UDK 282:316.347 La question de la nationality dans la pensee sociale de l'Eglise catholique ANTON STRES, SLOVČNIE POVZETEK VPRAŠANJE NARODNOSTI V DRUŽBENEM MIŠLJENJU KATOUŠKE CERKVE Krščanstvo je kot monopolistična vera univerzalna in glede na to bi lahko pričakovali, da bi bilo zanj narodnostno vprašanje nepomembno. To drži samo deloma, kajti prav krščanstvo je to vprašanje moralo sprožiti. Krščanstvo se je s problemi narodnosti soočilo na dveh področjih: na praktičnem in na teoretičnem. V praksi se je zastavljalo predvsem vprašanje delovanja duhovnikov in drugih razlagalcev Svetega Pisma. Ker pa ima pri nacionalni zavesti in tudi pri kulturni in narodnostni pripadnosti posamezne etnične skupine jezik poglavitno vlogo, se je bila Cerkev, v kateri vse temelji na komuniciranju z besedo, kmalu primorana posvetiti različnostim jezikov in kultur. To je imelo dvojni učinek. Na eni strani so bili poskusi kulturnega imperializma, kjer je krščanska kultura izločila vse tako imenovane poganske kulture. Po drugi strani pa je bilo veliko primerov tega, čemur danes pravimo inkulturacija katoliške vere, ki se začne z izborom obstoječega jezika za evangelizacijo. Na ta način si lahko razložimo, zakaj so prvi pisni dokumenti v marsikaterem jeziku pogosto Sveto pismo ali druga liturgična besedila. Po tej strani je krščanstvo (poleg židovske in muslimaske vere) v bistvu vera "Knjige" in se nujno sooči z vprašanjem jezikov in preko jezika z nastankom narodne zavesti. V predavanju ne obravnavam praktične zgodovine, ampak njeno teoretično področje, oziroma natančneje družbeno doktrino cerkve v kolikor le-ta naleti na vprašanje narodnosti. Katoliška vera je pravzaprav obravnavala narodnostna in družbena vprašanja predvsem v okviru svoje teorije družbe, ki ji običajno pravimo družbena doktrina Cerkve in jo običajno povezujemo z encikliko "Rerum novarum" iz leta 1891. Vendar papeški dokumenti omenjajo probleme narodnosti, narodnostnih manjšin in različnih kultur ter kako jih reševati šele po drugi svetovni vojni. Najbolj zanimiv dokument, ki podrobneje razvija ta vprašanja je odgovor, ki ga je imel papež Janez Pavel II, Poljak, ob obisku v palači UNESCO leta 1980. Ozadje te doktrine je nesholastična in osebna teorija o človeškem bitju, ki je po eni strani globoko v svojem kulturnem okolju in je zato z njim pogojeno, po drugi strani pa ga presega in izstopa iz vsakega sistema, ki se odpira k univerzalnemu in absolutnemu. Taka osebna antropologija omogoča po eni strani uveljavljanje glavne pomembnosti vsake posamezne kulture in pravico do pripadnosti svoji etnični skupnosti, po drugi strani pa se izogiba, da bi iz te pripadnosti naredila nekaj absolutnega in tako zapadla v nacionalizem. La contribution du christianisme catholique k la naissance de la conscience nationale et k la solution des conflits que la conscience nationale peut engendrer est k traiter k deux niveaux: pratique et thdorique. Etant donnd que le christianisme en tant que monothdisme est une religion universaliste, on pourrait s'attendre k ce que la question de nationality soit ndgligde. Ceci est vrai seulement jusqu'k un certain point thdorique. Mais en meme temps le christianisme a dtd ndcessairement amend a soulever cette question pour des raisons pratiques, k savoir ses raisons missionnaires. En tant que monothdisme universahste, le christianisme a dtd amend k conftonter diffdrentes cultures. Et puisque la langue joue la role primordial dans la conscience nationale ainsi que dans l'identification de la particularitd culturelle et nationale d'un groupe ethnique particulier, l'liglise dont toute l'activitd prdsuppose la communication par la parole a dtd constamment obligde de prendre position k l'dgard de la diversitd des langues et des cultures. Ceci a eu un double effet. D'un cotd nous avons les essais de rimpdrialisme culturel oil une culture chrdtienne dlimine les cultures dites paiennes existantes. D'autre cotd nous avons beaucoup d'exemples de ce qu'on appelle aujourd'hui l'inculturation de la religion catholique et qui commence par l'adoption d'une langue existante pour l'dvangdlisation. Ainsi s'cxplique le fait que dans beaucoup de cas les premiers documents d'une langue oil d'une culture sont les bibles ou d'autres textes liturgiques. Par ce fait le christianisme dtant essentiellement une religion dite "du Livre" (k c6td du judaisme et de l'islam), il est confrontd indvita-blement avec la question des langues et par lk il favorise la naissance de la conscience nationale. "Ethnos" dans la penscc d'Aristote Cependant la prem i tire confrontation du christianisme a