Olivera Vušovic Université du Monténégro* UDK 81L133.1'37:343 VOCABULAIRE DU DROIT PÉNAL FRANÇAIS : CAS DE POLYSÉMIE EXTERNE Le présent article rend compte de la polysémie externe du vocabulaire du droit pénal français. A la différence de la polysémie interne où un terme se dote de plusieurs sens à l'intérieur d'un même domaine, la polysémie externe est relative au passage d'un terme d'un domaine à l'autre et à sa pénétration dans le vocabulaire général et vice versa. Notre étude s'appuie sur des exemples tirés de Code de procédure pénale, également présents dans le Vocabulaire juridique de Gérard Cornu. Outre cette introduction et la conclusion, notre article est composé de trois parties. Dans un premier temps, nous faisons un rapide survol des modèles théoriques de la terminologie qui ont varié au fil du temps. Dans un deuxième temps, nous envisageons le rapport entre vocabulaire général et de spécialité, pour enfin procéder à l'étude des cas relatifs au droit pénal. Notre objectif est de montrer le caractère migrateur des termes et de vérifier à quel point la polysémie externe est un phénomène répandu. 1 APPROCHES DE LA TERMINOLOGIE L'encadrement théorique traditionnel est relatif à la Théorie générale de la terminologie (TGT) proposée par Eugen Wüster. Ce modèle, « fondé davantage sur les prescriptions que sur les descriptions » (Gambier 1991: 9), préconise la monosémie et une relation stable et biunivoque entre terme et notion (chaque terme correspond à une seule notion et chaque notion est désignée par un seul terme). La démarche est onomasiologique : il faut partir des notions pour leur faire correspondre des termes. Cette vision idéaliste, orientée vers les besoins normalisateurs, tend à écarter tout ce qui pourrait nuire à la bonne compréhension du message. Sous prétexte de produire les ambiguïtés, la polysémie, l'homonymie et la synonymie sont considérées comme une atteinte à la précision terminologique. L'essor de la linguistique appliquée entraîne des remises en question des fondements classiques. L'analyse de la réalité langagière entre en divergence avec les postulats traditionnels, jugés rigides et réducteurs. Le fait d'envisager un terme comme une simple étiquette destinée à classer les connaissances ne tient plus. Négligence de valeur contextuelle du terme, exclusivité de la démarche onomasiologique, caractère fixe de relation notion-terme sont perçues comme d'importantes lacunes du modèle traditionnel. La nécessité de considérer le niveau syntaxique et la phraséologie des langues de Adresse de l'auteur : Filozofski fakultet, Studijski program za francuski jezik i književnost, Danila Bojovica bb, 81400 Nikšic, Crna Gora. Courriel : oliverav@ac.me : spécialité gagne du terrain. Le traitement des corpus mène à la mise en place d'une approche textuelle et d'une terminologie descriptive. L'enrichissement de la réflexion terminologique se poursuit par la prise en considération des dimensions sociolinguistique et pragmatique. La nouvelle approche dénommée « socio-terminologie » (Gaudin 2007) se penche sur la diversité des usages, le plan fonctionnel et la circulation sociale des termes. Les locuteurs en tant qu'émetteurs et récepteurs d'un discours reçoivent également un traitement adapté dans les recherches terminologiques. Le fait de considérer un terme comme une « unité de compréhension » nous mène à l'optique cognitive (Thelen 2002). Selon le modèle sociocognitif, le rôle de l'expérience humaine dans le processus de conceptualisation contrarie la délimitation stricte de l'espace notionnel et sous-entend la variation des définitions terminologiques. Finalement, le placement de la diversité des communautés humaines et de leurs cultures, histoires et identités au cœur de la démarche, aboutit à la naissance d'une approche culturelle de la terminologie (Diki-Kidiri 2007). La volonté d'établir l'autonomie de la terminologie par rapport aux disciplines connexes a mené à l'austérité des postulats classiques, ultérieurement remis en cause. Aujourd'hui la terminologie a suffisamment évolué pour que la distinction mot-terme soit envisagée avec plus de flexibilité. La complexité du bagage scientifique dont nous disposons aujourd'hui requiert des ressources terminologiques aptes à répondre aux besoins croissants de la société moderne. Examiner les termes en soi, sans se soucier du contexte discursif et des dimensions sociale, cognitive et culturelle se montre erroné. Tenir compte de la nature multidimensionnelle de la terminologie semble être l'approche la plus judicieuse pour aborder le problème dans toute sa complexité. 