La Sloven ie aper^u de son histoire - sa culture - sa litterature par France Stele secretaire du P. E. N. Club Situation geographique et statistique de la Slovenie / Principales epoque de l’histoire des Slovenes / Evolution de la culture des Slovenes / Etat actuel de la culture Slovene / Litterature Slovene 1933 . Edition do P. E. N. Club, centre Slovene de Ljubljana 42>$r.(W Le P. E. N. Club, centre Slovene de Ljubljana a ete ionde en 1926 Nombre de membres: 27 Membre lionoraire: OTON ZUPANCIC Comite du P. E. N. Club, centre siovene: President: Dr. 1Z1DOR CANKAR, Ljubljana, Gradisce ? l er Vice-President: FRANCE S. FINZGAR 2 e VicerPresident: FRAN ALBRECHT Secretaire: Dr. STELE FRANCE, Ljubljana, Bleiweisova c. 24. Muzej Tresorier: JOS1P VIDMAR EX L I B R I S DB K. DOBIDA LJUBLJANA D /''5-oS/ yUjfeq- La Slovenie aperfu de son histoire - sa culture - sa litterature Introduction Les Slovenes sommes un petit peuple qui, apres une breve periode d’independance politique, perdit ses sei¬ gneurs au debut du moyen age et passa sous la domination des Bavarois, des Francs et des Allemands. II vecut ensuite anonyme pendant pres de 1000 ans, a la jonction de trois races, en un point qui pour des causes economiques et politiques fut parmi les plus convoites de l’Europe, dans une region qui fermait aux peuples de FEurope centrale Faeces a la mer et, a tous ceux qui venaient du Nord-Est, de FEst et du Sud-Est, Faeces au paradis de FEurope, FItalie. Malgre cela, ce n’est pas seulement a titre d’element ethnique que notre peuple s’est conserve car, devant le nouvel ensemble europeen, dl s’est presente avec tous les attributs d’un peuple de notre epoque: profonde consci¬ ence de soi-meme, langue exprimant une haute culture, litterature florissante, art, science aux fins determinees. Le poete Valentin Vodnik a nomme cette terre de Slo¬ venie »l’anneau de l’Europe«. L’appellation est exacte re- lativement a la geographie, l’ethnographie, l’ethnologie et la culture. Par le caractere particulier de sa culture, la Slovenie geographique unit les Alpes de FEurope centrale et le Karst cotier aux parties occidentales des plaines de Panonie. Au point de vue ethnologique, elle s’allie a des elements germaniques et romans pour former un type slave caracteristique; dl en est de meme au point de vue ethno- graphique, car les types de FEurope centrale, mediterra¬ nean et slave de Panonie s’unissent en un groupe Slovene particulier, aux confins des territoires ethnographiques germanique alpestre, italien et yougoslave. Le resultat est Fordginalite de la. culture Slovene, telle qu’elle se mani- feste en particulier dans le domaine de la litterature et des arts plastiques. 1 La variete du paysage distingue deja cette terre pitto- resque parmii toutes ses voisines, bien que, dans sa Peri¬ pherie, elle passe graduellement au caractere alpestre, italien, yougoslave-balkanique et hongrois. Le paysage Slovene est tantot romantique (Alpes), tantot melancolique et reveur (Panonie), tantot heroi'que et grave (Karst), ou lyrique, insouciant et gai (Dolenjska — Slovenske gorice). Sa physionomie est completee dune fagon caracteristique par des monuments de la culture Slovene: romantiques cha¬ teaux et mines, jolies eglises blanches couronnant ses col- lines et meme ses montagnes. A la place des chateaux et des mines d’aujourd’hui s’eleverent jadis les positions fortifiees des Illyriens, des Celtes et des Remains et, plus tard, les chateaux forts de la chevalerie du moyen age. A la place de ces jolies eglises blanches, se dresserent, au seuil des temps modernes, des camps fortifies ou le peuple se refugiait lors des guerres turques lorsque, du haut des collines, les buchers allumes — systeme d’ailleurs bien imagine — annonyaient a tons que le danger approchait. Et, dans tout le pays Slovene, conserve dans le peuple par la tradition orale, passe le charme mysterieux des contes et des legendes greffes sur le passe hdstorique depuis long- temps oublie de cette terre. La Slovenie est, dans l’Europe cultivee, un phenomene interessant a de nombreux points de vue; en sociologie et psychologie elle vous met en face de ce probleme: comment un peuple de paysans, sans independance politique, sans aristocratie, peut-il acquerir une culture qui lui est propre, une personnalite en litterature et en art? Elle pose a la geographie humaine la question suivante: comment, aux confins de trods types geographiques, en un point que sa situation exposee empeche de jamais jouir d’une tranquil- lite parfaite, se forme un type de culture particulier qui, a tour de role, fait des emprunts aux types voisins. Elle demande a l’histoire des peuples comment un peuple oublie conserve et developpe sa personnalite par des efforts in- stinctifs et tire parti de tout ce que l’histoire souveraine lui montre de profitable. Situation geographique et statistique de la Slovenie On doit distinguer deux Slovenies: La Slovenie au sens le plus etroit et aujourd’hui le plus generalement repandu qui constitue la region Nord-Est du royaume de Yougoslavie et dont les limites geographiques et administratives sont celles de la banovine de la Drave avec Ljubljana comme ville principale, et la Slovenie ethnographique; cette der- niere comprend tous les territoires ou vivent les Slovenes, c’est-a-dire, outre la banovine yougoslave de la Drave, la partie meridionale de la Carinthie dans la republique d’ Autriche et les territoires de l’ltalie du Nord ou l’on ren¬ contre une papulation Slovene compacte et qui ont pour centres Trieste et Gorizia. Geographiquement, la Slovenie ethnographique appartient aux Alpes par son centre et sa plus grande partie septentrionale, a la region du Karst mediterraneen par sa partie occidentale et meridionale et a la plaine de Panonie dans sa region orientale. La superficie de la Slovenie ethnographique mesure environ 25.000 km 2 peuples par 1,700.000 habitants; parmi ceux-la, la statistique de 1910 accusait 1,450.000 Slovenes, 135.000 Italiens, 100.000 Allemands et 15.000 Hongrois. La Slovenie yougoslave, la seule qui compte pour la vie active des Slovenes et leur culture, mesure 15.936 km 2 de super¬ ficie et comptait en 1931 1,120.549 habitants; en 1921 il y avait environ 40.000 Allemands qui ne vivent en groupes compacts qu’aux environs de Kocevje dans le sud de la banovine de la Drave (12.000), 680 Italiens et 30.000 habi¬ tants de diverses nationalites. L’emigration des Slovenes, surtout vers l’Amerique du Nord est relativement impor- tante, puiisqu’elle a attaint