dtd la confrontation avec la pensde helldnique. Toute notre culture occidentale est fafonnde par deux courants spirituels majeurs: par la spiritualitd hdbrai'que et par pensde grecque. Et les deux courants sont universalistes. Or, ces deux universalismes reprdsentent des points de convergence et des tendances diffdrentes. L'humanisme grec construit son idde de l'homme avant tout sur la rationalitd de l'homme. L'homme est un etre rationnel, c'est sa rationalitd qui est sa caractdristique essentielle. Doud de la raison, homme est capable de s'dlever au dessus de ce qui est relatif et limitd. II ddpasse done les particularismes pour atteindre l'universel et l'absolu. A partir de lk, on pourrait s'attendre que la pensde hdlldnique affirme l'dgahtd de tous les hommes. II est vrai que certains sophistes le pensent. Pour Antiphone, Hippias et Alkidamas, tous les hommes, les Grecs et les barbares, sont dgaux. Cependant, telle n'est pas tout k fait la vision d'Aristote. Ce que Aristote nomme "ethnos", c'est la communautd naturelle, unie par la satisfaction communautaire des besoins. C'est plutot une famille dlargie qu'un dtat organisd et ayant ses fins spdeifiques. Mais ce qui est pour nous intdressant, c'est la conclusion d'Aristote, d'aprds laquelle en raison des caractdristiques de l'ordre naturel, k savoir de la gdographie et du climat, ce sont les Grecs qui sont, d'aprds Aristote, les plus capables d'exercer un rdgne mondial. Or, la raison formelle n'en est pas la gdographie en tant que telle, mais en tant que condition qui rend les Grecs intclligents et courageux. "Mains la race des Hellenes, occupant une position gdographique intermddiare ... est courageuse et intelligente et c'est la raison pour laquelle elle mdne une existence libre sous d'excellentes institutions politiques, et elle est meme capable de gouverner le monde entier si elle atteint k l'unitd de constitution. ... On voit done clairement que le peuple appeld k se laisser docilement guider k la vertu par le ldgislateur doit etre d'une nature k la fois intelligente et rdsolue"1. Ce qui determine done les Grecs k un tel rčgne universel, c'est tout 1'cnsemble de leurs conditions naturelles qui cependant ne fait que faciliter ddveloppement spirituel, leur culture politique. La raison y joue le role determinant, car c'est la raison qui est la base de l'organisation communautaire supdrieure k l'ethnie, k savoir de l'fitat. Parce que les Grecs sont intelligentes, ils sont capables d'avoir une organisation politique supdrieure k tous les autres. C'est pour cela qu'ils sont destines k rdgner au monde entier. L'ethnie en tant qu'une communautd naturelle, comme une famille člargie, n'est done, dans la pen see d'Aristote, qu'une sorte de matdriel, une condition naturelle, qui doit se ddpasser dans 111 tat. Or, la fin de listat n'est pas la meme que celle de l'ethnie. Celle-ci s'occupe de la satisfaction des besoins corporels, comme la famille. La fin de llltat depasse ces fins. Elle est essentiellement morale: il s'agit de la realisation du bonheur rationnel et de la vertu. Pour cette raison, l'fitat doit etre guidd par les hommes raisonnables, vertueux et bons. Les groupes ethniqucs et tous les autres donndes naturelles ne sont qu'une base naturelle qui doit etre ddpassdc par l'fitat. Celui-ci est d'ailleurs la fin de celles-lk. "Nous devons done poser en principe que la communautd politique existe en vue de l'accomplissement du bien, et non nas seulement en vue de la vie en socidtd"2. L'ethnie est done de l'ordre naturel, et llitat est par contre de l'ordre de la raison et de la morale. C'est sa vocation qui est par lk ddfinie et qui consiste dans la tachc de depasser l'ordre naturel des besoins matdriels et corporels - done de ddpasser aussi l'ordre de l'ethnie. II serait intdressant de voir comment deux milldnaires plus tard Hegel revient k cette idde de l'fitat rationel et moral. Le probleme dc la nationalitc dans la penscc hebrai'que Par rapport k cette conception aristotdlicienne et antique de l'ethnie et de l'fitat, le courant hdbrai'que - qui est venu jusqu'k nous par la Bible et les courants religieux qui s'en inspirent - se prdsentc sous une forme tout k fait diffdrente. La diffdrence est d'abord mdthodologique. Quant il s'agit de la Bible, nous n'avons pas k faire avec les thdories comparable k la philosophic politique des Grecs, mais k un ensemble de rdcits portant sur les dvdnements historiques et sur leur signification religieuse. Ces rdcits appellent done notre interpolation et c'est cette interprdtation thdologique qui doit etre confrontde avec la thdorie philosophique grecque. Le point de ddpart d'une telle intciprdtation serait certainement tout d'abord une rdfiexion sur la vocation du peuple dlu de l'Ancienne Alliance, k savoir d'lsrael. Israel reprdsente un peuple, avec sa culture, sa langue et surtout avec sa vocation historique et religieuse. C'est d'ailleurs cette vocation religieuse qui maintient sa conscience nationale, meme aux moments oil il n'a pas encore son inddpendance politique ou il n'a plus. On peut dire que le support historique de son identitd culturelle, nationale et 1 Aristoteles, Politique VII, 7,1327 b 30. 