut pour ceux qui avoient conduit le biidot, & ils furent aulfi-tôt pendus pour les punir de cette trahifon.. Us defccn- Ils trouvèrent du bois tk de l'eau jcm i Taba-^ 7aDacOT££ pendant que quelques-uns de l'efcadre, alors compofée de neuf voiles, travaillèrent à ramalTer ce qui étoit néceflaire pour les différentes compagnies ; d'autres apportèrent du fucre des plantations voi-fines, pour joindre au chocolat qu'ils avoient fait de leur cacao, avec trois chaudrons de cuivre, qui leur fu> des Européens. 373 rent très utiles pour accommoder £>AMPIERT leurs vivres ; le nombre de leurs chap. vil hommes étant beaucoup augmenté. a.«. 1«$. Le 10 ils quittèrent Tabaco, &c remirent à la voile pour les Ifles des Perles, ce qu'ils firent à l'inftigation de leur Pilote, qui les afîura que les vaiffeaux du Roi prenoient toujours cette route. Le 2x ils arrivèrent à Chepelio, Tune des Ifles les plus agréables de la baye de Panama, quoiqu'elle n'ait qu'un mille de longueur, tk un peu moins en largeur. Il y croît une grande quantité de plantains, de fapa-dilles, d'avogato, de mammets, de mammets Tapotas, de pommes à l'étoile , tk d'autres fruits délicieux. Le fapadille eft à peu près de la^^-jjj groffeur d'une bergamotte. Le jus enGU a* efl d'abord blanc tk gluant, mais il s'adoucit enfuite, tk devient aufîi -clair que de l'eau de fontaine, en le Iaiffant repofèr deux ou trois jours. Le fruit qui efl dur, quand on le cueille devient tendre tk doux à manger : on trouve dedans deux ou trois noyaux noirs, qui reffemblent affés à la graine de courge» L'avogato eft de la groffeur d'ung]^'A^«* Hihitil DÉCOUVERTES r:-limon , quand il eft parvenu à ma- cUpwVU- turité il devient d'un verd tirant fur 0L ittfc Ie jaune, & eft aulfi doux que du beurre. Il a naturellement peu de gout, mais on le trouve très bon en le maûg< tnt avec du fucre & du jus de limon , ou avec du plantain grillé tk du fel. On prétend qu'il excite à la débauche : il porte un noyau pareil à celui d'une groffe prune. L'intérieur du mammet fapora eft d'un rouge foncé, tk contient un noyau rude, plat tk alongé; ce fruit eft très fain, d'un gout agréable, tk on le regarde comme un des meilleurs de ceux qu'on trouve aux Indes. d« Pommier Le pommier à étoile vient de la hauteur du coignafîier : le fruit en eft très gros , tk tellement couvert de feuilles, qu'il eft difficile de le voir fur l'arbre. Le 18, les Boucanniers jetterent encore l'ancre à Tabaco, tk interrogèrent cjuelques prifonniers qu'ils-avoient faits , pour favoir les forces de Panama, parce que fe trouvant alors au nombre de neuf cents hommes déterminés, ils avoient quelque fleffain d'attaquer cette place. Ce-fendant ils changèrent d'avis quand- des Européens, yjf *te furent infïruits de la quantité de dampier* troupes qui y étoient palTées de Por- chap. \èi+ to-bello & d'autres endroits pour la An. mu défendre, & furent aufli effrayés de la hauteur des murailles, & de la force de cette ville. Le 25, les Boucanniers qui avoient p°Jtr<^rî* alors dix vaiffeaux grands & petits ? taine. montés par neuf cents foixante hommes , étant à l'ancre près de Pache-ca, apperçurent une flotte Efpagno-le, compofée de quatorze voiles qui venoit fur eux. ïl y avoit entre autres fix vaiffeaux de guerre, portant depuis dix-huit pièces de canon jufqu'à quarante - huit,. avec plus de-huit cents hommes, outre deux ou trois cents qui étoient dans des canots. Le Capitaine Gronet, qui com-mandoit la prife du port de quatre-vingt-dix tonneaux, montée de trois cents huit hommes, étoit à un mille: de fes confors quand on vit les. ennemis ; mais il fe tint toujours fur la réferve, & hors de la portée du; combat, tant qu'il y eut quelque apparence de danger. En conféquence de cette conduite,. les Capitaines de quelques-uns, des autres vaiffeaux pr.opoferent le lendemain de le gri^ 376 DÉCOUVERTES f**-ver du commandement: mais après ChJ?. vu. beaucoup d altercations, on jugea" An. les;. qu'il étoit plus i\ propos de le renvoyer lui tk fes gens, dont le plus grand nombre étoient des François, tk de lui laiflèr le vaiffeau qu'on lui avoit donné, en lui ordonnant de fe féparer aufli-tôt des autres, & de ne jamais penfer k les rejoindre, ils ont une Les deux efcadres tombèrent l'une mluch?«wc*"r l'autre, les Boucanniers ayant le lestffaijaoJs.delfus du vent, qui leur donnoit un très grand avantage: mais la nuit fur-vint avant qu'elles euflent pu fe joindre de bien près, tk il n'y eut cette journée que quelques coups de tirés de part tk d'autre, avec un homme tué du coté des Boucanniers. Malgré la fupériorité du nombre tk des forces des ennemis, les Anglois auroienr pu les battre, s'ils étoient demeurés dans la même pofition : mais ils les trompèrent par un échange de fanal durant la nuit, gagnèrent le delTus du vent: firent un feu roulant pendant tout le jour, en tournant dans la baye de Panama, & les Boucanniers revinrent à l'ancre à* l'ifle dePacheca, Les Efpagnols fe contentèrent de les ohferver quelque temps à- la diftance; des Européens. 377 de trois lieues, tk enfuite ils fe retie^ * Terent à Panama. La défection de Chap. vu.* Gronet fut très nuiïible aux Boucan- An< l6i^ niers, & ils eurent tout lieu de croire que s'il avoit tenu ferme, ils fe feroient peut-être rendus maîtres de la flotte tk du tréfor dont elle étoit chargée. Us eurent encore un grand défavantage par l'adrefîè avec laquelle les Efpagnols gagnèrent le vent, au moyen des lumières qui trompèrent les Anglois, tk fi leurs ennemis avoient eu affés de courage pour profiter de cet avantage, les fuites en au-roieut pu être très funeftes pour i«s '^pucanniers. ♦ CHAPITRE VIII. Les Boucanniers mettent à la voilt pour PIfle de Qtitbo : Ils trouvent le Capitaine Harris : Defcription de cette Ifle, & de quelques - autres du yoifinage : De l'arbre nommé Pal-ma-maria : Ils forment le projet d attaquer Léon , & préparent des canots pour P exécuter : Ils pillent la ville de Puebla-nova: Ils font près de périr par un furieux ouragan : Ils f avancent contre la ville de Léon : Ils chaffent la garde d'une redoute : Situation de cette ville : Ordre de leur marche : Ils entrent dans la place , & après un léger combat ils mettent les ennemis en déroute : Intrépidité d'un vieux foldat qui avoit Jervi fous Cromwell i II efl tué. De faux rapports épouvantent les Efpagnols , qui craignent de les attaquer: Les Boucanniers mettent le feu à la ville à caufe du retard de la rançon : Ils vont à Ria - lexa, oie ils font un butin médiocre, mais qui leur efl très utile. Le feu efl mis pa$ des Européens. 