2 VOCABULAIRE GÉNÉRAL - VOCABULAIRE DE SPÉCIALITÉ Selon Le Petit Robert, la terminologie est un « vocabulaire particulier utilisé dans un domaine de la connaissance ou un domaine professionnel ». En tant que telle, elle représente une composante fondamentale de la langue de spécialité. Nombre d'études ont tenté de définir la langue de spécialité (LSP) et son statut par rapport à la langue générale (LG). Selon Maria Teresa Cabré (1998), les langues de spécialité sont en relation d'inclusion par rapport à la langue générale et en relation d'intersection avec la langue commune : Les LSP font partie intégrante de la LG et il est souvent difficile de préciser la ligne qui les sépare. Si l'on trace un parallèle entre terminologie et fonds lexical commun et si l'on prend un mot pour une unité du vocabulaire général et un terme pour une unité du vocabulaire de spécialité, comment aborder le rapport entre les deux ? Les deux empruntent les mêmes modalités morphologiques et phonologiques à la langue dans laquelle ils ont été créés. La divergence est plutôt d'ordre pragmatique. Cabré (1998 : 193) propose cinq facteurs pour les différencier : LEXIQUE COMMUN TERMINOLOGIE Fonction première : Fonction première : Connotative, émotive, factuelle etc. Référentielle Domaine : Domaine : Générique Spécifique Utilisateurs : Utilisateurs : Généraux Spécialisés Situation de communication : Situation de communication : - formalisée + formalisée Discours : Discours : Général Professionnel et scientifique « Les termes et les mots se présentent souvent sous la même forme et ne diffèrent que par leur fonction. Les mots peuvent devenir les termes et vice versa » (Sager 2000 : 43). Pour établir le statut d'une unité lexicale (mot ou terme) dans un moment et une situation donnés, il est nécessaire de l'envisager à l'intérieur d'un contexte. Entre la langue générale et la langue de spécialité il y a de constants « mouvements de flux et de reflux » (Meyer/Mackintosh 2000 : 214). Si les langues de spécialité ne disposent pas d'un terme spécifique, elles trouvent la solution dans le vocabulaire général auquel elles empruntent des mots comprenant de nombreuses acceptions. L'une d'elles sera précisée d'après les besoins du domaine en question. Lorsqu'un mot passe du vocabulaire général dans le vocabulaire de spécialité, il se produit la terminologi-sation, c'est-à-dire qu'un mot s'insère dans un discours spécialisé et y obtient le statut de terme. Par exemple, abandon est perçu comme un mot appartenant au vocabulaire général. Toutefois, le contexte juridique lui attribue plus de précision : l'article 382 de Code de procédure pénale (2013) qualifie abandon de famille comme un délit et précise quelle est l'instance juridique compétente pour en juger. Le processus inverse, à savoir le passage d'un terme vers la langue générale, est nommé déterminologisation. Par exemple, les termes sanction, avocat, alibi se sont tellement infiltrés dans notre vie de tous les jours, qu'on perd souvent de vue qu'il s'agit principalement des composantes du vocabulaire juridique. En général, ces migrations sont accompagnées par les modifications sémantiques dont les plus fréquentes sont : la restriction du sens, l'extension du sens et la métaphorisation. Soit le sens se spécialise et devient plus déterminé (terminologisa-tion), soit il s'atténue et se banalise (déterminologisation). Ces mouvements peuvent s'expliquer par la fusion des connaissances humaines qui n'admet pas une distinction nette entre les moyens servant à les faire véhiculer. De surcroît, les connaissances humaines sont en progression permanente alors que le nombre d'éléments lexicaux est limité, d'où la nécessité de les combiner et de les réutiliser. 