2 Aristoteles, Politique III, 9; 1281 a 2-4. politique est sa conscience d'avoir une vocation unique dans l'histoire mondiale, sa vocation messianique. Tandis qu'Aristote essaie de fonder une mission universelle du peuple helldnique sur Sa capacity de constituer une organisation politique rationnelle qui assure le bonheur et sa vertu, la vocation universelle hdbrai'que est fondde sur la promesse messianique. On peut noter aussi qu'k cotd des dtroitesses nationalistes dont tdmoignent certains passages bibliques, on rencontre, surtout chez les prophdtes, des visions nettement universalistes. Les Juifs sont censds d'avoir une vocation unique dans l'histoire du monde, mais cette vocation a une fin qui ddpasse les Juifs en tant que tels: ils ne sont lk que pour servir le salut universel de tous les peuples. Plus encore, par opposition k la fiertd grecque, la vocation messianique du peuple d'Israel est un appel k l'humilitd. La Bible ne cesse de rappeler que l'dlection du peuple dlu est un pur don et qui done n'est mdritde par rien. S'il y a une idde centrale dans ce sens, c'est l'idde que l'lsrael n'a pas le droit de se vanter de sa vocation. Ce n'est pas son courage, ni sa force ni richesse, mais la grace la plus pure et gratuite qui est cause de sa vocation. Par lk, la Bible tempdre, voire meme conjure - en principe au moins -toute sorte du nationalisme isradlien qui pourrait rdsulter de sa conscience de la vocation messianique et historique. Plus encore, cette vocation messianique du peuple dlu le charge plutot d'une responsabilitd k l'dgard du monde entier. Au niveau de rdcits proprement dits, il faudrait - pour notre propos - analyser en ddtail le rdcit mythique concernant la tour de Babel (Gen 11, 1-8). D'une fa9on trds synthdtique, nous pouvons dire que ce rdcit entend donner une explication de la diversitd des langues et par la des cultures. II faudrait aussi tenir compte du fait que ce rdcit a le meme fond thdologique que le rdcit de l'expulsion du paradis. Les deux rdcits ont une thdorie identique du pdchd. Le pdchd est confu dans les deux cas comme une volontd d'etre dieu et d'etre comme dieu. Dans les deux cas aussi cette volontd blasphdmatoire conduit k un desastre. En effet, elle s'achdve dans son contraire, dans la condition humaine marqude par la peine, la souffrance et la mort. Or, la diversitd des cultures et des langues n'est done pas confue en premier lieu comme un enrichissement, mais comme une source de conflits et de la souffrance qui en rdsulte. Mais il faut tenir compte de la vdritable raison de ce rdsultat. La raison en est le pechd de "hybris", de l'orgueil blasphdmatoire qui rdsulte finalement dans l'incomprdhension mutuelle et l'impossibilitd de la communicaton. C'est done le mal moral qui conduit dans l'impossibilitd de la communication entre les hommes et de leur unitd. Cette interprdtation se confirme par le rdcit ndotestamentaire sur la premidre Pentecote. Ce rdcit reprdsente un image de contraste par rapport k celui de la tour de Babel. Mais ce qui est le plus significatif, c'est la fait qu'k la Pentecote, la diversitd des langues n'est pas abolie, etant donnd que les auditeurs des apotres les entendent chacun dans sa propre langue. Ceci veut dire que toute langue est approuvde et adoptde, toute langue a sa valeur authentique et on peut se servir de toute langue pour transmettre le massage ndotestamentaire. Toute langue - et par lk toute culture - peut etre mddiatrice entre Dieu et l'homme. A la place de l'incomprehension et de 1'impossibilitd de communication, dont la cause est le pechd de l'orgueil des constructeurs de la tour de Babel, nous voyons maintenant les auditeurs des apotres, venus k Jdrusalem de tous les coins du monde, s'entendre malgrd cette diversitd. L'unitd est restaurd, mais la diversitd n'est pas abolie. La diversitd est ddpassd, sursumde, mais non pas supprimde. II me semble que c'est une Ie9on religieuse et chrdtienne de toute premidre importance pour notre sujet qui nous occupe ici. C'est