en 1920 le chiffre de 252.202 et on evalue le nombre total des Slovenes a 1,900.000 ames environ. La capitale administrative et le centre de la cul- 3 ture de tous les Slovenes est la ville de Ljubljana (65.000 habitants) dans la ban ovine de la Drave en Yougoslavie. Les beautes naturelles de la, Slovenie yougoslave sont celebres partout a l’etranger. Elies se concentrent surtout dans la Haute Slovenie (Gorenjska) encadree par les Alpes Juliennes dont le point culminant est le Triglav (2863 m), les Karavankes et les Alpes de Kamnik (Grintovec 2559 m). Le tourisme et les sports d’hiver y sont tres en faveur; leurs principaux centres sont la villegiature royale de Bled, dans un pay sage feerique, au bord de son lac et au pied d’un antique chateau, Bohinj avec son lac et la chute de Savica, Kranjska gora, Kranj, Kamnik et Maribor. La Slo¬ venie est egalement connue par ses eaux minerales dont la plus renommee est celle de Rogaska Slatina. Une admi¬ rable variete, due a la constitution geographique de la Slovenie, caracterise le paysage Slovene; souvent d’un ro- mantisme grandiose dans les regions alpestres, il presente partout un attrait pittoresque qu’augmentent encore les nombreux chateaux ou leurs restes et les jolies petites egli- ses, qui couronnent les Collines et meme quelques cimes plus elevees. La majeure partie de la Slovenie yougoslave appartient ethnographiquement au type alpestre de l’Europe centrale; ce type est le plus pur et le plus parfait en Haute Slovenie, pays dont la culture populaire particuliere se manifeste dans la pittoresque maison alpestre Slovene, les jolies chapelles, les ruches peintes, les croix des carrefours, les melancoli- ques chansons slaves et le riche costume national des fem¬ mes, coiffe brodee d’or et fichu qu’on ne porte plus qu’aux jours de fete. La Bela Krajina (Carniole blanche), qui est la partie la plus meridionale de la Slovenie et la Slovenska Krajina ou Prekmurje, qui en est la region orientale, ont garde la culture ethnographique jsla.ve la plus pure. Principales epoques de l’histoire des Slovenes Les Slovenes se fixerent en meme temps que les Avares sur les terres ou ils vivent aujourd’hui, lorsque, en 568, les Lombards les eurent abandonnees. Ils occuperent un terri- toire beaucoup plus vaste que la Slovenie actuelle qui s’etendait a l’Ouest jusqu’a la ligne de partage des eaux 4 entre la Drave et les fleuves septentrionaux de l’ltalie, au Nord, jusqu’aux Alpes Noriques et au Danube. Ils y ve- curent en groupes sporadiques ainsi qu’en temoignent des noms slaves de localites situees assez loin dans le territoire etnographique italien et allemand. Au cours du moyen age, la colonisation germanique intensive reduisi peu a peu le domaine des Slovenes aux limites approximatives de la Slovenie etnographique d’aujourd’hui. Sous le prince Samo (623—658), les Slovenes s’affran- chirent de la tutelle des Avares; pendant deux siecles en¬ viron, gouvernes par leurs dues, ils constituerent un Etat independant. Le centre de la Slovenie independante etait en Caninthie dans les champs de Gospa Sveta au nord de Celovec. Lorsque les Slovenes luttaient contre les Avares pour garder leur liberte, ils demanderent le secours des Bavarois chretiens et vers 750 leur due Gorazd se convertit au christianisme. Une courte lutte entre paiens et chretiens se termina, grace a l’aide des Bavarois, par le triomphe des chretiens et, des l’an 772, les Slovenes subirent defiinitive- ment l’influence de l’Occident chretien et de sa culture. Les eveques de Salzbourg et les patriarches d’Aquilee dirigerent Forganisation de l’eglise chretienne; en 811, Charlemagne leur fixa la Drave pour limite des territoires soumis a leur influence. L’episoopat de St. Methode parmi les Slovenes de Panonie (867—870) sous le gouvernement du prince Kocel n’est reste qu’un brillant episode de la lutte pour Findependance nationale. Pour avoir soutenu le prince de Panonie, Ljudevit Po- savski, qui s’etait souleve contre les Francs, les Slovenes perdirent leurs seigneurs. C’est ainsii que commemja pour eux cette periode plus que millenaire de domination etran- gere qui leur aliena la noblesse et essaya meme de les denationaliser completement. Apres la defaite des Magyars a la bataille d’Augsbourg en 955, les Germains commen- cerent une colonisation systematique, economique et so- ciale de la Slovenie. Par une etrange ironie du sort, ce fut cette colonisation meme qui, a partir du XVI e siecle, devint Pinstrument grace auquel la masse anonyme du peuple Slovene reprit peu a peu sa conscience nationale. Les re¬ voltes paysannes des XV e et XVI e siecles et la reforme pro- testante du XYI e siecle a la fete de laquelle etait Primoz Trubar marquent pour les Slovenes le commencement 5 d une revolution culturelle et sociale. Ce mouvement re<;ut une impulsion plus forte pendant la breve duree de l’autonomie des Provinces Illyriennes (1809—1813) que Napoleon forma d’elements Slovenes et croates pour rendre plus efficace le blocus continental contre l’Angleterre. La courte revolution autricbienne de 1848 qui restera dans l’histoire le »printemps des nations* eut une heureuse influence sur l’emancipation des Slovenes. Pourvus de tons les attributs, de toutes les fonctions d’une nationalite auto- nome, les Slovenes se sont unis aux Croates et aux Serbes en un Etat Yougoslave commun (1918). La sombre et penible histoire millenaire du peuple Slo¬ vene lui a legue un heritage precieux; c’est son veritable esprit democratique sur qui ne pese nulle obligation sociale de classes, qui ne connait d’autres obligations que celles de l’organisme unitaire d’un peuple travailleur qui, en face de la vivante epoque contemporaine, s’est cree tous les organes necessaires a une vie nationale consciente. Les Slovenes n’ont point conserve de luxueuses capitales roya- les; conscients du present, ils n’ont garde du passe qu’un tres vieux symbole lie a des signes concrets, l’expression du profond mysticisme histonique du passe Slovene, le sou¬ venir de la ceremonie democratique de l’investiture des seigneurs Slovenes de Carinthie dans les champs de Gospa Sveta au nord de Celovec. La tradition de Finvestiture par le peuple etait si profondement enracinee que meme les souverains de race etrangere la respecterent jusqu’a la fin du moyen age. La derniere investiture eut lieu en 1414. Les monuments qui rappellent cette ceremonie sont la pierre seigneuriale au musee de Klagenfurt qui se trouvait au cha¬ teau de Krn, le trone des dues du champ de Gospa