370 hasard à cette ville : Dejcription des fruits nommés Guava & Poire piquante. E premier de Juin, toute la flor- in te mit h la voile de l'ifle de Pa- J^J™ checa pour celle de Quibo, dans le An ut deffein de chercher le Capitaine Har- Ilîferafle ris qu'ils avoient perdu dans le com-bient a l'i bat, & en effet il s'étoit rendu avant dc°-uib* rent. Dans la traversée, le Capitaine Branly perdit fon grand mât, ce qui l'obligea d'abandonner fa barque, & il fut reçu avec tous fes gens à bord du Capitaine Davis. Ils perdirent en même temps de vue le Capitaine Swan, dont le grand mât fut auffi caffé, & qui retarda fon cours pour en réparer le dommage. L'ifle de Quibo, autrement nommée jf^""^ Cabaya, a environ fept lieues de long, & près de quatre de large. Elle eft limée à 7 dégrés 14 minutes de latitude feptentrionale ; le terrein en général eft très bas, mais on y trouve de bonne eau, de beaux arbres bien garnis : quelques daims, des guanos, fies ferpents, & beaucoup de gros les autres à Quibo, qui étoit le lieu de rendez-vous, où ils fe rejoigni- 380 PêCO?VERTES SA^.finges noirs, dont la chair eft très Chap. viu. bonne a manger. Il y a pluheurs pe-An, 16s5. tites Illes au Sud-oueft tk au Nord-eft de Quibo, dont une appellée Ran-chena eft remarquable parla quantité des arbres nommés Palma-maria. Cet arbre eft haut & fort droit, avec une petite tête, tk n'a que le Rom de commun avec le Palmier. Le bois en eft dur tk plein de nœuds, très propre à faire des mâts, tk l'on s'en îert fouvent à cet ufage. Ils tiennent Le ï6 de Juin, ils furent joints par k«w opé«- Ie Capitaine Swan, qui avec les au-«om.( très Capitaines tint un confeil, oh •l'on examina quelle expédition il convenoit de faire. Après une mure délibération, ils convinrent que la ville de Léon étoit la place le plus h leur convenance pour être attaquée. Ils avoient befoin de canots pour y réuffir, parce que cette place eft afîfis avant dans les terres, Se ils réfolurent d'en faire dans les Ifle» où ils étoient alors, parce qu'ils y irouvoient en abondance le bois n&-ceffaire à leur conftruclion. •Nss'empa- Pendant qu'ils faifoient leurs prirent de Pue .r ., 1 r. ■ fcla-Nova. paratits , ils envoyèrent cent cinquante hommes pour s'empare* de, des Européens. 381 Puebla-nova, où le Capitaine Saw- r» ins avoit été tue en 1610. La vil-chaP. vu/.' le, qui paroiflbit beaucoup plus for- An. Mf te qu'elle n'étoit autrefois, fut prife aifément par les Boucanniers, qui ne retirèrent que très peu de profit de cette expédition, pas même des provifions. Après avoir fini les canots qu'ils jugèrent néceffaires pour chaque vaiffeau, entre lefquels il y en avoit un de trente-fix pieds de long, & de cinq ou fix pieds de profondeur , ils mirent à la voile pour Ria-lexa, qui efl le port de la ville de Léon. Le 9 d'Août ils quittèrent leurs vaiffeaux, & montèrent fur trente & un canots, au nombre de cinq cents vingt hommes. Environ à huit lieues du rivage ils furent en grand danger d'être engloutis par un grain, qui fut très violent pendant affés de temps, le vent foufîlant avec une fureur terrible, la mer élevant fes* vagues jufqu'à la hauteur des montagnes, pendant qu'un tonnerre affreux augmentoit encore l'effroi, ce qui reprit à plufieurs fois ; mais il ne leur en arriva aucun accident. Le 12 au matin ils dépendirent P-***?-f>res d une redoute, qu on avoit ele* Lcxa, 3 Si DÉCOUVERTES pAMpi^vce pour fe garentir des invafions; Ghap. viû. mais ils s'en rendirent maîtres par An. furprife ; & les Indiens chargés de la défendre, fe retirèrent précipitamment vers la ville. Quatre cents foixante & dix Boucanniers les y fui-virent avec la plus grande diligence qui leur fut poflible, les autres ayant été laiffés à la garde des canots. Quoique cette ville foit à vingt milles dans les terres, le chemin qui y conduit eft uni, au milieu d'un pays plat & de grands pâturages , entrecoupés par quelques petits bois. A fix milles de l'endroit du débarquement eft une fucrerie ; & à dix milles on trouve une belle rivière d'eau fraîche', qui eft guéable ; enfin à dix - huit milles eft une ville Indienne , qui a aufli de très bonne eau. 9efcnption La ville de Léon eft fituée dans le Léon. ime piame : ies maifons en font baf--fes, bâties de pierre, couvertes de tuiles creufes, & accompagnées de grands jardins. Il y a cinq Eglifes, outre la Cathédrale, & la fituation en eft fi belle & fi douce, que quelques voyageurs l'ont nommée le Paradis des Indes Occidentales. Près de cette ville eft un volcan très élevé^ DES EUROPÉENS? 3$g *Toh il fort de temps en temps de ^^ampier1 fumée & des flammes qu'on voitchap. vin." affés fouvent de la mer. Cette place An. n'efl pas d'un grand commerce, mais elle efl riche en fucre, en pâturages & en troupeaux. On dit aufîi qu'il y a une bonne manufacture de chanvre. Les Boucanniers fe mirent en mar- \ che vers huit heures du matin, Iedaas cette Capitaine Townley conduifant Fa-viU* vant garde, compofée de cent hommes. Le Capitaine Swan le fuivoit avec cent autres : après lui venoit le Capitaine Davis à la tête de cent foixante & dix ; & le Capitaine Knight conduifoit l'arriere-garde. En entrant dans la ville, le Capitaine Townley fut attaqué par un parti de deux cents Cavaliers Efpagnols, qui prirent la fuite aufîi-tôt que deux ou trois de leurs principaux Officiers eurent été démontés. L'Infanterie au nombre de cinq cents hommes étoit place , nommée la Parade , fuivant î'ufage des villes bâties dans les Indes par les Efpagnols, où il y a tou* jours au moins une de ces places : mais aufîi-tôt que les fantafîins vi-fenj la déroute de leur Cavalerie ^ rangée en bataille d; rande Dampier.115 Prirent également la fuite, SC chap. vin. abandonnèrent la ville à la merci" An. [685. des ennemis. En quatre heures de temps toute fçyu™ettcnttes les troupes des Boucanniers y entrèrent, mais il relia quelques hommes fatigués en chemin, inconve-. nient inévitable dans les grandes marches. De ce nombre fut un vieux ■ foldat âgé de quatre-vingt-quatre ans, dont les cheveux étoient tous blancs, & qui avoit fervi fous Crom-wel en Irlande. Il fe nommoit Swan, & les Efpagnols le tuèrent fur la place , parce qu'il refufa abfolument de recevoir quartier. Ils en firent quelques autres prifonniers, entre autres un nommé M. Smith , qui avoit demeuré long-temps aux Canaries, & parloit très bon Efpagnol. Cet homme fut conduit devant le Gouverneur , qui l'interrogea fur les forces des Boucanniers. Il répondit qu'elles montoient à quinze cents hommes , dont il y en avoit mille dans la ville, & cinq cents dans les canots. Cette tromperie fit un tel effet fur fon Excellence, que quoiqu'elle fut à la tête de plus de mille hommes, elle jugea jju'il feroit contre la prudence dâ moleftet: des Européens. 