le principe de l'unitd dans la diversitd qui est indiqud par ce rdcit portant sur le nouveau peuple, libdrd du pdchd, done aussi du pdchd le plus grave, du pdchd de l'orgueil. C'est ainsi que l'unitd est restaurde sans pour autant poser comme principe la suppression de la diversitd et l'uni formi sati on. Le troisidme moment qui doit Stre prise en consideration, si Ton veut prdciser les principes thdoriques de l'attitude chrdtienne k l'dgard de la nationalitd, c'est la foi chrdtienne pour laquelle Jdsus de Nazareth est Dieu fait homme. Jdsus de Nazareth est un homme de son temps, de son peuple et de sa culture. II est pleinement intdgrd dans son peuple et dans ses traditions, bein qu'en meme temps, il les ddpasse. Plus encore, il peut etre trds critique k l'dgard d'elles. Mais tout d'abord, il est homme de son temps et pour un chrdtien il est en m£me temps le Fils de Dieu. En lui done se rencontrent d'une cotd la particularitd et la relativitd culturelle et historique et d'autre cotd l'absolu et l'universel par excellence. Or, pour le christianisme. Jdsus Christ est le moddle de tout homme. II est, dans la langage thdologique, le "nouvel Adam", ce qui veut dire le prototype ou le moddle de 1'existence humaine. La conclusion qui s'impose est la suivante: si le Dieu incarnd, si Jdsus Christ en tant que Dieu fait homme adopte l'enracinement total dans une culture nationale particulidre, s'il dprouve, pendant toute sa vie, une sympathie particulidre k l'dgard de son peuple, sans pour autant rejeter les autres, il donne par Ik un exemple concret comment il faut considdrer le rapport entre l'universalitd humaine et la particularitd, l'universalitd humaine qui s'exprime dans l'ouverture de l'homme k l'dgard des valeurs universelles et absolues qui s'imposent k tout homme, et la particularitd de la culture dans laquelle toute homme est tout aussi essentiellement immergd et conditionnd par elle. Le pcrsonnalisme et son attitude l'dgard de la nationalitd C'est sur cet arridre-fond thdologique, mystique, spirituel et religieux qu'on peut maintenant aborder le personnalisme moderne qui est la base anthropologique de la doctrine sociale catholique. II est vrai que cette doctrine aborde relativement tard d'une manidre explicite le probldme de nationalitds, des nationalismes et des minoritds nationales. La raison en est simple: dans une premi dre pdriode, cette doctrine sociale se consacre exclusivement k la question sociale au sens de la question ou vri dre qui dtait particulidrement preoccupante dans la premi dre moitid de ce sidcle. Ce n'est qu'aprds la deuxidme guerre mondiale que la doctrine sociale de l'figlise aborde les questions morales gdndrales et englobantes relatives k la vie en socidtd et k l'organisation de la vie dconomique, politique et sociale. C'est k ce moment que la question de savoir quelle est la valeur morale de la nationalitd et de l'appartenance k un groupe ethnique particulier commence k se poser d'une fagon explicite. Le cadre anthropologique dans lequel on doit comprendre les prises de position de l£gl ise catholique en ces m at i dres est le personnalisme, et plus particulidrement, la conception de la personne humaine comme dtant transcendante. La transcendance de la personne humaine signifie dans ce contexte que la personne humaine ddpasse par sa valeur et par son pouvoir spirituel tout 1'ensemble culturel, dconomique, politique ou social. La persone humaine est irrdductible k n'importe quel systdme et k n'importc structure au sein de laquelle elle se trouve. C'est seulement en raison de cette irrdductibilitd qu'elle est libre, autonome et moralement responsable. Lorsque le Concile de Vatican II ddclare lliglise veut etre gardienne de la valeur transcendante de la personne humaine3, il souligne qu'en raison de sa dignitd personelle l'homme ne peut jamais etre ddgradd k tel point qu'il devient un simple moyen ou un instrument 3 "L'EgLise qui, cn raison de sa chargc et de sa competence, ne se conford d'aucune manifere avec la communaut6 politique et n'est li6e h aucun systime politique, est i la fois le signe et la souvegarde du caractfcre transcendant de la personne humaine" (Gaudium el Spes 76, § 2). d'un pouvoir politique. La personne humaine done transcende, e'est-k-dire s'dldve au dessus de toute organisation ou de tout systdme politique, de telle sorte que ce n'est pas la communautd politique qui est la fin de l'homme et l'homme tout simplement son moyen, mais au contraire, c'est l'homme qui est, en dtant une valeur absolue, aussi la fin et le sens de toute organisation. Or, il doit aller de