Sveta et l’eglise du meme nom au nord de Klagenfurt en Ca¬ rinthie autrichienne qui est encore aujourd’hui un pele- rinage Slovene tres populaire. Evolution de la culture de Slovenes En 1414, lorsque avec la derniere investiture des sei¬ gneurs de Carinthie disparut l’ultime souvenir de l’inde- pendance politique des Slovenes, on put croire que le peu¬ ple Slovene sombrait a jamais dans l’ocean germanique. Mais ce fut justement le systeme feodal de l’Europe occi- 6 dentale, qui, apres avoir ete le plus puissant instrument de la denationalisation des Slovenes, provoqua dans la masse asservie de ce peuple travailleur une opposition dont les premieres manifestations furent les revoltes paysannes des XV e et XVI e siecles. Pour les Slovenes qui, depuis leur conversion au christianisme, avaient constamment partage le sort des peuples de l’Europe occidentale dans leur evo¬ lution politique et mentale, ce mouvement represente l’eveil de la conscience sociale; elle s’affirma dans la lutte pour le »vieux droit« et dans la devise »Le vkup, le vkup, uboga gmajna< (Tous ensemble, miserable glebe). Cette premiere lueur de la conscience sooiale du peuple a ete le point de depart de revolution de la personnalite nationale Slovene. Une impulsion inattendue lui fut donnee par la crise reli- gieuse, echo de la reforme de Luther, qui se produit vers le milieu du XVI e siecle sous la direction de Primoz Trubar. En posant les bases de la litterature Slovene, la Reforme donna au mouvement national Slovene un instrument indis¬ pensable. Le plus ancien monument de la langue Slovene ecrite avait ete compose vers l’an 1000 par un etranger, un pretre de Freising; a la fin du moyen age cet idiome ne vivait plus que dans la bouche du peuple, dans les pri- eres, la tradition nationale et les chansons. La Reforme fit entrer la langue Slovene dans la voie d’une evolution orga- nique litteraire qui, depuis lors, n’a jamais ete absolument interrompue. Le protestantisme a. produit tous les livres necessaires a ses besoms et ceux-la ont meme partiellement servi aux Slovenes a l’epoque suivante de contre-reforme et a l’epoque de restauration catholique au XVII e et XYIII e siecles. Cette derniere a cependant relegue le livre Slovene au second plan, mais elle a enrichi la culture Slovene dans un autre domaine, celui des arts plastiques. II y a dans cette epoque un fait particulierement important et significatif pour le developpement de la conscience nationale ulteri- eure: elle a, la premiere, realise en Slovenie un ideal de culture locale en s’appuyant sur le patriotisme provincial dont les travaux de 1’eveque contre-reformateur Thomas Hren (l® re moitie du XVII e siecle), l’atelier graphique de Wagensperg ou se concentra tout le travail topographique du cercle de Valvasor et surtout la creation de 1’Academie operosorum a Ljubljana en 1693 et les travaux de ses mem- bres dans le domaine des arts plastiques en particulier sont 7 autant de temoignages. A l’epoque de la floraison du »ba- roque« de Ljubljana au XYIII e siecle, les Slovenes voient se realiser pour la premiere fois au cours de leur histoire, le desir d’avoir un art plastique cree par des artistes de leur sang et qui a embrasse toute la production artistique d’une epoque, depuis la creation populaire jusqu’a l’art aristocratique. Le baroque a realise en Slovenie, pour la culture locale qui n’etait pas encore nationale, la coopera¬ tion ideale, bien que dirigee dans un sens unique, de tout l’organisme social de son temps. II a ainsi prepare, pose les assises de l’epoque suivante, celle du rationalisme de l’Europe occidentale (a partir du milieu du XVIII e siecle), celle ou le souci de la litterature, des livres, reparait au premier plan. C’est alors que la Grande Revolution frail gaise aborda de nouveau dans toute sa rigueur le probleme social et par ail- leurs, avec le rationalisme, posa particulierement le probleme de l’egalite des nations et comme jadis la Reforme, involon- tairement hata leur re veil. In n’y avait pas encore de con¬ science nationale Slovene, mais il y avait, surtout au coeur de la Slovenie, dans Fancienne province autricbienne de Car- niole avec Ljubljana a sa tete, une conscience provinciale. Elle trouva une impulsion nouvelle, en meme temps qu’un eorrectif qui devait la faire evoluer vers une conscience nationale, dans les travaux du cercle rationaliste de Cojz (fin du XVIII e siecle et debut du XIX e ) et dans la breve autonomie d’une formation politique yougoslave, les Pro¬ vinces Illyriennes sous le protectorat frangais. Les Provin¬ ces Illyriennes virent une haute ecole centrale pour tons les pays Slovenes s’ouvrir a Ljubljana et la langue Slovene devenir dans les ecoles l’egale de Fallemand et de 1 italien. Cet ideal alors realise, jamais plus les Slovenes ne Font raye de leur programme. Malgre la reaction allemande qui se produiisit dans la premiere moitie du XIX e siecle, c’est alors que penetrait en Slovenie non seulement l’idee de la communaute de tous les Slovenes administrativement re¬ partis en cinq provinces, mais encore l’idee d’une union avec les autres Slaves. Cette idee d’unite yougoslave en- gendra le programme dit illyrien qui comprenait aussi l’unite de langue et de litterature. Mais, a cet instant cri¬ tique de l’evolution de l’ideal national, le plus grand poete Slovene France Preseren porta l’expression artistique de la langue litteraire Slovene a un tel degre de perfection 8 qu’elle est devenue pour toujours la base fondamentale et irrefutable de la culture Slovene. La revolution autrichienne de 1848 ajouta a la maturite litteraire des Slovenes leur maturite politique. La Slovenie unifiee, tel fut le premier ideal politique des Slovenes, ideal qui aujourd’hui encore n’est pas realise puisque les Slovenes sont repartis entre trois Etais. Dans la deuxieme moitie du XIX e siecle, revo¬ lution politique tres active, a ete suivie d’une evolution litteraire plus active encore. A la fin du XIX e siecle, le beau livre Slovene et surtout la poesie s’eleve a la condi¬ tion d’organisme artistique fortement constitue. Les arts plastiques ont au debut du XX e siecle, suivi le mouvement litteraire Slovene. En relations etroiites avec les ecrivains, les artistes sont entres en lice sous la direction des pedntres impressdonnistes et ont meme tenu dans la vie nationale une place tout aussi importante. La peinture a atteint dans Fimpressionisme Slovene au debut du XX e siecle un de- veloppement considerable; la sculpture et l’architecture ont