385 molefler les ennemis, & envoya un £>AMPI R drapeau de trêve pour propofer de chap, \m\ racheter la ville par une rançon. Ce- An< IâS^ pendant les Boucanniers y mirent le feu le 14, parce que les Efpagnols ne remplirent pas affés promptement les proportions qu'ils avoient faites pour la garentir. M, Smith fut échangé pour une ils revjMf Dame , & les Boucanniers ayant mis JJg^ to en liberté un Gentilhomme, fur la promeffe qu'il fît de leur livrer cent cinquante boeufs à Ria-lcxa, ils retournèrent en bon ordre à leurs canots, & le lendemain fe rendirent à. ce port, oii leurs vaiffeaux jetterent l'ancre l'après midi, les Anglois ayant formé la réfolution de faccager aufîi cette ville , encouragés par le fuccès qu'ils avoient eu à Léon. Us trouvèrent outes les maifons ilsymeirëirç vuides, à l'exception de cinq cents"affilç charges de farine, d'un peu de poix, de gaudron , de quelques cordages , de fucre qu'ils trouvèrent dans le voifinage , & de cent cinquante bœufs qui leur avoient été promis par le Gentilhomme qu'ils avoient mis en. liberté à Léon fur fa parole* Xes Boucanniers y demeurèrent une JTVww, Vlls R Dampier. icmame ? & mirenr enfuite le feu à Ckip. vin!la ville, fans qu'on fut, dit notre A».'i«s. Auteur , qui en avoit donné l'ordre ; après quoi ils retournèrent à leurs vaiffeaux, s'embarquant à bord de leurs canots près de la redoute. On y avoit mis cent foldats avant le débarquement des Anglois pour s'op-pofer à leur defcente : mais ils abandonnèrent ce pofte, & prirent la fuite avec précipitation à la première décharge de deux pièces de canon qu'on tira fur eux. S'ils avoient eu plus de courage, ils étoient poffés de façon à pouvoir repouffer une armée de cinq milles hommes ; cette redoute étant garentie au - deffous par une barricade de grands arbres joints enfemble l'efpace de foixante pieds, qui trayerfoit prefque en entier le canal, enforte que les Boucanniers furent plus d'une demi-heure à s'y ouvrir un paffage. D.fcription La ville de Ria-lexa eft fort gran- |C cette ville. , .. . „ tt* • i de : il y a trois nghies, un Hôpital, avec un beau jardin, & plufieurs maifons très grandes & très belles , à quelque diftance les unes des autres , ce qui occupe beaucoup de terrein. L'air y eft inal fain parce que des Européens. 3Sy les environs en font marécageux , px „' quoique la ville loit bâtie lur un tonds ciiaF. vin. de fable. Entre les différentes fortes An. L6t(% de fruits qui y croiffent en abondance ; on remarque particulièrement le guava, la poire piquante, le melon & la pomme de pin. Le guava eft un fruit qui reffem- Du fruft ble affés à la poire, avec une écorce ™mœé Gv*^ dure, & plein de petites graines. II eft affés agréable quand on le mange verd, & a une vertu aftringente, mais quand il eft mur fon effet eft contraire fur le corps humain. On le fait cuire au four, oii l'on en fait des compotes : il eft aufli très bon en pâte. Il vient fur un arbriffeau, qui n'a rien de joly, & qui porte une écorce blanche & polie, avec de longues branches menues, couvertes de feuilles femblables à celles du noizetier. La poire piquante eft commune Dehpoitj dans toutes les Indes : elle fe plaît pl»uaK* dans les terreins fabloneux & fté-riles, particulièrement près de la mer, d'où elle tire des particules fa-lines. Elle croît fur un arbriflèau qui s'élève rarement de plus de quatre pieds, pouffe différentes branches, 3o*8 DÉCOUVERTES -~ ou l'on trouve deux ou trois grôf-' Dampier.» c ... , 0 , .„ o • ch.»p. vin. ies feuilles rondes ce epaiffes, gar-An. lûsj. n^es c^e piquants au moins d'un pouce de long, & aulîi larges que la paume de la main. Le fruit vient à l'extrémité de cette efpèce de feuille ; il eft de la groffeur d'une prune de Sainte Catherine, d'un rouge foncé quand il a atteint fa maturité ; plein de petites graines noires, & d'une chair rouge & ferme, très raffrai-chiffante. La trop grande quantité de ce fruit, rend l'urine de couleur de fang. Le melon ôc la pomme de pin font trop connus pour en donner la defcription. e IDE s Européens. 38^ CHAPITRE IX. jDavis & Swan fe féparent : Defcription de F Indigo , & de la manière de le préparer. De la Cochenille & du Silveflre : Les Boucanniers font attaqués de maladies : Le Capitaine Townley cherche inutilement des raffraîchiffements : Jet d'eau naturel dans F Ifle de Tangola : On s'empare de deux Indiens, dont un conduit à un de leurs établijfements, où Fon trouve beaucoup de Vinello : Defcription de cette plante : Quelques Boucanniers tombent dans une embufeade en allant chercher des vivres : Ils font près de périr tous , & font fecourus très à propos : Defcription du Snook : Ils font leurs efforts pour fe rendre maétres d'un vaiffeau dans la rade d"Acapulco , contre les remontrances du Capitaine Swan, & ne peuvent réuffir : Cette entreprife leur efi très préjudiciable : Ils fe rendent maîtres d'une petite quantité de farine , de fromage & de chocolat. Ils fe trouvent 39o Découvertes dans un grand embarras, faute de provifions : Ils débarquent près de Sallagua, & deux des plus courageux de leurs gens font prêts d'être taillés en pièces : Ils croifent à la hauteur du Cap de Corientes pour attaqutr le vaiffeau de Manille 9 qui leur èckape : Swan ù Townley fe féparent : Dampier demeure avec U premier. Dampier T E M d'Août Davis & Swanfe ciiap. jx. I ' féparerent, le premier voulant An. 1685. tenter la fortune fur la côte du Pé-, m rou, & les Capitaines Knight ôt les Boucan-, . r , , ° i,iers fe fépa- Harns relolurent de demeurer avec Ie«c Dam- iu-t swan forma le projet d'aller plus p.errcfteavec . r J . r le Capitaine loin vers le Nord : Dampier