meme aussi pour la nation. L'homme individuel ne peut pas Stre tout simplement subordonnd k sa nation et ses intdrdts. Mais, cette importance que le personnalisme accorde au caractdre transcendant de la personne humaine n'annule pas pour autant la valeur de l'appartenance k un groupe ethnique. En effet, la personne humaine n'est pas une transcendance abstraite. Elle n'est pas suspendue dans l'air, elle suppose et presuppose une base concrete et historique. L'homme n'est pas seulement transcendance personnelle, il est tout aussi essentiellement un homme concret, donnd k lui-meme avant de se choisir librement. II est situd dans un Ueu historique prdcis avant de tourner son regard au-delk de ce lieu ddtermind. II est solidaire avec tout son environnement culturel et il est conditionnd par lui avant de prendre m'importe quelle distance k son dgard. L'homme est done le lieu oil se ddroule une dialectique inddpassable entre ce qu'il est devenu et ce qu'il projette en avant de lui-meme. Dans le langage traditionnel cette dialectique est ddfinie comme dtant le rapport dialectique entre la nature humaine et la personne. En effet, l'anthropologie personnaliste part de cette situation essentiellement dialectique de l'homme qui est k la fois une nature, e'est-k-dire un ensemble de ddterminations historiques physiques, psychiques et culturelles donndes, et une personne spirituelle qui s'dldve au dessus de ce donnd tout en s'appuyant sur lui. Pour cette raison cette anthropologic peut etre aussi une base thdorique solide pour valoriser l'appartenance de l'homme k son groupe national. Etant donnd que cette anthropologic utilise le terme de nature, il faut d'abord rcmarquer que la signification de ce terme ne se Umite pas k la nature biologique. Bien stir, les donndes biologiques de l'homme font partie de la nature de l'homme individuel. C'est sa nature premiere. Mais il y a plus. Ce donnd biologique lui-meme est dans une certaine mesure un produit historique et il fait partie, chez l'homme, d'un ensemble plus complexe des donndes psychiques et culturelles. Tout ceci est la nature, la nature devenue, ce que la tradition appelle la nature seconde. En effet, la nation de nature ne implique pas qu'on fasse l'abstraction de l'historicitd de la situation de l'homme. Dans ce sens, il ne faut pas opposer la nature et l'histoire. De ce point de vue, une nouvelle interprdtation de la notion tellement discutd de la loi naturelle n'oppose pas Involution historique des conditions humaines et la nature immobile, demeurant toujours identique k elle-meme. En effet, s'il y a une loi naturelle de l'homme, elle doit vouloir dire que l'homme n'est pas que la nature opposde k l'histoire. II est un etre de l'histoire, en dtant k la fois son produit et son acteur. La notion de nature, opposde non pas k l'histoire, mais k la personne, signifie done ce que l'homme est devenu k partir de ce qui lui a dtd donne avant d'etre fait par lui en tant l'individu librc et responsable. La dialectique humaine fondamentale est done la dialectique entre sa nature et la personne. Le personnalisme souligne le role de la personne en tant qu'elle est le sujet raisonnable, libre, et conscient de lui-meme et de ses conditions historiques. C'est en tant que ce "je" individuel, conscient et responsable, que la personne assume sa condition historique. Mais en l'assumant, elle commence k le ddpasser, k le transcender. Plus encore. Elle ne peut pas exister sans cet enracinement dans sa situation historique. Mais elle ne peut pas, non plus, rdaliser sa dignitd personnelle sans s'dlever au-dessus d'elle. La doctrine sociale de I'Eglise et le probl&me de la conscience nationale Ces vues personnalistes ont dtd adoptdes par l'autoritd supreme de l^gli se catholique, k savoir par le Concile Vatican II: "C'est le propre de la personne humaine de n'accdder vraiment et pleinement k l'humanitd que par la culture, c'est-k-dire en cultivant les biens et les valcurs de la nature. ... Ainsi, k partir des usages hdritds se forme un patrimoine propre k chaquc communautd humaine. De meme, par Ik se constitue un milieu ddtermind et historique dans lequel tout homme est insdrd, quels que soient sa nation et son sidcle, et d'oil il tire les valeurs qui lui permettront de promouvoir la civilisation"4. Comme le montre ddjk le texte conciliare citd, c'est dans ce cadre de la rdflexion sur la culture que l'anthropologie personnaliste crde une place pour dvaluer l'appartenance au groupe ethnique. Un groupe ethnique s'identifie non pas seulement par ses origines raciales, mais plus encore par toute sa