suivi. Depuis la guerre, l’architecture a partage avec la peinture la place preponderante que cette derniere parti- culierement populaire chez les Slovenes occupait seule. Peinture et architecture ont ete les renovatrices du gout artistique en general. La musique et le theatre ont evolue parallelement aux autres arts et nous pouvons dire que, depuis la fin du XIX e siecle, la vie artistique Slovene a avance d’un pas tout a fait contemporain. La culture Slo¬ vene qui, au prix de longs efforts, s’etait epanouie dans les dix dernieres annees qui precederent la guerre a fait des progres inattendus. Elle les a accomplis grace a la liberte politique obtenue par les Slovenes apres la defaite de l’Autriche en 1918 et leur reunion aux Serbes et aux Croates en un Etat Yougoslave independant. Cette reunion commenfa par faire de l’ideal seculaire des Slovenes une realite en creant l’Universite de Ljubljana. Bientot apres, c'etait la fondation de la Societe savante des sciences hu- manistes et de quelques autres societes savantes speciali- sees. Ainsi, apres la guerre, un dernier facteur de la cul¬ ture nationale est entre en jeu. A la politique, a la litera¬ ture et a Fart est venue s’ajouter la science qui a atteint un grand developpement au cours des dix premieres annees d’existence de la Yougoslavie. La reunion administrative de tous les Slovenes de Yougoslavie dans la banovine de Drave 9 est, au moins pour cette importante partie du peuple Slo¬ vene, la realisation du desir si profond d’une Slovenie uni- fiee. Ljubljana, sa ville principale a pu centraliser toutes les forces actives de la culture Slovene, chose qua eut ete absolument impossible dans la petite ville provinciale d’Autriche qu’etait Ljubljana avant la guerre. L’evolution de la culture des Slovenes du moyen age jusqu’a nos jours presente dans le domaine de la sociologie, de Lhistoire, de la psychologic des masses et de revolution politique assez d’interet pour meriter une etude plus appro- fondie et toute l’attention des theoriciens. Etat actuel de la culture Slovene La culture Slovene, pyramide qui s’est elevee dans un sens bien determine, est sortie des oirconstances sociales, religieuses, morales et politiques qu’a traversees le peuple Slovene au cours de quatre siecles. Elle represente aujourd’- hui un edifice imposant dont la base repose sur 1a. masse du peuple instruite et animee de sentiments democratiques. Son premier degre est represente par ses ecoles primaires dont le reseau n’est pas loin d’atteindre la perfection; son deuxieme degre reside dans ses ecoles secondaires et ses ecoles professionnelles; elle s’eleve ensuite dans les orga¬ nisations intellectuelles de toute tendance, de toute espece, d’education physique et morale qui penetrent jusqu’au moindre village; la Litterature et les arts, les organisations savantes avec la Societe savante des sciences humanistes, la Galerie Nationale et le Theatre national terminent l’edi- fice dont le sommet est constitue par l’Universite Slovene de Ljubljana. Le niveau de Instruction dans toutes les classes du peuple Slovene peut rdvaliser avec celui des peuples euro- peens les plus avances. D’apres une statistique de 1910, les Slovenes pris dans leur ensemble avaient un pourcentage d’illettres de 14'65 et se plagaient au quatrieme rang parmi les peuples d’Autriche; entre les ages de 10 et 20 ans, le pourcentage d’illettres tombait a 3-3% et plagait les Slo¬ venes au troisieme rang. Une statistique de 1931 montre qu’un Slovene sur 13 souscrit a une de ces diverses societes qui, une fois par an, publient plusieurs livres offrant des lectures a 1a, portee de 10 tous. Ces societes reunies publient un total d’environ 640.000 livres par an. En 1931, on a en outre achete en Slo¬ venie 249.000 autres livres Slovenes ce qui, sans les journaux, porte le nombre des volumes Slovenes places en Slovenie yougoslave a 900.000 environ et donne une proportion d’au moins un livre pour tout Slovene yougoslave sachant lire. Les journaux populaires et journaux de piete atteignent un tirage de 30.000 a 40.000 exemplaires et les grands quo- tidiens ont un tirage de 30.000 pour leur numeros du di- manche et de 20.000 ou au dela pour les autres jours. En 1927, il y avait dans la Slovenie yougoslave 815 ecoles primaires comptant 2879 classes, 2907 instituteurs et 130.000 eleves et 37 ecoles primaires superieures avec 183 classes, 7189 eleves et 307 professeurs. Au dela de l’ecole primaire, la jeunesse continue a se cultiver; partout sont organ,isees des ecoles de perfectionnement agricoles, mena- geres, et des cours professionnels qui instrument les jeunes gens jusqu’au service militaire, torment de bonnes mena- geres et des apprentis et des agriculteurs eclaires. Les ecoles secondaires atteignaient en Slovenie en 1927 le nombre de 14 et comprenaient 175 classes, 6607 eleves et 278 professeurs. II y existait en outre une ecole secon- daire technique (arts et metiers) a Ljubljana, une Academie de commerce a Ljubljana et quatre ecoles commerciales a deux classes. Jusque dans les villages les plus recules, on trouve en Slovenie des societes bien organisees qui se proposent de completer l’instruction et 1’education de l’ecole. En 1932, les principales de ces organisations se groupaient autour de la Prosvetna Zveza (Societe d’instruction et d’education) de Ljubljana et de Maribor formant un total de 426 societes et de 26.000 membres avec des locaux de reunion, des biblio- theques, des sections dramatiques et des chorales. Un autre groupe s’organisait en Zveza kulturnih drustev (Union des Societes culturelles) de Ljubljana et Maribor et comprenait 427 societes avec 50.000 membres environ, de nombreuses salles de lecture et bibliotheques, des chorales et des sec¬ tions dramatiques. La culture physique est donnee par les societes Sokols qui sont en Slovenie au nombre de 293, comptent 52.200 mem¬ bres et comprennent aussi des sections de culture intellec- tuelle. Pour travailler a l’instruction du peuple, il existe 11 encore un certain nombre d’organisations religieuses ou creees par un corps professionnel ou autre, parmi lesquelles les plus importantes sont l’organisation ouvriere socialiste Svoboda (La liberte) qui en 1928 avait 35 succursales, 2000 membres et 18 bibliotheques et la Zveza kmeckih fantov in deklet (Union de la jeunesse paysanne) qui comptait 15 societes et 641 membres. Le nombre total des societes s’elevait en 1928 a 4372. En 1932 la Slovenie avait 507 bi¬ bliotheques publiques avec un total de 1,000.000 de