prêtera iwai», je fluvre ja mêine route, & le Capitaine Townley avec deux barques prirent le même parti. Ils foulfrirent beaucoup quelque temps après des fièvres malignes, qu'on jugea qu'ils avoient gagnées à Ria-Iexa , & elles leur emportèrent plufieurs hommes. Le 17 Davis & fes Confors forti-rent du port avec un vent frais de terre, le Capitaine Swan les falua de quinze canons, oc ils lui répondirent »vec onze. Le 3 de Septembre le des Européens, Capitaine Swan mit à la voile avec r_)AMP|£JJ le Capitaine Townley 6c deux bar- chaP. ix. ques, ce qui faifoit en tout quatre An# 1S% bâtiments, montés de trois cents quarante hommes, ils firent voile à l'Oueft, 6c éprouvèrent de furieux ouragans fur la côte. Le 14 ils découvrirent le Volcan de Guatimala , qui eft fur une haute montagne fourchue , & vomit des flammes & de la fumée immédiatement avant les gros temps. Ce Volcan fitué à 12 dégrés 50 minutes de latitude, tire fon nom d'une ville qui eft au pied de la montagne, à huit lieues de la mer du Sud, d'où Ton tranfporte tous les ans en Europe une grande quantité d'Indigo, d'Anatta, de Silveftre 6c de cochenille. L'indigo eft une plante qui croît » Defrrrprioo h la hauteur d'un pied & demi, ou * Vl*ài*°-de deux pieds, remplie de petites branches couvertes de feuilles fem-blables à celles du lin, mais plus fortes 6c plus nourries. Après les avoir coupées, on les jette dans une citerne à moitié pleine d'eau, 6c on les y laiflè tremper jufqu'à ce qu'elles îbient en quelque forte diffoutes. Ce qui refte entier, tenant trop de U R iv 392 DÉCOUVERTES --nature du bois pour fe dhToudre, ert Dampier. n . , , 1 ' m chap. îx. elt retire quelque temps après : l eaiî An. us*. qLl'on a toujours tenue dans une agitation continuelle , devient noire comme de l'encre; on- la laiflè en-fuite repofer : l'indigo tombe au fond comme une lie, on le retire : on le fait fécher au Soleil , où il fe dur j cit, 6c on le tranfporte en Europe. Cette plante efl très commune à la Jamaïque, où l'on voit des campagnes inunenfes qui en font toutes couvertes. De rAnatta. L'Anatta ou Otta efl la feuille d'une fleur rouge, qui croît fur un arbril-feau de fept à huit pieds de hauteur. Quand elle efl ceuillie on la jette dans l'eau , où on la laiflè tremper comme l'indigo , jufqu'à ce qu'elle foit dif-foute : on laifie fécher la fubfhmce qui fe précipite au fond de l'eau, 6c l'on en fait des rouleaux qu'on tranf-.porte en Europe , où l'on s'en fert dans les teintures rouges. L'Anatta efl beaucoup plus" cher que l'indigo. De la Cov La Cochenille efl un infeète qu'on jbenillc, trouve fur un arbre nommé Toona, qui reflèmble affezà la poire piquante , mais dont le fruit efl plus gros; au fommet croît une fleur rouge % des Européens. '39j qui fe renverfe fur le fruit quand ilQampieb mûrit, 6k: fert à le garantir totale- Chap. IX. ment des pluies & de rofées. Ces An.'i<>s5. fleurs fe fannent bientôt à la chaleur du foleil ; le fruit s'ouvre aufli large que l'ouverture d'une pinte , & le dedans paroît plein de petits infectes rouges avec des aîles très déliées. Après s'être nourris de la fubltance du fruit où ils font nés, ils périroient dans la coque faute de nourriture, fi les Indiens ne les faifoient fortir de leur inactivité, en fecouant les branches de l'arbre : les infettes for-tent & continuent à voltiger autour jufqu'à ce que fatigués par le mouvement & par la chaleur du foleil, ils tombent morts fur un drap blanc qu'on a eu foin d'étendre au deflbus de l'arbre, ce C1» fervit beaucoup à les rarfraîchir, parce qu'ils n'avoient pas mangé de viande depuis long-temps. Le 22 , deux des canots ayant été féparés des autres revinrent à bord, après avoir elfayé de débarquer à un endroit ou. ils avoient vu beaucoup de bêtes à corne dans un pâturage; mais la mer y étoit fi haute , que leurs canots avoient été renverfés, qu'ils avoient eu un homme de noyé, avoient perdu quatre fufils, oc avoient eu le refte de leurs armes gâtées par l'eau de la mer. De™ iecet ^s n,eurent point de nouvelles des «anotsfonte» deux autres canots jufqu'au 3 1 , que |randdan- j£ Capitaine Townley, étant à portée du rivage entendit tirer quelques coups de fufil. Il monta dans un canot, tk gagna la terre, oit il vit au milieu d'un lac d'eau falée , un peu éloigné de la mer , les deux canots fur leurs rames. Jugeant par leur difpofition qu'ils étoient invertis des deux côtés, il mit aufîi-tôt fes hommes à terre ; mais à leur approche, quelques Efpagnols, qui fous le cou^ des Européens. Vert des rochers empêchoient le re-f:-* tour des canots avec leurs armes a chap. ix. feu, prirent aufîi-tôt la fuite , & leur a«. *ttu laifferent le paffage ouvert. Si le Capitaine Townley ne les eût fecourus aufli à propos, ils auraient été affamés , ou feroient devenus les victimes de la cruauté de leurs ennemis. Ce lac efl fiuié à 16 degrés 40 minutes de latitude feptentrionale. Après avoir ainfi recouvré leurs n, fontw»e canots, les avanturiers continuèrent gjgj^ j"* leur cours à l'Oueft , jufqu'à une rL ue" * grande rivière deux lieues à l'Oueft du roc des Algatroff. Les Efpagnols avoient élevé une redoute fur le rivage pour empêcher aucuns ennemis de pouvoir y defcendre , ou y faire de l'eau ; & quoique cet ouvrage fut alors défendu au moins-par deux cents hommes, ils quittèrent la place quand ils virent les Boucanniers difpofés à defcendre & ils fe contentèrent d'avoir tiré vingt ou trente coups fans aucun effet.. Les Anglois y trouvèrent une grande quantité de tel, deftiné à préparer le Snook, qui eft un poifTon gros & rond , d'environ un pied de longueur, qu'on trouve en abo*t- _ 400 DÉCOUVERTES ©AMPiER datice clans ces tecs d'eau falée. lii ciiap. îx. furent informés qu'un vaiffeau riche-An. i6ss. ment chargé étoit arrivé depuis peu de Lima à Acapulco, 6c Townley propofa de l'enlever dans le port. Le Capitaine Swan lui repréfenta la difficulté de l'entreprife, 6c la néceffit* de fe pourvoir de maïz 6c d'autres provifions qu'ils trouvoient en abondance dans l'endroit où ils étoient, mais l'opiniâtreté de Townley l'emporta , 6c l'on prépara aufîi-tôt les canots pour cette expédition. Ils étoient à peine en mer qu'ils furent près d'être fubmergés par un furieux ouragan , qui leur caufa beaucoup de dommage. Ils ne fauverent leurs vies qu'avec les plus grandes difficultés , 6c furent obligés de refier un jour au Port-marquis, havre très fur à une lieue Efl d'Acapulco , pour faire fécher leurs armes 6c leurs habits. La nuit fuivante ils entrèrent fans bruit da«s le port d'Acapulco; mais ils trouvèrent le vaiffeau fi bien gardé, qu'ils furent forcés de renoncer à cette entreprife, 6c de fe retirer en t très mauvais état. u< s'cmra- jis débarquèrent enfuite au Nord- rent de quel- T. Îucs prori- Uueft de la montagne de rataplan a ods. des Européens. 