culture au sein de laquelle la langue joue d'ordinaire un role primordial. C'est la culture propre d'un groupe ethnique qui crde le milieu originaire du ddveloppement spirituel de l'homme. Gn tant que le donnd historique fondamental, la culture, qui est toujours la culture d'un groupe national ddtermind, fait partie de la nature humaine. Elle fait partie done de ce donnd anthropologique sans lequel il n'y a pas de personne humaine dans sa transcendance individuelle. C'est done en rdfldchissant sur la culture, k savoir sur tout l'ensemble d'une civilisation nationale par le moyen duquel le nouveaund s'humanise et devient une personne adulte, raisonnable, libre et responsable, que l'anthropologie personnaliste aborde le probldme de l'appartenance de l'homme k son environnement national. Elle y voit une condition indispensable pour la vie personelle. Cette culture est d'un c6td le produit humain, le rdsultat historique de son dvolution spirituelle. C'est pourquoi Hegel la nomme "1'esprit objectif' ou "la nature seconde" de l'homme. Mais d'autre part, la culture en tant que telle est la condition indispensable pour le ddveloppement ultdrieur de chaque homme. C'est par la culture ambiante que l'homme devient un sujet spirituel et capable de contribuer de sa propre part k la vie spirituelle et culturelle de son lieu et de son temps. C'est dans ce meme cadre et en meme temps que se forme aussi la conscience d'appartenance k cette communautd nationale. Sans cette conscience et la volontd d'appartenir k un groupe ethnique on ne peut pas parler d'un groupe national ou ethnique particulier. C'est la raison pour laquelle lTŠglise catholique prends dans le temps aprds le concile Vatican II une attitude rdsoltiment en faveur du maintien et de la sauvegarde des cultures. Pour elle-meme, ceci reprdsente l'obligation de ce qu'on appelle I'inculturation du christianisme. En revanche, l'inculturation prdsuppose que les cultures sont sauvegarddes et qu'clles sont considdrdes comme un grand bien spirituel de 1'humanitd. Tels sont les prdsupposds et les bases thdologiques et anthropologiques qui commandent - ou au mois devraient commander - les prises de position explicites de lliglise catholique en matidre de nationalitds, des minoritds nationales et les nationalismes. Ce sont ces prises de position explicites qu'il faut maintenant aborder plus en ddtail. A ma connaissance, l'autoritd supreme de rfigli se catholique a abordd assez tardivement le probldme de la conscience nationale et du nationalisme. On peut 4 Gaudium et Spes, S3. expliquer ce retard par le fait que la doctrine sociale de llšglise se limite k son ddbut k ce qu'on appelle la question sociale ou la question ou vri dre. En ce qui conceme le probldme du nationalisme, elle l'aborde, en un premier temps, d'une fafon ndgative, en mettant en garde contre le nationalisme excessif qui tend k sousestimer les autres nations. En ce sens, nous rencontrons une premidre rdaction k l'dgard du nationalisme en 1937 dans l'encyclique Mit brennender Sorge du Pie XI., consacrde au national-socialisme. En ce moment, le pape rejette toute exaltation de sa propre race ou de llitat. "Celui qui exalte la race, le peuple, ou rEtat ou une forme particulidre dlitat, ou les ddpositaires au pouvoir ou toute autre valeur fondamentale de la communautd humaine - qui ont k l'intdrieur de l'ordre terrestre une place essentielle et honorable -quiconque prend ces notions pour les retirer de cette dchelle de valeurs, meme rehgieuses et les divinise par un culte idolatrique, celui-lk commet une distorsion et une perversion de l'ordre moral du monde voulu et crdd par Dieu. ... Seuls des esprits superficiels peuvent tomber dans l'erreur qui consiste k parler d'un Dieu national, d'une religion nationale ,..".5 Ce tcxte montre assez clairement quelle est, en cette matidre, la position catholique. Elle approuve comme dtant essentiel et honorable l'amour pour son peuple et son Etat. Mais en meme temps, elle rejette toute absolutisation des ces valeurs humaines. La question de minoritds reprdsente un autre aspect de la question globale relative k la nation. II est remarquable de voir que les documents intemationaux relatifs aux droits de l'homme n'abordent cette question qu'en 1966. Quant k ITiglise catholique, nous rencontrons une premidre prise de position, en cette matidre, dans le discours de Pie XII. k la veille de Noel 1942. II a rdclamd le respect des minoritds et de leur vie dconomique et culturelle. Mais c'est le pape Jean XXIII qui dans son encyclique Pacem in terris en 1963 pose d'une fafon trds claire le devoir