volumes environ; parmi ces bibliotheques, 395 avec 360.000 volumes etaient des bibliotheques populaires ou appartenant a quelque societe et 51 avec 200.000 volumes etaient des bibliotheques scolaires. Chez les Slovenes des dernieres generations, les arts et les lettres sont montes a un niveau eleve. Ils se developpent en rapport . etroit avec les courants directeurs de l’Europe centrale et occidentale et gardent cependant des traits fondamentaux Slovenes, natio- naux. L’education des jeunes artistes Slovenes se fait sur- tout par Zagreb et Prague. Le foyer de la vie artistique Slovene est Ljubljana ou les expositions artistiques se concentrent au pavilion d’art de Jakopic. La mesure du niveau et du developpement de Farchitecture Slovene est donnee par la transformation architechtonique de Ljubljana a laquelle on travaille syste- matiquement depuis une dizaine d’annees'. Le theatre dra- matique de Ljubljana est le foyer de Fart dramatique Slovene: ceux de la musique sont le Conservatoire, la Phil¬ harmonic et Fopera de Ljubljana. La production Slovene est assez considerable, en musique surtout; elle est com- pletee, au theatre et en musique, en premier lieu par la production slave et ensuite par la production mondiale contemporaine. Les pieces classiques (Shakespeare en par- ticulier) sont tres en faveur aussi bien au drame qu’a Fopera ou les operettes sont a Farr,iere-plan. La litterature et la publicite de tous genres sont floris- santes. En 1927 le journalisme Slovene comprenait 6 quoti- diens, 18 hebdomadaires, 58 publications mensuelles, 9 bi- mensuelles et 27 feuilles paraissant periodiquement. II y a quelques editions particulierement importantes pour l’education nationale; ce sont celles qui, pour une souscription minime offrent chaque annee a leurs abonnes un certain nombre de livres et un almanach. La plus impor- 12 tante de ces editions est la Druzba sv. Mohorja (Societe de St. Hermagore); fondee en 1852 a Celovee (Klagenfurt) aujourd’hui ville d’Autriche, elle a son siege actuel a Celje et en 1951 comptait 61.848 membres; viennent ensuite Vodni- kova druzba (Societe Yodnik) fondee a Ljubljana en 1926 et ayant 20.000 souscripteurs, Kmetijska Matica, Cankar- jeva druzba (Societe Cankar), Mladinska Matica (Edition pour la Jeunesse), la Societe de St. Hermagore de Gorizia et la Goriska Matica. Toutes ces editions reunissent plus de 100.000 abonnes; en 1919 lorsqu’elle pouvait encore fournir des livres aux Slovenes non Yougoslaves, la Societe de St. Hermagore en comptait a elle seule 95.000. Les diverses maisons d’edition Slovenes en dehors des societes dont nous venons de parler ont en 1931 publie 498 livres sans compter les revues. Leurs tirages varient de 1000 a 5000 exemplaires environ. L’edition d ouvrages litte- raires et de livres instructifs s’est, il y a quelques annees organisee en series; contre paiement d’une certaine sous- cription mensuelle, on regoit regulierement les ouvrages paradssant d’apres un programme etabli d’avance. Parmi ces editions les plus importantes sont la Jugoslovanska knji- garna (Librairie yougoslave) qui publie en 4 ou 5 series 15 ou 25 ouvrages, la Tiskovna Zadruga qui publie annuel- lement 11 volumes en 3 series, Modra ptica (l’Oiseau bleu) qui en donne 4 et les editions Hram qui donnent 9 volu¬ mes par an. Les deux plus importantes de ces editions combinent la production Slovene et la traduction, les essais et les pu¬ blications savantes. Sous Fimpulsion de cette production plus intensive, la presentation exterieure des ouvrages' s’est amelioree; la qualite des traductions des oeuvres etrangeres s’est elevee. Le grand maitre de la langue Slovene con- temporaine, Oton Zupancic, est un traducteur des plus emerites. Pour ce qui touche a la litterature et aux essais, la pre¬ miere place appartient encore aujourd’hui aux leaders tra- ditionnels de la vie litteraire Slovene, Ljubljanskd Zvon (La Cloche de Ljubljana) qui compte deja 53 ans d’exi- stence et Dom in Svet (Patrie et Monde) qui en est a sa 46 e annee. Line nouvelle revue, Sodobnost, vient de leur etre adjainte en 1933; elle promet d’etre excellente surtout dans les essais. 13 Deux quotidiens -se placent au premier rang dans le journalisme Slovene. Ce sont le Slovenec (le Slovene) de Ljubljana, organe des catholiques Slovenes qui parait de- puis 61 ans et le Jutro (le Matin) de Ljubljana, organe du public liberal paraissant depuis 14 ans. Le Slovenski Narod (La Nation Slovene) de Ljubljana compte 56 annees d’exi- stence, mais depuis la guerre il n’a plus qu’un interet local limite a Ljubljana. C’est au cours du XIX e siecle que les Slovenes se sont peu a peu prepares a avoir leur propre science. A la fin du siecle dernier et au debut du XX e siecle, lors de la lutte pour l’Universite Slovene de Ljubljana, le besoiin s’en fai- sait sentir de plus en plus. Plus la lutte devenait acharnee et plus les Slovenes se rendaient compte qu’un sucees sou- dain pouvait les rnettre en face d’une evidence desagreable: ils n’avaient pas assez de personnel savant qualif.ie, bien qu a cette epoque meme et dans les siecles passes, ils eus- sent fourni aux Universite de Graz et de Vienne de savants professeurs de renom. Lorsque de jeunes savants Slovenes out commence a se preparer a faire leur carriere dans 1 Uni¬ versite Slovene de Ljubljana, le besoin d’une litterature scientifique Slovene, et d’une terminologie Slovene est de- venu imperieux. Les branches de la science Slovene qui ont d’ailleurs eu le plus de succes jusqu’ a present se placerent en tete tout d’abord; ce furent la philologie slave (les Slo¬ venes Kopitar et Miklosic avaient ete parmi ses fondateurs) et le droit. II fallut satisfaire au besoin de publications scientifiques et c’est dans ce but que fut fondee en 1863 la Matica slovenska; elle resta jusqu’a la guerre avec la So- ciete populaire de St. Hermagore la plus importante societe de publication litteraire Slovene. Les juristes avaient fonde leur societe (le Juriste) en 1887; elle publiait l’organe Slo¬ venski Pravnik (le Juriste Slovene) et eut jusqu’a la fonda- tion de 1’Universiite de Ljubljana le plus grand merite pour le developpement de la langue scientifique Slovene. Une autre organisation savante d’avant-guerre etait la »Leonova druzba« fondee en 1895. Avec la publication de sGradivo za zgodovino Slovencev v srednjein veku« (Ma- teriaux pour l’histoire des Slovenes au moyen age par Franc et Milko Kos) elle a pose les bases de la science historique Slovene. Elle publie sa revue savante »Cas« (le Temps). 