401 la latitude de 17 degrés 30 minutes. Dampie^ Ils ne trouvèrent qu'un miférable vil- chap. rx, lage Indien , fans aucun rafraîchifTe- An. i<$s5, ment, Se entièrement abandonné des habitants, à l'exception d'une femme mulâtre, Se de quelques enfants, qu'ils emmenèrent. Cette femme les conduifit fur le paffage d'un homme qui menoit des mulets, Se ils s'emparèrent de quarante charges de farine , de chocolat Se de fromages ; après quoi ils trouvèrent une affez grande quantité de bêtes à cornei Quand ils fe furent chargés d'autant de provifions qu'ils en pouvoient mettre a. bord de leurs vairleaux, ils renvoyèrent la femme Se fes enfants, avec un préfent de quelques vieilles har-des Se d'autres bagatelles, pour lef-quelies elle leur fit de grands remer-ciments. Le Capitaine Swan , malgré fes pleurs Se fes inffances retiat un des garçons, âgé d'environ huit ans, qui lui parut avoir de l'efprit, Se qui devint par la fuite très intelligent, aufli ne pouvoit-il avoir de meilleur maître que ce Capitaine. Ils trouvèrent fur cette côte une Du poifl^ grande quantité de tortues, & le poif-Jui * fon qu'on nomme Juif, fans doute 401 DÉCOUVERTES parce qu'il eft le plus eftimé des gens de cette nation. Il a la forme du merlus , eft fort gras tk d'un goût très doux ; porte une groffe tête „ avec des nageoires tk des écailles proportionnées : il pefe quelquefois plus de quatre cents livres. Le 11 , ils quittèrent cet ancrage, tk continuèrent leur cours avec un bon vent de terre venant du Nord, dans l'efpérance de trouver une ville qu'ils croyoient fituée à 18 degrés & quelques minutes ; mais ils n'en rencontrèrent aucune, pas même la ville de Colima, qu'on leur avoit dit très riche , & un peu avancée dans les terres. Pour en faire la recherche ils fuivirent la côte à la rame dans leurs canots l'efpace de vingt lieues , fans qu'il fut pofîible de defcendre d'un côté ni de l'autre ; ils ne virent aucune marque d'habitants, quoiqu'ils paffaffent devant la fertile vallée de Maguella. Enfin ils apper-çurent un cavalier qu'ils pourfuivi-rent, après avoir gagné la terre avec affez de difficulté, dans l'intention de le prendre prifonnier : mais il trompa leur attente , tk ils le perdirent bientôt de vue dans les bois, où ils ne purent fuivre fes traces. des Européens. 403 Le 28 , ils retournèrent aux vaif- n"-*■* féaux demi-morts de fatigue , 6c ro- chaP. ix« talement découragés : cependant le An, lendemain , les deux Capitaines fe mirent encore dans les canots avec deux cents hommes, dans la réfolution de chercher une ville nommée Sallagua. Pendant qu'ils ramoient, en fuivant le rivage , ils virent deux cavaliers fur la côte, dont hn par dérifion but à leur fanté d'une bouteille qu'il tira de fa poche. Ils répondirent à fa politeffe par un coup de fufil, qui tua fon cheval : l'autre cavalier prit aufii-tôt la fuite ; 6c deux des Boucanniers s'étant dépouillés , gagnèrent le bord à la nage , dans le deffein de fe rendre maîtres de celui qui étoit démonté. Ils ne purent y réunir, parce qu'ils étoient fans armes, 6c qu'il les tint éloignés avec un long couteau qu'il avoit à la main. Le 30, ils retournèrent à bord de leurs vaiffeaux fans avoir pu trouver d'endroit commode pour débarquer, parce qu'ils avoient vu toujours la mer très haute. Le premier de Décembre, ils arri- Ils arrive^ verent au port de Sallagua, fitué à",.''0" dç 18 degrés 22 minutes de latitude, ou ^04 DÉCOUVERTE I les vaiffeaux ont un bon abri. Ils d .chap. ix. virent une grande maifon de chau-lAn. me qui paroiffoit neuve, & plufieurs Efpagnols à pied & à cheval, qui faifoient une parade militaire, tambours battants & enfeignes déployées. Quelques-uns fe détachèrent pour parler aux Boucanniers, qui étoient defcendus au nombre de deux cents. Deux des avanturiers fe rendirent maîtres de deux chevaux , après en avoir renverfé les cavaliers, les montèrent aufîi-tôt, & pouiluivirenî les fuyards, jufqu'à ce qu'ils en fuffent environnés. Alors ils reçurent phir fieurs bleffures , & auroient certainement été tués , fi quelques-uns des plus aètifs de leurs camarades ne fuf-fent venus à temps à leur fecours , lorfqu'ils étoient déjà démontés, 6c avoient leurs piftolets déchargés. Quand les Efpagnols eurent pris la fuite , les Boucanniers fuivirent un grand chemin pierreux avec de petits bois d'efpace en efpace, qui conduifoit dans le pays. Ils firent . deux mulâtres prifonniers , & appri- _ rent d'eux que cette route menoit à une grande ville nommée Oarrha, éloignée de la mer de deux grandes* © é s Européens, ^oy journées de cheval, & qu'il n'y avoir * r i i • i x-'AMPIER, prelque aucuns habitants dans tout chaP. ix, cet efpace. ' An. ieiu Etant retournés à leurs vahTeaux , ?mede ils levèrent l'ancre le 6 d'Oclobre , tontr^l'by-dans l'intention de croiièr à la hau-^0?1^» reur du Cap Corrientes, 6c de guê-ter un bâtiment très riche des Ifles Philippines , qu'on attendoit dans la mer du Mexique. Aux environs de ce Cap , la terre efl peu élevée, inégale , 6c avec affez de bois ; mais les arbres n'y font pas gros. Notre Auteur, 6c quelques-uns de fes compagnons y furent attaqués d'hydro-pifie , 6c cherchèrent un Alligator, parce qu'on prérend que les teflicu- ' les de cet animai mifes en poudre, font un remède fouverain contre cette maladie ; mais ils ne purent en trouver quoiqu'ils foient très communs fur la côte du Mexique. Ils n'en eurent pas befoin , 6c leur maladie ne fut pas de longue durée. Les Boucanniers ayant établi ^11^.