3 ÉTUDE DE CAS : VOCABULAIRE DU DROIT PÉNAL « Ce qui caractérise la terminologie juridique c'est [...] qu'elle se rattache à une science sociale et non à une science exacte » (Terral 2004 : 877). C'est justement cet ancrage du droit dans des communautés humaines qui influence sa terminologie et résulte de son hétérogénéité. Le droit emprunte une grande partie de ses termes à la langue générale, mais il les dote d'un sens spécifique. Le Code de procédure pénale, disponible en ligne sur http://www.legifrance.gouv. fr, sert de point de départ à la constitution de notre corpus. Or, la présence d'un mot dans un texte juridique ne suffit pas pour confirmer son statut de terme juridique. Par conséquent, pour assurer la validité de notre corpus, nous avons eu recours au Vocabulaire juridique de Gérard Cornu (2011), qui prend appui sur le travail d'Henri Capitant (Vocabulaire juridique 1936) pour élaborer un dictionnaire juridique de référence, qui représente aujourd'hui un outil pratique pour tous ceux qui ont envie de s'initier au monde du droit. Dans sa Linguistique juridique, Cornu (2005) établit la distinction entre termes d'appartenance juridique exclusive et termes de double appartenance. Le seul emploi que connaissent les premiers est celui à l'intérieur du vocabulaire juridique, alors que les deuxièmes possèdent au moins un sens dans les deux champs (vocabulaire général et vocabulaire de spécialité). Notre échantillon, loin d'être un inventaire exhaustif, composé de substantifs et de verbes, connaît en vérité les deux cas. Les exemples classables dans la première catégorie sont les suivants : contumace, pourvoi, comparaître, récusation, relaxe, débouter, défendeur, écrou. Leur usage est borné au domaine juridique. En revanche, les exemples qui appartiennent à la deuxième catégorie sont ceux qui attestent la présence de la polysémie externe, c'est-à-dire ils sont présents à la fois dans le vocabulaire général et dans des domaines spécialisés. Observons les contextes dans lesquels ils peuvent être employés pour arriver aux domaines auxquels ils appartiennent : (1) blanchiment CONTEXTE DOMAINE Lutte contre le blanchiment d'argent Droit pénal Blanchiment des aliments Cuisine Blanchiment des plantes Horticulture/agriculture CONTEXTE DOMAINE Blanchiment de la pâte à papier Industrie papetière Blanchiment des planches Industrie du bois Blanchiment du cuir à l'eau de Javel Fabrication des chaussures Blanchiment des toiles Industrie textile Traitement sans blanchiment Photographie Blanchiment des dents Médecine dentaire (2) instruction CONTEXTE DOMAINE Ouverture de l'instruction Droit pénal Instruction à domicile Enseignement Instructions de programme Informatique (3) minute CONTEXTE DOMAINE Minute d'un jugement Droit pénal Minute de terrain Cartographie (4) appel CONTEXTE DOMAINE Se pourvoir en appel Droit pénal Appel de fonds Finances Planche d'appel Sport Cylindre d'appel Imprimerie (5) saisir CONTEXTE DOMAINE Saisir les biens Droit pénal Saisir la viande Cuisine Saisir des données Informatique Saisir le navire Marine (6) indice CONTEXTE DOMAINE Indices de culpabilité Droit pénal Indice des prix Economie/finances Indice céphalique Médecine Indice de dépression Psychologie Indice de réfraction Physique (7) information CONTEXTE DOMAINE Ouvrir une information Droit pénal Information du jour Journalisme Traitement de Yinformation Informatique (8) mobile CONTEXTE DOMAINE Mobile du meurtre Droit pénal Centre d'inertie d'un mobile Mécanique Mobile de minuterie Horlogerie (9) immunité CONTEXTE DOMAINE Immunité d'arrestation Droit pénal Immunité naturelle Médecine/biologie Domaine d'immunité d'un métal Métallurgie (10) incarcération CONTEXTE DOMAINE Incarcération d'un manifestant Droit pénal Incarcération du placenta Médecine (11) instance CONTEXTE DOMAINE Introduire une instance Droit pénal Instance du surmoi Psychologie (12) défense CONTEXTE DOMAINE Défense de l'accusé Droit pénal Joueurs de défense Sport Défense de l'organisme Biologie Défense portuaire Marine Mécanismes de défense Psychanalyse (13) témoin CONTEXTE DOMAINE Audition des témoins Droit pénal Témoin de connexion Informatique Témoin métallique Métallurgie (14) audition CONTEXTE DOMAINE Audition des prévenus Droit pénal Problèmes d'audition Médecine Audition devant un metteur en scène Art/théâtre (15) enquête CONTEXTE DOMAINE Enquête judiciaire Droit pénal Recueil de données grâce à l'enquête Sociologie/psychologie/statistique Journalisme d'enquête Journalisme (16) audience CONTEXTE DOMAINE Audience à huis clos Droit pénal Audience d'une émission de télévision Médias Mesurer l'audience d'un site Web Informatique CONTEXTE DOMAINE Motifs d'un jugement Droit pénal Motif répété Musique Motif textile imprimé Industrie de la confection