de respecter les minoritds. Lk il ddclare: "Nous devons ddclarer d'une fagon la plus explicite que toute politique tendant k contrarier la vitalitd et l'expansion des minoritds, constitue une faute grave contre la justice, plus grave encore quand ces manoeuvres visent k les faire disparattre. De l'autre c6td, il est exphcitement conforme aux exigences de la justice, si les autoritds pohtiques s'efforcent d'amdliorer les conditions de vie des minoritds nationales, en particulier en ce qui concerne leur langue, leur culture, coutumcs, dconomie et entreprises"6. Mais en meme temps, le pape met en garde contre les exagdration dans lcs exigences des minoritds. Finalement, ces iddes ont trouvd leur confirmation au Concile Vatican II7. La meme dialectique de la position catholique ressoit des ddclarations ultdrieures. Dans son encyclique Populorum progressio, le pape Paul VI montre une certaine comprdhension pour la fiertd des jeunes nations qui ont rdcemment, k savoir pendant le processus de la ddcolonisation, atteint leur autonomic nationale, mais en mdme temps il rejette toute excessivitd. II approuve surtout la collaboration entre les peuples8. Tout aussi intdressante est la remarque du synode des dveques catholiques rdunis k Rome en 1971. lis approuvent ce qu'ils appellent "un nationalisme responsable"9. Mais plus que ces declarations de principe, c'est l'anthropologie, qui se cache 5 Arthur Utz, Im doctrine sociale de 1'ŠgliSe d trovers les siicles. Documents pontificaux du XV^me au XXimK siicle. BSic - Rome - Paris 1970, 292. 6 Pacem in terris 94-95. 7 Cf. Gaudium et Spes 73,3. 8 Cf. Populorum progressio, 62. 9 Document du synode Justitia in mundo, 18. derridre ces prises de position, qui est pour nous intdressante. Nous avons ddjk essayd de clarifier ses points de ddpart personnalistes. Or, il est remarquable de voir ces positions philosophiques et anthropologiques explicitdes dans un document pontifical. II s'agit du discours que la pape Jean Paul II avait prononcd lors de sa visite k l'UNESCO k Paris le 2 juin 1980. II y a dans ce discours du pape polonais tout d'abord une reminiscence et une expdrience personnelle. Elle mdrite d'etre retenue. "Je suis fils d'une Nation qui a vdcu les plus grandes expdriences de l'histoire, que ses voisins ont condamnde k mort k plusieurs reprises, mais qui a survdcu et qui est restde elle-meme. Elle a conservd son identitd, et elle a conservd, malgrd les partitions et les occupations dtrangdres, sa souverainetd nationale, non en s'appuyant sur les ressources de la force physique, mais uniquement en s'appuyant sur sa culture. Cette culture s'est rdvdlde en l'occurrence d'une puissance plus grande que toutes les autres forces. Ce que je dis ici concernant le droit de la Nation au fondement de sa culture et de son avenir n'est done l'dcho d'aucun 'nationalisme', mais il s'agit toujours d'un dldment stable de l'expdrience humaine et de ses perspectives humanistes du ddveloppement de ihomme"i0. Le pape ddclare toute d'abord le droit k la culture. Or, ce droit est immddiatement un droit k la culture nationale, puisque pour l'homme individuel il n'y en a pas d'autre. C'est ainsi que par le droit k la culture, k savoir au ddveloppement spirituel de l'homme, c'est aussi le droit k l'appartenance k son groupe ethnique qui est fonde. Le rdflexion du pape est assez claire. "Si, au nom de l'avenir de la culture, il faut proclamer que l'homme a le droit d"etre' plus, et si pour le meme raison il faut exiger un sain primat de la famille dans l'ensemble de l'oeuvre de l'dducation de l'homme k une vdritable humanitd, il faut aussi situer dans 1A meme ligne le droit d la Nation-, il faut le placer lui aussi d la base de la culture et de l'dducation. La Nation est en effet la grande communautd des hommes qui sont unis par des hens divers, mais surtout, precisdment, par la culture. La Nation existe 'par' la culture et 'pour' la culture, et elle est done la grande dducatrice des hommes pour qu'ils puissent 'etre davantage' dans la communautd"11. Mais, dans ce discours du pape, son insistance sur le hen qu'il dtablit entre d'une part la culture et d'autre part la nation et sa souverainetd mdrite une attention particulidre. On peut dire que c'est une originalitd du pape de voir ainsi un hen dtroit entre la culture et la souverainetd. "II existe une souverainetd fondamcntale de la socidtd qui se manifeste dans la culture de la Nation. II s'agit de la souverainetd par laquelle, en meme temps, l'homme est supremement souverain"12. C'est done par sa culture, c'est-k-dire par sa vie spirituelle