^1^"*' croifiere à la hauteur du Cap, de-iV ec J« Ef-meurerent à attendre le vaiffeau dePaSnol«» Manille, fe tenant à une lieue de diftance les uns des autres, pour ctre nlus fiïrs de ne le pas manquer, depuis le Cap jufqu'au Capitaine Swan, qui Jampier. . rj vn,. ,. r , » ~ ckip. ix. demeura a dix lieues de terre. Le 24, An. 16»;. qi-iatrecanotSGIu'onavo^envoyespeu de jours avant chercher des provifions à la Vallée des Pavillons, autrement dite Vallée Valderas, revinrent à bord, après avoir eu affez peu de fuccès. Cette vallée eft fituée dans une baie profonde entre le Cap Corientes, & la pointe de Pontique : elle a environ trois lieues de large , & forme peu à peu une pente douce en s'éloi-gnant du bord de la mer , où la def-cente eft aifée ; la vue fe termine fur une colline verte ttès agréable. On y trouve quelques riches pâturages remplis de bêtes à corne & de chevaux , & entrecoupés de bouquets de bois, garnis de belles oranges, de limons, de guavas & d'autres fruits , comme fi la nature avoit deftiné ce terrein pour en faire un jardin. Les canots y defcendirent trente-fept hommes, qui après avoir marché environ trois mille fans trouver aucunes maifons , tombèrent dans un corps de cent cinquante Efpagnols , infanterie & cavalerie. Les Boucanniers pour éviter d'être renverfés par los chevaux, fe retirèrent en bot) des Européens; 467 Ordre dans un bois ferré, où ils fou- i>AMPIE tinrent avec beaucoup de bravoure Chap. lL l'attaque de leurs ennemis ; tuèrent le chef avec dix-fept cavaliers , & n' u%i* mirent le refte en fuite. Dans cette efcarmouche, les avanturiers eurent quatre hommes tués & deux bleffés, qu'ils emportèrent fur des chevaux à leurs canots. Ils mangèrent un de ces chevaux, & n'ofe-rent retourner dans le pâturage, quoiqu'il y eût beaucoup de gros bétail, crainte d y trouver un plus grand nombre d'ennemis. Le 25 , jour de Noël, ils célèbre- Difficulté* rent la fête avec beaucoup de décen- v?fions"pr°~ ce , & fe régalèrent de quelques gros An# J6U. oillbns juifs que prirent leurs Mof-ittes. Le 28 , le Capitaine Townley retourna à bord après une femaine d'abfence avec quarante boiffeaux de maïz qu'il apporta d'un village Indien, fitué à l'Eft du Cap Corien-tes, environ à cinq lieues dans les terres. Les habitants avoient pris la fuite à fon approche, après avoir mis le feu ;\ deux maifons pleines de maïz. Le premier de Janvier 1686, leurs provifions étant épuifées, ils furent obligés de s'arrêter à la vallée br-1—"de ValderaS pour en avoir de nou- Dampier. ,. « s ciwp. ix. veltes, bc us jétrerent l ancre envi-An. i«s6. ron à un mille du rivage à foixante braifes de profondeur. iu manquent Us y demeurèrent fept à huit jours je vainçau >t chaffer bc à faler des provifions, 4e Manille» ... ^ r. ' dont ils ramallerent environ pour deux mois ; bc ils en auroient pu avoir davantage s'ils avoient eu affez de fel. Pendant qu'ils furent à terre, les Efpagnols parurent fouvent en groffes troupes fur les hauteurs ; mais ils n'oferent attaquer les Boucanniers, parce que les Capitaines Swan bc Taylor defeendirent tous les jours à terre, ayant prefque toujours avec eux deux cents quarante hommes. Pendant qu'ils étoient dans ces occupations néceffaires , le vaiffeau de Manille paffa à l'Elf, comme ils l'apprirent peu de temps après par quelques prifonniers qu'ils firent. Ce fut une grande perte pour eux; d'avoir manqué ce vaiffeau, qui eft chargé ordinairement de la plus grande partie des richeffes que les Indes ont produites pendant l'année. Nous en parlerons plus amplement, ainlx que de la fituation & du commerce ft'Acapulco 3 d'où ce vaiffeau prend des Européens. 409 fouvent le nom , lorfque nous rap-jqamp1ir porterons l'expédition de l'Amiral ch»?. ix. Anfon. An L'attente de ce vaiffeau étoit le feul objet qui avoit engagé le Capi- Tovyniey taine lownley à croner dans ces réparent, mers ; & cette attente ayant été trompée , Townley & Swan fe féparerent. Le premier retourna à la côte du Pérou , Se Swan prit fon cours à l'Oueft, penfant qu'il pourroit enfin trouver quelque ville riche, ou quelque mine d'or ou d'argent fur la côte. Il fut trompé dans fes efpérances: ce pays n'elt habité que dans l'intérieur, Se ne fait point de commerce , ou au moins très peu avec la mer du Sud ; tout celui de l'Europe étant porté à la Vera-cruz , qui eft fitué du côté de l'Efl. Le Capitaine Townley avoit pris avec lui trois ou quatre des habitants de l'Iflhme , qui s'étoient attachés, aux Boucanniers , Se avoient marqué leur défîr de fe joindre à eux: niais ennuyés de ce genre de vie, ils lui demandèrent à retourner dans leur pays natal ; Townley promit de les mettre à terre, Se il tint exactement fa parole. Tarn, FlU S Dampier. Ch.ip. X. ^^^^^^^ An. 1636. CHAPITRE X. Defcription du fruit nommé Pengouu * Le Capitaine Swan cherche la riviec de Callacan : Il fait un prifonnier9 qui le conduit à une ville nommtt Santa- Pccaque , où il trouve des provifions en abondance : Cinquat.» te de fes gens font tués par leur mauvaife conduite : Il met à la voile pour la Californie : Remède Jingu» lier de Dampier pour Phydropifie \ Le Capitaine Swan perfuade à fes gens avec ajfe^ de difficulté de faire un voyage aux Indes orientales : Il efl en danger d'être mangé par eux , faute a"autre nourriture : Ils arrivtnt à la vue des côtes des Indes orientales. Mi arrivent T E fept de Janvier, lesBoucanniers Chameticy. Jh mirent à la voile de cette baye avtc un bon vent de Nord-eft ; & le 10, ils jetterent l'ancre dans la partie orientale des Illes Chametley à la latitude de 23 dégrés 11 minutes. Ces llîes font au nombre de fix, peu des Européens. 411 élevées , couvertes dé quelques ar- p, ■■ 1 -rr • r t. i : • DAMPIER^ bnileaux , mais lans bois, avec un chap. x. terrein de roc vers la mer, exceptét• fur une rivière de même nom. Ils y enlevèrent environ quatre-vingt-dix boiffeaux de maïz, qui leur étoit plus précieux dans les circonflances où ils fe trouvoient que toutes les richelfes des Indes. Comme ils man-quoient de vivres, ils ne furent pas même tentés de vifïter des mines d'or qu'on leur dit être à deux lieues de la ville. De Rofario, les vaiffeaux firent voile à la rivière de Saint-Jago, S iij 414 DÉCOUVERTES -Tune des plus confidérables de cette Dampier. t1 1 chip. x. cote. Ils croyoïent trouver iur cette An. nu. rivière une ville confidérable ; & foixante tk dix hommes furent envoyés pour la remonter dans des canots , pendant que les vaifleaux jetterent l'ancre à l'embouchure. Ceux des canots trouvèrent un grand champ de maïz ; tk firent prifonnier un Indien , qui promit de les conduire à une ville de fa nation , nommée Santa-Pecaque : On envoya pour cette expédition huit canots avec cent cinquante hommes. Dtfcription La ville de Santa-Pecaque , auprès StâT*8" ^e laclue^e on trouve quelques mines d'argent, n'eftpas grande ; mais elle eft bâtie proprement, dans une plaine agréable près d'un bois ; &C l'on trouve aux environs beaucoup de bled tk de befliaux. Un efprit de mutinerie s'étant mis alors entre les hommes , ils refuferent de marcher en ordre, arrivèrent au maïz , & en chargèrent cinquante-quatre chevaux pour les conduire aux canots. Ce convoi, conduit par cinquante hommes , tomba dans une embufeade , d'où il ne s'en fauva pas un feul, tk ils furent tous taillés en pièces. des Européens. 