14 Apres la philologie slave et le droit se developperent au XIX e siecle la theologie et la philosophic (Usenicnik) et avant la guerre la sociologie (Krek et Usenicnik) et la pe¬ dagogic (creation de la Solska Matica en 1899). La creation de l’Universate de Ljubljana en 1919 tut une veritable revolution dans la science Slovene ou elle provoqua un mouvement d’une grande activite. Sous son influence, la Muzejsko drustvo (Societe du Musee) qui pu- blie Glasnik Muzejskega drustva za Slovenijo (Bulletin de la Societe du Musee a Ljubljana) et la Societe historique de Maribor qui publie un Journal d’histoire (Casopis za zgodovino in narodopisje), ont reorganise leur travail sur des bases scientifiques. La section d’hiistoire naturelle de la Societe du Musee a commence des Traites d’histoire na¬ turelle (Razprave). L’academie de theologie s’est separee de la Leonova druzba et fait paraitre le Bulletin de theo¬ logie (Bogoslovni vestnik); le Musee ethnographique de Ljubljana edite le journal »Ethnologue«; le seminaire de philologie slave le Journal de langue Slovene, de Litera¬ ture et d’histoire (Casopis za slovenski jezik, knjizevnost in zgodovino). La faculte de droit donne ses Razprave (Dis¬ sertations). La Societe de l’histoire de Fart dont l’organe est les »Archives d’histoire de l’art« (Zbornik za umet- nostno zgodovino) et la Societe geographique avec le Bulle¬ tin de geographic (Geografski vestnik) sont en etroit rap¬ port avec les seminaires de l’Universite. La plus haute orga¬ nisation savante Slovene (Znanstveno drustvo), celle qui devrait se transformer en Academie savante est la Societe savante des sciences humanistes qui publie Dissertations et Travaux. II est impossible a la science de progresser sans hiblio- theques scientifiques; c’est pourquoi nous remarquons apres la guerre un developpement considerable des bibliotheques. La bibliotheque nationale d’etudes a Ljubljana existe de- puis 1774 et reste la bibliotheque centrale Slovene, mais une autre s’est organisee a Maribor; a Ljubljana, les se¬ minaires et instituts ont aussi leurs bibliotheques scientifi¬ ques ou speciales a une branche d’etudes; au debut de 1933, il y avait en Slovenie 91 bibliotheques scientifiques ou specialisees comprenant 413.027 fascicules. Un rapport tres etroit existe entre l’organisation et le progres de la science Slovene et la creation de la Narodna 15 galerija (Galerie Nationale) a Ljubljana qui doit rassem- bler une galerie de peinture Slovene depuis le moyen age jusqu’a nos jours. Cette galerie agrandie sera inauguree nouvellement cette annee et presentera une particularite documentaire dnteressante parmi toutes les galeries locales d’Europe, du fait de la situation tout a fait exceptionelle des Slovenes aux confins de trois races et de trois cultures. Les Slovenes considerent leur Universite de Ljubljana comme le point culminant de leur culture d’aujourd’hui. Au cours de l’histodre ils n’ont lutte avec une pareille perseverance ni fait autant d’efforts pour nulle autre cause. Aux aubes de la regeneration nationale en 1848, leur pre¬ miere pensee fut l’Universite Slovene. Ils Font demandee d’une faijon de plus en plus pressante jusqu’a la fin du XIX e siecle et avec une energie croissante au XX e siecle jusqu’a la guerre. Apres la creation de l’Etat yougoslave, une loi de 1919 la leur donna comme le fruit le plus precieux de la liberte politique reconquise. L’Universite de Ljubljana compte aujourd’hui cinq facultes: lettres, theologie, droit, sciences et medecine, cette derniere encore incomplete. Pendant le semestre d’ete de 1932, elle comptadt 1728 audi- teurs reguliers et 19 auditeurs libres et a done depuis long- temps depasse par son effectif mainte Universite prospere d’Allemagne ou d’Autriche d’avant la guerre. Litteratuie Slovene L’origine de la litterature Slovene est liee au mouvement religieux qui, apres la Reforme de Luther, agita au XYI e siecle toute l’Europe centrale et la, comme ailleurs, eut une heureuse influence sur le developpement des litteratures nationales. Le promoteur de 1a. Reforme Slovene, Primoz Trubar reconnut de quelle importance etait pour la pro¬ pagation des idees nouvelles le livre limprime intelligible pour la masse du peuple et fut ainsi le vrai pere des let¬ tres Slovenes. En 1551 parut le premier livre Slovene im- prime, l’Alphabet de Trubar. Dans les cinquante annees qui suivirent, ce fut, avec la floraison du protestantisme Slovene, une vive activite litteraire qui s’efforga surtout de donner a la nouvelle organisation religieuse le repertoire necessaire. La traduction Slovene de la Bible publiee dans une excellente edition typographique par Jurij Dalmatin 16 en 1584 eut un sens fondamental dans le developpement de la litterature Slovene; la premiere grammaire de la langue slovene publiee par Adam Bohoric en 1584 et le dictionnaire de Megiser dont la premiere edition date de 1592 ont ega- lement une importance capitale. La base linguistique posee par la litterature protestante Slovene a fait autorite jusqu’a nos jours; la Bible de Dalmatin en particulier a entretenu la continuity de la langue, meme au temps de la contre- reforme catholique; la langue litteraire Slovene n’a pas modifie ses bases et sa forme actuelle n’est que la conti¬ nuation de ces premiers debuts. La reaction catholique et la restauration du XVII e et de la premiere moitie du XVIII e siecle arreta, il est vrai le developpement florissant des lettres Slovenes, mais prit et garda pour le progress de la langue ecrite, ainsi qu’il est dit plus haut, 1a. base jetee par les protestants. Cette epoque se manifesta surtout par une riche culture artistique plastique et fit de Ljubljana un centre artistique important dont l’influence depassa les limites du territoire ethnographique Slovene; elle a cepen- dant sa place marquee dans le developpement des lettres Slovenes car, sortant de l’etroite sphere litteraire propre- ment dite, elle a developpe le style rethorique Slovene qui, dans la realite protestante, a mis le contraste de la richesse des images, l’exuberance de l’expression et ainsi modele a cote du style protestant clair et concret le style ne de l’ima- gination erudite des predicateurs de Fepoque »baroque«. L’epoque suivante, celle du rationalisme slovene dont la personnalite la plus marquante est son mecene le baron Ziga Cojz, se remit au travail pour la creation d’un reper¬ toire litteraire complet. Ce n’etait plus la religion seule qui dirigeait le mouvement; pour la premiere fois, le cote laique passait au premier plan et se tournait vers les ques¬ tions pratiques et en partie vers les questions linguisti- ques-artistiques. De nouveau les efforts se porterent tout d’abord sur la grammaire et le vocabulaire, sur la con¬ struction theorique de la langue; pendant la courte duree de l’lllyrie napoleonienne ou les Slovenes possedent leurs propres ecoles primaires, on s’occupa des livres scolaires; enfin, on crea un nouveau repertoire religieux avec la premiere edition catholique des Saintes Ecritures (1784— 1802). Les »Nouvelles de Ljubljana« (1797—1800) furent le premier journal slovene. L’importance de cette epoque La SlovSnie. 