autonome, qu'un peuple tire ses droits k la souverainetd. Cependant, la doctrine du pape n'est pas collectiviste: le droit k la souverainetd n'est pas fondd exclusivement dans la collcctivitd nationale. En rdalitd, la Nation elle-meme repose sur des entitds, ayant un caractdre d'autonomie et de sauvcrainetd. Les families sont autonomes dans leur oeuvre d'dducation, de telle sorte que lTitat lui-meme doit respecter cette autonomie et la promouvoir. Mais en dernidre instance, l'autonomie rdelle est celle des individus, de telle sorte que finalement le fondement ultdrieur de la souverainetd est la personne humaine. En effet, c'est elle qui est en rdalitd le seul sujet libre et responsable de lui-meme. En tant que l'etre moral, la personne humaine est souveraine. Elle doit obdir k sa conscience morale intdrieure et 10 Jean Paul II, Voyage en France 1980. Discours el Massages, Paris 1980,162. 11 Jean Paul II, Voyage en France 1980. Discours el Massages, Paris 1980,161-162. 12 Jean Paul II, Voyage en Franco 1980. Discours el Massages, Paris 1980,162. ne peut jamais devenir eselave d'aucune autoritd extdrieure. C'est ce que le pape dit explicitement quand il ddclare que la souverainetd "tire son origine de la culture propre de la Nation et de la socidtd, du primat de la famille dans l'oeuvre de l'dducation et enfin de la dignitd personnelle de tout homme ..."13. Malgrd toute l'importance que possdde la nation avec sa culture, ce n'est done pas la collectivitd qui est le sujet rdel libre et responsable, c'est la personne humaine. Mais pour que l'homme devienne une personne il lui faut la culture. Et pour qu'il ddveloppe son humanitd, il lui faut ddvelopper la culture dans toutes ses dimensions. La culture d'une nation est done k la fois l'origine et le rdsultat, la racine et le fruit de la personne humaine et de ses ddveloppements spirituels. La personne humaine et le fait culturel sont done dtroitement lids. lis se prdsupposent mutuellement. Mais en dernidre instance, ce n'est pas l'homme individuel dans sa dignitd morale qui existe pour la nation et pour la culture, mais au contraire, c'est l'homme dans sa dignitd de l'etre conscient, libre et responsable qui est k la fois le sujet et la fin de la culture. Le nationalismc ct 1'amour universe! Si nous voulons maintenant rdsumer l'attitude thdorique de la doctrine sociale de lliglise catholique k l'dgard du fait national, il faut partir du role de la culture dans le vie personnelle de l'homme. Mais la culture - qui est toujours culture d'une nation ou d'un groupe ethnique - n'est pas une fin en soi. Sa fin est la personne humaine. Ainsi, l'attitude catholique refuse toute subordination de la personne humaine k la nation et k ses valeurs. Ce n'est pas la nation qui est l'absolu. Le seul absolu est la personne humaine dans ses actes spirituels et ses libres ddcisions morales. En raison de cela, la doctrine catholique refuse tout attachement k sa propre nation qui exalte sa nation et qui mdprise les autres. Elle refuse aussi toute absolutisation de la nation. Elle la considdre comme une valeur authentique en raison de son role indispensable dans la vie spirituelle de toute personne humaine. Cependant, c'est la personne humaine dans sa libcrte responsable et morale qui est la valeur supreme. La nation ne peux justifier rein qui contredise la morale personnelle de ses membres. Or, la morale personnelle de chaque homme interdit de considdrer l'autrc comme un ennemi k liquider ou un moyen k exploiter. Au contraire, l'autre a les memes droits fondamcntaux que moi. Et c'est lk la limite morale du nationalismc et le critdre de toute conscience nationale. Comme l'a dit ddjk au XVIIdme sidcle le podte irlandais Olivier Goldsmith: "Est-il possible d'aimer mon propre pays, sans hair les natifs des autres pays? ... Certainement, c'est possible. Est s'il n'en dtait pas ainsi ... je prdfdrerais porter le titre des anciens philosophes, k savoir citoyen du monde, plutot que celui d'Anglais, de Franfais, ou dliuropden, ou de toute autre appellation"14. 13 Jean Paul II, Voyage en France 1980. Discours et Massages, Paris 1980,164. 14 O. Goldsmith, On national Prejudices, London 1763, citč dans: Nationality, Minorites, CitoyenneU. Actes du Colloque Europien tenu A Strasbourg les 26-27-28-29 juin 1993, Commission Franjaise Justice etPaix, Paris 1993,53. B D3LIOGRAPHIE 1. Aristoteles, Politica, trad. fr. Aristote, La Politique, Paris 1977. 2. Le discours social de l'Eglise catholique de Lion XIII i Jean-Paul O. Le Centurion, Paris 1985. 3. Jean Paul II. 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