Motif narratif Littérature Travailler sur le motif Peinture (18) jugement CONTEXTE DOMAINE Prononcer un jugement Droit pénal Jugement analytique Logique Jugement dernier Religion Pour interpréter les résultats obtenus, nous nous proposons de répondre à deux questions : Dans quel sens les migrations des termes se réalisent-elles ? Les termes subissent-ils une modification sémantique lors de ce processus et si oui, laquelle ? Dans le présent échantillon, les passages s'effectuent dans les deux sens : du vocabulaire général au vocabulaire de spécialité (blanchiment, instruction, appel, saisir, audition, défense etc.) et vice versa (immunité, incarcération). Toutefois, le premier cas est plus fréquent que le second. Les mots de la langue générale passent dans la langue de spécialité pour y désigner un concept particulier dans un domaine spécifique. De surcroît, la conceptualisation diffère selon le domaine et le groupe socio-professionnel en question. De leur côté, les termes pénètrent dans la langue de tous les jours et se voient privés de technicité et/ou dotés d'un sens figuré. En ce qui concerne le changement de sens qui se produit (ou pas) lors de ce transfert, quatre possibilités se dessinent : 1) identité de sens (absence de modification) Dans certains domaines, les notions communes à la logique humaine, relatives au raisonnement, à l'observation et à la constatation, s'emploient dans leur sens commun : Indice En psychologie, droit pénal : « Signe apparent et probable qu' une chose est, existe, qui met sur la trace de son existence » (DAF) Enquête En journalisme, sociologie, psychologie, statistique : « Recherche méthodique d'informations sur un sujet donné » (DAF) Dans d'autres domaines, ils subissent une modification ce que nous allons démontrer dans les lignes qui suivent. 2) restriction de sens La spécialisation de la signification primaire selon les domaines est l'issue la plus fréquente : Blanchiment En horticulture : « Opération consistant à priver de lumière les tiges ou les feuilles d'une plante pour empêcher la formation de la chlorophylle » (DAF) En cuisine : « Cuisson rapide d'un aliment dans de l'eau bouillante » (DAF) En industrie du bois : « Opération destinée soit à décolorer le bois et obtenir une teinte claire, soit à supprimer le tachage » (GDT) En photographie : « Bain chimique employé au cours du traitement pour convertir l'argent métallique en sel d'argent soluble » (GDT) En industrie papetière : « Élimination ou modification plus ou moins poussée de la couleur des composants d'une pâte en vue d'augmenter la blancheur de celle-ci » (GDT) Instruction En droit pénal : « Phase du procès durant laquelle sont accomplis les démarches, les recherches et les actes permettant de mettre la cause en état d'être jugée » (DAF) En informatique : « Suite de caractères écrite dans un code appelé langage de programmation, qui, dans un système d'exploitation ou un logiciel d'application, permet d'exécuter une fonction particulière » (GDT) Minute En droit : « Original d'un acte authentique dont le dépositaire ne peut se dessaisir » (DAF) En cartographie : « Document original, réalisé par levé direct sur le terrain en vue de l'établissement d'une carte » (DAF) Appel En sport : « Impulsion donnée par une poussée des jambes sur le sol, avant un saut » (DAF) En imprimerie : « Mécanisme d'entraînement de la bande en machine, généralement constitué de deux cylindres à pression réglable » (GDT) En finances : « Acte par lequel le conseil d'administration demande aux souscripteurs, par voie de résolution, de verser tout ou partie du prix convenu pour les actions auxquelles ils ont souscrit » (GDT) Saisir En cuisine : « Commencer la cuisson d'un aliment en l'exposant brièvement à une forte chaleur » (GDT) En informatique : « Introduire des données dans un ordinateur » (GDT) En marine : « Fixer solidement et maintenir un objet (une embarcation, par exemple) » (GDT) Indice En économie : « Rapport qui mesure la variation dans le temps ou dans l'espace d'une grandeur ou d'un ensemble de grandeurs » (GDT) En médecine : « Rapport entre deux ou plusieurs mesures de diverses parties du corps » (DAF) En physique : « Mesure précise de certaines propriétés de la matière ou des rayonnements » (DAF) Information En droit pénal : « Enquête menée par le juge d'instruction ou par des officiers de police