2 17 pour les generations a venir est surtout dans le fait qu’elle a pose les bases de la poesie Slovene par les travaux de Valentin Vodnik, poete qui n’a guere d’interet que pour les Slovenes et grace aux efforts de Marko Pohlin, A. Lin- hart et du baron 2iga Cojz. L’epoque du romantisme europeen eut une influence decisive sur l’avenir de la culture Slovene. C’est sous son impulsion que fleurit la vraie poesie Slovene realisant toutes les aspirations de son temps dans les oeuvres de France Preseren (1800—1849), le plus grand des poetes Slovenes. Preseren et son ami Matija Cop, le premier historien litte- raire Slovene, eurent une action decisive sur le develop- pement et le progres de la tradition linguistique Slovene, vieille a peine de deux siecles et demis. Dans la langue poetique de Preseren, simple, pure, mure par l’exactitude de l’expression, le Slovene a fait un grand pas; les sonnets de Preseren, d’une forme poetique parfaite, pourraient se mettre en regard de ceux de Petrarque; la perfection de la forme de sa Guirlande de sonnets a realise l’ideal des theories poetiques romantiques sans tomber dans la retho- rique du formalisme creux. Preseren unit en lui la sim- plicite de la poesie populaire nationale et la forme la plus parfaite de son epoque. II a collabore au premier almanach poetique Slovene de quelque importance, Kranjska Cbelica (l’Abeille de Carniole) 1830—34 et n’a publie ses Poesies qu’en 1846. Apres la revolution de 1848, la vie publique Slovene se developpa rapidement. Toutes les energies se concentrerent d’abord vers l’affermissement de la conscience nationale. Le premier homme politique Slovene Janez Bleiweis fonda en 1843 les Novice (Nouvelles) qui fut le premier journal politique et d’information Slovene. En 1852 fut creee a Celovec la grande Societe de St. Hermagore qui se pro¬ posal de repandre le livre Slovene dans la masse du peuple; des 1863 une autre societe aux vues plus hautes fut fondee: la Matica Slovenska: a l’exemple de societes similaires chez les autres Slaves, elle cultiva outre les ouvrages in- structifs et la litterature proprement dite, la langue sa- vante; jusqu’a la fin du XIX e siecle, la Matica Slovenska tint lieu aux Slovenes de societe savante. Le plus important des poetes de cette epoque est Simon Jenko (1835—69), le 18 poete du lyrisme national et amoureux. Son contemporain Josip Jurcic (1844—81) a donne aux Slovenes le roman populaire qui a ete a l’origine du developpement du roman Slovene. La litterature Slovene, la langue, la culture dans son ensemble trouverent leur premier critique de valeur en France Levstik (1831—1897) qui donna dans son »Martin Krpan« un des meilleurs textes Slovenes classiques en prose. Le fin lettre, le critique erudit que fut Josip Stritar (1833—1923) donna a la litterature Slovene un appui solide en fondant une revue litteraire de Laute tenue, Zvon (La Cloche) qui parut a Vienne de 1870 a 1880 et a laquelle succeda Ljubljanski Zvon (La Cloche de Ljubljana) qui parait encore aujourd’hui. Autour de Stritar se groupa la premiere generation d’ecrivains Slovenes qui oscillait entre l’ideal romantique du passe et le realisme actuel, d’ailleurs en theorie combattu par Stritar. II y eut la, outre Josip Jurcic, Janko Kersnik le premier romancier de la societe Slovene cultivee de Tepoque et Ivan Tavcar dont les recits et les nouvelles ont souvent puise leurs sujets dans Lhistoire et, parmi les poetes, le meilleUr de tous les lyriques de cette generation, le populaire Simon Gregorcic. Ce groupe et tout ce que la litterature Slovene comptait alors d’important se reunit ensuite autour de Ljubljanski Zvon qui avait succede au Zvon de Stritar. De nouveaux ecrivains parurent: le conteur populaire France Detela et le celebre poete des ballades Slovenes, Anton Askerc 1856—1912. Du besoin d’une litterature a la portee de tous, d’un caractere familial, recreatif, est nee la premiere revue des families ayant connu le succes; le Dom in Svet (Fatrie et Monde) fonde en 1888, plus tard en rapport etroit avec le developpement des organisations catholiques est devenue une influente revue litteraire. Depuis lors, dans les cercles cultives Slovenes, il y a une dualite marquee, meme dans la publicite litteraire. Dom in Svet s’est abstenu depuis 1914, avec son redacteur Izidor Cankar et ses successeurs, de toute esthetique ou critique utilitaire ou d’a priori et represente, au meme titre que le Ljubljanski Zvon pour Fepoque de la guerre et de l’apres-guerre la vie litteraire Slovene. 19 II y a deja pres d’un demi-siecle que les ideals et les courants de la litterature Slovene s’affermissent en groupes qui se reunissent autour de Ljubljanski Zvon et de Dom in Svet. C’est exclusivement dans le cadre de Dom in Svet que s’est forme un des meilleurs stylistes de la prose Slo¬ vene Fran S. Finzgar. Ivan Pregelj, dont le roman Plebanus Joannes est considere comme le plus grand chef-d’oeuvre de la litterature Slovene d’apres-guerre, est aussi intime- ment lie au developpement le plus recent de cette revue. C’est sous l’influence de Ljubljanski Zvon et en partie de la lutte avec le poete Anton Askerc son redacteur, que naquit la generation litteraire eclairee de l’aurore fin-de- siecle. Son travail fut, pour le developpement de la langue litteraire Slovene, le plus grand evenement apres Preseren; il prepara pour l’avenir une epoque de jeunesse semblable par son exuberance au Sturm und Drang allemand et pour sa forme creatrice a l’italien »il dolce stil nuovo«. Les precurseurs de cette epoque active sont Fran Govekar qui fut enthousiasme par le naturalisme europeen et Ksaver Mesko tout impregne d’un lyrisme sentimental sur lequel passe un souffle d’analyse psychologique des faits person¬ nels. Rado Murnik a surtout ete un ecrivain humoriste. La generation qui fit ses debuts vers 1900 a de beaucoup surpasse ces debuts; par