415 Après cette perte, les autres devin-£)AMPIER* • rent plus traitables, 6c fe retirèrent chap. x. * à leurs canots, fous le commande- ^n. i6s S îy R--Notre Auteur remarque que les Gua- Dampier. i i • i d / t-chap. x. nos, les lapins ce les Kacons (eipece An. i6«ts. de gros rats) ^ont tr^s communs dans ces Ifles, ainfi que les pigeons, les tourterelles , les tortues tk les veaux-marins. Swan donna le nom d'Ifle du Prince George à celle du milieu, où il jetta l'ancre. En cet endroit, M. Dampier qui fe fentoit très incommodé de ion hydropifie , fut enterré environ une ■ demi-heure jufqu'au col dans du fable chaud , qui lui occafionna une rranipiration très abondante ; enfuite il fut enveloppé bien chaudement , tk mis au lit dans une tente, opération dont il fut très foulage. LcsBoccan- Les Boucanniers fuivirent la côte, Smiarontcen paffant entre les Ifles & le Cap' des indes Corientes : ils firent de l'eau à quatre orientales. v . . „ , A lieues au nord de ce Cap dans un petit ntiffeau qui vient du Continent, tk le 31 de Mars, ils dirigèrent leur cours aux Indes orientales. Le Capitaine Swan avoit trouvé beaucoup de fes gens oppofés a ce voyage, parce qu'ils doutoient qu'il fût poffi-ble ; mais le plus grand . nombre le défiroit dans l'efpérance d'y trouver un fort plus heureux, d'autant que des Européens. 417 dans la partie où ils étoient, ils n'a- £>AAfPI^ voient pas eu de grands avantages , ôhap. x. & qu'ils n'avoient pas lieu d'y atten- An. 1««, dre plus de fuccès. Le 20 de Mai, vers quatre heures du matin , faifant cours à l'oueft. , ils découvrirent la terre à huit lieues de diftance ; ce qui leur caufa d'autant plus de joie qu'il ne leur reftoit que polir trois jours de provifions, & que les hommes murmuroient fortement contre Swan qui les condui-foit fans pouvoir leur dire où ils al-loient. Dans tout ce voyage, ils ne virent ni poiffons ni oifeaux, excepté une compagnie deBoobies qu'ils Jugèrent venir de quelques rochers voilins, étant alors, fuivant le calcul de M. Dampier à cinq mille neuf cents foixante & quinze milles à l'oued du Cap Corientes dans le Royaume du Mexique. Ils arrivèrent en cet endroit fort Danger que à propos pour le Capitaine & pour ^JJ-^q^ quelques autres ; car les hommes qui pier. s'étoient d'abord oppofés à ce voyage , avoient formé entre eux la réfolution de tuer le Capitaine Swan, aulfi-tôt que leurs provifions feroient ■confommées , afin de le manger., 1 41s découv. des Europ. Dampier a^n^ ^112 ^arnP*er > & ^es autres qui Chap. x. leur avoient fait prendre cette rou-An. j6g«. te. Le Capitaine étoit fort gras , 6c ils s'en feroient très bien régalés ; mais notre Auteur étoit trop maigre pour leur faire un bon repas, à moins que leur faim n'eût été excelîive. Fin du Tome ftptumt\ T A B L E DES MATIERES Contenues dans ce Septième Volume» A Lexis Michaelowitz, JTa. Czar , «Il trompé par fon premier Miniftre 103. Il découvre cette fuper-cherie, 205. Son portrait, 243. Sa fobriété, 245. Ses établiftements, 246. Defcription de fon camp, 247. 11 tue un Officier. Son repentir , ibid. Sa paflion pour la chafte, 248. Hmapalla , ifle de la mer du Sud. Sa defcription , 317. Ambre-gris -, on contrefait aifément cette fubftance, 300. Anatta , arbrifleau de l'Amérique. Sa defcription, 3 Dampier ( William ) fameux voyageur ; fes commencements , 278. 11 fe fait Pilote, 279. Il fe joint à des Boucanniers, 3,80. Leurs premières expéditions, 2S2. Ils fe féparent. Dampier tra-verfe rifthme de Darien, 283. 11 fe joint à des François, 285. Il pafTe à la Virginie, 286. il fe joint au Capitaine Cooke , 298. On refufe de les recevoir à l'ifle de Mayo, 301. Ils abordent à Saint-Jago, 302. Ils partent le détroit de Le-maire , 304. Ils arrivent à l'ifle de Juan Fetnan-dez, 30c. Ils délivrent un Moskitte, 308. Ils fe joignent au Capitaine Eaton ,312. Ils vont à I E R E S. 411 Lobos delà mer, 313. Ils prennent trois vaiffeaux Efpagnols, 314. Ils mouillent aux ifles de Gallapngos , 315. Mort du Capitaine Cooke : Davis lui fuccede, 321. Dangers où font expofes une partie de leurs gens, 3 24. Ils arrivent àRia-Léxa, 326» Ils abordent à Amapalla, 328. Trouble qui y arrive, 331. Le Capitaine Eaton les quitte , 335. Les Capitaines Swan &C Harris fe joignent à eux, 339. Ils pillent & brûlent Payta , 341. Ils reviennent à Lobos de la mer, 348. Ils manquent leur projet fur Guiaquil, 3«54. Ils prennent mille nègres, 355. Ils entrent dans la rivière de Saint-Jago , 357-Us prennent un Chevalier Efpagnol, 3 61. Ils croifent aux ifles des Perles, -$66. Ils font plufieurs prifes, 367. Ils font ]oints par d'autres Boucanniers, 370. & par le Capitaine Townley, 371. Ils defeendent àTa-baco , 372. Ils vont à l'ifle de Quibo, 375;. Ils prennentPuebla-Nuo-va, 380. Ils s'emparent *4ii T A de Léon , & y mettent le feu, 383. Us brûlent Ria-Léxa , 385. Ils fe féparent: Dampier refte avec Swan & Townley, 390. Ils vont àTangola, Si à Guatulco , 3$>f. 1rs arrivent au port de Sal-Iagua, 403. Ils manquent le vaiffeau de Manille, 408. Le Capit. Townley les quitte, 409. Ils perdant cinquante hommes à Santa-Pecaque, 414. Ils abordent aux ifles des trois Maries, 41c. Us Prennent la route des Inès Orientales , 416. Swan & Dampier font en grand danger, 418. E Élan , chafle de cet animal , 64. Maladie à laquelle il efl fujet, 65. F Fe r n a s r> e z {ifle de Juan) fa defcription,305. Flamand ou Flamingo : Defcription de cet oifeau , 199. G Gallapagos, ifles dans la mer du Sud: leurdef- i L Ë cription^ îtfj Guava , fruit d'Amérique f fa defcription, 387. Guiaquil'. Defcription de cette ville , 350. Son commerce, 353, H H E C LA , montagne