judiciaire en vue d'établir la preuve d'une infraction et d'en découvrir les auteurs » (DAF) En informatique : « Élément de connaissance traduit par un ensemble de signaux selon un code déterminé, en vue d'être conservé, traité ou communiqué » (DAF) En horlogerie : « Se dit des roues, ou de toute autre pièce qui, dans un mouvement d'horlogerie, tourne autour de son pivot » (DAF) En psychologie : « Composante essentielle de la personnalité » (TLF) En droit pénal : « Procédure engagée devant une juridiction » (DAF) En droit pénal : « Personne qui dépose en justice » (TLF) En informatique : « Élément d'information qui est transmis par le serveur au navigateur lorsque l'internaute visite un site Web, et qui peut être récupéré par ce serveur lors de visites subséquentes » (GDT) En métallurgie : « Morceau d'acier placé dans une charge subissant un traitement thermochimique dans le but d'apprécier, par des examens de laboratoire, la qualité du traitement » (GDT) En droit pénal : « Action d'entendre des témoins en justice » (DAF) En art/théâtre : « Examen probatoire que subit un artiste en vue d'obtenir un engagement » (DAF) Mobile Instance Témoin Audition Enquête En droit pénal : « Recherche systématique de la vérité par l'interrogation de témoins et la réunion d'éléments d'information » (TLF) Audience En droit pénal : « Séance durant laquelle se déroulent les débats et sont rendus les jugements » (TLF) En informatique : « Nombre total d'individus effectivement touchés par un organe de presse ou par un élément déterminé de son contenu » (DAF) Motifs (au pluriel) En droit : « Raisons, exposées avant le dispositif, qui expliquent et déterminent une décision judiciaire » (DAF) 3) extension de sens (y compris la métonymie) Information En journalisme : « Fait ou événement dont font état une agence ou un organe de presse, la radio, la télévision » (DAF) Défense En sport : « Ensemble des joueurs chargés de défendre son camp » (TLF) En marine : « Morceaux de bois, tampons de cordage, pneus usagés, cylindres de matière plastique disposés le long du bord d'un navire afin d'amortir les chocs ou d'empêcher les frottements » (DAF) 4) métaphorisation Le passage du concret à l'abstrait, fondé sur l'analogie, est également une ressource importante de la polysémie : Blanchiment En droit pénal : « Action de blanchir des capitaux d'origine illégale, des profits frauduleux » (DAF) Appel En droit pénal : « Voie de recours permettant à un plaideur de demander à une juridiction du degré supérieur la réformation du jugement qu'il conteste » (DAF) Néanmoins, la valeur métaphorique de ces termes est perdue de vue et ils expriment ordinairement les concepts relatifs au domaine juridique. Comme nous pouvons le voir, les termes peuvent être assez nomades. Un même terme peut avoir des acceptions différentes pour les membres de divers groupes socio-professionnels, ce qui confirme que la contextualisation est la clé pour le dépistage de sens et que la polysémie externe est un phénomène répandu. 4 CONCLUSION « L'affirmation qui voudrait que les vocabulaires spécialisés privilégient naturellement la monosémie appartient au catalogue des idées reçues » (Van Campenhoudt 2001 : 185). L'évolution continue des connaissances humaines pose de nouveaux défis devant le système linguistique et le renforcement de ses capacités s'avère indispensable. La polysémie est inhérente au langage humain et les langues de spécialité (y compris la langue du droit) n'échappent pas au besoin d'économie linguistique. Le développement de la pensée terminologique a entraîné des approches contemporaines qui prennent en considération les dimensions discursive, sociale, cognitive et culturelle des termes. Il est évident qu'il y a une considérable interpénétration entre vocabulaire général et différents vocabulaires de spécialité. Le statut de la même unité lexicale oscille entre terme et mot. Le recours au contexte est impératif pour le repérage du sens. Le caractère migrateur des termes est d'ailleurs conforme au dynamisme des sciences en général. Cette interactivité terminologique se révèle notamment présente dans les sciences sociales. Le droit pénètre largement la vie quotidienne et « le caractère polysémique de la langue juridique vient précisément de la difficulté de tracer clairement la ligne de démarcation entre langue juridique et langue courante » (Terral 