sa valeur interieure et par la forme, elle a laisse bien loin derriere elle toutes les gene¬ rations qui la separent de Preseren. Dans son Poeme de la jeunesse ecrit a l’occasion du centenaire de la naissance de Preseren, le poete Oton Zupancic s’est rendu compte de l’importance revolutionnaire de sa generation et a lui- meme constate cette relation lointaine. Des quatre amis qui ont pose les assises de la nouvelle litterature Slovene, deux poetes de grand avenir, Dragotin Kette, philosophe profond a la forme parfaite, et Josip Murn-Aleksandrov le lyrique populaire sont morts tres jeunes. Les deux autres ont tenu a compenser cette perte; ce sont Ivan Cankar 1876—1918, le plus grand poete Slovene en prose et Oton Zupancic ne en 1878, le plus grand poete Slovene apres Preseren. Les oeuvres completes d’lvan Cankar publiees par Izidor Cankar paraissent actuellement; elles consacrent la gloire incontestee de ce maitre du style, de la langue, de la tendre fantaisie, qui fut bien souvent l’objet d’attaques 20 d’une violence extreme, pour avoir dans beaucoup de ses oeuvres fait une satire mordante de la societe et de la politique Slovene contemporaine. A de rares exceptions pres, du moins quant a la prose, toute la jeunesse d’au- jourd’hui le reconnait pour son maitre. Sa forme litteraire penetre a tel point parmi les Slovenes que la generation Slovene d’apres-guerre Ie proclame presque unanimement son ideal et son modele. Le livre Slovene qui, jusqu’ici, a connu le plus de succes a l’etranger est un recit de Cankar empreint dans sa simplicity biblique de mysticisme Slovene, Hlapec Jernej in njegova pravica (Le valet Bar- thelemy et son droit). Oton Zupancic, actuellement administrateur du Theatre national de Ljubljana a, en poesie un role parallele a celui de Cankar dans la prose Slovene. Ses recueils les plus importants sont Cez plan (A travers la plaine), Samogovori (Monologues) et Y zarje Yidove (Aux aurores de la St. Guy). II est egalement Lauteur d’un drame a la forme parfaite, Yeronika Deseniska. Zupancic est un traducteur emerite du fran^ais et de l’anglais; ses traductions de Shakespeare ont enrichi l’expression poetique Slovene. C’est a lui encore que revient le merite d’avoir transforme la langue du theatre Slovene en la rapprochant du veritable parler populaire. Zupancic survit lui aussi a l’influence suggestive et irre¬ sistible qu’il a eue sur la poesie Slovene de la derniere generation. Parmi les poetes de la vieille generation, le plus important est Alojzij Gradnik; apres lui viennent au second rang Silvin Sardenko (A. Merhar), Fran Albrecht, Cvetko Golar, Igo Gruden, Joza Lavrencic et Pavel Golia. Au lendemain de la guerre, les dix dernieres annees s’annoncerent tout d’abord comme devant etre assez revo- lutionnaires. La generation qui s’affirmait se groupa tout d’abord autour de Dom in Svet puis de Trije labodje (Les trois cygnes) et de plusieurs autres revues ephemeres comme d’ailleurs cette derniere. Ce mouvement bientot discipline a forme des groupes que Ton peut aujourd’hui determiner ainsi: Tun, lyrique expressif, s’appuie sur la vie religieuse et compte les poetes Anton et France Vod- nik, Joze Pogacnik et Yital et Bozo Vodusek; 1’autre est represente par le revolutionnaire Anton Podbevsek et le poete social Tone Seliskar qui connait le plus grand succes 21 parxni les poetes du meine genre. En dernier lieu, on voit apparaitre dans la poesie Slovene une sorte de realisme epure a la maniere classique, parallele a la »nouvelle rea- lite des formes« exprime surtout par Edi Kocbek et parfois par Miran Jarc qui fut expressioniste. Srecko Kosovel qui mourut fort jeune etait en dehors de ces groupes. La prose Slovene d’apres guerre ne presente pas ces lignes precises que nous trouvons dans la poesie. Elle est plus liee a Fepoque de Cankar et a son ceuvre, elle subit en partie l’influence d’lvan Pregelj et aussi, elle suit les tendances du moment plus que la poesie. A. Kraigher, Vla¬ dimir Levstik, Anton Novacan, Milan Pugelj, France Bevk, Narte Velikonja et Jus Kozak sont parmi les representants de la vieille generation. Parmi les jeunes sont au premier plan Tone Seliskar, Kranjc Misko et Kranjc Joze, Kresal Rudolf, Magajna Bogomir, Grum Slavko et Mrzel-Frigid Ludvik. II convient de remarquer pour finir que, depuis la guerre, la litterature creatrice se retire a Farriere-ptan, cedant le pas a l’essai et a la critique. Le probleme de notre epoque, le probleme de la vie et de l’art — de la matiere et de l’esprit, da la societe et de la nation semblent passer au premier plan. C’est pourquoi nous ne saurions terminer autrement qu’en parlant de l’extreme developpement de la science Slovene, de l’essai, de la critique artistique et polemique et de l’ideologisme de toutes tendances. Les principales revues litteraires deja citees ont contribue a ce developpement ainsi que d’autres nettement dirigees vers 1’ideologie comme Kriz na gori (La croix sur la montagne), Mladina (Jeunesse), Beseda (La parole), Kritika (La critique), Knjizevnost (La litte¬ rature) et depuis 1933 l’organe de la pensee Slovene libre, Sodobnost (L’epoque contemporaine). Parmi les critiques et les publicistes d’apresguerre, les plus importants sont Izidor Cankar, Franc Koblar, Josip Vidmar, Ferdo Kozak, Fran Albrecht, France et Anton Vodnik, R. Lozar, Debe- ljak Tine, Ocvirk Anton, Edi Kocbek, Stanko Leben et B. Borko. v . Depuis la guerre, la traduction s’est amelioree. Un cer¬ tain nombre d’editions, Modra pfica, Jugoslovanska knji- garna et d’autres de moindre importance font un choix judicieux parmi les oeuvres de la litterature mondiale con- temporaine. On traduit les auteurs frangais, russes, anglais et nordiques puis les ceuvres slaves, allemandes et romanes. Le but de ces editions est de donner, bien presentees, toutes les ceuvres principales de la litterature mondiale. La langue des traductions Slovenes a progresse. Les traductions d’Oton Zupancic qui a donne en Slovene les oeuvres de Shakespeare et des oeuvres contemporaines frangaises et anglaises sont considerees coniine des modeles parfaits de style lingui- stique. Les principaux traducteurs sont Vladimir Levstik (russe, framjais), A. Sovre (latin et grec), Anton Debeljak (langues romanes), A. Gradnik (poesie romane et orientale), Glonar J. A. (langues slaves), Albrecht Fran (allemand et tcheque), Leben Stanko (langues romanes), Vidmar Josip (russe) et d’autres encore. NARODNA IN IJNiVERZITETNA KNJI2NICA Jugoslovanska tiskarna a Ljubljana (K. Cec) ^2 V ' Ljubljana