d'If-lande, 177. Sa defcription , 178. Hollandois (les) font un Traité avec le Roi de Ceylan, 5. Ils forment une confédération contre les Portugais, 26. Us les battent fur mer , 27. Ils font un nouveau Traité 30. Ils s'emparent de Pontegale, 31. Us fe rendent maîtres de Callatu-re , 32. Ils entreprennent le fiege de Columbo , 33. Us s'en rendent maîtres, 42. Le Roi de Ceylan leur devient contraire^. Ils lui déclarent la guerre, 47. Us s'emparent de l'ifle de Manaar , 48. Us fe rendent maîtres de Jafnapatnam, 53. Us prennent tous les établiflements des Portugais 57. J A G O C Saint ) rivière : fa DES MA defcription, 3^7. Indigo , phnte d'Amérique : fa defcription & manière de le préparer, 391. Ijlande : Fontaine fîngulie-re qu'on trouve dans cette ifle, 180. Bruits affreux caufés par les glaces , 182. Sentiment ridicule des habitants fur ce bruit, ibid. Climat de cette ifle, 183. Defcription des habitants , &; de leur religion , 184. Juif, poiflbn de la mer du Sud: fa defcription,401. K Kola, ville de Laponie : fa defcription, 101. Ef-time qu'on y fait du tabac, 102. Laponie: Defcription de ce pays, 85. Mœurs des Lapons : leurs fuper-ftitions, 86. Leurs habillements , 87. Leurs funérailles, 104. Leur dévotion à Saint Nicolas , 105. Leur jaloufîe, 106. Leur éloignement pour la guerre , 109. Difpofition des femmes g la débauche , 110. T I E R E S. 4îj Animaux de ce pays, ibid. Léon , ville d'Amérique : fa defcription , 382. Les Boucanniers s'en rendent maîtres, 384. Licorne: Rêveries au fujet de ce prétendu animal, 188. Lions marins : leur defcription , 308« M Ma mme t , fruit d'Amérique : fa defcription, 374. Manaa ( ifle de ) fa defcription , 49. Manta, village Indien : fa defcription, 13^" Marie , femme du Czar Alexis : comment elle parvient au trône, 203, Martres : Defcription de ces animaux, & de la manière dont on en fait la chafle, 264. Michael, Czar de Mofco-vie , eft empoifonné, 241* N Nashokin , Miniftre de Ruflie: fon portrait,252. Son administration prudente, 253. Nicolas ( ifle de Saint ) (à defcription > 301, 414 TABLE Norvège: Mœurs des ha- Perles ( ifles des)defcrip bitants de ce Royaume, 63. O "Cuve , Prince de Tille de Ceylan , forme une conf-piration avec les Portugais, 2. Il eft aflafliné par Cenuwieraat, 3. Palmf.tto , arbre d'Amérique : fa defcription, _ „ . 3Ï*. Panama : Defcription de cette ville , 364. Panua (le Roi de ) a la tête tranchée à Ceylan, fi. Papinowgorod, ville de Sybérie» 148. PoliteiTe du Gouverneur , ibid. Defcription de la ville , 'Payne, Capitaine Anglois: rufe dont il fe fert pour échapper aux ennemis, 289. Payta: Defcription de cette ville, 34r. Penguin : Defcription de cet oifeau, 167. Penguouin, fruit d'Amérique : fa defcription , 41t. Pèrivoskicks, animaux de Sybérie, 271. tion de ces iiks, & de leurs habitants , 286. Picora , pays & villes de Ruflie : defcription des habitants, ncj. Piara , ville d'Amérique : fa defcription , 34-5. Plica, maladie des Polo-nois, 231. Haute opinion qu'ils ont de cette infirmité, 232. P 0 i r e pi q u a n t e : d e fc r i p t i 0 n de ce fruit, 387. Polonois : leur grôfliérété , 229. Leur penchant -à l'ivrognerie, 230. Pommier à étoile , fruit d'Amérique : fa defcription , 374. Porto-bclh : particularités fur la flotte des gallions de cette ville, 362. Defcription de la ville, 363. Portugais. On fe prépare à leur faire la guerre à Ceylan , 7. Défavanta-ges qu'ils ont en mer, 13. Ils forment une conf-piration , qui eft découverte , i Us font défaits dans une bataille , 18. Ils élèvent de nouveaux forts, 22. Ifs font trompés par les Cingalèfes , 23. Ils font taillés en pièces , ibid. Belle détente qu'ils font à Co- DES MATIERES. 425 lumbo , 24. Ils font bat- Ria-Léxa, ville de l'Amé- tus fur mer par les Hollandois , 27. Us le font fur terre par Raja-Singa, 28. Us perdent le fort de Batecalo, 29. Ponté-gale leur eft enlevé par les Hollandois, ^i. Us perdent aufli Callatu-re, 32. Les Hollandois leur prennent Columbo, 42. Us font un Traité avec le Roi de Ceylan, 4Î. Les Hollandois leur enlèvent l'ifle deManaar, 49. Us perdent Jafnapatnam ,53. Us font dépouillés de toutes leurs poffeflions, 57. Puna, ifle de la mer du Sud : fa defcription ,351. Q z/ / b o , ifle de la mer du Sud : fa defcription , R ^ Remore: Defcription de ce poiffon, 295. U retarde le mouvement des vaiffeaux, ibid. Rennes , ufage qu'on fait de ces animaux, 92. Leur defcription, 94. Conjurations pour les faire marcher, 97. rique : fa defcription , 386. Rock-fisk , poiffon de la mer du Sud : fa defcription , 307. RitJJie. Situation de ce pays ipo. Ses productions , 192. Méfiance & ignorance des Ruffes, 194. Leur religion & leurs , T Egliies, 19?. Leurs prières , 196. Des Papas ou Prêtres, 197. Leur mariages , 199. Dureté des Riifles pour leurs femmes , 201. Punition de celles qui tuent leurs maris , 202. Pourquoi ils tiennent leurs enfants cachés , 206. On les marie fans leur confen-tement, 207- Jeûnes fré-' quents dans ce pays 208. Champignons de Ruflie , 209. Utilité des jeûnes des Ruffes, 210.' Erection du Patriarchat de Mofcow, 211. So-; lemnité du Dimanche des Rameaux ,212. Or-; nements des Patriarches,1 213. Réjouiffances que les Ruffes font à Pâques,1 215. Ivrognerie commune , même chez les Dames 216. Funérailles des Ruffes, 217, Suites» 4*6 T Ail fiineftes de ttvreffe, 2 18. Des images ou ftatucs , nommées Sts. Nicolas, 219. Des Moines & des Religieiifes, 211. Mufique ridicule des Ruffes, 222. Gouvernement civil , 21^. Punitions des criminels , 225. Leur dévotion fupcrftitieufe envers Saint Nicolas , 218. Leur langue , 229. Dépopulation de la Rnf-fie, 248. Grand ufage qu'on y fait des bains, 260. S Samoîeves , peuples dépendants de l'Empire des Rudes , 174. Leur religion & leurs mœurs, 15 c Ils adorent le foleil, 156.Leur façon de vivre, 166. Leur prétendue feience dans la magie, 367. Productions de leur pays, 268. Leur jalouGe, 269. Santa-Pécaquc, ville d'Amérique : fa defcription, 4M- Sapadill:, fruit d'Amérique : fa defcription, 373. Sel (ifle de) fa defcription , 299. Sybérie. Commerce de peaux qu'on fait dans ce L E pays, 125. Défenfes ri-gotircufes d'y vendre des peaux de martres, 126. Forme des barques de Sybérie, 127. Mifere de ceux qui y font exilés, 138. Leurs logements , 140. ftérilité du pays f 146. Mœurs des hab'-tants, i