2004 : 877). La fréquence des transferts des termes d'un domaine à l'autre, ainsi que leur passage vers la langue générale et vice versa, nous permettent de conclure que la polysémie externe est un phénomène répandu. Le fait de considérer la polysémie en général comme une imperfection qui gêne le bon fonctionnement de la communication ne tient plus, « au contraire le langage devient inconcevable sans elle » (Cadiot/Lebas 2003 : 6). Références BÉJOINT, Henri/Philippe THOIRON (eds) (2000) Le sens en terminologie. Lyon : Presses universitaires de Lyon. CABRE, Maria Teresa (1998) La terminologie : théorie, méthodes et applications. Otawa : Les Presses de l'Université d'Otawa. CADIOT, Pierre/Frank LEBAS (2003) « La constitution extrinsèque du référent : présentation. » Langages 37/150, 3-8. CAPITANT, Henri (1936) Vocabulaire juridique. Paris : Presses Universitaires de France. CORNU, Gérard (2005) Linguistique juridique. Paris : Edition Montchrestein. CORNU, Gérard (2011) Vocabulaire juridique. Paris : Presses Universitaires de France. CORTÈS, Colette (ed.) (2004) Cahiers du C.I.E.L, Des fondements théoriques de la terminologie. Paris : Université de Paris 7 Denis Diderot. 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Si les langues de spécialité ne disposent pas d'un terme spécifique, elles trouvent la solution dans le vocabulaire général auquel elles empruntent des mots comprenant de nombreuses acceptions. L'une d'elles sera précisée d'après les besoins du domaine en question. Dans le présent article, nous rendons compte de l'interpénétration existant entre le vocabulaire du droit pénal français (issu de Code de procédure pénale et de Vocabulaire juridique), le vocabulaire général et d'autres vocabulaires de spécialité. Les approches contemporaines de la terminologie qui prennent en considération les dimensions discursive, sociale, cognitive et culturelle permettent d'aborder le terme avec plus de flexibilité et de ne pas le considérer comme une simple étiquette destinée à classer les connaissances. Les migrations qui s'effectuent entre vocabulaire général et vocabulaires de spécialité, connues sous les noms de terminologisation et détermino-logisation, s'accompagnent des modifications sémantiques. En fonction du contexte et du domaine spécialisé, un mot peut avoir des acceptions différentes. A titre d'exemple, le mot blanchiment ne renverra pas à la même notion pour un agent qui lutte contre la criminalité financière, un horticulteur, un cuisinier, un photographe ou un dentiste. Nous nous proposons de vérifier à quel point la polysémie externe est un phénomène répandu. Notre objectif est d'explorer ces transferts sémantiques, c'est-à-dire les diverses facettes d'un terme. Mots-clés : vocabulaire général, vocabulaire de spécialité, polysémie externe, termino-logisation, déterminologisation. Povzetek BESEDIŠČE FRANCOSKEGA KAZENSKEGA PRAVA: PRIMER ZUNANJE POLISEMIJE Polisemija je pomembno sredstvo jezikovne gospodarnosti. Če strokovni jezik nima na voljo določenega termina, najde rešitev v splošnem besedju, iz katerega si izposodi večpomenske besede. Eden izmed pomenov dane besede se na neki točki nadalje specializira glede na potrebe posamezne stroke. V prispevku osvetljujemo medsebojne povezave med besedjem francoskega kazenskega prava (kot vira služita Kodeks kazenskega postopka /Code de procédure pénale/ in Pravni slovar /Vocabulaire juridique/), splošnim slovarjem in raznimi specializiranimi slovarji. Sodobni terminološki pristopi, ki upoštevajo diskurzno, družbeno, kognitivno in kulturno dimenzijo, omogočajo, da se dani termin obravnava z več prožnosti in ne zgolj kot etiketa za klasificiranje naše vednosti. Izmenjave med splošnim in specializiranim besediščem, znane kot termino-logizacija in determinologizacija, spremljajo pomenske spremembe. Glede na svojo vlogo v sobesedilu in znotraj konkretnega strokovnega področja ima dana beseda lahko različne pomene. Tako npr. beseda blanchiment ne označuje istih pojmov za nekoga, ki se bori proti finančnemu kriminalu, kot za vrtnarja, kuharja, fotografa ali zobozdravnika. V članku skušamo dognati, koliko je zunanja polisemija razširjena, in sicer tako, da proučimo semantične prenose oz. različne vidike izbranega termina. Ključne besede: splošno besedišče, strokovno besedišče, zunanja polisemija, termino-logizacija, determinologizacija.